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| Messiasnismes | |
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+5VANVDA sletan Anagnoste Narkissos free 9 participants | |
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Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Messiasnismes Mar 22 Mar 2011, 13:35 | |
| - Citation :
- (la quasi-citation de Daniel devant le Sanhédrin parle du "Fils de l'homme" à la troisième personne, comme d'un "autre", et c'est assez souvent le cas).
Encore une remarque perspicace, c'est beau une analyse aussi fine des textes ! Pour revenir au cas de Marie, si elle est fille de David, pourquoi les évangiles canoniques ne le mentionnent-ils pas clairement ? Comment dès lors comprendre le silence des évangiles sur ce sujet ? Nous pouvons imaginer que Marie ne soit pas de la maison royale de David (et donc de la tribu de Juda) mais plutôt de la tribu sacerdotale de Lévi. En effet Marie est la parente (Luc 1,36 "Et voici qu'Élisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils"), d’Elisabeth qui est fille d’Aaron (Luc 1,5 "un prêtre du nom de Zacharie, de la classe d'Abia, et il avait pour femme une descendante d'Aaron, dont le nom était Élisabeth. ). Ne doit-on pas envisager alors que Marie est elle aussi de la tribu de Lévi, voire elle-même fille d’Aaron ? La presence d'un dualisme messianique dans le NT ne s'explique-t-il pas la tradition juive, représentée par les Esséniens qui attendait non pas un mais bien deux messies (Zac 4,14 "Il dit : Ce sont les deux Oints qui se tiennent devant le Seigneur de toute la terre") Le Messie royal devait venir d’abord comme descendant de David et chef de guerre eschatologique assurant la paix pour Israël en terrassant les ennemis de Dieu. Puis ce Messie Royal s’effacerait une fois sa mission de pacification accomplie, laissant la place au Messie sacerdotal, fils d’Aaron revêtu ultimement de la primauté. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Messiasnismes Mar 22 Mar 2011, 15:03 | |
| Il faut à mon sens se garder de systématiser les données des textes. Il y a sans doute dans les traditions juives, y compris à Qoumrân, un "messianisme royal" et un "messianisme sacerdotal", et d'autres encore (le messie "fils de Joseph", tiens tiens), mais on ne trouve nulle part de synthèse globale (et si on en trouvait, ce ne serait jamais qu'une synthèse, parmi d'autres au moins possibles). A ma connaissance l'"oint d'Aaron" et l'"oint d'Israël" ne sont réunis qu'une fois, avec "le Prophète" (qui est encore autre chose), dans la Règle de Qoumrân (9,11). C'est un peu léger pour distribuer les rôles dans un scénario quelconque, même celui des "Esséniens" (à supposer que). Cela dit la dualité prêtre/roi est une vieille tradition, qui s'enracine déjà dans des textes comme Jérémie 33,14-18. Et dans Zacharie 4,14 il s'agit en effet de Josué (Jésus) le grand prêtre et de Zorobabel (davidide pour lequel l'auteur, comme Aggée, a manifestement des espérances d'onction royale). Cependant tous ces textes se placent d'abord dans une perspective historique (lignée de rois et de prêtres successifs) et non eschatologique (LE Roi ou le Grand Prêtre ultimes). |
| | | Anagnoste
Nombre de messages : 368 Age : 68 Date d'inscription : 12/02/2011
| Sujet: Re: Messiasnismes Jeu 24 Mar 2011, 10:40 | |
| Chers tous,
il me semble que la question du messianisme intéresse les juifs. Les Loubavitch attendent le Messie (pour les autres branches du judaïsme, je ne sais pas). Faute de mieux, je donne une petite citation de Wikipedia :
"Schneerson répète sans cesse qu'il faut accélérer la venue du Messie. il ordonne à ses disciples de devenir actif dans le kirouv, le retour des Juifs non- orthodoxes à l'orthodoxie. Son slogan devient oufaratzta ( Genèse 28:14), un mot hébreu qui signifie tu diffuseras pour implorer ses partisans de rapprocher les temps messianiques en sauvant les âmes juives de la laïcité.
Article détaillé : Messianisme Habad."
En lisant le fil "Messianismes", je me suis aperçu que la question de savoir si Jésus était le Messie lu dans la Bible hébraïque par les juifs n'importait pas tellement à ma foi. Bizarre.
Plus généralement, nos ancêtres qui ont rédigé le credo (version courte) ne mentionnent pas le Messie. Le credo (version longue) non plus, d'ailleurs. La seule référence au canon hébraïque, dans le credo long, c'est "il ressuscita le troisième jour, conformément aux écritures". J'en déduis qu'aux époques des deux credos, la question du messianisme ne faisait pas l'objet d'un débat acharné parmi les chrétiens. La question de la Royauté de Jésus, et de sa qualité de Prêtre, non plus.
Personnellement - mais c'est surtout affectif - parmi les passages de l'AT qui, aux yeux des chrétiens courants, préfigurent le Christ, ce sont les chants du serviteur souffrant d'Isaïe, et le psaume 22 (Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné) qui me touchent le plus.
A bientôt. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Messiasnismes Jeu 24 Mar 2011, 11:21 | |
| Bonjour Anagnoste,
Il me semble que par rapport à la fonction centrale, sinon unique, de Jésus dans le christianisme historique, celle de sauveur (du monde peut-être à la fin des temps, mais d'abord, tout au long de l'histoire, des âmes), les fonctions "royale" et "sacerdotale" ne peuvent plus jouer que comme des métaphores. D'autres façons de dire la même chose (le "salut"): supplémentaires, facultatives.
Et puis, dès le départ la différence linguistique et culturelle y fait beaucoup. En grec khristos signifie bien "oint" comme mashiaH, mais pour un auditeur grec moyen cela n'évoque ni sacerdoce ni royauté. De fait il fonctionne presque toujours comme un nom propre (c.-à-d. qu'il désigne quelqu'un plus qu'il ne signifie quelque chose). Exceptionnellement comme un titre, plus ou moins interchangeable avec "Seigneur" (p. ex. "Dieu l'a fait Seigneur et Christ"). Son sens n'est que très rarement élucidé par des références royales ou sacerdotales, ou même par le sens concret d'"oindre". Il est d'ailleurs assez remarquable que la seule "onction" du "Christ" dans les évangiles (avec un autre vocabulaire au demeurant) soit celle d'une femme qui le prépare à l'ensevelissement (ce qui serait plus évocateur du mythe d'Isis et d'Osiris que de l'Ancien Testament). L'assonance avec khrèstos, "bon, aimable, généreux" (cf. les transcriptions latines en Chrestus), semble avoir compté bien davantage pour le christianisme hellénophone que l'étymologie renvoyant aux "messianismes" judéo-palestiniens (lesquels intéressaient de toute façon assez peu la diaspora juive en général, qui avait plus à y perdre qu'à y gagner). |
| | | Anagnoste
Nombre de messages : 368 Age : 68 Date d'inscription : 12/02/2011
| Sujet: Re: Messiasnismes Jeu 24 Mar 2011, 13:27 | |
| Cher spermologos,
grand merci pour ces précisions lumineuses ! Pourrais-tu développer ceci : "la diaspora juive en général, qui avait plus à y perdre qu'à y gagner" ?
