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| inter-minables | |
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Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Lun 16 Oct 2023, 01:21 | |
| L'idée même d'attribuer une "valeur" à une "vie" est sans doute une des plus stupides qui soient, puisque ce ne sera jamais "assez"... mais à ce tarif (médiatique) les Palestiniens seraient quand même mieux lotis que tous ceux dont nous n'entendrons jamais parler -- ce qui ne leur sert pas à grand-chose. A l'opposé, on a une surcote de ceux qui sont non seulement Israéliens, mais (aussi) Français, Européens ou Américains...
Les sentiments réels des gens pour qui les victimes étaient vraiment des noms et des visages connus et aimés sont noyés dans l'indignation à distance, hypocrite ou sincère mais manipulée, de millions de spectateurs qui n'ont aucun rapport réel à tout ce qui se passe.
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Cela m'a rappelé un refrain populaire de mon enfance, "si la vie ne vaut rien, rien ne vaut la vie" -- et ce vieux billet. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Lun 16 Oct 2023, 10:24 | |
| « Peut-on justifier moralement l’usage de la violence ? » À tout être sensé, le recours à la violence, entendue comme tout acte portant atteinte à l’intégrité physique ou morale d’un être, apparaît doublement contestable. Sur le plan théorique, la violence constitue le contraire de la raison, le choix de la seconde et des moyens et valeurs qui l’expriment - discours, dialogue, écoute, honnêteté - supposant nécessairement le refus de la première. Sur le plan pratique, la violence a toujours des répercussions non envisagées et produit des effets délétères qui annulent ses éventuels bénéfices immédiats. Cette exclusion apparemment évidente de la violence se heurte pourtant à l’ampleur des discours les justifiant, que l’on présentera sous trois figures caractéristiques : la réaction, le dernier recours, l’efficacité – sur fond de justification ultime de cet usage par l’histoire conçue comme tribunal universel. Toutefois, ces justifications, en elles-mêmes discutables, ne sont-elles pas surtout d’ordre technique ou politique plutôt que moral ? Une justification morale devrait en effet satisfaire quelques critères permettant de la distinguer d’autres types possibles de justification. Nous en retiendrons trois : le caractère positif de la qualification normative, l’intention libre et consciente, l’absence de sentiment négatif précédant, accompagnant ou résultant de l’action. Ainsi, une justification morale de la violence impliquerait de considérer que l’acte violent serait le contenu possible d’un devoir, qu’il serait l’acte beau et bon à effectuer en pleine conscience, et qu’aucune espèce de culpabilité ne devrait s’attacher à sa réalisation. En ces termes, une justification morale de l’usage de la violence existe-t-elle vraiment ? S’il existe bien des justifications de l’usage de la violence, mise au service d’une fin présentée comme désirable et juste, la violence y semble finalement exposée le plus souvent comme un moindre mal, un mal nécessaire, voire comme un acte dont la légitimité abolirait le caractère violent, qu’il s’agisse des relations interindividuelles (légitime défense), des relations politiques internes (violence légitime et force publique) ou des relations internationales (guerre juste). Peut-on dès lors concevoir la violence autrement que comme un moyen (immoral) qui ne vaut que par la fin (morale) qu’il sert ? L’usage de la violence pourrait-il relever d’une finalité morale intrinsèque ? Pour nourrir cette réflexion, nous reviendrons notamment sur la controverse entre Sartre et Aron, le premier paraissant élaborer dans sa virulente préface aux Damnés de la terre (Fanon, 1961), ainsi que dans la Critique de la raison dialectique (1960), une justification proprement morale de la violence, tandis que le second s’emploie à réfuter une telle vision dans Histoire et dialectique de la violence (1973). Au-delà de cette controverse philosophique inscrite dans le contexte de l’anticolonialisme, nous interrogerons également des discours contemporains (antispécisme, féminisme) tendant à justifier moralement un usage de la violence. https://hal.science/hal-04124214 - Citation :
- Cela m'a rappelé un refrain populaire de mon enfance, "si la vie ne vaut rien, rien ne vaut la vie" -- et ce vieux billet.
Cet article mérite vraiment d'être lu ... Si les médias étaient aussi nuancés et pertinents ... Nous serions plus éclairés. `erkekha nephashoth, ou de l'estimation des vies Actualité - une fois n'est pas coutume: "Le président de la République, qui s’est rendu jeudi sur les lieux du drame, a fait savoir qu’il allait travailler avec la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, "pour que la peine réellement perpétuelle, je veux dire les 30 ans, puisse s'appliquer systématiquement pour ceux qui attentent à la vie d'un agent en charge de l'autorité publique"." "Ce que dit la loi actuelle. Les meurtres de policiers ou de gendarmes sont passibles de la réclusion à perpétuité assortie d'une peine de sûreté incompressible de 22 ans. Pour l'instant, la peine de sûreté de trente ans n'est applicable qu'aux auteurs de meurtres d'enfants de moins de 15 ans accompagnés ou suivis de viols, torture, et barbarie. C'est la peine la plus lourde du code pénal." Il n'est pas bien difficile, à la faveur de cette sinistre équation et indépendamment de l'opportunisme qui la motive (entre deux tours d'élections régionales qui s'annoncent désastreuses pour le camp dudit président, je l'écris car on l'oubliera vite, et sans doute le reste aussi), de voir resurgir le symptôme d'un sacré mal refoulé (ambivalence assumée) par la République laïque. Le représentant de l'ordre public, habituellement armé, détenteur en fait de l'unique droit restant d'administrer la mort