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| Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel | |
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| Sujet: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Mar 05 Mar 2019, 16:02 | |
| On attribuera à une tout autre cause l’insertion du nom Michel dans le texte daniéique. L’idée qu’« à chaque peuple Dieu a prépposé un chef » (Siracide 17.17) est courante dans la littéature juive post-biblique et les traditions varient quant au peuple d’Israël, tantôt « part du Seigneur », tantô lot de Michel. Une telle représentation des « anges des nations » trouve un appui dans le livre de Danielqui évoque le « prince du royaume de Perse », le « prince de Yavan » et « Michel, votre prince » (10.13, 20,21). [url=https://www.persee.fr/doc/mom_0151-7015_2006_mel_35_1_2441[/]https://www.persee.fr/doc/mom_0151-7015_2006_mel_35_1_2441[/url][
Ce verset explique pourquoi, tandis que les paroles de Daniel avaient été exaucées dès le premier jour, l’ange consolateur n’arrive à lui que maintenant. C’est que pendant vingt-et-un jours, correspondant aux trois semaines de jeûne et de prières de Daniel, il a été obligé de combattre une puissance hostile, celle du chef du royaume de Perse. Avant de parler, il a dû agir. Mais qui est ce chef ? Il est évident d’après tout ce qui suit que ce n’est pas Cyrus, ni aucun des rois de Perse, mais un personnage d’ordre spirituel et invisible. Si l’on rassemble les traits épars dans notre chapitre, versets 13, 20, 24, et Daniel 8.11 ; Daniel 8.25, il semble en résulter que chaque royaume de la terre a à sa tête un ange gardien, qui inspire sa politique et préside à son développement. Comparez Deutéronome 32.8 (dans les Septante). Israël a aussi un chef (verset 21 et Daniel 12.1), Micaël, mais qui ne peut pas devenir, comme les autres chefs, l’objet d’un culte idolâtre, car son nom même (Micaël : qui est semblable à Dieu ?) indique sa fonction essentielle qui est de rappeler à Israël qu’il n’y a qu’un seul Dieu. https://www.levangile.com/Bible-Annotee-Daniel-10.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Mar 05 Mar 2019, 21:51 | |
| La thèse de Munnich est fort intéressante (quoique difficile à suivre si l'on ne lit pas l'hébreu et surtout le grec): elle tend à montrer, à partir des variantes des traductions-recensions grecques, que les noms mêmes de Gabriel / Mich[a]el appartiennent à des développements secondaires du texte hébreu (pré-massorétique) de Daniel, développements qui se caractérisent aussi par un renforcement du caractère "angélique" des personnages (= personnages "spirituels", "célestes", "surhumains", hyper- ou supra-politiques/militaires/ethniques, et en même temps "réels-imaginaires", consistants et autonomes, pas limités au cadre de la "vision" comme de simples figures symboliques ou allégoriques, p. ex. les bêtes; autrement dit "existant en vrai"); et que ces développements du texte (hébreu) de Daniel sont probablement concomitants de celui de la littérature (dite) "apocalyptique" hors de Daniel (1 Hénoch etc.).
Quoi qu'il en soit, dans le texte de Daniel tel que nous le lisons Mich(a)el semble bien être à Israël (plus exactement à Juda et aux "Juifs" = "Judéens") ce que le "prince de Perse" est à la Perse et le "prince de Yavan" (penser Ionie) à la Grèce; un "prince" hyper- ou supra-politique, "angélique" donc au sens (courant) que je viens d'essayer de définir -- mais le texte hébreu de Daniel ne mélange pas les "anges-messagers-émissaires", ml'k, et les "princes", sr, et il ne faut pas perdre de vue cette différence; du reste "Gabriel" n'est pas non plus un "prince" comme "Mich(a)el", il n'est décrit que comme un homme (gbr = l'"homme fort"). A ce titre en effet Mich(a)el est, dans un autre contexte, comme un "double" du "[comme un] fils d'homme" du chapitre 7 -- qui représente le "peuple des saints" comme les bêtes représentent les royaumes ou empires "païens".
[Petite part de vérité jéhoviste -- non russelliste en l'occurrence -- dont nous avons déjà parlé: si l'on identifie purement et simplement Jésus au "Fils de l'homme", dans une totale méconnaissance de l'évolution de cette figure entre Daniel et le NT, notamment par les "Paraboles" d'Hénoch, et des nuances évangéliques elles-mêmes (puisque dans un certain nombre de logia "le Fils de l'homme" apparaît comme distinct de "Jésus"), on peut y voir un argument pour lui identifier aussi Michaël-Michel; à condition également d'ignorer l'évolution très différente de cette dernière figure dans la littérature intermédiaire et dans le NT même, qui ne l'identifie jamais à "Jésus" (ni au "Fils de l'homme", ni au "Messie", etc.). Mais si l'on s'en tient strictement au livre de Daniel, il y a bien une sorte d'équivalence ou d'analogie fonctionnelle: quand les nations sont représentées par des bêtes, le "peuple de Dieu" est représenté par "(quelqu'un comme) un fils d'homme", dans la fonction de juge; là où les nations sont représentées par des "princes" qui combattent pour elles, le "peuple de Dieu" est représenté par "Mich(a)el", dans la fonction de sauveur-protecteur.] |
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| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Mer 06 Mar 2019, 11:24 | |
| " A chaque peuple il a préposé un chef, mais Israël est la part du Seigneur." (Siracide 17.17) " Dt 32,8-9 dans sa version probablement primitive : «( Quand le Très-Haut ("Elyon) donna les nations en fiefs, quand il partagea les êtres humains, il fixa le territoire des peuples d'après le nombre des fils de El (TM : «fils d'Israël», à l'origine certainement benei El oubenei Elim : El Elyon partage le territoire habité selon le nombre de ses fils, afin que chacun de ces fils de Dieu ait un peuple)(9) la part de Yhwh, ce fut Jacob, le territoire de son fief, ce fut Israël» (TM : «car la part de Yhwh, c'est son peuple, et Jacob est le patrimoine qui lui revient»). https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/989.html C'est la divinité principale (Le Très Haut ou le Seigneur) qui a désigné , un chef, pour chaque nation et non une divinité "démoniaque". L'Apocalypse propose une version différente et désigne le "Dragon" et ses "anges comme l'adversaire de Michel : " Il y eut alors une guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent le dragon. Le dragon combattit, lui et ses anges"(12,7) |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Mer 06 Mar 2019, 12:56 | |
