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 Le Dieu étrange et paradoxal

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MessageSujet: Le Dieu étrange et paradoxal    Le Dieu étrange et paradoxal  Icon_minitimeMer 27 Fév 2019, 12:12

Oui, le SEIGNEUR va se lever comme à la montagne de Peracim,  il frémira comme dans la plaine de Gabaon,  au moment d’accomplir son œuvre, œuvre insolite,
de faire son travail, travail étrange." Ésaïe 28, 21



Dieu au-dessus de Dieu

On connaît l’expression célèbre de Tillich, Dieu au-dessus de Dieu.

La mystique naît de ce que Dieu est au-dessus de ce que nous en disons, des représentations que nous en avons, et des rites par lesquels nous le célébrons. Dieu n’est pas ce que nous pensons, croyons, imaginons ou pratiquons. Le mysticisme court le danger d’oublier qu’« au-dessus » ne veut pas dire « ailleurs », « en dehors » ou « sans », mais « à travers » ou « à partir de ». Dieu ne s’identifie pas aux représentations qu’on en a, aux images qu’on s’en fait, mais il nous rencontre par leur moyen. Il ne s’agit ni d’éliminer les formes concrètes du religieux, ni de les absolutiser, mais d’apprendre à en faire un bon usage, c’est-à-dire de les relativiser (au sens de les mettre en relation avec l’Ultime et avec nous), de s’en servir comme interfaces sans leur attribuer une valeur intrinsèque. Pour le sacramentalisme, Dieu se trouve tout entier dans sa révélation, il s’identifie avec son nom, avec ce qui le désigne ou le signale. Ce qui le révèle dissipe donc son mystère. Pour le mystique, la révélation maintient et rend sensible le mystère de Dieu, car Dieu se trouve au-dessus de son nom. Mais pour vivre la présence de Dieu, il faut le nommer, ce qu’a tendance à oublier non pas la mystique, mais le mysticisme qui vise à abolir « le monde du discours »

Union et séparation

La foi éprouve en même temps la proximité de Dieu (« tu es proche, ô Éternel », chante le psalmiste) et son éloignement (« Tu es un Dieu qui se cache », écrit le prophète Ésaïe). Elle a conscience tout autant d’une parenté (« nous sommes de la race de Dieu », déclare Paul à Athènes) que d’une altérité (il « surpasse toute intelligence », écrit l’apôtre). D’une part, l’étrangeté de Dieu nous surprend, nous étonne, nous bouscule, et nous ouvre à un monde nouveau. D’autre part, la familiarité de Dieu nous rassure, nous console, nous réconforte, nous fait redécouvrir notre propre être, et nous ouvre à la vérité que nous portons en nous. « On peut distinguer, écrit Tillich, deux voies dans l’approche de Dieu […]. Dans la première, l’homme se découvre lui-même en découvrant Dieu ; il découvre une réalité qui lui est identique bien qu’elle le transcende infiniment […]. Dans la seconde voie, l’homme rencontre un étranger quand il rencontre Dieu. La rencontre est fortuite. » https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2003-v59-n1-ltp477/000789ar.pdf
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Narkissos

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MessageSujet: Re: Le Dieu étrange et paradoxal    Le Dieu étrange et paradoxal  Icon_minitimeMer 27 Fév 2019, 13:34

Le rapprochement des textes (d'Isaïe et de Gounelle) est lui-même paradoxal: pour autant qu'on puisse se fier à un "contexte" à la limite du "collage", "l'œuvre étrang(èr)e" (m`sh zr / `bwdh nkryh -> opus alienum / peregrinum) d'Isaïe 28,21 serait plutôt à prendre en mauvaise part: c'est Yahvé qui se comporte comme un ennemi de Juda/Israël, qui retourne contre son propre peuple les miracles salvateurs qu'il avait produits contre ses adversaires (références probables à Josué 10,10; 2 Samuel 5,20, ou à leurs ancêtres narratifs). Il est donc tout à fait remarquable (mais peut-être inévitable) que cette formule obscure finisse par dériver vers une expérience "mystique" globalement positive et son paradoxe d'"intime étrangeté" ("extime", écrit Jean-Luc Nancy).

