Le révélé et le caché - Colossiens

Le même rapport d'inclusion (englobement, enveloppement: x en ou dans X) vaut aussi bien en théorie comme rapport général à "tout", au "monde" ou à la "création" (y compris les "puissances cosmiques" ou la "chair" qui doivent être "dépouillées" -- de toute prétention d'autonomie ? -- pour être ramenées à ce seul rapport authentique) que comme rapport particulier (et alors conscient, vécu, expérimenté, etc.) aux croyants (qui sont en Christ et le savent parce qu'ils le croient; là où cette idée se combine à l'analogie tête-corps / Christ-Eglise, c.-à-d. surtout dans Ephésiens, on en arrive à cette bizarrerie que le corps est et croît "dans" la tête). Hormis le langage de la "création" (ktisis, ktizô, etc.) auquel est préféré celui de l'être et du devenir-advenir (einai / gi[g]nomai), ce rapport d'inclusion est essentiellement le même pour le logos du Prologue de Jean. S'il y a une discrimination (relative et provisoire) des "croyants" par rapport au "monde", ce serait plutôt qu'en ceux-là le rapport s'inverse (non seulement "nous en Christ", mais "Christ en nous").

Pour lire ce genre de texte(s), il faudrait faire table rase de toutes les élaborations de la théologie ultérieure qui pourtant en dérivent -- notamment cette idée de frontière absolue entre "créateur incréé" et "création" ou "créature" qui s'est construite et renforcée dans l'Eglise catholique-orthodoxe du IIe au Ve siècle, face à une longue série d'"hérésies" rejetées successivement (de la gnose à l'arianisme), dût-elle (la frontière) être finalement contournée par la doctrine de l'"union hypostatique" (Chalcédoine) qui fait de "Jésus-Christ" à la fois un "incréé" (par sa nature divine) et un "créé" (par sa nature humaine). Dans les textes du NT cette frontière absolue n'existe pas, et les auteurs n'éprouvent en conséquence nul besoin de distinguer les "natures" (contrairement aux théologiens postérieurs qui doivent le faire laborieusement d'un verset à l'autre, en démêlant ce qui serait dit du Christ "selon sa nature humaine" ou "selon sa nature divine", pour la seule raison qu'ils appliquent aux textes une grille d'interprétation anachronique).

On pourrait même dire que "Dieu", "Christ" ou "mystère" (etc., y compris "plérôme") sont des désignations interchangeables du même, qui le font à chaque fois apparaître sous des angles ou des aspects différents, ou selon des "économies" différentes, mais n'impliquent aucun changement de référent (ultime). D'où l'inanité de vouloir distinguer dans un tel texte de qui on parle (Dieu ou Christ, Père, Fils ou Esprit, etc.) et tout autant de rapporter l'ensemble des énoncés à une seule définition du référent (ainsi, dans un des articles cités ci-dessus, prendre tout ce qui est dit du "Christ", du "Fils" ou du "Seigneur" comme autant d'énoncés -- dès lors simplement absurdes -- sur [l'homme] "Jésus").

free a écrit:

Ce texte place Dieu comme acteur principal...

A la lettre: non pas "Dieu", mais "le Père"...

Je crois que pour lire il faut "déconstruire" dans notre tête les résidus de dogmatique, les équivalences toutes faites (p. ex.: Père = Dieu, Fils = Christ = Jésus) autant que les distinctions toutes faites (entre Dieu et Jésus ou entre Père et Fils) qui aboutissent à de faux dilemmes (p. ex. qui est "le Seigneur", celui-ci ou celui-là ?). Mais aussi (cela va de pair) s'attacher scrupuleusement à la formulation de chaque texte (jusque dans ses variantes manuscrites) et ne pas mettre hâtivement un mot pour un autre. Cela peut paraître contradictoire avec ce que je viens de dire du "référent unique", c'en est en fait strictement corollaire. Si ce qui est à croire ou à penser est au fond toujours le même (en ce sens il n'y a pas de "bithéisme" ni de "trithéisme", pas même de "polythéisme": un "polythéisme", dès lors qu'il se penserait comme tel, n'en serait plus un, la question n'étant pas celle du nombre de[s] dieu[x] mais de l'unité fondamentale de la pensée, cf. Héraclite: dans l'entente du logos tout est un), les nuances de son expression et de son écriture demandent dès lors une attention absolue.

