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 trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances

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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeVen 05 Mai 2023, 14:30

Citation :
A propos de paradidômi dans Luc (premier document), je signale quand même qu'entre l'introduction (1,2) et la première annonce de la Passion (9,44 etc.) ou le logion de la révélation du Père au Fils (10,22 // Matthieu 11: tout m'a été remis-livré-transmis par mon Père...), il y a une occurrence bien embarrassante que l'auteur a omise, en 4,6 où c'est le "diable" qui dit que le "pouvoir" (exousia) et/ou la "gloire" (doxa) de tous les royaumes de la terre lui a (ont) été livré(e)(s) (paradidômi, passif "divin" si l'on veut), et qu'il le(s) donne (didômi) à qui il veut (comme le Fils en 10,22). Tout autre "tradition", étonnamment semblable pourtant.


"Le diable le conduisit plus haut, lui montra en un instant tous les royaumes de la terre habitée et lui dit : Je te donnerai toute l'autorité et la gloire de ces royaumes ; car elle m'a été livrée, et je la donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi. Jésus lui répondit : Il est écrit : C'est devant le Seigneur, ton Dieu, que tu te prosterneras, et c'est à lui seul que tu rendras un culte" (Luc 4,5-Cool.

Notes : Luc 4:6
toute l’autorité… : litt. cette autorité (ou ce pouvoir) et leur gloire ; cf. v. 32+ ; 12.11 ; 20.20 ; 22.53 ; 23.7. – elle m’a été livrée (autres traductions confiée ; remise) : il s’agit de l’autorité ou (moins probablement) de la gloire ; cf. 10.22 ; 22.29 ; voir aussi Jb 1.12 ; Dn 7.14 ; Mt 28.18 ; Jn 12.31 ; 14.30 ; 2Co 4.4 ; 1Jn 5.19 ; Ap 13.2.

Les tentations de Jésus et la cause de Dieu

L 'intervention du diable

La promesse faite par le diable dans son discours direct est agencée de manière un peu inhabituelle puisque la proposition principale vient d'abord. Cette disposition permet d'articuler de façon très étroite le discours du diable et la réponse de Jésus ; elle indique en même temps quel est l'enjeu déterminant du débat : l'adoration. Avant de nous y arrêter il convient d'attirer l'attention sur une préparation possible de ce thème à travers des harmoniques implicites de l'expression « tous les royaumes du monde », variante de « tous les royaumes de la terre ».

Simplement descriptive dans la plupart de ses emplois vétérotestamentaires, l'expression donne lieu parfois à une exploitation théologique directe. En lien avec la formule on souligne l'unicité de Dieu et sa souveraineté absolue (4R 19, 15.19; 2 Ch 20, 6; 36, 23). Relevons surtout le premier de ces textes, qui rapporte la belle et dramatique prière prononcée par Ezéchias en réponse au message sarcastique de Sennacherib sur les dieux impuissants des peuples. Ezéchias en appelle au Dieu créateur du ciel et de la terre, au Dieu vivant, et le confesse ainsi : « toi tu es le Dieu unique dans tous les royaumes de la terre » (4 R 19, 15). La proposition du diable apparaît à cette lumière comme une imposture, car Dieu seul est le maître de « toutes ces choses là ».

La confrontation entre le diable et Dieu devient explicite à travers le double emploi du verbe « se prosterner » (TrpoaKwéto). La construction grammaticale de ce verbe varie, puisque le complément est au datif en Q 4, 7 et à l'accusatif en 4, 8b. Si dans la langue classique et dans les textes profanes de l'époque hellénistique
l'accusatif est de règle, le datif l'emporte largement dans la Septante, sans doute sous l'influence de la tournure hébraïque sous-jacente qui emploie le plus souvent la préposition de destination ; mais l'accusatif n'en est pas absent. La prédominance du datif, à côté de l'accusatif qui se maintient partiellement, se manifeste aussi dans le NT. Au vu des textes la différence grammaticale n'entraîne aucune conséquence pour le sens du verbe, car la sphère d'application dominante est la même, qu'on ait l'accusatif ou le datif : la vénération de la divinité, l'adoration (56). Le diable revendique donc les honneurs divins.

https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_2002_num_76_4_3641

Si la prétention du Diable était une "imposture", la tentation/épreuve de Jésus n'aurait eu aucun sens, puisque la proposition de Diable n'était pas réelle, il aurait (d'ailleurs) suffit que Jésus pointe cette fausse prétention pour décrédibiliser le Diable.


V 6 : 

https://books.google.fr/books?id=n-pdTLnk2loC&pg=PA194&lpg=PA194&dq=diable+autorit%C3%A9+luc+4+th%C3%A9ologie&source=bl&ots=5ce0H-V5ZS&sig=ACfU3U019s2CnZEMpuTrxsvmyunXQb1Emg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjU2dv-_93-AhXATaQEHah2B4U4HhDoAXoECB0QAw#v=onepage&q=diable%20autorit%C3%A9%20luc%204%20th%C3%A9ologie&f=false

L'Evangile selon saint Luc (1,1-9,50), Volumes 1 à 9 ;Volume 50 - De François Bovon
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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeVen 05 Mai 2023, 15:42

Toute la question en somme est de savoir si le diable, à l'instar des Crétois de l'exemple classique (et mal compris par les Pastorales), ment ou pas, autrement dit si le menteur ment toujours, auquel cas il ne tromperait plus personne... Schlosser en est convaincu, Bovon (peut-être plus accessible par ici ?) n'en paraît pas si sûr...

Un "pessimisme cosmologique" (le monde au pouvoir du diable, ou d'un dieu ou d'un prince plus ou moins éloigné de celui de l'évangile), cela fait sens dans un axe "johannique -> gnostique", ou "paulinien -> marcionite"; beaucoup moins dans l'ensemble Luc-Actes, où l'oikoumènè ([terre] habitée) se confond avec un empire romain qui ne semble pas devoir faire obstacle à la conquête de l'évangile et de l'Eglise... Mais cette disposition "finale" n'épuise pas le problème de la composition de l'évangile selon Luc, qui reflète ici ou là des conceptions très différentes.

