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| De l'autorité (et de l'expérience) | |
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Narkissos
Nombre de messages : 12461 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Mer 24 Aoû 2022, 12:43 | |
| Gounelle, comme toujours excellent pédagogue...
On aurait pu dire un mot à ce point des mouvements pentecôtistes et charismatiques du XXe siècle qui restent encore très vivaces aujourd'hui, sûrement plus que la plupart des christianismes "historiques", notamment en Amérique latine ou en Afrique: ils brouillent les lignes de démarcation confessionnelles (y compris entre catholicisme et protestantisme au sens le plus large) et ne se laissent pas facilement ranger dans une généalogie historique (pas ou peu de liens directs avec la Réforme radicale du XVIe siècle, ni avec des mouvements biblicistes, enthousiastes ou mystiques, orthodoxes ou hétérodoxes antérieurs); c'est plutôt une résurgence épisodique qu'une continuité repérable et traçable. Il va de soi qu'un pentecôtisme protestant accorde plus d'"autorité" à "la Bible" (protestante), et un catholicisme charismatique à la tradition, à la hiérarchie ou aux sacrements de l'Eglise, mais cette différence même est relativisée par une "pratique" et une "expérience" similaires, susceptibles d'être partagées lors de célébrations communes.
Toutes ces comparaisons mettent par ailleurs en évidence le caractère essentiellement circulaire de l'"autorité", si différent que soit à chaque fois son cercle ou son circuit: en définitive, n'a d'"autorité" pour chacun -- individu ou communauté -- que ce à quoi il reconnaît, attribue, assigne, accorde, consent une "autorité", comme s'il était lui-même une "autorité" supérieure. On ne se réfère pas longtemps à une autorité sans être renvoyé à sa propre responsabilité de l'avoir acceptée en premier lieu: de quelle autorité, de quel droit, a-t-on d'abord reconnu cette autorité comme telle ? Le circuit peut se justifier indéfiniment de l'intérieur, il reste à la merci de la moindre brèche qui l'ouvrirait à l'extérieur et ferait soudain apparaître, sous le système le plus historiquement ou logiquement établi, l'abîme du pur arbitraire... arbitraire qui cependant ne s'exerce jamais sans se déguiser en obéissance à une autorité, se rétracter ou s'invaginer dans une structure d'autorité fondatrice et surplombante, supérieure et antérieure, logiquement et/ou chronologiquement, comme par un tour de passe-passe. On retrouve là le problème de l'arkhè, autre mot traduisible par "autorité", qui dit à la fois l'ancienneté (archaïque, etc.) et le pouvoir (mon-archie, hiér-archie, etc.), "principe et principat", "commencement" et "commandement" dit-on parfois en français pour imiter sa "polysémie". L'"autorité" ce serait justement le commencement, le pouvoir de commencer, s'il y avait jamais rien de tel -- si tout "commencement" ne s'autorisait lui-même, comme par un tour de passe-passe, de quelque principe qui le pré-cède (au commencement Dieu, le logos, etc., toujours déjà quelque chose qui en rendant possible un commencement le rend aussi impossible, l'empêche d'être un commencement, un vrai commencement ou un commencement absolu). |
| | | free
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| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Jeu 25 Aoû 2022, 11:37 | |
| "Quelqu'un de la foule lui dit : Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. Il lui répondit : Qui a fait de moi votre juge ou votre arbitre ? Puis il leur dit : Veillez à vous garder de toute avidité ; car même dans l'abondance, la vie d'un homme ne dépend pas de ses biens" (Luc 1213-15).
Ce texte est intéressant puisqu'il nous dépeint Jésus refusant une autorité qu'un individu aimerait lui attribuer, il y a un refus d'arbitrage. Jésus pose la question suivante : "Qui a fait de moi votre juge ou votre arbitre ?" ; il n’est pas question pour lui de faire œuvre de légiste en affirmant le droit de l’un contre l’autre. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Jeu 25 Aoû 2022, 12:20 | |
| A noter l'allusion à l'Exode (2,14: prince et juge, sar/shopheth, LXX arkhôn/dikastès), reprise en sens contraire dans le discours d'Etienne (Actes 7,27.35): ici c'est Jésus qui ne veut pas être juge, arbitre ou partageur (kritès/meristès; même si la suite, en bifurquant sur le thème de l'avarice ou de l'avidité, éloigne de la question d'autorité, "qui a établi", kathistèmi dans tous les cas); dans l'Exode et chez Etienne, c'est de Moïse qu'on (= le peuple hébreu / juif) ne veut pas comme prince et juge (arkhôn/dikastès), et c'est Moïse que Dieu fait prince et juge quand même, dans un parallélisme obvie au rejet et à l'élévation de Jésus (elles-mêmes doublées par le martyre d'Etienne comme elles étaient préfigurées par le rejet et le retour de Moïse), qui est proclamé juge eschatologique en Actes 10,42; 17,31. Un exemple parmi d'autres que la construction de l'ensemble "Luc-Actes" est bien plus complexe que ne le laissent croire les introductions similaires des deux livres. |
| | | free
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| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Ven 26 Aoû 2022, 13:27 | |
| "Regardez les choses en face ! Si quelqu'un est persuadé qu'il appartient au Christ, qu'il tienne également compte de ceci : s'il appartient au Christ, nous aussi ! Et quand même je serais un peu trop fier de l'autorité que le Seigneur nous a donnée, pour vous construire et non pour vous démolir, je n'en aurais pas honte ; mais je ne veux pas paraître vous intimider par mes lettres. « Car ses lettres, dit-on, sont sévères et fortes ; mais, lorsqu'il est présent en personne, il est faible, et sa parole est méprisable. » Qu'il tienne compte de ceci, celui qui parle de la sorte : tels nous sommes en parole dans nos lettres, étant absents, tels aussi nous serons en œuvre, une fois présents" (2 Co 10,7-11).
