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 Au sujet de l'amour et de la mort

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Narkissos

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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeMer 07 Mar 2018, 11:06

C'était une perception (un "ressenti" si tu préfères), exprimée de surcroît avec réserve ("à tort ou à raison"), plutôt qu'une "conclusion"; je regrette qu'elle te navre, quoique je ne comprenne pas vraiment pourquoi, d'autant que j'ai précisé qu'à mon sens cette (sur-)détermination de "l'amour" (et la contamination générale de tous ses "sens") ne singularise pas ton propos mais toute une civilisation -- je n'y échappe pas (non plus).

(Cf. Arletty dans Le jour se lève: "J'en ai ma claque des hommes qui parlent d'amour... ils en parlent tellement qu'ils oublient de le faire...")
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeMer 07 Mar 2018, 11:14

"Donner de l'amour, c'est vouloir donner quelque chose qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas". Jacques Lacan
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeMer 07 Mar 2018, 11:51

Cf. (p. ex.) ici.
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Le gaffeur distancié




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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeMer 07 Mar 2018, 14:09

Narkissos a écrit:
C'était une perception (un "ressenti" si tu préfères), exprimée de surcroît avec réserve ("à tort ou à raison"), plutôt qu'une "conclusion"; je regrette qu'elle te navre, quoique je ne comprenne pas vraiment pourquoi, d'autant que j'ai précisé qu'à mon sens cette (sur-)détermination de "l'amour" (et la contamination générale de tous ses "sens") ne singularise pas ton propos mais toute une civilisation -- je n'y échappe pas (non plus).

(Cf. Arletty dans Le jour se lève: "J'en ai ma claque des hommes qui parlent d'amour... ils en parlent tellement qu'ils oublient de le faire...")

Cher Narkissos,

Il n'y a aucun problème !
En dépit de l'aspect relativement impératif que cela peut impliquer Don't worry be happy !

Je suis heureux d'échanger avec toi, et ce notamment parce que je suis conscient de l'aspect potentiellement éprouvant de mes réflexions, car tu es l'un des rares à bien vouloir me donner le change. Tout ce que je souhaite c'est que toi et les autres éventuels lecteurs puissent aller bien, même après m'avoir lu Very Happy car je crois que cette intention au plus loin que je puisse en juger est plus forte que moi. jocolor

En ce qui me concerne, je ne pouvais pas me permettre d'exprimer pleinement mon ressenti tant que je ne l'avais pas "théorisé" à un niveau qui me satisfasse.

Car avant tout, mon propos n'engage principalement que moi. afro flower

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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeMer 07 Mar 2018, 14:57

Merci lgd.

"Donner le change" est une expression à creuser... Wink

Citation :
En ce qui me concerne, je ne pouvais pas me permettre d'exprimer pleinement mon ressenti tant que je ne l'avais pas "théorisé" à un niveau qui me satisfasse.

Ça, je le comprends très bien. Et autant il est dans la nature des "théories" et des "interprétations" d'entrer en débat, sinon en combat, autant il ne faudrait pas perdre de vue leur usage pour ainsi dire "privé" qui échappe à toute discussion.
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeMer 07 Mar 2018, 15:48

Citation :
Je suis heureux d'échanger avec toi, et ce notamment parce que je suis conscient de l'aspect potentiellement éprouvant de mes réflexions, car tu es l'un des rares à bien vouloir me donner le change.

 Le gaffeur distancié,

Je lis attentivement tes messages mais je les trouve hermétiques et complexes (ce n'est pas un reproche, au contraire), donc il est difficile, pour moi, de te fournir une réponse, qui soit au niveau de ta réflexion et avec la profondeur qui caractérise tes analyses.
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeMer 07 Mar 2018, 21:57

LGD j'ai apprécié ta démarche, particulièrement à l'encontre de tes anciens condisciples. Ce n'est pas facile de progresser comme tu l'as fait et je suis heureux de te lire sur ce forum.
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeJeu 08 Mar 2018, 15:05

Mais alors pourquoi la haine ? Disons qu’elle survient à chaque fois que le subterfuge est démasqué, chaque fois que nous apparaît que c’est le vide qui habite le plein, le trou qui est au cœur du vase, chaque fois que se refait entendre à nos oreilles que ce que nous croyions consistant et solide, n’est en fait que fragile et précaire. Mieux même, la haine émerge chaque fois que nous ne reconnaissons pas que l’autre n’est qu’un autre autre comme nous, lui aussi truffé de partout, avec seulement un semblant de consistance et de solidité, et que cela ne nous empêche pas d’avoir à dire, mais que notre dire n’est jamais qu’une moitié de dire, qu’un mi-dire comme disait Lacan, qu’un dire qui accepte qu’il ne dit pas tout, ni tout à fait. Et que pourtant, c’est en disant ainsi, dans l’impossibilité de pouvoir tout dire, avec cette évidence-là chevillée au corps, que ce dire nous fait sujet, qu’il fait que nous sommes quelqu’un pour un autre et qu’à notre tour nous pouvons faire que cet autre soit quelqu’un pour nous. Mais à chaque fois que ces données-là s’estompent, que nous croyons avoir vaincu cette absence de certitude, que nous pensons avoir réussi à y substituer de l’assurance, ce qui est alors ainsi déjà programmé, qui resurgit comme le phénix de ses cendres, c’est ce vide ; de le voir ainsi réapparaître alors que nous avions pensé en être venu à bout, cela suscite notre haine.