(Le "positivisme Q-Q" affiché par d'excellents auteurs du tournant du millénaire me semble aujourd'hui assez dérisoire -- on étudie un "document" hypothétique comme si on l'avait sous la main -- mais je m'en suis déjà expliqué et je n'y reviens pas davantage.)
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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeVen 05 Mai 2023, 16:28

Beaucoup d'exégètes considèrent comme pré-paulinienne l'expression de Ga 2,20: «le Fils de Dieu qui m'a aimé et s'est livré lui-même pour moi». Certains y voient un exemple d'une «Dahingabeformel» se rapportant au Christ. Mais un examen attentif révèle que leur démonstration manque de rigueur. Un des points qu'ils négligent est la différence entre didōmi et paradidōmi. Une recherche sur l'emploi de paradidōmi avec une personne pour complément montre que ce verbe exprime alors un traitement hostile, de punition. Il n'apparaît jamais dans la LXX avec un pronom réfléchi. L'expression «se livrer soi-même» est donc très originale et paradoxale. Chronologiquement, Ga 2,20 est le premier texte qui la contienne. Un examen stylistique de Ga 2,15-21 montre que ce passage est typiquement paulinien, avec usage fréquent de l'antithèse et du paradoxe et insistance sur le moi. Ga 2,20b s'insère parfaitement dans ce contexte. Tous les éléments de ce verset sont en parfaite harmonie avec la théologie paulinienne et avec le style personnel de Paul. Il y a donc lieu d'affirmer l'origine paulinienne de Ga 2,20b.

https://poj.peeters-leuven.be/content.php?id=3220772&url=article
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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeVen 05 Mai 2023, 17:22

Le résumé (abstract) a le mérite d'être bref.

La datation, même relative, des épîtres pauliniennes est discutable: personnellement je situerais plutôt Galates après Romains, contrairement à ce qui se récite depuis fort longtemps, mais cela ne joue guère ici puisqu'en Romains (8,32) c'est Dieu qui "livre" son Fils (cf. le passif sans agent, "divin" si l'on veut, en 4,25). Que le Fils se "livre" lui-même, cela ne se retrouverait formellement qu'en Ephésiens 5,2.25, texte habituellement classé "deutéro-paulinien" et assurément postérieur à l'épître aux Romains mais dont le rapport chronologique à Galates me semble incertain (selon moi c'est "plus loin" sur des chemins divergents, l'un "proto-catholique" et l'autre "proto-marcionite", pour faire vite).... Cela dit, le pronom objet réfléchi (heauton, lui-même) n'est pas la seule manière de marquer la réflexivité, puisqu'on peut aussi bien "livrer son corps" (sôma, 1 Corinthiens 13,3) ou "son âme-vie" (psukhè, Actes 15,26) dans un sens analogue; or cette dernière combinaison (paradidômi + psukhè), comme on l'a vu, est déjà dans la Septante d'Isaïe 53,12 (au passif toutefois: son âme a été livrée à la mort, cf. v. 6 Seigneur = kurios l'a livré; autre construction de la phrase et des pronoms au v. 10), donc susceptible d'avoir été utilisée par tous les courants juifs et (proto-)chrétiens qui se sont référés à ce texte... L'idée d'un Christ qui se livre (lui-même) rappelle le johannisme, quoique celui-ci l'exprime autrement (je dé-pose mon âme-vie, tithèmi tèn psukhèn mou); mais aussi bien le logion synoptique de la "rançon", avec le simple didômi (dounai tèn psukhèn autou, Marc 10,45 // Matthieu 20,28; et sa reprise dans les Pastorales avec le pronom réfléchi, 1 Timothée 2,6, se donner soi-même, cf. Tite 2,14; on avait déjà "qui s'est donné lui-même", dontos heauton, en Galates 1,4 -- la boucle est presque bouclée).

Je signale au passage qu'une bonne partie des usages de paradidômi dans la Septante provient d'un langage guerrier, au "propre" et au "figuré": quand le dieu livre, donne, abandonne, jette, vend son peuple ou son roi à (ou aux mains de) ses ennemis (= défaite), ou au contraire lui livre (etc.) ses ennemis (= victoire, ce qu'on appelle aussi "salut", "délivrance"), et par extension tout ce qui ressemble à la guerre et mobilise un langage guerrier dans la vie ordinaire, civile, sociale, économique, judiciaire -- partout en somme où il y a des "victoires" et des "défaites", des effets de vengeance ou de justice, du bonheur et du malheur, de la chance ou de la malchance, il y a des "livraisons" qui sont aussi des "trahisons", dans la mesure où ce(lui) qui est censé garder ou protéger ne garde ni ne protège plus.

Mais chaque langue redistribue différemment ses jeux de sens (dénotations, connotations, métaphores, métonymies): qu'il traduise ou non telle ou telle expression de l'hébreu (Hatch & Redpath ad loc. comptent 26 correspondances hébraïques différentes, dans la Septante, pour le seul verbe paradidômi), le grec tourne toujours autour de la notion ou plutôt du geste de "don": en définitive le Dieu qui "livre" (paradidômi) son Fils (Romains), ou le Fils qui se "livre" (Galates / Ephésiens etc.), tout en partageant éventuellement la responsabilité ambiguë de cette "livraison" avec Judas, les grands prêtres, les anciens, le sanhédrin ou Pilate selon les évangiles, ne s'éloignent pas du Dieu qui "donne" son Fils (Jean 3,16 etc., didômi). La famille latine des tra- et des trans- suggère une tout autre série d'images, trait, train, trace, dans un sens opposée, tirant derrière soi ce qu'elle traîne plutôt que poussant devant soi ce qu'elle donne (traction avant vs. [pro-]pulsion arrière): dans différents registres du français qui en dépend, on "traîne" ou on "traduit" quelqu'un en justice, à peu près dans le même sens. Et la famille (également latine) des "livraisons", "délivrances", cf. delivery en anglais, qui joue en plus d'un sens de la "liberté" (comme on délivre une ordonnance, un certificat, etc.) est encore différente, ainsi qu'on l'a déjà remarqué (supra 11.4.2023).
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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeMer 17 Mai 2023, 12:18

Ponctuation trahison ?

