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| La gloire et la glorification | |
| | Auteur | Message |
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free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: La gloire et la glorification Mar 20 Nov 2018, 14:45 | |
| Dans la Bible, la gloire est un attribut de Dieu et il ne la partage pas : "ma gloire, je ne la donnerai pas à un autre" Is 42,8.
Le terme " gloire " et le verbe " glorifier " sont employés plus d’une trentaine de fois dans le Quatrième évangile. Celui-ci affirme, dès le Prologue, que la gloire de Dieu est visible dans le Logos incarné (Jn 1,14). C’est donc bien de Dieu et non des hommes que Jésus reçoit la gloire. Il l’affirme lui-même (5,41) et accuse ses interlocuteurs de rechercher une gloire humaine au lieu de recevoir celle de Dieu (5,44).
La gloire de Dieu n’est pas une question de solennité, d’honneurs et d’admiration. La gloire vient de Dieu lui-même, et elle se communique par son amour. Ainsi l’amour du Père pour le Fils attribue à ce dernier la gloire du Père (Jn 17,24). Quand, dans sa prière, Jésus demande au Père de le glorifier, il parle aussi de glorifier le Père (17,1.4.5) et témoigne de cette façon d’un don réciproque ou amour mutuel. Mais l’amour du Père et du Fils ne les replie pas sur eux-mêmes, il se traduit par le don de la gloire aux disciples de telle façon que ceux-ci pourront entrer dans l’amour et la communion du Père et du Fils (17,22). https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/831.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La gloire et la glorification Mar 20 Nov 2018, 15:44 | |
| Le mot grec doxa a beaucoup de "sens", si l'on veut, dont les deux plus connus paraissent a priori très éloignés l'un de l'autre à un francophone: "gloire" et "opinion", à première vue ça n'a rien à voir. Et pourtant entre ces deux acceptions le rapport est profond et assez facile à comprendre (Heidegger entre autres l'a bien montré, moins isolé sur ce point que sur beaucoup d'autres en matière d'étymologie ou de philologie): il suffit d'entendre par "gloire" (réputation, renommée, fame, etc.) un rayonnement, une manifestation, la révélation ou l'apparition, le venir au jour d'un "phénomène", pour saisir aussitôt l'"opinion" comme ce que j'en perçois, ce que j'en reçois, l'idée peut-être en partie fausse, mais aussi en partie vraie, que je m'en fais sur son "apparence", indissociable cependant de son "apparition" (a-lètheia, "vérité" comme "dé-voilement", ne dit pas autre chose). Tout le programme d'une "phénoménologie", où toute "conscience", même erronée, est "conscience de quelque chose", comme disait Husserl. Doxa dit tout cela, des deux "points de vue" à la fois, de l'"objet" ou du "sujet", de la chose rayonnante et de celui qui en perçoit le rayonnement. Et même si l'étymologie de l'hébreu correspondant (kabod, de kbd "peser", ce qui a du poids, ce qui est "important") est toute différente, elle convoque dans les textes les mêmes images lumineuses (soleil, nuée, du fond ou de l'intérieur obscur au rayonnement superficiel ou externe; là encore, révélation et manifestation).
Ce qu'en dit le deutéro-Isaïe n'est pas tout ce que "la Bible" (même hébraïque, l'AT) en dit: dans un sens, sans doute, Dieu ne "partage" pas sa gloire, mais dans un autre il ne cesse de la partager, puisque la gloire est précisément ce qui de lui se partage ou se communique (comme rayonnement au visage de Moïse, à Israël ou à Jérusalem, ou comme nuée lumineuse qui remplit le temple, ou toute la terre, ou les cieux et la terre; cf. les autres références de l'article). Une seule "source", obscure en son fond, mais qui diffuse sans limite (et dans le mouvement johannique, que nous avons souvent décrit: du Père au Fils et du Fils à tous les siens, jusqu'à l'horizon du "monde" pourtant résistant ou réfractaire comme les ténèbres à la lumière).
La particularité la plus remarquable de "Jean" réside probablement dans une certaine "coïncidence", accident ou télescopage, des "opposés" traditionnels. Là où le paulinisme opposerait théologie de la croix à théologie de la gloire, le comble de l'abaissement-humiliation à la résurrection et à l'élévation au ciel (d'où l'"ascension" lucanienne), le johannisme au contraire fait voir l'un dans l'autre. La croix est déjà l'"élévation" (au sens le plus concret, arrachement du corps du supplicié à la terre) et la "glorification" du "Fils de l'homme". Il y a de l'humour noir, macabre, dans cette christologie ironique. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La gloire et la glorification Mar 20 Nov 2018, 17:03 | |
| De fait, à la lecture des textes, on remarque qu'il est très difficile de saisir l'unité et la cohérence de la juxtaposition narrative des différents aspects du thème de la gloire en Jean. En certains endroits se côtoient, et parfois se mélangent, les emplois profane et christologique du terme15. On pourrait même tenir pour une contradiction le fait que Jésus puisse manifester sa gloire sans qu'il ne s'agisse vraiment de sa glorification16. De plus, cette glorification de Jésus semble tantôt considérée comme un événement futur, tantôt comme un événement accompli ou en voie d'accomplissement17, et cela parfois dans le même verset18. Dans la même veine, Jésus a déjà glorifié le Père, mais le Père devra encore être glorifié19. À cela il faut ajouter l'aspect réciproque de la glorification, le Fils glorifiant le Père, le Père glorifiant le Fils, réciprocité qui semble impliquer une certaine adéquation entre la gloire de Dieu et la glorification du Fils20. Et comme si les choses n'étaient pas assez complexes, les énoncés sur la glorification visent tantôt le Fils, tantôt le Fils de l'homme21. Enfin, il semble y avoir une distinction entre la gloire que Jésus possède sur terre et la gloire qu'il avait avant et qu'il retrouvera après cette présence terrestre22.