Selon Wikipedia.

Pour Héraclite, logos renvoie à la fois à sa propre doctrine ainsi qu'à, et ceci en est le sens principal, la loi fondamentale, le principe de toutes choses qu'il s'agit de connaître.

Cette connaissance est la sagesse, et elle consiste à suivre l'un :

« νόμος καὶ βουλῇ πείθεσθαι ἑνός. »

« La loi et la sentence sont d’obéir à l’un. »

— (Fragment 33, Clément d'Alexandrie, Stromates, V, 116)

« ἓν τὸ σοφὸν μοῦνον λέγεσθαι οὐκ ἐθέλει καὶ ἐθέλει Ζηνὸς ὄνομα. »

« L’un, qui seul est sage, veut et ne veut pas être appelé du nom de Zeus. »

— (Fragment 32, Clément d'Alexandrie, Stromates, V, 116)

Mais, bien que le logos soit commun à tous les hommes, ces derniers l'ignorent comme s'ils avaient chacun une intelligence propre (Fragment 2) :

« (τοῦ δὲ) λόγου τοῦδ' ἐόντος (ἀεὶ) ἀξύνετοι γίγνονται ἄνθρωποι καὶ πρόσθεν ἢ ἀκοῦσαι καὶ ἀκούσαντες τὸ πρῶτον· γινομένων γὰρ (πάντων) κατὰ τὸν λόγον τόνδε ἀπείροισιν ἐοίκασι, πειρώμενοι καὶ ἐπέων καὶ ἔργων τοιούτων, ὁκοίων ἐγὼ διηγεῦμαι διαιρέων ἕκαστον κατὰ φύσιν καὶ φράζων ὅκως ἔχει. τοὺς δὲ ἄλλους ἀνθρώπους λανθάνει ὁκόσα ἐγερθέντες ποιοῦσιν, ὅκωσπερ ὁκόσα εὕδοντες ἐπιλανθάνοντα. »

« Ce verbe, qui est vrai, est toujours incompris des hommes, soit avant qu’ils ne l’entendent, soit alors qu’ils l’entendent pour la première fois. Quoique toutes choses se fassent suivant ce verbe, ils ne semblent avoir aucune expérience de paroles et de faits tels que je les expose, distinguant leur nature et disant comme ils sont. Mais les autres hommes ne s’aperçoivent pas plus de ce qu’ils font étant éveillés, qu’ils ne se souviennent de ce qu’ils ont fait en dormant. »

— (Fragment 1, Sextus Empiricus, Contre les mathématiciens, VII, 133)

Il s'agit d'obtenir un réveil pour apercevoir ce Logos qui échappe à tout homme car masqué par notre stupidité. Il est l'instrument censé servir à la prise de conscience humaine. Ce thème du réveil, de la ressouvenance de l'appartenance de l'homme à un ordre dit cosmique est déjà présent chez Pythagore et repris, transformé chez Platon.

Quelle est plus précisément sa teneur ? On trouve d'abord les idées d'écoulement et de mobilité universelle, de la lutte nécessaire des contraires, harmonieux dans leur opposition même, de l'identité de ces mêmes contraires, et, en outre, un aspect surprenant, à savoir que le Logos est en même temps le feu.

Merci. Je pensais surtout au fragment 50* -- d'après Hippolyte, qui d'ailleurs ne s'intéresse à Héraclite que parce que celui-ci sert de référence à une "hérésie" de son temps, rapportée à un certain Noet(i)us (transcrit Noët en français). Cf. ici une traduction anglaise (je n'en ai pas vu de française) qui offre un "contexte" intéressant, quoique fortement décalé par rapport à Héraclite (point de vue chrétien orthodoxe-catholique sur des "hérésies"), sur plusieurs de ces fragments -- en faisant ressortir par contraste l'intérêt que ceux-ci avaient retrouvé dans divers "christianismes hétérodoxes" (de la gnose au monophysi[ti]sme en passant par le modalisme trinitaire). Le devenir des idées et des formules s'avère en ce cas, comme souvent, tout aussi fascinant que leur "sens original".

