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 autorité, obéissance, foi, étonnements

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Narkissos

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MessageSujet: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeLun 23 Mar 2020, 12:07

Alors que Jésus entrait à Capharnaüm, un centurion vint à lui, le suppliant: Seigneur, mon serviteur/enfant (pais) est couché à la maison, paralysé et cruellement tourmenté. Jésus lui dit: Je vais venir le guérir. Le centurion lui répondit: Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole et mon serviteur/enfant sera guéri. Car moi aussi je suis un homme sous autorité (exousia), ayant des soldats sous moi; je dis à l'un: Va, et il va, à l'autre: Viens, et il vient, et à mon esclave (doulos): Fais ceci, et il le fait. Quand il entendit cela, Jésus s'étonna et dit à ceux qui suivaient: Amen, je vous le dis, chez personne en Israël je n'ai trouvé une telle foi. Or je vous dis que beaucoup viendront du levant et du couchant et s'étendront (à table) avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux, tandis que les fils du royaume seront jetés dans la ténèbre (la plus) extérieure; là il y aura les pleurs et les grincements de dents. Et Jésus dit au centurion: Va, qu'il t'advienne selon ta foi; et à cette heure même son serviteur/enfant fut guéri.
Matthieu 8,5ss [// Luc 7,1ss, qui entre autres choses dissipe l'ambiguïté de pais, paidos (serviteur, enfant, adolescent, jeune homme, comme le n`r hébreu; cf. "pédagogie", "pédiatrie", "pédérastie", "pédophilie", etc.) en le remplaçant par doulos (esclave); multiplie les médiations en faisant d'abord passer le centurion par l'intercession des anciens des Juifs, qui font valoir sa générosité pour l'ethnos juif (il a fait construire une synagogue; cf. le Corneille d'Actes 10), puis envoyer des amis (philoi) pour retenir Jésus d'entrer chez lui, expliquant qu'il se jugeait indigne de se présenter lui-même; et déplace le logion sur le "banquet eschatologique" avec Abraham, Isaac et Jacob dans un tout autre contexte (13,28s); noter aussi les analogies entre ce récit et celui de la guérison-résurrection de la fille du chef de la synagogue qui encadre celui de l'hémorroïsse: Jaïre (-os, -us) en Marc 5 et Luc 8, anonyme en Matthieu 9; et surtout la guérison du fils de l'"officier royal" en Jean 4,46ss]

C'est un passage très connu – surtout dans l'Eglise catholique, où la formule "Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir..." a été intégrée à la liturgie eucharistique. Mais plus que la leçon de l'"humilité", d'aussi loin que je me souvienne, c'est le rapport entre la « foi » et le fonctionnement de l'« autorité » hiérarchique et spécialement militaire qui m'a toujours paru étonnant – comme si l'exécution quasi automatique de la parole-ordre du chef par ses subordonnés, chose plutôt prosaïque, triviale, voire consternante à mes yeux, était la meilleure illustration du "mystère" chrétien...

On peut deviner beaucoup de raisons possibles à cet "ajout" de Matthieu par rapport à Marc (qu'il l'ait ou non trouvé dans une autre "source" hypothétique, dite "Q"): par exemple, dans la ligne de nombreuses autres modifications rédactionnelles du texte de Marc (ainsi l'histoire de l'hémorroïsse), atténuer l'aspect "magique" ou "technique", "mécanique" ou "chimique", "physique" ou "tactile", des miracles de Jésus (parfois spontanés et même involontaires, comme pour l'hémorroïsse, parfois au contraire laborieux) en mettant sa parole au centre (le Christ matthéen est d'abord le maître-enseignant, l'autre Moïse, l'interprète parfait de la loi, et il n'est que logique que ses miracles aussi soient rapportés à sa parole, fût-ce dans une toute autre fonction que celle de l'enseignement).

L'exousia ("autorité, droit, pouvoir") était déjà un mot-clé de Marc (1,22.27; 2,10; 3,15; 6,7; 11,28ss; 13,34), plutôt au sens de "pouvoir" ou de "droit" d'agir ou de parler que d'"autorité" de l'"enseignant"; celle-ci n'en était cependant pas absente (dès la première référence), mais Matthieu lui confère une importance bien plus grande en donnant à l'enseignement un contenu substantiel (cf. 7,29 en conclusion du "Sermon sur la montagne", totalement absent de Marc). L'"autorité" du chef ou du supérieur hiérarchique, de l'ordre ou de la consigne, est encore autre chose, qui se rapprocherait plutôt du "pouvoir" d'"exorcisme", en tant qu'injonction efficace adressée aux "esprits impurs". Quoi qu'il en soit, elle a l'air d'étonner assez l'officier qui en est pourtant familier, habitué à l'exercer comme il la subit, pour qu'il ne s'étonne plus de l'étonnant par excellence, le pouvoir miraculeux d'un thaumaturge à distance. Que "ça marche", c'est aussi et aussi peu étonnant pour lui. Et du coup c'est Jésus qui s'en étonne.
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeLun 23 Mar 2020, 16:32

Narkissos ta lecture de ces passages est très intéressante et fait ressortir l'étonnement de Jésus que peu de théologiens, me semble-t-il, ont mis en valeur. Souvent ce passage est cité pour renforcer le pouvoir du Seigneur.

Pour mon compte j'avais repéré la foi de ce centurion que Jésus avait jugé importante mais que je restais perplexe en lisant la suite évoquant les pleurs et les grincements de dents.
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeLun 23 Mar 2020, 20:50

La guérison des fils de Gamaliel et de Yohanan ben Zakkai La guérison du fils de Gamaliel est racontée par les deux Talmuds. T.J. Berakhoth V, 9d nous en donne la version la plus simple et probablement la plus primitive32. Deux disciples de Gamaliel avertissent Hanina qui se retire dans la chambre haute. Lorsqu'il redescend, il annonce la guérison. Les disciples notent l'heure. A ce même moment, le fils de Gamaliel avait demandé de la nourriture (cf. texte 6).

En T.B. Berakhoth 34b (cf. texte 7), le même récit se présente avec une insertion importante: la citation d'Am 7, 14: «Je ne suis pas prophète ni fils de prophète», et surtout la citation de Mishna Berakhoth 5, 5 : «Si ma prière est coulante dans ma bouche, je sais qu'il ( = le malade) est accepté; si c'est le contraire, je sais qu'il est rejeté». Lorsque les mots de sa prière ne sont pas les siens propres, mais lui sont directement inspirés par Dieu, Hanina sait avec certitude que sa prière est exaucée et que le malade est guéri.

