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 Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8

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MessageSujet: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeVen 15 Sep 2023, 13:03

La deuxième vision qui occupe le chapitre 8 du Livre de Daniel se serait produite « en l’an 3 du règne de Balthazar ». Elle prétend se situer à Suse, ville dont la fondation remonte à une très lointaine antiquité, qui occupe un point de passage entre la vallée du Tigre et le plateau iranien, et qui devint au Ve siècle avant notre ère la capitale du nouvel Empire perse. Un bélier aux cornes dissymétriques affronte un bouc armé d’une longue corne unique qui, après avoir donné l’avantage à son possesseur, se brise en quatre parties. De l’une d’elles sortira une corne nouvelle qui, durant plus de trois ans, ravagera le sanctuaire de Jérusalem et abolira les sacrifices offerts à YaHWeH.

Prostré par l’horrible spectacle dont il vient d’être témoin, incapable de comprendre la signification de ce cauchemar, Daniel reçoit la visite de l’archange Gabriel à qui fut confiée la mission d’éclairer la lanterne du prophète. Le bélier aux deux cornes représente les souverains des Mèdes et des Perses, tandis que le bouc serait le roi de Yavan6, c’est-à-dire Alexandre le Grand de naissance macédonienne, dont l’empire fut à sa mort partagé entre quatre de ses généraux. La corne qui attaque le peuple d’Israël représente les souverains séleucides et, en particulier, Antiochos Épiphane, qui, sous la forme symbolique d’une corne, était apparu dans la première vision de Daniel.

6Selon le Livre de la Genèse (10, 2), Yavan serait le quatrième fils de Japhet, fils de Noé. Ce nom viendrait du mot Iônes (Ioniens) qui désignait chez les Hébreux les Grecs de l’Asie Mineure et, par extension, tous les peuples de culture grecque.


https://www.usherbrooke.ca/apprus/fileadmin/sites/apprus/documents/Publications/ClaudeBoucher/livre/1.5_LE_LIVRE_DE_DANIEL.pdf
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeVen 15 Sep 2023, 14:06

Je me demandais quel rapprochement pictural avait trouvé Boucher (cf. encore ici 10.9.2023), et c'est de nouveau Rembrandt (cf. plus bas p. 51).

Du point de vue de la chronologie interne du livre de Daniel (tel qu'il est, sans préjudice de sa "préhistoire"), on reviendrait en arrière de la dernière nuit de Balthazar, non datée par rapport à son "règne" (chap. 5), et du règne subséquent de "Darius le Mède", sans autre précision, pour l'épisode de la fosse aux lions (chap. 6), à la première année du "règne" de Balthazar (chap. 7), puis à sa troisième (chap. 8 ) -- donc de l'empire perse au néo-babylonien. Et du point de vue géographique on passerait de Babylone à Suse, en Elam (8,1s; de nouveau scène principale d'Esther, mais comme capitale perse, 1,2 etc., cf. aussi Esdras 4,9; Néhémie 1,1), intégrée à l'empire perse avant même Babylone... il ne faut pas contrarier Daniel.

Au passage, je remarque que dans la "Septante" ou première (?) version grecque de Daniel 6,1 il y a d'abord un "Artaxerxès le Mède", en conclusion du récit du chap. 5, puis un "Darius" pour introduire celui du chapitre 6; ce que Théodotion ramène à une conformité (relative) au texte araméen, avec le seul Darius...

En relisant le chapitre 8, où la figure d'Antiochos (la petite corne issue de l'une des quatre) devient centrale, beaucoup plus nettement qu'au chapitre 7, je remarque un détail: c'est la première fois qu'apparaît l'idée de la vision close ou scellée (stm ici, stm / htm 12,4.9), autrement dit celle de la prédiction à long terme et incompréhensible pour le récepteur et ses contemporains, qui fait partie intégrante du dispositif pseudépigraphique, "antidaté" de plusieurs siècles. On retrouve une expression similaire en 9,24, avec l'autre verbe (htm) du chapitre 12: "sceller vision et prophète".
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeVen 15 Sep 2023, 15:15

"J'entendis parler un saint ; et un autre saint dit à celui qui parlait : Jusqu'à quand durera la vision sur le sacrifice constant, sur la transgression dévastatrice, sur le sanctuaire et l'armée livrés et piétinés ? Et il me dit : Jusqu'à deux mille trois cents soirs et matins ; après quoi le sanctuaire sera rétabliTandis que moi, Daniel, je regardais cette vision et que je cherchais à la comprendre, apparut quelqu'un qui avait l'aspect d'un homme vaillant ; il se tenait debout devant moi. J'entendis la voix d'un être humain au milieu de l'Oulaï ; il criait : Gabriel, fais comprendre la vision à celui-ci. Il vint alors près de l'endroit où j'étais. A sa venue, je fus rempli d'effroi et je tombai face contre terre. Il me dit : Comprends, humain, car la vision est pour le temps de la fin. Comme il me parlait, je restai frappé de torpeur, face contre terre. Il me toucha et me fit tenir debout à l'endroit où j'étais. Puis il me dit : Je te fais connaître ce qui arrivera au terme de la fureur, car il y a un temps fixé pour la fin. Le bélier que tu as vu et qui avait deux cornes, ce sont les rois de Médie et de Perse. Le bouc velu, c'est le roi de Grèce. La grande corne entre ses yeux, c'est le premier roi. Les quatre qui se dressèrent à sa place quand elle fut brisée, ce sont quatre royaumes qui se dresseront à partir de cette nation, mais qui n'auront pas sa force" (8,15-22).

Dans le chapitre 8, nous sommes loin du Daniel du chapitre 5, qui pouvait "donner des interprétations et résoudre des questions difficiles", Daniel après avoir vu la vision, cherchera à la comprendre en vain, suite à cela,  "la voix d'un être humain au milieu de l'Oulaï" donner l'ordre suivante à l'(arch)ange Grabriel : "fais comprendre la vision à celui-ci" .

Un extrait :

Michel et Gabriel : gloses dans le texte biblique de Daniel ? 
Olivier Munnich

Les anges sont mentionnés cinq fois par leur nom dans le texte hébreu de ce livre : Gabriel l’est deux fois (8.16 «Gabriel, fais comprendre à celui-ci la vision » et 9.21 «l’homme Gabriel que j’avais vu en vision au début, d’un vol rapide s’approcha de moi»); Michel l’est trois fois (10.13 « et voici que Michel, l’un des premiers princes, est venu à mon aide », 10.21 « il n’en est pas un qui se tienne fortement avec moi contre ceux-là, sinon Michel votre prince» et 12.1 « et en ce temps-là se dressera Michel, le grand prince qui se dresse pour les fils de ton peuple». Or, la mention de noms angéliques dans le livre de Daniel suscite deux questions: alors que la fonction de ces anges n’y est pas neuve par rapport à des livres bibliques plus anciens (interprétation d’une part, intervention guerrière et intercession de l’autre), on est surpris qu’ils soient parfois identifiés par un nom. En outre, à l’intérieur même du recueil daniélique, il est étonnant que Gabriel et Michel soient, dans certains cas, nommés, puisque d’autres interventions angéliques sont anonymes. On citera en grec les lieux concernés tant pour saluer l’helléniste attentif à la Bible grecque auquel ces pages sont dédiées que pour l’intérêt que présente ici la première version grecque de la Bible. Tourmenté par l’apparition du Fils d’Homme et de l’Ancien de jours, Daniel s’adresse à «l’un de ceux qui se tenaient là » et il l’interroge sur le détail de l’apparition (7.16); l’arrivée de l’angelus interpres est précédée, au chap. 8, d’une conversation entre deux « saints » (une des désignations des anges 3); en 8.13, la formulation bizarre du texte hébreu souligne fortement leur caractère anonyme : «l’un, un saint»4  parla à «un tel» : l’hébreu (...), que la Septante choisit de translittérer (...) mais que le réviseur juif Symmaque rend judicieusement par (...), est la contraction des termes (...), présents en Ruth 41 ; la Septante les rend par (...) ; le Targum Jonathan rend ailleurs (...), « couvert et caché 5 ». Par de tels choix, le texte biblique souligne le caractère impersonnel des interlocuteurs angéliques. Au chap. 10, la splendeur de l’ange est décrite, mais celui-ci n’est désigné que par les mots «un homme» (v. 5). Enfin l’ouvrage se clôt par l’apparition de « deux autres» (12.5) qui s’adressent à « l’homme vêtu de lin», selon l’hébreu, ou à (...); (...) selon la Septante (12.6), peut-être héritière ici de la formulation la plus ancienne. Par rapport à des désignations aussi abstraites que (...), la mention de Gabriel et de Michel forme un contraste surprenant.