A bientôt.
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Messiasnismes Jeu 24 Mar 2011, 13:51 | |
| C'est tout simple: d'une part les juifs qui habitent Alexandrie, Corinthe ou Rome ne sont que modérément intéressés par la restauration d'un royaume et/ou par une réforme du temple à Jérusalem, contrairement à ceux qui vivent en Palestine. Ce qui les intéresse au premier chef, c'est une interprétation de leur héritage religieux qui soit pertinente pour leur communauté. Et avec le temps leurs "besoins religieux" ressemblent de plus en plus à ceux de leurs voisins non juifs qui partagent la même langue, la même culture ambiante, etc. Même sans le moindre syncrétisme délibéré, leur "religion" va naturellement prendre des formes comparables pour répondre aux mêmes questions. De l'autre côté, il n'est jamais confortable, dans cette situation, d'appartenir à un ethnos perçu comme fauteur de troubles, hostile à l'ordre établi qui est celui de l'empire, ce à quoi aboutissent inéluctablement les messianismes palestiniens. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Messiasnismes Mar 12 Mar 2019, 12:57 | |
| Les écrits composés après l'Exil manifestent un déclin puis, à partir de l'époque hasmonéenne, une résurgence du messianisme royal (M.R., p. 99-127). Le Second Isaïe, Abdias, Joël et Malachie ont renoncé à l'espérance en un retour des Davidides; dans leur prédication, la royauté de Jahvé occupe l'avant-plan. Les livres des Chroniques conservent, par endroits, quelques allusions à la destinée glorieuse de la dynastie davidique : 1 Ch 17,27; 2 Ch 6,42; 9,8; 13,5.8; 21,7. Mais ce sont là des vestiges de traditions anciennes qui n'ont pas grande signification pour le Chroniste; dans la rédaction finale, l'hagiographie célèbre même Cyrus comme le roi légitime de l'avenir (2 Ch 36, 23). Quant aux livres des Maccabées, leur témoignage est ambigu. Le premier livre mentionne l'alliance octroyée par Jahvé à David (1 M 2,57). Il tend, en outre, à assimiler Jonathan à David (1 M 10,10-11), et Simon à Salomon (1 M 15,32). Il semble donc considérer l'avènement des Hasmonéens comme l'instauration d'une dynastie qui pourrait remplacer celle des Davidides. Mais il se garde de trancher le litige (1 M 4,46; 9,27; 14,41). Pour l'auteur du deuxième livre, seule importe la théocratie. Il exalte le chef du peuple, Judas Maccabée, sans chercher à justifier ses droits. Le messianisme royal ne s'exprime point dans la littérature sapientiale : le Siracide attend et célèbre la restauration de la nation et de Jérusalem, mais il renonce à espérer la restauration d'une monarchie. Dans le Pentateuque, enfin, J. Coppens discerne les traces d'un « prémessianisme »; le recueil reste nettement en deçà du messianisme proprement dit.
On constate donc dans plusieurs secteurs de la littérature postexilique un déclin de l'espérance en la venue d'un Davidide idéal. Cependant, le messianisme royal dynastique n'a pas disparu en Israël, ainsi qu'en témoignent plusieurs textes des livres prophétiques: Am9,11; Os 3,5; Jr 30,9.21; Ag2, 20-23; Za 3,8-10; 4,14; 6,12-13; 9,9; 12,7-8 et surtout Jr 33,17-26. https://www.persee.fr/docAsPDF/thlou_0080-2654_1970_num_1_1_999_t1_0094_0000_3.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Messiasnismes Mar 12 Mar 2019, 13:36 | |
| Bravo d'avoir retrouvé ce fil (mémorable à certains égards !). J'indique, car nous l'oublierons plus vite encore, que nous y (re-)venons aujourd'hui de là (où l'on trouvera donc des commentaires en rapport éventuel avec le présent sujet). Concernant la recension ci-dessus (Coppens), il est symptomatique de parler de "déclin" du "messianisme" dans l'AT après avoir montré qu' il n'y a jamais eu, à proprement parler, de "messianisme" dans l'AT ! C'est qu'avec ce mot comme avec tant d'autres on est toujours coincé et tiraillé entre sa définition "finale" (disons, le messianisme pharisien-rabbinique et la christologie chrétienne qui à la fois s'inspirent et s'opposent) et son utilisation anachronique dans la description des textes -- qui ont sans doute contribué historiquement à l'élaboration ultérieure de "messianismes" divers mais ne relèvent pas eux-mêmes d'un tel concept. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Messiasnismes Mar 12 Mar 2019, 13:55 | |
| Le livre de Malachie incarne l'idée d'un «messianisme sans messie», puisqu'il y est question d'un médiateur qui se limite au rôle de précurseur, identifié (parfois) au prophète Elie :
"J'envoie mon messager : il fraiera un chemin devant moi. Il arrivera dans son temple à l'improviste, le Seigneur que vous cherchez ; le messager de l'alliance que vous désirez, il arrive, dit le SEIGNEUR (YHWH) des Armées." (3,1)
"Je vous envoie Elie, le prophète, avant que n'arrive le jour du SEIGNEUR, jour grand et redoutable." (3,23) |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Messiasnismes Mar 12 Mar 2019, 15:24 | |
| Ce qui complique encore ici les choses, c'est que le mot ml'k (mal'ak comme dans "Malachie") qui signifie "messager" ou "émissaire" se traduit aussi par "ange" (transcription du grec aggelos tout aussi ambigu quoique selon une économie un peu différente). A l'intérieur même du corpus "biblique", hébreu et grec, un nom de fonction (messager-émissaire, de "nature" humaine a priori mais éventuellement "autre", y compris "divine", et foncièrement indéterminée) est devenu un nom de "nature" ("ange" comme catégorie d'"êtres" spirituels, célestes, sur-humains et infra-divins, indépendamment de leur fonction, de "messager", d'"émissaire" ou autre; au point que même des "êtres" qui ne sont jamais appelés ml'kym ni aggeloi, comme les "chérubins" ou les "séraphins", finissent par devenir -- en français commun sinon dans les textes bibliques -- des [sous-]catégories d'"anges"). Pour le traducteur c'est une impasse, car selon qu'il traduit "messager", "émissaire" OU "ange" le lecteur comprendra tout autre chose, et de toute façon il ne verra plus le rapport entre les textes (français p. ex.) où il est question de "messagers" et d'"émissaires" (souvent humains) et ceux où il est question d'"anges" (sinon par les notes de traduction éventuelles). Seul point commun avec le "messie", on voit aussi des "anges" où il n'y en a pas.