Les analogies avec la guérison du serviteur du centurion (Mt 8, 5-13 et Le 7, 1-10) ou du fils d'un fonctionnaire royal (Jn 4,46-53) sont évidentes. De part et d'autre: 1. il s'agit d'une guérison à distance; 2. on note la coïncidence de l'heure à laquelle la guérison a été proclamée et réalisée de fait; 3. l'expression «la fièvre l'a quitté» se retrouve à la fois dans le Talmud de Babylone et chez Jn 4, 52 ; 4. la question malveillante des disciples de Gamaliel: «Es-tu prophète?» rappelle l'introduction du récit chez Jean: «un prophète n'a pas d'estime dans sa propre patrie» (Jn4,44).  https://www.persee.fr/docAsPDF/thlou_0080-2654_1984_num_15_1_2020.pdf





Citation :
L'"autorité" du chef ou du supérieur hiérarchique, de l'ordre ou de la consigne, est encore autre chose, qui se rapprocherait plutôt du "pouvoir" d'"exorcisme", en tant qu'injonction efficace adressée aux "esprits impurs". Quoi qu'il en soit, elle a l'air d'étonner assez l'officier qui en est pourtant familier, habitué à l'exercer comme il la subit, pour qu'il ne s'étonne plus de l'étonnant par excellence, le pouvoir miraculeux d'un thaumaturge à distance. Que "ça marche", c'est aussi et aussi peu étonnant pour lui. Et du coup c'est Jésus qui s'en étonne.

Effectivement, Jésus fut étonné de la confiance illimitée que lui témoignait le Romain et il en déduisit aussitôt des conséquences théologiques :

Amen, je vous le dis, chez personne en Israël je n'ai trouvé une telle foi. Or je vous dis que beaucoup viendront du levant et du couchant et s'étendront (à table) avec Abraham, Isaac et Jacob dans le royaume des cieux, tandis que les fils du royaume seront jetés dans la ténèbre (la plus) extérieure; là il y aura les pleurs et les grincements de dents.

Les descendants d'Abraham s'excluent du royaume de Dieu te dans le même temps des non-juifs entrent par la foi dans ce royaume. Le récit ne n'indique pas que Jésus se soit rendu au domicile du centurion et ne mentionne pas une conversion de cette officier Romain.  A priori le centurion continua son métier de soldat et a pratiquer sa religion. Jésus n'exigea rien de lui, sa foi fut amplement suffisante.
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeMar 24 Mar 2020, 02:03

Article (de van Cangh) très instructif, et néanmoins amusant, sur la tradition rabbinique des miracles -- malgré son côté apologétique-chrétien qui me paraît (36 ans plus tard) d'une grande naïveté... (Comme je le remarquais dernièrement dans le fil sur l'épître aux Hébreux, c'était encore l'époque où, pour la plupart des exégètes, tous les "parallèles" phariséo-rabbiniques, même très approximatifs, valaient mieux que des références hellénistiques.)

Ainsi que je l'ai indiqué plus haut, Luc place le logion sur le banquet eschatologique avec Abraham, Isaac et Jacob opposé aux ténèbres, aux pleurs et aux grincements de dents (13,28s) dans un tout autre contexte (série d'enseignements en forme de parabole et non plus récit de miracle, v. 22ss). Mais Matthieu, pour sa part, ne rate pas une occasion de donner l'avantage aux "païens" sur les "juifs" (antijudaïsme extrêmement violent et paradoxal, quand on sait que c'est aussi le plus "juif" des évangiles, défenseur de la pérennité de la Torah contre la tradition paulinienne; c'est sans doute d'abord un antipharisaïsme, mais dans la situation de reprise en main du judaïsme par les pharisiens après 70 il ne se distingue plus du tout d'un antijudaïsme): depuis la généalogie qui met en valeur les "païennes" et les "mages" d'Orient opposés aux scribes de Jérusalem (chap. 1--2), en passant par notre centurion et la "syro-phénicienne" devenue "cananéenne" (chap. 15), jusqu'aux sentences définitives (et pour nous difficilement soutenables) de 21,43, du chapitre 23 ou de 27,25.

Au passage, qui dit "centurion" (en grec hekatontarkhès, chef de cent, centenier comme on disait naguère; ce n'est pas ici la transcription du latin, comme en Marc 15 p. ex.) ne dit pas forcément "romain" (pour Corneille ce sera précisé par référence à la cohorte italique, ou italienne) -- les officiers de l'armée romaine n'étaient pas tous romains; mais "non-juif" ("gentil", "païen"), certainement.

Pour revenir au "mystère ordinaire" sur lequel j'ai tenté d'attirer l'attention dans mon premier post -- celui, précisément, de l'ordre (commandement, injonction, consigne, etc.) et de son exécution obéissante et quasi automatique -- je dois dire qu'il m'a été rappelé par l'actualité de ces derniers jours: je trouve assez fascinant en effet de voir comment un pays ou un monde où les mots de liberté, d'insoumission, de rébellion, de révolte ou de désobéissance civile, étaient très valorisés, peut être amené du jour au lendemain à l'obéissance unanime, et en redemander...
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeMer 25 Mar 2020, 19:23

Citation :
Pour revenir au "mystère ordinaire" sur lequel j'ai tenté d'attirer l'attention dans mon premier post -- celui, précisément, de l'ordre (commandement, injonction, consigne, etc.) et de son exécution obéissante et quasi automatique -- je dois dire qu'il m'a été rappelé par l'actualité de ces derniers jours: je trouve assez fascinant en effet de voir comment un pays ou un monde où les mots de liberté, d'insoumission, de rébellion, de révolte ou de désobéissance civile, étaient très valorisés, peut être amené du jour au lendemain à l'obéissance unanime, et en redemander...

La peur suscitée (réelle, supposée, justifiée ou non) est un excellent levier qui permet de "manipuler" (ce n'est pas obligatoirement péjoratif) ou de rendre obéissant la foule et le peuple. L'obéissance militaire est le résultat d'un conditionnement, c'est la première chose que le soldat apprend, c'est le premier réflexe que l'on lui inocule et l'armée répète continuellement qu'elle réclame l'obéissance et non la réflexion (ce qui, en temps de guerre, peut avoir son utilité. Chez les TdJ, nous observons le même conditionnement, la notion d'obéissance te de soumission sont continuellement rappelées, obéir au CC revient à obéir à Dieu et désobéir au CC correspond à désobéir à Dieu. Enfin je pense que l'admiration et le respect d'une sagesse particulière peuvent amener des personnes à l'obéissance à un "gourou" ou à un "maître", sans qu'il soit nécessaire de procéder à un conditionnement.

Un extrait qui n'est pas en lien direct avec notre texte :

 Pour parler d’autorité, il faut plus : il faut que la réalité d’une parole s’impose comme ce qui fait agir celui qui l’éprouve, il faut qu’une parole s’incarne. Alors, effectivement, on obéit au-delà de la loi. « Même si le Christ nous a libérés de la loi, il ne nous a pas libérés de l’obéissance » (p. 148). A quoi on pourrait ajouter : c’est en se libérant de la loi qu’on entre dans l’obéissance, comme obéissance à une autorité. 

