Luc-Actes : le salut pour tous (les croyants ?)

L'universalisme de Luc/Actes est-il limité aux seuls croyants (tous les croyants) ou concerne-t-il tous les humains ?

Cf. supra 11.10.2020: il me semble que l'"auteur" de Luc-Actes (bien sûr, ce singulier est une grossière simplification d'un processus de rédaction et d'édition multiple et complexe: j'entends par là la personnification d'une ligne dominante plutôt qu'une personne avec une intention) s'intéresse fort peu à cette question-là, comme à tout ce qui est proprement "théologique" (sotériologique, eschatologique, etc.) -- le titre de Bovon, Luc le théologien, tentait ostensiblement de prendre à contrepied une évidence massive, sans parvenir à mon sens à la renverser.

Je veux dire par là que tous les problèmes habituels de la théologie chrétienne (qui ou qu'est "Dieu", "le Christ", l'"Esprit", le "salut", le "péché", la "perdition", etc.) sont pour *lui* accessoires; sinon indifférents, au moins subordonnés à *son* projet majeur, qui est expressément "historique", au sens de l'historiographie gréco-latine et tout particulièrement de Josèphe. Ce qui compte, c'est "l'histoire" du christianisme et/ou de l'Eglise, sur terre, dans l'espace de la géographie et dans le temps de l'histoire, notamment politique, en un mot (ou deux) de l'empire romain. Que le récit ne soit pas "historique" au sens de l'historiographie moderne, qu'il nous apparaisse plutôt de ce point de vue comme "pseudo-historique", ne change rien à cette posture "historienne"; qui bien sûr peut cacher d'autres intentions, principalement apologétique à destination des autorités romaines ou assimilées, comme on l'a vu plus haut, aussi "ecclésiastique" dans la mesure où il s'agit de fonder et de conforter l'autorité de l'Eglise universelle (autrement dit "catholique") censément héritée de Jésus par les apôtres, sur ses diverses tendances; "orthodoxe" aussi par voie de conséquence, mais l'orthodoxie doctrinale est seconde par rapport à l'institution. (En d'autres termes, on n'adhère pas à l'institution à cause de ce qu'elle enseigne, la "vérité" par exemple, mais on adhère à ce qu'elle enseigne parce que c'est l'institution divine, et ça c'est "l'histoire" qui le dit.) Projet à la fois similaire dans le fond à celui des Pastorales et très différent dans la forme.

L’universalisme
Plusieurs citations d’Isaïe 40 – 66 sont utilisées à cause de leur universalisme, de leur ouverture sur les nations, au-delà d’Israël. Par exemple : « Ma maison sera appelée maison de prière pour toutes les nations » (Is 56,7 en Mc 11,17), ou bien : « Sous les yeux de toutes les nations... ils verront le salut de notre Dieu » (Is 52,10 en Lc 2,30-31), ou encore : « J'ai fait de toi la lumière des nations, pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49,6 en Ac 13,47). Les missionnaires chrétiens ne pouvaient que se sentir à l’aise dans des textes prophétiques aussi ouverts sur l’annonce d’une bonne nouvelle de salut à tous les peuples. Lorsque Luc fait raconter par Paul sa vocation sur la route de Damas (Ac 26,16.18.23), il évoque la mission du Serviteur de Dieu : « Je t'ai destiné à être serviteur et témoin... Je t’envole vers les nations païennes pour leur ouvrir les yeux, les détourner des ténèbres vers la lumière... » (cf. Is 42,6-7).
Paul aime en particulier citer des formules où éclate la liberté de Dieu envers les païens et qui explique aussi le rejet de l’Évangile par la majorité des Juifs : « J’ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas. Je me suis révélé à ceux qui ne me demandaient rien » (Is 65,1 en Rm 10,20). Ou encore : « Ils verront, ceux à qui on ne l’avait pas annoncé, et ceux qui n’en avaient pas entendu parler comprendront » (Is 52,15 en Rm 15,21).
https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1594.html

Pour ce qui concerne Luc-Actes et les citations des "Prophètes" (pas seulement d'Isaïe 40--66) d'allure "universaliste", cf. supra 26.10.2020; compte tenu de la "posture historienne" du narrateur, ostensiblement distanciée, voire détachée sinon tout à fait neutre, surtout dans les Actes (le corps du texte de Luc, hormis l'introduction à la Josèphe, dépend quand même avant tout de Marc et de Matthieu, ou de l'éventuelle source Q), les citations de l'AT (LXX) sont principalement circonscrites au discours direct des protagonistes (Jésus, Pierre, Etienne, Jacques, Paul): ce sont eux, formellement, qui citent, non le narrateur (comme chez Matthieu et Jean en particulier), même si c'est l'auteur ou les auteurs du texte qui les font parler...