Dans "Malachie" ("mon messager/ange" devient le nom même du "prophète" dans le titre du livret, 1,1), le ml'k est d'abord un "prêtre" (2,7; cf. Qohéleth 5,5) avant de revenir au chapitre 3 comme "mon messager/ange" (envoyé comme dans la conclusion le "prophète" Elie) ET "le messager/ange de l'alliance" (et bien sûr cela renvoie aussi à toute la tradition du "messager/ange de Yahvé" anonyme qui se confond avec Yahvé lui-même dans une foule de textes narratifs, depuis la Genèse). En tout cas et en effet, il n'y a là aucune trace de "messie" = "oint", encore moins "royal" et "davidique": l'intérêt du texte est essentiellement sacerdotal (purifier la prêtrise et le service du temple: relire la suite); la conclusion-addition sur Elie (3,23s/4,4s) n'a guère de rapport avec ce qui précède, mais elle va prendre une importance démesurée à sa place de "dernier mot des Prophètes" selon le canon pharisien, voire de "dernier mot de l'AT" selon un certain canon chrétien. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Messiasnismes Mar 12 Mar 2019, 16:29 | |
| Après l'exil, l'espérance messianique ne trouve plus de formules qui puissent rivaliser en grandeur avec celles rencontrées jusqu'à présent. Il y a certes un climat messianique dans les espoirs qu'Aggée et Zacharie concentrent sur Zorobabel, mais à côté de ce prince surgit, presque comme un rival, la figure du grand prêtre {Za 3, 9-10. Cfr Jr 33, 14-24). En d'autres textes postexiliques, l'attention paraît se porter vers un prophète médiateur {Ml 3, 23 ; Si 47, 10-11). Le roi messianique réapparaît toutefois, mais sous un Jour nouveau, reflet des conditions nouvelles, en Za 9, 9-10. Ce serait là la dernière mention vétérotestamentaire certaine du roi-messie, car Dn 9, 25 vise plutôt un grand prêtre et le Fils d'homme de Dn 7, 13-14 n'est pas à identifier sans plus avec le messie. https://www.nrt.be/docs/articles/1968/90-1/1411-Le+messianisme+royal+%28I%29.+Ses+origines%2C+son+d%C3%A9veloppement%2C+son+accomplissement.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Messiasnismes Mar 12 Mar 2019, 17:37 | |
| Il importe quand même, à mon sens, de tirer au clair une ambiguïté lexicale due à l'interférence du langage spécialisé et du langage courant, en particulier dans la "vulgarisation biblique" qui en use et en abuse (parfois à la limite de la malhonnêteté) à des fins apologétiques ou plus généralement confessionnelles: un bibliste peut appeler "messie" n'importe quel "oint" (mšyh/khristos), roi, prêtre, ou même prophète le cas échéant, et parler de "messianisme" à propos de n'importe quelle idéologie royale, sacerdotale ou prophétique. Mais pour le grand public le "messianisme" ce n'est pas ça du tout: il y va d'une figure UNIQUE et ULTIME, LE Messie, qui appartient à une "eschatologie": roi, prêtre ou prophète, il se conçoit comme le premier et le dernier à ce titre, le seul, sans véritable prédécesseur ni successeur (Saül, David ou Salomon sont des "messies" si l'on veut, ils ne sont pas "le Messie"). Or on n'a aucune chance de trouver ce genre de chose dans les textes AVANT l'exil, la rencontre avec l'eschatologie perse et sa lente "digestion" par une partie de la pensée juive (soit assez loin dans l'époque perse ou à l'époque hellénistique, en un temps où la plupart des textes de la Bible hébraïque sont déjà écrits, même s'ils sont encore susceptibles de modifications mineures).
C'est dire que les accents "messianiques" que nous trouvons dans des textes antérieurs, nous ne les y trouvons que par un certain anachronisme: l'exaltation poétique et/ou liturgique de la fonction royale (qu'elle s'adresse originellement à tel roi particulier ou à n'importe lequel) dans les Psaumes ou les Prophètes nous paraît "messianique" parce que nous avons perdu de vue son contexte premier (p. ex. la liturgie du temple royal ou le prophétisme de la cour royale) et la relisons du point de vue d'une eschatologie plus tardive. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Messiasnismes Jeu 13 Jan 2022, 13:08 | |
| Un excellent résumé du sujet :
Selon l’affirmation de Gerhard von Rad, les Écritures sacrées d’Israël, l’Ancien Testament, étaient des livres ouverts sur l’avenir. Diverses formes de messianisme s’y manifestaient en concurrence hésitante. Même dans des textes antérieurs à la monarchie israélite, comme Genèse 49 qui décrit la suite ou la fin des temps (Gn 49, 1), flattait Juda et annonçait un ultime chef, le mystérieux Shiloh (Gn 49, 11-12). Les oracles de Balaam, Nb 24, 17 en particulier, prédisaient la venue d’un roi : « Je le vois – mais non pour maintenant, je l’aperçois – mais non de près. Un astre se lève de Jacob, un sceptre se lève issu d’Israël. » Avec la royauté davidique et la fameuse prophétie de Nathan (2 S 7 et 1 Ch 17), une promesse divine s’installa de plus en plus plus fermement :Dieu a établi la maison de David pour toujours et le Fils de David régnera sans cesse. Tant la tradition cultuelle des Psaumes (Ps 89 et 132, par exemple) que la tradition prophétique (Es 7, 9 et 11, par exemple) furent les témoins de la vigueur et de la permanence de cette tradition.
Non seulement le roi était oint en Israël, mais les prêtres l’étaient aussi. Dans le clergé s’est développé un messianisme sacerdotal qui n’a pas éliminé le messianisme royal. Ainsi se manifesta en Israël, surtout après l’exil, un messianisme double, dont la vision des deux oliviers fut le témoin privilégié. Zacharie aperçoit dans une vision nocturne un chandelier et, à ses côtés, deux oliviers (Za 4, 3). Surpris, le prophète demande qui sont ceux-ci. Il apprend que « ce sont les deux fils de l’huile fraîche qui se tiennent debout près du Seigneur de toute la terre » (Za 4, 14).
Ces deux lignes, royale et sacerdotale, demeurèrent vivantes jusqu’à l’époque de Jésus : les Psaumes de Salomon, texte, à mon avis, d’orientation pharisienne, affichèrent une espérance en un messie royal et davidique. Voici un extrait du Psaume 17 : « Regarde, Seigneur, et suscite-leur leur roi, fils de David, au moment que tu sais, ô Dieu, pour qu’il règne sur Israël ton serviteur ! Et ceins-le de force […] » (Ps Sal 17, 21-22). Plus loin : « Alors il rassemblera un peuple saint, qu’il conduira dans la justice. Il jugera les tribus d’un peuple sanctifié par le Seigneur son Dieu » (Ps Sal 17, 26). Certains manuscrits de la mer Morte que je considère d’orientation essénienne, valorisèrent au contraire un messie sacerdotal à côté, voire même au-dessus du messie royal. Voici une promesse faite dans le livre de la « Règle de la communauté » (1QS 9, 10-11) : « Et ils seront régis par les ordonnances premières dans lesquelles les membres de la Communauté commencèrent à être instruits, jusqu’à la venue du Prophète et des Oints [c’est-à-dire des Messies] d’Aaron et d’Israël. »On voit du reste pointer ici, à côté des deux messies, une troisième figure, celle d’un prophète avant-coureur, dont la venue a été annoncée dès le livre du Deutéronome : Moïse y prédit en effet la venue d’un prophète qui lui ressemblera (Dt 18, 15 et 18).