Les textes originaux de la Bible, Premier comme Second Testament, ne comportaient pas de ponctuation, car l’usage de ce complément à l’écriture date du Moyen Âge. Pas de ponctuation, pas de majuscules non plus, de sorte qu’on ne sait pas trop où s’arrêtent les phrases principales et comment se répartissent les subordonnées. Parfois les séparations peuvent se retrouver sans ambiguïté. Parfois, plusieurs solutions sont possibles, et suivant que l’on dispose un signe de ponctuation à tel ou tel endroit, on change le sens. Quel est le sens original, celui de l’auteur? Le contexte peut aider à le retrouver. Mais il arrive que le traducteur profite de ce degré de liberté pour orienter le sens vers la théologie la plus convenable, la plus orthodoxe.

On connaît l’exemple célèbre de la citation d’Ésaïe 40,3 au début des évangiles. Si nous reprenons le texte de Marc (1,3) sans mettre de ponctuation:

«Une voix crie dans le désert préparez les chemins du Seigneur rendez droit ses sentiers»

Le désert se rapporte-t-il à l’endroit où crie la voix (deux points après «désert») ou à l’endroit où les chemins doivent être préparés (deux points après «crie»)?

Si l’on revient à Ésaïe, il n’y a pas d’ambiguïté. Car, comme bien souvent, les phrases vont par paire:

«Une voix crie
Dans le désert préparez un chemin pour le Seigneur
Dans la steppe nivelez une chaussée pour notre Dieu»

Il est évident ici que c’est le chemin qui doit traverser le désert (pour permettre aux juifs libérés à Babylone de rejoindre Jérusalem). Cependant, les traductions du Second Testament considèrent toutes que c’est la voix qui crie dans le désert, puisqu’elle est devenue celle de Jean-Baptiste. Elles s’appuient sur la Septante (traduction en grec de Premier Testament) qui indiquerait cela; Marc aurait repris le texte et le sens de la Septante. Cependant, celle-ci ne comportait pas davantage de ponctuation. Donc elle ne pouvait rien préciser. Il est vrai qu’elle omet «dans la steppe», expression qui justement obligeait à mettre le chemin dans le désert et non pas la voix. Jean-Baptiste étant présenté comme un homme «du désert», il est possible, en effet que les évangélistes aient cru que la voix criait dans le désert. Toujours est-il que par un simple déplacement de la virgule, on transforme la nécessité de rassembler le peuple d’Israël en une attente messianique..

Nous allons voir un autre exemple, dans Romains 9,5. La très grande majorité des traductions mettent la ponctuation de manière à ce que l’apôtre Paul écrive, en parlant des Israélites:

«Eux dont est issu le Christ selon la chair,
lui qui est au dessus de tout,
Dieu béni éternellement.»

Mais on peut aussi mettre la ponctuation de manière à lire:

«Eux dont est issu le Christ selon la chair.
Celui qui est Dieu
au dessus de tout
est béni éternellement.»

Je n’ai trouvé que la version Stapfer (1911) pour privilégier la deuxième hypothèse. La différence est colossale. Dans le premier cas, Jésus est Dieu; dans le second, il ne l’est pas. On comprend que toutes les traductions se soient précipitées sur la première hypothèse. Pour une fois que Paul aurait dit que Jésus était Dieu, il fallait en profiter. Mais justement, pourquoi l’apôtre n’aurait-il dit qu’une seule fois, dans l’ensemble de ses lettres, que Jésus était Dieu? Nulle part ailleurs, Paul ne fait la confusion. Pour lui, Dieu est notre Père et le Père de Jésus Christ (Ro 1,2-3) et Jésus est le fils de Dieu (Ro 1,19). Dans l’ensemble de sa pensée épistolaire, Paul maintient toujours une distinction nette entre Dieu et Jésus. La seule concession qu’il fait est dans la fameuse ode aux Philippiens, qui d’ailleurs n’est pas de lui, dans laquelle il précise que Jésus est «en forme» de Dieu. Si justement il est «en forme», ou à «l’image», comme dit la Genèse de l’homme, c’est qu’il n’est pas Dieu.

À cause de l’ensemble de ce contexte, il est évident pour moi que la deuxième hypothèse est la bonne. Le Christ est le Christ. Dieu est Dieu, au dessus de tout, béni éternellement. Et le choix de la ponctuation pour traduire le Second Testament n’est pas toujours correct ni innocent.

https://www.evangile-et-liberte.net/elements/numeros/189/article7.html
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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeMer 17 Mai 2023, 13:14

Ce sera difficile de suivre (le fil de) ce fil quand on aura oublié qu'il était passé par (ce matin même, 17.5.2023).

Cet article mélange les problèmes de traduction (et de ponctuation dans les langues occidentales modernes, et même dans les éditions modernes de textes anciens) avec de tout autres problèmes: la Septante d'Isaïe 40,3 reste ambiguë, mais d'après le contexte son sens peut toujours être élucidé conformément à l'hébreu (c'est dans le désert qu'on prépare la voie de kurios = Yahvé); en revanche c'est le contexte, donc l'écriture même des évangiles (Marc et parallèles) qui oblige à rattacher "dans le désert" à la "voix", en rapportant l'un et l'autre à Jean-Baptiste (et accessoirement le "Seigneur" à "Jésus") -- ce n'est donc plus un problème de traduction pour le traducteur des évangiles, mais le fait textuel d'une citation détachée de son contexte originel (deutéro-Isaïe) par les évangélistes eux-mêmes, qui d'ailleurs n'étaient peut-être même pas conscients de ce contexte (dans la mesure où ils se référaient à des anthologies de textes-preuves, d'où les associations régulières de citations provenant de contextes et de "livres" différents, plutôt qu'à des "livres" complets, encore qu'Isaïe 40 soit relativement bien connu). L'autre exemple (Romains 9) reflète surtout l'obsession antitrinitaire d'un certain (vieux) protestantisme libéral: la phrase est certes ambiguë, mais il n'est guère possible de la traduire dans une langue comme le français sans "trahir" son ambiguïté même dans un sens ou dans un autre: quelle que soit la traduction choisie, elle sera forcément plus claire que l'original et par là même inexacte (d'où l'importance des notes de traduction qui compensent dans une certaine mesure l'option, forcément "arbitraire", prise par le texte principal).