Il faudrait, bien sûr, situer la "mystique" dans une longue et large tradition (discontinue ou résurgente) qui nous ramènerait notamment à la "gnose", avec déjà un "dieu au-dessus de dieu", le Père radicalement étranger au monde du dieu créateur et de l'histoire (ce  n'est pas pour rien que Harnack avait intitulé son fameux ouvrage sur Marcion Le dieu étranger; avec le marcionisme, du reste, il y a une curieuse convergence de la foi paulinienne, pagano-chrétienne, et d'un "contre Israël" qui rejoint, par coïncidence, le sens initial probable d'Isaïe 28,21). Et déjà une certaine tension entre "gnose" ou "spiritualité" et "mystère-sacrement" (le mot "mystique" changera pour ainsi dire de camp, mais la structure de l'opposition restera foncièrement la même).

Ici encore la présentation de Tillich par Gounelle est très éclairante. Une seule chose me gêne un peu, mais elle tient moins à Tillich ou à Gounelle qu'à la position même du théologien systématique: vouloir déterminer un point d'équilibre central, une sorte de "mystique" bonne ou saine dont tout écart serait à éviter (soit vers un "mysticisme" éthéré et de mauvais aloi, soit vers un sacramentalisme "superstitieux", soit vers un "enthousiasme charismatique" et hystérique, soit vers un dogmatisme ou un rationalisme "secs" et obsessionnels), c'est aussi, me semble-t-il, s'aveugler à une vérité plus "dramaturgique": ce n'est pas seulement en logique que tous les termes opposés s'impliquent mutuellement, qu'ils ont besoin les uns des autres pour se déterminer, ils doivent aussi être effectivement joués, "dans la vie", comme autant de "rôles" (selon la logique du corps paulinien dont l'équilibre d'ensemble dépend des différences et donc aussi des déséquilibres particuliers).


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MessageSujet: Re: Le Dieu étrange et paradoxal    Le Dieu étrange et paradoxal  Icon_minitimeMer 27 Fév 2019, 14:54

Citation :
Le rapprochement des textes (d'Isaïe et de Gounelle) est lui-même paradoxal: pour autant qu'on puisse se fier à un "contexte" à la limite du "collage", "l'œuvre étrang(èr)e" (m`sh zr / `bwdh nkryh -> opus alienum / peregrinum) d'Isaïe 28,21 est plutôt à prendre en mauvaise part: c'est Yahvé qui se comporte comme un ennemi de Juda/Israël, qui retourne contre son propre peuple les miracles salvateurs qu'il avait produits contre ses adversaires (références probables à Josué 10,10; 2 Samuel 5,20, ou à leurs ancêtres narratifs). Il est donc tout à fait remarquable (mais aussi inévitable) que cette formule obscure finisse par dériver vers une expérience "mystique" globalement positive et son paradoxe d'"intime étrangeté" ("extime", écrit Jean-Luc Nancy).


Pour l’homme de la Bible, Dieu est la cause directe de toute chose. Le véritable assaillant d’Israël dans l’épreuve qui l’afflige n’est donc pas Babylone, mais le Seigneur lui-même qui déploie sa colère contre son peuple. C’est bien ce que nous dit le second poème y allant même de formules audacieuses :

"Le Seigneur se comporte comme un ennemi ;  il engloutit Israël ;  il engloutit tous ses donjons ;  il ruine ses fortifications.  Il multiplie pour la Belle Judée  plainte et complainte." Lm 2,5 http://www.interbible.org/interBible/ecritures/exploration/2010/exp_100601.html


"Non, le châtiment de Dieu était ma terreur,  je ne pouvais rien devant sa majesté" Job 31,23

Devant les malheurs qui lui arrivent, Job refuse de se considérer comme coupable; il voudrait bien que Dieu lui explique où il a manqué et il en vient à le considérer comme un ennemi qui le harcèle sans raison. Ce Dieu étrange et étranger, me semble être une divinité imprévisible, qui peut aimer, protéger lais aussi se retourner violemment contre son "peuple", sans raison apparente (La divinité qui veut tuer Moïse).  