Comme cela faisait beaucoup d’espérances différentes et bien des figures messianiques attendues, les Juifs des époques perse, grecque puis romaine tentèrent de remédier à cette pléthore. On sent en effet des efforts pour organiser les figures, par exemple celui qui consista à aligner le prophète avant-coureur, puis le messie royal, pour l’organisation politique, enfin le messie sacerdotal, pour la vie religieuse ; ou plus simplement le messie royal qui cumule les divers pouvoirs prophétique, sacerdotal et royal.
Il y a, hélas, autant de portraits de Jésus qu’il y a de biblistes. Il existe pourtant une tendance critique, dans laquelle je me situe, qui signale que la plupart des titres messianiques, Seigneur, Christ, Fils de Dieu, dans les Évangiles appartiennent aux passages rédactionnels les moins anciens. Si l’on tient compte aussi du déséquilibre flagrant qu’il y a entre les multiples emplois du titre Messie dans les Actes et les Épîtres, écrits qui reflètent la vie postpascale des communautés chrétiennes, et la portion congrue d’attestations dans les Évangiles, on admettra volontiers que le Jésus historique n’a pas clamé sa messianité. J’oserais même dire qu’il est resté discret et qu’il a même détruit certaines images d’un Messie politique, violent et revanchard. Suivant l’analyse que je dois à Oscar Cullmann et surtout à Maurice Goguel, le Jésus historique s’est méfié de l’affirmation triomphaliste de Pierre à Césarée de Philippe (Mc 8, 29) et y a vu une tentation satanique (Mc 8, 33). Lors de l’entrée à Jérusalem (Mc 11, 1-11), les compagnons du maître ont célébré le pèlerin pieux et non le Messie quand ils scandaient le Psaume 118, 25-26 : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » Au grand prêtre qui l’interrogeait sur sa messianité, Jésus n’a pas répondu, comme le veut Marc, par l’affirmative ego eimi (Mc 15, 61), mais comme le disent Matthieu et Luc, « C’est toi qui le dis » (Mt 26, 64) . Face aux diverses formes qu’avait prises le messianisme juif, le Jésus historique afficha et pratiqua une attitude que je qualifierais d’iconoclaste. Il osa déconstruire les élaborations et prétentions messianiques de son environnement juif. C’est qu’il préférait un lien discret et implicite entre la proclamation du Règne de Dieu et la responsabilité qui lui revenait d’annoncer ce règne et de le mettre en mouvement. Le titre « Fils de l’homme », que je conçois comme un signe de modestie, comme celui que Dieu applique à son serviteur Ezéchiel (voir, par exemple, Ez 2, 1), seul pouvait lui convenir. C’est aussi celui-là seul que Jésus a accepté et même revendiqué.
https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2010-2-page-185.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Messiasnismes Jeu 13 Jan 2022, 16:09 | |
| Je ne partagerais pas ton enthousiasme, à moins de lire le texte de Bovon sur un mode quasi allégorique (ce qui serait, pour le coup, "hellénistique"): c'est-à-dire, là où il a l'air de parler d'"histoire" -- j'ignore évidemment si et dans quelle mesure il le fait "sincèrement", voire "naïvement", ou par un "calcul" stratégique ou diplomatique -- de n'entendre que la définition et la distinction d'"idées" ou de "concepts". Toujours est-il que cet article tel qu'il est me semble favoriser la confusion que j'essaie de dénoncer depuis le début, entre "messie" au sens sacré mais ordinaire (n'importe quel roi ou prêtre est "oint", mashiah-khristos) et messianisme eschatologique, ce dernier n'émergeant que vers la fin du "Second Temple", et plutôt hors de la Bible hébraïque (= AT protestant) que dans celle-ci (même l'eschatologie "apocalyptique" de Daniel n'est pas "messianique", Zacharie ne paraît l'être que par la juxtaposition du Proto- et du Deutéro-Zacharie: les "oints" du chap. 4 n'ont rien d'eschatologique; même si cela traduit une espérance royale pour Zorobabel, comme dans Aggée, ce serait celle de la restauration de la monarchie davidique antérieure et non un "Messie" au sens eschatologique). Problème similaire, mutatis mutandis, pour le traitement des Evangiles et des Actes, dont on feint de prendre le cadre narratif pour "historique" (Jésus et les Douze, puis les Sept "hellénistes") -- tout en reconnaissant entre les lignes qu'on ne peut rien en tirer de ferme, surtout sur le "messianisme" ou la "christologie" d'un "Jésus historique". Il y a là à coup sûr une distinction utile d'"idées" différentes, mais rien qui permette d'établir entre elles une relation chronologique, historique ou généalogique.
Dans le détail, je doute qu'aujourd'hui aucun spécialiste de l'AT (ce que n'est pas Bovon) tienne Genèse 49 ou Nombres 24 pour "prémonarchiques" -- de même l'oracle à David (2 Samuel 7//) serait plutôt exilique ou postexilique (selon la datation globale de Samuel-Rois, sans parler des Chroniques qui sont à coup sûr d'époque perse ou même hellénistique, très tardive par endroits -- cf. l'intégration de la dynastie hasmonéenne dans les généalogies sacerdotales et la place des Chroniques à l'extrémité du "canon" juif, encore après Daniel). Les références à Zacharie, aux Psaumes de Salomon ou aux textes de Qoumrân font moins difficulté puisqu'ils sont de toute évidence "postexiliques", de l'époque perse, hellénistique ou romaine, mais l'analyse des évangiles (qui est pourtant davantage le rayon de Bovon) me semble très discutable: que le "Jésus" des évangiles se distingue du "messianisme" pharisien ou "essénien", ça ne fait aucun doute (et la distinction porte aussi sur son caractère "davidique", cf. Marc 12,35ss//), mais c'est parce qu'il est déjà tributaire de "christologies" antérieures, "hellénistiques" et/ou paulinienne(s). Quant à l'affirmation de Marc 14,62 selon le texte généralement retenu (egô eimi = "c'est moi"), elle est requise par la logique narrative (je ne dis pas "historique"): on voit mal ce qui constituerait un "blasphème" si "Jésus" ne donnait pas l'impression de répondre affirmativement à la question, et de fait dans Matthieu et Luc qui évitent la réponse affirmative (c'est toi qui le dis, etc.) le grand prêtre paraît de plus "mauvaise foi" dans son jugement... |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Messiasnismes Mer 19 Jan 2022, 15:00 | |
| III. Les débuts de l’attente messianique
Elie
Un texte aussi peu « messianique » que le livre I des Maccabées, vraisemblablement rédigé (en hébreu à l’origine) un peu avant l’an -100 nous montre que, vers cette époque, les Juifs de Judée vivaient dans l’attente. Lors de la purification du Temple reconquis sur les Séleucides (-164), Juda Maccabée aurait déposé les anciennes pierres de l’autel « en attendant que vînt un prophète qui donnerait une réponse à leur sujet » (I Mac. 4.46). Une vingtaine d’années plus tard, les Judéens donnèrent le pouvoir à son frère Simon et à ses descendants « jusqu’au moment où se lèverait un prophète digne de foi » (I Mac. 14.41). Qui était donc le prophète attendu ? Sans doute un nouvel Elie, un Elie redivivus. On devait espérer la réalisation de la prophétie de Malachie :
Voici que moi je vous envoie le prophète Elie avant que ne vienne le Jour du Seigneur, jour grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers les fils et le cœur des fils vers les pères.