*A condition, bien sûr, de ne pas ajouter (comme dans la traduction anglaise et la dernière traduction française de la page ci-dessus référencée) d'adjectif possessif au logos: Héraclite ne recommande certainement pas d'écouter son logos plutôt que lui-même (si tant est que ça puisse signifier quelque chose), puisque la première "illusion humaine" qu'il dénonce (fragment 2) c'est justement l'idée que chacun ait "le sien". Qu'il n'y ait qu'un seul logos, commun à tous bien que difficile à entendre pour chacun en raison de ses préjugés et autres "points de vue" particuliers, c'est la condition première du langage et de la pensée, du dialogue et de la dialectique -- il en reste quelque chose dans l'idée d'un "sens commun" et d'une "raison universellement partagée" (si mal partagée qu'elle soit), quoique le logos grec ne soit pas exactement la ratio latine et encore moins la "raison" française.

En Colossiens Dieu passe par le corps pour rendre le croyant spirituel, alors que la "chair" incarne l'éloignement de Dieu : "Vous qui étiez morts du fait de vos fautes et par l'incirconcision de votre chair" (2,13) ; "ils sont gonflés de vanité par la pensée de leur chair" (2,18) ; "Faites donc mourir ce qui n'est que terrestre : l'inconduite sexuelle, l'impureté, les passions, les mauvais désirs et l'avidité, qui est idolâtrie" (3,5). Pourtant le spirituel ne peut se vivre que dans la "chair" et dans le même temps les croyants connaissent "le dépouillement du corps de la chair, par la circoncision du Christ". C'est très ambigu, si en plus nous constatons que les croyants sont "réconciliés, par la mort, dans son corps de chair" (celui du Christ - 1,22). Un autre idée intéressante, le spirituel apparait quand le croyant vit dans l'intériorité du Christ (dans son corps ?) :

"enracinez-vous et construisez-vous en lui" (2,7)

"Ensevelis avec lui par le baptême" (2,12)

"votre vie est cachée avec le Christ en Dieu" (3,3)

"le Christ est tout et en tous" (3,11)

Avant d'être faible ou triste, la "chair" est ambiguë !

Si, comme on l'a souvent remarqué, les paulinismes (successifs ou simultanés) utilisent de préférence sarx (traditionnellement "chair") négativement ou péjorativement et sôma ("corps") de façon neutre ou positive, cela n'aboutit pas à une opposition constante, stable et schématisable. La "chair" apparaît tantôt comme l'adversaire à vaincre, à crucifier ou à dépouiller (y compris éventuellement dans le "corps" du Christ), tantôt comme l'espace, le cadre, le terrain de jeu et l'enjeu même du "mystère", à ce titre indépassable. Et c'est bien par cette ambivalence, ou cette déhiscence, que le mécanisme "joue", comme on dit, qu'il y a effectivement effet de passage ou d'échange d'un "sens" à l'autre.

"Il nous a délivrés de l'autorité des ténèbres pour nous transporter dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés. " (1,13-14)

"il vous a maintenant réconciliés, par la mort, dans son corps de chair, pour vous faire paraître devant lui saints, sans défaut et sans reproche" (1,22) 

"Ensevelis avec lui par le baptême, vous vous êtes aussi réveillés ensemble en lui, par la foi de l'action de Dieu qui l'a réveillé d'entre les morts. Vous qui étiez morts du fait de vos fautes et par l'incirconcision de votre chair, il vous a rendus vivants avec lui, en nous faisant grâce pour toutes nos fautes" (2,12-13) 

"Si donc vous vous êtes réveillés avec le Christ, cherchez les choses d'en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu" (3,1)

L'ensemble de ces textes soutiennent l'idée selon laquelle la communauté des croyants est déjà sauvée par son baptême et qu'elle participe déjà au monde céleste avec une expression très belle : "vous êtes réveillés avec le Christ". Le salut est une expérience présente mais c'est une expérience cachée qui ne sera manifeste qu'au moment de ou le Christ se manifestera :

"Quand le Christ, votre vie, se manifestera, alors vous aussi vous vous manifesterez avec lui, dans la gloire." (3,4) 



L'avenir va seulement manifester ce qui existe déjà.

Tu me fais incidemment remarquer que l'épître aux Colossiens n'emploie pas le verbe "sauver" (sôzô) ni ses dérivés -- mais je n'en tire pas de conclusion particulière...

Par contre, je rappelle ce qui a été noté précédemment (18.12.2019) à propos de la circoncision et du baptême (2,11ss): ce n'est pas l'acte ou le rituel concret ("chiropoétique" = "fait avec la main") qui sauve agit, opère ou cause quoi que ce soit, mais bien le Christ = le mystère = Dieu (etc.; le référent unique) en qu(o)i tout s'accomplit, le baptême comme la circoncision, et même la résurrection...