À mettre ainsi la haine au cœur de la parole, il faut convenir que cela ne nous laisse aucune chance pour nous en débarrasser vraiment. À mettre ainsi l’autre au cœur de nous-mêmes, il faut convenir que cela ne nous donne aucune chance de nous trouver bien chacun avec son seul moi-même – son seul « moi-m’aime » faudrait-il peut-être écrire. À mettre ainsi le vide au centre du plein, il faut convenir que cela rend d’emblée suspecte toute consistance qui se donne comme sans faille.

https://www.cairn.info/revue-la-clinique-lacanienne-2006-2-page-159.html
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeJeu 08 Mar 2018, 17:55

Très bel article (dans un langage plutôt simple, ce qui ne gâche rien).

Là où je résiste, sans préjudice de ce que cette résistance peut avoir de pathologique et de symptomatique, c'est encore et toujours sur le thème de "l'intériorisation de la loi". Tout dépend évidemment ce qu'on entend par là: intégrer ou transmettre une "loi de l'Autre", avec ou sans majuscule mais surtout avec, ce n'est précisément pas s'y identifier, se l'approprier ni même y souscrire ou la contresigner. Plutôt la reconnaître comme telle tout en gardant ses distances, "faire avec", avec tout ce que ça implique de patience ou de souffrance sans issue. Au fond Lacan dit aussi la même chose: ne pas céder sur son désir.
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeLun 12 Mar 2018, 17:10

Citation :
Très bel article (dans un langage plutôt simple, ce qui ne gâche rien).

L'analyse suivante m'a marquée :

 "À mettre ainsi l’autre au cœur de nous-mêmes, il faut convenir que cela ne nous donne aucune chance de nous trouver bien chacun avec son seul moi-même – son seul « moi-m’aime » faudrait-il peut-être écrire."

L'inconvénient de la haine comme mode de fonctionnement (elle peut-être utile ponctuellement dans situations d'oppressions, un moyen de survivre), c'est que l'objet de notre haine prend une grande place en nous, au point de nous faire exister et d'être un obstacle à un bien-être intérieur "avec son seul moi-même". La haine fait plus de mal à celui qui éprouve ce sentiment, qu'à celui qui en est l'objet. Je préfère à la haine, la faculté de couper les ponts et de mettre un terme à une relation et de ne plus y penser.
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeLun 12 Mar 2018, 17:45

C'est là que le concept de ressentiment (que Nietzsche comme Kierkegaard empruntent au français) peut être décisif. Le ressentiment c'est précisément la "haine" qui se refoule ou se censure elle-même, qui ne parvient pas à s'exprimer comme telle, ni par une agression ni par une vengeance, ni même par une rupture, mais qui "s'intériorise" et continue de travailler souterrainement pour trouver d'autres expressions "perverses", c.-à-d. détournées, y compris retournées contre soi-même.

Les "commandements d'amour", interprétés négativement et restrictivement comme interdiction (de l'expression) de la haine, peuvent évidemment jouer un rôle catastrophique dans un tel processus. Il faut néanmoins rappeler que le Lévitique, avant de dire "tu aimeras ton prochain comme toi-même", proscrivait la haine "dans le cœur" et la "rancune" autant que la "vengeance", et prescrivait en revanche la "réprimande", la franche explication pour ne pas dire engueulade (Lévitique 19,17s); c'est dire qu'un commandement d'amour était certainement moins propice au "ressentiment" dans ce contexte-là qu'il ne l'est devenu en contexte chrétien, avec la confusion de tous les "commandements d'amour": de Dieu, du prochain, des ennemis ou des frères.
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeMar 13 Mar 2018, 11:08

Citation :
Les "commandements d'amour", interprétés négativement et restrictivement comme interdiction (de l'expression) de la haine, peuvent évidemment jouer un rôle catastrophique dans un tel processus. Il faut néanmoins rappeler que le Lévitique, avant de dire "tu aimeras ton prochain comme toi-même", proscrivait la haine "dans le cœur" et la "rancune" autant que la "vengeance", et prescrivait en revanche la "réprimande", la franche explication pour ne pas dire engueulade (Lévitique 19,17s); c'est dire qu'un commandement d'amour était certainement moins propice au "ressentiment" dans ce contexte-là qu'il ne l'est devenu en contexte chrétien, avec la confusion de tous les "commandements d'amour": de Dieu, du prochain, des ennemis ou des frères.