  L’obéissance, chez le chrétien, appartient à la foi, parce que la foi est foi en une réalité, parce que la Révélation a pour le chrétien « un caractère de réalité » (p. 132) – et il faut dire ici, parce qu’elle fait pour la première fois toucher une réalité dans l’ordre de l’expérience humaine. Du coup, l’effet de la volonté d’où résulte l’obéissance n’est pas déclenché de l’extérieur par un assentiment théorique préalable. Il appartient au mouvement par lequel la foi se vit, il fait partie de la foi, comme épreuve de réalité, au regard de laquelle toute dialectisation des possibles et tout légalisme éthique restent impropres. https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2011-1-page-149.htm
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeJeu 26 Mar 2020, 11:59

Article assez hallucinant à première vue, mais intéressant si on le prend comme le portrait, ou la caricature, d'un certain christianisme (un christianisme non seulement possible mais historique, effectivement dominant dans l'Eglise catholique jusqu'au milieu du XXe siècle, celui auquel Peterson va se convertir); portrait ou caricature qui dépend aussi d'un autre point de vue, ici inapparent, celui du judaïsme qui est l'objet majeur des travaux de Karsenti. Le discrédit jeté sur d'autres christianismes, notamment protestants (et aussi différents que ceux de Harnack, Barth et Bultmann), s'explique bien sûr tout autrement d'un point de vue catholique (apologétique confessionnelle) ou juif (pour lequel il s'agit avant tout de circonscrire l'"adversaire", ce catholicisme-là comme seul christianisme "sérieux"); à tout autre point de vue ça se discute...

Le thème de l'obéissance est inégalement et différemment sollicité dans les textes du NT, qui ne lui accordent pas tous la même importance et n'en ont pas tous le même concept. L'"obéissance de la foi" (hupakoè pisteôs) opposable à "la loi" est surtout caractéristique de l'épître aux Romains (1,5; 16,26; cf. 5,19; 6,12.16s; 10,16; 15,18; 16,19) et du paulinisme qui l'entoure (de la correspondance corinthienne aux deutéro-pauliniennes). Chez Matthieu l'"obéissance" n'est pas un mot clé (seuls le vent et la mer "obéissent", 8,27 d'après Marc 4,41) et encore moins un thème opposable à la loi ou aux commandements qu'il s'agit plutôt de "garder".
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeJeu 26 Mar 2020, 14:31

"non pas que nous voulions exercer une maîtrise sur votre foi : nous sommes plutôt des collaborateurs pour votre joie, puisque c'est par la foi que vous tenez." 2 Cor 1,24 

Paul affirme ne pas vouloir dominer la foi de ses compagnons mais a manifesté à de nombreuses reprises un véritable autoritarisme.


Comment expliquer le silence de Jésus sur l'origine de l'autorité qui l'anime ?

"Il se rendit au temple ; pendant qu'il enseignait, les grands prêtres et les anciens du peuple vinrent lui demander : De quelle autorité fais-tu cela ? Qui t'a donné cette autorité ? Jésus leur répondit : Moi aussi, je vais vous poser une question, une seule ; si vous me répondez, je vous dirai de quelle autorité je fais cela. Le baptême de Jean, d'où venait-il ? Du ciel, ou des humains ? Eux raisonnaient, se disant : Si nous répondons : « Du ciel », il nous dira : « Alors pourquoi ne l'avez-vous pas cru ? » Et si nous répondons : « Des humains », nous pouvons craindre la foule, car tous tiennent Jean pour un prophète. Ils répondirent donc à Jésus : Nous ne savons pas. Il leur dit à son tour : Moi non plus, je ne vous dis pas de quelle autorité je fais cela." (Mt 21,23ss)
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeJeu 26 Mar 2020, 19:24

N.B.: en 2 Corinthiens 1,24 c'est le verbe kurieuô -- dérivé de kurios, "seigneur, maître". En Matthieu 21 comme dans sa "source" (Marc 11), par contre, c'est bien l'exousia dont on parlait plus haut. (Soit dit en passant, si le Paul de 2 Corinthiens nie toute "seigneurie" ou "maîtrise" de kurios, il assume en revanche l'"autorité"-exousia de l'apôtre, 10,8; 13,10.)

Dans Marc, la question de l'exousia de Jésus (qui est aussi bien son "droit" ou sa "liberté" que son "autorité" ou son "pouvoir") est centrale: aux références que j'ai indiquées dans le post initial (1,22.27; 2,10; 3,15; 6,7; 11,28ss; 13,34), il faut ajouter les occurrences du verbe correspondant, exeimi -> exesti(n), pour ce qui est ou non "permis" ou "autorisé", objet de toutes les controverses (2,24.26; 3,4; 6,18; 10,2; 12,14). Le refus de répondre à la question cruciale de la source de cette autorité-pouvoir-droit-liberté (par quelle autorité <=> de quel droit) est habituellement interprété dans la veine du "secret messianique" -- il faudrait peut-être plutôt parler d'incognito du Christ ou du Fils de Dieu: Jésus refuse et interdit ostensiblement (aux esprits impurs, aux malades guéris ou aux possédés exorcisés comme aux disciples une fois qu'ils l'ont compris) de dire qui il est (question cruciale, cf. l'autre leitmotiv "qui est-il, celui-là"), jusqu'au "procès" final (inclus ou non selon les variantes textuelles: 14,61s, "je le suis" ou "c'est moi", egô eimi, OU "c'est toi qui dis que je le suis").

Matthieu hérite de cette problématique avec la trame narrative de Marc, qu'il ne change que marginalement mais parfois de façon significative: outre la péricope dont nous sommes partis (8,5ss), on peut noter le commentaire de 9,8: l'exousia du fils de l'Homme, quant à la rémission des péchés (v. 6//), est interprétée comme exousia des hommes et non d'un seul (à mettre sans doute en parallèle au "pouvoir de lier et de délier" aux chapitres 16 et 18). Bien entendu, chez Matthieu, l'exousia en question ne va jamais contre la loi, ce qui oblige la rédaction à ruser constamment avec le texte de Marc pour en écarter tout soupçon d'anomie; c'est une "autorité" d'interprétation de la loi qui, elle, reste entièrement valide (5,17ss etc.). Un autre ajout remarquable est dans l'ultime conclusion (28,18): toute exousia m'a été donnée au ciel et sur la terre.
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeJeu 02 Avr 2020, 11:30

