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| Commettre le péché ou ne plus pécher | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher Sam 31 Oct 2020, 22:32 | |
| Je suis tout à fait d'accord pour dire (ou redire, cf. ici pas plus tard qu'avant-hier, comme dirait Boby Lapointe) que le discours paulinien, exemplairement dans l'épître aux Romains, remplit essentiellement la même fonction et qu'il est tout aussi paradoxal, mais à mon sens d'une tout autre manière: sa dialectique fondée sur l'opposition binaire, centrale et constante "chair- péché-mort/vie-justice-esprit" a un aspect "systématique": tous les mots qui s'y ajoutent tendent à s'aligner et à s'ordonner sur le même axe bipolaire, selon le même antagonisme fonctionnel; en forçant un peu le trait, on pourrait dire que son "mystère" est une "machine", un "logiciel" ou une "application" pour faire encore plus anachronique, avec une "structure" quasiment invariable et un "fonctionnement" régulier, ce qui donne l'impression de comprendre "comment ça marche", chose très satisfaisante pour un certain type d'esprit (disons "technicien"). Bien entendu, il y a dans les textes pauliniens mille choses qui échappent à cet esprit de système, mais c'est le fait de l'écriture qui échappe à toute intention et à toute maîtrise. Le discours johannique me paraît plus de l'ordre de la musique et de la danse, qui multiplie les variations et les nuances, les formes et les couleurs de l'expression, sans jamais s'arrêter sur un schéma fixe: en un sens il dit toujours la même chose, mais de façons tellement différentes qu'il est impossible de le réduire à une formule; il y a moins à comprendre qu'à suivre, à entendre ou à contempler -- c'est ça que je trouve subtil, même si ce n'est pas le bon mot; moins systématique, moins mécanique en tout cas. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher Dim 01 Nov 2020, 11:49 | |
| "Nous savons que quiconque est né de Dieu ne pèche pas ; mais celui qui naît de Dieu le garde, et le Mauvais ne le touche pas" (1Jean 5,18).
L'expression "le Mauvais ne le touche pas" souligne-t-elle que celui qui est né de Dieu est hors de portée du mal et qu'il est sorti de la sphère d'influence du mal ou de celui qui peut influencer à faire le mal ? Il y aurait quelque chose d'inatteignable chez le croyant, un domaine préservé, une intimité réservée à Dieu.
Ce texte nous renvoie à Jean 17,12 et 15 :
"Lorsque j'étais avec eux, moi, je les gardais en ton nom, ce nom que tu m'as donné. Je les ai préservés, et aucun d'eux ne s'est perdu, sinon celui qui est voué à la perdition, pour que l'Ecriture soit accomplie (…) Je ne te demande pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais" (Jean 17,12 et 15).
ce texte laisse sous entendre que la mission de Jésus est terminée (mission réussie : "aucun d'eux ne s'est perdu"), maintenant c'est Dieu lui-même qui garde ceux qui sont nés de lui à l'abri du péché et du mal.
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher Dim 01 Nov 2020, 12:34 | |
| Oui, à condition de ne pas perdre de vue ce que le texte johannique nous empêche précisément d'oublier, à savoir le flottement de l'identité de référence: "ce(lui) qui est né / engendré / enfanté de Dieu", c'est et ce n'est pas purement et simplement, sans excès ni reste, tel ou tel individu, Pierre, Paul ou Jacques, M. Dugenou ou Mme Michu. C'est à la fois moins et plus que l'in-dividu présumé in-divisible et distinct de tout autre, quelque chose ou quelqu'un en lui et qui en même temps est plus vaste que lui, qui l'englobe ou l'embrasse avec d'autres qui par là même ne sont plus tout à fait autres.