La "franche explication" permettra de dissiper tout malentendu ou de constater une incompatibilité impossible à surmonter. Mt 18, 15 ; suggère cette solution de la "réprimande" ("Si ton frère a péché contre toi, va et reprends-le seul à seul. S'il t'écoute, tu as gagné ton frère"), mais dans la pratique j'imagine difficilement une personne accepter d'être disciplinée par autrui. L'évangile de Matthieu incite à un pardon illimité, "Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois", là encore, cela me parait irréaliste.
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeMar 13 Mar 2018, 12:29

La portée de tels préceptes varie aussi considérablement selon les destinataires qu'on leur prête: caste sacerdotale ou ensemble d'un "peuple" pour le Lévitique, "communautés" de type synagogal ou ecclésiastique, sectaire ou mystique, locales ou en réseau dans le NT, en attendant le "christianisme de masse"; tout cela influe sur la définition du "prochain" ou du "frère", l'amplitude des différences que cette relation admet, la possibilité ou non d'exclure ou de s'exclure d'un groupe et les enjeux d'une telle exclusion. A apprécier au cas par cas, non seulement texte par texte mais selon le contexte de chaque lecture.

On observera toutefois que des préceptes de sens contraire restent liés par des analogies de structure: ainsi le 7 -> 77 ou 70 x 7 appliqué au pardon dans les évangiles imite la règle de la vengeance de Genèse 4, et même le "tendre l'autre joue" opposé au talion imite le talion, par la nécessité d'une répétition de l'acte (sur la victime au lieu de l'agresseur).
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeJeu 15 Mar 2018, 11:29

"Rejetez donc le mensonge, et que chacun de vous parle avec vérité à son prochain ; car nous faisons partie les uns des autres. Si vous vous mettez en colère, ne péchez pas ; que le soleil ne se couche pas sur votre irritation ; ne laissez pas de place au diable." Ep 4, 25 ss 

Ce texte célèbre, fait de la colère un élément incontournable de la personnalité humaine, exhorte à parler avec franchise à son prochain et déconseille le rumination, le ressentiment prolongés. 

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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeJeu 15 Mar 2018, 12:15

Double citation: Zacharie 8,16 et Psaume 4,5 (Septante). La seconde tronquée à temps, car dans le contexte du Psaume "ne pas pécher" signifierait plutôt "garder le silence".

Si ce texte est "célèbre", comme tu dis, c'est peut-être parce qu'il offre une prise concrète à l'imagination comme à la pratique (le rythme d'un rite vespéral qui associe l'apaisement, voire le pardon ou la rémission, au coucher du soleil); parce qu'il est de ce fait moins "abstrait" et moins "absolu" qu'un "commandement d'amour", surtout si celui-ci récuse d'avance toute mesure (comme dans le Sermon sur la montagne où la moindre colère est mise au même niveau que le meurtre, passible de "Géhenne").

---

Il me vient après coup une autre référence, où il me semble que la grammaire de l'Evangile réfute le "message" qui lui est couramment attribué: en Marc (le premier dans le temps selon toute vraisemblance, dont dépendent en tout cas Matthieu, puis Luc, et même Jean) 10,21, la première fois qu'il est question d'"amour", c'est dans la phrase (que je traduis le plus "littéralement" possible): "or Jésus l'ayant regardé l'aima et lui dit..." Le temps du verbe agapaô, "aoriste" en grec, "passé simple" en français, dit bien ce qu'il veut dire (qu'on le traduise de manière "inchoative", "se mit à l'aimer" ou "se prit à l'aimer", ne change rien à l'affaire): "l'amour" est un événement, quelque chose qui arrive, un sentiment ou une émotion qui survient, ici au cours d'un dialogue. Ça n'a rien à voir avec l'idée générale que "Jésus", ou "Dieu", ou "le chrétien", aimerait tout le monde, tout le temps. (Ce qui n'empêchera pas la juxtaposition des "commandements d'amour", de "Dieu" et du "prochain", au chapitre 12 -- seule autre mention de "l'amour" dans cet évangile.)
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeMar 20 Mar 2018, 17:35

Citation :
"l'amour" est un événement, quelque chose qui arrive, un sentiment ou une émotion qui survient, ici au cours d'un dialogue. Ça n'a rien à voir avec l'idée générale que "Jésus", ou "Dieu", ou "le chrétien", aimerait tout le monde, tout le temps. (Ce qui n'empêchera pas la juxtaposition des "commandements d'amour", de "Dieu" et du "prochain", au chapitre 12 -- seule autre mention de "l'amour" dans cet évangile.)