Qu'en pensez-vous ? Un homme avait deux fils ; il s'adressa au premier et dit : Mon enfant, va travailler dans la vigne aujourd'hui. Celui-ci répondit : « Je ne veux pas. » Plus tard, il fut pris de remords, et il y alla. L'homme s'adressa alors au second et lui dit la même chose. Celui-ci répondit : « Bien sûr, maître. » Mais il n'y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du père ? Ils répondirent : Le premier. Jésus leur dit : Amen, je vous le dis, les collecteurs des taxes et les prostituées vous devancent dans le royaume de Dieu." (Mt 21,28ss)

Dans cette parabole décrit un homme qui possédait un vignoble et qui avait deux fils à qui il demande successivement d'aller à son vignoble pour travailler. Sa requête 'va travailler aujourd'hui' était un ordre. Il ne leur laissait pas le choix de faire autre chose. Le premier fils répondit, "Je ne veux pas" d'une manière directe et abrupte. Nous sommes loin de l'obéissance "aveugle" du serviteur de l'officier Romain. L'obéissance n'est pas toujours spontanée, il réclame un temps de réflexion et de maturation ou de "repentir".   La réponse du deuxième fils est complètement différente, il dit, Je veux bien, maître  ou seigneur, Mais les actes n'ont pas suivi les mots.
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeJeu 02 Avr 2020, 16:59

Pour le coup, c'est une parabole exclusivement matthéenne, absente de Marc et de Luc (contrairement à la péricope du centurion), même si les "deux fils" de Luc 15 (le fils "prodigue" et le fils aîné) s'en inspirent. Et en effet elle problématise l'"obéissance" de façon beaucoup plus intéressante.

Peut-être faut-il remarquer que l'opposition visée dans ce cas est paradoxale, mais intra-judaïque (les "mauvais juifs" que sont les "collecteurs des taxes" ou les "prostituées" disent non mais se repentent et finissent par obéir, alors que les "bons juifs" que sont les exemplairement les pharisiens disent oui mais n'obéissent jamais, ce qui dans un évangile "anti-paulinien" qui privilégie le "faire" sur le "dire", p. ex. 7,21ss, prend tout son relief), tandis qu'il faut un "païen" pour montrer l'exemple de la foi-obéissance immédiate et absolue (cf. aussi la parabole suivante, 21,33ss qui se conclut sur le rejet de la "nation" au profit des "païens" qui forment une autre nation, v. 43).
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeVen 03 Avr 2020, 13:20

Jésus est impressionné par la foi de l'officier qui prône une obéissance aveugle et qui ne pose pas de question. Est-ce cette obéissance que valorise l'évangile de Matthieu ?
Les concepts "obéissance/clairvoyance" ou "obéissance/liberté" sont modernes et totalement étrangers aux auteurs du NT. L'obéissance (aveugle) dont il est question en Matthieu est à relier à confiance absolue à celui à qui on doit obéir. Aujourd'hui nous concevons que l’obéissance puisse être un acte de foi mais elle n’est jamais irrationnelle et le croyant ne doit pas démissionner de son intelligence.


"L’obéissance : le Jésus de Matthieu est un maître dont l’enseignement consiste en une ordonnance qu’il faut observer. Cet enseignement requiert l’obéissance, parce qu’il est essentiellement interprétation de la loi. Cette perspective sous-tend le Sermon sur la montagne. De même, l’Évangile que les disciples sont appelés à annoncer n’est autre que l’obéissance aux prescriptions de Jésus (28, 20a). En fait, l’évangélisation selon Matthieu ne consiste pas tant en l’annonce d’un message qu’en une série d’actes. L’expression « faire des nations des disciples » (28, 19a) est explicitée par deux participes : « les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit » (19b) et « leur enseignant à garder tout ce que je vous ai commandé » (28, 20a). « Être disciple » consiste donc à « être baptisé » et « garder les commandements de Jésus », c’est-à-dire accomplir la justice. Ces deux aspects de la suivance sont d’ailleurs fortement liés par Matthieu dès le baptême de Jésus : à Jean-Baptiste qui résiste à sa demande celui-ci répond que le baptême est de l’ordre de l’accomplisse ment de la justice (3, 15). Or, cela n’est pas sans effet sur la manière de comprendre ce que Matthieu entend par l’obéissance du disciple : si cette obéissance commence par le baptême, cela veut dire qu’elle dépasse une compréhension légaliste de la loi, car la loi n’exige pas le baptême. C’est tout le débat du Sermon sur la montagne : il ne s’agit pas tant d’un développement sur le comment de la loi, mais sur le quoi : quel rôle la loi joue-t-elle dans ma vie plutôt que comment faire pour accomplir la loi (...) L’obéissance concerne les commandements de Jésus, auquel tout pouvoir a été don né et qui reste constamment présent à ses disciples. La mission ne consiste pas tant en l’enseignement d’une éthique (même si elle peut revêtir aussi cet aspect), qu’en la réalisation de l’affirmation qui la précède : l’autorité universelle du Christ. Cette autorité se réalise paradoxalement dans le baptême, c’est-à-dire la prise en compte d’un échec (Mt 3, 6.11) duquel peut naître la justice (Mt 3, 15), et une vie placée dans la perspective de cette « meilleure justice » (Mt 5, 20). . https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2013-2-page-219.htm
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeVen 03 Avr 2020, 23:18

En Matthieu 8,5ss, on ne voit pas le centurion "obéir" à quoi ou à qui que ce soit, bien qu'on sache que ça lui arrive puisqu'il est "sous autorité", qu'il reçoit et exécute des ordres comme il en donne et se voit obéi; ce serait même plutôt le contraire, puisqu'il prend toutes les initiatives et refuse même la proposition de Jésus de venir chez lui. Sa "foi" -- qui étonne Jésus --- s'exprime, non par son obéissance, mais par son assimilation du "miracle" au processus à la fois banal et mystérieux par lequel l'ordre et l'obéissance fonctionnent en général -- selon ce modèle, ce seraient plutôt les "maladies" ou les "esprits impurs" qui obéissent, bon gré mal gré mais sans "foi" particulière, à l'"autorité" du Seigneur ou maître (kurios); ce qui correspond effectivement à une description courante, chez Matthieu comme chez Marc, de la guérison ou de l'exorcisme.