C'est cet effet de "flou" ou de "bougé" qui fait toute la différence "johannique" dans l'emploi d'un vocabulaire et de formules par ailleurs communs aux christianismes primitifs (et aussi en l'occurrence aux judaïsmes tardifs): cf. "délivre-nous du mauvais" dans le Notre Père, que le "mauvais" soit interprété de façon personnelle (le Malin = le diable) ou impersonnelle (le mal, ce qui est mauvais), à la faveur de l'ambiguïté du grec. |
| | | free
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| Sujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher Dim 01 Nov 2020, 16:47 | |
| "Quiconque demeure en lui ne pèche pas ; quiconque pèche ne le connaît pas, il ne l'a jamais vu" (1 Jean 3,6).
Notes : 1 Jean 3:6ne pèche pas : certains tentent de résoudre l’apparente contradiction avec 1.8ss en interprétant ici ne pratiquent pas le péché ; ne se livre pas au péché ; le rapprochement de ces deux textes semble surtout mettre en évidence une tension entre la réalité quotidienne expérimentée par le croyant (il pèche, et ce serait mentir que de le nier) et l’identité que lui confère sa foi (celle d’un être né de Dieu qui, en tant que tel, ne peut pécher) ; cf. v. 8s ; 5.18 ; voir aussi Mt 7.18 ; Rm 6.11,14,17s. – ne le connaît pas… : litt. ne l’a pas vu (3Jn 11) ni ne l’a connu 2.3ns. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher Dim 01 Nov 2020, 17:28 | |
| Je ne me souvenais pas du tout de cette note, plus explicite que la moyenne dans la NBS: il s'agissait de toute façon de ménager toutes les sensibilités "protestantes", plus ou moins bien représentées par son Comité de rédaction (des luthériens ou réformés aux évangéliques, baptistes ou adventistes), ce qui excluait aussi une présentation ouverte du "proto-gnosticisme" johannique, que j'eusse pour ma part préférée. Mais dans ces conditions qui exigeaient un langage d'apparence "orthodoxe", ça ne me paraît pas trop mal... je regrette en revanche de ne pas avoir signalé l'ambiguïté du v. 9, dont nous avons parlé hier matin (d'après la thèse de R.F. Luna que tu as citée: la semence-descendance demeure dans le fidèle OU en Dieu). |
| | | free
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| Sujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher Dim 01 Nov 2020, 21:46 | |
| "Et moi, je leur donne la vie éternelle ; ils ne se perdront jamais, et personne ne les arrachera de ma main. Ce que mon Père m'a donné est plus grand que tout — et personne ne peut l'arracher de la main du Père" (Jean 10,28-29)
Les élus sont (en réalité) définitivement dans le UN divin.
Il y aune divergence entre la NBS et la TOB (apparemment):
"Ce que mon Père m'a donné est plus grand que tout" (NBS)
"Mon Père qui me les a données est plus grand que tout" (TOB)
Est-ce le Père OU ce qui a été donné qui est plus grand que tout … ou le UN intégral (le Père, le Fils, ce qui a été donné …) ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher Dim 01 Nov 2020, 23:11 | |
| Ici c'est un problème textuel: les manuscrits disponibles présentent une mosaïque de micro-variantes qui à la fois découlent des ambivalences générales de la graphie ancienne (sans ponctuation, sans coupure entre les mots, sans accent ni "esprit" diacritique: le même O par exemple peut être un article masculin ou un relatif neutre) et les compliquent, de sorte qu'il y a plusieurs manières de (re-)construire la phrase; mais, comme tu l'as compris, si elles ne disent pas toutes la même chose elles sont à peu près toutes compatibles avec la "théologie" johannique, elles y font un sens acceptable et intéressant d'une façon ou d'une autre.
C'est le "génie" particulier des textes johanniques, qui tient à la fluidité extraordinaire de leur écriture et de leur pensée, que d'être pour ainsi dire incorruptibles et incorrigibles à la fois, de déjouer tant les accidents de copie que les modifications intentionnelles: même matériellement abîmé, le texte garde un sens satisfaisant dans ses diverses reconstructions possibles (ce qui d'ailleurs ne facilite pas la tâche de la critique textuelle, puisqu'on ne peut guère distinguer un sens "meilleur" qu'un autre, que ce soit pour l'adopter ou pour le rejeter au nom du principe à double tranchant de la lectio difficilior); et, comme on l'a souvent noté, même les corrections idéologiques, "orthodoxes" par exemple, ne parviennent pas à infléchir son mouvement général, elles sont pour ainsi dire neutralisées, assimilées, intégrées, converties et recyclées par "l'esprit" dominant du texte.