Mais l’objet d’amour vaut pour lui-même. Enfin, l’amour vaut pour lui-même puisqu’il ne manque de rien, mais il ne faudrait pas en conclure que l’aimé est aimé pour lui-même et qu’il est foncièrement la cause prochaine de l’amour qu’on lui porte. L’aimé n’est pas aimé en vue de quelque chose qui le transcende, mais cela ne signifie pas que nous l’aimions pour lui. « Si je t’aime, est-ce que cela te regarde ? ». L’amour en tant que tel n’est pas du tout généreux, il n’a pas pour vocation de faire le bonheur de l’autre : il se suffit à lui-même disions-nous. Le désir vise le bonheur de soi (par la médiation de l’autre), l’éthique le bonheur de l’autre (par l’action du soi) ; entre les deux, l’amour se suffit à lui-même et ne vise de rien. L’amour ne travaille pas au bien de l’autre, il se contente de l’aimer.

Ce qui trompe, c’est que, comme avec le désir, il existe de multiples formes intermédiaires entre l’amour et l’éthique, de sorte que l’amour le plus authentique peut se comprendre comme un élan vers l’autre, une attention bienveillante à son bien-être, à sa sûreté, à son bonheur. Ce que l’on appellera en seconde partie l’amour-action, c’est précisément cet accompagnement de l’autre dans ses projets, cette proximité partagée et interactive qui fait que chacun des amants participe au dynamisme de la vie de l’autre. C’est un amour actif et participatif, sans doute le plus accompli, mais sans doute pas le canon ou l’essence de la relation amoureuse. Le sentiment amoureux en tant que tel n’est pas actif, mais passif : il est plus proche de la compassion, de la sympathie (c’est la même chose étymologiquement) que de l’action. L’amour serait plus un souffrir-avec, un pathos- avec, pour reprendre l’expression de M. Henry (in Phénoménologie matérielle) qu’un agir-pour. Quand j’agis pour autrui, je suis généreux, je suis bon avec lui ; cela suppose peut-être l’amour (pas nécessairement en réalité), mais cela va au-delà. Aimer n’est pas agir-pour, c’est ressentir-avec. Encore que la simple empathie ne suffise pas : aimer c’est “ressentir-avec” en étant “attaché à”.
https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2000-1-page-23.htm
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeMar 20 Mar 2018, 20:04

Intéressant texte, qu'il faut lire jusqu'au bout (malgré sa longueur) pour ne pas en rester à l'impression initiale de "catalogage" lexical et conceptuel: les définitions péremptoires se nuancent et se redistribuent selon les perspectives, au bout du compte c'est moins "catégorique" dans tous les sens du terme que le début le laisse craindre. La présentation des textes de Sartre sur ce sujet m'a paru particulièrement éclairante -- je le connais peu.

L'"idéal progressiste" qui semble s'inscrire dans la droite ligne de la psychosociologie des grandes villes "gentrifiées" (ou "boboïsées") me fait quand même un peu sourire. Pour qui, pour quelle portion de l'humanité passée, présente et future, cet "amour" dégagé du "besoin", tant économique que sexuel ou affectif ? Qu'il corresponde aux conditions d'authenticité du "sentiment" à une certaine époque et dans une certaine classe socio-culturelle, c'est bien possible, mais cela n'en fait pas un critère de vérité de tout ce qui s'est nommé et se nommera encore "amour" (etc.), en d'autres temps, d'autres lieux et d'autres milieux...
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeJeu 22 Mar 2018, 03:26

Narkissos a écrit:
Merci lgd.

"Donner le change" est une expression à creuser... Wink

Citation :
En ce qui me concerne, je ne pouvais pas me permettre d'exprimer pleinement mon ressenti tant que je ne l'avais pas "théorisé" à un niveau qui me satisfasse.

Ça, je le comprends très bien. Et autant il est dans la nature des "théories" et des "interprétations" d'entrer en débat, sinon en combat, autant il ne faudrait pas perdre de vue leur usage pour ainsi dire "privé" qui échappe à toute discussion.

LOL

Eh bien écoutes ou plutôt lis (même s'il faudrait être au lit plutôt study Sleep ) il faudrait que cela fasse l'objet d'une discussion privée geek
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeJeu 22 Mar 2018, 03:40

free a écrit:
Citation :
Je suis heureux d'échanger avec toi, et ce notamment parce que je suis conscient de l'aspect potentiellement éprouvant de mes réflexions, car tu es l'un des rares à bien vouloir me donner le change.

 Le gaffeur distancié,

Je lis attentivement tes messages mais je les trouve hermétiques et complexes (ce n'est pas un reproche, au contraire), donc il est difficile, pour moi, de te fournir une réponse, qui soit au niveau de ta réflexion et avec la profondeur qui caractérise tes analyses.