Cette attente est bien perceptible au ier siècle et dans le Nouveau Testament. Lorsqu’apparaissait une figure charismatique, on lui demandait : « Es-tu Elie ? »
L’Élu de justice (I Hénoch)
Entre temps, l’idée avait surgi que le prophète Elie serait l’annonciateur d’un autre personnage qui présiderait au « Jour du Seigneur », compris comme Jugement dernier. La figure daniélique du Fils de l’homme, investi par l’Ancien des Jours lors du jugement des empires, avait été recueillie par une apocalypse, le livre d’Hénoch. Cet ouvrage, écrit en araméen, est sans doute composite : on peut penser que sa rédaction s’est étalée sur les deux siècles précédant l’ère chrétienne et a subi aussi quelques influences ultérieures. Sous sa forme la plus complète, il nous est parvenu en ghez, car il est devenu un livre sacré dans l’Église éthiopienne. Dans la section la plus récente, connue sous le nom de « Parabole d’Hénoch »6, le héros voit apparaître un personnage aux côtés d’un vieillard qui est une représentation anthropomorphique de Dieu. Hénoch interroge alors un ange : « Qu’est-il ? D’où vient-il ? Pourquoi accompagne-t-il le Principe des Jours ? », et il lui est répondu :
C’est le Fils d’homme auquel appartient la justice […] Car c’est lui que le Seigneur des Esprits a élu. (I Hénoch 46, 2-6)
Ce Fils d’homme n’est désormais plus une figure collective mais une figure individuelle préexistante au monde et gardée en réserve pour la fin des temps :
Avant que soient créés le soleil et les signes, Avant que les astres du ciel soient faits. Son nom a été prononcé devant le Seigneur des Esprits. Il sera un bâton pour les justes […] Il sera la lumière des nations […] C’est pour cela qu’il est devenu l’Élu et celui qui a été caché par devant Lui, dès avant la création du monde et jusqu’à l’avènement du siècle. (I Hénoch 48, 3-6)
Le Fils d’homme appelé aussi « L’Élu » ou « Le Juste » joue un rôle essentiel auprès de Dieu dans le Jugement dernier. C’est une figure quasi divine, un être angélique d’aspect humain, qui occupe un siège au ciel devant « le Principe des jours ». À deux reprises, il est également appelé « Messie » et c’est à lui qu’est promis l’empire universel.
https://journals.openedition.org/bcrfj/177 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Messiasnismes Mer 19 Jan 2022, 15:44 | |
| Article exceptionnellement clair, ce qui mérite d'être souligné sur un sujet où les deux "confessions" concernées (le judaïsme "orthodoxe", dans la ligne pharisienne et rabbinique, et le christianisme toutes tendances confondues) ont des intérêts symétriques, mais en définitive communs, à entretenir la confusion (comme on vient de le voir encore, côté chrétien, avec l'article de Bovon). En effet, on ne le répétera jamais assez, il n'y a ni "messianisme" ni "messie" (au sens "eschatologique" du terme) dans la Bible juive (TaNaKh= AT au moins "protestant"). Il y a de l'"eschatologie" sans "messie" (ce serait aussi le cas d'Elie dans Malachie: non seulement Elie dans les Rois n'est pas "oint", bien qu'il "oigne" son successeur Elisée, mais rien dans Malachie ne suggère une "onction" quelconque), il y a des "oints" sans eschatologie (Saül, David, Salomon etc., et les grands prêtres), mais rien qui ressemble à un "Messie" au sens d'un "messianisme" quelconque. |
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| Sujet: Re: Messiasnismes Mer 19 Jan 2022, 16:27 | |
| Messianisme du temps présent
Dans la tradition juive, l’idée messianique n’est pas nécessairement conçue comme un processus historique continu menant progressivement à une Rédemption finale. À cette vision du progrès historique, née en Europe à l’époque des Lumières, l’enseignement talmudique oppose la notion d’une interruption soudaine de l’histoire, qui peut survenir à tout moment. Cette idée d’un « messianisme de l’aujourd’hui », redécouverte et réélaborée au xxe siècle par trois penseurs juifs allemands, Franz Rosenzweig, Walter Benjamin et Gershom Scholem, redonne leur chance aux harmoniques messianiques enfouies dans chaque instant du temps.
Dans une lettre datant de l’année 1917, Franz Rosenzweig évoque la légende talmudique suivante : « Un jour, Rabbi Yoshoua ben Levi rencontra le prophète Élie à l’entrée de la grotte de Rabbi Shimon ben Yo’hai et lui demanda : Quand le Messie viendra-t-il ? Élie lui répondit : Va le lui demander. – Mais où puis-je le trouver ? – Aux portes de Rome. – Et comment pourrai-je le reconnaître ? – Il est assis parmi les pauvres et les malades et panse leurs plaies […]. Rabbi Yoshoua alla donc trouver le Messie […] et lui demanda : Maître, quand viendras-tu ? Le Messie lui répondit : Aujourd’hui. Sur ce, Rabbi Yoshoua retourna vers le prophète Élie. Celui-ci lui demanda : Que t’a dit le Messie ? […] Rabbi Yoshoua lui répondit : Il m’a menti, car il m’a dit : “Aujourd’hui”, mais il n’est pas venu. Alors Élie lui répondit : (Tu n’as pas compris sa réponse) ; le Messie t’a cité un verset des Psaumes (95,7) : “Aujourd’hui, si vous écoutez Sa voix”. » (Sanhedrin, 98a)
Dans la suite de sa lettre, Rosenzweig commente cette légende en distinguant entre deux significations du mot « aujourd’hui » : « Il y a un aujourd’hui qui n’est qu’un pont vers demain, et il y a un autre aujourd’hui qui est un tremplin vers l’éternité. » Il est remarquable que Gershom Scholem ait lui aussi cité ce même verset des Psaumes et ce même enseignement sur l’actualité permanente de la Rédemption dans le contexte du commentaire d’un autre passage du Talmud : « Si le peuple d’Israël se repentait, ne serait-ce qu’un seul jour, la Rédemption viendrait aussitôt, selon ce qu’il est dit : “Aujourd’hui, si vous écoutez Sa voix.”» Si Rosenzweig et Scholem se réfèrent l’un et l’autre à cette ancienne source juive, c’est pour plaider en faveur d’une vision de l’histoire radicalement opposée au modèle qui domine la pensée occidentale depuis les Lumières : celui du progrès continu de l’humanité jusqu’au terme idéal de son développement. Le messianisme juif, qui, pour Rosenzweig comme pour Scholem, sert ici de contre-modèle au paradigme historique de la modernité, ne conçoit pas la fin de l’histoire comme l’aboutissement lointain d’un long processus de perfectionnement, comme le terme idéal d’une démarche infinie, mais comme l’irruption soudaine et imprévue d’une autre réalité au sein même du temps.
https://www.cairn.info/revue-lignes-2008-3-page-31.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Messiasnismes Mer 19 Jan 2022, 16:58 | |
| Très intéressant.