Le début et la fin des quatre chapitres se correspondent. Le paragraphe initial 10,1-11 est délimité par une inclusion : à «absent/pré¬ sent » (apôn/parôn) des v. 1-2 répondent «absents/présents » (apontes/ parontes) des v. 10-11. Exactement de la même manière, le paragraphe final 13,1-10 est inclus entre parôn/apôn (v. 2) et apôn/parôn (v. 10, avec un chiasme). Cette antithèse spatiale est associée de part et d'autre, d'une façon qui est l'objet de la controverse avec les Corinthiens, à l'antithèse de deux comportements, caractérisés par des désignations il est vrai diverses de la force et de la faiblesse. Sur cet arrière-fond disputé, Paul affirme au début et à la fin dans des termes identiques que «le Seigneur lui a donné autorité pour la construction et pas pour la destruction » (10,8 et 13,10). La dernière mention est amenée par les mots : «C'est pourquoi je vous écris ceci de loin afin que... » et formule la conclusion de tout le développement. Une telle proclamation démarque solennellement la mission de Paul de celle, beaucoup plus «destructrice » de Jérémie (Jr 1,10 ; 18,7-9). Si l'apôtre peut affirmer en effet qu'il a mandat de «détruire les pensées orgueilleuses » (10,4-5, avec kathairesis et kathairein ; cf. 13,2b-3 à comparer avec Jr 1,9; 13,10a), il revendique tacitement en faveur des Corinthiens l'accomplissement des promesses que le prophète avait énoncées dans une perspective eschatologique : « ainsi parle le Seigneur (Jr 24,5) >... je les construirai et je ne les détruirai plus » (Jr 24,6; 42,10 = LXX 49,10; cf. 31,27s = LXX 38,27s). Ces formules ne se trouvent qu'en ces deux endroits dans toute l'œuvre de Paul.
Ces premières observations suffisent à caractériser l'intention de l'apôtre dans les quatre chapitres : «absent », il annonce aux Corinthiens sa prochaine «présence », en refusant d'être enfermé dans la réputation qu'on lui a faite, à savoir qu'il est fort de loin (comme dans cette nouvelle lettre qu'il écrit !), mais faible de près. Il affirme la vigueur de son autorité apostolique, mais en spécifiant qu'elle est certes pour la destruction des opposants, mais pour la construction des fidèles. Il donne ainsi à sa démarche une fin explicitement pastorale (cf. aussi v. 6). L'enjeu évident est l'opinion des Corinthiens. Cela apparaît en 10,1-11 avec la récurrence de verbes ou de substantifs exprimant un avis : logizesthai v. 2.7.11 ; cf. logismous v. 4 et noèma v. 5 ; ta kata prosôpon blepete v. 7 ; pepoithen v. 7 ; doxô v. 9. La même question du jugement porté sur l'apôtre par les Corinthiens se retrouve d'ailleurs en 13,1-10 (v. 3a. 5.6.7), mais les interpellations deviennent alors avertissements et exhortations pressantes, comme il convient à la fin du propos (13,3a. 5-6). La note pastorale demeure cependant : s'il «implorait » au début ses correspondants (deomai , 10,2), à la fin il «prie Dieu » pour eux {euchometha, 13,7).
https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1990_num_70_1_5053 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Ven 26 Aoû 2022, 15:43 | |
| En 2 Corinthiens 10,8 et 13,10 "autorité" traduit bien exousia (droit, pouvoir, etc.; cf. aussi, dans le corpus paulinien au sens large, 1 Corinthiens 7,37; 8,9; 9,4ss.12.18; 11,10; 15,24; Romains 9,21; 13,1ss; Colossiens 1,13.16; 2,10.15; Ephésiens 1,21; 2,2; 3,10; 6,12; 2 Thessaloniciens 3,9; Tite 3,1).