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Il n'y a aucun problèmes non plus ! Ne te dévalorises pas comme ça

En ce qui me concerne, je crois que cette sorte de profondeur analytique qui peut donner le vertige est surtout le fruit d'intenses efforts pour parvenir à guérir toutes les souffrances passées, ce qui donne une idée de leur ampleur à mon avis.

Et cela ne minimise en rien le parcours personnel de chacun, chaque vie ayant sa propre unicité.
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeJeu 22 Mar 2018, 03:44

Admin a écrit:
LGD j'ai apprécié ta démarche, particulièrement à l'encontre de tes anciens condisciples. Ce n'est pas facile de progresser comme tu l'as fait et je suis heureux de te lire sur ce forum.

ô admin mystérieux !

Je t'en remercie, même si je ne qualifierais pas mes anciens collègues-bénévoles de condisciplinés. pig affraid cheers
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeJeu 22 Mar 2018, 15:04

@ lgd:

Je pense que ça échapperait aussi à une discussion privée...

Il y a sans doute un côté thérapeutique (voire d'acharnement thérapeutique, comme disait mon ami Maurizio Manco) dans l'écriture, qui tient notamment au fait qu'elle est par nature lisible, offerte en principe à toute lecture (qu'elle soit effectivement lue par beaucoup ou par peu, par une seule personne ou par aucune, par d'autres ou par soi-même un autre jour, ne change rien à sa lisibilité de principe: universelle "en droit" et "en puissance", comme on disait naguère, toujours limitée "en fait" ou "en acte").

Reste que plus on pense (parle, écrit) "tout seul" -- bien qu'on ne pense jamais "tout seul" -- moins on "communique", et réciproquement. Il y a comme une idiosyncrasie générale et auto-générative de la pensée (etc.) qui s'étend du style au concept en passant par le raisonnement, et qui n'est que très marginalement communicable. (A la limite: plus je me fais comprendre, moins je me fais comprendre.) Même si tout cela change avec le temps et les circonstances, varie considérablement en proportion, en équilibre ou en déséquilibre d'un "individu" et d'un moment à l'autre, je ne suis pas certain qu'il y ait là le moindre "choix", si ce n'est en apparence. (Mais ce n'est là que mon fatalisme provisoire.)
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeSam 04 Nov 2023, 17:13

J'ai enfin retrouvé (en DVD) un des films de John Huston qui m'avait particulièrement touché, bien qu'il ne soit peut-être pas des tout meilleurs (mais chez Huston on n'a que l'embarras du choix), A Walk with Love and Death, Promenade avec l'amour et la mort (1969), avec sa fille Anjelica, encore adolescente, et le fils de... Moshe Dayan. Et c'est probablement lui qui me ramène à ce fil, que j'avais oublié, le seul apparemment à conjoindre dans son titre "l'amour" et "la mort", bien que le rapport de l'"un" à l'"autre", si l'on peut seulement ici parler d'"autre", ait certainement été évoqué ailleurs.

Dans ce jeu aussi vieux et vaste que le monde, dont la version grecque, la plus connue (Eros et Thanatos), n'est qu'une mouture déjà tardive, "le christianisme", unissant dans sa durée et dans son étendue les propositions "Dieu est amour" (1 Jean 4,8.16) et "Dieu est mort" (Luther, Hegel, Nietzsche), occupe une place à la fois banale et singulière.

Malgré leur ressemblance, surtout en français par l'allitération d'"amour" et de "mort", les deux propositions sont de structure différente, mais de part et d'autre remarquable: "Dieu est amour" est une "prédication" au sens logique, Sujet est prédicat, à ceci près que le prédicat ou attribut n'est pas un adjectif (Dieu est bon, juste, grand, etc.) mais un substantif, "amour", sans article; ce n'est ni "Dieu est aimant", autrement dit "Dieu aime", ni "Dieu est l'amour", réversible en "l'amour est Dieu". On le rapproche avec raison, dans les textes "johanniques", de "Dieu est lumière" (1 Jean 1,5) ou "Dieu est esprit" (Jean 4,24), quoique la syntaxe grecque ne soit pas exactement la même (ho theos agapè estin, ho theos phôs estin, mais pneuma ho theos, sans verbe). De son côté "Dieu est mort" rend indiscernables en français le sens prédicatif d'un état présent (il est mort comme il serait vivant, maintenant ou tout le temps) et d'un événement passé, tenant lieu de passé composé du verbe mourir (il est mort un beau jour, comme un enfant dirait il a mouru; au passé simple il mourut, mais depuis il est toujours mort, il reste mort, comme dans un "parfait" grec; cf. en anglais la nuance intraduisible en français de he died et he is dead). Outre les différences de genre: l'agapè grecque est féminine (comme l'amour l'était en français, cf. "l'amour est morte" de Rutebeuf, et il ou elle le reste au pluriel, "les amours enfantines", etc.), erôs et thanatos sont masculins ("la mort" est toujours der Tod en allemand, cf. Celan, der Tod ist ein Meister aus Deutschland), la lumière (phôs) et l'esprit-souffle (pneuma) sont neutres...