Pour rappel, la référence commune (de Rosenzweig et Scholem) au psaume 95 est aussi celle qui, dans l'épître aux Hébreux (d'inspiration plus [médio-]platonicienne que rabbinique), permet le passage de l'"aujourd'hui" à l'"éternité"... mais bien que dans ce cas le texte soit "chrétien" (c.-à-d. au moins étymologiquement "messianique"), le rôle de l'"onction", surtout royale, y est quasiment nul (seulement 1,9, dans une citation et un tout autre contexte, outre les mentions ordinaires du mot ou nom khristos, 3,6.14; 5,5; 6,1; 9,11.14.24.28; 10,5.10.12; 11,26; 13,11.28). |
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| Sujet: Re: Messiasnismes Lun 30 Mai 2022, 14:21 | |
| Le Messie et le messianisme
André Paul Historien, bibliste et théologien
Au IIe siècle av. J.-C., le chemin de la monarchie s’ouvrit en Iouda. À partir de 160, les frères Maccabées donnèrent l’indépendance à leur pays. Avec leurs successeurs, ils fondèrent un État dont les frontières ne cessèrent de s’étendre au gré des succès militaires. Ce fut l’État hasmonéen, le premier État juif de l’histoire. En 104 av. J.-C., Alexandre Jannée déclara la royauté. Il y eut alors un roi en Iouda. La carte géographique de ces conquérants montés sur le trône suivait les frontières idéalisées d’Israël que l'historiographie nationale avait un jour tracées. Les Hasmonéens furent les premiers dans l’histoire à transformer en réalité la représentation biblique des royaumes de David et de Salomon, dont on ne sait rien par ailleurs. Ces princes guerriers cumulèrent le pouvoir politique et la juridiction religieuse : ils furent ethnarques puis rois et grands prêtres à la fois. Ce qui signifiait une double usurpation. La lignée des grands prêtres légitimes se trouvait dépossédée de ses prérogatives sacrées. Quant à la légitimité de la monarchie, elle était loin d’être acquise. Issus des armes et de l’insurrection, ces gouvernants étaient étrangers à la descendance de David, distinguée et qualifiée comme l’on sait. D’ailleurs, ils ne reçurent jamais l’onction royale. Et leur politique, leur méthode de gouvernement et leur manière de vivre ne les distinguaient en rien des autres monarques de l’époque. Les réactions de suspicion et même d’opposition se multiplièrent dans la société judaïque. Une image et une doctrine du Messie apparurent alors comme dans un effet de réplique. Elles se développèrent à la manière d’un antidote idéalisé. Elles canalisèrent et exprimèrent les espérances populaires, recourant aux oracles anciens interprétés à cette fin. Meshiah n’était plus l’adjectif que l’on traduit par « oint », appliqué à de distingués agents aux charges diverses, mais le substantif que l’on ne traduit pas : « Messie ». Dans ce sens, il n’y a pas de Messie dans la Bible. Une déconnexion radicale s’opérait entre la monarchie royale de Iouda aux caractéristiques séculières et la représentation du Messie d’Israël attendu. On dira bien : « Messie d’Israël ». C’est donc très tardivement que l’attente du Messie trouva son objet, son langage et sa forme. Les manuscrits retrouvés le siècle dernier près de la mer Morte sont ici des témoins inestimables. La connaissance du premier messianisme leur doit beaucoup. Or, une fois positionné dans le lexique ambiant, le titre de Messie fut assorti de synonymes et de supplétifs, chacun d’eux signifiant l’appartenance du héros messianique à la lignée royale de David. Ce personnage, Rejeton de David, alias Messie d’Israël, Roi Messie ou Messie tout court, aura le rôle central « aux derniers jours ». L’oracle idyllique de la « souche de Jessé » se trouvera bellicisé, le Messie reprenant les traits d’un roi chef de guerre, la guerre ultime et totale de l’« assemblée » d’Israël. Le Messie rassemblera son peuple pour le mener à la victoire, au terme d’un combat décisif contre l’armée des « fils de ténèbres ». Ce ne sera qu’une étape transitoire. Dieu en personne prendra les rênes pour achever la rédemption. Cette guerre des derniers jours pouvait être céleste, avec l’affrontement des êtres angéliques, les bons contre les mauvais, chaque camp ayant son chef nommé. Elle donna lieu à un traité que l’on a retrouvé en une dizaine d’exemplaires dans les grottes de Qumrân, la Règle de la Guerre des Fils de Lumière contre les Fils de Ténèbres. Il s’agit d’une figuration fantasmagorique, toute rituelle, de la catastrophe cosmique qui précéderait l’avènement ultime du monde restauré. D’autres figures apparurent avec les qualités sinon le titre de Messie. L’une est appelée « Prophète ». L’autre se présente sous une apparence céleste, celle d’un grand Ange. Il y a encore la figure du « Prêtre », prééminente dans la communauté de Qumrân, qui lui donna le nom de « Messie d’Aaron ». Le sauveur d’Israël ne saurait venir de la dynastie hasmonéenne. La guerre véritable libérera du Mal et de son principe, qui a un nom. C’est un tout autre conflit, dont l’effet sera de purifier le monde avant sa transformation dernière. Dieu lui-même assurera la restauration parfaite du peuple saint, et avec lui du monde.
https://www.clio.fr/bibliotheque/bibliothequeenligne/le_messie_et_le_messianisme.php?letter=A |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Messiasnismes Lun 30 Mai 2022, 15:56 | |
| Dans son style fleuri, André Paul dit bien ce que nous répétons depuis le début: à proprement parler il n'y a pas de "Messie" ni de "messianisme" dans la Bible hébraïque (ou AT chrétien, du moins protestant) -- ce qui ne pèse pourtant pas lourd face au rabâchage contraire ("prophéties messianiques", etc.), d'autant que celui-ci est à la fois juif (rabbinique, post-pharisien) et chrétien (du moins depuis qu'une certaine interprétation "messianique" du "Christ" a pris le pas sur toutes les autres), populaire, semi-savant, pastoral ou diplomatique.
Je suis plus dubitatif sur la priorité accordée à la lignée royale-davidique dans l'ascendance de ce motif: 1) comme on l'a vu, dans la Torah l'onction est exclusivement sacerdotale (Aaron et ses fils); quand la royauté est envisagée (Deutéronome 17), le roi n'est pas "oint"; 2) dans Samuel-Rois le premier roi "oint" est Saül, et son onction par Samuel apparaît plutôt comme une extension de l'autorité sacerdotale à la fonction royale (1 Samuel 9ss; Samuel n'est pas grand-prêtre, ni prêtre ni même lévite selon les critères de la Torah, chap. 1, mais il joue bien un rôle de prêtre, habilité à offrir des sacrifices quand Saül ne l'est pas, cf. chap. 13--15); 3) David est "oint" (comme et contre Saül, chap. 16; 2 Samuel 2 et 5), mais d'une part cette onction n'annule pas celle de Saül (1 Samuel 24, 26; 2 Samuel 1), d'autre part l'"alliance éternelle" accordée à David (2 Samuel 7) ne fait pas la moindre référence à son "onction"; 4) les fonctions royale et sacerdotale restent en partie confondues dans les traditions subséquentes (p. ex. 2 Samuel 8,18, les fils de David -- qui ne sont pas rois -- sont prêtres); de sorte qu'il faudrait plutôt se demander, quand on a affaire à un "oint" sans autre précision (p. ex. dans les Psaumes), s'il s'agit d'un roi, d'un prêtre ou des deux à la fois (ce qui dépend non seulement de l'époque et du milieu du texte "originel", mais aussi de ceux de ses réécritures et relectures ultérieures)... Tout cela pour dire que la notion d'"onction sacerdotale" ne me paraît pas du tout secondaire par rapport à celle d'"onction royale" -- ce serait plutôt le contraire.