| [L'article de (de) Pury est excellent et mérite d'être lu, même s'il n'a qu'un rapport très marginal, voire ponctuel, à cette discussion.] Nous avons commenté Deutéronome 32,8s sous toutes les coutures par le passé (p. ex. ici il y a bientôt dix ans). Par rapport à Daniel, c'est surtout la leçon de la Septante qui importe, celle qui sort du "polythéisme" originel (les fils d'El ou des dieux = les dieux) par l'"angélologie" ( kata arithmon aggelôn theou, "selon le nombre des anges-messagers de Dieu") -- et non par une désignation ethnique comme le texte massorétique ("des fils d'Israël"). Mais tu as raison de souligner que cette "angélologie" tardive, tout comme le "polythéisme" ancien, n'est pas a priori "morale". Les "anges" comme émanations provisoires ou "hypostases" plus ou moins constantes et personnelles du "Dieu" unique (le fait de leur donner des noms personnels jouera évidemment un rôle important dans cette "personnalisation"), à l'instar des "dieux" qui les précèdent, ne sont pas simplement "bons" ni "mauvais", ils traduisent sur le plan (infra-)divin des différences et des antagonismes humains et historiques (au premier chef les nations et les guerres). "Démoni(a)que" serait paradoxalement un bon mot pour l'exprimer, d'après son étymologie grecque (un "divin" plus vague ou plus diffus que theos, parfois mais pas toujours subalterne), si la tradition chrétienne ne l'avait pas rendu uniquement "négatif" dans la langue courante. En effet, l'Apocalypse (dite) de Jean se situe dans une tout autre perspective, celle d'un dualisme absolu, où le "dragon" (= "diable" = "Satan") est une sorte d'anti-Dieu. Dans cette "apocalyptique"-là (qui a produit une abondante littérature depuis Daniel) c'est l'univers entier qui est partagé entre "bien" et "mal", du "sommet" à la "base". Il y a une guerre totale entre "bien" et "mal" au ciel (Dieu et diable avec leurs "anges" respectifs) comme sur la terre (fidèles et infidèles). Ce modèle ne vaut cependant pas pour tous les textes du NT, loin de là: dans le corpus paulinien par exemple, toute la série des "puissances, autorités, pouvoirs, princ(ip)es, trônes, etc." est beaucoup plus ambiguë: mauvaise en tant qu'autonome et parfois hostile à Dieu, mais originellement divine et susceptible, une fois "vaincue", d'être à nouveau soumise par le Christ. [Remarque méthodologique plus générale: du point de vue exégétique il faudrait s'en tenir strictement au vocabulaire des textes -- ne parler d'"anges" ou de "démons", de "puissances" etc., de "diable" ou de "Satan", de "prince" ou de "dieu" de ce monde, de "Christ", de "Fils de l'homme" et ainsi de suite, qu'à la façon même des textes, sans présupposer aucune relation a priori entre ces diverses appellations si le texte même ne l'établit pas. Mais pour un imaginaire religieux c'est très difficile dans la mesure où tous ces "signifiants" sont aussi des "signifiés" et même des "référents", entre lesquels les équivalences sont établies d'avance par la doctrine. Le lecteur croyant "sait" qui est "Satan", et que c'est le même que "le diable" ou "le prince / dieu de ce monde", et il ne peut pas s'empêcher de projeter ce "savoir" sur les textes qu'il lit. C'est ainsi aussi qu'il voit des "anges" ou des "démons" dans des textes où, à la lettre, il n'y en a pas.] |
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| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Mer 06 Mar 2019, 13:16 | |
| Merci Narkissos pour ces précisions. La formule " Michel, l'un des premiers princes", suppose que Michel fait parti d'une "confrérie" ou d'une caste de princes (antagonistes éventuellement et selon les circonstances ?). Dn 12,1 ; indique que " Michel, le grand prince, (est) celui qui défend les gens de ton peuple", le prince /protecteur d'Israël/Juda, certains commentateurs (peut-être une erreur de méthodologie) relie ce fait à Ex 23, 20-23 : " Quant à moi, j'envoie un messager devant toi, pour te garder sur le chemin et te conduire au lieu que j'ai préparé. Tiens-toi sur tes gardes devant lui, écoute-le ; ne lui cause pas d'amertume : il ne pardonnera pas vos transgressions, car mon nom est en lui. Si tu l'écoutes, si tu fais tout ce que je te dis, je serai l'ennemi de tes ennemis et l'adversaire de tes adversaires. Mon messager marchera devant toi pour te conduire vers les Amorites, les Hittites, les Perizzites, les Cananéens, les Hivvites et les Jébusites, et je les ferai disparaître." Dans l’Ancien Testament, Michel est dit être « l’un des premiers princes », aḥad ha-sârim ha-rishonim en hébreu (Daniel X, 13). C’est aussi « l’un des sept anges qui se tiennent devant la gloire du Seigneur et pénètrent en sa présence » (Tobit XII, 15 ; cf. Apocalypse VIII, 2). Il est présenté comme « le grand prince » (ha-sar ha-gâdol), l’ange protecteur d’Israël (Daniel X, 21 ; XII, 1). C’est lui qui, avec son armée d’anges, terrasse le grand dragon rouge-feu, symbole du Diable, et le précipite sur terre (Apocalypse XII, 7-9). Michel est également un ange psychostase et psychopompe, c’est-à-dire chargé de peser les âmes et de les guider vers le Paradis (voir notamment Apocalypse de Paul, 14f ; 22d ; 25 ; 27 ; évangile de Nicodème XXV-XXVII ; Histoire de Joseph le charpentier XIII, 2 ; XXII, 1 ; XXIII, 2-4). La littérature juive de l’époque de Jésus lui attribue la tâche de préserver le corps des « Saints » en vue de la Résurrection générale. L’Épître de Jude se fait l’écho de cette tradition : « Pourtant même l’archange Michel, alors qu’il contestait avec le diable et disputait au sujet du corps de Moïse, n’osa pas porter contre lui un jugement insultant, mais il dit : Que le Seigneur te châtie ! » http://thierry-murcia-recherches-historico-bibliques.over-blog.com/2017/11/saint-michel-un-archange-parmi-d-autres.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Mer 06 Mar 2019, 16:42 | |
| Concernant la formule de 10,13, il faut noter que l'adjectif (très courant) r'šwn(ym)-ri'shon(im) signifie "premier(s)" non seulement dans un sens "hiérarchique", mais aussi (le plus souvent en fait) dans un sens plus généralement ordinal et tout spécialement temporel (pas plus loin qu'au v. précédent, "le premier jour"). Par "l'un des premiers" on peut donc comprendre "l'un des plus anciens" autant que "l'un des principaux": l'un n'empêche évidemment pas l'autre, mais ça peut avoir de l'importance dans un texte qui s'intéresse manifestement à une certaine "histoire" -- le "prince" du peuple de Daniel ne serait pas seulement d'une catégorie supérieure, il (ou sa catégorie) précéderait aussi la succession des autres "princes" (de Perse, de Grèce).