Cela dit, tes observations sont justes: notre mépris de "l'obéissance aveugle" est somme toute assez récent, puisqu'il aura fallu le nazisme et les procès de Nuremberg pour introduire en droit cette idée nouvelle qu'une obéissance aux ordres puisse être coupable; ce qui n'est pas sans subvertir potentiellement toute notion d'obéissance, notamment militaire. En effet, si l'on n'obéit qu'aux ordres qu'on comprend, qui paraissent raisonnables et avec lesquels on est d'accord, obéit-on encore ? Vaste question dans laquelle nous sommes encore englués...
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeLun 06 Avr 2020, 17:53

"Car les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas celles de la chair ; cependant elles ont le pouvoir, du fait de Dieu, de démolir des forteresses. Nous démolissons les raisonnements et toute hauteur qui s'élève contre la connaissance de Dieu, et nous nous emparons de toute pensée pour l'amener, captive, à l'obéissance du Christ." 2 Co 10,4-5

Je trouve ce texte fascinant, sans aucun complexe, Paul affirme que les croyants doivent s'emparer (dominer) de toute pensée pour l'amener captive (l'enfermer, l'enchainer), à l'obéissance (contrainte et forcée par la persuasion ….). Je suppose que ce texte est théorique et imagé mais il traduit la nécessité impérative d'obéir, bon gré, mal gré.



 

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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeLun 06 Avr 2020, 22:17

"Sans aucun complexe", je n'en suis pas sûr, car si on relit le texte (depuis le début du chapitre au moins) on a plutôt l'impression d'un "complexe d'infériorité" qui se compense en arrogance épistolaire et rhétorique (lettres fortes vs. présence et parole, parousia et logos, faibles). Je ne suis pas trop partisan de psychologiser ou de psychanalyser les textes en général, mais je constate que celui-ci a l'air de réclamer bruyamment ce type d'analyse...

Quoi qu'il en soit, dans la "Seconde aux Corinthiens" (et bien qu'elle soit de toute évidence un assemblage de textes disparates), il faut se garder d'identifier sans autre examen la première personne du pluriel ("nous") aux "croyants" ou "chrétiens" en général. Depuis le début (chap. 1) et beaucoup plus nettement qu'ailleurs le "nous" se distingue et s'oppose même souvent aux "vous" (les destinataires), désignant les "apôtres" (au sens paulinien, non les Douze) qui s'opposent aussi aux "apôtres" d'autres tendances (voir la suite, jusqu'au chap. 13). Le caractère agressif et conquérant du discours ne fait pas de doute, mais il faut le replacer dans ce contexte (polémique dans tous les sens du terme, même si les adversaires et les enjeux du "combat" nous échappent un peu).
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeMar 07 Avr 2020, 20:47

"C'est par la foi qu'Abraham obéit à un appel en partant vers un lieu qu'il allait recevoir en héritage : il partit sans savoir où il allait. C'est par la foi qu'il vint s'exiler sur la terre promise comme dans un pays étranger, habitant sous des tentes avec Isaac et Jacob, héritiers avec lui de la même promesse" (Hé 11,8-9)

Selon ce texte, Abraham qui partit, à la voix de Dieu, "sans savoir où il allait" ; il est question d'une obéissance sans en calculer les conséquences possibles ou probables. Rien qui indique mieux la présence de Dieu, que ce type d'obéissance.   
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeMer 08 Avr 2020, 00:52

Le récit d'Abraham est exemplaire d'une obéissance im-médiate, je veux dire sans médiation: il n'obéit pas à une "autorité" visible, instituée, établie, fondée, reconnue, roi, prêtre, prophète, ange, père ou patriarche, ni à une "institution" ni à une "loi" supposée divine, ni à une "sagesse" ni à une "raison" susceptible d'être confirmée par d'autres que lui, mais à "Dieu" seul -- et de façon encore plus dramatique dans le cas du sacrifice d'Isaac. La présentation de l'épître aux Hébreux souligne cet aspect absolu (les Anglais diraient "implicit[e]") de sa "foi" en ne mentionnant même pas "Dieu" comme auteur de l'appel, ni d'ailleurs de la demande de sacrifice. Obéir à un appel sans que personne (n')appelle, ou du moins sans savoir qui appelle, c'est le comble de l'obéissance et aussi bien son contraire à tout autre point de vue ([n']obéir à personne) -- d'autant que l'obéissance, en l'espèce, coïncide avec une désobéissance à toutes les autorités repérables, familiales, traditionnelles ou morales (on comprend que ça ait fortement inspiré Kierkegaard dans Crainte et tremblement: le saut du "religieux" au-delà de l'"éthique", indiscernable d'une chute dans l'"immoralité" et l'"irresponsabilité" absolues qui caractérisaient son en-deçà "esthétique").
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeSam 13 Nov 2021, 19:52

Je reprends ce fil un an et demi plus tard, alors que l'"obéissance" n'a rien perdu de son "actualité", bien au contraire: on l'a vue entre-temps progresser, s'étendre et s'installer à un rythme inédit d'ordres inédits, étonnant jusqu'aux "autorités" qui avaient un temps douté, à tort, de leur "acceptabilité", et les enhardissant à ordonner ce que quelques mois plus tôt elles se défendaient, sans doute sincèrement, d'envisager jamais; par exemple l'obligation de vaccination catégorielle, le pass(e) sanitaire et son extension à des activités quotidiennes, bientôt peut-être le confinement discriminatoire (cf. l'Autriche).

Je repense à un slogan anarchiste, "agir, désobéir", qui m'avait accroché il y a longtemps (c'était vers le tournant du siècle-millénaire) à la une du "Monde libertaire": le choix de l'infinitif n'était pas anodin, il suffit d'être un peu sensible à la notion de "double contrainte" (double bind, cf. Bateson, Palo Alto, etc.) pour le comprendre. Prescrire, prôner, recommander, ordonner, enjoindre la désobéissance comme un mot d'ordre (p. ex. à l'impératif, désobéis, désobéissez, ou au cohortatif, désobéissons), ce serait en faire ipso facto une obéissance et par conséquent la rendre structurellement impossible. La désobéissance, chacun ne peut que l'inventer ou la trouver tout seul, même en groupe; on peut en suggérer l'idée par un détour interrogatif, en questionnant l'ordre et l'obéissance, à la façon classique du serpent de l'Eden; à la rigueur l'évoquer sous forme d'infinitif (désobéir) ou de substantif (désobéissance), mais la chose reste délicate: le moindre "il faut", "on doit", "on devrait", "il serait bien de", "il serait temps de", même sous-entendu, la ruine -- un "devoir de désobéissance", si galvaudée que soit l'expression depuis Nuremberg, constitue une contradiction logique absolue (que cette contradiction soit ou non patho-logique et pathogène, de nature à "rendre fou" ou "schizophrène", ça se discute, mais la discussion concernerait autant une psychologie sociale qu'individuelle).