D'autre part le vocabulaire de la "folie" ne correspond pas exactement à celui de 1 Corinthiens 1--2, où c'est plutôt une "sottise" (môria etc.) qui s'oppose à la "sagesse" (sophia) comme la "faiblesse" (astheneia) à la "puissance"; et pas non plus à la mania associée plus loin aux "charismes", et surtout au "parler en langues" (chap. 14). En 2 Corinthiens 11,1.17.21 il est question d'a-phrosunè (terme "privatif" qu'on peut traduire par "dé-raison" par opposition au "raisonnable" et qu'on ne retrouve, dans le NT, que dans le "catalogue de vices" de Marc 7,22), avec l'adjectif correspondant, a-phrôn, en 11,16.19; 12,6.11 (ailleurs 1 Corinthiens 15,36; Romains 2,20; Ephésiens 5,17; 1 Pierre 2,15; Luc 11,40; 12,20).
Sur l'antithèse construire (ou édifier, pourvu qu'on ne perde pas vue le sens concret derrière la "métaphore" ou le "sens figuré") / détruire (ou démolir), les références à Jérémie sont tout à fait pertinentes, mais ce qui est remarquable dans la formule de 2 Corinthiens c'est l'association de l'"autorité" à un seul pôle: l'"autorité" seulement pour construire et non pour détruire (contrairement à Jérémie, donc). D'autre part, le débat sur la "théologie de la croix" me paraît un faux problème, qui se dissipe dès qu'on perçoit la "transitivité" de cette théologie, particulièrement sensible en 2 Corinthiens, et dont on a déjà souvent parlé: les souffrances, la faiblesse, la "folie" du Christ et sa résurrection, sa vie, son règne, sa gloire ou sa sagesse, cela se rejoue sans cesse de l'un à l'autre, de "nous" à "vous", des "apôtres" aux destinataires (cf. 5,13 où l'antithèse "folie / sagesse" s'exprime encore autrement, ex-istèmi, "être ou se tenir hors de soi", d'où ek-stasis, vs. sôphroneô-sôphrosunè, "être raisonnable", dont l'a-phrôn et l'aphrosunè sont les antonymes)... |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Mar 30 Aoû 2022, 14:52 | |
| - Citation :
- Il y a peut-être un antidote, relatif, à l'autorité, dans la notion d'expérience. Entendue de façon très large, de l'expérience vécue au sens le plus banal, à l'expérience scientifique la plus formellement cadrée et mesurée, en passant par les expériences affectives, sentimentales, religieuses, mystiques, miraculeuses (l'expérience de l'aveugle guéri qui résiste à l'autorité des pharisiens en Jean 9, parodiant entre autres la doxa socratique dont nous parlions il y a peu: "je sais une chose", non "que je ne sais rien", mais que "j'étais aveugle et maintenant je vois"). A l'intérieur même de l'histoire de l'autorité, l'expérience joue un rôle ponctuellement mais obstinément antagoniste.
CRISE DU SAVOIR ET CONFLIT DES INTERPRETATIONS: LA RÉVÉLATION, FAUTEUSE DE TROUBLES À L'EXEMPLE DE JEAN 9 Jean ZUMSTEIN - Professeur, Faculté de Théologie, Université de Zurich. 3.4 Le progrès de la quête de l'aveugle guéri. À nouveau l'aveugle se signale par son fidèle rapport des faits; il s'en tient à ce qui est advenu dans sa vie. Néanmoins, la confrontation avec les pharisiens lui permet de progresser dans l'interprétation de sa guérison. Sa comparution devant l' autorité établie l'amène à percevoir la dimension religieuse de son aventure. Son honnêteté intellectuelle le rend alors capable de franchir le pas auquel se refusent les pharisiens: celui qui actualise le pouvoir créateur de Dieu parmi les hommes est un prophète (v. 17b). 4. L'audition des parents (9,18-23) L'audition des parents de l'aveugle guéri nous confronte à une dimension nouvelle du savoir, à savoir celle de sa perversion. Deux formes de perversion apparaissent dans cette scène. 4.1 La perversion du savoir de l'autorité. Dans la terminologie de Jean, les pharisiens se sont mués en «Juifs», c'est-à-dire en des personnes qui ont choisi le camp de l'incrédulité. Désormais, l'interprétation défendue par les pharisiens est une interprétation fermée et pervertie. Deux éléments du texte le montrent. D'une part, l'autorité religieuse refuse d'admettre la réalité de la guérison (v. 18-19). Puisque la guérison ne saurait être intégrée dans leur système de convictions, elle est niée. C'est un déni de réalité qui disqualifie leurs auteurs. D'autre part, pour rétablir leur pouvoir, ébranlé par la crise inhérente à la venue de la révélation, l'autorité fait acte de pouvoir. Elle instruit un procès destiné à condamner le savoir rebelle. 