Sur la "méthodologie", je pense que tu m'as bien compris: dans le texte (hébreu et araméen) de Daniel Mich(a)el n'est pas un "ange" (ml'k = messager-émissaire; il devient par contre un aggelos dans les versions grecques, cf. supra Munnich qui lui-même n'est pas assez attentif à cette différence dans sa propre expression - française), et l'exégèse ne devrait pas perdre ça de vue. Une doctrine, par contre, ne se construit qu'en rapprochant des textes différents (canoniques ou non) et en établissant entre eux des correspondances comme elle l'entend, mais ce n'est plus à proprement parler de l'exégèse. (L'"angélologie" est à cet égard un bricolage exemplaire: dès lors que le mot "ange" constitue un "genre", une "espèce" ou une "nature" génériques, des désignations qui n'avaient dans les textes aucun rapport avec les "anges", comme "chérubin" ou "séraphin", deviennent des "catégories d'anges".)
Puisque d'un point de vue chrétien il y a toujours de la "christologie" derrière ce genre de question, il n'est sans doute pas superflu de rappeler que dans Daniel il n'y a rien de tel, pas même de "messianisme". Il y a certes un "oint (= messie) chef" (mšyh ngyd -- on peut traduire "prince", mais ce n'est pas le même mot que pour Michel, sr) et un "oint" tout court en 9,25s, mais ils n'ont pas de rôle "eschatologique" au sens strict du terme, ils appartiennent au cours de l'histoire (grands prêtres et non rois selon toute vraisemblance) et non à sa "fin" (contrairement au "comme-un-fils-d'homme" d'une part et à "Mich[a]el d'autre part). Et, du point de vue de l'histoire de la doctrine chrétienne cette fois, que la christologie s'est aussi bien nourrie d'angélologie (cf. "l'ange du Seigneur" chez Justin Martyr, contrairement à l'épître aux Hébreux) que de "messianisme" royal-davidique ou sacerdotal-aaronide-sadocide, et d'autres figures encore (Adam, Hénoch, Melchisédeq, Moïse, Elie, etc.). La question éventuelle du rapport entre "Michel" et "Jésus" n'est donc même pas "biblique", puisqu'ils ne com-paraissent (ensemble) dans aucun texte canonique pour y être identifiés ou distingués: c'est une question doctrinale et intertextuelle qui n'est du ressort d'aucune exégèse stricto sensu. |
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| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Jeu 07 Mar 2019, 11:27 | |
| Le rapport de force entre l'ange Gabriel dont le nom signifie "Dieu s'est montré fort" et le prince de Perse, n'est pas (franchement) en faveur du messager de Dieu, puisque celui-ci a besoin du prince Michel pour venir à bout du prince de Perse (je ne sais pas si le texte affirme clairement que Michel et l'ange Gabriel ont gagné la bataille ou si l'intervention de Michel a permis à l'ange Gabriel de se défaire du prince Perse et de venir retrouver Daniel, puisque au v 20, l'ange Gabriel annonce " je retourne combattre le prince de Perse") : " Le Prince du royaume de Perse s’est opposé à moi pendant vingt et un jours, mais voici que Michel, l’un des Princes de premier rang, est venu à mon aide, et je suis resté là auprès des rois de Perse." (10,13) En Dn 10, 21 l'ange Gabriel indique à Daniel : " je t’annoncerai ce qui est inscrit dans le Livre de vérité", à priori, les évènements qui doivent se dérouler sur terre sont déjà inscrits ou actés au ciel. - Citation :
- Puisque d'un point de vue chrétien il y a toujours de la "christologie" derrière ce genre de question, il n'est sans doute pas superflu de rappeler que dans Daniel il n'y a rien de tel, pas même de "messianisme". Il y a certes un "oint (= messie) chef" (mšyh ngyd -- on peut traduire "prince", mais ce n'est pas le même mot que pour Michel, sr) et un "oint" tout court en 9,25s, mais ils n'ont pas de rôle "eschatologique" au sens strict du terme, ils appartiennent au cours de l'histoire (grands prêtres et non rois selon toute vraisemblance) et non à sa "fin" (contrairement au "comme-un-fils-d'homme" d'une part et à "Mich[a]el d'autre part). Et, du point de vue de l'histoire de la doctrine chrétienne cette fois, que la christologie s'est aussi bien nourrie d'angélologie (cf. "l'ange du Seigneur" chez Justin Martyr, contrairement à l'épître aux Hébreux) que de "messianisme" royal-davidique ou sacerdotal-aaronide-sadocide, et d'autres figures encore (Adam, Hénoch, Melchisédeq, Moïse, Elie, etc.). La question éventuelle du rapport entre "Michel" et "Jésus" n'est donc même pas "biblique", puisqu'ils ne com-paraissent (ensemble) dans aucun texte canonique pour y être identifiés ou distingués: c'est une question doctrinale et intertextuelle qui n'est du ressort d'aucune exégèse stricto sensu.
Petite parenthèse, même en Apocalypse 12, rien n'indique que Michel soit le Christ. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Jeu 07 Mar 2019, 12:51 | |
| Si l'on veut être précis, dans le texte (hébreu/araméen) de Daniel Gabriel n'est pas non plus un "ange" (ml'k); il n'y a d'"ange" qu'en 3,28 et 6,22, sans nom propre et avec un rôle salvateur et non annonciateur (donc: plutôt émissaire que messager, acteur divin plutôt que porte-parole; à cet égard même la traduction de ml'k par aggelos = messager décale la lecture). Et surtout rien n'indique que celui qui parle à Daniel au chapitre 10 soit Gabriel -- il n'est pas nommé dans ce contexte (c'est le Talmud, Yoma 77a, qui l'identifie à Gabriel, cf. supra Munnich p. 3) -- ce ne sont pas seulement des "anges", mais aussi les noms propres qu'on voit où ils ne sont pas. (La première exigence de l'exégèse, la plus difficile peut-être et qui détermine toute la suite, est négative: NE PAS lire ce qui N'EST PAS écrit => NE lire QUE ce qui est écrit.)
