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 La métanoïa ou la conversion

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MessageSujet: Re: La métanoïa ou la conversion   La métanoïa ou la  conversion - Page 2 Icon_minitimeMer 23 Juin 2021, 11:20

Bourdieu a lui aussi usé de la comparaison de la recherche et de la conversion, bien après l’allégorie de la caverne de Platon qui sert souvent de paradigme :

S’agissant de penser le monde social, on ne risque jamais de surestimer la difficulté, ou les menaces. La force du préconstruit réside dans le fait que, étant inscrit à la fois dans les choses et dans les cerveaux, il se présente sous les dehors de l’évidence, qui passe inaperçue parce qu'elle va de soi. La rupture est en fait une conversion du regard et on peut dire de l'enseignement de la recherche en sociologie qu’il doit d'abord « donner de nouveaux yeux », comme disent parfois les philosophies initiatiques. Il s’agit de produire, sinon un « homme nouveau », du moins un « nouveau regard », un œil sociologique. Et cela n’est possible sans une véritable conversion, une metanoïa, une révolution mentale, un changement de toute vision du monde social.

Ce que l'on appelle la « rupture épistémologique », c'est-à-dire la mise en suspens des préconstructions ordinaires et des principes ordinairement mis en œuvre pour réaliser ces constructions, suppose souvent une rupture avec des modes de pensée, des concepts, des méthodes, qui ont pour eux toutes les apparences du sens commun, du bon sens ordinaire et du bon sens scientifique (tout ce que la disposition positiviste dominante honore et reconnaît). Vous comprendrez sans doute que, lorsqu’on est convaincu, comme moi, que la première tâche de la science sociale – donc de l’enseignement de la recherche en science sociale – est d’instaurer en norme fondamentale de la pratique scientifique la conversion de la pensée, la révolution du regard, la rupture avec le préconstruit et tout ce qui, dans l’ordre social – et dans l’univers savant –, le soutient, on soit voué à être sans cesse suspect d’exercer un magistère prophétique et de demander un conversion personnelle. [Bourdieu 1992, p. 217-8]

L’appel à la conversion est ici conçu comme une rupture si radicale que l’on peut douter de sa possible mise en œuvre. Si le savant doit critiquer autant les préjugés ordinaires que ceux de ses pairs, sur quoi va-t-il s’appuyer pour conceptualiser, théoriser, interroger ? Bourdieu ne retient qu’un des pôles de la conversion, l’héroïsme individuel de celui qui se présente nu devant la vérité. Il oublie que la critique comme la conversion n’existe que par une tradition. Il se laisse ainsi fasciner par son propre effort de libération alors que toute conversion ne peut être comprise que relativement à deux figures impossibles dessinant les limites de l’espace des formes de conversion : la conversion contrainte où l’individu totalement passif n’accorde aucun crédit à ce qu’il devrait croire ; la conversion héroïque abstraitement détachée de tout héritage où l’individu est seul face à ce pour quoi il se convertit, Dieu ou le vrai. 

https://journals.openedition.org/theoremes/407
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Narkissos

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MessageSujet: Re: La métanoïa ou la conversion   La métanoïa ou la  conversion - Page 2 Icon_minitimeMer 23 Juin 2021, 12:16

Très intéressant. Cet éditorial du moins (il faudrait parcourir l'ensemble du numéro, je ne l'ai pas encore fait) s'inscrit exactement dans la ligne de la réflexion qui m'a fait rouvrir ce fil il y a quelques jours (dans une chronologie plus générale, bien sûr, ce serait plutôt le contraire).

A mon sens, le potentiel sémantique littéralement infini d'un mot-concept comme métanoïa tient justement à son indéfinition fondamentale -- ou abyssale. Même et surtout si on ne le réduit pas à la "négativité" déterminée d'une "repentance" par rapport à un "mal" donné, et qu'on ne le qualifie pas d'un adjectif ou d'un complément (radical, intérieur, d'esprit, de vie, d'avis, d'opinion, d'attitude, d'habitude, de comportement, etc.), le "changement" est ouvert à tous les "sens" (significations ou directions), parce qu'il n'en indique aucun. C'est une autre "négativité", bien plus "radicale" pour le coup, qui ne fait en soi que "dé(cons)truire" (renier, rejeter, abandonner, etc.) la "position" antérieure (position "positive", c.-à-d. constituée et définie, quand même on la juge "mauvaise": pensée, opinion, croyance, attitude, comportement, etc.: on sait ce qu'on quitte), mais ne préjuge en rien de la suite, qui peut donc en principe (pure potentialité, puissance et possibilité) déboucher sur tout et n'importe quoi, y compris "rien" (même si c'est le plus rare). Tout devient possible, rien n'est assuré ni même prescrit, c'est bien là ce qui est affolant et vertigineux dans cette perspective sans perspective; on ne s'engage en fait, le plus souvent, dans une "conversion" qu'avec le secours et les garde-fous, fussent-ils trompeurs, d'une "tradition", d'une "doctrine" ou d'une "institution" -- parce que ce qui appelle à l'abandon absolu ne se contente pas de cette pure négativité, il prescrit aussi une voie ou un chemin tracé d'avance, vers lequel la "conversion" se résume à un "passage". En somme la "conversion" se contente de sauter par-dessus un abîme où elle pourrait aussi bien "s'abîmer", définitivement. Mais quelquefois au moins elle ne perd rien pour attendre, car l'abîme reste là qui ne demande qu'à être "approfondi" sans fond ni fin (Pascal et Kierkegaard sont à cet égard exemplaires, dans leurs traditions respectives, janséniste et luthérienne, d'un approfondissement infini de ce qu'ils appelaient "pénitence" ou "repentance", mais qu'à leurs yeux il n'était pas question de "dépasser"; cf. le simul peccator et justus ac semper poenitens, "en même temps pécheur et juste, et toujours repentant" de Luther, dont on oublie presque systématiquement le troisième terme).