4.2 La double pensée des parents. L'autre face obscure du savoir est représentée par les parents. Bien que deux questions seulement leur soient posées (la question de la réalité du miracle et celle de sa modalité), les parents répondent à trois questions (ajout de la question de l'auteur). Ils confirment la réalité de la guérison, mais refusent de se prononcer sur la question de 1 a modalité et sur celle de l'auteur. Ils attestent ainsi qu'ils connaissent parfaitement la réalité des faits, mais ils refusent de témoigner (v. 21 : « interrogez-le, il est assez grand, qu'il s'explique lui-même » ). L'interprétation est ici volontairement réduite au silence, car elle pourrait menacer la sécurité de ceux qui en feraient état en public. La manifestation de la vérité s'avère être dangereuse et aboutit à une rupture des solidarités les plus étroites. Le règne de la double pensée a commencé et avec elle celui de l'hypocrisie sociale. 5. Deuxième comparution devant les pharisiens (9,24-34) 5.1 La problématique du passage. Un nouveau pas est franchi dans cette dernière scène de la partie centrale du récit. Ce qui est au centre du conflit des interprétations, ce n'est plus la guérison de l'aveugle de naissance, mais la personne de Jésus. En ce sens, on peut dire que le miracle est devenu signe aussi bien pour l'aveugle que pour les autorités religieuses. Il n'est plus à lui-même le centre de l'attention, mais il renvoie au-delà de lui-même, à la personne de celui qui l'a accompli. La question décisive consiste désormais à statuer sur la personne du fauteur de miracle. Elle consiste à savoir si Jésus est un pécheur (v. 24) ou un envoyé de Dieu (v. 34b). Ce dernier pas interprétatif revêt « La manifestation de la vérité s'avère être dangereuse et aboutit à une rupture des solidarités les plus étroites. Le règne de la double pensée a commencé et avec elle celui de l'hypocrisie sociale » la forme d'une controverse christologique. Mais il ne s'agit pas d'une controverse d'école, mais d'une controverse qui a lieu dans le cadre d'un procès. Les pharisiens, figure du savoir théologique et détenteurs du pouvoir judiciaire, interviennent à titre d'adversaires de Jésus, ils soutiennent l'accusation. L'accusé, quant à lui, devient à la fois l'accusé et l'avocat de Jésus. Le procès en cours est cependant un procès factice. Le but des juges ne consiste pas à rechercher et à établir la vérité, mais à imposer leur propre savoir. L'accusé, parce qu'il refuse de faire acte de contrition (v. 24), se voit irrémédiablement condamné (v. 34b). CONCLUSION c. Le conflit des interprétations n'est pourtant pas stérile, il permet à chaque acteur d'aller au bout de lui-même et de dévoiler les valeurs ultimes qui gouvernent son existence (l'honnête ignorance de l'aveugle clairvoyant, le savoir fermé de l' autorité religieuse, le désir de sécurité des parents, etc.). Selon notre récit, l'interprétation de l'agir de Jésus ne semble pas seulement être une tâche cognitive, mais une entreprise où la totalité de l'existence est mise en jeu. e. Quel est alors le chemin de la foi? L'aveugle clairvoyant progresse d'une double manière. D'une part, il s'en tient avec acharnement à une exacte relation de l'événement qui a transformé son existence, sans d'abord essayer de l'expliquer. Il connaît son ignorance et c'est dans la confrontation avec les autres qu'il prend la mesure de ce qui lui est arrivé. D'autre part, précisément parce qu'il est ouvert et vigilant, il sait recevoir le code là où il se trouve, c'est-à-dire dans la parole de Jésus. g. C'est alors au lecteur de décider s'il veut fermer les yeux et ainsi faire taire le récit ou s'il veut ouvrir les yeux et recomposer son monde à la lumière de celui qu'il a découvert dans le texte. https://wp.unil.ch/lescahiersiltp/files/2019/02/SuppCahiersI |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Mar 30 Aoû 2022, 15:54 | |
| Lien (à l'ensemble du numéro, p. 37ss l'article de Zumstein, qu'on pourra lire là de façon plus suivie). A toutes fins utiles, ta première citation renvoie au post initial du présent fil (9.6.2017) qu'on peut aussi relire (il y est déjà suggéré que l'opposition de l'"autorité" à l'"expérience" est relative et plus problématique qu'on pourrait le croire).