Le sens du verbe traduit par "je suis resté" (ytr, hiphil) au v. 13 est très incertain; on pourrait comprendre "je l'ai laissé" (i.e. j'ai laissé Michel continuer de combattre le prince de Perse pendant que je venais vers toi), mais pour cela il faudrait suppléer un pronom objet (l' = lui), qui est dans la Septante, mais pas dans le texte; ou bien "j'ai été de trop" (i.e. j'étais disponible, cf. BHS), ou encore "je l'ai emporté" (i.e. avec Michel contre le prince de Perse, mais alors provisoirement puisque je dois retourner le combattre, v. 20).
Il faut toutefois relever le nez du détail pour considérer l'ensemble (du point de vue de la révélation pseudépigraphique et anachronique: il s'agit de mettre en scène à l'époque perse un message révélant l'histoire à venir jusqu'à l'époque hellénistique d'Antiochos IV, cf. chap. 11; histoire comme écrite à l'avance, d'où en effet l'importance des "livres" célestes, cf. aussi 7,10; 12,1, que "transcrit" en partie le "livre" de Daniel, 12,4, dans la ligne de ceux des Prophètes et notamment Jérémie, 9,2; cf. le jeu similaire des "livres" dans l'Apocalypse). Tout ce qui concerne la Perse appartient au temps (fictif) de la révélation, mais dans le contexte effectif (du livre) de Daniel c'est du passé: il est bien entendu que les "champions" du peuple de Dieu (Michel et le locuteur du chap. 10) l'ont emporté quoique difficilement, de haute lutte; et cela est censé donner confiance dans la situation présente (hellénistique, face à la domination séleucide), indécise du point de vue humain-terrestre mais certaine du point de vue divin-céleste (d'où le retour proprement "eschatologique" de Michel au chap. 12: fin de l'histoire et résurrection des morts à l'époque hellénistique !).
En Apocalypse 12, comme je le disais plus haut, il n'y a pas de "com-parution" (formelle) entre "Michel" et "Jésus-Christ", ni pour les identifier ni pour les distinguer (de même pour "l'archange Michel" de Jude). Mais si -- selon l'interprétation la plus naturelle, en tout cas la plus ancienne et la plus classique de ce chapitre -- "Jésus-Christ" y est représenté par l'enfant de la femme, alors l'identification à Michel est bel et bien exclue (comme l'avait d'abord bien compris Russell). L'astuce de l'interprétation jéhoviste, qui consiste (si mes souvenirs sont bons) à voir dans "l'enfant" non "Jésus-Christ" mais "le Royaume", résiste mal à la simple lecture du texte: l'enfant est enlevé au ciel vers le trône de Dieu (v. 5; la place de "l'Agneau" ailleurs), Michel chasse le dragon du ciel (v. 7ss), et alors sont proclamés (v. 10) "le règne de notre Dieu et l'autorité (exousia) de son Christ". Après quoi le dragon persécute "la femme et le reste de sa descendance", ce qui s'entend le plus naturellement par rapport à son (premier) "enfant" = "Jésus-Christ".
Dernière édition par Narkissos le Jeu 07 Mar 2019, 13:55, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Jeu 07 Mar 2019, 13:54 | |
| - Citation :
- En Apocalypse 12, comme je le disais plus haut, il n'y a pas de "com-parution" (formelle) entre "Michel" et "Jésus-Christ", ni pour les identifier ni pour les distinguer (de même pour "l'archange Michel" de Jude). Mais si -- selon l'interprétation la plus naturelle, en tout cas la plus ancienne et la plus classique de ce chapitre -- "Jésus-Christ" y est représenté par l'enfant de la femme, alors l'identification à Michel est bel et bien exclue (comme l'avait d'abord bien compris Russell). L'astuce de l'interprétation jéhoviste, qui consiste (si mes souvenirs sont bons) à voir dans "l'enfant" non "Jésus-Christ" mais "le Royaume", résiste mal à la simple lecture du texte: l'enfant est enlevé au ciel vers le trône de Dieu (v. 5; la place de "l'Agneau" ailleurs), Michel chasse le dragon du ciel (v. 7ss), et alors sont proclamés (v. 10) "le règne de notre Dieu et l'autorité (exousia) de son Christ". Après quoi le dragon persécute "la femme et le reste de sa descendance", ce qui s'entend le plus naturellement par rapport à son (premier) "enfant" = "Jésus-Christ".
