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| Les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12461 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu Mar 03 Avr 2018, 16:19 | |
| Bien sûr, ce n'est pas exactement la même chose qui intéresse l'épître aux Hébreux et l'épître de Jacques dans l'exemple de Rahab: pour la première c'est la "foi" comme témoignage de l'invisible (cf. v. 1ss; en l'occurrence, croire en "Dieu" plutôt que dans les murailles de Jéricho), qui détermine une "fidélité" aux espions qui est par ailleurs une "trahison" des siens; pour la seconde, ce sont (au contraire de l'épître aux Romains) les "œuvres", d'hospitalité et de protection envers les "messagers" (aggeloi qui sont aussi bien des "anges"). Toujours est-il qu'en effet sa "qualité" de prostituée est absolument indifférente à ces jugements, si différents qu'ils soient. (On peut repenser également à Matthieu 25 où tout le jugement tient à un seul critère, être ou non venu en aide aux "plus petits d'entre mes frères", et où tout le "bien" ou le "mal" faits par ailleurs n'entrent nullement en ligne de compte.)
L'opposition Matthieu-Jacques / Romains-Galates, diamétrale au plan théorique (les œuvres vs. la foi, pour faire court), paraît plutôt s'inverser que se neutraliser dans la pratique, tout au moins si l'on prend la sexualité comme pierre de touche: au bout du compte le "légalisme" formel de Matthieu ou de Jacques semble beaucoup plus tolérant aux "déviances sexuelles", comme la prostitution, que l'"antilégalisme" (ou anomisme) de "Paul" qui verse aussitôt dans une antithèse sacrale (cf. en particulier 1 Corinthiens 6). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu Mer 04 Avr 2018, 10:10 | |
| - Citation :
- L'opposition Matthieu-Jacques / Romains-Galates, diamétrale au plan théorique (les œuvres vs. la foi, pour faire court), paraît plutôt s'inverser que se neutraliser dans la pratique, tout au moins si l'on prend la sexualité comme pierre de touche: au bout du compte le "légalisme" formel de Matthieu ou de Jacques semble beaucoup plus tolérant aux "déviances sexuelles", comme la prostitution, que l'"antilégalisme" (ou anomisme) de "Paul" qui verse aussitôt dans une antithèse sacrale (cf. en particulier 1 Corinthiens 6).
" Ne savez-vous pas que votre corps fait partie du corps du Christ ? Prendrai-je donc des parties du corps du Christ pour en faire des parties d'un corps de prostituée ? Jamais de la vie ! Ne savez-vous pas que celui qui s'attache à la prostituée est un seul corps avec elle ? En effet, il dit : Les deux seront une seule chair. Mais celui qui s'attache au Seigneur est avec lui un seul Esprit." Franchement, je ne trouve pas le raisonnement de Paul convaincant, ni efficace, les corinthiens vont-ils renoncer à aller avec des prostituées uniquement, parce que Paul estime que l'on devient un avec ce à quoi l’on s’attache profondément et donc on s’identifie à l’objet de cet attachement ? D'ailleurs Paul est obliger d'utiliser l'expression, "Ne savez-vous pas", pour appuyer son argumentation, car effectivement les corinthiens ne savent pas "que celui qui s'attache à la prostituée est un seul corps avec elle". Il est intéressant de noter que Paul est contraint d'exprimer l’attachement à la prostituée dans le langage conjugal – "les deux seront une seule chair", or personne ne vit une relation sexuelle avec une prostituée comme un "attachement" conjugal qui mettrait en conflit l'attachement à Dieu et cette relation avec la prostituée. Les liens du mariage peuvent parfois constituer un obstacle à l'attachement à Dieu pas la prostitution. A moins que les prostituées dont parle Paul soient des prostituées sacrées et qui exerçaient dans un temple, donc la relation avec cette prostituée s'assimilerait à un attachement à un autre Dieu. Dans ce cas de figure, ce n'est pas tant la prostitution que condamne Paul mais un culte païen qui brise l'attachement du croyant à Dieu. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12461 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu Mer 04 Avr 2018, 11:49 | |