Du point de vue de l'"autorité" et de l'"hypocrisie", on pourrait d'ailleurs rapprocher la péricope synoptique de Marc 11,27ss // Matthieu 21,23ss // Luc 20,1ss, déjà évoquée plus haut -- bien que l'exousia qui est le mot-clé de ce passage ne figure pas en Jean 9: c'est une tout autre histoire, mais le tableau "psychosocial" d'une "autorité" qui finit par se paralyser et/ou ridiculiser de crainte de se contredire est assez similaire, avec la description du calcul des conséquences ("si nous disons... alors..."). |
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| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Ven 02 Sep 2022, 14:03 | |
| Autorité et pouvoir dans l’agir pastoral
Dernier point, the last but not the least… Comment repenser théologiquement le pouvoir et l’autorité ? Le congrès a pris conscience que nos traditions théologiques et nos églises ne sont pas démunies pour penser cette mutation de l’autorité car au cœur de la foi se tient comme l’échec d’une autorité pour une autorité plus grande. L’autorité de l’Évangile peut-elle alors faire du neuf dans le monde ? C’est aussi sans doute une manière de valider ce que Hanna Arendt avait soutenu avec quelques arguments forts. Sans le religieux, les sociétés ne savent plus penser l’autorité. « Il parlait comme celui qui avait autorité » nous a rappelé un intervenant. Le congrès comprit que l’autorité était un échange par la reconnaissance, que l’autorité suppose, par celui qui la reçoit. L’autorité du prédicateur est instituée par la liturgie et le ministère, mais elle est en même temps reçue et accordée par les auditeurs. Le prédicateur comme le scribe n’est pas à l’abri de parler sans autorité. Car ce qui caractérise l’autorité de Jésus c’est qu’elle est kénotique, elle est livrée pour nous et pour notre salut. Celui qui est hors jeu devient figure d’autorité, parce qu’il empêche la porte de se refermer sur notre pouvoir sans autorité. Il n’est pas retenu comme une proie. L’autorité de Jésus rejaillit sur la Bible mais comme une autorité critiquable, c’est une autorité qui a été défaite par le pouvoir religieux et romain, par le pouvoir des riches et des savants et qui se livre naturellement à la lecture populaire. Cette autorité kénotique fragile rejaillit sur la Bible, expression incarnée de cette Révélation unique dont le Mystère pascal est le cœur. D’où un mouvement où, à la fois, la Bible est critiquée parce qu’elle ne possède pas toutes les réponses matérielles à nos questions et en même temps où la Bible est une instance d’autorité critique envers les institutions de par sa constitution kénotique. Mais la modernité apporte une nouvelle critique : celle des sciences certes, mais aussi celle de l’expérience démocratique de chacun. L’individu post-moderne est l’instance de jugement de l’autorité redoublé par la culture Facebook et la force de l’individu en miroir, qu’on se donne à soi à partir d’un narcissisme primaire ou secondaire. Ici, il n’y a pas de corrélation avec la culture, car l’autorité de Jésus propose une autre manière, l’Évangile livre une augmentation de soi par l’accueil d’une autorité qui ne vient pas de nous. Cette autorité kénotique est un don, le pasteur en est l’écho dans sa relation asymétrique et sa gestion légitime du pouvoir au service d’une espérance.
En résumé, plus que les sciences politiques, la philosophie et les sciences de l’éducation, la théologie chrétienne dispose des ressources fortes pour penser le pouvoir et sa médiation dans l’autorité de manière à proposer à l’individu contemporain et aux communautés marquées par la démocratie, une construction de soi dans la référence questionnante à la Bible qui renvoie à l’autorité désarmante de Jésus-Christ. Car reconnaître le maître intérieur, c’est grandir. Il s’agit bien alors d’un autre développement personnel non narcissique, notamment parce « qu’il a traversé le même chemin que les pauvres » et donc il permet par cela que la vie reste une promesse.