C'est peut-être ce qui distingue le plus constamment les approches "extérieures" et "intérieures", "superficielles" ou "profondes", "exotériques" ou "ésotériques", "dogmatiques" ou "mystiques" d'une "religion" ou d'une "tradition" quelconque (chacun des mots entre guillemets appellerait des précautions et des réserves interminables, mais nous les avons déjà exprimées ailleurs, sans doute trop mais pourtant jamais assez; dernièrement ici): en "surface" donc, si l'on peut dire, on a des mots et des concepts qui ne demandent qu'à être définis, précisés, distingués, opposés, ordonnés, articulés, organisés en une doctrine complexe, mais cohérente. En l'occurrence, la "repentance" avant la "conversion" et/ou le "baptême", puis une "vie chrétienne" faite de progrès, de croissance; et aussi d'"accidents" qui appellent de nouvelles "repentances", mais dans un sens restreint, distinct et subordonné à l'initial(e) (ou de l'initiatique); de même la "mort" suivie chronologiquement d'une "vie nouvelle", la "croix" de la "résurrection", que le temps (khronos) soit celui du mythe (christique), du rite (baptême, eucharistie, confession), de l'ascèse morale ou psychologique dans une histoire individuelle ou collective, de l'eschatologie elle-même individuelle ("au-delà" de la mort de chacun) ou collective (fin du monde et monde nouveau). Dans un autre sens toutefois, chaque mot est susceptible d'ouvrir, non sur un "concept" défini, déterminé et délimité, distinct et opposable à d'autres, mais sur un "absolu" ou un "abîme" qui absout et abîme aussi tous ses autres et devient pratiquement interchangeable avec eux (ainsi dans les textes johanniques où tous les "mots-clés" disent au fond la même "chose" sans jamais la "définir", quoique la métanoïa n'en fasse pas partie).

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Ce qui nous fait peut-être le plus défaut, ce serait justement la "radicalité" ou le "sérieux" d'une métanoïa susceptible d'infléchir effectivement, sinon d'arrêter ou de renverser le cours d'une "histoire", individuelle ou collective. Ce ne sont pas les occasions de "réflexion", de "méditation", de "remise en question" qui nous manquent: la religion, la philosophie, la littérature et les (autres) arts nous en offrent en quantité, et souvent même de grande qualité. Mais ce temps-là est à part, comme suspendu, et dès que nous revenons à la "réalité" et à nos "activités normales" nous y revenons comme si de rien n'était, avec les mêmes habitudes, certitudes, méthodes, présupposés, principes, critères, etc., tout au plus nuancés de l'ombre d'un doute. De ce qui fait l'essentiel du discours politico-médiatique et du bavardage général qui s'ensuit, rien n'est jamais "radicalement" ou "sérieusement" remis en cause, par exemple des notions d'Etat et de pouvoir, de propriété et de souveraineté, de loi et de droit, de maîtrise rationnelle, scientifique et technique, de morale -- toutes choses qui nous ont conduits précisément là où nous sommes et sur la lancée desquelles, par défaut, nous continuons d'"avancer" vaille que vaille. "On s'arrête et on réfléchit", c'était un des nombreux slogans de mai 1968, ce serait aussi une bonne définition de la métanoïa, mais ce n'est jamais qu'une parenthèse, une digression ou un interlude, une séquence sans conséquence dans le cours des choses, par là même et par là seulement "inéluctable". Si l'on repense aux "repentirs de Dieu" dans la Bible, en particulier le déluge de la Genèse (quoique en 6,6s la Septante ne traduise pas nhm par metanoeô, mais par des dérivés de thumoô, plus "affectif"), l'exemple vient de loin, et de haut...
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