Cependant on retombe aussi par là sur le "problème" sous-jacent à ce fil et à presque tous les "problèmes", à savoir la "moralisation", la "connaissance" (ou distinction, discrimination) du "bien" et du "mal", du "bon" et du "mauvais", comme dit le récit de l'Eden. La traduction, la tradition, la transmission, a priori c'est "bon", utile, nécessaire, mais la trahison c'est "mal" -- et pourtant l'un(e) ne va pas sans l'autre. De même pour le "don", le "para-don", le "pardon", la "livraison-délivrance", "bons" quand ils seraient de Dieu, du Père, du Fils, "mauvais" quand ils seraient des hommes, des juifs aux Romains ou de Judas à Pilate -- et pourtant l'un ne va pas sans l'autre. La "communication" et la "communion" n'ont lieu qu'à même une dérive ou une dissémination générale du "sens" où rien ne revient jamais au même -- la différance même, ou l'espacement même du "temps" qui nous constitue et nous destitue dans le passage de l'un à l'autre, ce qu'on peut toujours dire "bon" ou "mauvais" sans que ça y change grand-chose.
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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeVen 26 Mai 2023, 16:02

Derrida, la Tour de Babel

1. Pour Derrida, un texte unique.

Le récit de la Tour de Babel (Gn 11:1-9, voir ici la traduction de Marc de Launay), occupe dans l'Ancien Testament et aussi chez Jacques Derrida une place particulière, singulière, unique. Ce court texte de neuf versets, une vingtaine de lignes au début du chapitre XI de la Genèse, qui est aussi un acte de langage (Sur quoi il crie son nom, Babel, oui, là, Yhvh a mêlé la lèvre de toute la terre, et de là Yhvh les a dispersés sur les faces de toute la terre, dans la traduction Chouraqui), ne serait pas comme les autres. Il ne se distinguerait pas seulement des autres récits bibliques, il se distinguerait de tous les autres récits, de tous les autres textes. Ce serait le plus poétique, le plus originaire des récits. Il ne dirait pas seulement que la multiplicité des langues est irréductible, il affirmerait l'impossibilité d'achever quelque chose qui serait un système, une construction architecturale, un ordre cohérent, unitaire, une expression transparente ou adéquate. Avec lui s'énoncerait la limite, le modèle pur de toute écriture en tant qu'elle appelle la lecture, la dette, le devoir de traduire. Il y aurait du Babel partout, chaque fois qu'il y a de la littérature, de la poésie, de l'œuvre, du nom propre, ça sacraliserait, ça produirait de l'original, du texte sacré, et aussi une multiplicité de traductions toutes différentes les unes des autres. Construire, c'est traduire, et si toute traduction est inadéquate et incomplète, alors dans le texte même, dans la structure, dans le système, ça déconstruit.

3. Ce qui est "à-traduire".

Pour qu'une traduction soit possible, il faut qu'il y ait entre les langues un élément commun, une affinité, une "origine" ou une visée commune qui permette la traduction. Selon Walter Benjamin (La tâche du traducteur, texte de 1923), cela suppose qu'il existe dans l'original une "teneur" authentique, une pure signification, vis-à-vis de laquelle le traducteur se reconnaît une dette. Benjamin nomme cette teneur "langue de la vérité", ou "langage pur". Dans l'idiome derridien, le traducteur doit restituer, faire mûrir la semence de ce qui est "à-traduire". La survie de l'œuvre dépend de cet acte incertain, sans fondement sûr. En mariant deux langues, en les complétant l'une par l'autre, en les ajointant, le traducteur promet un événement : l'émergence d'un facteur d'unité qui viendrait se substituer à la langue initiale perdue. Ce facteur d'unité n'est ni une langue universelle, ni une langue naturelle, mais l'étrange affinité qui fait que toutes les langues sont parentes, qu'elles se rapportent l'une à l'autre sur un mode inouï. Les langues se croisent et se supplémentent, chacune donne à l'autre ce qui lui manque. Il y a du messianisme dans ce processus : la traduction annonce la survie des œuvres pour l'éternité, une regénérescence perpétuelle. Elle rend présent ce qui est absent, nous met en rapport avec le véritable langage qui reste intraduisible, inconnu, inintelligible.

Qu'est-ce qui est "à traduire" dans un texte? De quoi s'agit-il dans ce que Jacques Derrida se résoud à désigner par ce néologisme, l'"à-traduire"? Du texte dans la langue originale? De l'original? De l'œuvre authentique? Du corpus? D'une signification à restituer? D'un thème? D'un contenu? D'un énoncé? Rien de tout cela. Il s'agit d'une injonction venue de l'œuvre. Il est nécessaire, absolument nécessaire, de traduire. Cette demande vient de la structure même de l'original : un rapport de la vie à la survie, une exigence qui ne dépend pas de l'existence d'un traducteur mais tient à l'œuvre elle-même, un désir que Benjamin met en relation avec une pensée de Dieu - car seule une telle pensée pourrait garantir la correspondance entre les langages impliqués dans la traduction. Le traducteur n'ignore pas qu'il ne pourra jamais s'acquitter de cette dette, et pourtant, en situation d'héritier, de survivant dans une scène généalogique qui est aussi une scène d'amour, il traduit.

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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeVen 26 Mai 2023, 20:41

Beau texte, ou hypertexte si l'on suit les liens (ce que pour une fois j'ai un peu pris le temps de faire).

Il intéresserait aussi ce fil-ci et celui-là, et même celui sur la Pentecôte des Actes qui a un rapport complexe avec Babel (il y va à la fois de la diversité et de la communication des langues, de la concentration -- à Jérusalem puis dans l'Eglise -- et de la dispersion -- de l'Eglise dans l'empire, pour se recentrer sur Rome). A titre personnel il me rappelle au moins deux anecdotes: la première remonte à la fin des années 1980, c'est l'exposé que j'avais fait sur ce texte à Vaux-sur-Seine et qui a tourné au procès en hérésie, je l'ai déjà raconté dans le deuxième fil référencé ci-dessus (discussion avec VANVDA du 3.2.2014); l'autre est arrivée à peu près quinze ans plus tard, peu après la mort de Derrida: Théolib avait décidé de lui consacrer un colloque, on m'avait demandé une contribution, j'étais réticent parce que je le connaissais très mal (je l'ai surtout lu par la suite), mais je m'y suis risqué en tâchant de m'en tenir à ce que je connaissais le mieux, en choisissant d'une part dans son oeuvre les textes qui semblaient se rapporter le plus directement aux textes "bibliques", d'autre part ce qui mettait le plus nettement en jeu la traduction (notamment en anglais, puisque Derrida a longtemps été mieux reçu en Amérique qu'en France; j'avais d'ailleurs intitulé ma contribution -- que j'ai perdue depuis, comme l'exposé précédent -- Derridamériques); c'est ainsi que je suis tombé, entre autres, sur le texte "Des tours de Babel", qui m'a beaucoup marqué tout en me rappelant des souvenirs...

