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 vouloir, etc.

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MessageSujet: Re: vouloir, etc.   vouloir - vouloir, etc. - Page 3 Icon_minitimeLun 09 Aoû 2021, 14:48

Nous venons de voir qu'il convient à Dieu d'être doué de volonté dans la mesure où il est doué d'intelligence; or Dieu est intelligence par son essence. La volonté de Dieu est donc sa propre essence. Comme le connaître de Dieu est son être même, ainsi en est-il de son vouloir. L'acte d'être de Dieu étant absolument parfait, il n'admet aucune perfection qui viendrait de surcroît: la volonté ne peut arriver à la substance divine comme un accident à un sujet, autrement la substance divine se comparerait à elle-même comme la puissance par rapport à l'acte. Dieu, qui est acte pur, doit agir par sa propre essence. De ce qui précède, découlent des conséquences parallèles à celles qui touchent l'intelligence de Dieu. La première est que l'essence divine constitue l'objet premier et principal de la volonté de Dieu. L'objet de la volonté est le bien appréhendé par l'intellect; or, ce que l'intellect divin appréhende immédiatement et par soi n'est autre que l'essence divine. L'essence divine est donc l'objet premier et principal de la divine volonté. Dieu n'est pas seulement la fin digne d'être désirée, mais il est la fin qui, par un appétit intellectuel — sa volonté — , se désire comme fin. L'objet de la divine volonté est sa bonté même ...


... La volonté divine s'étend à tous les biens particuliers, comme l'intelligence divine s'étend à tous les êtres particuliers. Elle s'étend même jusqu'aux simples possibles. Puisque, en effet, Dieu connaît les possibles, y compris les futurs contingents, dans leur nature propre, il les veut aussi avec leur nature propre, c'est-à-dire comme devant ou non se réaliser à un moment déterminé du temps. Les seules choses que Dieu ne puisse pas vouloir sont celles qui enferment en elles-mêmes quelque contradiction. En revanche, Dieu peut vouloir tout ce qui, à un degré quelconque, mérite le nom d'être ...


... Dieu veut nécessairement ce qui est requis à ce qu'il est supposé vouloir. Mais la volonté divine ne supprime pas la contingence des choses : la volonté de Dieu, en effet, ne porte pas sur la créature d'une manière absolue; on ne peut parler ici que d'une nécessité de supposition. Or seule la nécessité absolue évacue la contingence. À supposer qu'il veuille, Dieu ne peut pas ne pas vouloir, sa volonté n'étant sujette à aucun changement : Dieu veut éternellement tout ce qu'il veut. Mais de ce que Dieu veuille éternellement quelque chose, il ne s'ensuit pas qu'il le veuille nécessairement, si ce n'est par supposition. La substance de Dieu et sa science sont absolument immuables l'une et l'autre; il y a donc nécessité que sa volonté, elle aussi, soit absolument immuable. Mais autre chose est changer de volonté, autre chose est vouloir le changement de telles ou telles choses.  https://www.persee.fr/docAsPDF/phlou_0035-3841_1989_num_87_75_6562.pdf
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Narkissos

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MessageSujet: Re: vouloir, etc.   vouloir - vouloir, etc. - Page 3 Icon_minitimeLun 09 Aoû 2021, 18:08

Très belle prise !

Cette comparaison patiente, attentive, nuancée et aussi claire que possible de Thomas d'Aquin et Hegel, deux points culminants de la pensée systématique occidentale à plus d'un demi-millénaire d'intervalle, produits de deux époques, deux langues, deux "confessions", deux "disciplines" et deux "méthodes" différentes de surcroît (moyen-âge et modernité, latin et allemand, catholicisme médiéval et luthéranisme, théologie scolastique et philosophie spéculative), est en effet des plus instructives -- la principale difficulté pour le lecteur, outre la longueur et la relative technicité de l'étude, étant de penser autant que faire se peut ce qui est dit pour éprouver par soi-même, au-delà des formules qui peuvent toujours se lire, s'apprendre et se réciter bêtement, jusqu'où cela se laisse effectivement penser. On notera au passage, en rapport direct avec le point qui m'a fait rouvrir ce fil aujourd'hui, l'importance de la notion de "repos" qui distinguerait entre autres, selon Brito, la "volonté divine" chez saint Thomas de ses correspondances hegeliennes (cf. notamment p. 415 et 422).

Le problème fondamental du monothéisme et du monisme en général, de toute pensée de l'"un" dès lors que celui-ci est posé, c'est évidemment l'"autre" (altérité, altération, itération, différence, changement, expansion, croissance, production, reproduction, etc.). Toute pensée arrive très vite et inéluctablement à l'un, mais elle s'y enlise ou s'y paralyse aussitôt, et il lui faut un coup de force ou un tour de passe-passe logiquement douteux pour s'en extraire afin de rendre compte de la diversité des "choses" (inventer un "temps", un "espace", une "possibilité" pour commencer, même si cela doit être postulé sans la moindre justification), ne serait-ce que pour les faire dériver de l'un ou les y reconduire. Que l'un soit nommé "Dieu", "Esprit" ou "Être", ou simplement "Un" comme chez Plotin, l'aporie est toujours la même. Pourquoi de l'"autre", "dans" l'un ou "en-dehors", c'est la question sans réponse où vient justement se nicher, entre autres, une "volonté" qui est à la fois redondante par rapport à l'"un", et inexplicable sans l'"autre" qu'elle présuppose...

Toute pensée tourne en rond, ou dans quelque circuit plus ou moins bien fermé, c'est le fait du langage qui la fait tourner en bourrique et en fantasmagorie, de noms en verbes et en adjectifs, de sujets en objets, en qualités et en facultés, en causes et en effets, en circonstances et en accidents qu'on peut distinguer, composer et recomposer à l'infini sans rien changer à la tautologie fondamentale, ce qui est est, ce qui arrive arrive... cela n'en fait pas moins une riche floraison de pensées, toutes différentes et qui ont pourtant un air de famille.

---

Je retrouve chez Nietzsche, qui m'a fait rouvrir ce fil et qui le hante depuis le début, la métaphore récurrente (et éclairante !) de l'éclair: l'éclair a dû être longtemps nuage, autrement dit ce qui se manifeste soudain comme "volonté" claire et impérieuse cristallise ou précipite ce qui a longtemps eu l'apparence contraire (obscurité, indécision, nébulosité).
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