| Sur la référence à la Genèse, voir ici: hors contexte, la formule "les deux seront une seule chair" évoque la relation sexuelle en général, et s'applique aussi bien à la prostitution qu'au mariage ("institutions" contraires dans un sens, complémentaires dans un autre). En effet, l'argument paulinien est foncièrement sacral. Quoi qu'il reste au Ier siècle de la prostitution sacrée du temple d'Aphrodite à Corinthe, elle a été suffisamment célèbre depuis l'époque classique pour inscrire l'ensemble de la "profession", de haut en bas de l'échelle sociale, sous ce "patronage" symbolique ou culturel. Pour un juif en particulier, la tradition corinthienne et hellénistique en général rejoint une connexion complexe entre "prostitution" et "idolâtrie" dans la tradition juive: l'interdit de la "prostitution sacrée" en Israël, associé à celui des images et des "autres dieux" conçus comme "dieux étrangers", puis comme "démons" (cf. 1 Corinthiens 10), le cliché prophétique assimilant "idolâtrie", "paganisme" et "polythéisme" à un adultère national dénoncé comme "prostitution" métonymique. Toutes ces références finissent par se confondre. L'ironie de la chose, c'est que "Paul" (qui dans la correspondance corinthienne n'a pas encore développé sa critique de la "loi" telle qu'elle apparaîtra dans l'épître aux Romains) conçoit aussi le "mystère" chrétien sur le modèle des mystères hellénistiques. Si ses destinataires sont appelés "saints" (1 Corinthiens 1,1 etc.), ce n'est pas a priori en fonction de leur "bonne conduite" (la correspondance corinthienne ne laisse aucun doute là-dessus), mais au sens de leur consécration au Christ. Cf. notamment 6,11: "vous avez été lavés, sanctifiés = consacrés", renvoie au baptême comme "initiation" ou consécration initiale, qui lie le chrétien au Christ comme un prêtre ou une prostituée sacrée à son dieu (je rappelle qu'en hébreu on dit aussi qedesha, "sainte" ou "consacrée"). Il y a à ses yeux incompatibilité avec la "prostitution" parce qu'elle est pensée sur le même modèle (toute prostituée est "consacrée à Aphrodite", que ce soit au sens strict de l'hétaïre officielle ou dans un sens dérivé, de n'importe quelle prostituée ou même amante, comme cliché poétique ou sur le ton de la plaisanterie). Cela se mélange chez Paul (de façon assez confuse en effet) à d'autres traits de sa théologie particulière: le concept de "corps" du Christ d'une part (les "saints" sont aussi des "membres" ou des "parties" du corps du Christ ressuscité), l'opposition "chair / esprit" d'autre part (la relation au Christ est "spirituelle", la relation à la prostituée et à sa divinité est "charnelle"; mais cet argument à lui seul bannirait aussi bien toute sexualité entre les "saints", en tant que "charnelle", si elle n'était pas "sanctifiée" ou "consacrée" d'une manière ou d'une autre; d'où le chapitre 7 qui tente de "corriger" cet effet). En somme, "Paul" a trop d'arguments contre la pornéia (dont le rejet est pour ainsi dire chez lui un "réflexe") et ils finissent par se gêner et se neutraliser les uns les autres. (L'un des points les plus embarrassants de son raisonnement est qu'il contraint logiquement à penser aussi l'union au Christ sur le modèle de l'union sexuelle; d'où la distinction "chair / esprit" qui débouche à son tour sur un autre problème -- que l'épître aux Ephésiens résoudra autrement en superposant les relations "mari/femme" et "Christ/Eglise" comme deux "étages" du même "mystère"). J'en viens à deux détails de tes remarques (il me paraissait préférable de présenter d'abord la "vision d'ensemble" qui permet de comprendre dans une certaine mesure l'argumentation paulinienne): 1) A mon avis il ne faut pas interpréter l'"attachement" de ce passage dans un sens principalement "sentimental": le mot même ( kollaô, cf. "coller" !) vient à Paul de la Genèse ("l'homme s'attachera à sa femme", pros-kollaô dans la Septante), et dans l'usage qu'il en fait ici il n'implique rien d'autre que l'union sexuelle. 2) "Ne savez-vous pas" est presque un "tic" paulinien (3,16; 5,6; 6,2s.9.15s.19; 9,13.24), un artifice de rhétorique (et aussi une "question rhétorique" au sens anglais de l'expression, qui n'appelle pas de réponse et a plutôt pour effet de bloquer la réflexion) qui vise à faire passer une affirmation pour une évidence. Il y a un peu d'intimidation là-dedans: "ne savez-vous pas" <=> "vous savez très bien que", "vous devriez savoir que", qui dissuade toute objection. --- La façon dont "Paul" s'empêtre dans ses arguments a quelque chose de comique, mais l'originalité et l'inventivité de sa pensée sont à ce prix -- ça vaut, me semble-t-il, pour tous les "penseurs": ceux qui n'ont jamais tort, qui ne se contredisent jamais, qui ne sont jamais pris en flagrant délit de sophisme, de mauvaise foi ou de ridicule, "pensent" peu. Le raisonnement paulinien est souvent "foireux", si j'ose dire, mais il pense et donne à penser. Sur la question qui nous occupe, il me semble indéniable que le paulinisme engage "l'Eglise" dans une voie où "les prostituées" au sens propre ou métonymique n'auront, de fait, pas leur place (les "collecteurs d'impôts" s'en tireront significativement mieux) -- et pourtant cette "Eglise" devra bien faire avec quand il lui faudra assumer la responsabilité de toute une "société". A cet égard, les logia évangéliques, surtout acérés par l'antipaulinisme de Matthieu, garderont ou retrouveront toute leur valeur de questionnement -- avec le clergé dans le rôle des "pharisiens" ou des "justes" constamment menacés de tous les renversements de jugement et de valeurs (les prostituées et les collecteurs d'impôts vous précèdent n'étant qu'une des variations des "premiers derniers"). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu Jeu 05 Avr 2018, 15:22 | |
| Dans le récit qui rapporte le "fameux" jugement » du roi Salomon sur l’affaire présentée par deux femmes qui ont eu chacune un enfant, dont l’un est mort pendant la nuit et qui se disputent la possession du survivant, nous remarquons que ces femmes sont des prostituées. Il est intéressant de noter que dans son jugement Salomon reconnait à la prostituée qui est reconnue comme la véritable génitrice, la dignité de mère : "Donnez-lui l'enfant vivant, ne le mettez pas à mort. C'est elle qui est sa mère." (1 R 3, 27). La qualité de prostituée n'est pas reprochée à la femme qui est vue qu'à travers son rôle de mère. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12461 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu Jeu 05 Avr 2018, 16:15 | |
| On remarquera encore que ce texte, comme la plupart des récits de l'AT, ignore (royalement en l'occurrence !) la Torah -- ce n'est certes pas étonnant pour autant que ces récits la précèdent, mais c'est étonnant quand même parce qu'ils ont été préservés avec elle: il faut croire qu'ils étaient aimés plus qu'elle, pour que le désir de les garder l'emporte sur le souci de cohérence idéologique (c'est vrai aussi du NT: la "canonisation" d'un texte, surtout s'il ne cadre pas trop avec la doctrine dominante, dépend essentiellement de sa "grâce", de son aptitude à se faire aimer, contre quoi aucune "censure" ne peut rien).