Détail (de traduction justement): en Genèse 11,9 Derrida suit Chouraqui, qui contrairement à la plupart des traductions laisse entendre que Yahvé peut être le sujet du verbe qr', "il appela" (cria, etc.) son nom Babel", ce qui est tout à fait possible d'après le texte massorétique; en revanche celui-ci ne permet guère que le nom Babel soit compris comme celui de Yahvé (un autre nom de Yahvé en plus de "Yahvé"), ainsi que Derrida le suggère, car le possessif est féminin (šmh et non šmw), "son nom à elle", se référant assez clairement à la ville. La Septante, en revanche, supprime la première possibilité en traduisant au passif, et transpose le jeu de mots en grec: "son nom (toujours au féminin) fut appelé Sunkhusis (Sugkhusis, Mélange ou Confusion, de même p. ex. 1 Samuel 5,11LXX ou Actes 19,29), car là Seigneur mélangea la lèvre (= langue, mais là-dessus le grec calque l'hébreu) de toute la terre..." Le verbe grec sun/g-kheô qui porte le jeu de mots est apparenté à celui qui décrira ce qu'on appelle "l'ef-fusion" de l'esprit à la Pentecôte (ek-kheô, Actes 2,17s.33; 10,45, "répandre au-dehors, aussi pour les tripes de Judas, 1,18, ou le sang d'Etienne, 22,20; et ailleurs, notamment pour le "sang versé" de l'eucharistie, Marc 14,24//, ou le vin nouveau dans les vieilles outres, 2,22//).

Un autre problème de traduction et de tradition plus accessoire et élémentaire, mais non négligeable, consiste à transcrire ici et seulement ici "Babel" le toponyme partout ailleurs transcrit "Babylone": "la tour de Babylone", ça surprend, et pourtant le lecteur de l'hébreu ne peut pas comprendre autre chose, parce qu'il lit aussi "Babel" partout où nous lisons "Babylone"...

Je signale aussi, à propos de l'intertexte (en partie) derridien référencé par free, que le "Lebab" rapproché par Joyce (Finnegans Wake) de "Babel" (anagramme ou palindrome) est l'une des formes du mot hébreu pour "coeur" (l'autre étant leb, sans redoublement de consonne), ce qui ouvrirait encore une infinité de pistes (fausses comprises ou non): chaque coeur un Babel, un autre et toujours le même, avec ses traductions, traditions, trahisons, etc.
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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeVen 02 Juin 2023, 14:12

La scénographie énonciative johannique dans le récit de l’arrestation de Jésus (Jean, 18, 1-12)

Ces différences entre Jean et les autres évangélistes se retrouvent lors de l’arrestation de Jésus, qui ouvre la section de la Passion du Christ.

3.  Arrestation de Jésus

43 Au même instant, comme il parlait encore, survient Judas, l’un des Douze, avec une troupe armée d’épées et de bâtons qui venait de la part des grands prêtres, des scribes et des anciens.44 Celui qui le livrait avait convenu avec eux d’un signal : « Celui à qui je donnerai un baiser, avait-il dit, c’est lui ! Arrêtez-le et emmenez-le sous bonne garde. »45 Sitôt arrivé, il s’avance vers lui et lui dit : « Rabbi. » Et il lui donna un baiser.46 Les autres mirent la main sur lui et l’arrêtèrent.(Marc 14, 43-46)

 47 Il parlait encore quand arriva Judas, l’un des Douze, avec toute une troupe armée d’épées et de bâtons, envoyée par les grands prêtres et les anciens du peuple.48 Celui qui le livrait leur avait donné un signe : « Celui à qui je donnerai un baiser, avait-il dit, c’est lui, arrêtez-le ! »49 Aussitôt il s’avança vers Jésus et dit : « Salut, rabbi ! »Et il lui donna un baiser.50 Jésus lui dit : « Mon ami, fais ta besogne ! ». S’avançant alors, ils mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent. (Matthieu 26, 47-50)

47 Il parlait encore quand survint une troupe. Celui qu’on appelait Judas, un des Douze, marchait à sa tête ; il s’approcha de Jésus pour lui donner un baiser.48 Jésus lui dit « Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme ! » (Luc 22, 47-48)

Ayant ainsi parlé, Jésus s’en alla, avec ses disciples, au-delà du torrent du Cédron ; il y avait là un jardin où il entra avec ses disciples.2Or Judas, qui le livrait, connaissait l’endroit car Jésus y avait maintes fois réuni ses disciples.3Il prit la tête de la milice et des gardes fournis par les grands prêtres et les Pharisiens, il gagna le jardin avec torches, lampes et armes.4Jésus sachant tout ce qui allait lui arriver, s’avança et leur dit : « Qui cherchez-vous ? »5Ils lui répondirent : « Jésus le Nazôréen ». Il leur dit : « C’est moi. » Or, parmi eux ,se tenait Judas qui le livrait.6Dès que Jésus leur eut dit ‘‘C’est moi’’, ils eurent un mouvement de recul et tombèrent.7À nouveau, Jésus leur demanda : « Qui cherchez-vous ? » Ils répondirent : « Jésus le Nazôréen. »8Jésus leur répondit : « Je vous l’ai dit, c’est moi. Si c’est donc moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci. »9C’est ainsi que devait s’accomplir la parole que Jésus avait dite : « Je n’ai perdu aucun de ceux que tu m’as donnés. »10 Alors Simon Pierre, qui portait un glaive, dégaina et frappa le serviteur du grand prêtre, auquel il trancha l’oreille droite ; le nom de ce serviteur était Malchus.11 Mais Jésus dit à Pierre : « Remets ton glaive dans ton fourreau ! Comment ? je ne boirais pas la coupe que le Père m’as donnée ? » 12 La milice avec son commandement et les gardes des Juifs saisirent donc Jésus et ils le ligotèrent. (Jean 18, 1-12) 