impunément à condition de ne pas trop s'écarter du protocole, viendrait rejoindre ex officio l'enfant au sommet du panthéon des tabous qui se trouve être aussi celui des victimes, par étymologie sacrificielles; il l'y surpasserait même puisque dans son cas viol, torture et barbarie deviendraient facultatifs: ils ne seraient plus requis pour parvenir au pinacle du châtiment, donc du crime. On se défend bien sûr de tarifer la vie humaine, de lui appliquer un barème. Et on fait bien: comment une société démocratique tolérerait-elle que telle catégorie de victimes, fût-ce celle des abonnés au gaz, vaille moins qu'une autre? Mais alors, si la vie d'un flic ne vaut pas plus ni moins qu'une autre, force est d'aller chercher ailleurs la justification de la prime (de risque). Elle n'est certainement pas - contrairement à l'enfant - dans la lâcheté de l'acte. Pas non plus dans une raison explicite comme le service public de la communauté (on n'a pas encore songé à l'étendre aux représentants de l'Inspection du Travail ou aux magistrats). Reste le symbole, implicite comme l'uniforme. Police et gendarmerie sont par excellence l'emblème de l'Etat. Sacré. Tuer un policier, c'est tuer un homme ou une femme. Plus quelque chose qui n'a rien à voir avec les circonstances aggravantes d'un meurtre ordinaire, qui relève plutôt du sacrilège, de l'atteinte ou de l'attentat au symbole sacré, comme brûler un drapeau tricolore ou siffler la Marseillaise. Voilà ce qui ferait la différence. Même si la proposition présidentielle reste au niveau de la gesticulation de circonstance, ainsi qu'il est probable, elle n'en est pas moins révélatrice, aussi par le peu de critique de fond qu'elle a entraînée, d'un ordre social qui s'autosacralise, justement parce qu'il ne conçoit plus de sacré par rapport auquel il puisse encore se définir comme autre (ce qui était précisément le sens des mots laïque, profane ou séculier, tous issus et désormais exilés du langage ecclésiastique); or une société qui ne se reconnaît extérieure à rien ne se reconnaît pas non plus d'extérieur. Elle ne saurait se contenter de moins que l'universel; elle vise par nature à la totalité. Son modèle est - paradoxalement - clérical et non laïque; le policier en est par excellence le prêtre et, quelquefois, le saint et le martyr. Reste une question plus vaste: assigner un prix à la vie, quitte à la dire également inestimable? Le vieux talion biblique ne faisait pas autre chose. Que la vie n'ait pas de prix, cela peut aussi vouloir dire qu'elle ne vaut rien, qu'elle ne vaut pas, qu'elle n'est pas une valeur, qu'elle se situe hors marché, hors comptabilité, hors compensation, non au-delà mais en-deçà de la raison sociale, économique et politique. Revoilà de l'extérieur. Du sacré en puissance, ici aussi, sans doute, mais à l'égard duquel une attitude authentiquement laïque consisterait à admettre qu'on n'a rien à en dire, sauf à s'ériger en prêtre. Et sûrement pas à la détourner de sa gratuité foncière, qui est aussi son étrangeté à tout système de significations et de valeurs, pour en faire le substrat d'un pseudo-sacré étatique. http://oudenologia.over-blog.com/article-erkekha-nephashoth-ou-de-l-estimation-des-vies-47044041.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: inter-minables Lun 16 Oct 2023, 11:44 | |
| N.B.: ce billet (seconde citation) était de 2010, et j'ai (en effet) tout à fait oublié l'"actualité" qui en avait été l'occasion; de même pour celui-ci (2012) que je retrouve, dans le même genre: il s'agissait apparemment cette fois de la "valeur" des "civilisations" -- la présidence de Sarkozy avait été fertile en la matière...
Le titre incompréhensible était une allusion (private joke) à une curieuse formule hébraïque du Lévitique (27,1ss), mot-à-mot "selon (dans, à) ton évaluation (ou estimation)" des "âmes", vies, êtres, pluriel du bien connu nephesh; à la lettre cela semble appeler une évaluation du prêtre au cas par cas, mais le contexte montre qu'il n'en est rien puisqu'il s'agit d'un barème fixe pour le rachat ou la rédemption des êtres vivants, humains ou animaux, "voués" ou consacrés comme offrandes votives...
Ta première citation (annonce de conférence) pose de bonnes questions. Un discours moral sur la violence est certainement possible, à condition bien sûr de ne pas opposer en principe morale et violence; d'autant que le discours moral, quel qu'il soit et même "non violent", peut aussi bien être lu comme une forme de violence ("symbolique"; cf. encore ici). |
| | | free
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| Sujet: Re: inter-minables Lun 16 Oct 2023, 15:44 | |
| Guerre Israël-Hamas : à Paris, Darmanin se félicite de la réponse face à une manifestation pro-palestinienne interditehttps://www.huffingtonpost.fr/france/article/guerre-israel-hamas-a-paris-lors-d-une-manifestation-pro-palestinienne-des-centaines-de-verbalisations_224432.html Attaque du Hamas contre Israël : des milliers de Français manifestent en soutien à l'État hébreuAprès l'attaque sans précédent de commandos du Hamas, plusieurs rassemblements de soutien aux Israéliens ont eu lieu lundi en France. À Paris, Strasbourg, Lille ou Marseille, des milliers de personnes se sont réunies pour témoigner leur solidarité aux victimes et à leurs proches. Dans la capitale, de nombreuses personnalités politiques de tous bords ont pris part au cortège. https://www.tf1info.fr/international/video-tf1-reportage-guerre-israel-hamas-des-milliers-de-personnes-manifestent-en-france-leur-soutien-a-l-etat-hebreu-2272460.html L'état français aurait pu favoriser et approuver une manifestation pour la PAIX ... S'il était absolument nécessaire de manifester. : La paix est la seule bataille qui vaille la peine d'être menée. Albert Camus |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: inter-minables Lun 16 Oct 2023, 16:33 | |