Les exégètes anciens du texte hébreu ont identifié ces êtres sans nom: selon le midrash Beréshit Rabba 21-22, le saint qui parle en 8.13 serait Gabriel ou Dieu, son interlocuteur anonyme Michel ou, selon une autre ligne exégétique, Adam, grâce à une interprétation libre de (...) compris comme s’il y avait, «celui qui se trouve à l’intérieur», tout proche de la présence de Dieu, soit Adam avant sa faute.6

(...)

La narration de la Septante repose sur une indétermination fondamentale : l’homme qui apparaît (v. 15) est-il le même que celui qu’entend Daniel (v. 16) ? Si ce n’est pas le cas, la première interprétation de la vision au v. 16 est-elle le fait du premier ou du second? Celui qui vient se tenir auprès de Daniel au v. 17 et s’adresse à lui est-il le personnage qui a proposé l’interprétation au v. 16 ou celui qui est apparu au v. 15? Dans ce cas, pourquoi dire au v. 17 qu’il se tient près de Daniel, puisque le fait a déjà été mentionné au v. 15 ? Par rapport à cela, la formulation du texte massorétique apparaît comme le résultat d’une réfection explicative (...). Dans ces conditions, le remplacement de (...) ; par (...): marquerait un premier effort de différenciation entre les êtres célestes et il constituerait une préparation de la mention du nom propre Gabriel en un écho étymologisant dont Tobit 3.16-17, cité plus haut, fournit un parallèle dans la formulation de, soit en hébreu (...). Alors que le substrat sur lequel repose la Septante attribue à la voix qu’entend Daniel au v. 16 un premier élément d’interprétation (« cette vision concerne l’ordre»), le texte massorétique distingue nettement « la voix» qui donne l’ordre d’interpréter et celui qui reçoit l’ordre d’interpréter, Gabriel. Du coup, l’élément d’interprétation disparaît en ˜ du v. 16 et ne commence qu’au v. 19. Il y a donc là un réagencement substituant à une indifférenciation des rôles une répartition hiérarchique de ceux-ci. Autant cette évolution – dont on ne dissimule pas le caractère conjectural – se comprend aisément comme une réécriture visant à distinguer les acteurs, autant une évolution inverse, estompant les différences et introduisant des éléments de confusion, paraît invraisemblable sur le plan littéraire.­

https://www.persee.fr/doc/mom_0151-7015_2006_mel_35_1_2441
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Narkissos

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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeVen 15 Sep 2023, 15:51

Sur cet article, voir ici 5.5.2022.

Les considérations textuelles de Munnich en rejoindraient une autre, de critique historico-littéraire, que nous avons évoquée ailleurs (encore dernièrement ici, 8.9.2023): SI, selon une explication fréquente mais qui reste hypothétique, les "2300 soirs et matins" se réfèrent à la durée exacte (ou à peu près) de l'interruption (selon le point de vue de Daniel ou des Maccabées) du "sacrifice constant" bi-quotidien (soir et matin), soit 1150 jours, alors cette "précision" est peut-être secondaire dans le texte même de Daniel 8. La vision proprement dite du chapitre 8 n'indique aucune durée, c'est un dialogue de "saints" qui l'introduit verbalement après coup, assez maladroitement comme le note Munnich, entre vision et interprétation angélique, aux v. 12s. Or c'est précisément à ces "soirs et matins" que se réfère le v. 26 qui correspond par ailleurs aux conclusions du chapitre 12 (fermer/sceller la vision, les paroles, etc.), en-deçà des "prolongations" ultimes (1290 / 1335 jours) rajoutées encore plus tard (après les conclusions). Cela suggère, à mon sens, que la rédaction principale (non pas tout à fait finale) de la seconde partie du livre se situe à une période où la "profanation" est en cours, où on ne connaît pas sa "fin" historique et où on peut donc encore croire que celle-ci coïncidera avec une "fin" absolue, de l'histoire sinon du monde (eschatologie, royaume de Dieu, du Fils de l'homme ou de Mich[a]el) -- ce qui n'est plus possible une fois que la "purification" historique du sanctuaire a eu lieu, et a fortiori quand un nouvel ordre politique et religieux (Maccabées -> hasmonéens) s'est installé dans sa suite. Dans cette "rédaction principale" la durée de l'épreuve resterait exprimée de façon plus vague et ambiguë (un temps, des temps et la moitié, chap. 7 et 12, "traduits" en demi-semaine au chap. 9).

Le paradoxe, d'un point de vue historico-critique, c'est que le livre de Daniel est à la fois parmi les plus explicitement et outrageusement antidatés (de plusieurs siècles) et celui qui paraît le plus facile à dater, presque phrase à phrase et au mois près, dans ses dernières rédactions.
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeDim 17 Sep 2023, 10:13

"Moi, Daniel, je fus plusieurs jours affaibli et malade ; puis je me levai et m'occupai des affaires du roi. J'étais atterré à cause de la vision ; je ne la comprenais pas" (8,27).

Daniel avait eu l'aide de Gabriel qui lui avait expliqué la vision, pourtant il ne l'avait pas comprise.  Shocked
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeDim 17 Sep 2023, 11:02

En effet, c'est d'autant plus remarquable que le défaut d'intelligence (ou la non-compréhension) a déjà été noté(e) et que Gabriel est précisément venu pour y suppléer (v. 15ss; même schéma dans la conclusion, 12,8-10). Mais cette contradiction ne fait que souligner le caractère insolite de la situation dans le dispositif pseudépigraphique, surtout sous son aspect d'antidatation: un Daniel du VIe siècle av. J.-C. n'aurait eu aucune chance de "comprendre" des événements du IIe (le "temps de la fin", v. 17.19, comme aux chap. 11--12), si clairement qu'on les lui explique, pour la bonne raison qu'il ne les connaissait pas. Cet effet de réel, ou de rapport à la réalité dans la fiction, contribue à rendre celle-ci vraisemblable, et sur un certain public cela fonctionne: tu te souviens sans doute comme moi d'une sorte de maxime qui avait cours chez les TdJ et que j'ai entendue dans plusieurs autres milieux ensuite, "les prophéties ne sont vraiment comprises qu'une fois réalisées" (bien sûr cela suppose qu'on détache le "temps de la fin" des événements effectivement "prédits" dans les textes pour les appliquer à d'autres, des siècles ou des millénaires plus tard, opération qu'on pourra renouveler autant qu'on veut).