Jean choisit de ne pas mentionner les paroles de Judas qui désignent Jésus aux soldats venus l’arrêter et, en contrepartie, il donne à Jésus un rôle central dans la maîtrise du processus, ce qui, comme on le verra plus en détail, rejaillit sur l’image discursive de Judas. Le récit, en ne mentionnant pas les paroles de Judas, inscrit le rôle de ce dernier dans la réalisation de la prophétie. Judas n’est plus un « traître » intrinsèquement mauvais, c’est celui qui, pour son malheur, a été choisi comme l’instrument par lequel arrive la Passion du Christ. Cette différence est significativement marquée, non seulement dans le récit de l’arrestation, mais elle était indiquée dès l’annonce de celle-ci, puisque le texte mentionne en 13, 27, que c’est après que Jésus lui eut offert la bouchée qui le désignait « que Satan entra en Judas ».

https://www.researchgate.net/publication/349688809_La_scenographie_enonciative_johannique_dans_le_recit_de_l'arrestation_de_Jesus_Jean_18_1-12
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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeVen 02 Juin 2023, 15:02

Cf. supra 13.4.2023.

Le côté "maîtrise" de la Passion selon Jean (éminemment paradoxal par rapport à la notion même de Passion, passive, subie) est souligné par la quasi-totalité des commentaires, Rabatel n'a pas pu passer à côté. Pour rappel, d'un point de vue "diachronique" un premier livre, ou un premier état du livre, s'arrêtait probablement avec la conclusion du chapitre 12, donc faisait l'économie (= se passait) d'un récit de la Passion (même si l'idée de la crucifixion, associée paradoxalement à celle d'élévation dans la formule "être élevé de la terre", y jouait déjà un rôle important, cf. 3,14ss; 8,28; 12,32ss). Ainsi que nous l'avons souvent remarqué, la "différence johannique" se réinscrit, différemment, à mesure des rédactions et des "corrections", même quand celles-ci sont requises par l'orthodoxie de la "grande Eglise": elle se dit aussi bien dans la Passion que sans la Passion -- et même avec le vocabulaire traditionnel (c'est le cas de le dire) de la "trahison-livraison", employé de façon ostensiblement stéréotypée: Judas est "le traître", c'est presque un surnom comme "l'Iscariote", c'est en tout cas son rôle dans une intrigue connue dès le départ (cf. 6,64.71; 12,4; 13,2.11.21; 18,2.5 -- l'ironie atteint son comble dans la parodie de la "communion satanique" du chap. 13). D'autant que l'acte de Judas (paradidômi) se répercute sur d'autres "sujets", pour finir par Jésus lui-même qui "livre l'esprit", cf. 18,30.35s; 19,11.16.30.

Quant au "baiser de Judas", devenu proverbial, et même idiomatique dans les langues germaniques et nordiques (cf. Kierkegaard, l'apologétique baiser-de-Judas de la sottise), il remonte à la première tradition évangélique connue (Marc 14,44s) et se réfère probablement, en-deçà, à une pratique "chrétienne" généralisée, comme le montre la mention du baiser dans les salutations de fins d'épîtres (Corinthiens 1 et 2, Romains, 1 Thessaloniciens, 1 Pierre; cf. Actes 20,37). Signe non seulement d'amitié (philèma > philia) mais d'appartenance, de communion, etc., dans un groupe déterminé et relativement clos (quoique le signe en soi fût certainement commun à de nombreux groupes, sociétés, associations, partis, écoles, "mystères" exclusifs les uns des autres), il se retourne presque idéalement en moyen de "trahison", surtout comprise comme "livraison" à l'extérieur, à l'étranger, au profane, au rival, à l'ennemi, à l'adversaire...
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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeMer 21 Juin 2023, 14:36

Livrer et se livrer – La tradition chez Karl Barth

4. Les pécheurs livrés à la perdition par la colère divine

Selon un premier aspect du paradounai divin, celui d’une juste colère, Dieu « livre » les hommes pécheurs à eux-mêmes ou à Satan. Ces réprouvés sont représentés dans le texte biblique par trois classes d’hommes. Tout d’abord, comme le discours d’Étienne devant le Sanhédrin rapporté en Actes 7 le rappelle, les Israélites se sont rendus coupables d’idolâtrie au désert en se façonnant un veau d’or et en lui offrant des sacrifices. La réaction divine est conforme au péché commis : « Dieu se détourna d’eux et les livra au culte de l’armée du ciel » (Actes 7,42). Quant aux païens, Paul affirme en Romains 1,18-32 qu’ils subissent également la colère divine, car ils ont pu connaître Dieu et ne l’ont pourtant pas honoré. Ils sont livrés aux convoitises de leurs cœurs (v. 24), à des passions avilissantes (v. 26), à leur intelligence dénuée de jugement (v. 28). Enfin, les chrétiens eux-mêmes méritent de recevoir un châtiment semblable s’ils se montrent indignes. Ainsi, Paul condamne sévèrement le Corinthien qui vit avec sa belle-mère, estimant qu’il faut « livrer cet individu à Satan pour la perte de sa chair, afin que l’esprit soit sauvé au Jour du Seigneur » (1 Corinthiens 5,5) ; de même, il écrit à Timothée : « Certains ont fait naufrage dans la foi ; entre autres, Hyménée et Alexandre, que j’ai livrés à Satan pour leur apprendre à ne plus blasphémer » (1 Timothée 1,18-20). Selon ces trois catégories de l’humanité, tous les pécheurs sont susceptibles de faire l’objet d’un paradounai divin pour la perdition :

Les Israélites, qui se réjouissent, à la manière des Égyptiens, des œuvres de leurs mains, sont livrés à une idolâtrie sans mesure ; les païens, qui se réclament de leur propre sagesse, connaissent la folie d’une immoralité effrénée ; les chrétiens, qui ont méprisé la liberté des enfants de Dieu, se retrouvent simplement sous la puissance et la domination de Satan. Telle est l’œuvre de la colère de Dieu (§ 35, p. 480).