Sur le fait que khristos ne signifie rien (hormis huilé ou huileux, graissé ou graisseux: rien de "religieux" ni de "symbolique") pour un hellénophone étranger à la tradition "biblique" et plus généralement juive, cf. supra 24.3.2011 (!). |
| | | free
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| Sujet: Re: Messiasnismes Mer 01 Juin 2022, 15:13 | |
| - Citation :
- La formule d'Ezéchiel 21,26/31 n'est pas très explicite (z't l' z't, "cela pas cela"; même démonstratif au v. suivant pour "cela n'est pas jusqu'à ce que vienne qui a le jugement/droit"), si ce n'est par la suite sur le thème hyper-général du renversement (le haut en bas, etc.; "thème", ou plutôt "antithème", dont on peut bien dire qu'il parcourt toute "la Bible", mais aussi "la littérature" et "l'histoire"). Par ailleurs c'est moins à David lui-même qu'à la monarchie et à la dynastie qu'il semble y avoir "allergie", cf. 34,23s; 37,24s: "David" berger et prince, non "roi" ni "fils de David".
(Peut-être faudrait-il reprendre et poursuivre cette discussion, le cas échéant, sur un fil consacré à Ezéchiel ou alors à un thème plus général comme le "messianisme"...).
https://etrechretien.1fr1.net/t1298-daniel-10-le-prince-du-royaume-de-perse-grece-et-michel
La lignée de David y est décrite comme le tronc sectionné d'un arbre appelé la "souche de Jessé" ... Il est dit ensuite qu'un "rejeton" ou "rameau" sortira de ses racines (Is 11,1) ... Cela implique que le messie davidique peut être un descendant du roi David issu d'une autre branche que celle du roi Salomon. De plus, et dans ce qui ressemble fort à une malédiction contre la descendance de Salomon, Jérémie déclare à propos de l'un des derniers rois de cette lignée, au VIe siècles av.J-C : " Est-il donc un pantin méprisable et disloqué, ce Konia ? Est-ce un objet dont personne ne veut plus ? Pourquoi sont-ils jetés, lui et ses descendants, lancés dans un pays qu'ils ne connaissent pas ?— Terre, terre, terre, écoute la parole du SEIGNEUR ! Ainsi parle le SEIGNEUR : Inscrivez cet homme comme privé d'enfants, comme un homme qui ne réussira rien durant ses jours, car aucun de ses descendants ne réussira à s'asseoir sur le trône de David pour gouverner Juda" (Jé 22,28-30). On ne peut être plus clair, au point qu'Ezéchiel se permet de renchérir en s'adressant à Sédécias : " Toi, profanateur, méchant, prince d'Israël, dont le jour arrive au temps où la faute est à son comble ! ainsi parle le Seigneur DIEU : Ote le turban, enlève la couronne. Tout change ! Ce qui est abaissé sera élevé, et ce qui est élevé sera abaissé. Une ruine, une ruine, une ruine ! Voilà ce que j'en ferai. Tout a déjà changé, en attendant la venue de celui à qui appartient le jugement et à qui je le remettrai" (Ez 21,30-32). Il s'agit là d'un texte extraordinaire qui semble dire que la royauté davidique n'appartiendra plus à la lignée "élevée" de Salomon, mais qu'elle sera remplacée par le "bas" lignage d'un "rejeton" ou d'un "rameau" de la lignée de David. Lien. Je ne suis pas convaincu par cette article mais cela permet de lancer la discussion. L'expression "en attendant la venue de celui à qui appartient le jugement" rappelle Gen 49,10 : " Le sceptre ne sera pas retiré à Juda, ni le bâton de commandement qui est entre ses jambes, jusqu'à ce que vienne Shilo et que les peuples lui obéissent" (gn 49,10). Un extrait : II. "Jusqu'à ce qu'il vienne" : EZEK 21,30-32 Qui est l'attendu dans L'oracle d'Ezéchiel ? Selon le contexte, il peut être soit Nabuchodonosor avec son jugement punitif, soit un nouveau Roi Messie de Judée apportant la justice. Dans le premier cas, assez surprenant, Ezéchiel semble avoir fait de la promesse de Gen 49,10 le véhicule d'un message du jugement total. Dans le second cas, il semble avoir renforcé la ancienne promesse. L'interprétation de la clause dépend largement de la options de l'exégète face aux problèmes de l'écriture textuelle et littéraire critique dans ce verset et dans l'oracle dans son ensemble. Ceci est vrai pour les deux le MT et le LXX. http://khazarzar.skeptik.net/books/lust01.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Messiasnismes Mer 01 Juin 2022, 17:03 | |
| Nous avons été habitués (par la Watch en l'occurrence, mais sur ce point celle-ci n'a fait que suivre une longue et vaste tradition) à "rapprocher" Genèse 49,10s (cf. supra 14.3.2011) et Ezéchiel 21,30ss; toutefois entre ces textes il n''y a guère de rapport, sinon qu'ils sont à peu près aussi obscurs et abîmés l'un que l'autre (et ce ne sont pas les seuls). Lust (dernier lien: je présume que tu es passé par une traduction automatique, car chez moi l'article correspondant est en anglais) semble d'abord assez imprudent sur ce point (et dans son usage des termes "messie", "messianique" etc., mais c'est malheureusement plus banal), bien qu'il émette quelques réserves plus loin (p. 21 et note 39). Pour résumer son analyse, le texte hébreu aurait d'abord signifié, en contexte, que Yahvé confiait le "jugement" sur Jérusalem à Nabuchodonosor, soit un oracle tout "négatif"; mais l'addition ultérieure du v. 30, en visant exclusivement le "prince" (alors que la référence à Jérusalem incluait autant la prêtrise que la royauté, le "turban" et la "couronne"), aurait ouvert la voie à une lecture "positive", celle d'une restauration ultérieure, royale ou quasi royale (comme le rappelle ta première "citation", Ezéchiel évite habituellement les références royales). Les remarques sur la Septante sont aussi intéressantes, qui supposent une tout autre situation, hellénistique et plus précisément hasmonéenne (où l'on reprocherait plutôt au prêtre de se faire roi). Quant à Tabor (lien précédent), il rapproche tout aussi imprudemment Ezéchiel 21 de Jérémie 22 (sur Konya = Jéconias = Joïakîn, cf. ici 15.4.2022), mais le caractère "grand public" de cet ouvrage sur Marie, pour ce qu'on peut en lire sur GoogleBooks, ne se prête guère à une analyse tant soit peu serrée (j'ai le souvenir d'avoir lu de lui des choses plus substantielles). Il semble en tout cas ressusciter à sa façon la vieille thèse apologétique d'harmonisation des généalogies de Matthieu et de Luc, qui attribuait la seconde à Marie plutôt qu'à Joseph, contre le sens obvie du texte (c'est aussi ce que récitait la Watch, si je me souviens bien)... Reste que si la généalogie matthéenne voulait "prouver" la légitimité