Cela, du reste, n'empêche pas qu'ailleurs Daniel soit déclaré ou supposé comprendre, au moins partiellement, ce qu'il voit et ce qu'on lui dit (9,22ss; 10,1.12ss), ce qui établit malgré tout une certaine relation avec l'intelligence ou sagesse, à la fois don divin et aptitude personnelle, qui sert à quelque chose dans la première partie (surtout chap. 1; 2; 4; 5), comme dans le roman de Joseph.
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeDim 17 Sep 2023, 11:14

« J’entendis alors un Saint parler. Et un Saint dit à Celui qui parlait : Jusques à quand cette vision du sacrifice perpétuel, de la perversité dévastatrice, du sanctuaire livré et de l’Armée foulée aux pieds  ? Il me dit : Jusqu’à deux mille trois cent s soirs et matins ; puis le sanctuaire sera rétabli dans ses droits. » Daniel  VIII, 13-14


La persécution d’Antiochus Épiphane a duré “un temps, des temps et la moitié d’un temps” (Daniel VII, 25), soit trois ans et demi ou 1260 jours. La profanation du sanctuaire a duré, elle, “deux mille trois cents soirs et matins”, c’est -à-dire 1150 jours, soit un peu plus de 3 ans. L’expression “deux mille trois cents soirs et matins” désigne des demi- journées (1150 matins + 1150 soirs, soit 1150 jours) par référence aux deux sacrifices quotidiens effectués au Temple et appelés “sacrifice perpétuel” au verset 11. Le Temple profané ne sera purifié par Judas Maccabée qu’en décembre 164 (fête de la Dédicace), soit 3 ans jour pour jour après l’édification d’un autel consacré à Zeus Olympien à l’emplacement de l’autel des holocaustes. En fait, on peut compter, d’après Emile Osty, 1133 jours exactement entre la profanation de l’autel (I Maccabées I, 54) et le rétablissement des sacrifices (I Maccabées IV, 52). Dès le printemps 167 av. J.-C., Antiochus envoie dans les villes de Juda une armée importante. Celle-ci va piller et incendier Jérusalem : “Ils répandirent du sang innocent autour du sanctuaire et ils souillèrent le lieu saint” (I Maccabées  I, 37). Or, si 1133 jours séparent l’érection d’une statue de Zeus dans le Temple de sa purification par Judas Maccabée, il faut bien voir que cette seconde profanation est postérieure de plusieurs jours à la première profanation effective du sanctuaire opérée par les soldats d’Antiochus Épiphane (I Maccabées I, 37, 39). Elle est d’ailleurs postérieure également à l’interdiction formelle d’y poursuivre le culte traditionnel (I Maccabées I, 45-47). Il est bien évident qu’à partir du moment où le Temple a été souillé par les armées d’Épiphane , le sacrifice quotidien a été interrompu de fait. Si l’on suit Daniel jusqu’au bout, ce sont ces quelques jours (17, donc) ajoutés aux1133 jours séparant l’érection de la statue de Jupiter de la purification de l’autel et du Temple, qui font un total de 1150 jours et qui correspondent à la durée effective de l’interruption du sacrifice perpétuel. Il devient même possible, d’après Daniel, de dater rétroactivement avec exactitude le sac de Jérusalem par les troupes d’Épiphane, pillage qui constitue le point de départ réel de ces 1150  jours…


https://www.academia.edu/34824698/L_Apocalypse_selon_Daniel_-_Perspectives_historique_et_eschatologique_du_livre_de_Daniel
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeDim 17 Sep 2023, 11:51

Sur ce document dans ses diverses moutures, voir ici (du 17.3.2022 au 8.9.2023 au moins) et là (9.9.2023).

Je trouve cette explication assez symptomatique: quand on a regardé "la Bible" comme un livre sacré, inspiré, infaillible ou inerrant, miraculeux, surnaturel, pour ne pas dire magique (je ne sais toujours pas si Murcia a été TdJ mais il semble au moins s'y être intéressé de près), il est difficile de se départir à son endroit d'un préjugé ou d'une exigence d'exactitude absolue, quitte à les reporter sur de l'"histoire" ordinaire et pas miraculeuse pour un sou. Ce qui fait, entre autres, que même pour les ex-(TdJ, sectaires, fondamentalistes, etc.; C.O. Jonsson serait un autre bon exemple) une explication approximative (des différentes durées de Daniel, p. ex., ou des "70 ans" de Jérémie) paraîtra moins vraisemblable qu'une explication qui "tombe juste", fût-ce de façon complètement artificielle (ici, déduire une "durée historique exacte" des énoncés de Daniel me semble presque aussi absurde que la "méthode historiographique" de Josèphe qui, comme on l'a vu il y a peu, déduisait les événements des "prophéties" -- s'ils ont été annoncés, c'est qu'ils ont eu lieu comme ils avaient été annoncés). En réalité et en règle générale, les explications approximatives sont de loin les plus vraisemblables, compte tenu du savoir nécessairement situé, daté et limité de n'importe quel "auteur" réel. Mais il faut se (re-)mettre à la place des (ex-)"biblicistes" (sectaires, fondamentalistes, etc.): ils ont (avaient) du "merveilleux" qui "tombe juste" (dût-on pour cela avoir tout bidouillé, l'interprétation, le point de départ et le point d'arrivée), et on leur propose en échange de la banalité qui ne tombe même pas juste...

Sur le fond de l'affaire, voir supra 15.9.2023 (dernier échange de la journée) et les liens: à mon sens une indication de durée (plus ou moins) "exacte" serait forcément postérieure à la rédaction principale (non pas tout à fait "finale") de (la seconde partie de) Daniel qui se situe à une époque où la crise "historique" n'est pas terminée, où donc elle pourrait encore déboucher sur de l'eschatologie absolue (fin de l'histoire) -- possibilité qui disparaît très vite après la "purification" ou (nouvelle) "dédicace" du temple et l'installation du pouvoir maccabéen-hasmonéen, royal et sacerdotal. Au passage, cette précision chronologique tardive aurait été tout aussi vite perdue de vue, au moins dans certains milieux récepteurs de Daniel, car dans les deux versions grecques ("Septante" et "Théodotion") il est question de 2300 "jours" (hèmerai), donc d'une tout autre interprétation des "soirs et matins" -- qui pourrait correspondre, mais toujours à peu près, à la 70e semaine de Daniel 9, comptée à partir de la déposition ou de l'assassinat du grand prêtre Onias.

Il faut bien comprendre qu'une notion comme celle d'"interruption du sacrifice (constant / perpétuel)", qui peut passer à première vue pour un "fait objectif", historique, datable, dépend intégralement du point de vue de celui qui en parle: pour un partisan de la "réforme" hellénistique (Jason, Ménélas, etc.), il n'y a jamais eu d'"interruption" de quoi que ce soit, le culte de Yahvé n'étant pas entravé par son ouverture à un "oecuménisme" syro-hellénistique; pour ceux qui considéraient comme illégitimes la prêtrise et le rituel hasmonéens ("sectaires" de Qoumrân, hénochiens etc.), il n'y a jamais eu de rétablissement du culte (légitime). Entre les deux l'idée d'une interruption provisoire du culte, avec un début et une fin (qui n'est pas la fin de l'histoire), ne convenait qu'à ceux qui acceptaient le récit du pouvoir hasmonéen (celui précisément de 1 Maccabées) -- sans doute la majorité des Judéens dans la seconde moitié du IIe siècle; mais on ne peut pas identifier ce point de vue à celui du livre de Daniel, non seulement parce que la rédaction principale de celui-ci est antérieure mais parce qu'elle suppose un dénouement eschatologique et non historique.
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeLun 18 Sep 2023, 10:10

"Jusqu'à quand durera la vision sur le sacrifice constant, sur la transgression dévastatrice, sur le sanctuaire et l'armée livrés et piétinés ?" (8,13).

"L'un d'eux dit à l'homme vêtu de lin, qui se tenait au-dessus des eaux du fleuve : Quand viendra la fin de ces choses inouïes" (12,6).