L'émotion (ici l'amour maternel, en hébreu rhm, "compassion" au sens fort qui évoque les "entrailles", les "tripes" ou le "ventre maternel", le "sein" ou cet "utérus" d'où nous vient l'"hystérie") comme critère d'un jugement de vérité et de valeur, c'est aussi la ficelle narrative qu'on retrouvera dans le récit de Luc 7: là l'émotion de la mère qui veut sauver son fils même en le perdant témoigne de l'authenticité de la filiation ou de la maternité, ici le geste de la "pécheresse" témoigne d'un amour qui vaut plus que la "justice" du "pharisien". |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu Ven 06 Avr 2018, 10:05 | |
| La prostitution en Israël ne figurait pas dans le code des châtiments dans l'énumération des relations sexuelles interdites du lévitiques (20,10-17), seule, et à une époque tardive, la prostitution d’une fille de prêtre était punie de mort ( 21,9) et un prêtre ne pouvait marier une prostituée ni une femme répudiée (21,7). Malgré les interdictions de la Loi (Dt 23, 18-19), des prostitués se trouvaient jusque dans le Temple (Os 4,14 ; 2R 23,7). Les adorateurs de Yahvé condamnaient les prostituées sacrées, peut-être parce que leur divinité était dépouillé toute sexualité. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12461 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu Ven 06 Avr 2018, 11:44 | |
| En Lévitique 19,29 l'interdiction de prostituer sa fille est déjà transférée de la catégorie de règle sacerdotale (21,9) à celle de règle générale (pour tout Israël, 19,1) -- sans qu'aucun châtiment soit cependant stipulé. A noter aussi qu'en 21,9 la mort exceptionnelle, par le feu, correspond à celle que risquait Tamar, qui s'était déguisée en prostituée "sacrée" (qedesha) dans le récit de Genèse 38.
D'autre part, les "prostitué(e)s sacrées" du temple de Jérusalem, comme celles (et ceux) de la plupart des sanctuaires ("hauts lieux" etc.) du pays, étaient bien consacré(e)s à Yahvé ou à des divinités associées, et non à des dieux "étrangers" (surtout pas adverses ou hostiles) ! C'est la même "réforme" (initiée sans doute par la politique de Josias, peut-être déjà par celle d'Ezéchias, mais qui n'a abouti que par la grande coupure de l'exil, rompant la plupart des liens traditionnels entre le culte d'avant et celui d'après) qui a transformé à la fois le "rite" et le "mythe", en "dépouillant" aussi Yahvé de (presque) toute sexualité (Ashéra, la Reine du ciel, etc.) en même temps que de (presque) toute image. En somme, ce qui fait l'"originalité" du "judaïsme" (post-exilique et "officiel", du "Second Temple") par rapport à la religion d'ailleurs et d'avant, c'est cette rupture historique (et géographique pour les exilés) qui permet au retour d'instaurer en restaurant, d'inventer sur un sol presque neuf une religion largement nouvelle et artificielle, avec quelques traditions d'"avant" et beaucoup d'éléments d'ailleurs (Babylone-Egypte-Perse). Et comme toute l'écriture (Torah et Prophètes, y compris l'"histoire", Josué-Juges-Samuel-Rois) est un produit de la même époque, c'est sur ses (nombreuses) incohérences qu'il faut compter pour se faire une idée de la religion d'"avant". Avec d'ailleurs des effets comiques que ressent tout lecteur de l'"Ancien Testament", et dont "le peuple" est continuellement la victime. Dès l'Exode avec l'épisode du veau d'or, redoublé dans les Rois pour le prétendu "schisme": il suffit que Moïse (ou Josué, ou Salomon) ait le dos tourné pour que "le peuple" se précipite d'un culte "pur", instauré à grands coups de miracles spectaculaires, dans l'idolâtrie et la prostitution... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu Ven 06 Avr 2018, 14:29 | |
| - Citation :
- Avec d'ailleurs des effets comiques que ressent tout lecteur de l'"Ancien Testament", et dont "le peuple" est continuellement la victime. Dès l'Exode avec l'épisode du veau d'or, redoublé dans les Rois pour le prétendu "schisme": il suffit que Moïse (ou Josué, ou Salomon) ait le dos tourné pour que "le peuple" se précipite d'un culte "pur", instauré à grands coups de miracles spectaculaires, dans l'idolâtrie et la prostitution...