Bien sûr, si on prend ce type de texte au pied de la lettre avec un esprit prosaïque, technicien et doctrinaire, en voulant construire ses énoncés en un "système" cohérent, selon une logique formelle de type mathématique, on arrive très vite à des absurdités -- ce qui devrait être dissuasif. Par exemple, "le Père est plus grand que moi", mais alors "le Père et moi" sont plus grands que "le Père", et en tout cas ne sont pas "un". Quel que soit le sujet choisi, la proposition "X est plus grand que tout" prise strictement ne fait aucun sens, car X ne peut qu'être intégré dans le "tout" qui serait ipso facto plus grand que lui. L'inclusion réciproque "X en Y ET Y en X" est aussi paradoxale, sinon aporétique: en logique mathématique elle ne vaut que pour le cas limite où X = Y, ce qui réduit la proposition à une tautologie. Le lecteur ordinaire échappe à ce genre de difficulté parce qu'il n'y pense pas et se laisse porter par la dynamique du texte, qui empêche tout nom ou pronom, y compris "Dieu" ou "le Père", de se fixer en identité close sur elle-même: aucun X ou Y n'est purement et simplement identique à lui-même, tout passe dans tout et inversement; le penseur tant soit peu profond y échappe aussi parce qu'il n'est pas dupe de la logique ordinaire au point d'en ignorer les limites; mais entre les deux le "demi-malin" a de quoi se perdre... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher Lun 02 Nov 2020, 11:41 | |
| Est-il judicieux de rationnaliser un paradoxe ?
Quelle utilité, en effet, les exhortations bibliques peuvent-elles avoir pour les membres fidèles de l’alliance? Nous pourrions penser, eu égard au changement radical de vie dont parle l’Ecriture, que les exhortations n’ont pas de place dans la vie des chrétiens qui sont réellement régénérés. Le croyant, qui est « engendré par Dieu » (I Jn 3:9; 5:18; 2:29)29, est passé « de la mort à la vie » (3:14); il « ne peut pécher », c’est-à-dire tomber de nouveau sous l’emprise ou la domination de la désobéissance, vu que « la semence de Dieu demeure en lui » (3:9)30. Pourquoi aurait-il donc encore besoin d’être exhorté à la fidélité ?
En réalité, l’Ecriture ne considère jamais la fidélité permanente du chrétien comme un automatisme ou un donné qui découlerait de la nature du croyant. Les auteurs bibliques savent que si Dieu lui-même ne protégeait pas les siens, une vraie persévérance dans la foi ne serait pas possible31. Or, Dieu parachève le salut des siens, attise et ranime cette « semence de vie » précisément par le biais des exhortations et de l’annonce de la Parole. Il garde les fidèles dans la foi au travers des admonitions à rester en communion avec lui, et à ne pas s’en éloigner. Les exhortations – et même les menaces – bibliques ne sont donc pas superflues en ce qui concerne le membre régénéré de l’Eglise. Au contraire, elles sont, comme les promesses, un des moyens principaux que Dieu emploie pour susciter et renforcer une attitude de dépendance à son égard.
Les expressions formulées au conditionnel (« si vous demeurez en moi… », etc.), les exhortations à persévérer dans la fidélité, ou à revenir au Seigneur, et même les menaces sont nécessaires dans la vie des membres régénérés de l’Eglise, car c’est par de tels moyens que Dieu protège et construit cette vie nouvelle qu’il a fait naître en eux. https://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:52nCb-FH1bkJ:https://larevuereformee.net/articlerr/n193/election-alliance-et-certitude-du-salut+&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=fr |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher Lun 02 Nov 2020, 12:36 | |
| - free a écrit:
- Est-il judicieux de rationnaliser un paradoxe ?