Sous un message destiné à un avenir lointain (en tout cas pas immédiat, une fin futur et toujours repoussée), la question du "Combien de temps" est récurrente (Za 1,12 : "jusqu'à quand seras-tu sans compassion pour Jérusalem").
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeLun 18 Sep 2023, 11:51

La question "jusqu'à quand" (ici `d-mty) se retrouve dans beaucoup de textes et de "genres littéraires", où elle n'a pas toujours la même fonction. Le plus souvent dans les prières, les complaintes, c'est une expression de souffrance, de lassitude, d'impatience, de désespoir, qui n'attend aucune réponse verbale et encore moins chronologique; c'est plutôt un appel à l'action (surtout divine) pour mettre fin à une situation ressentie comme pénible ou anormale -- c'est parfois le dieu qui demande "jusqu'à quand" (cf. p. ex. Exode 10,3.7; Nombres 14,27; 1 Samuel 1,14; 1 Samuel 16,1; 2 Samuel 2,26; 1 Rois 18,21; Isaïe 6,11; Jérémie 4,14.21; 12,4; 23,26; 31,22; 47,5; Osée 8,5; Habacuc 2,6; Psaumes 6,4; 74,10; 80,5; 82,2; 90,13; 94,3.8; Proverbes 1,22; 6,9; aussi `d-'nh qui serait plus littéralement "jusqu'où", mais qui est employé dans le même sens, Exode 16,28; Nombres 14,11; Josué 18,3; Jérémie 47,6; Habacuc 1,2; Psaumes 13,2s; 62,4; Job 8,2; 18,2; 19,2; ou encore `d-mh, "jusqu'à quoi", Psaume 4,2; 74,9; 79,5; 89,47 etc.; et dans le NT Marc 9,19//; Jean 10,24; Apocalypse 6,10). Il n'y a guère qu'en contexte "apocalyptique" que ça peut déboucher sur une indication de durée impliquant effectivement un terme ou une date de "fin" (terminus ad quem) -- comparer cependant le rôle du "prophète" qui pourrait dire "jusqu'à quoi/quand" en Psaume 74,9s: on trouve effectivement chez les "Prophètes" (aussi bien Elie, Elisée qu'Isaïe, Jérémie) des indications de durée plus ou moins longues (cf. l'Emmanuel d'Isaïe 7ss, les "70 ans" de Jérémie 25ss contre la prophétie d'un retour "dans deux ans", chap. 28), mais rarement en réponse directe à cette question...
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeLun 18 Sep 2023, 12:01

Le corps du témoin
Sur la vision eschatologique du martyr
Serge Margel

2. L’eschatologie peut dès lors se définir comme la vision d’une rupture en train de s’accomplir. Cette hypothèse, Henri Corbin va la développer à partir de Qâzi Sa’id, au XVIIe siècle et de l’École Shaykhie, au XIXe siècle. C’est donc une conception tardive, qu’on pourrait inscrire dans cette « spiritualisation » de l’eschatologie, présente au moins depuis les Pères de l’Église, et en particulier St Augustin. Or, je voudrais pour ma part penser les choses tout autrement. Non seulement l’eschatologie n’aura jamais quitté le lieu de l’histoire, donc du théologico-politique, des institutions du pouvoir et de la communauté, mais de plus son mode de vision spécifique l’aura très tôt rapportée à l’institution du martyre, à son corps comme scène fondatrice de la communauté, ou de la religion. Toute la question va donc consister à savoir comment s’articulent vision eschatologique, témoignage du martyre et corps collectif. Autrement dit, comment définir la vision eschatologique du martyre ? Quelles sont les formes qui l’expriment, c’est-à-dire les gestes, les récits, les images aussi et les croyances ? Quelles significations lui a-t-on attribuée, c’est-à-dire quels sont les types de littérature et les genres de discours qui l’expliquent, la revendiquent ou la justifient ? Quelles institutions théologico-politiques a-t-elle produites ? Et enfin quelles fonctions lui a-t-on fait jouer, dans quel but et selon quelle finalité l’a-t-on utilisée ?

À vrai dire, il n’y a pas d’eschatologie sans vision, ou plus encore sans une « littérature de vision », un ensemble de discours et de récits qui en constituent les formes, les significations, les institutions et les fonctions. On en trouve les premiers jets dans le livre prophétique de Daniel, écrit sans doute au IIe siècle avant notre ère, qui annonce tout à la fois le pouvoir d’un souverain persécuteur des Juifs, sous la personne historique d’Antiochus Épiphane, et la venue d’un Messie sauveur, chargé d’expier les péchés, de rétablir la justice, qu’incarne pour les premiers Chrétiens la figure de Jésus. Très explicitement, le chapitre 8 décrit une vision eschatologique historicisante. Daniel voit un bélier « frapper vers l’ouest, vers le nord et vers le sud, et aucune bête ne put tenir devant lui » (8, 4). Puis « un bouc vient de l’Occident », qui « avait entre les yeux une corne considérable » (8, 5). Le bouc frappait le bélier, puis l’abattit. Il grandit, « et lorsqu’il fût puissant, la grande corne se brisa. Quatre cornes considérables s’élèvent à sa place, aux quatre vents des cieux » (8, Cool. De ces quatre cornes l’une d’elles grandit vers le midi et vers l’ouest, elle mit fin au sacrifice perpétuel et jeta la vérité à terre (8, 11-12). Et c’est là que surgit l’ange Gabriel, expliquant à Daniel le sens eschatologique de sa propre vision :

Il vint près de l’endroit où j’étais debout, et quand il vint, je fus effrayé et je tombai sur ma face. Il me dit : Comprends, fils d’homme, car la vision est pour le temps de la fin. Tandis qu’il me parlait, je perdis connaissance, face contre terre. Il me toucha et me remit debout à l’endroit où j’étais. Puis il dit : Voici, je te fais savoir ce qui arrivera à la fin de la colère, car la fin est fixée. Le bélier que tu as vu et qui avait des cornes : ce sont les rois des Mèdes et des Perses. Le bouc velu, c’est le roi de Javan, et la grande corne entre ses yeux, c’est le premier roi. [Elle fut] brisée et les quatre cornes qui s’élevaient à sa place sont quatre royaumes qui s’élèveront de la nation, mais n’auront pas sa force. À la fin de leur règne, quand les pécheurs auront atteint le comble, se lèvera un roi, dur de visage et habile en tromperie. Sa force deviendra puissante, mais non par sa [propre] force ; il détruira d’une façon prodigieuse, réussira dans ce qu’il fera, il détruira des puissants et le peuple des saints. Et à cause de son habileté […] la tromperie réussira par sa main et grandira dans son cœur. Il en détruira beaucoup qui [se croyaient] en sécurité. Il se dressera contre le chef des chefs, mais, sans le secours d’aucune main, il sera brisé. La vision des soirs et des matins qui a été dite, c’est la vérité. Quant à toi, cache la vision, car elle est pour des jours lointains. Moi, Daniel, c’en fut fait de moi et je fus malade pendant des jours. Puis, je me levai et j’accomplis les affaires du roi. J’étais troublé moi-même de la vision et je ne la comprenais pas.

Ce texte central décrit donc une vision, une « perception visionnaire », dirait Corbin. Or, bien qu’elle relève de l’eschatologie, cette vision est historicisante, en ce sens qu’elle annonce une rupture de l’histoire, ou la fin du sacrifice, de la désolation et de l’iniquité. Un jour viendra, un jour réel, un jour de l’histoire, où le Sauveur vaincra l’oppresseur, rétablissant la justice, avant d’être lui-même brisé, crucifié diront les premiers Chrétiens. Et de ce jour, de ce temps, ou de cette heure qui viendra dans le temps, dans le temps de l’histoire, le texte de Daniel dit trois choses déterminantes. Tout d’abord, ce jour concerne « le temps de la fin ». C’est l’expression hébraïque be-akharit ha-yamim, souvent traduite par « à la fin des temps », qui signifie à vrai dire, plus littéralement, plus correctement surtout, non les choses dernières, ultimes, mais ce qui vient après le jour, de akhar, « ce qui suit », « ce qui vient après », et de yamim « les jours ». Il s’agit donc de l’avenir, ou de ce qui est à venir. Ensuite, ce jour à venir, ce jour qui viendra après les jours de la souffrance du peuple, de l’oppression, de la désolation, est déjà au rendez-vous, comme le traduit Chouraqui, déjà fixé, selon Michaéli, ou assujetti, selon la Bible de Jérusalem. La Septante traduit l’hébreu par eis kaipon, c’est-à-dire « en son temps », « au bon moment ». Ce jour à venir, disons cette justice messianique, viendra donc au moment voulu, d’où l’idée d’assignation, de rendez-vous, d’attente déterminée.