Du point de vue "théologique" (au sens le plus strict du terme, puisqu'il s'agit de propositions, logoi, sur le "sujet" theos, "dieu" ou "Dieu"), la différence est tout aussi considérable. "Dieu est amour" peut passer pour un point culminant de la théologie néotestamentaire, une sorte d'aboutissement ultime de la pensée ou de la révélation qui n'arrive pas chez "Jésus" (pas même celui du quatrième évangile), ni chez "Paul" (malgré 1 Corinthiens 13 où l'agapè est sujet, sans "Dieu"), mais chez celui que la tradition tient pour le dernier apôtre au soir de sa vie ("c'est la dernière heure"); ce qui lui donne une étrange tonalité crépusculaire, un peu comme, dans le Prologue de l'Evangile, la lumière brille dans les ténèbres. L'idée n'en correspond pas moins à une tendance générale de l'Antiquité tardive, à l'expression croissante d'une certaine "sentimentalité", en "religion" comme ailleurs, en même temps que d'une certaine abstraction quasi philosophique. "Dieu est mort" est encore plus problématique, car bien que la proposition puisse se lire rétrospectivement dès les premières pages du NT (Corinthiens, Marc, etc.) sous l'espèce du Christ crucifié qui engage "Dieu" dans sa mort, cela ne vient à l'expression explicite que beaucoup plus tard, avec une infinie réticence théologique: la Trinité, l'Incarnation, l'Union hypostatique, sont autant de façons complémentaires ou redondantes de maintenir une distance entre "Dieu" et "mort" qu'il faut bien pourtant rapporter l'un à l'autre... la proposition "Dieu est mort" dans sa simplicité est ambivalente, elle peut être entendue aussi bien comme profondeur mystique ou théologique que comme blasphème (et entre les deux comme lapsus, cf. p. ex. Actes 20,28, "son propre sang"; plus consciemment mais indirectement, la pensée du testament en Galates 3 ou Hébreux 9). Et pourtant, là encore, c'est la banalité même: on ne compte pas dans les mythologies antiques, de Dumuzi ou d'Osiris à Dionysos, les immortels qui meurent; cela se prête aussi à la réflexion philosophique, selon une démarche platonicienne ou derridienne par exemple: seule la mort d'un immortel serait significative, une vraie mort en somme, non quelque chose qui est simplement impliqué par la définition du vivant-mortel, présupposé et attendu dès sa naissance. Autrement dit seul l'impossible serait possible, comme l'impardonnable pardonnable, l'indécidable décidable, etc.; en ce sens ce ne serait jamais que de l'immortel qui meurt; même si c'est "l'amour".
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeLun 06 Nov 2023, 11:42

La pulsion de mort dans la trame des désirs


Dans son remarquable essai, Marlène Zarader intègre de manière novatrice en philosophie la notion théorisée par Freud et relie amour pur et aspiration au néant.


Certaines phrases interloquent, ou laissent pantois. «Je ne veux rien», par exemple. Mais que peut-on bien vouloir quand on ne veut rien ? Vouloir ne pas vouloir ? Et comment le vouloir peut-il viser le «rien», si ce «rien» n’est pas quelque chose dont il fait son objet ? On s’en sort, bien sûr, en plaçant un verbe supplémentaire : je ne veux rien savoir, rien prendre, acheter, donner, faire, dire… Mais ce n’est pas beaucoup mieux : «je ne veux rien dire» dit qu’on a beaucoup à dire et qu’on tient à le tenir secret, ce qui n’est pas rien. Si on pousse les sens à l’extrême, qu’obtient-on ? D’un côté, ceci : «je ne veux rien», je ne veux rien en retour, je ne veux rien pour moi. De l’autre : «je ne veux rien», je renonce à tout, tout m’indiffère, le monde et autrui, je ne veux pas même continuer à être. Le premier cas révèle une forme de désintéressement total, qui peut être l’expression la plus pure de l’amour, le second une forme de désintérêt total, qui peut être l’expression la plus pure du désespoir : «vouloir ne plus être», désirer mourir. Là, l’autre compte plus que moi, parce que je l’aime ; ici, plus personne ne compte, pas même moi, parce que je n’aspire qu’au vide et au néant.