https://www.cairn.info/revue-lumen-vitae-2014-3-page-351.htm
Dernière édition par free le Mar 06 Sep 2022, 14:11, édité 2 fois |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Ven 02 Sep 2022, 17:45 | |
| Ce compte rendu de congrès m'a rappelé ce que nous disions plus haut (22.8.2022) du discours théorique (s'agît-il de "théologie pratique") sur le thème de l' autorité, quand il est tenu par des gens qui n'en exercent quasiment plus aucune sur personne, si tant est qu'ils en aient jamais exercé... Il y a toutefois là d'excellentes réflexions, la plus incontournable étant peut-être qu'en effet il n'y a d'" autorité" que reconnue, écoutée, crue, obéie, consentie, voulue ou acceptée par ceux qui s'y soumettent, y compris dans la plus violente dictature: la force ne devient autorité ou pouvoir (inutile à mon sens de jouer sur les mots pour les distinguer) que dans la mesure où elle ne s'exerce pas directement et instantanément, mais se laisse médiatiser, différer et temporiser par toute sorte de mécanismes: peur du châtiment ou de conséquences néfastes à venir, proches ou lointaines, désir de récompense ou de conséquences heureuses, mais aussi persuasion rhétorique, fascination esthétique, manipulation sentimentale, mimétisme, habitude, intérêt bien ou mal calculé, tout l'attirail plus ou moins dissimulé mais nécessaire à la construction d'une "raison" ( logos) ou d'une "loi" ( nomos) de l' autorité, une "raison du plus fort" (fût-il le plus nombreux) qui n'est jamais simplement "la force"... (ce que nous avions déjà un peu médité ici, ou là). |
| | | free
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| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Mer 07 Sep 2022, 12:04 | |
| Ce qui est donné et ce qui est espéré dans l’expérience
Voilà qui dit encore trop peu, mais à partir de quoi il est possible d’avancer en deux directions. Celle de l’expérience d’abord, qui livre sans hiérarchie tout ce qui nous arrive, le plus infime comme le plus bouleversant, le rêve dont les contours s’estompent au petit matin comme la première nuit passée avec l’être aimé, les nuages « les merveilleux nuages » qui glissent sur le bleu du ciel comme la vastitude du ciel. Tout ce qu’il y a nous vient ainsi pêle-mêle, sable et neige, pierre et arbres, hommes et étoiles, sans premier plan ni arrière-plan, ou plutôt sans autre ordre que la succession contingente de nos impressions au fil du plus et du moins proche. Les journaux d’écrivain, où le plus anodin côtoie les séismes les plus profonds à même de secouer une vie, témoignent de cette égalité de l’expérience où, initialement et de droit, tout ce qui arrive est doté d’une égale dignité. Non seulement « au commencement est l’expérience », comme expérience pure et réduite à soi, sans le mélange d’aucune interprétation qui superposerait langage et signification à son mutisme, quand le phénomène s’offre à nous dans les limites de la seule expérience pour ainsi dire, mais encore « l’expérience elle-même est l’autorité », ce à quoi nos discours doivent revenir sans cesse pour y puiser leur ressource, sans quoi ils ne font que rêver autour de l’être au lieu de le dire. Ce qui emporte deux conséquences : l’ouverture de l’expérience (au pluriel des possibles) et son exposition (au danger).
Parce que l’autorité est liée au fait de l’expérience et non à son contenu, aucune expérience particulière ne peut en effacer une autre au motif qu’elle aurait plus de poids ou de valeur. Ici congé doit être résolument donné aux discours de consolation (théodicées) qui s’efforcent de mesurer ce qu’il y a de bien ou de mal dans le monde pour décider qu’une part de l’expérience l’emporte définitivement sur l’autre. Autrement dit il n’y a pas d’expériences possibles auxquelles il faudrait faire plus de droit qu’à d’autres. Le retour d’Ulysse à Ithaque ne compte pas davantage que les péripéties de l’Odyssée (Circé, Calypso, Polyphème, les sirènes…) au motif qu’il clôt de manière heureuse une traversée riche en périls. Ulysse n’est pas moins Ulysse au milieu des épreuves chantées par Homère que dans le repos qu’il trouve au dernier chant auprès de Pénélope. Ulysse est l’histoire entière d’Ulysse. L’expérience en elle-même est sans privilège. Dit encore autrement, avec Jean-Yves Lacoste, les descriptions du phénoménologue portent à égalité sur tout ce qui se présente :
« La phénoménologie husserlienne se conçoit comme un retour à toute chose et n’importe quelle chose et non pas comme l’élucidation d’Erlebnisse privilégiés : tous les phénomènes sont égaux et d’égale importance. Face à ce qui lui apparaît, la conscience est toujours égale à elle-même : le même moi, muni des mêmes aptitudes à l’expérience, fait indifféremment l’expérience du beau et du laid, du bien et du mal, de l’angoisse donc et de l’être-en-paix (dont Husserl, faut-il le préciser, ne parle pas). »
Une expérience ne se réfute pas, pas même au motif qu’une autre expérience se substituerait à elle, chacune étant douée de la même autorité, de sorte que vaudrait pour le concept d’expérience ce que Stanislas Breton écrivait du monde dans une traduction par ailleurs discutable du premier aphorisme du Tractatus de Wittgenstein : « Le monde est tout ce qui arrive en nous tombant dessus ». Et si l’expérience nous livre à égalité tout ce qui arrive, c’est bien parce qu’elle s’ouvre en amont à tous les possibles, sans la moindre hiérarchie entre une expérience de premier plan et une expérience d’arrière-plan. Ce qui veut dire qu’elle s’expose à égalité au plus heureux et au plus dangereux, à ce qui nous soulève de joie comme à « l’insoutenable vérité du désastre ». (Quand souffle le vent du Danger et que l’expérience ne s’y dérobe pas, le mot de Maurice Blanchot prend toute sa force : « L’expérience elle-même est l’autorité, mais l’autorité s’expie »).