D’ailleurs Corbin le dit lui-même : « L’eschatologie correspond essentiellement à une attente ». L’attente, ou l’attention portée à ce qui est à venir, représente ce temps de la justice en train de s’accomplir présentement. J’y reviendrai dans un instant, le temps de souligner un troisième point. Dans le texte de Daniel, qui concerne à mon sens directement la question de l’attente, à la fin de la citation, l’ange Gabriel, qui vient d’interpréter la vision de Daniel, d’en dévoiler la vérité, lui dit, on s’en souvient : « Quant à toi, cache la vision, car elle est pour les jours lointains ». Une fois la vérité révélée, la venue du jour et de la justice manifestée dans son attente, Daniel doit aussitôt cacher sa vision, la voiler, la recouvrir ou la garder secrète. Il y va là d’une longue tradition, elle aussi eschatologique, qui lie de l’intérieur, la justice et le secret. Que l’on pense à la légende talmudique des « Trente-six justes ignorés », sur lesquels repose la durée du monde, mais aussi à la figure de l’Imâm caché comme « Imâm attendu », dans le chiisme duodécimain, ou encore, plus haut dans l’histoire, au IVe livre d’Esdras, lorsque Dieu révèle aux yeux d’Abraham la fin des temps :

https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2014-3-page-431.htm
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeLun 18 Sep 2023, 13:45

Merci pour cet article très intéressant (j'avais lu Corbin -- qui avant de s'intéresser à l'islam iranien avait été un des premiers traducteurs de Heidegger -- il y a bien longtemps, ça me rappelle des souvenirs).

A mon avis, ce n'est pas parce que la littérature dite "apocalyptique" (visions, voyages célestes, interprétations angéliques, etc.) et "eschatologique" est traductible ou interprétable en termes "philosophiques", intemporels ou trans-temporels -- le platonisme s'y prête idéalement, c'est le cas de le dire, avec son dualisme sensible/intelligible, copie/modèle, matière/forme, temporel/éternel, déjà figuré par le rapport terre/ciel qui correspond formellement à la "double scène apocalyptique", terre/ciel aussi -- (ce n'est pas pour cela, dis-je) qu'elle est réductible à une analyse, réception ou saisie philosophique, fût-ce d'une "philosophie de l'histoire". Certes ce type de traduction ou d'interprétation fonctionne idéalement (encore !) dans la perspective rétrospective d'une religion "savante" (médio-platonisme du judaïsme de Philon ou du christianisme de l'épître aux Hébreux, néo-platonisme de saint Augustin, aristotélisme aussi dans l'islam de haute culture persane), mais il ne suffit pas à rendre compte de l'émergence des textes (tout au moins des premiers dans chaque "milieu" concerné, car le genre est ensuite imitable à loisir). Il faut qu'ici et là le jeu ait été joué sérieusement, une "fin" désirée ardemment, intensément, ne fût-ce que pour produire son expression hyperbolique, fantastique, surréelle, inouïe, inédite, impensable (fin de l'histoire, sinon fin du temps ou du monde, rupture absolue par rapport à toute expérience réelle -- même si c'est en soi une "expérience réelle" -- au-delà de laquelle on n'imagine rien, en tout cas rien de "réaliste"). A cet égard le rapport au "martyre" me paraît en effet décisif, mais justement pas du point de vue de l'histoire ou de l'institution fondées par ou sur les "martyrs": le martyr, lui, celui qui meurt, ne veut généralement rien "fonder" d'"historique"...

Pour revenir plus précisément à Daniel 8, les expressions "eschatologiques" sont plus diverses et complexes que ne l'a vu Margel:
- v. 17, le "temps de la fin" (`t qç; LXX cette vision est encore pour l'heure du temps, eis hôran kairou; Théodotion, pour la limite du temps, eis kairou pèras);
- v. 19a "l'après (ou la fin, le dernier, l'aboutissement, l'issue 'hryt) de la colère (ou de l'indignation, z`m)"; LXX ep'eskhatou tès orgès, Théodotion ep'eskhatôn tès orgès, le ou les derniers de la colère....
- v. 19b le "temps (fixé) de la fin" (mw`d qç); LXX l'heure de l'achèvement du temps, eis hôras kairou sunteleias, Théodotion pour la limite du temps, eis kairou peras;
- v. 23 dans l'après (ou la fin, etc.) de leur royaume, b-'hryt mlkwtm; LXX/Theodotion ep'eskhatou/eskhatôn, le ou les derniers comme en 19a.

Il est vrai que le mot hébreu 'hryt/'aharith (cf. § 14) est en soi ambigu, parce qu'il dénote aussi bien la "suite" que la "fin", "les jours qui viennent" que les "derniers jours", et qu'il faut préférer le sens "faible" de "suite" partout où le sens "fort" de "fin" ne s'impose pas, notamment chez les Prophètes (p. ex. Isaïe 2; la NBS a révisé Segond en ce sens); en revanche chez Daniel il y a un faisceau lexical impliquant plusieurs autres termes, qui ne laisse à mon sens aucun doute sur le caractère absolu de la "fin" -- comme je l'ai déjà dit, non pas "fin du monde" au sens "cosmique" ni "fin du temps chronologique", à supposer que ça ait le moindre sens, mais bien "fin de l'histoire" telle qu'elle a été connue jusque-là (selon l'imagerie du chap. 7, mais qu'on retrouve dans l'ensemble du livre, fin du règne des bêtes remplacé par celui du Fils de l'homme et des saints, etc.); d'autre part l'ambiguïté de l'hébreu n'est pas purement et simplement transposable en grec, où même en traduction eskhatos a bien un champ sémantique similaire à notre adjectif "dernier" (dernier d'une série, du passé comme dans "le dernier venu", mais aussi de l'avenir, le "dernier à venir").

En tout cas ce type de "littérature" ne peut engendrer que de la déception à l'égard de toute suite "réelle" et "historique" -- ce qui implique d'une part qu'elle soit plutôt mal vue par les institutions historiques, hasmonéenne, hérodienne, et même pharisienne-rabbinique ou ecclésiastique (quand même sa "canonisation" est inévitable, parce que les livres sont trop connus, cités, etc.); d'autre part qu'elle ne (se) survive qu'à se réinterpréter de génération en génération, eschatologiquement dans des milieux marginaux par rapport aux institutions, et plutôt théologiquement ou philosophiquement dans ces institutions.


Dernière édition par Narkissos le Lun 18 Sep 2023, 14:30, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeLun 18 Sep 2023, 14:24

André Lacocque, Daniel et son temps (un article déjà cité). 