Opération. C'est sur cette apparente «bizarrerie» que s'ouvre le livre de Marlène Zarader, professeur émérite de philosophie contemporaine à l'université de Montpellier-III et membre honoraire de l'Institut universitaire de France, Cet Obscur Objet du vouloir. Après avoir «écartelé» les acceptions possibles du «je ne veux rien», la philosophe se demande s'il ne serait pas pertinent de voir en elles «deux conjugaisons d'une même figure du vouloir». N'y aurait-il pas un lien «entre un amour qui se voudrait au-delà du désir et un désir qui ne veut plus rien d'autre que la mort Plus précisément : l'amour, «lorsqu'il est porté à sa pointe la plus incandescente», ne noue-t-il pas un mystérieux rapport avec «l'inexprimable aspiration de l'homme à "ne plus être" ?» Pour comprendre comment «l'amour peut paradoxalement voisiner avec la mort» et comment «la mort traversée peut parfois rendre capable d'amour», Zarader entreprend un long chemin à travers deux films de Krzysztof Kieslowski (Décalogue 6 et Rouge), le Roi Lear de Shakespeare, l'œuvre littéraire d'Yves Bonnefoy, ou la «doctrine du pur amour» de Mme Guyon, théorisée par Fénelon. Mais les concepts pour expliquer que l'homme puisse «vouloir le rien» - qu'il puisse donc aspirer à la mort «au travers du désespoir ou plus obscurément sous le masque de l'amour» - elle les trouve (en les retravaillant) chez Nietzsche, Freud et Heidegger ...


... Nietzsche, après avoir identifié une «tentation du néant», en propose une interprétation qui la reconduit à la «volonté de vivre». Freud, parlant de pulsion de mort, désigne une aspiration à n'être plus, qui est une «variante de la poussée de toute vie» vers un terme ou un but, à savoir l'«en deçà de la vie, la pure matière» : mais il explique cette tendance du psychisme humain en termes de biologie ou de métabiologie. Heidegger, lui, met bien en avant l'existant, et non le vivant. «Le premier pas de son analytique existentiale» a consisté en effet à «définir l'homme comme l'étant pour lequel "il y va, en son être, de cet être même, et qui, en conséquence, "a à être"». Mais si celui-ci «a à être», et si c'est là «une tâche difficile, incertaine, jamais assurée de réussir», se demande Zarader, n'est-ce pas parce qu'elle «doit être conquise - et à tout instant reconquise - contre l'inclination contraire, consistant précisément à ne plus être ? Si l'être nous est "remis", s'il est entre nos mains, cela n'implique-t-il pas que nous pouvons aussi refuser de le prendre en charge ?»


https://www.liberation.fr/livres/2019/04/24/la-pulsion-de-mort-dans-la-trame-des-desirs_1723118/
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeLun 06 Nov 2023, 12:29

Le livre semble intéressant, d'après cette courte recension, et dans le droit fil du présent fil...

Les distinctions sémantiques entre quasi-synonymes ou synonymes partiels sont toujours tentantes, et fragiles: entre "volonté" et "désir", entre "vie" et "existence" ou "être", la pensée, comme la création de la première page de la Genèse, avance en nommant et en séparant, mais le chemin qu'elle trace (sur la mer) s'efface derrière elle -- et à la fin, le penseur comme le dieu retourne se coucher, bénissant la cessation plus que le faire.

A propos de synonymes, le "vouloir" n'est pas loin de l'"aimer", l'espagnol querer dit les deux, et autrement l'italien volere bene...

Avec le vocabulaire de la "volonté" qui prolongeait et renversait celui de Schopenhauer (de la "volonté" opposée à la "représentation" à la "volonté de puissance" qui ne s'oppose à rien, sinon à elle-même -- jusqu'à la dernière phrase de la Généalogie de la morale, plutôt vouloir le rien que de ne plus vouloir: lieber will noch der Mensch das Nichts wollen, als nicht wollen…) Nietzsche s'est prêté à de graves contresens -- alors qu'il lui arrive de confesser, je ne sais plus où* mais ça m'avait d'abord étonné, (le sentiment de) n'avoir jamais rien voulu (au sens de rien de particulier) -- par là même l'ultime nuance entre "vouloir le rien" et "ne rien vouloir" s'estomperait, et la "volonté de puissance" rejoindrait l'"idéal ascétique", en plus d'un sens sans le vouloir...

---

* Je retrouve après coup le passage, c'est dans Ecce homo, "Pourquoi je suis si malin", § 9:
Citation :
Je n’ai pas souvenir que j’aie jamais fait un effort en vue de quelque chose ; dans toute ma vie, on ne retrouve pas un seul trait de lutte, je suis le contraire d’une nature héroïque ; « vouloir » quelque chose, « aspirer » à quelque chose, avoir en vue un « but », un « désir », tout cela je ne le connais pas par expérience. En ce même moment encore, je jette un regard sur mon avenir — un avenir lointain ! — comme on regarde la mer calme, nul désir n’en agite la surface. Je ne souhaiterais nullement que les choses fussent autrement qu’elles ne sont ; moi-même je ne veux pas changer… Mais c’est ainsi que j’ai toujours vécu. Je n’ai jamais eu de désir. Quelqu’un qui, après sa quarante-quatrième année, peut dire qu’il ne s’est jamais soucié d’honneurs, de femmes et d’argent !