Michel ‘se lève’Michel était “votre prince [celui du peuple de Daniel]”. Mais il devait être investi d’une autorité plus grande encore, comme le confirme le dernier chapitre du livre de Daniel: “Et durant ce temps-là se lèvera Michel, le grand prince, qui défend les fils de ton peuple. Et, à coup sûr, il surviendra un temps de détresse tel qu’il n’en est pas survenu depuis qu’il existe une nation jusqu’à ce temps-là.” — Daniel 12:1. Au Dn chapitre 11, Daniel venait de décrire la marche des puissances mondiales dans le temps, à partir de son époque. Il avait prédit avec exactitude la chute de la Perse et l’ascension de la Grèce. Puis vint la division de l’Empire grec. Deux des entités politiques qui en seraient issues, le roi du nord et le roi du sud, se disputeraient le pouvoir et la domination du peuple de Dieu. Au plus fort de leur rivalité, Michel ‘se lèverait’. Que faut-il entendre par là ? Dans d’autres passages de la même prophétie, le terme “se lever” s’applique à quelqu’un qui reçoit le pouvoir royal (Daniel 11:3, 4, 7, 20, 21). Par conséquent, lorsque Michel ‘se lève’, il se met, lui aussi, à régner. Voyons ce que cela signifie. Avant la mort de Daniel, le dernier roi juif, Sédécias, avait été destitué. Il n’allait plus y avoir de roi juif au cours des siècles à venir. La prophétie de Daniel montrait qu’un jour viendrait où le peuple de Dieu aurait de nouveau un roi, Michel. Ézéchiel, contemporain de Daniel, annonça la venue de “celui qui a le droit légal” et qui serait le nouveau roi du peuple de Dieu (Ézéchiel 21:25-27). Ce personnage ne doit pas être identifié aux Maccabées, d’ascendance lévitique, qui exercèrent un certain pouvoir pendant une courte période d’indépendance. Ne descendant pas du roi David, ces derniers n’avaient aucun “droit légal” de régner. Par contre, Jésus Christ fut oint par Dieu pour régner dans un royaume céleste (Luc 1:31-33; 22:29, 30; Psaume 110:1). Il fut le seul à être oint de cette façon. La logique veut donc que l’on voie en Jésus et en Michel la même personne. En Daniel chapitre 7, nous trouvons une autre prophétie sur la succession des puissances mondiales qui comporte des analogies avec Daniel chapitre 11. Au point culminant de cette prophétie, cependant, nous lisons que “quelqu’un comme un fils d’homme” a reçu “la domination, et la dignité, et un royaume”. (Daniel 7:13, 14.) Il est communément admis que l’expression “quelqu’un comme un fils d’homme” désigne Jésus (Matthieu 10:23; 26:64; Révélation 14:14). Ainsi, au plus fort de cette prophétie, Jésus devient roi. Dans l’autre prophétie de Daniel, c’est Michel qui devient roi. Étant donné que ces deux prophéties traitent de la même période et du même événement, il est assurément logique d’en conclure qu’elles parlent de la même personne. https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1984927 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Jeu 07 Mar 2019, 15:51 | |
| Le raisonnement sur "se lever" (`md peut être aussi traduit de façon plus "statique", c'est le cas de le dire: se tenir [debout]; cf. 1,4s.19; 2,2, "devant le roi" ! et 8,3s.6s.15.18.22; 10,11.13.16s; 11,2-4.6-8.11.13-17.20s.25.31; 12.1.5.13) est très abusif -- on "s'assoit" aussi (sur le trône) pour régner, et pour juger; et on (même un roi) "se lève" bien plus souvent pour agir, et spécialement faire la guerre (= se mettre / entrer / partir en campagne, attaquer, traductions courantes de `md et de ses synonymes, p. ex. qwm, selon le contexte). Plus généralement, les traits royaux sont loin d'être évidents dans le Mich(a)el de Daniel -- il est "prince" (sr) et non "roi" (mlk), pour commencer.
Reste la (petite) "part de vérité" que j'évoquais plus haut: il y a bien, dans Daniel, une sorte d'"équivalence fonctionnelle" entre le Mich(a)el du chapitre 12 et le "(comme un) fils d'homme" du chapitre 7. Mais ni l'un ni l'autre évidemment n'est "Jésus" dans ce contexte. Bien sûr, si l'on retient des évangiles une équivalence globale "Jésus = le Fils de l'homme", sans distinguer les logia où "Jésus" lui-même parle du "Fils de l'homme" comme d'un autre, le tour est joué...
Pour rappel: la christologie "angélique" (sans aucun rapport à Mich[a]el, d'ailleurs) ne devient problématique dans le christianisme qu'à partir des débats du IIe siècle entre "gnostiques" et "ecclésiastiques", qui dressent une frontière absolue entre "Dieu" et "la création": si les anges sont "créés", ils ne sont pas "divins" au sens strict: une christologie "angélique" paraît dès lors trop "basse" (cf. Hébreux 1--2). Le Christ qui était jusque-là compris comme un "pont" entre "Dieu" et "la création" se voit sommé de choisir son camp (c'est le comble pour un pont censé relier deux rives, que de n'appartenir qu'à une seule). Tout cela se résoudra beaucoup plus tard (IVe siècle) dans la dogmatique orthodoxe (Nicée-Chalcédoine) par la combinaison de la Trinité (par où le Fils est engendré, non créé) et de l'union hypostatique (par où Jésus, dans sa nature humaine, est bel et bien "créé" -- mais comme "homme" et non comme "ange"). Mais jusqu'au IIe siècle (inclus, cf. Justin Martyr !) il n'y avait pas de contradiction à voir dans le Christ aussi bien un "ange" qu'un "fils" (de même pour le logos de Philon).
Dernière édition par Narkissos le Jeu 07 Mar 2019, 16:33, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Jeu 07 Mar 2019, 16:21 | |
| - Citation :
- Reste la (petite) "part de vérité" que j'évoquais plus haut: il y a bien, dans Daniel, une sorte d'"équivalence fonctionnelle" entre le Mich(a)el du chapitre 12 et le "(comme un) fils d'homme" du chapitre 7. Mais ni l'un ni l'autre évidemment n'est "Jésus" dans ce contexte. Bien sûr, si l'on retient des évangiles une équivalence globale "Jésus = le Fils de l'homme", sans distinguer les logia où "Jésus" lui-même parle du "Fils de l'homme" comme un autre, le tour est joué...
Dn 7,14 ; donne au Fils e l'homme un pouvoir royal : "Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté : les gens de tous peuples, nations et langues le servaient. Sa souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera jamais détruite."Concernant le Fils de l'homme, nous avions déjà établi une des identifications possibles : "un personnage céleste et eschatologique distinct de Jésus, chargé du jugement du monde, et de la justification de Jésus lui-même après sa mort (Matthieu 10,23; 13,37.41; 16,27s; 19,28; 24,27.30.37.39.44; 25,31; 26,64 et //)" https://etrechretien.1fr1.net/t1172-le-fils-de-l-hommeConcernant l'argumentation de la Watchtower, je trouve totalement arbitraire le lien qu'elle établit entre Daniel et Ezéchiel, qui sont pas des contemporains et rien n'indique que celui qui "a le droit légal" ("celui à qui appartient le jugement") ait un rapport avec le "prince Michel". |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Jeu 07 Mar 2019, 17:38 | |
| (J'ai rajouté un -- dernier -- paragraphe, "historico-christologique", à mon post précédent.)
Dans Daniel, le "(comme un )fils d'homme" paraît en effet beaucoup plus "royal" que "Mich(a)el".