Dans la même veine, j'ai le vague souvenir d'avoir entendu parler, plus tôt encore, de "rites de passage" traditionnels (réels ou inventés ?) qui consistaient à imposer à quelqu'un un interdit sacré ou solennel (p. ex. de sortir d'un lieu) jusqu'à ce qu'il se décide tout seul à le transgresser (ça ne marcherait, bien sûr, qu'à condition de ne pas lui suggérer la "solution", et que celle-ci reste secrète dans la communauté, tout au moins qu'elle ne soit pas révélée aux non-initiés). On peut aussi penser à la version nietzschéenne (Généalogie de la morale), très éloignée de toute réalité historique, de la "secte" des "Assassins" (en fait une branche du chi'isme tout à fait respectable, mais qui a fait beaucoup fantasmer le XIXe siècle "orientaliste") où la révélation ultime, "rien n'est vrai, tout est permis" (qui rappelle beaucoup de choses, de Paul à Dostoïevski), n'aurait été accessible qu'à l'échelon (caste, ordre) le plus haut et le plus restreint, au terme d'un processus d'initiation hiérarchique.

Tout cela pour dire une banalité sans doute, à savoir que la désobéissance est à bien des égards plus difficile que l'obéissance, laquelle va généralement de soi, bien qu'on puisse y insister plus ou moins lourdement -- dans la Bible aussi, l'obéissance est prescrite implicitement ou explicitement, assortie ou non de promesses et de menaces (carotte et bâton) par diverses "autorités" (divines, familiales ou claniques, paternelles, maternelles ou fraternelles, royales ou militaires, sacerdotales, prophétiques ou sapientiales); la désobéissance, elle, ne l'est quasiment jamais, sinon sous la forme d'un conflit d'obéissance(s) (p. ex. obéir à Dieu ou aux dieux plutôt qu'aux hommes, ce qui d'ailleurs relève autant de la tradition grecque que juive). C'est peut-être un art, mais qui ne s'enseignerait et ne s'apprendrait pas, ou alors avec beaucoup de subtilité et de détours -- même si tout le monde y arrive tôt ou tard (désobéissance infantile, juvénile sénile ?).

---

N.B.: il n'y a pas de verbe spécifique en hébreu pour "obéir", ce sont généralement des emplois de šm`, "écouter, entendre", qui appellent cette traduction en fonction du contexte (et bien d'autres encore, šmr "garder" etc.); le grec en revanche distingue hup-akouô etc. (avec le préfixe hupo-hypo, qui signale une position d'infériorité, en-dessous, au-dessous) du simple akouô, "écouter, entendre" (cf. acoustique); même notre verbe obéir comporte étymologiquement la notion d'audition (du latin oboedire = ob-audire). Le vocabulaire hébreu de la "désobéissance" jouxte sans surprise celui du "péché" (non du côté des mots rendus traditionnellement par "pécher" ou "péché", ht', ht't etc., lesquels désignent d'abord l'anomalie rituelle; plutôt pš` qui suggère aussi la "révolte" politique, p. ex. d'un vassal contre un suzerain, ou `br qui signifie passage ou transgression, cf. l'anglais (no) trespass, p. ex. dans le premier plan de Citizen Kane). Dans le NT grec ce sont surtout des dérivés négatifs ou privatifs (préfixe a-) de peithô, "persuader, convaincre", qui sont traduits par "désobéir" et "désobéissance" (a-peitheô etc. caractérisent ainsi l'attitude du "réfractaire", obstiné, incrédule ou méfiant, qui ne se laisse pas persuader ni convaincre); ils s'opposent à peu près autant à la "foi" (pistis, pisteuô etc., qui est aussi "fidélité") qu'à l'"obéissance" (hup-akouô), ce qui dessine une triangulation intéressante, quel que soit l'angle sous lequel on la regarde -- voir p. ex. Luc 1,17; Jean 3,36; Actes 14,2; 17,5; 19,9; 26,19; Romains 1,30; 2,8; 10,21; 11,30ss; 15,31; Ephésiens 2,2; 5,6; Colossiens 3,6; 2 Timothée 3,2; Tite 1,16; 3,3; Hébreux 3,18; 4,6.11; 11,31; 1 Pierre 2,7s; 3,1.20; 4,17. D'autres termes plus rares s'opposeraient plus directement à (hup-)akouô sur le même registre "acoustique", mais encore cette opposition n'est pas vraiment "frontale" (ce serait plutôt "écouter de travers" ou "à côté", "éviter d'écouter", selon les nuances possibles du préfixe para-; cf. par-akoè Romains 5,19; 2 Corinthiens 10,6; Hébreux 2,2, par-akouô Matthieu 18,17). "Que celui qui a des oreilles entende", formule biblique (et spécialement évangélique) prisée de Nietzsche (entre autres), peut s'entendre comme une invitation à l'obéissance, mais aussi à la désobéissance... qui toutes deux peuvent requérir une certaine "foi", et une certaine "défiance".
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeMar 16 Nov 2021, 10:39

L'art de désobéir
Peut-on violer la loi pour la bonne cause" José Bové et Gilles Luneau le pensent

Noël Mamère marie un couple homosexuel; Droit au logement réquisitionne des appartements vacants; les faucheurs volontaires arrachent des OGM. Chaque fois, la loi est enfreinte au nom de la désobéissance civile. Cette pratique, qui semble gagner la société française, manquait jusqu'à présent d'un ouvrage de référence. Celui du journaliste Gilles Luneau et du syndicaliste agricole José Bové devrait combler ce vide.

Dans Pour la désobéissance civique (ils tiennent à la nuance), ils multiplient exemples concrets, précédents historiques (Martin Luther King, Gandhi, etc.), argumentations théoriques. Ils en définissent les critères: un acte de désobéissance civique doit être à la fois responsable (le militant ne doit pas chercher à échapper aux sanctions), désintéressé (pas de profit personnel), collectif (on ne désobéit pas seul), non violent (éventuellement des attaques contre les biens, jamais contre les personnes), transparent (on agit au grand jour) et ultime (on désobéit après avoir épuisé la contestation légale). Ils soulignent que seuls des actes illégaux ont permis d'obtenir des avancées considérées comme naturelles aujourd'hui: droit de grève, droit de vote pour les femmes, radios libres, etc. 