Un espace vital

L'Ancien Testament a des mots différents pour parler du souffle. Celui qui est le plus fréquent est le mot ruah. Un mot très difficile à traduire car riche de significations très diverses. Il évoque le vent et l'espace. Il désigne ce qui sépare Dieu de l'homme, et en même temps l'espace vital que Dieu possède et auquel l'homme participe tant qu'il vit. La ruah est un espace invisible, une atmosphère extérieure à l'homme qui, en évitant toute fusion avec Dieu, lui permet de vivre. La vie même exige donc cet espace et ce vide voulus et donnés par Dieu lui-même.

Une étrange atmosphère

Cet espace n'est pas ordinaire. Il est l'endroit où Dieu communique avec les hommes. À certains moment les relations peuvent être sereines. Il n'y a pas un nuage dans le ciel. À d'autres moment les relations sont plus tendues, voire orageuses. Le vent, sous ses différentes formes, symbolise ces relations entre Dieu et les hommes. Le prophète Ézéchiel parle ainsi des "quatre ruah", c'est-à-dire du vent qui accourt des quatre points cardinaux. Cette ruah est l'instrument de Dieu qui, grâce à elle, transforme le monde et fait "des vents ses messagers" (Ps 104,4). https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1531.html


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MessageSujet: Re: Le Dieu étrange et paradoxal    Le Dieu étrange et paradoxal  Icon_minitimeMer 27 Fév 2019, 15:35

La relation entre mystique et rationalité qu'évoque Gounelle est elle-même paradoxale -- tout au moins pour une doxa ("opinion") qui associe volontiers "mystique" et "irrationnel"; ce qui peut d'ailleurs être juste, à condition de définir par quel rapport à quelle "raison" il y aurait "ir-raison" ou "dé-raison".

La médiation de la souffrance paraît ici déterminante. Un malheur, personnel, familial, national, communautaire (défaite, massacre, exil, persécution, martyre) oblige à penser autrement et paradoxalement, d'une pensée qui est elle-même une souffrance, mais qui peut, du moins plus facilement que "la vie", se retourner en jouissance. Le dieu national est mort, vive le Dieu de l'univers et de l'histoire. Le martyr ou le messie est abandonné, il ressuscite en saint ou en Christ. La joie de la dialectique passe aussi par la souffrance de la pensée, qui est d'abord une souffrance pensée; c'est là, à l'improbable point de rencontre entre une "mystique" et une "rationalité", que tout se joue dès lors que quelque chose se joue.
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MessageSujet: Re: Le Dieu étrange et paradoxal    Le Dieu étrange et paradoxal  Icon_minitimeJeu 28 Fév 2019, 11:14

"Lorsqu'ils arrivèrent à l'aire de Nakôn, Ouzza étendit la main vers le coffre de Dieu et le saisit, parce que les bœufs avaient glissé. Le SEIGNEUR se mit en colère contre Ouzza, et Dieu l'abattit là, à cause de cette insolence. Ouzza mourut là, près du coffre de Dieu. David se fâcha parce que le SEIGNEUR avait ouvert une brèche en Ouzza ; c'est pourquoi on appelle ce lieu Pérets-Ouzza (« Brèche d'Ouzza »), jusqu'à ce jour. En ce jour-là, David fut saisi par la crainte du SEIGNEUR ; il dit : Comment le coffre du SEIGNEUR pourrait-il entrer chez moi ? Il ne voulut pas prendre le coffre du SEIGNEUR chez lui, dans la Ville de David, et il le fit conduire dans la maison d'Obed-Edom, le Gatite. Le coffre du SEIGNEUR resta trois mois dans la maison d'Obed-Edom, le Gatite, et le SEIGNEUR bénit Obed-Edom et toute sa maison." 2 Sa 6, 6 ss