La définition de l'eschatologie selon Daniel est un point essentiel. En quoi consiste pour lui le salut attendu? Pour faire saisir la réponse de A. Lacocque, je la distinguerai de celle de P. Grelot (Histoire et eschatologie dans le livre de Daniel, dans Apocalypses et théologie de l'espérance [coll. Lectio divina, 95], Paris, 1977, p. 63-109). P. Grelot s'exprime en ces termes: «La perspective ainsi ouverte ne ressemble en rien à une évasion dans l'Au-delà: le prophète salue la venue d'une ère nouvelle, où la pleine réalisation du dessein de Dieu sur son peuple constitue l'objet unique de l'espérance. La perspective est eschatologique, en ce sens que 'le terme assigné au désolateur' (9, 27d) est arrivé, mais l'ouverture sur un Avenir absolu n'implique pas la disparition du monde présent» (p. 103). L'eschatologie de Daniel se relie ainsi étroitement à l'actualité historique de la renaissance juive, après la reprise de Jérusalem par Judas Maccabée (ibid.,p. 108). Autrement dit, le livre s'explique suffisamment en fonction des événements de 170 à 163, même si l'espérance conduit au-delà. La datation du livre est, dès lors, très importante. Est-il conçu et écrit avant ou après la restauration du culte le 25 Kislev 164 ? Pour Grelot, les visions des ch. 8, 9 et 10-12 supposent connue la dédicace. En revanche, pour A. Lacocque, les événements racontés à partir de 1 1, 40 sont décrits avec tant d'imprécision qu'ils devaient être seulement espérés par l'écrivain. «L'auteur de Daniel 1 1, écrivant au début de 166, n'attend nullement les événements surprenants de la seconde moitié de 166: la succession de Mattathias par son fils Judas et la mise en déroute par ce dernier des généraux Lysias, Nicanor et Gorgias ... La péricope finale de Daniel 11 s'ouvre sur l'imprécision: 'au temps de la fin' (v. 40), et se poursuit pDaniel, dans Apocalypses et théologie de l'espérance [coll. Lectio divina, 95], Paris, 1977, p. 63-109). P. Grelot s'exprime en ces termes: «La perspective ainsi ouverte ne ressemble en rien à une évasion dans l'Au-delà: le prophète salue la venue d'une ère nouvelle, où la pleine réalisation du dessein de Dieu sur son peuple constitue l'objet unique de l'espérance. La perspective est eschatologique, en ce sens que 'le terme assigné au désolateur' (9, 27d) est arrivé, mais l'ouverture sur un Avenir absolu n'implique pas la disparition du monde présent» (p. 103). L'eschatologie de Daniel se relie ainsi étroitement à l'actualité historique de la renaissance juive, après la reprise de Jérusalem par Judas Maccabée (ibid., p. 108). Autrement dit, le livre s'explique suffisamment en fonction des événements de 170 à 163, même si l'espérance conduit au-delà. La datation du livre est, dès lors, très importante. Est-il conçu et écrit avant ou après la restauration du culte le 25 Kislev 164? Pour Grelot, les visions des ch. 8, 9 et 10-12 supposent connue la dédicace. En revanche, pour A. Lacocque, les événements racontés à partir de 11, 40 sont décrits avec tant d'imprécision qu'ils devaient être seulement espérés par l'écrivain. «L'auteur de Daniel 1 1, écrivant au début de 166, n'attend nullement les événements surprenants de la seconde moitié de 166: la succession de Mattathias par son fils Judas et la mise en déroute par ce dernier des généraux Lysias, Nicanor et Gorgias ... La péricope finale de Daniel 11 s'ouvre sur l'imprécision: 'au temps de la fin' (v. 40), et se poursuit par une évocation d'événements qui n'eurent pas lieu historiquement» (p. 43).

https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1985_num_16_2_2113_t1_0210_0000_1
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeLun 18 Sep 2023, 15:35

Cf. ici 3.3.2022.

Une fois encore, il suffit d'un minimum de critique historico-littéraire pour que les arguments (ici de Grelot et de Bogaert) tombent: SI ce qu'on prend (à tort ou à raison) pour des précisions historiques sur la durée exacte de la "persécution", de la "profanation", ou de l'"interruption du sacrifice constant", supposées donc (du moins dans une exégèse "rationnelle") avoir été écrites après décembre (Dédicace-Hanoukka) -164, SI cela donc est un ajout ultérieur au texte principal (ce qui se défend pour les "2300 soirs et matins" de 8,13-14, dans un "dialogue des saints" inséré "maladroitement" -- comme le reconnaît Munnich pour d'autres raisons -- entre "vision" et "interprétation"; a fortiori pour les suppléments des 1290 et 1335 jours après la conclusion du chapitre 12), ALORS cela n'engage en rien la datation du reste du texte, qui s'explique effectivement mieux d'un point de vue situé avant tout dénouement historique favorable aux Maccabées...

Je signale au passage que j'ai ajouté un dernier paragraphe (court) à mon post précédent, sur le rapport (compliqué) d'un texte "apocalyptique" et/ou "eschatologique" à ses "suites" historiques.
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeMar 19 Sep 2023, 09:27

"De l'une d'elles sortit une corne, toute petite, qui s'agrandit beaucoup vers le sud, vers l'est, et vers le plus beau des pays. Elle s'éleva jusqu'à l'armée du ciel, fit tomber à terre une partie de cette armée et des étoiles, et elle les piétina. 11Elle grandit jusqu'au Prince de l'armée : le sacrifice constant lui fut enlevé, et le lieu de son sanctuaire fut rejeté" (8,9-11).

Une corne, petite. Tout le monde est d’accord pour voir ici Antiochus Épiphane (175-164). Ce fut le premier roi païen qui ne se proposa pas seulement de conquérir Canaan et d’anéantir la puissance politique du peuple d’Israël mais encore et surtout d’anéantir ce qui distinguait Israël de tous les autres peuples : le culte de l’Éternel. C’est pourquoi il est appelé I Maccabées 1.10 : un rejeton impie. D’Antioche, sa capitale, il fit des expéditions au midi, en Égypte et à l’orient, en Babylonie et en Perse.

L’armée des cieux (tseba haschamaïm). Ce terme forme une espèce de jeu de mots avec le précédent (tsebi). Il désigne ordinairement les anges ou les étoiles. Ici il s’applique au peuple des saints, les Juifs. Voyez verset 24 ; Daniel 12.3 ; comparez Exode 7.4 ; Exode 12.41. C’est Israël chargé de faire briller la lumière de la connaissance de Dieu au milieu des ténèbres païennes.

Et des étoiles. Le et, comme souvent, est ici explicatif : à savoir. L’auteur veut dire que cette armée n’est pas une armée ordinaire, mais une armée de saints comparables à des étoiles.

Et les foula aux pieds. On pourrait appliquer cet emblème à l’oppression et aux massacres des Juifs fidèles par les ordres d’Antiochus : I Maccabées 1.58-64 ; voyez verset 11, note. Il nous paraît plus conforme au texte et spécialement au verset 12, de voir ici ceux d’entre les Juifs qui renièrent le vrai Dieu et firent acte d’idolâtrie. Voyez verset 12 ; 1 Maccabées 1.12 et suivants ; 52 et suivants. Ce sont comme des étoiles foulées aux pieds et dont la lumière est désormais éteinte.

Le chef ou prince de l’armée. On ne doit entendre par là ni le grand sacrificateur, ni l’ange spécial d’Israël (Daniel 10.21). L’expression son sanctuaire, qui suit, fait plutôt penser à Dieu lui-même. Seulement il est possible que cette expression s’applique à Dieu, en la personne de l’être céleste qui le révèle au monde par le moyen d’Israël. Voyez verset 25 et Daniel 10.13, notes. Comparez Josué 5.15 et les expressions l’ange de la face (Ésaïe 63.9), l’ange de l’alliance (Malachie 3.1).

https://www.levangile.com/Bible-Annotee-Interlineaire-Daniel-8.htm
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeMar 19 Sep 2023, 10:24

Pour rappel, La Bible annotée est un commentaire protestant "orthodoxe" (au sens "conservateur" opposé aux "libéraux", on ne disait pas encore "évangélique") de la fin du XIXe siècle (1881-1898; Frédéric Godet, son principal maître d'oeuvre, est mort en 1900, et Félix Bovet, qui l'a secondé pour l'AT, en 1903).

Il ne faut pas perdre de vue dans le détail ce que nous apprend une simple lecture cursive: aux v. 9-11 nous sommes toujours dans la vision (v. 1-12), qui est ensuite interprétée par "Gabriel" (v. 15ss, après le dialogue intermédiaire des v. 13-14 sur les "2300 soirs et matins" qui, lui, n'est pas interprété, simplement rappelé dans la conclusion, v. 26a): il y a donc déjà dans le texte un commentaire explicite (9-12 -> 23-25), même si celui-ci n'éclaire pas beaucoup un lecteur éloigné de la situation d'origine (c'est évidemment le cas pour nous, mais ça commence très tôt si l'on en juge par les traductions grecques).

Ici La Bible annotée récite donc une explication habituelle et consensuelle en son temps, indiscutable dans la mesure où elle se contente de paraphraser l'"interprétation" de "Gabriel", déjà plus hasardeuse quand elle se réfère à d'autres chapitres et à d'autres visions (p. ex. aux "princes" des chap. 10ss), a fortiori aux récits des Maccabées qui constituent sa seule "source externe" et par rapport auxquels elle ne montre pas la moindre distance critique, bien qu'ils ne fassent pas partie de son "canon".