davidique de Jésus comme "prétendant au trône", elle achopperait en effet sur Jérémie 22 -- mais Matthieu n'est pas à un paradoxe près (cf. l'insistance sur les femmes "étrangères" et/ou les unions "illégitimes" dans la même généalogie, Tamar, Rahab, Ruth et "la femme d'Urie"), et ce n'est peut-être pas du tout son propos. Pour rappel (cf. p. ex. supra 13.1.2022), l'évangile de Marc serait plutôt hostile à la qualification de "fils de David" pour le "Christ", en tout cas il se fait l'écho d'une tradition qui la critique ouvertement (12,35ss; à part ça le titre n'est rapporté que comme une parole "populaire", sans validation de Jésus ni du narrateur, 10,47s) et que Matthieu conserve aussi (22,41ss), bien que celui-ci use plus généreusement du qualificatif (1,1ss.20; 9,27; 12,23; 15,22; 20,30s; 21,9.15). L'unique référence du quatrième évangile à l'ascendance davidique du "Christ" (Jean 7,42) est au moins aussi ambiguë (la tradition sur David et Bethléem est mentionnée dans une objection qui reste sans réponse, ni de Jésus ni du narrateur). |
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| Sujet: Re: Messiasnismes Jeu 02 Juin 2022, 12:42 | |
| C'est seulement à travers la mort qu'un autre peuple, un peuple eschatologique, peut naitre. A sa tête sera un descendant de David, prince de paix qui rendra inoffensive toutes les forces menaçant la vie, même les bêtes sauvages :
"je sauverai mon troupeau, afin qu'il ne soit plus livré au pillage, et je jugerai entre bête et bête. Je nommerai à leur tête un seul berger qui les fera paître, David, mon serviteur ; il les fera paître, il sera leur berger. Moi, le SEIGNEUR, je serai leur Dieu, et David, mon serviteur, sera prince au milieu d'eux — c'est moi, le SEIGNEUR (YHWH), qui ai parlé. Je conclurai pour eux une alliance de paix et je ferai disparaître du pays les animaux féroces ; ils habiteront en sécurité dans le désert et dormiront au milieu des broussailles" (Ez 34,22-25)
Mais à nouveau ici, l'expression "descendant de David", quoique correcte, doit être utilisée avec précaution. Il n'y a pas de répétition d'évènements antérieurs, pas de "déjà vu". Certes, les fonctions royales envisagées par Ézéchiel sont la réalisation des promesses faites à David et le terme nasi employé par Ézéchiel désigne la tête davidique de l'Etat (7,27 ; 12,10-12 ; 19,1 ; 21,30 ; 34,24 et peut être 21,17 ; 22,6). Mais maintenant nasi (prince), qu'Ézéchiel préfère à melekh (roi) est, "la désignation d'un individu messianique dépouillé des tentations structurales de commettre des abus ...C'est un titre coupé de sa matrice politique et mythologique. Le "David" d'Ézéchiel est plus le David messianique que ne le fut le David historique. Il n'est pas seulement David redivivus mais il est, pourrait-on dire, le David dont la vie est tirée des os desséchés.
https://books.google.fr/books?id=izw_AwAAQBAJ&pg=PT108&lpg=PT108&dq=david+prince+Ez%C3%A9chiel+34+th%C3%A9ologie&source=bl&ots=1ZXLT-jIRR&sig=ACfU3U2EVdKdpx0Ug7oUB48q3w-1tU8dGA&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjnnqPUn4z4AhVC_7sIHepxC4A4FBDoAXoECBgQAw#v=onepage&q=david%20prince%20Ez%C3%A9chiel%2034%20th%C3%A9ologie&f=false |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Messiasnismes Jeu 02 Juin 2022, 14:03 | |
| C'est tout de même formidable qu'un excellent exégète -- flanqué pour l'occasion d'un grand philosophe, mais dans ce chapitre l'exégète est seul en cause -- soit encore assez hanté ou habité par l'habitude et la tradition (en l'occurrence judéo-chrétienne) pour ne pas lire le texte qu'il commente: il n'est pas du tout question ici d'un "fils" ou d'un "descendant de David", mais de "David, mon serviteur". Qu'on l'interprète ensuite comme on veut et/ou comme on peut, il faut quand même commencer par lire (ce que ça dit avant ce que ça veut dire). On a bien ici le retour au futur d'une figure idéale du passé, David en tant que "berger" plu(s)tôt que "roi" -- curieusement, quand on parle d'un retour d'Elie d'après la conclusion de Malachie, personne ne pense à un "descendant d'Elie"... Ce serait plutôt David contre ses "descendants" (= les rois de Juda) -- ce qui irait aussi à l'encontre d'un "messianisme davidique" pour autant que le "Messie" serait encore un descendant de David, non David (outre qu'il n'est pas du tout question d'"onction" dans ce texte).
C'est peut-être aussi l'occasion de rappeler que la fameuse "alliance avec David" (2 Samuel 7 etc.) n'a rien de "messianique" non plus: non seulement il n'y est pas (non plus) question d'"onction", mais le "fils", au-delà de Salomon, désigne une lignée (ou dynastie) censée perdurer indéfiniment par voie de succession, non un personnage ultime et éternel comme dans une "eschatologie" (perspective parfaitement étrangère au texte: là encore il suffit de [re]lire). |
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| Sujet: Re: Messiasnismes Jeu 02 Juin 2022, 16:27 | |
| Le premier article, qui donne son nom à l’ensemble du recueil, analyse le rôle central que jouent les prophètes au sein de l’ensemble de la Bible hébraïque, dans sa structure littéraire autant que théologique. L’auteur y étudie la fonction propre à chacun des quatre livres prophétiques (Is, Jr, Ez et le rouleau des Douze). Avec Isaïe, la royauté davidique est particulièrement mise en valeur, avec ses développements dans le deutéro-Isaïe (où le modèle de la royauté est plutôt transféré sur Cyrus) et le trito-Isaïe (où Dieu est la figure royale prééminente). Alors qu’Isaïe envisage la présence royale à Jérusalem comme une garantie pour la ville, Jérémie conteste fermement ce point de vue : ni le roi ni le temple ne pourront sauver la cité. Pour Ezéchiel, c’est autour du temple et non du roi que pourra renaître un Israël idéal devenu théocratie gouvernée par les prêtres. Quant aux petits prophètes, ils abordent dans l’ensemble la question de la relation de Jérusalem tant avec Dieu qu’avec les nations païennes. Dans cette vaste rétrospective, l’auteur montre en quoi les prophètes font le lien entre une Torah qui dresse un portrait idéal d’Israël rassemblé au désert autour de la Tente de la rencontre et les Écrits surtout concernés par la destinée du peuple juif dans le cadre du second temple.
https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2017-3-page-473.htm |
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