https://inprjournal.pubpub.org/pub/crossing1-expositio-degramont/release/3 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12461 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Mer 07 Sep 2022, 12:21 | |
| Très bel article (ici un autre lien un peu plus pratique, avec les notes en bas de page plutôt qu'à la fin du texte). La portion que tu cites conviendrait d'ailleurs tout aussi bien à notre discussion plus ou moins parallèle sur l'autorité et l'expérience. Mais tout est lié, il y a autant de "fatalité" que d'" autorité" dans l'"expérience", et une certaine "foi" est aussi requise partout, ne serait-ce que pour interpréter quoi que ce soit. Je doute pour ma part, à propos du premier paragraphe de ta citation, qu'il y ait jamais la moindre "expérience" tout à fait dénuée d'interprétation (ce serait peut-être le "réel" lacanien, c.-à-d. le "symptôme" à la répétition duquel je me heurte sans pouvoir le "symboliser" ni l'"imaginariser", le nommer ni le concevoir; un peu comme ce contre quoi je me cogne dans l'obscurité sans savoir que c'est "une table" ni pouvoir l'associer à ce qu'est "une table", sans signifiant ni signifié donc). L'interprétation d'une expérience peut changer, mais l'expérience aussi change au gré du jeu ou du travail de la mémoire, de l'intelligence, du récit, qui distingue (provisoirement) l'important du négligeable ou le significatif de l'insignifiant, retranchant, ajoutant, transformant dès le premier mot. La surtraduction de Wittgenstein par Breton est amusante: l'allemand dit " Die Welt ist Alles, was der Fall ist, soit "le monde est tout ce qui est le cas (= Fall)", autrement dit "tout ce qui arrive", ce qui n'est pas nécessairement catastrophique (notre mot "cas" aussi vient de casus = chute, ce qui arrive = ce qui tombe comme ça tombe, bien, mal ou indifféremment selon le point de vue; cf. aussi les "accidents" d'Aristote en traduction latine et française classique). Cela rejoint par ailleurs les réflexions pondérales sur le lourd et le léger, la descente et l'ascension (cf. encore Simone Weil, La pesanteur et la grâce), dont la physique moderne a quelque peu compliqué l'antagonisme (il n'y a que du plus ou moins lourd, rien ne s'élève sans que quelque chose s'abaisse, rien en somme que de la différence -- de poids, de masse, de forme, de structure, de vitesse, d'orientation -- et non plus des "principes" opposables comme "la légèreté" contre "la pesanteur"; plus même, à vrai dire, de haut et de bas)... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Mer 07 Sep 2022, 12:25 | |
| - Citation :
- Très bel article (ici un autre lien un peu plus pratique, avec les notes en bas de page plutôt qu'à la fin du texte). La portion que tu cites conviendrait d'ailleurs tout aussi bien à notre discussion plus ou moins parallèle sur l'autorité et l'expérience. Mais tout est lié, il y a autant de "fatalité" que d'"autorité" dans l'"expérience", et une certaine "foi" est aussi requise partout, ne serait-ce que pour interpréter quoi que ce soit.
Je m'étais rendu compte de mon erreur et avant que tu ne fasse ton commentaire j'avais transféré mon post sur le fil l'autorité et l'expérience . |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12461 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Mer 07 Sep 2022, 13:48 | |
| A mes yeux ce n'était pas vraiment une erreur, parce que cela convenait aussi très bien au thème de la fatalité. Je m'en vais d'ailleurs y ajouter un lien... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Jeu 08 Sep 2022, 12:23 | |
| L’expérience intérieure
Du côté philosophique, il s’agit d’en finir avec la division analytique des opérations, par là d’échapper au sentiment de vide des interrogations intelligentes. Du côté religieux, le problème résolu est plus lourd. Les autorités, les valeurs traditionnelles, depuis longtemps n’ont plus de sens pour un grand nombre. Et la critique à laquelle la tradition a succombé ne peut être indifférente à ceux dont l’intérêt est l’extrême du possible. Elle se lie à des mouvements de l’intelligence voulant reculer ses limites. Mais – il est indéniable – l’avancée de l’intelligence eut pour effet secondaire de diminuer le possible en un domaine qui parut à l’intelligence étranger : celui de l’expérience intérieure.
Encore est-ce peu de dire diminuer. Le développement de l’intelligence mène à un assèchement de la vie qui, par retour, a rétréci l’intelligence. C’est seulement si j’énonce ce principe : « l’expérience intérieure elle-même est l’autorité », que je sors de cette impuissance. L’intelligence avait détruit l’autorité nécessaire à l’expérience : par cette façon de trancher, l’homme dispose à nouveau de son possible et ce n’est plus le vieux, le limité, mais l’extrême du possible.