Nul ne peut se soustraire à la justice divine ; devant le risque d’être livré par Dieu lui-même au pouvoir du péché, aucune présomption orgueilleuse ne saurait subsister. Au contraire, l’évocation du sort des réprouvés doit susciter un certain sentiment de solidarité : « Nous ne pouvons que reconnaître que nous avons mérité nous aussi la colère de Dieu dont l’Écriture nous dit qu’elle a éclaté contre eux » (§ 35, p. 489). Mais aussi, elle doit porter à s’interroger sur une possibilité de rédemption : qu’advient-il finalement du pécheur que Dieu a rejeté ?

5. Le paradounai divin primordial

Dieu livre l’homme pécheur à lui-même et à Satan ; c’est le sort du réprouvé. Mais d’autre part, et dans un même mouvement, il livre son fils Jésus pour le salut du pécheur. Or, ce second aspect de l’acte de livrer de la part de Dieu est en fait le premier, le plus originaire, celui que Barth nomme le « paradounai divin primordial » :

Manifestement, nous avons affaire ici au paradounai qui précède tous les autres en valeur et en importance. Avant que Judas ait livré Jésus, c’est Dieu (ou Jésus) qui l’a fait. Avant d’être un objet de la ’tradition’ (ou ’transmission’) apostolique, Dieu s’est ’transmis’ lui-même. Avant de ’livrer’ dans sa colère les païens et les Juifs, il s’est livré, abandonné, sacrifié lui-même : il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous. (Romains 8,32) (§ 35, p. 483)

Contrairement à Judas qui livre l’autre sans se livrer lui-même, Dieu s’est avant toute autre chose livré en faveur de sa créature, et c’est pourquoi sa paradosis reste pure et juste en toutes ses différentes expressions, même lorsqu’elle implique le rejet du pécheur. Elle est inscrite au cœur du projet éternel de Dieu d’établir l’homme dans une relation d’amour avec lui. Dans l’histoire, ce projet prend la forme concrète de l’envoi du Fils par le Père, auquel correspond l’obéissance du Fils : l’amour éternel de Dieu pour l’homme repose sur ce double acte de « livrer » et de « se livrer », ainsi qu’en témoignent les textes pauliniens associant les deux thèmes de la paradosis et de l’agapè (Romains 8,32.35 ; Galates 2,20 ; Éphésiens 5,25).

https://www.cairn.info/revue-communio-2017-5-page-73.htm


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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeMer 21 Juin 2023, 15:53

Je n'oublierai jamais (parenthèse autobiographique, bibliographique et anecdotique) ma toute première découverte de Karl Barth, alors que je venais d'accepter, après moult réticences, d'entrer dans une faculté de théologie "évangélique" dont je pressentais la doctrine (essentiellement calviniste) presque aussi étouffante que le jéhovisme dont j'étais sorti à peine un an plus tôt. C'était la transcription, trouvée par hasard dans une bibliothèque on ne peut plus généraliste (celle du centre Beaubourg/Pompidou à Paris) d'une conférence assez tardive, L'humanité de Dieu, qui constituait d'ailleurs une sorte de palinodie ou de rétractation par rapport à ses premiers enseignements, notamment ceux du commentaire (très "kierkegaardien") sur l'épître aux Romains. Je n'en ai probablement pas compris tous les enjeux théologiques et philosophiques, mais je me suis instantanément dit: voilà comment je vais pouvoir respirer, même plongé dans a dogmatique la plus asphyxiante -- parce qu'il y allait d'une "méthode", "dialectique", pour ne pas se laisser enfermer dans des affirmations ou des négations massives et des alternatives exclusives. Et de fait la lecture de Barth m'a considérablement aidé à "survivre" au cours des années suivantes, même si je m'en suis beaucoup éloigné plus tard.

A distance donc, assez longue maintenant, qui m'a ramené de la théologie dogmatique à l'exégèse et à la traduction des textes "bibliques", puis de ceux-ci vers d'autres rivages littéraires et philosophiques, je me dis que l'interprétation barthienne était sans doute trop intelligente pour les textes du NT, et que son intelligence "dialectique" devait beaucoup à Hegel en-deçà de Kierkegaard... N'empêche que pour une "dogmatique ecclésiastique" (Kirkliche Dogmatik), contrainte par définition, sinon par contrat, à fournir une sorte de synthèse intelligible, crédible et "prêchable" dans une "Eglise" (protestante) réelle, c'était sans doute ce qui pouvait se faire de mieux, du moins à cette époque-là (qui était aussi celle de l'"existentialisme" post-kierkegaardien en philosophie): en tout cas je ne regrette pas le temps que j'ai consacré à cette lecture qui peut paraître aujourd'hui "confidentielle", et je me réjouis qu'elle soit encore appréciée de quelques-uns.

L'idée principale de Barth, ce que les amateurs d'étiquettes ont appelé la "concentration christologique", pourrait aussi se décrire comme un tour de passe-passe: réinscrire encore et toujours le Christ, à la fin comme au commencement ou au milieu de tout raisonnent, ce qui déjoue notamment la symétrie de la logique: Jésus-Christ est l'Elu en qui tous les élus sont élus, mais (ou plutôt parce qu')il est aussi le Réprouvé en qui tous les réprouvés sont réprouvés; il n'est pas l'un sans être l'autre, ce qui remet indéfiniment en question toute déduction qu'on pourrait en tirer sur le "salut" des uns et la "perdition" des autres (c'est ce qu'on appelait "universalisme dialectique", autant dire que chez les "évangéliques" ce n'était pas un compliment). Dans le langage des évangiles, il ne serait pas "Jésus" sans être aussi "Judas", dans le langage paulinien (qui ne connaît pas de "Judas") il ne serait pas "livré" ou ne "se livrerait" pas sans être "livré au péché" ou "au diable" comme le dernier des "païens" ou des "juifs" condamnés, mais sauvés en fin de compte en lui par cette condamnation même (soit à peu près ce que le Réformé français Pierre Maury avait compris en prolongeant le mouvement de Barth dans ses essais sur la prédestination et l'élection, avec la bénédiction après coup du maître suisse...).
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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeHier à 16:06