Exposée clairement, sérieusement, honnêtement - leurs contradicteurs sont courageusement affrontés - leur thèse n'emporte pourtant pas toujours la conviction. Sont-ils sûrs que toutes les voies légales ont été explorées pour contrer les expérimentations en plein champ sur les OGM? Sont-ils prêts à tolérer cette désobéissance chez ceux qui ne partagent pas leurs convictions (les militants anti-IVG, par exemple)? Ne versent-ils pas dans un poujadisme larvé contre le milieu politique en écrivant: «Cela fait combien de temps qu'on voit les mêmes têtes?» Bref, en croyant régénérer la démocratie, ne prennent-ils pas le risque de la miner? 

https://www.lexpress.fr/actualite/societe/l-art-de-desobeir_488440.html
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeMar 16 Nov 2021, 12:10

C'est l'exemple même d'une désobéissance prescrite, cadrée, réglementée, soumise à conditions, d'avance justifiée comme obéissance à une "cause" et/ou à des "principes" supérieurs. Il ne peut d'ailleurs guère en être autrement dans un ouvrage théorique, fût-il aussi militant et inspiré (tout au moins dans le cas de Bové) d'actes qui ont précédé leur justification, ou leur apologie (retour au et du logos, rendre compte et raison, "responsabilité", etc.). A cet égard, Camus était plus attentif au caractère événementiel de la "révolte", qui ne se justifie qu'après coup (même si c'est aussi rétrospectivement), en découvrant ou en inventant dans le sillage de l'action une "justice" et une "solidarité" dont elle fait a posteriori ses "raisons". Sans cet anachronisme, on en reviendrait forcément à l'indigence "théorique" de Stirner: j'ai fondé ma cause sur rien -- voire à un dénuement plus profond encore, ou à une dissémination plus vaste, dès lors que nous ne pouvons même plus croire à l'unité foncière de l'in-dividu (l'"unique", der Einzige / den Enkelte, commun à Stirner et à Kierkegaard, en dépit de leurs positions religieuses et politiques opposées).
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeMer 17 Nov 2021, 11:31

- Vous analysez le moment de désobéissance d’Antigone, la déviance envers son oncle impitoyable, Créon, qui lui valut condamnation à mort. Vous relevez que sa subversion, sa révolte, ses refus, font « trembler l’idée même d’un ordre (…), dans la désobéissance peut entrer une part de transgression pure : c’est l’éclat d’Antigone » . La désobéissance nous condamne-t-elle à un dénouement tragique et à la solitude, fut-elle sublime ?

Frédéric Gros Le risque de la désobéissance est effectivement la solitude. C’est, au fond, le grand problème de la politique : l’être-ensemble s’apprend prioritairement dans l’obéissance partagée, les communautés se forment dans l’adoration et l’abnégation. Antigone désobéit seule, elle affronte le tragique de la transgression. Il existe évidemment d’autres issues à la désobéissance que la mort, mais Antigone illustre, je crois, cette dimension du courage : pour désobéir, il faut du courage. Le conformisme passif est toujours la facilité.


- Dans les pas d’Alain, qui estimait qu’ « obéir, c’est aussi, c’est surtout, en disant oui à l’autre, se répéter sans cesser non à soi-même », vous considérez que « désobéir, c’est donc, suprêmement, obéir. Obéir à soi » . La désobéissance serait donc un retour inattendu, exigeant, contraignant, lumineux à soi ?

Frédéric Gros J’essaye de cerner une dimension sens précise de la désobéissance, un sens intempestif qui suppose de la part du sujet un engagement complet. Car s’il s’agissait simplement de désobéir pour désobéir, l’insoumission ne serait jamais qu’une posture ou, pire, un nouveau mot d’ordre. Il faut désobéir par « souci de soi » comme disaient les Anciens. Le « souci de soi », ce n’est pas une forme de narcissisme complaisant ou d’individualisme égoïste. Se soucier de soi, c’est accepter de ne faire que ce avec quoi on est d’accord, c’est refuser de mettre sa conscience en berne, c’est considérer qu’on a des devoirs pratiques envers ses principes et sa pensée. Ce retour à soi dont vous parlez n’a en fait rien de psychologique : il ne s’agit pas de partir à la conquête d’un soi « authentique », sous le vernis social, mais de faire l’expérience de sa subjectivité politique en prenant souci du monde et des autres. C’est la leçon de Socrate.

https://www.humanite.fr/il-faut-desobeir-par-souci-de-soi-comme-disaient-les-anciens-frederic-gros-643201
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeMer 17 Nov 2021, 13:17

Interview fort intéressante, malgré le titre qui serait un cas d'école du double bind "affolant" (il faut désobéir par souci de soi, désobéir comme on obéirait à un "soi" à la fois obéissant et obéi). Nous avons déjà évoqué le "stoïcisme" du "dernier Foucault", notamment ici -- que ce soit en particulier "stoïcien" n'est pas anodin, car il y va du rapport (présumé) de chacun au logos divin, "raison" cosmique supposée disséminée (logos spermatikos, même si la formule se trouve en fait chez des auteurs chrétiens) et ainsi (plus ou moins bien) partagée par tous les humains supposés "logiques" ou "rationnels".

F. Gros a tout à fait raison de souligner (2e réponse; Deleuze l'avait fait avant lui) qu'on n'est jamais mieux soumis que par ses propres désirs: de fait, les "aliénés" contemporains (au sens de l'aliénation hegelienne puis marxiste) auront choisi "librement", sans que personne les y contraigne vraiment, la majeure partie des instruments d'aliénation qui les rendent parfaitement contrôlables et prévisibles (consommation, crédit, journaux, radio, télévision, ordinateurs, smartphones, réseaux sociaux, applications)... mais l'argument se retourne: le "souci (réflexif, spéculaire, miroir) de soi", n'est-ce pas le comble de l'"aliénation" ?

Par coïncidence (rapport à "L'Humanité", ou ce qui reste du Parti communiste français), et parce que mon accès réduit aux bibliothèques me fait voir ou revoir ces temps-ci de vieux films "mineurs" sur Internet, je regardais hier soir un cas exemplaire de la propagande anticommuniste américaine des années 1950, My Son John de Leo McCarey (pourtant réalisateur quelques années plus tôt du génial et anarchisant Duck Soup des frères Marx), dont la bêtise idéologique a quelque chose de fascinant (de fascisant aussi, comme souvent). Un détail m'a rappelé cette discussion, celui où le père anticommuniste "primaire", et catholique comme McCarey, pointe l'opposition (à peu près le seul élément "idéologique" substantiel) des God-given rights, "droits donnés par Dieu", aux "droits" donnés par l'Etat (ce qui est tout à fait typique du concept américain de la "constitution", à la fois très semblable au nôtre et très différent par sa référence à "Dieu"). On y retrouve toute l'ambivalence d'une transcendance au fond "théocratique", quand même le "Dieu" référent est en principe distinct de toute "religion". "Dieu" dans cette perspective fonde l'autorité de l'Etat et l'obéissance à celui-ci (on verra ainsi la mère trahir son fils crypto-communiste parce qu'il est supposé traître à l'Etat et donc à "Dieu"), mais cette transcendance même ménage aussi une retraite susceptible de mettre l'autorité de l'Etat en question et donc de "justifier" une désobéissance -- ce qui n'existe effectivement plus dans un concept purement "laïque" ou "athée" de l'Etat (cf. aussi ici).
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeVen 19 Nov 2021, 12:56

Les évangiles proposent des exemples de désobéissances qui sont valorisées au nom d'une éthique supérieure, en Matt 12, Jésus accepte l'idée que ses disciples aient désobéir à la loi sur le respect du sabbat mais justifie cette "désobéissance" à travers l'exemple de la désobéissance de David ((1 Samuel 21:1-9) :

"Mais il leur dit : N'avez-vous pas lu ce que fit David, lorsqu'il eut faim, lui et ceux qui étaient avec lui ? — comment il entra dans la maison de Dieu et comment ils mangèrent les pains offerts, alors qu'il n'était permis d'en manger ni à lui, ni à ceux qui étaient avec lui, mais aux prêtres seuls ? Ou encore, n'avez-vous pas lu dans la Loi que, les jours de sabbat, les prêtres profanent le sabbat dans le temple sans se rendre coupables ?" (12,3-5).