S'inscrire dans une tradition, c'est à cette époque un passage quasiment obligé pour tout le monde: aussi bien pour les "écoles philosophiques" que pour les "sectes religieuses" qui d'ailleurs se distinguent de moins en moins; quelle que soit la part de l'"expérience" intellectuelle, mystique ou gnostique, individuelle ou collective, elle se justifie a priori ou a posteriori, de manière historique ou fictive, comme une "doctrine", une "voie" ou une "institution" qui se reçoit et se transmet. Depuis la correspondance corinthienne "Paul" insiste sur la "tradition", dont il se présente à la fois comme récepteur, gardien et relais -- mais ça n'empêche pas que d'une épître à l'autre ladite tradition joue un rôle plus ou moins important, selon qu'elle tend simplement à "cadrer" ou à "canaliser" une expérience communautaire effective (emblématiquement dans 1 Corinthiens) ou qu'elle devient au contraire l'essence même de la religion (emblématiquement dans les Pastorales).

Comme il a été rappelé ci-dessus (depuis le 17.12.2019), dans Colossiens les références à "l'Eglise" sont plaquées assez superficiellement sur une image de "corps" cosmique -- c'est surtout dans la reprise "aux Ephésiens" que le corps (toujours opposé à la tête) devient systématiquement ecclésiastique (1,22s; 2,16; 3,6.10; 4,4.12.16; 5,23-32). En Colossiens 2,19, à vrai dire, il n'est pas du tout question d'Eglise, mais d'un rapport au Christ-tête compris comme origine, source ou provenance (on pourrait traduire plus littéralement "de laquelle...", ex <=> from, von, etc.) de tout.

Il est évident que si l'on choisit d'"expliquer" Colossiens par Ephésiens, on ne verra plus aucune différence significative entre ces deux épîtres. On se dira seulement que c'est plus "clair" dans la seconde que dans la première...

Si en revanche on veut lire l'épître aux Colossiens pour elle-même, il faut alors considérer les "gloses ecclésiastiques" (1,18.24: "c'est-à-dire l'Eglise") qui l'harmonisent superficiellement avec Ephésiens pour ce qu'elles sont, et surtout ne pas introduire "l'Eglise" là où il n'en est nullement question (p. ex. en 2,19 où il s'agit toujours du "cosmos", y compris les "puissances" évoquées dans ce qui précède, v. 10 et 15 notamment, puissances dont le Christ ne saurait être la "tête" sans qu'elles fassent partie de son "corps"). Il s'ensuit alors que dans les deux cas les "jointures" ou "articulations" peuvent désigner tout autre chose (les ministères ecclésiastiques sans doute dans Ephésiens 4,15s, cf. v. 11ss, les puissances cosmiques dépouillées de toute autonomie et soumises au Christ dans Colossiens 2,19, cf. v. 15). Bien qu'à l'évidence le texte d'Ephésiens dépende de celui de Colossiens, il ne faut pas en déduire que les mêmes mots ou expressions y ont originellement le même sens -- même si les "gloses ecclésiastiques", précisément, tendent à aligner la lecture de Colossiens sur celle d'Ephésiens.

free a écrit:

Je me demande, si d'autres textes du NT, assimilent la réalité de la résurrection, comme une réalité cachée qui s'exprime dans la vie quotidienne des croyants ?

Le langage est différent et celui de Colossiens est particulièrement frappant; mais l'idée de base me semble commune à la plupart des textes du NT, des "premiers paulinismes" (jeu du "corps" et de l'"esprit" en 1 Corinthiens 10--12, de l'"ancien" et du "nouveau" en 2 Corinthiens 3--5, motifs qui se combinent autrement en Romains 6--8, etc.) aux "seconds johannismes" (Jean 13--17, avec toute la série des inclusions réciproques, moi en vous, vous en moi etc.), courants qui d'ailleurs vont confluer partiellement dans l'épître aux Ephésiens, elle-même dans le sillage immédiat de Colossiens.