Ezéchiel et Daniel, en tant que personnages, paraissent bien être des "contemporains" pour une lecture commune et naïve de leurs "livres" respectifs -- ils sont l'un et l'autre rattachés à l'exil babylonien (malgré le problème supplémentaire que crée dans le livre d'Ezéchiel, chap. 14, l'apparition d'un "Dan(i)el" qui paraît très ancien, entre Noé et Job, et qui était tout à fait énigmatique jusqu'aux découvertes du "cycle de Danel" d'Ougarit). Du point de vue de l'analyse historico-littéraire, les textes sont en effet très loin d'être contemporains, même si les derniers ajouts au livre d'Ezéchiel peuvent bien l'être des plus anciens récits incorporés plus tard au livre de Daniel (chap. 1--6, le "roman de diaspora" comparable au cycle de Joseph ou à Esther).
Pour ce qui est de la formule "celui à qui appartient le jugement" ('šr lw h-mšpt, Ezéchiel 21,32, 27 dans la TMN qui suit la numérotation anglaise), elle est plus proche (sans préjudice d'influence directe ou indirecte d'un texte sur l'autre) de la description du "(comme un) fils d'homme" de Daniel 7 que de Mich(a)el (même si la "résurrection discriminatoire" du chap. 12 peut s'apparenter à un "jugement", elle n'est pas nommée ainsi et elle n'est pas non plus rapportée directement à Mich[a]el). On peut toutefois noter que le livre d'Ezéchiel évite souvent ostensiblement le mot "roi" (mlk) et le remplace par nsy' ("prince" ou "chef", mais encore un autre mot que pour le "prince = sr Mich[a]el" de Daniel): en 21,30/25 déjà pour le "prince" condamné (cf. 12,10.12), mais aussi bien pour celui de la restauration (34,24; 37,25, "David"; 44,3; 45,7 etc.). Ce qui donne à penser que ses auteurs-rédacteurs ne sont pas des "monarchistes" enthousiastes. Cela rejoint en partie la perspective de Daniel où il n'y a pas l'ombre d'une référence "davidique". |
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| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Jeu 07 Mar 2019, 17:50 | |
| Le prince et le prêtre chez Ézéchiel
Ézéchiel fait partie de la première vague des déportés de 597. Prêtre de Jérusalem, c'est à Babylone qu'il reçoit l'appel au ministère prophétique. Il est donc prophète parmi des exilés privés de terre, de roi et de temple. La monarchie judéenne n'exerce plus le pouvoir. Ézéchiel parle des rois mais il n'utilise pratiquement aucun des titres exprimant la dignité royale : aucune mention de l’ « oint du Seigneur », ni du don de la sagesse ou de l'Esprit. Bien plus, Ézéchiel, et en tous cas ses disciples, semblent même éviter le nom de "roi" (melek) pour lui substituer celui de « prince » (nasi). Ce terme renvoie à la tradition ancienne du peuple et, tout en contenant un jugement implicite permet d'éviter l'évocation des mauvais souvenirs des rois d'Israël.
Ézéchiel accable de sarcasmes le « prince » Sédécias qui abandonne honteusement Jérusalem lors de la prise de la ville (12,12-14). Il attribue aux « pasteurs », dirigeants politiques du pays, la responsabilité de l'exil à Babylone (34,1-10), si bien qu'en définitive, le Seigneur lui-même se chargera du troupeau (34,11-16). Mais, dans la deuxième partie de son ministère, après la chute de 587, Ézéchiel annonce au peuple découragé par le désastre que la vie est encore possible pour Israël. Si, dans sa vision de l'avenir, Ézéchiel ne renonce pas à toute structure royale, il lui accorde cependant un rôle beaucoup moins important. Le roi ne joue plus aucun rôle dans l'alliance conclue avec le peuple (34,25).
Les derniers chapitres du livre d'Ézéchiel (40-48) sont consacrés à la vision d'un nouveau temple sur une nouvelle terre. C'est du sanctuaire de Jérusalem que jaillit la source qui apporte au peuple et à la terre la fertilité et la vie (37). Le temple ancien était l'œuvre du roi Salomon, réalisateur des projets de son père David. Le temple nouveau, œuvre de Dieu est réceptionné par le prophète qui en organisé le fonctionnement. Mais c'est le prêtre qui y joue un rôle essentiel: il est au centre d'une activité cultuelle renouvelée qui permet au peuple purifié de célébrer le culte du Seigneur. Son prestige supplante progressivement celui du roi Durant certaines célébrations, seuls les prêtres sont admis à « s'approcher du Seigneur « et à « se tenir devant lui ».
Il n'est plus question de roi
Dans l'ensemble de ces chapitres, il n'est d'ailleurs plus question du roi. L'autorité politique est exercée par un prince. Au retour d'exil ce sont les prêtres qui exercent réellement l'autorité. Le texte du livre d'Ézéchiel est le reflet d'une nouvelle réalité politique. Le peuple d’Israël a perdu son indépendance, son territoire, son roi. Pour les exilés, et d'abord pour Ézéchiel, « la médiation sacerdotale, manifestée dans l'activité liturgique devait se substituer progressivement à la médiation royale, définitivement frappée de caducité par le cours impitoyable du temps » (L. Monloubou, "Ézéchiel et le renouveau législatif en Israël" dans L'année canonique, 21, 1977, p.l83. https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/200425.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Jeu 07 Mar 2019, 18:33 | |
| C'est bien à ce trait caractéristique d'Ezéchiel que je me référais.
Le "messianisme royal-davidique" n'est qu'une composante mineure, nullement centrale, de la "christologie" du NT -- je conçois que cette affirmation puisse surprendre, surtout quand on vient de la doctrine jéhoviste qui est à cet égard comme la caricature d'une caricature, avec son accent décalé sur le "royaume-gouvernement", le rétablissement de la "dynastie" de David interrompue depuis Sédécias pour une durée minutée, etc.
Déjà dans la Bible hébraïque (AT) et sans parler anachroniquement de "messianisme" (eschatologique) le "davidisme" est loin de faire l'unanimité; il y a une foule de textes "anti-monarchistes" en général, de toute sorte de provenance et de motivation (prophétiques, sacerdotaux, sapientiaux, populaires), et des condamnations définitives de la "maison de David" en particulier (là encore, de différents points de vue auxquels s'ajoutent des paramètres géographiques: du Nord, du Sud, de l'Est, de Samarie, de Galilée ou de la diaspora on regarde autrement le "centre" davidique de Jérusalem) qui contrebalancent largement les promesses de "restauration" enthousiastes ou mitigées (celles d'Ezéchiel relevant clairement de la seconde catégorie) -- outre les espérances déçues comme celles d'Aggée et Zacharie concernant Zorobabel, éventuel prétendant au "trône de David".