Question "rhétorique", comme on dit quand la réponse semble aller de soi. Tout dépend en fait de ce qu'on entend par "rationaliser": paradoxe ou aporie sont bien des concepts "logiques" ou "rationnels", mais qui marquent une limite ou une impasse de ce qu'on entend habituellement par "logique" ou "raison", définie notamment par le principe d'identité (X = X) et de (non-)contradiction (les propositions A et non-A ne peuvent être en même temps vraies si le sens de A reste identique de l'une à l'autre). Que la logique ait des limites, tous les logiciens le savent, au moins depuis Aristote. N'empêche que le paradoxe ou l'aporie peuvent et même doivent s'envisager sous l'angle de la logique, et que celle-ci en tout cas ne saurait les envisager autrement. La théologie "mystique" ou "apophatique" du moyen-âge pouvait être suprêmement rationnelle: les limites reconnues de la logique garantissaient la validité et les critères de son application dans un champ dé-limité ou dé-fini, hors duquel il n'y a plus rien à dire, tout au moins sous forme de "prédication" ou de proposition logique (du genre S est p, sujet est prédicat ou attribut). Dès lors qu'on nomme un "sujet absolu" comme "Dieu", "l'Être", "le Tout" ou "l'Un", tout ce qu'on peut en dire ne relève plus de la "logique". "Rationaliser" le paradoxe ou l'aporie au sens de les penser comme tels, c'est-à-dire de constater qu'on échoue (dans le double sens de l'échec et de l'échouage) à les penser logiquement ou rationnellement, que la logique ou la raison achoppe là sur quelque chose qui lui résiste et la neutralise, qu'elle ne fait que les "toucher" comme une limite indépassable qu'il n'est pas question pour elle de maîtriser comme si elle pouvait être des deux côtés à la fois, elle-même et hors d'elle-même, à l'encontre de ses propres "principes", c'est inévitable dès lors qu'il y a pensée. Mais si l'on entend par là les "expliquer" de sorte qu'il n'y ait plus ni paradoxe ni aporie, les "résoudre" comme des "problèmes" pour s'en débarrasser ( explain away, comme dit limpidement l'anglais), on ne s'y affronte pas du tout et c'est le comble de la sottise. --- Cobb qui peut être fin exégète écrit ici en dogmaticien calviniste, c'est sans doute un exercice imposé à Aix et dans les Eglises "réformées évangéliques", mais sans intérêt pour moi qui n'y suis pas. A mon sens, les textes johanniques ne gagnent rien à être "expliqués" dans le cadre d'une "théologie des alliances" qui leur est totalement étrangère. Bien sûr, je comprends aussi la nécessité "dogmatique" et surtout "pastorale" de ce genre d'"explication": en pratique, chaque Eglise chrétienne a sa doctrine plus ou moins définie, avec une conception plus ou moins précise de "Dieu" et de l'"homme", du "salut" et de la "perdition", du " péché" et de la "rédemption", des "sacrements" ou de la "nouvelle naissance", et ainsi de suite. Or d'un tel point de vue certains textes du NT, surtout hors contexte, peuvent paraître troublants et même terrifiants -- ceux de 1 Jean sur l'"impeccabilité" si un "individu" se les applique platement à lui-même, les passages de l'épître aux Hébreux sur l'impossible repentance, des Synoptiques sur le péché impardonnable, de Matthieu sur la "perfection", etc.; dans une telle situation une explication "raisonnable" (et harmonisante) des textes dans le cadre de la doctrine en vigueur paraît beaucoup plus vite "utile" qu'une exégèse sérieuse, qui non seulement demande du temps mais remet à chaque fois en question l'ensemble de la croyance. Mais c'est un autre métier -- ou ministère, c'est le même mot. |
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