| D'un point de vue théologique assez marginal, j'ai tendance à penser que c'est un reste de catholicisme inconscient qui conduit l'Etat français à s'ériger en censeur ou en inquisiteur de sa propre doctrine, en l'occurrence diplomatique: le Royaume-Uni ou les Etats-Unis d'Amérique ont des politiques plus pro-israéliennes que la nôtre, mais il ne leur viendrait pas à l'idée d'interdire des manifestations contraires. C'est bien l'exigence d'unité nationale ou d'union sacrée, de "faire bloc" autour de la politique du chef individuel ou collectif, même et surtout si ce n'est pas la plus bête, qui fait le "totalitarisme" à la française. |
| | | free
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| Sujet: Re: inter-minables Ven 20 Oct 2023, 20:22 | |
| Une chasse aux sorcières Danièle Obono qualifie le Hamas de « mouvement de résistance », Gérald Darmanin saisit la justice pour « apologie du terrorisme »« C’est un mouvement de résistance qui se définit comme tel », a expliqué la députée LFI de Paris, mardi, sur Sud Radio, ravivant les critiques contre les « insoumis », qui avaient déjà refusé de qualifier le groupe palestinien de « terroriste » après son attaque contre Israël. Poussée à plusieurs reprises par le journaliste Jean-Jacques Bourdin, à l’antenne de Sud Radio, à dire si le Hamas, qui a conduit des massacres en Israël, le 7 octobre, est « un mouvement de résistance », cette membre de la direction de LFI a fini par répondre : « Oui. » « C’est un mouvement de résistance qui se définit comme tel », a-t-elle affirmé. Pour Danièle Obono, « c’est un groupe politique islamiste qui a une branche armée », qui « s’inscrit dans les formations politiques palestiniennes », qui « a pour objectif la libération de la Palestine » et qui « résiste à une occupation ». « Le Hamas, “un mouvement de résistance” ? Non ! C’est un mouvement terroriste », a réagi le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, sur X (ex-Twitter), deux heures plus tard. Avant d’annoncer qu’il saisissait le procureur de la République « pour apologie du terrorisme » à l’encontre de Danièle Obono. L’Elysée approuve l’initiative du ministre, l’exécutif se voulant « intraitable avec tout ce qui relativise les actes de violence ». https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/18/daniele-obono-qualifie-le-hamas-de-mouvement-de-resistance-gerald-darmanin-saisit-la-justice-pour-apologie-du-terrorisme_6195084_823448.html Deux militants de la CGT du Nord interpellés à leur domicile pour apologie du terrorismeSelon la centrale syndicale, cette arrestation serait liée à la distribution d’un tract de soutien au peuple palestinien. Une soixantaine de syndicalistes étaient rassemblés vendredi matin devant le commissariat de Lille pour demander leur libération. Leurs gardes à vue ont été levées aux alentours de 13 h 30. https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/20/deux-militants-de-la-cgt-interpelles-a-leur-domicile-pour-apologie-du-terrorisme_6195597_823448.html Je ne veux pas participé au torrent de boue que déversent les chaines d'infos mais une question me taraude ... Si les meurtres horribles perpétrés par le Hamas doit être qualifié de terrorisme, comment doit-on qualifier les manœuvre d'une armée qui tue des civils par milliers, une nation qui empêche l'approvisionnement en eau, en nourriture, en électricité de plus de 2 millions de civils et qui s'oppose également à l'entrée de l'aide humanitaire |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: inter-minables Ven 20 Oct 2023, 21:06 | |
| Postures des uns et des autres, d'autant plus indécentes que dans le contexte français actuel chacun sait qu'il ne risque pas grand-chose (cf. les manifestations interdites, maintenues malgré l'interdiction puis autorisées: dans l'intervalle tout le monde aura eu le temps d'afficher fièrement ses intransigeances contradictoires pour son public respectif).
Le plus étonnant c'est peut-être que les différents acteurs des différents conflits nous tiennent encore, nous "Occidentaux", pour un "public" digne d'être ménagé, tantôt flatté tantôt scandalisé, ému, choqué, indigné... Sans ce rapport médiatique et imaginaire ils y verraient sans doute plus clair sur leur propre situation et leurs rapports de force, ramenés à un horizon réel, ou local.
Les innocents, les justes qui s'offusquent des guerres, du terrorisme, de la barbarie, de la violence, qu'ils en soient ou non victimes, ne pensent jamais que leur bonne conscience, leur innocence, leur justice et leur vie même sont construites depuis toujours sur un monceau d'injustice inextricable et irréparable -- et ils s'étonnent que de temps à autre ça remue sous leurs pieds ou leur pète à la gueule... La morale, le droit et ses principes, en particulier la responsabilité individuelle qui permet de distinguer provisoirement des innocents et des coupables, sont sûrement utiles à la survie des sociétés humaines, mais il ne faut pas oublier sur quels mensonges ils reposent et les horreurs qu'ils recouvrent. History is a nightmare... |
| | | free
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| Sujet: Re: inter-minables Sam 21 Oct 2023, 13:16 | |
| - Citation :
- Les innocents, les justes qui s'offusquent des guerres, du terrorisme, de la barbarie, de la violence, qu'ils en soient ou non victimes, ne pensent jamais que leur bonne conscience, leur innocence, leur justice et leur vie même sont construites depuis toujours sur un monceau d'injustice inextricable et irréparable -- et ils s'étonnent que de temps à autre ça remue sous leurs pieds ou leur pète à la gueule... La morale, le droit et ses principes, en particulier la responsabilité individuelle qui permet de distinguer provisoirement des innocents et des coupables, sont sûrement utiles à la survie des sociétés humaines, mais il ne faut pas oublier sur quels mensonges ils reposent et les horreurs qu'ils recouvrent. History is a nightmare...