C'est d'abord l'eschatologie pharisienne qui remettra le davidisme en valeur sous une forme "messianique", contre les rois prêtres hasmonéens, puis contre les prêtres sadducéens et leurs concurrents, esséniens qoumraniens p. ex. Il y en a bien quelques échos dans le NT (l'appellation "Fils de David", les généalogies de Matthieu et de Luc -- déjà moins la seconde puisque "David" y est lui-même rapporté à "Adam" -- etc.), sans doute en grande partie apologétiques (il faut que le "Christ" chrétien ait l'air de répondre un minimum aux critères du "Messie" pharisien), mais là non plus ils ne font pas l'unanimité -- à preuve leur contestation frontale dans la controverse synoptique "pourquoi le Messie-Christ N'EST PAS fils de David" (Marc 12,35ss//, critique ouverte de l'appellation "fils de David" utilisée jusque-là par des tiers, 10,47s; 11,10s, et nullement validée ni par Jésus ni par l'évangéliste -- du moins chez Marc). Et, bien sûr, la grande majorité des références du "Christ" au "Fils de Dieu" ou au "Fils de l'homme", au logos ou à la Sagesse, à Adam, à Melchisédeq, à Moïse ou à Elie, n'ont strictement aucun rapport avec la thématique "davidique" et contribuent beaucoup plus qu'elle à la construction de christologies chrétiennes. Même une christologie "angélique" (de celle, ancienne, de Justin Martyr, à celle, moderne, des TdJ) n'aurait, par définition, rien à voir avec "David" (ce n'est certainement pas comme "ange" que le Christ serait "fils de David").
On s'éloigne ici beaucoup de Daniel 10 et de Mich(a)el, mais puisque la question "christologique" n'est jamais bien loin autant la remettre sur ses pieds et en perspective: malgré la correspondance superficielle des termes, le "Christ" chrétien n'a qu'un rapport très marginal au "Messie" pharisien, qui n'est lui-même qu'un messie parmi d'autres ("messie-oint" sacerdotal de Lévi, d'Aaron ou de Çadoq, peut-être "messie" de Joseph comme Josué-Jésus); les différents "messies" n'étant eux-mêmes que des figures eschatologiques parmi d'autres figures, eschatologiques ou non, qui n'ont rien de "messianique" stricto sensu. Là encore, si l'on se garde de faire dire aux textes ce qu'ils ne disent pas, de lire "messie" quand il n'est pas écrit "messie" (ni "oint", ni "christ"), l'illusion d'un (et d'un seul) "messianisme" (royal et davidique) COMMUN à toutes les composantes du judaïsme du Ier siècle et dont le christianisme n'aurait eu qu'à décréter "l'accomplissement" (ne) fait (pas) long feu. |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Mar 12 Mar 2019, 10:54 | |
| Concernant Ez 21, 31-32, la Watchtower n'a rien inventé, l'interprétation qu'elle propose semble être un héritage protestant :
Les mots suivants : jusqu’à ce que vienne… ne peuvent avoir en vue que le Messie ; c’était à lui déjà que se rapportaient les mêmes expressions Ézéchiel 17.22-24 (voir les notes). Depuis Sédécias, il n’y a plus eu de prince régnant en Juda jusqu’au Messie ; l’abolition de la royauté dès la captivité de Babylone a créé un interrègne auquel l’avènement du Messie a mis fin. Ce Messie, sorti de la famille royale profondément abaissée, a bientôt été élevé au-dessus de tous les rois. Les mots : jusqu’à ce que vienne celui à qui appartient…, paraissent faire allusion à la promesse de Jacob, Genèse 49.10 : jusqu’à ce que vienne le Silo, à qui appartient l’assemblée des peuples. Cette allusion est d’autant plus probable que c’est par la relation avec ce même oracle que s’est expliquée la parole obscure du verset 18 dans ce chapitre même. https://www.levangile.com/Bible-Annotee-Ezechiel-21.htm
L'"allergie" que manifeste le livre d'Ézéchiel à l'encontre de la royauté m'incline à donner à la formule : "les choses ne seront plus ce qu’elles étaient", un sens particulier (peut-être à tort), celui de signifier que (justement), "celui à qui appartient le jugement" ne sera pas issu de la royauté davidique, les critères de choix ont changé. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Mar 12 Mar 2019, 12:27 | |
| Je ne crois pas que ce soit spécifiquement protestant, c'est une interprétation chrétienne classique (du moins depuis que les chrétiens ont entrepris de commenter l'AT grec, latin ou hébreu, au lieu de se contenter de quelques citations comme c'est le cas dans le NT -- où, sauf oubli de ma part, ces textes-là ne sont pas cités). Et également juive rabbinique, dans le droit fil du pharisaïsme (cf. les targoums). "Messie" est (encore) un de ces agrégats "signifiés-signifiants-référents" qui, une fois constitués comme tels, absorbent comme une éponge toute sorte d'énoncés: on voit désormais "le Messie" dans des textes où il n'est nullement question de "messie" (= "oint"). Ce genre d'agrégat suppose un modèle d'interprétation unique, du moins dominant ou central (puisqu'il s'agit de ramener la diversité des textes à une "signification" ou à une "référence" supposée comprise ou connue). Le modèle messianique pharisien, "royal-davidique", finira par jouer ce rôle dans l'interprétation chrétienne ( exeunt les "messianismes" de l'"oint" sacerdotal, prophétique, etc., les eschatologies non "messianiques", les non-eschatologies), bien que ce ne soit pas le cas, comme on l'a vu, dans le NT lui-même. La formule d'Ezéchiel 21,26/31 n'est pas très explicite ( z't l' z't, "cela pas cela"; même démonstratif au v. suivant pour " cela n'est pas jusqu'à ce que vienne qui a le jugement/droit"), si ce n'est par la suite sur le thème hyper-général du renversement (le haut en bas, etc.; "thème", ou plutôt "antithème", dont on peut bien dire qu'il parcourt toute "la Bible", mais aussi "la littérature" et "l'histoire"). Par ailleurs c'est moins à David lui-même qu'à la monarchie et à la dynastie qu'il semble y avoir "allergie", cf. 34,23s; 37,24s: "David" berger et prince, non "roi" ni "fils de David". (Peut-être faudrait-il reprendre et poursuivre cette discussion, le cas échéant, sur un fil consacré à Ezéchiel ou alors à un thème plus général comme le " messianisme"...). |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Mar 07 Nov 2023, 12:24 | |
| IMAGE CULTUELLE ET PRÉSENCE DIVINE DANS LE LIVRE DE DANIEL Pierre Keith (Université de Strasbourg) p 255
DANIEL 10,4-19
La vision de l’homme vêtu de lin, au ch. 10, au début du dernier épisode du livre, reprend à son compte l’idée de l’image cultuelle. Sa mise en place est plus longue qu’à l’accoutumée32. Daniel est progressivement rendu capable de se tenir en présence de la divinité et de converser avec elle. Cette habilitation s’apparente à un rite de transformation, qui présente des correspondances avec certaines étapes de la consécration d’une statue de culte. Daniel est isolé de son environnement (10,7), recréé et fortifié (10,8-19), établi comme « l’homme des prédilections » (10,11.19 : איש־חמדות (et capable d’entendre l’ultime révélation (10,20-11,1). Les éléments de ce processus qui imitent des motifs du rituel mīs pî, conçu pour transformer une statue inerte en représentation vive de la divinité, sont les suivants :
– le temps (10,3-4) : le rituel mīs pî commence un jour favorable34, déterminé de manière sacrée. Une perspective analogue introduit la vision : le moment est préparé par trois semaines d’abstinence et fixé selon le calendrier liturgique, le 24 du premier mois35, à mi-temps d’une période de 7 semaines, suggérant le décompte des jours qui séparent les fêtes de Pâque et de Pentecôte.