Dans le Deutéronome 23,18-19, on note un voeu pieux et une contradiction : « Il n’y aura pas de « prostituée » (« qedesha ») parmi les filles d’Israël et il n’y aura pas de « prostitué » (« qadesh») parmi les fils d’Israël. Tu n’apporteras jamais le gain d’une prostituée (zonah) ni le prix d’un chien au temple de YHWH ton Dieu pour un sacrifice votif. » Cette façon de nommer les prostitués, en recourant à un euphémisme par antithèse, n’est pas inhabituelle dans la Bible. Elle a, cependant, beaucoup contribué à entretenir le « mythe historiographique » d’une prostitution sacrée. On observera que, si la première règle interdisant toute prostitution en Israël avait été respectée, il n’y aurait pas eu lieu d’énoncer la seconde qui écarte leurs gains des activités du Temple.http://hal.univ-lille3.fr/hal-01671062/document |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12461 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu Ven 06 Avr 2018, 15:33 | |
| Intéressant article.
On remarquera que, comme beaucoup de débats ces temps-ci, celui sur la "prostitution sacrée" est essentiellement lexical: comme ça ne correspond pas à ce que nous appelons "prostitution" (à ce tarif, rien ne correspond à rien, aucun de nos mots ne peut décrire adéquatement quoi que ce soit de l'Antiquité, surtout pas le mot "Antiquité" !), l'appellation composée est impropre, elle suggère une antithèse entre "prostitution" et "sacré" qui n'existe pas dans les textes. Soit, alors appelons-la autrement, il faudra bien quand même tôt ou tard se demander de quoi on parle. Au bout du compte, l'idée de "servantes" ou de "serviteurs" attaché(e)s à un "temple" (hiérodules, de hiéros et doulos, esclaves sacrés ou esclaves du temple), avec une fonction "sexuelle" et un rapport "financier" au "temple" se reconstituera d'une manière ou d'une autre, même si l'on récuse chacun de ces mots. (C'est évidemment le point de vue d'un vieux bibliste et non d'une jeune universitaire américaine, comme l'auteur le fait malicieusement remarquer.)
Par ailleurs, je résiste tout à fait à l'idée que l'usage hébreu et biblique de qedesha(h) soit un "euphémisme par antithèse". D'une part la racine qdš est attestée bien avant l'hébreu biblique (dans la langue d'Ougarit par exemple), d'autre part les "euphémismes par antithèse", comme leur nom d'eu-phémisme (bonne parole) l'indique, ne fonctionnent que dans un sens (on dit "bénir Dieu" pour [ne pas dire] "maudire Dieu", par exemple, jamais le contraire). Il me semble évident que si l'on était parti d'un point de vue religieux méprisant la "prostitution" (appelons-la comme on voudra) on n'aurait jamais eu l'idée de l'appeler "sacrée" ou "sainte", comme le temple, les prêtres ou Yahvé lui-même ! Les textes bibliques tendent plutôt à confondre la "prostitution sacrée" avec la "prostitution" tout court (c'est effectivement ce qui arrive en Deutéronome 23, où la qedesha est assimilée à la zona, comme le qadesh au "chien", klb: c'est un langage insultant, le contraire d'un "euphémisme"). Moralité, si l'on peut dire: c'est bien parce que la qedesha s'appelait ainsi depuis longtemps que même les textes bibliques qui réprouvent la pratique ont dû intégrer son appellation traditionnelle dans leur vocabulaire -- ils ne l'ont certainement pas inventée.
Par contre, je suis tout à fait d'accord avec l'extension du concept (lui aussi anachronique !) de "patronage", des divinités de "l'amour" en particulier (d'Inanna-Ishtar à Aphrodite-Vénus), à l'ensemble des relations sexuelles, érotiques ou amoureuses, y compris la "prostitution" la plus "profane" (cf. supra 4.4.18, à propos de 1 Corinthiens 6). |
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