Ce sont en tout cas des textes (ça vaut pour l'ensemble de Daniel 7--12, pour l'"apocalyptique" en général et pour bien d'autres passages se référant plus ou moins expressément à un contexte "historique") qu'aucun lecteur "moderne" ne peut prétendre comprendre "tout seul", sans information "savante" -- contrairement au credo protestant de l'Ecriture qui est son propre interprète (sacra scriptura sui ipsius interpres), corollaire d'un postulat de "clarté" (claritas) de l'Ecriture: tout ce qu'on peut croire "comprendre tout seul", on le comprendra forcément de travers par rapport au texte. Déjà sous ce rapport paradoxal de non-compréhension spontanée ces textes ont l'immense mérite de questionner l'idée qu'on se fait de "la Bible". Ils ont aussi le défaut d'offrir à tous les interprètes plus ou moins savants, illuminés ou sectaires, l'occasion d'imposer leur interprétation et de se rendre indispensables à leur public. Ainsi la tradition (anticatholique) de ne produire que des bibles sans notes, dans les "sociétés bibliques" du XIXe siècle, faisait la fortune de tous les sectaires...
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeMar 19 Sep 2023, 13:09

Judas à Mispa : un spectacle de la légitimation Maccabéenne (1 M 3, 46-60)
Michaël Girardin

Le héros du judaïsme

La situation du temple de Jérusalem à l’époque de la révolte des Maccabées est à peu près connue. À la suite d’une agitation menée par l’ancien grand prêtre Jason en 168 av. J.-C., le roi séleucide Antiochos IV semble avoir repris Jérusalem par la force et l’on apprend qu’il a placé « l’abomination de la désolation » dans le temple (1 M 1, 54,cf. : Dn 9, 27 ; 11, 31 ; 12, 11). Cette expression a fait couler beaucoup d’encre : s’agit-il d’une monumentalisation de l’autel ? D’offrandes à des dieux étrangers ? D’un sacrifice obligatoire pour l’anniversaire du roi ? D’une assimilation du dieu des Juifs à Baal Shamin ou bien à Zeus ? D’une inscription dédicatoire ? Makis Aperghis envisage même que le problème ne fut pas cette interpretatio graeca permettant aux étrangers d’honorer Dieu du nom de leur propre divinité, mais sa conséquence : l’entrée dans le sanctuaire de nombreux hommes en état d’impureté, la pratique de la prostitution sacrée et l’usage de « pierres sacrées » comme idoles au cœur du sanctuaire. Mais quoi qu’il en soit, cette offense est vue comme empêchant de facto la pratique des rites sacrificiels traditionnels.

Ce point de vue, bien sûr, est très biaisé : l’innovation est autorisée par les grands prêtres et encouragée par les Hellénistes de Jérusalem. Elle ne remet certainement pas en cause, à leurs yeux, leur identité juive ni les structures sociales établies autour du temple. Ce qui est vu par les Maccabées comme empêchant le culte ne pose visiblement pas de problème pour tous. C’est que le premier livre des Maccabées est en fait très polémique : il est le seul à évoquer le fameux « édit de persécution » (1 M 1, 41-57) et la complaisance de nombreux apostats (le mot apparaît en 1 M 1,15). Antiochos IV prend l’apparence d’un nouveau Nabuchodonosor attaquant le temple et son impiété est la source du droit des Maccabées à intervenir15. Ce livre vise en particulier à accuser les impies, nommés déjà plusieurs fois avant Mispa : παρόνομοι (1 M 1, 11 et 34, littéralement « les contre-la-loi »), ἀνόμοι (1 M 2, 44 ; 3, 5-6 et 20, littéralement « les sans-loi »), ἀσεβεῖς (1 M 3, 8 et 15, les « impies »), ἀλλότριοι (1 M 1,38 ; 2, 7, « étrangers »), υἱοὶ ἀλλογενῶν (1 M 3, 36 et 45 : les « fils d’étrangers ») et τοὺς ταράσσοντας τὸν λαὸν (1 M 3, 5, « les perturbateurs du peuple »). Bien sûr, il s’agit d’expressions polémiques qui révèlent un ordre social affirmé plus qu’une réalité objective. Plus qu’une énumération des faits, le récit de la crise est dans ce livre l’accusation de tout un parti et cette accumulation de reproches permet de rendre légitime l’action de Judas. Cela doit se comprendre dans le contexte de composition de l’œuvre : datant de l’époque de Jean Hyrcan selon plusieurs chercheurs, elle serait quasiment contemporaine de la destruction du temple du Garizim (en 112/111 av. J.‑C.) et des judaïsations forcées, c’est-à-dire de la politique d’homogénéisation de l’État hasmonéen. Cette lutte est en tout cas clairement rétro-projetée dans les premiers temps de la famille. Plus tardive selon la plupart des commentateurs, elle serait postérieure à la prise du titre royal par Aristobule en 104 av. J.-C., et l’on verra que la question se pose vraiment pour comprendre l’image de Judas.

https://normandie-univ.hal.science/hal-03545075v1/file/Girardin%20-%20Judas%20%c3%a0%20Mispa.pdf
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeMar 19 Sep 2023, 14:40

Excellente étude, récente (2020) et bien documentée (notes et bibliographie), dont il faudrait garder la référence, qui serait utile chaque fois qu'on (re-)tombe sur une explication de Daniel par les Maccabées... (ce qui était excusable au temps de La Bible annotée mais l'est beaucoup moins aujourd'hui, quoique encore très fréquent par l'inertie répétitive ou récitative de l'exégèse et surtout de la vulgarisation "bibliques"; le fait que cet article sorte d'une université "normale" et non d'une faculté de théologie y est peut-être pour quelque chose). Noter à ce propos qu'en sens inverse 1 Maccabées (2,60; cf. 3 Maccabées 6,7; 4 Maccabées 16,3.21; 18.13) ne connaît de Daniel que la "fosse aux lions" (chap. 6, fin de la première partie narrative, le "roman de diaspora"): le Daniel des visions "apocalyptiques" et eschatologiques n'intéresse absolument pas le pouvoir hasmonéen et ses thuriféraires, et pour cause, il intéresse au contraire des milieux critiques de ce pouvoir et de ses successeurs (hérodiens p. ex., cf. 4 Esdras 12,11).

On pourrait tout juste reprocher à l'auteur (c'est un détail auquel je suis sans doute hypersensible) une référence anachronique et indiscriminée à "la Bible" et aux textes "bibliques", alors qu'il reconnaît (cf. note 38) que ceux-ci ne sont pas forcément tous écrits, a fortiori "canonisés", au temps de la rédaction de 1 Maccabées (dans le dernier quart du IIe siècle av. J.-C. ou peu après, selon les deux hypothèses envisagées).

En tout cas cela devrait rappeler (je réagis aussi après coup au "catéchisme" de La Bible annotée) que tout ce qui fait la "différence", le caractère "original", "unique" ou "exceptionnel" du "judaïsme" par rapport aux autres "religions" de l'Antiquité, différence que "la Bible" nous a habitués à faire remonter à des origines immémoriales, se construit en fait progressivement et en même temps que "la Bible", au cours des époques dites du "Second Temple", perse et hellénistique pour l'essentiel, et que la crise maccabéenne y contribue dans une large mesure, presque aussi importante que l'époque romaine dont les guerres décideront du tournant pharisien-rabbinique. Comme l'eût dit La Palisse, à l'irréel du passé, tout aurait toujours pu être différent.
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeMar 19 Sep 2023, 14:58

Qu’est-​ce que l’“ instruction du jugement ” ?

La clef de voûte de cette doctrine est Daniel 8:14. On lit dans ce verset : “ Deux mille trois cents soirs et matins ; puis le sanctuaire sera purifié. ” (Segond, 1910). À cause de l’expression “ puis le sanctuaire sera purifié ”, de nombreux adventistes relient ce verset à Lévitique chapitre 16, qui décrit la purification du sanctuaire à laquelle le grand prêtre juif se livrait le jour des Propitiations, ou des expiations. Ils associent également les paroles de Daniel au chapitre 9 de la lettre aux Hébreux, qui présente Jésus comme le Grand Prêtre céleste par excellence. Un exégète adventiste explique que ce raisonnement est basé sur la méthode des versets cités à l’appui. On trouve “ un certain mot, comme sanctuaire en Dan. 8:14, le même mot en Lév. 16, le même mot en Héb. 7, 8, 9 ”, et on en déduit “ qu’ils parlent tous de la même chose ”.