L'"esprit" est sans doute plus discret en Colossiens qu'ailleurs (voir quand même les expressions plus ou moins convenues et banales de 1,8s; 2,5; 3,16); à mon sens, plus forte est la conscience d'une participation immédiate à un "mystère" unique, moins s'exprime le besoin de distinctions et de "médiations" supplémentaires (Christ-Fils pensé comme distinct du Dieu-Père, Esprit pensé comme encore distinct des précédents, sacrements, ministères, institutions encore pensés comme distincts quand tout ce qui précède paraît lointain et hors d'atteinte).

C'est surtout la doctrine de l'"union hypostatique" (cf. supra 19.12.2019), à savoir l'union de la "nature divine" dans la "personne" (hypostase) du Fils (divin) avec la "nature humaine" im-personnelle (anhypostatique) de Jésus (une seule personne et deux natures = enhypostasie) qui offre une solution très belle à mon goût, mais aussi très complexe, aux problèmes théoriques qui se sont posés entre-temps. On peut apprécier la formule, il n'empêche qu'il faut remonter en-deçà des problèmes (donc aussi de leur solution) pour lire les textes du NT qui sont, en un sens, beaucoup plus simples, mais conceptuellement plus confus.

"Que la parole du Christ habite en vous avec toute sa richesse ; instruisez-vous et avertissez-vous en toute sagesse, par des cantiques, des hymnes, des chants spirituels ; dans la grâce, chantez à Dieu de tout votre cœur." (3,16) 

L'expression "Parole du Christ" de ce texte est l'unique emploi que nous retrouvons dan le NT,  partout ailleurs, c'est la formule "Parole de Dieu" qui apparait.

A condition d'ignorer le caractère flottant de la tradition textuelle, en particulier sur ce genre de complément (ici même on trouve aussi "parole du seigneur" ou "du dieu"), et les nombreuses équivalences possibles (entre "Christ", "Jésus", "Seigneur" et les pronoms qui y renvoient d'une part, entre logos et rhèma pour "parole" d'autre part, cf. p. ex. Romains 10,17)...

"Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous et je supplée à ce qui manque aux détresses du Christ dans ma chair pour son corps, qui est l'Eglise." (1,24)

Je reviens sur un point que Narkissos a déjà soulevé, dans ce texte, Paul devient un élément constitutif du "mystère" et un élément de l'ensemble du processus de la révélation ! Le Paul de l'épître aux Colossiens se différencie du Paul historique.


Il est l'image du Dieu invisible,
le premier-né de toute création ;
car c'est en lui que tout a été créé
dans les cieux et sur la terre,
le visible et l'invisible,
trônes, seigneuries,
principats, autorités ;
tout a été créé par lui et pour lui ;
lui, il est avant tout,
et c'est en lui que tout se tient ;
lui, il est la tête du corps — qui est l'Eglise.
Il est le commencement,
le premier-né d'entre les morts,
afin d'être en tout le premier.
Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute plénitude
et, par lui, de tout réconcilier avec lui-même,
aussi bien ce qui est sur la terre que
ce qui est dans les cieux,
en faisant la paix par lui,
par le sang de sa croix. (1,15-20)


La christologie de l'épître aux Colossiens a des traits cosmologiques qui sont exprimés dans l'hymne contenu en Col 1,15-20. Cet hymne qui est une confession de foi constitue la base d'argumentation théologique de l'auteur. Le Christ est le Seigneur du monde visible et invisible. Le texte insiste sur la prééminence universelle et la primauté du Fils sur toutes les créatures dans les cieux et sur la terre parce qu'elles ont été créées par Lui et pour Lui.

1. (Sur 1,24.) Dans la reprise "aux Ephésiens" qui est plus profondément "ecclésiastique" que Colossiens, c'est l'Eglise même qui va être constituée dans ce rôle paradoxal de "complément central", à la fois fin et moyen, du "mystère" (cf. 1,22; 3,10.21; 5,23ss) -- selon toute la polysémie du plèrôma, "plénitude" de ce qui est rempli ou de ce qui remplit, de ce qui "complète", de ce qui "supplée", etc.

2. La préposition "par" ("par lui") est ambiguë en français avec un verbe au passif (en l'occurrence "être créé" [par]): on y entend spontanément l'agent équivalent au sujet du verbe actif (x est créé par y <=> y crée x), alors qu'il s'agit ici, beaucoup plus clairement en grec (dia + génitif et non hupo), du moyen: par le moyen, l'intermédiaire, l'entremise de (traductions plus précises mais qui alourdissent considérablement un texte, surtout poétique).