Ce récit illustre l'étrangeté de Dieu, une divinité qui désire être présente parmi les humains , via l'arche de l'alliance mais qui n'accepte pas le contact direct ou indirect avec les hommes (Jg 6,22-23 ; 13,22), qui peut susciter une réaction violente et inattendue de sa part, en effet Ouzza est mort pour avoir empêché l’arche de l’alliance de tomber, lui qui voulait seulement prévenir une catastrophe est exécuté par Dieu. David fut saisi par la crainte, lui l'intime de Dieu, préfère ne pas accueillir le coffre chez lui, par crainte de ce Dieu imprévisible et étrange.
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MessageSujet: Re: Le Dieu étrange et paradoxal    Le Dieu étrange et paradoxal  Icon_minitimeJeu 28 Fév 2019, 12:04

"Dieu", "le dieu" ou "Yahvé" est aussi "étrange(r)" dans ce (genre de) cas d'une autre façon.

Pour une pensée "sacerdotale", en effet, il n'y a pas besoin de l'intervention expresse d'une divinité personnelle et particulière avec une "volonté", un "sentiment" ou une "émotion". C'est "le sacré", le numen, "le divin" impersonnel en-deçà de toute nomination ou personnalisation divine, qui tue automatiquement quiconque s'en approche en dehors des règles (cf. la "colère sans sujet"). C'est "ça" qui est étrange et foncièrement étranger aux hommes, de tout culte et de toute culture; potentiellement dangereux ou hostile. -- D'où aussi ce qu'il y a de commun aux "prêtres" de n'importe quel "dieu", "nation" ou "religion": ils font le même "métier", qui consiste précisément à régler le rapport des hommes au sacré par la médiation de tel ou tel dieu et de tel ou tel rituel.

Dès lors qu'un "dieu" personnel vient à occuper la place de ce "sacré" impersonnel, il ne peut être qu'"étrange(r)" -- l'impersonnel se traduit en termes "personnels" sous l'espèce d'un caractère coléreux, fantasque, capricieux, lunatique, cruel, arbitraire. Mais tous ces "traits de personnalité" viennent de plus loin qu'une "personnalité" divine. Qu'on enlève le dieu, on n'en aura pas fini avec l'"étrange" -- tout au contraire on lui sera livré sans repère et sans règle, sans nom, sans mythe et sans rite, sans "savoir" ni "savoir-faire" face à l'étrangeté absolue. On pourrait dire "à sa merci", si ce n'était déjà une façon de le personnaliser, sous l'espèce de la grâce et de l'arbitraire du souverain.
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MessageSujet: Re: Le Dieu étrange et paradoxal    Le Dieu étrange et paradoxal  Icon_minitimeJeu 28 Fév 2019, 13:30

L’épître aux Hébreux, en reprenant une image du Premier Testament, écrit que le Dieu sauveur reste dangereux : « notre Dieu est aussi un feu dévorant » (...)