Merci infiniment Narkissos de nous offrir une telle analyse avec autant de pertinence, de finesse et nuance. Il faudrait beaucoup de courage (ou une forme d'inconscience) à un personnage public pour exprimer une telle pensée et une telle "vérité" (J'ose le terme) sous peine de subir une lynchage médiatique et de connaitre une "mort" sociale. Bien sûr, pour arriver à une telle conclusion, il faut sortir de l'émotionnel, de l'opposition "pour" ou "contre" et du jugement moral, c''est "bien", c'est "mal" (même si ces différents niveaux de perceptions sont inéluctables) mais on ne peux pas faire l'économie de placer au centre de l'analyse ce " monceau d'injustice inextricable et irréparable" que l'on préfère mettre sous le tapis, à l'abri de nos regards et de nos (bonnes) consciences. Je ne considère pas que c'est une façon de justifier ou de légitimer le "terrorisme" mais une manière de replacer des évènements tragiques dans un contexte. Je n'arrive plus à regarder les informations à la télévision, comme Narkissos l'avait souligné, ces chaines d'infos continues, contribuent l'"abrutissement généralisée" des populations. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: inter-minables Sam 21 Oct 2023, 14:16 | |
| Je ne me croyais en l'occurrence ni fin ni nuancé, je ne cherchais d'ailleurs pas à l'être... Aucune politique ne s'est peut-être jamais construite sur la culpabilité ou la honte de soi, de sa patrie ou de son parti, de sa généalogie et de son histoire. Pourtant une "civilisation chrétienne" avait tous les éléments pour, avec la doctrine du péché universel puis originel, de saint Paul à saint Augustin: comme le répète Kierkegaard, "devant Dieu nous avons toujours tort", mais on n'aurait peut-être même pas besoin de "Dieu" pour ça. En tout cas on n'a pas pu s'empêcher d'être fier d'être chrétien comme d'être romain (cf. le Paul des Actes), puis de telle ou telle nation, puis moderne, humaniste, rationaliste, scientifique, progressiste, et ainsi de suite. Les culpabilités les plus monstrueuses, comme celle de l'Allemagne ou de l'Europe entière après la Seconde Guerre mondiale, sont vite épongées et on ne tarde pas à se retrouver "du bon côté", avec le droit et la raison pour soi, en situation de faire la morale au monde entier. Et dans le cas de l'Etat d'Israël qui rebondit à la fois sur le tort inouï subi par les juifs européens jusqu'à la Shoah et sur la honte et la culpabilité refoulées de presque tous les autres peuples, la "bonne conscience" paraît indestructible et inusable: le "terrorisme" ne peut que la relancer, rien ne peut l'arrêter sinon l'excès de sa propre horreur (on repense au sacrifice humain de Mésha selon 2 Rois 3, bien que l'univers mythique qu'il suppose ait disparu; aujourd'hui même la " Colère" im-médiate serait médiatique)... D'une réminiscence biblique l'autre, l'emploi du terme "terrorisme" ou "terroriste" comme mot de passe ou signe de reconnaissance permettant d'accéder au statut d'interlocuteur responsable et respectable me rappelle le fameux "Shibboleth" de Juges 12 -- encore ne s'agissait-il pas là de connaître la formule ou de consentir à l'employer, mais de savoir bien la prononcer (Derrida a écrit sous ce titre un joli texte consacré à Celan). Pourtant le moins qu'on puisse dire est que le mot (terror-isme/-iste) a une histoire complexe et ambivalente, de la "Terreur" de la Révolution française à l'occupation allemande, à la guerre d'Algérie et aux dictatures modernes. Mais c'est un toujours un mot et un moyen de contrôle du pouvoir, estampillé par lui comme la monnaie et qu'on n'utilise pas sans concéder audit pouvoir une certaine allégeance, minimale ou totale selon le cas. Cela explique aussi les réticences, y compris de ceux qui recourraient volontiers aux mêmes ficelles s'ils accédaient au pouvoir. |
| | | free
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| Sujet: Re: inter-minables Mar 24 Oct 2023, 14:24 | |
| Terroristes ou résistants ? Raymond Aubrac
Je ne suis pas à mon aise pour parler de la Résistance dans une réunion consacrée au « terrorisme ».
Il est vrai que nos adversaires, les nazis et leurs alliés français, nous qualifiaient de terroristes dans tous les moyens de propagande, affiches, journaux, radios qu’ils contrôlaient. La qualification péjorative avait pour but d’impressionner l’opinion, mais naturellement nous ne l’acceptions jamais.
En outre, nous ne qualifiions pas nos adversaires de terroristes, malgré les moyens qu’ils employaient.
Nous étions des combattants volontaires, ayant accepté une vie rude et les plus grands risques pour reconquérir la liberté. Nos adversaires étaient une armée d’occupation qui exploitait notre pays et avait pour objectif d’aliéner définitivement son indépendance. Ils disposaient de plusieurs polices dont les responsables ne respectaient aucune règle de droit, et les dirigeants français qu’ils avaient installés avaient mis à leur disposition l’appareil de l’État augmenté d’une milice aux privilèges exorbitants.
Mais il est vrai qu’en dehors de toute légalité nous avons fait usage de nos forces et de nos armes pour combattre l’adversaire et ses complices. Voilà pourquoi on peut chercher à comparer les comportements des deux camps, et les résultats de leur combat.
Pour comprendre les actions de résistance que l’occupant et Vichy qualifiaient de « terrorisme », il faut parler d’un débat fondamental qui s’établit au sein de la Résistance dès qu’elle eut accès à quelques armes, le problème connu sous le terme d’« action immédiate ».
De quoi s’agissait-il ? Dès que quelques armes furent envoyées de Londres, avec parcimonie jusqu’au printemps de 1944, les états-majors alliés et avec eux le B.C.R.A. (Bureau Central de Renseignement et d’Action), le bras exécutif du Comité français de la libération chargé des actions vers la France, considéraient que les mouvements armés devaient exclusivement se préparer à accompagner le combat final et donc devaient se garder de toute action prématurée qui les dévoilerait, faciliterait la répression et entraînerait le sacrifice d’otages. Cette position était partagée, en France, par des états-majors de l’Armée secrète et par des responsables de l’O.R.A., Organisation de Résistance de l’Armée, qui groupait des officiers de carrière.
Au contraire, dans les organisations de résistance et dans les maquis, la « base » brûlait tout naturellement d’en découdre et de commencer à utiliser les moyens disponibles en armes et en explosifs pour acquérir une expérience des combats et faire sentir à l’ennemi et à la population sa présence. Cette position était aussi celle du Parti communiste et des militants qu’il influençait.
https://www.cairn.info/revue-topique-2003-2-page-7.htm
Lehi
Le Lehi (acronyme hébreu pour Lohamei Herut Israël, « Combattants pour la liberté d’Israël », לח"י - לוחמי חירות ישראל) est un groupe paramilitaire sioniste qui est actif entre 1940 et 1948.