Ces énoncés ont une obscure apparence théorique et je n’y vois aucun, remède sinon de dire : « il en faut saisir le sens du dedans ». Ils ne sont pas démontrables logiquement. Il faut vivre l’expérience, elle n’est pas accessible aisément et même, considérée du dehors par l’intelligence, il y faudrait voir une somme d’opérations distinctes, les unes intellectuelles, d’autres esthétiques, d’autres enfin morales et tout le problème à reprendre. Ce n’est que du dedans, vécue jusqu’à la transe, qu’elle apparaît unissant ce que la pensée discursive doit séparer. Mais elle n’unit pas moins que ces formes – esthétiques, intellectuelles, morales – les contenus divers de l’expérience passée (comme Dieu et sa Passion) dans une fusion ne laissant dehors que le discours par lequel on tenta de séparer ces objets (faisant d’eux des réponses aux difficultés de la morale).
L’expérience atteint pour finir la fusion de l’objet et du sujet, étant comme sujet non-savoir, comme objet l’inconnu. Elle peut laisser se briser là-dessus l’agitation de l’intelligence : des échecs répétés ne la servent pas moins que la docilité dernière à laquelle on peut s’attendre.
http://palimpsestes.fr/textes_philo/bataille/experience-interieure.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12461 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: De l'autorité (et de l'expérience) Jeu 08 Sep 2022, 15:38 | |
| Bataille, à lire et à relire, en particulier ce livre-ci, fondateur (première édition 1943), fascinant et saisissant de part en part -- on y retrouvera le dialogue avec Blanchot évoqué hier, à propos de l'expérience qui est l' autorité mais qui (en tant que telle, en tant qu' autorité) s'expie (c'est peut-être par là que tu y es arrivé, en tout cas cela valait le détour). Bien entendu, une "expérience intérieure", si authentique et originale soit-elle, ne se construit que dans un rapport constant avec un "extérieur" et un "antérieur" -- langue, culture, religion, tradition, littérature, art: celle de Bataille, à l'évidence, est aussi intertextuelle qu'intérieure, et cela n'enlève rien à son authenticité ni à son originalité... Il n'y a cependant "expérience" (du moins "ressentie" comme telle) qu'au point où celle-ci s'affranchit d'un simple rapport d'obéissance, de soumission, d'imitation, de répétition ou même de réaction à l'extérieur-antérieur; et il suffit d'un pas de plus, ou de trop mais pas évitable pour autant, pour qu'elle devienne " autorité" non seulement pour soi-même, mais pour d'autres, susceptible à son tour d'obéissance, de soumission, d'imitation, de répétition, de réaction; cela en effet se paierait cher, si toutes les traditions -- y compris celles dont se nourrit la moindre expérience -- n'étaient à ce prix. L'idée d'" autorité sur soi(-même)" est d'ailleurs extrêmement problématique, qu'on la pense sur le modèle de l' arkhè (commencement-commandement, principe-principat) ou de l' exousia (droit, pouvoir, liberté, de toute façon excès et défaut de "soi" à "soi"): qui commande et qui obéit, qui commence et qui suit, imite, répète, etc. ? Dans une telle structure réflexive (miroir, cf. ici), que requiert aussi bien la notion d'"expérience" que celle d'" autorité", il y va d'une impossible et inévitable division du "soi" (âme, sujet, personne, identité, etc.), et d'autant de fiction, d'artifice ou de jeu que de "vérité". Je repense à deux usages néotestamentaires réflexifs et cependant très différents d' exousia, 1) dans le fameux passage de Jean 10,17s ( autorité, droit, pouvoir, liberté de déposer son âme-vie, psukhè, et de la reprendre ou de la recevoir à nouveau; cf. 1,12; 5,27; 17,2; 19,10s les autres occurrences d' exousia dan le quatrième évangile) et 2) dans un texte paulinien beaucoup plus anecdotique sur le célibat, 1 Corinthiens 7,37 (ne pas avoir de nécessité, anagkè, mais autorité, droit, pouvoir, liberté concernant sa propre volonté, exousian... peri tou idiou thelèmatos; cf. 8,9; 9,4ss.12.18; 11,10; 15,24; 2 Corinthiens 10,8; 13,10; Romains 9,21; 13,1ss; Colossiens 1,13.16; 2,10.15; Ephésiens 1,21; 2,2; 3,10; 6,12; 2 Thessaloniciens 3,9; Tite 3,1; 1 Pierre 3,22; Hébreux 13,10 les occurrences pauliniennes ou simili-pauliniennes d' exousia..; on remarquera, dans cette longue liste, que l'" autorité" est aussi bien "bonne" que "mauvaise", et divine, angélique, démoniaque, humaine, païenne, chrétienne, politique, apostolique...). A rapporter à la question de Schopenhauer: est-on libre de vouloir ce qu'on veut ? |
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