Dans une analyse classique, Rudolf Otto a souligné l'ambivalence du sacré, à la fois fascinant et effrayant. Il attire et épouvante ; il comble et consume ; il crée et détruit. Il est en même temps source de vie et porteur de mort, fondation et gouffre, assise et abime, compassion et colère, paradis et enfer. À la suite de Luther et d’Otto, Paul Tillich reprend ce thème. « Le divin, écrit-il, englobe à la fois le divin et le démoniaque ». Dieu a en lui une composante agressive, destructrice, diabolique et donc effrayante. Le non-être, par quoi il faut entendre une violence dévastatrice, fait partie de l'être de Dieu. Il en est un élément à la fois constitutif et contestataire. Dieu le contient, le réprime, le canalise par sa puissance créatrice. Il remporte une victoire toujours renouvelée et toujours à renouveler sur la mort et le néant. Il les asservit, comme un dompteur qui, jour après jour, impose sa volonté au fauve aux aguets (quaerens quem devoret, selon l’expression de l’épître de Pierre*). Ces forces négatives lui sont internes ; elles ne viennent pas du dehors. Il les a en lui ; elles sont un des pôles de son être. Si elles n’agissaient pas en lui, il serait inerte, pétrifié, sans dynamisme interne ni action externe, autrement dit sans vie. S'il les laissait l'emporter, il ne serait pas sauveur, miséricordieux et bienveillant ; il serait hostilité et violence. Affirmer que Dieu est vivant et qu’il est amour signifie qu’il y a en lui une tension constante entre le négatif surmonté, mais non aboli, et le positif qui affronte et domine ce négatif*. « Ne pourrait-on pas dire de manière tout à fait symbolique, écrit Tillich, que la vie divine, c’est l’éternelle victoire sur le non-être qui appartient à son être ? » (ce qu’on pourrait rapprocher de la formule du biologiste Schrödinger, « la vie est une victoire sur l’entropie »). http://andregounelle.fr/divers/violence-sacree.php
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MessageSujet: Re: Le Dieu étrange et paradoxal    Le Dieu étrange et paradoxal  Icon_minitimeJeu 28 Fév 2019, 16:08

Cette idée de divinité "bipolaire" (avec ou sans les résonances psychiatriques du terme) est peut-être inévitable -- structurellement inévitable parce qu'elle tient à notre façon de penser-parler quelle que soit notre langue, dans la mesure où la négation y joue toujours, et en plus d'un sens, le rôle essentiel: c'est à partir de la négation qu'il y a une pensée de l'être. Il y a un "oui" parce qu'il y a un "non", il y a quelque chose parce qu'il n'y a pas rien, il y a ceci parce qu'il n'y a pas cela, ainsi et pas autrement. Par rapport à cela les différences culturelles et historiques sont accessoires et relatives, qu'elles tendent à renforcer ou à atténuer l'aspect "binaire" de la pensée parlante ou de la parole pensante. Le "dualisme" perse (du bien-lumière et du mal-ténèbres) a sans doute autant influencé la pensée "ontologique" grecque de l'être et du non-être (Parménide, Platon, etc.) que la religion "morale" du judaïsme (Dieu et diable). L'"être" tend à s'identifier au "bien" et le "non-être" au "mal" -- ou le contraire, c'est justement la capacité de renversement infinie de la négation et de la double négation (non non <=> oui) qui fait le ressort inusable de la dialectique, de Platon à Hegel en passant (ou non) par saint Paul ou Luther. Et tout cela peut toujours être compris de façon très sotte ou très profonde.

Heidegger a subtilement déplacé le "clivage essentiel": non (!) l'opposition de l'être et du non-être (qui ne sont que les deux "aspects" ou "faces" du même, à ceci près qu'un seul des deux, l'être, offre une face ou un aspect: cf. Parménide) mais celle de l'être et de l'étant, entendu dans toute sa temporalité et son historicité, comme événement -- Tillich en a bien retenu la leçon dans sa théologie: l'être-événement de "Dieu" qui n'est pas un "étant" et encore moins un "existant" parmi les autres se détache -- comme l'être-événement tout court -- sur fond d'un "non-être" qui n'est rien, qui n'est pas, plus "abîme" dès lors que "fondement" (Grund / Abgrund).

Cela, me semble-t-il, explique tout et n'explique rien en particulier -- pas plus (mais pas moins non plus) la "violence" que le reste, à supposer qu'on puisse en distinguer un reste, que "l'être" ne soit pas "violent" de part en part. En tout cas ce n'est pas sous cette angle-là que j'aborderais prioritairement la question de la "violence divine" (mais tôt ou tard on en reviendrait quand même à la question de l'"être" qui est l'essence même de toute question).
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MessageSujet: Re: Le Dieu étrange et paradoxal    Le Dieu étrange et paradoxal  Icon_minitime

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