L’organisation commet de nombreux attentats contre les Britanniques, de 1941 à 1948, puis contre les Arabes de Palestine, en 1947 et 1948, ainsi que l'assassinat en 1948 de Folke Bernadotte qui avait pour mission de mettre en place le Plan de partage de la Palestine.
Dans son combat contre les Britanniques, le groupe tente sans succès des contacts en 1941 avec les Italiens et avec les autorités nazies2 d'établir un régime totalitaire en Palestine et de permettre aux Juifs européens d'immigrer en Eretz-Israël3,4,5. En retour, le Lehi promit de combattre l’empire britannique de l’intérieur. À cette date, le groupe se déclarait notamment « étroitement lié aux mouvements totalitaires européens, par sa conception du monde et ses structures ».
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lehi |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Mar 24 Oct 2023, 15:26 | |
| En ce qui concerne le "terrorisme" de la Résistance française, et singulièrement communiste après la rupture du pacte germano-soviétique, il a quand même causé la mort de pas mal d'"innocents" (et par les guillemets je n'insinue aucun soupçon sur leur "innocence", dans le cadre d'une conception strictement individuelle de la culpabilité et de l'innocence), notamment par la surenchère de la réaction allemande qui n'était certes pas de sa "responsabilité" mais qu'il ne pouvait pas ignorer (pour un soldat allemand tué, 10, 20, 30 otages français exécutés). D'autres "terrorismes", sioniste jusqu'à la création de l'Etat d'Israël, ou (autrement) "décolonisateurs", par exemple celui du FLN en Algérie (cf. le documentaire de Werner Herzog sur Me Vergès, L'avocat de la Terreur, qui m'avait marqué), ont eu encore moins de scrupules...
Mais l'internationalisation du mot et du concept de "terrorisme", en particulier depuis le "11 septembre (2001)", a été encore plus catastrophique parce qu'elle a créé l'illusion d'un consensus universel sur un terme que chaque pouvoir pourrait désormais utiliser à sa guise: ainsi des pays comme la Russie, la Chine, l'Iran, la Syrie, la Turquie ont pu traiter leurs "terroristes" comme ils l'entendaient sans que personne y trouve rien à redire, au moins sur le "principe" (puisque le "terrorisme" c'est mal, il faut l'éradiquer partout et quoi qu'il en coûte).
Par ailleurs il ne faut pas perdre de vue que le "terrorisme", comme son nom l'indique, vise normalement à faire (encore) plus de peur (= terreur) que de mal. Avec mes références assez particulières, ça me renvoie toujours aux bas-reliefs assyriens et à leur mise en scène de la cruauté qui paradoxalement "sauve des vies", en dissuadant -- "terrorisme d'Etat" avant la lettre. Or sous le nom de "terrorisme" on mélange aujourd'hui tout et n'importe quoi, des vengeances ciblées, des actes gratuits qui font plus de mal que de peur parce qu'ils ne menacent personne au-delà de leurs victimes effectives et immédiates, des sabotages matériels qui ne font aucune victime, et ce qu'on appelait naguère des "faits-divers" (n'importe qui pète les plombs et assassine n'importe qui, pourvu qu'on puisse y trouver le moindre rapport avec l'islam). |
| | | free
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| Sujet: Re: inter-minables Mer 25 Oct 2023, 15:17 | |
| Crimes de guerre
Selon la définition des Nations unies, un crime de guerre est une action illégale ou une série d'actions qui violent le droit international humanitaire prévu pour protéger les civils.
Les crimes de guerre sont toujours commis intentionnellement et ont toujours lieu en temps de conflit armé, qu'il soit international ou non international.
Ils peuvent être divisés en plusieurs catégories : les crimes qui ciblent des personnes ayant besoin de protection, comme les blessés ou les civils ; ceux qui ciblent les efforts humanitaires ou les opérations de maintien de la paix ; enfin, ceux qui ciblent des biens.
Les crimes de guerre peuvent aussi être des infractions aux "méthodes ou moyens de guerre interdits", parmi lesquels le meurtre volontaire, la mutilation, la torture, la prise d'otage et les attaques intentionnelles contre la population civile.
Commettre un crime de guerre, c'est aller à l'encontre des règles de la guerre telles qu'elles ont été énoncées dans plusieurs traités comme les conventions de Genève, adoptées entre 1864 et 1949, les conventions de La Haye (1899 et 1907) et le Statut de Rome (1998).
Le but des conventions de Genève est de protéger les civils qui ne sont pas impliqués dans les combats. La première convention (1864), dont les négociations ont été initiées par le fondateur de la Croix-Rouge, Henri Dunant, a été ratifiée par toutes les grandes puissances européennes de l'époque en trois ans. Aujourd'hui, elles le sont par l'ensemble des États membres de l'ONU.
"La guerre est toujours inhumaine", affirme Marco Sassoli, professeur de droit international à l'université de Genève. "Mais si le droit international humanitaire était respecté, ce serait moins inhumain."
Pour lui qui a également participé à la rédaction de tous les commentaires récents des conventions de Genève, les attaques du Hamas menées pendant le festival de musique Tribe of Nova dans le désert près de la frontière de Gaza "constituent une violation claire" du droit international et un crime de guerre.
"Les gens ne peuvent pas être exécutés, pris en otage, et seuls des objectifs militaires comme des lance-roquettes et les centres de commandement et de contrôle peuvent être ciblés", note l'universitaire.
Crimes contre l'humanité
À la différence des crimes de guerre, les crimes contre l'humanité n'ont pas nécessairement à avoir lieu dans le contexte d'un conflit armé, ni d'être basés sur une intention spécifique globale.
Ils n'ont pas été définis et codifiés dans un traité dédié comme l'ont été les crimes de guerre dans les conventions de Genève, bien que l'ONU espère aboutir à un traité sur le sujet.