Traduire : la lettre est l'esprit
Georges Zimra

La découverte des manuscrits de Qumram en 1949 met en évidence des textes nettement différents du texte proto massorétique à partir de cette date il est possible d’étudier l’histoire de la Bible à partir des témoins conservés et non plus simplement des versions. Il s’opère un reversement de la perspective : le grec qui avait éclairé l’hébreu, se trouve à son tour éclairé par l’hébreu ainsi que l’œuvre des traducteurs. Pour autant on ignore l’état du texte hébreu qui permit la traduction des Septante tout comme on ignore l’original de la Septante. La Bible fut ouverte aux concepts philosophiques grec, la « bonté », « la justice » apparaissent là ou l’hébreu évoque l’apaisement ou la colère (254) Théos, remplaça Elohim, Kurios fut employé pour Iahvé, Pantokrator pour Adonaï sebaoth. Si pour les premiers le messie forme khristos, les seconds, avec Aquila, pour qui le messie n’est pas encore venu, désignent l’onction non pas par khristos, mais par aleiphen. Le tétragramme, imprononçable depuis la première destruction du temple est retranché de l’oralité, exclu de la pluralité signifiante. La transcendance doit demeurer hors langage, hors corporéité. La traduction effaça les jeux sonores, les assonances, toute une poétique de la lettre. Les métaphores furent remaniées « être incirconcis des lèvres » est rendu en grec par « être sans paroles » En (Dt, 10 ; 16) ; l’hébreu parle de « l’incirconcision du prépuce du cœur » le grec, « la dureté du cœur » En (Is 59 ; 20).

Marguerite Harl met en évidence la rhétorique de l’énonciation du Nouveau Testament. Le statut des Écritures va se trouver radicalement transformé. Il en résultera une tentation majeure celle de priver la Bible de son énonciation pour la réduire à un énoncé. Là est la véritable violence : Celle de faire perdre au Texte son statut d’énonciation, de le réduire à un signifié chargé d’être le support d’une nouvelle théologie. Ainsi en (Rm, 11 ; 26) « Il est écrit de Sion viendra le libérateur », la Septante, « à cause de Sion » et le texte massorétique « pour Sion ». D’un texte à l’autre, d’une traduction à l’autre, la vérité se fend, se lézarde sous les effets persécuteurs de la lettre et son dévoiement. C’est à Origène que l’on doit l’interprétation chrétienne des Écritures, leur « christianisation ». Pour lui l’Écriture est comme l’agneau pascal dont il ne faut en aucun cas manger « la chair crue » pas plus qu’elle ne doit être bouillie pour ne pas la rendre flasque. Il « faut la rôtir » en la passant au feu de l’esprit chrétien. L’opposition de la lettre et de l’esprit procède d’une christianisation du texte, elle traduit une caducité de la Torah dont la visée est une destitution énonciatrice « car la lettre tue, l’esprit vivifie ». Cette distinction de l’esprit et la lettre méconnaît que la lettre c’est l’esprit, qu’il n’y a pas d’esprit qui se donnerait hors de la lettre, sinon à la réduire, à l’annuler, et à la rendre caduque, ancienne, révolue. L’anti judaïsme théologique est là. En ne laissant subsister que l’esprit on escamotait la lettre, de fait l’intraduisible était d’emblée là mais sous la forme de l’omission, de soustraction, ou du forçage. Un sens nouveau s’impose qui réduit le premier à une lettre morte d’où son nom d’Ancien Testament. L’intraduisible souligne à la fois la résistance de la langue à se laisser réduire, mais aussi la violence qui lui est faite pour tenter de la réduire. Cette violence n’est autre que la haine que l’on voue au symbolique, c’est-à-dire à la volonté de réduire la question de l’origine et de l’oublié à celle d’un commencement et d’un inaugural. Il y a un irréductible de la langue, qui refuse de se laisser adapter, circonscrire, transposer, traduire. Chaque traduction révèle tout autant le sens qu’on a voulu voiler, et celui qu’on prétend dévoiler. Opposer le nouveau à l’ancien, la lettre à l’esprit, l’esprit à la chair, c’est produire une opération d’enfermement, de réduction, de fossilisation d’un Texte en faisant de l’origine ce qui annonce le commencement. Le Texte ancien ne constitue pas un corpus achevé et caduque, il continue au travers du Nouveau testament, d’habiter le Texte, de le transformer, de le prolonger, de le hanter. Le Texte juif acquiert pour la chrétienté, un statut d’archive, de texte témoin, d’arbre généalogique du Christ. Il est ce qui contient et entrave la promesse messianique, ce qui la réalise et en suspend l’accomplissement. La source d’inépuisables querelles sur le statut de la vérité des Écritures, de l’inspiration divine qui les anime, de la raison qui les habite.

https://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2006-1-page-153.htm
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MessageSujet: Re: trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances   trahisons, traditions, traductions, livraisons, délivrances - Page 2 Icon_minitimeHier à 19:16

Article passablement confus...

Dans le même genre:

Il y a sûrement de la violence dans la traduction, si on traduit un texte d'une langue à l'autre comme on traduit, traîne ou livre quelqu'un au tribunal, voire au supplice, sans même le prétexte d'une loi ou d'un commandement: rien ne légitime ni ne justifie qu'on traduise, ni comment on traduit, il n'y a pas de limite claire entre traduction et trahison; pas de traduction qui ne trahisse, ni de trahison qui ne traduise. D'ailleurs qu'est-ce qu'on traduit au juste, si à partir d'un texte on ne produit jamais qu'un autre texte ? Tout change, les sons, les signes, on ne fait que reconstituer artificiellement de l'insaisissable, des "structures", des "idées", du "sens", sans pouvoir l'énoncer autrement que par d'autres énoncés, sans garantie d'aucune équivalence ou correspondance (coinzidenza, comme dit bien l'italien ferroviaire) entre le départ et l'arrivée. Ce qu'on croit saisir et livrer aussi bien s'échappe, ou se délivre, comme le jeune homme nu de Marc sous son drap. De l'autorité ou de l'authenticité de l'auteur, de l'originalité de l'origine (arkhè) il ne reste rien de concret, rien qui passe à coup sûr: an'archie; c'est l'épreuve de Babel, comme dans la Genèse entre les origines et l'appel d'Abra(ha)m. C'est encore la part de vérité de la légende d'Aristée rappelée au début de l'article: il faudrait que la traduction soit aussi "inspirée" que l'original, autrement dit qu'elle se passe d'original et ne soit pas du tout une traduction. Double bind, double contrainte, impossibilité du nécessaire et nécessité de l'impossible, le traducteur ne connaît que ça -- ça rend intelligent comme ça rend fou.
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