– Le lieu (10,4) : après sa fabrication, la statue quitte l’atelier pour être transportée au bord d’un cours d’eau, où elle sera immergée pour renaître rituellement. Daniel se trouve au bord du Tigre quand la vision l’atteint et le plonge en léthargie (10,9). Il est face contre terre, “frappé de torpeur” (רדם, cf. Gn 2,21 : תרדמה(, inerte, comme privé de vie, et sera progressivement renouvelé.
– Le signal pour le début de la cérémonie (10,6) : Daniel entend une voix comparable à un “tumulte” (v. 6 : המון כקול(, litt. « comme le bruit d’une multitude », comme le signal produit par un grand nombre d’instruments de musique (3,5).
– L’activation des fonctions vitales et la transmission de forces positives (10,9-19) : aux v. 10-11, Daniel est touché par une main qui le relève graduellement. Une voix l’invite ensuite à se mettre debout et à se dresser. Au v. 16, une ressemblance d’humains (אדם בני כדמות (touche ses lèvres et Daniel “ouvre la bouche” (ואפתח־פי(. Aux v. 17-18, il reconnaît manquer de force et de souffle (ונשמה, cf. Gn 2,7). La ressemblance d’humains le touche une troisième fois et lui permet de reprendre des forces. Daniel est vivifié d’une vitalité nouvelle, parlant et respirant. Le souffle a achevé le renouvellement de sa personne, transformée pour être capable d’affronter « la grande tribulation » (10,1). Daniel est définitivement habilité à comprendre l’épreuve annoncée par la vision. C’est à ce moment qu’intervient une parole performative (10,19), qui confirme l’identification de Daniel à « l’homme des prédilections », qui lui donne des forces et l’habilite à entendre le message de la vision.
La scène se déroule le 24e jour du premier mois, au bord du Tigre (v. 4), après un temps de préparation. Au signal d’un son tumultueux, Daniel, dans le rôle du צלם, est couché, face contre terre, inerte. L’image est dressée, sa bouche est ouverte, et un souffle lui est transmis. Ces différents gestes imitent ceux du mīs pî, qui transforme rituellement ce qui n’était que matière et forme en présence et substitut d’une divinité. Les similitudes se situent au niveau de la localisation, du temps, des gestes, de l’activation des sens et des paroles. L’ensemble fonde la capacité exceptionnelle de Daniel à entendre le message, à être un modèle pour “ceux qui ont du discernement” et à aller jusqu’à la fin.
https://library.oapen.org/bitstream/handle/20.500.12657/42999/9789042939745.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Daniel 10 : Le prince du royaume de Perse/ Grèce et Michel Mar 07 Nov 2023, 16:30 | |
| Sur cet article, voir aussi ici et là (aujourd'hui même). C'est notamment dans ce passage que l'argumentation m'a semblé trop précise pour être convaincante. Mais à y regarder de plus près, elle n'est peut-être pas si précise que ça: si la date du mis pi' babylonien est fixée par divination (note 34), elle n'est pas fixe et il n'y a donc aucune correspondance nécessaire avec la date de 10,4; si Daniel jeûne depuis trois semaines (v. 2) le 24 nisan, il a commencé avant la Pâque du 14 (qu'il n'a donc pas célébrée) et ça n'a plus rien à voir avec les 7 semaines de la Pâque (ou plus exactement du surlendemain, le 16) à la Pentecôte... Il est vrai que la communauté du Second Temple est (re-)venue originellement de Babylone (par opposition aux "peuples du pays" ou "Samaritains" qui n'avaient jamais été exilés) et qu'elle garde des relations étroites avec la diaspora mésopotamienne et perse (la référence géographique est ici le Tigre, hiddeqel; cf. 8,2, Suse / Elam, aussi référence d'Esther); que la partie narrative de Daniel (1--6, roman de diaspora comme Esther ou Joseph, Genèse 37ss) intègre explicitement le personnage de Daniel dans le milieu sacerdotal babylonien (comme Joseph puis Moïse en Egypte, avec les mêmes effets de concurrence: ils réussissent où leurs "collègues" ou "confrères" échouent, mais ils appartiennent bien à la même catégorie socio-professionnelle, si l'on ose dire). Toutefois, si ce rapport a pu jouer dans la première partie du livre, il n'en a guère eu le temps pour les chapitres 7--12 tels que nous les lisons, pendant la crise maccabéenne circonscrite à la Judée (à une époque où dans le meilleur des cas les messages circulent à la vitesse du cheval): rien n'indique un conflit similaire avec la diaspora juive orientale (Mésopotamie et Perse) ou même en Syrie, au centre du même empire séleucide, y compris sous le règne d'Antiochos IV. |
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