Pourtant, les crimes contre l'humanité sont considérés comme des violations fondamentales du droit pénal international et "parmi les crimes les plus graves", selon la CPI.
Les crimes contre l'humanité incluent notamment l'apartheid – système d'oppression et de domination d'un groupe racial sur un autre, institutionnalisé à travers des lois, des politiques et des pratiques discriminatoires –, l'esclavage ou la déportation de populations, et se déroulent dans le contexte d'une attaque généralisée et systématique contre une population civile.
Ils se définissent par leur violence à grande échelle, que ce soit en termes de population ou de géographie, ou par la manière méthodique avec laquelle ils sont menés. Et ils ont tendance à être planifiés, ou du moins tolérés, par les autorités étatiques.
Dans ce qu'elle dit être une réponse aux attaques du Hamas, l'armée israélienne a rasé des quartiers entiers de la bande de Gaza et se prépare pour une intervention terrestre qui, selon elle, est imminente. Les autorités israéliennes ont par ailleurs averti la population du nord de l'enclave d'évacuer vers le sud. Une décision "inacceptable au regard du droit humanitaire", juge Marco Sassoli.
"Si les autorités israéliennes avertissent [les habitants d'une] maison située à côté d'un centre de commandement et de contrôle [qu'il va être visé par une frappe], alors cet ordre d’évacuation est le bienvenu", dit-il. "Mais vous ne pouvez pas avertir la moitié de la bande de Gaza [qu'il faut évacuer]… Un déplacement forcé à l’intérieur d’un territoire occupé ne peut être justifié dans ce cas."
Ainsi, si un acte est commis au hasard, accidentellement ou de manière isolée, il ne peut être considéré comme un crime contre l'humanité.
https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20231021-g%C3%A9nocide-crimes-de-guerre-ou-contre-l-humanit%C3%A9-quels-mots-pour-la-guerre-isra%C3%ABl-hamas |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Mer 25 Oct 2023, 16:03 | |
| Ces distinguos juridiques partent d'excellentes intentions, mais ils ne changent pas grand-chose pour chaque corps atteint.
Pour une morale qui a fait -- à tort ou à raison -- de l'individu humain un absolu*, toute mesure, toute comparaison, toute comptabilité devrait paraître immorale, voire obscène: au nom de quoi pourrait-on encore dire que deux morts sont plus graves qu'un(e) seul(e), que deux corps souffrent plus qu'un seul ? Où inscrire les opérations de cette arithmétique qui semble pourtant aller de soi ?
La seule différence qui vaudrait, très précaire, relative et provisoire, c'est celle qu'on peut faire aujourd'hui entre les victimes d'hier, désormais inévitables et irréparables, et celles de demain, encore évitables mais pas pour longtemps. Malheureusement cette distinction-là, qui serait la seule décisive, intervient très peu dans la pensée politique.
---
* On entend souvent répéter "qui tue un homme tue l'humanité", ça vient approximativement du Coran, 5,32: "C'est pourquoi Nous avons prescrit pour les Enfants d'Israël que quiconque tuerait une personne non coupable d'un meurtre ou d'une corruption sur la terre, c'est comme s'il avait tué tous les hommes. Et quiconque lui fait don de la vie, c'est comme s'il faisait don de la vie à tous les hommes. En effet Nos messagers sont venus à eux avec les preuves. Et puis voilà, qu'en dépit de cela, beaucoup d'entre eux se mettent à commettre des excès sur la terre." Je ne suis pas exégète du Coran mais j'y vois bien l'impossibilité théorique d'une comptabilité d'"innocents", tant de victimes contre tant de victimes, si le "talion" se limite aux "coupables" dans la perspective d'une rétribution individuelle (ce qui est le cas de la Torah prise comme un tout). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Jeu 26 Oct 2023, 16:41 | |
| Antonio Guterres rappelle Israël à ses obligations humanitaires à Gaza
https://www.youtube.com/watch?v=NqJT9Q8imq8
Clash à l'ONU : Israël réclame la tête d'Antonio Guterres
https://www.youtube.com/watch?v=m--t72bugXo |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Jeu 26 Oct 2023, 16:57 | |
| On (re-)voit bien là la vanité d'opposer un quelconque "droit" à un "rapport de force": "la raison du plus fort est toujours la meilleure", on ne peut pas dire qu'on n'ait pas été prévenus, par Esope ou par La Fontaine, dès notre plus tendre enfance. Et pourtant ça surprend toujours, parce qu'on ne veut pas le croire. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Jeu 26 Oct 2023, 17:03 | |
| - Narkissos a écrit:
- On (re-)voit bien là la vanité d'opposer un quelconque "droit" à un "rapport de force": "la raison du plus fort est toujours la meilleure", on ne peut pas dire qu'on n'ait pas été prévenus, par Esope ou par La Fontaine, dès notre plus tendre enfance. Et pourtant ça surprend toujours, parce qu'on ne veut pas le croire.
Je partage ton analyse mais les médias nous bassinent avec le droit international, la notion de crime de guerre et de crime contre l'humanité concernant la guerre Russie/Ukraine à cause des morts civiles, tout entretenant un débat stérile et sans fin sur la sémantique ("terrorisme" ou pas pour le Hamas) et qui sont parfaitement silencieux pour qualifier avec un ou des termes appropriés (même si cela ne sert à rien) ce qui se passe à Gaza ... Comment pourraient-ils nommer (eux qui sont attachés à la sémantique) ce qui se passe à Gaza |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: inter-minables Jeu 26 Oct 2023, 18:37 | |
| Il y a peut-être une différence fondamentale et décisive, mais difficile à saisir, qui traverse toutes les nations, religions, idéologies ou partis, entre ceux qui se pensent dans un "monde" essentiellement "bon" ou "mauvais". Dans les régimes démocratiques elle différencierait un vaste "centre" des "extrêmes", dans les dictatures presque tout le monde des "opposants", ceux-ci imaginant tout de même (compensation ?) "bon" le "monde" hors de la dictature de référence, voire "meilleur" qu'il ne s'imagine lui-même.