15.Cf. Jn 5,44; 7,18; 8,54; 12,43. 16. Comparer Jn 1,14; 2,11 ; 11,40 et 17,22 avec 7,39 ; 12,16.23; 17,5. 17. Comparer Jn 7,39; 12,16.23 et 13,32 avec 11,4; 13,31 ; 17,1.5. 18. Cf. Jn 12,28 ; 13,31-32. 19. Comparer Jn 13,31 et 17,4 avec 12,28 ; 14,13 ; 15,8 ; 17,1. 20. Cf. Jn 11,4.40; 12,28 ; 17,1. 21. Comparer 12,23 et 13,31 avec 17,1. 22. Comparer Jn 1,14 et 17,24 avec 2,11 ; 11,4.40; 12,41 et 17,5.22.
https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/1995-v51-n3-ltp2153/400941ar.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La gloire et la glorification Mar 20 Nov 2018, 17:32 | |
| Je n'arrive pas à ouvrir le fichier (trop lourd pour ma connexion), je ne sais donc pas d'où ces remarques viennent ni où elles vont, mais sous cette réserve (de taille et de poids !) elles me paraissent fort justes -- et caractéristiques à mon sens du "génie johannique", qui n'est sans doute pas celui d'un "auteur" ni même d'une "école" ou d'une "communauté", mais d'un texte qui va s'écrivant comme il s'écrit, avec une capacité remarquable à intégrer ses ajouts, développements, retouches, corrections, et à en faire ce qu'il veut, comme il le dit si bien de l'esprit...
--- Quelques heures plus tard: j'ai finalement réussi à lire, et je trouve ça très décevant. Il y a, certes, des éclairages utiles sur certains éléments du texte (c'est bien le moins), mais l'explication d'ensemble combine -- exploit, hélas ! fréquent en exégèse -- les inconvénients de la complication inutile et de la simplification abusive. Ce n'est pas en tricotant deux logiques hétérogènes (ici celle de l'envoyé et celle du Fils de l'homme) qu'on écrit un texte -- ni tout seul, ni à plusieurs ensemble ou successivement. Des "micro-logiques" à l'œuvre dans un texte, fragmentaires, segmentaires ou vectorielles, il y en a évidemment beaucoup plus que ça et c'est tout le mérite d'un commentaire que de les relever au fil du texte, mais ce n'est jamais ça qui fait le texte, qui "explique" sa "logique" d'ensemble, sa venue, son cours, sa dynamique ou son mouvement général. Cela, en revanche, une simple lecture cursive le saisit sans peine, même si elle manque beaucoup de détails. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La gloire et la glorification Jeu 22 Nov 2018, 11:49 | |
| En Ex 33, 18-20 Moïse demande à Dieu : "Fais-moi de grâce voir ta gloire" ; la réponse divine est assortie du refus de manifester sa gloire de face. Ainsi ce que Moïse n’a pu voir, les apôtres l’ont contemplé à travers la chair du Logos :
"La Parole est devenue chair ; elle a fait sa demeure parmi nous, et nous avons vu sa gloire, une gloire de Fils unique issu du Père ; elle était pleine de grâce et de vérité." (Jean 1,14)
Le texte de jean 1,14 ; nous rappelle celui d'Hé 1,3 : "Ce Fils, qui est le rayonnement de sa gloire et l'expression de sa réalité même" |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La gloire et la glorification Jeu 22 Nov 2018, 12:24 | |
| Cf. aussi 2 Corinthiens 3,7--4,6 p. ex. Si les images lumineuses ne relèvent pas directement de l'étymologie des mots (de doxa et encore moins de kbwd), il n'est que plus remarquable qu'elles soient systématiquement convoquées par les textes. On pense d'abord quelque chose comme "la gloire" sur le mode de la représentation visuelle, optique (brillant, rayonnant, éclatant, éblouissant; la "gloire" est même le rayonnement des astres, de couleur, d'intensité ou de magnitude différents, en 1 Corinthiens 15); d'autres "métaphores" (p. ex. sonores ou acoustiques: renommée, réputation, acclamation, clameur, rumeur de ce qui fait "du bruit", on dirait aujourd'hui buzz) ne sont pas exclues mais secondaires. Devenir lumière, la vocation du logos ? (Cf. ici ou là.) |
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