Un autre exemple de désobéissance valorisée, celui contenu en  Mc 5, 25-34 qui décrit la femme à la perte de sang qui est considérée par la loi comme une "impure" contagieuse, une paria mais qui fait le choix de transgresser la loi (celle du Lévitique), de façon secrète, pour arracher une guérison, en touchant Jésus, qui va approuver son geste audacieux et libérateur.
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeVen 19 Nov 2021, 14:37

Nous avons parlé récemment de 1 Samuel 21 et Matthieu 12 (en passant par Marc 2) ici (19.10.2021); Marc 5 sur un autre détail, mais nous avons discuté l'ensemble de la péricope (remarquable notamment par sa structure "poupées russes", un récit de miracle dans un autre, retardant l'autre, et qui se correspondent de multiples manières, p. ex.  le flux de sang de douze ans et la fille de douze ans) bien d'autres fois auparavant (p. ex. ici 1.4.2016). On n'en finirait cependant jamais de relire ces textes et d'y trouver à chaque fois de nouvelles choses, même si ce sont les anciennes qu'on a oubliées: ainsi la foi "implicite" de la femme au centre du récit, foi nommée par Jésus (5,34), devient l'appel "explicite" au père (v. 36) alors que le miracle incident a retardé et rendu apparemment impossible le miracle d'abord demandé et promis; il faudrait aussi comparer ce texte et ceux qui étaient évoqués au début de ce fil (Jaïre/us/os chef de synagogue et le centurion ou officier païen, la foi qui invite Jésus chez soi et celle qui le laisse dehors, se contentant de sa parole, etc.).

La question du "permis", de l'"autorisé" ou (négativement) de l'"interdit" (exestin, d'où exousia autorité, droit, pouvoir, cf. supra 23 et 26.3.2020), est en effet au coeur de l'évangile de Marc, qui n'a pas pour la "loi" le respect de Matthieu -- d'où une bonne partie des adaptations, plus ou moins subtiles ou efficaces, du texte de Marc par Matthieu, qui visent à rendre compatibles des énoncés foncièrement "anomiens" (plutôt "sans loi", indifférents à la loi, qu'anti-loi ou "antinomiens") avec une observance au moins principielle de la loi (la distance de Luc-Actes est encore différente, puisqu'elle résout ou dissout le problème dans un schéma "historique": avant, la loi, après, autre chose: Jésus, le christianisme, l'Eglise).

Toutefois personne n'échappe à l'aporie générale de la désobéissance: une désobéissance justifiée d'une manière ou d'une autre devient une obéissance, et verrouille d'autant plus, en principe, toute possibilité de désobéissance future (non fondée ni justifiée); pour désobéir il faudra encore désobéir sans cause, ni raison, ni principe, avant de retrouver éventuellement, jusque dans les textes, une justification de sa désobéissance comme obéissance supérieure...
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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeVen 19 Nov 2021, 16:10

"Après avoir achevé tous ces discours au peuple qui l'écoutait, il entra à Capharnaüm. Un centurion avait un esclave malade qui était sur le point de mourir et qui lui était très cher. Il entendit parler de Jésus et lui envoya quelques anciens des Juifs pour lui demander de venir sauver son esclave. Ils arrivèrent auprès de Jésus et le supplièrent d'une manière pressante en disant : Il est digne que tu lui accordes cela, car il aime notre nation, et c'est lui qui a construit notre synagogue. 6Jésus s'en alla avec eux. Il n'était plus très loin de la maison quand le centurion envoya des amis lui dire : Seigneur, ne prends pas tant de peine, car ce serait trop d'honneur pour moi que tu entres sous mon toit. C'est aussi pour cela que je ne me suis pas jugé digne de venir en personne vers toi. Mais dis une parole, et que mon serviteur soit guéri ! Car je suis moi-même soumis à l'autorité de mes supérieurs et j'ai des soldats sous mes ordres ; je dis à l'un : « Va ! » et il va, à l'autre : « Viens ! » et il vient, et à mon esclave : « Fais ceci ! » et il le fait. Lorsque Jésus entendit ces paroles, il s'étonna à son sujet, se tourna vers la foule qui le suivait et dit : Je vous le dis, même en Israël je n'ai pas trouvé une telle foi. 10De retour à la maison, les envoyés trouvèrent l'esclave en bonne santé" (Luc 7,1-10).

Dans la version de Luc 7, 1-10, tout se passe à distance entre Jésus et le centurion, ils ne voient à aucun moment. Le centurion fait confiance à Jésus et Jésus fait confiance au centurion. Tout se passe et s'effectue que par des intermédiaires et à distance. Le centurion a entendu parler de Jésus par autrui, en bien. Jésus entend parler du centurion par autrui, en bien. Après avoir fait demandé par ses messagers à Jésus la guérison de son serviteur, le centurion les prie de ne pas laisser Jésus entrer dans sa maison. Le centurion empêche Jésus de s'approcher de lui, il maintien cette médiation, car si le centurion peut obtenir quelque chose à distance, sans se déplacer, de ses subordonnés, à fortiori,  Jésus peut faire ce qu'il veut, à distance et sans se déplacer ("Mais dis une parole, et que mon serviteur soit guéri !").  Le centurion manifeste sa supériorité relative (des hommes lui obéissent) mais il ne l'exagère pas (lui-même obéit à d'autres hommes) mais la maladie ne lui obéit pas. Le centurion manifeste la supériorité décisive de Jésus pour tirer un bien du mal. On n'obéit pas à n'importe qui mais à qui est digne de notre confiance et nous fait confiance.
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Narkissos

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MessageSujet: Re: autorité, obéissance, foi, étonnements   autorité, obéissance, foi, étonnements Icon_minitimeVen 19 Nov 2021, 16:26

Merci d'avoir cité le texte de Luc que je n'avais fait qu'évoquer (comme "parallèle" à Matthieu) dans mon post initial. Si je ne m'abuse, le commentaire (intéressant) est en partie extrait de cet article (de droit très "droitier", me semble-t-il), qui mérite aussi d'être lu...
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