L'expérience israélo-palestinienne, où des générations de "bourreaux" et de "victimes" se sont déjà succédé, est un exemple exemplaire, mais pas unique, loin de là, du fait qu'on peut vivre, longtemps, et mourir dans un "monde" essentiellement indifférent, malgré des indignations ponctuelles ou sporadiques dans tous les sens... |
| | | free
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| Sujet: Re: inter-minables Ven 27 Oct 2023, 11:37 | |
| Stéphane Hessel indigne le CRIF
Pourquoi cette nouvelle flambée? Stéphane Hessel, qui soutient le boycottage contre Israël, consacre spécifiquement deux pages (sur quatorze) au conflit israélo-palestinien, précédées du titre "Mon indignation à propos de la Palestine". Elle se concentre sur le sort de Gaza. Elle est alimentée par le souvenir du déplacement sur place effectué par l'auteur en 2009, après l'opération israélienne. Stéphane Hessel, qui recommande la lecture du rapport Goldstone (un travail plus long que celui de parcourir son opuscule), écrit ceci :
"Je sais, le Hamas qui avait gagné les dernières élections législatives n'a pas pu éviter que des rockets soient envoyées sur les villes israéliennes en réponse à la situation d'isolement et de blocus dans laquelle se trouvent les Gazaouis. Je pense bien évidemment que le terrorisme est inacceptable, mais il faut reconnaître que lorsque l'on est occupé avec des moyens militaires infiniment supérieurs aux vôtres, la réaction populaire ne peut pas être QUE non-violente.
Est-ce que cela sert le Hamas d'envoyer des rockets sur la ville de Sdérot? La réponse est non, ça ne sert pas sa cause, mais on peut expliquer ce geste par l'exaspération des Gazaouis (exaspération, rage, colère, etc...) Dans la notion d'exaspération, il faut comprendre la violence comme une regrettable conclusion de situations inacceptables pour ceux qui les subissent. Alors on peut dire que le terrorisme est une forme d'exaspération. Et que cette exaspération est un terme négatif (...) Elle est compréhensible, je dirais presque qu'elle est naturelle, mais pour autant elle n'est pas acceptable. Parce qu'elle ne permet pas d'obtenir les résultats que peut éventuellement produire l'espérance."
Plus loin, Stéphane Hessel condamne à nouveau le terrorisme citant "l'attentat des jeux de Munich, en 1972, commis contre des athlètes israéliens". "Se dire "la violence n'est pas efficace", c'est bien plus important que de savoir si on doit condamner ou pas ceux qui s'y livrent". Plus loin encore, il cite les manifestations de Bil'id (sic) en Cisjordanie pour alimenter son éloge de "l'insurrection pacifique".
https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/01/14/stephane-hessel-indigne-le-crif_5982628_3218.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Ven 27 Oct 2023, 12:14 | |
| 2011, tout autre contexte au ras de l'"actualité", toujours la même situation et la même histoire qui continuent... interminables, elles aussi.
Ce qui a changé, en France, en une quinzaine d'années, c'est que le discours de Hessel, devenu étonnamment populaire vers la fin des années 2000 après une carrière plutôt discrète (les cinéphiles le connaissaient surtout, très indirectement, par le Jules et Jim de Truffaut), s'est marginalisé (de façon essentiellement posthume, puisqu'il est mort en 2013) au point d'être aujourd'hui un marqueur d'"extrême-gauche". Ce n'était sûrement pas le plus fin ou le plus nuancé des analystes, du moins dans le pamphlet qui l'a rendu tardivement célèbre (Indignez-vous, 2010), mais d'un autre côté la finesse et la nuance n'ont aucune chance dans les médias et sur les réseaux sociaux face à un populisme unilatéral... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Ven 27 Oct 2023, 14:25 | |
| L'intégrisme juif et la colonisation dans les Territoires palestiniens occupés Barah Mikaïl - Dans Revue internationale et stratégique 2005
Les violences des intégristes juifs dans les Territoires palestiniens
La question des Territoires palestiniens occupés n'en est pas moins incontournable pour la bonne compréhension des tenants et des aboutissants de l'intégrisme juif contemporain. Au lendemain de la troisième guerre israélo-arabe, la résolution 242 du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU), adoptée le 22 novembre 1967, stipule, entre autres, la nécessité de procéder à un « retrait des forces armées israéliennes des Territoires occupés lors du récent conflit ». Pourtant, loin de s'y conformer, Israël entreprend, depuis lors, une politique de colonisation qui attise le rigorisme du discours orthodoxe juif. Toutefois, une telle politique ne peut être entreprise sans la provocation d'affrontements entre des allogènes souvent chassés et spoliés de leurs terres et des occupants inscrivant la « légitimité » de leur action dans un registre religieux avant d'être politique, il va de soi que l'État hébreu encourage souvent ses ressortissants à user de la force à l'encontre des Palestiniens. Un comportement qui contribue finalement à l'éclosion de maints mouvements et partis politiques extrémistes qui prennent très vite leurs marques sur l'échiquier politique israélien et deviennent incontournables dans la formation des coalitions parlementaires.
L'intégrisme juif, qu'on le définisse comme une « doctrine qui tend à maintenir la totalité d'un système », l'« attitude de croyants qui refusent toute évolution » ou encore la conviction prônée par des « personnes qui manifestent une intransigeance, un conservatisme excessifs » (Petit Robert), ne doit donc pas son éclosion au hasard. La violence de la colonisation n'a d'ailleurs pas besoin d'être rappelée, d'autant plus qu'elle voit l'armée israélienne se rendre coupable, ne serait-ce que sur le plan du droit international, d'abus flagrants au nom de la « nécessaire » préservation du bien-être des colons juifs. Arrachages d'oliviers effectués pour procéder à la sécurisation d'une route ou d'une colonie, destructions de maisons de familles supposées abriter des terroristes, détentions abusives et emprisonnements administratifs sans jugement préalable, assassinats « ciblés » de membres des formations terroristes palestiniennes qui se doublent très souvent de « dommages collatéraux » civils, tirs de snipers, ou encore captation des eaux potables desservant des habitations palestiniennes sont ainsi autant d'actions fréquentes qui viennent illustrer le quotidien des habitants des Territoires palestiniens occupés ...
