Je n'ai jamais vu
La ligne verte ni aucun film de Darabont, mais les
Nosferatu de Murnau et de Herzog sont en effet inoubliables, séparément et par leur jeu de miroirs, d'ombres et d'échos réciproques (
sic, car le plus récent affecte aussi le plus ancien: point d'anachronisme en cinématographie comme en toute écriture,
graphè, cf. Borges).
Au passage, la légende du "juif errant" qu'on appelait "juif éternel" en allemand ou en anglais reposait sur le même principe, ou la même hantise, d'une "éternité" qui ne serait ni vie ni
mort -- alors que "l'
amour" serait plutôt "
et vie
et mort". (Je redécouvre à ce propos
ce fil étonnant.)
Amour fort
comme (et non
plus que) la
mort, selon le Cantique des cantiques (8,6), où l'"
amour",
'hbh-'ahava/agapè, a d'ailleurs pour parallèle et synonyme la "jalousie" ou "zèle",
qn'h-qin'a/zèlos, dont nous reparlions
ici ces jours-ci. Pour rappel, il n'y a dans ce texte aucune opposition (non plus) entre "l'
amour" et la "passion jalouse" d'une part, et "la
mort" et le "she'ol" d'autre part: ils sont semblables, sinon identiques, aussi puissants, impérieux, exigeants, implacables, inexorables les uns que les autres.
Au nombre des approches de la
mort, qui la touchent ou y échouent (au sens encore équivoque de l'échec et de l'échouage), on peut à coup sûr compter l'"
amour", avec la "tristesse" et l'"obéissance" que j'évoquais hier, et beaucoup d'autres "choses" superficiellement contradictoires mais indissociables en profondeur (souffrance et joie p. ex.). C'est toutefois moins le sens du toucher ou du tact que celui du
goût qui est associé à la
mort dans "la Bible" (ça n'est pas contradictoire d'ailleurs, il reste du "tact" et du "tâter" dans l'anglais "taste", on pourrait dire "tastemort" comme on dit "tastevin"): "goûter la
mort", fait de langue (araméenne peut-être avant la [judéo-christiano-]grecque) plu(s)tôt que de texte, encore que l'un n'aille pas sans l'autre (cf. Marc 9,1 // Matthieu 16,28 // Luc 9,27; Jean 8,52; Hébreux 2,9 qui réunit
pathèma tou thanatou et
geuomai thanatou, souffrance ou passion de la
mort, goûter la
mort,
geuomai est cousin de
gusto); on pourrait cependant rapprocher cette formule d'une expression hébraïque fréquente,
mr npš etc. pour l'"amertume de l'âme (ou du gosier)" (cf. Proverbes 31,6
supra 14.6.2022), plus ou moins étroitement associée à la
mort (cf. 1 Samuel 1,10; 15,32; 22,2; Isaïe 38,15ss; Ezéchiel 27,31; Job 3,20; 7,11; 10,1; 21,25; Qohéleth 7,26).