Dernière édition par Narkissos le Lun 06 Nov 2023, 13:48, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitimeLun 06 Nov 2023, 13:47

EROS ET THANATOS – QUELQUES REPÈRES MYTHOLOGIQUES À L’USAGE DE LA PSYCHANALYSE

Et si le monde était « une pulsation rythmée de vie et de mort », de mouvements perpétuels, d’apparition et de disparition – « Il court, il court, le furet » – pointait Lacan pour illustrer le caractère métonymique du désir et d’aspiration à l’équilibre, à la satiété, à l’image de la mort. Telle pourrait être une représentation du couple oxymore d’Eros et Thanatos dans la mythologie grecque. La mythologie demeure elle-même structurée sur un couple cardinal de contraires conflictuels, constitué de Mythos («Tu racontes des bobards », pouvons-nous imaginer dans le propos de Platon soulignant une origine chaotique aux mythes) et de Logos, expression d’une parole discursive et organisée. Chaos, conflictuel, pulsions et « contre-pulsions », fait advenir l’engendrement des divinités. La théorie des pulsions, selon Freud, est notre mythologie et les dieux de la mythologie ne seraient que des figures de nos pulsions. Pour les mythologues, les généalogies fluctuent selon les auteurs, poètes ou philosophes, des pré-socratiques aux post-socratiques.


Le couple oxymore Eros et Thanatos  

Ce couple de dieux grecs sera retenu par Freud comme l’intrication de figures antagonistes et articulées sous le concept de pulsion de vie et de pulsion de mort (« de destructivité »). Le monde apparaît alors comme une pulsation rythmée de vie créative et de mort destructrice. Eros est conçu dans un entre-deux, entre un Dieu et une mortelle, à la porte du palais, ni dedans, ni dehors. Il est l’expression du jeu dans cet entre-deux. C’est la vie dans son perpétuel renouvellement, dans son esthétisme à travers le plaisir de créer et de susciter le désir amoureux et sexuel. Le désir est étymologiquement l’arrachement à la fixation ( » sidération « ) de l’étoile, la « dé-sidération » représentant la quête vers l’étoile manquante, désir toujours en mouvement déséquilibrant et tendant vers l’équilibre, mouvement qui entraine vers l’autre. Ce désir qu’on ne peut jamais attraper est à l’image du furet pour Lacan : « il court il court le furet, le furet du bois mesdames », en une allusion sexuelle dans la contrepèterie de cette comptine de 1720 faisant référence au cardinal Dubois réputé pour son amour des femmes. Thanatos sera au contraire l’aspiration à l’équilibre, la stabilité, la satiété hors de la faim, de la soif, image de la mort à l’instar d’un organisme parfait sans besoin de son environnement. Sur l’Olympe, Zeus et les treize autres olympiens viennent de gagner la guerre contre les Titans, ils se retrouvent dans un monde paisible, harmonieux et commencent à s’ennuyer. Le besoin de vie, Eros, se fait sentir pour ne pas chuter dans cet équilibre paradoxalement mortifère qu’est Thanatos. Alors ils inventent les humains pour se distraire !

https://institutfrancaisdepsychanalyse.com/eros-et-thanatos-quelques-reperes-mythologiques-a-lusage-de-la-psychanalyse/



 
Citation :
Je retrouve après coup le passage, c'est dans Ecce homo, "Pourquoi je suis si malin", § 9:
Citation :Je n’ai pas souvenir que j’aie jamais fait un effort en vue de quelque chose ; dans toute ma vie, on ne retrouve pas un seul trait de lutte, je suis le contraire d’une nature héroïque ; « vouloir » quelque chose, « aspirer » à quelque chose, avoir en vue un « but », un « désir », tout cela je ne le connais pas par expérience. En ce même moment encore, je jette un regard sur mon avenir — un avenir lointain ! — comme on regarde la mer calme, nul désir n’en agite la surface. Je ne souhaiterais nullement que les choses fussent autrement qu’elles ne sont ; moi-même je ne veux pas changer… Mais c’est ainsi que j’ai toujours vécu. Je n’ai jamais eu de désir. Quelqu’un qui, après sa quarante-quatrième année, peut dire qu’il ne s’est jamais soucié d’honneurs, de femmes et d’argent !

Je suis très ému par ce texte ...
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MessageSujet: Re: Au sujet de l'amour et de la mort   mort - Au sujet de l'amour et de la mort - Page 2 Icon_minitime

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