... La violence des intégristes juifs des Territoires occupés, que caractérise exactions, saccages et pillages de champs, ou encore harcèlements divers à l'encontre des Arabes de Palestine, est porteuse de plus d'un motif d'inquiétude. Il n'est ainsi pas rare de voir des Palestiniens procédant à la cueillette d'olives dans leurs propres champs être surpris par les tirs à vue de colons. De même, le fait pour ces derniers de pouvoir s'organiser en bandes et de procéder à la persécution, au harcèlement, voire à l'enlèvement de certains Palestiniens semble aujourd'hui avéré. Mais l'une des manifestations de violence les plus spectaculaires de ces dernières années reste sans contestation l'événement intervenu le 25 février 1994, quand Baruch Goldstein, un colon juif, ouvre le feu sur des fidèles sortant de la mosquée d'Hébron, tuant 29 Palestiniens et en blessant 60 autres. Cet acte marque, en retour, le début du recours aux attentats-suicide par les formations armées palestiniennes.
https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2005-1-page-93.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Ven 27 Oct 2023, 15:32 | |
| Excellente analyse politique, mais de mon point de vue plutôt "théologien" j'objecterais fortement à l'usage du terme "intégrisme" (ou "intégriste"): pour moi un "intégrisme" s'attache à l'intégrité et à l'intégralité d'une tradition religieuse, longue et forcément complexe. Ici on a plutôt affaire à un "fondamentalisme" importé d'un modèle chrétien, moderne, "évangélique" et principalement américain, qui réduit sa "religion" à quelques propositions jugées "fondamentales", y compris une lecture par défaut "littérale" et quasiment "magique" des textes "sacrés". Ce qui, dans le cas du judaïsme, et contrairement à un "intégrisme", revient à jeter par-dessus bord près de 2000 ans de tradition et d'interprétation pharisiennes, rabbiniques, talmudiques, qabbalistiques, hassidiques, toujours politiquement prudentes et non-violentes depuis les guerres judéo-romaines des Ier et IIe siècles. On l'a souvent dit et répété, le sionisme s'est d'abord inscrit contre la tradition juive du XIXe et du début du XXe siècle, qui l'a symétriquement rejeté, jusqu'à ce que la création effective de l'Etat d'Israël change la donne et que le judaïsme religieux finisse par emboîter le pas à la politique d'Israël, voire par la devancer dans une surenchère extrémiste et fascisante -- mais celle-ci ne peut se prétendre ni "intégriste", ni même "orthodoxe", seulement "fondamentaliste" par une inavouable contagion du christianisme américain... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Ven 27 Oct 2023, 15:40 | |
| Depuis des décennies les palestiniens subissent dans une indifférence internationale quasi généralisée : - détentions abusives et emprisonnements administratifs sans jugement préalable, assassinats « ciblés », - destructions de maisons,- tirs de snipers,- captation des eaux potables,- tirs à vue de colons,- enlèvement de certains PalestiniensEt nous, occidentaux, nous sommes surpris par le "terrorisme" du Hamas (dans toute son horreur) , c'est tout, sauf une surprise. Encore aujourd'hui, pratiquement aucun média ne relate cette situation. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Ven 27 Oct 2023, 16:02 | |
| Je suis bien d'accord, quoique depuis 1948 les Palestiniens aient quand même bénéficié, si l'on peut dire, d'un traitement médiatique privilégié par rapport à beaucoup d'autres peuples -- je pense aux Kurdes sous le tir croisé de la Turquie, de l'Irak, de la Syrie et de l'Iran, parce que j'en ai entendu parler et parce que j'ai un jour mis les pieds dans le Kurdistan iranien qui n'était pas le plus mal loti, mais les meilleurs exemples sont certainement ceux dont je n'ai jamais entendu parler... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Ven 27 Oct 2023, 16:10 | |
| - Narkissos a écrit:
- Je suis bien d'accord, quoique depuis 1948 les Palestiniens aient quand même bénéficié, si l'on peut dire, d'un traitement médiatique privilégié par rapport à beaucoup d'autres peuples -- je pense aux Kurdes sous le tir croisé de la Turquie, de l'Irak, de la Syrie et de l'Iran, parce que j'en ai entendu parler et parce que j'ai un jour mis les pieds dans le Kurdistan iranien qui n'était pas le plus mal loti, mais les meilleurs exemples sont certainement ceux dont je n'ai jamais entendu parler...
Excellent exemple que celui des Kurdes qui recourent (aussi) à des actes terroristes pour attirer l'attention sur leurs conditions et leurs traitements mais qui s'accompagnent (aussi) de représailles de la Turquie. Je dirais que les attentats en Turquie provoquent moins d'émotion au niveau des médias occidentaux. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: inter-minables Ven 27 Oct 2023, 16:23 | |
| Sans compter les Kurdes qui se font descendre en plein Paris sans que ça émeuve grand monde... aussi parce que la Turquie est un interlocuteur incontournable, tant pour le conflit israélo-palestinien que russo-ukrainien désormais... mais dans tout ça nous comptons aussi comme "public", plus ou moins captif, approbateur ou désapprobateur, avec notre inintelligence des enjeux et des rapports de force réels et notre prodigieuse naïveté morale, qui ne fonctionne qu'aux "principes universels".
Quant au "terrorisme", je confesse volontiers que parmi les "autres vies" que j'aurais pu imaginer, à l'irréel du passé, à partir d'une jeunesse des années 1970, celle de "terroriste", du moins au sens de "saboteur", eût été parmi les plus tentantes. Mais d'une part je n'étais certainement pas "à la hauteur", d'autre part ce qu'en ont réalisé ceux qui l'ont réalisée ne me laisse guère de regrets. |
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