Les adventistes tiennent le raisonnement suivant : dans l’ancien Israël, les prêtres effectuaient dans le compartiment du temple appelé le Saint un ministère quotidien qui permettait le pardon des péchés. Le jour des expiations, le grand prêtre effectuait dans le Très-Saint (la pièce la plus reculée du temple) un service annuel qui permettait l’effacement des péchés. Les adventistes en concluent que le ministère sacerdotal de Christ au ciel se déroule en deux phases. La première a commencé au Ier siècle, lors de son ascension, pour se terminer en 1844, et elle a donné lieu au pardon des péchés. La deuxième, ou “ phase du jugement ”, a commencé le 22 octobre 1844 ; elle est toujours en cours et elle donnera lieu à l’effacement des péchés. De quelle manière ?

Depuis 1844, Jésus serait en train d’examiner la vie de tous ceux qui se disent croyants (d’abord les morts, puis les vivants), afin de déterminer s’ils méritent ou non la vie éternelle. C’est cet examen qui est appelé l’“ instruction du jugement ”. Une fois les gens ainsi jugés, les péchés de ceux qui auront passé cette épreuve avec succès seront effacés des registres célestes. Par contre, expliquait Ellen White, ceux qui auront échoué à l’épreuve auront ‘ leurs noms effacés du livre de vie ’. Ainsi, “ la destinée de tous aura été décidée, que ce soit la vie ou la mort ”. À ce stade, le sanctuaire céleste est purifié, et Daniel 8:14 est accompli. Tel est l’enseignement des adventistes du septième jour. Pourtant, comme le reconnaît une publication adventiste (Adventist Review), “ l’expression instruction du jugement ne figure pas dans la Bible ”.

Que révèle le contexte ?

Considérons maintenant le contexte. Pour les adventistes, Daniel 8:14 est “ à isoler du contexte ” ; il est sans rapport avec les versets précédents. Est-​ce l’impression que vous avez en lisant Daniel 8:9-14 reproduit dans l’encadré intitulé “ Daniel 8:14 dans son contexte ” ? Le Dn 8 verset 9 parle d’un agresseur, une petite corne. Les Dn 8 versets 10-12 révèlent que cet agresseur s’en prendra au sanctuaire. Le Dn 8 verset 13 demande jusqu’à quand cette agression durera. Et le Dn 8 verset 14 répond : “ Jusqu’à deux mille trois cents soirs et matins ; et, à coup sûr, le lieu saint sera établi dans sa vraie condition. ” Il est donc clair que le Dn 8 verset 13 soulève une question qui trouve réponse au Dn 8 verset 14. Le théologien Desmond Ford a dit à ce propos : “ Détacher Dan. 8:14 de cette exclamation [“ Jusqu’à quand ? ” Dn 8 verset 13] est indéfendable sur le plan exégétique.

Pourquoi les adventistes détachent-​ils le Dn 8 verset 14 du contexte ? Pour ne pas avoir à tirer une conclusion embarrassante. Le contexte attribue la souillure infligée au sanctuaire (Dn 8 verset 14) aux agissements de la petite corne. Or, la doctrine de l’“ instruction du jugement ” attribue cette souillure aux activités de Christ, par le transfert des péchés des croyants dans le sanctuaire céleste. Qu’arrive-​t-​il si les adventistes acceptent à la fois la doctrine et le contexte ? Raymond Cottrell, adventiste du septième jour et ancien membre du comité de rédaction du SDA Bible Commentary, écrit à ce sujet : “ Nous leurrer en croyant que l’interprétation de l’Église adventiste du septième jour considère Daniel 8:14 dans son contexte reviendrait à faire de Christ la petite corne. ” Et de reconnaître franchement : “ Il y a incompatibilité entre le contexte et l’interprétation adventiste. ” Pour ce qui est de l’“ instruction du jugement ”, en ce qui concerne Daniel 8:14 l’Église adventiste a donc dû choisir entre la doctrine et le contexte. Malheureusement, elle a gardé la première et rejeté le second. Selon Raymond Cottrell, il n’est donc pas étonnant que les gens versés dans la Bible reprochent aux adventistes de “ lire dans les Écritures ” ce qui ne peut “ être tiré des Écritures ”.

En 1967, pour les besoins de l’école du sabbat, le professeur Cottrell a préparé un cours sur le livre de Daniel, qui a été envoyé aux églises adventistes du septième jour du monde entier. L’enseignement donné était que Daniel 8:14 est bel et bien lié à son contexte et que la ‘ purification ’ n’est pas celle des croyants. Fait révélateur, il n’était fait aucune mention d’une “ instruction du jugement ”.

https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1997527


LE LIEU SAINT ” ÉTABLI DANS SA VRAIE CONDITION

25 Les 2 300 jours constituant une période prophétique, il faut prendre pour base une année prophétique de 360 jours (Révélation 11:2, 3 ; 12:6, 14). Ces 2 300 jours équivalent alors à 6 années, 4 mois et 20 jours. Quand cette période s’est-​elle située ? Dans les années 1930, le peuple de Dieu a été de plus en plus persécuté dans divers pays. Et pendant la Deuxième Guerre mondiale, les Témoins de Jéhovah ont été cruellement persécutés dans les pays qui dépendaient de la double Puissance mondiale anglo-américaine. Pourquoi ? Parce qu’ils étaient déterminés à “ obéir à Dieu, en sa qualité de chef, plutôt qu’aux hommes ”. (Actes 5:29.) Par conséquent, les 2 300 jours doivent être rattachés à cette guerreb. Mais que dire du début et de la fin de cette période prophétique ?

26. a) À partir de quand, au plus tôt, faut-​il compter les 2 300 jours ? b) Quand la période de 2 300 jours a-​t-​elle pris fin ?

26 Pour que “ le lieu saint ” soit “ établi ”, ou restauré, dans ce qu’il doit être, il faut que les 2 300 jours aient commencé au moment où, auparavant, il était dans la “ vraie condition ” du point de vue de Jéhovah. Au plus tôt, c’était le 1er juin 1938, quand La Tour de Garde en anglais (édition française du 1er août) a publié la première partie de l’article intitulé “ Organisation ”. La deuxième partie a paru dans le numéro du 15 juin 1938 (du 15 août en français). Si on compte 2 300 jours (6 ans, 4 mois et 20 jours dans le calendrier hébreu) à partir de la quinzaine du 1er au 15 juin 1938, on aboutit à la période du 8 au 22 octobre 1944. Le premier jour d’une assemblée spéciale tenue à Pittsburgh, en Pennsylvanie (États-Unis), les 30 septembre et 1er octobre 1944, le président de la Société Watch Tower a abordé le sujet “ L’ordre théocratique à notre époque ”. À l’assemblée générale annuelle, le 2 octobre, des amendements ont été apportés aux statuts de la Société dans le but de les conformer à l’organisation théocratique aussi étroitement que la loi le permettait. Grâce à la publication d’éclaircissements sur les exigences bibliques, l’organisation théocratique n’a pas tardé à être mieux implantée dans les congrégations des Témoins de Jéhovah.

https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1101999029


L'hôpital qui se fout de la charité, tout comme les adventistes, la Watch considère que : Daniel 8:14 est “ à isoler du contexte ” ; il est sans rapport avec les versets précédents.

N'est-il pas "indéfendable sur le plan exégétique" d'affirmer que "Si on compte 2 300 jours (6 ans, 4 mois et 20 jours dans le calendrier hébreu) à partir de la quinzaine du 1er au 15 juin 1938, on aboutit à la période du 8 au 22 octobre 1944" Shocked .
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeMar 19 Sep 2023, 15:53

En effet, le rapprochement de ces deux textes est pour le moins rigolo...

Je ne me souviens pas d'avoir lu dans les publications de la Watch une critique aussi ciblée de la doctrine adventiste (du septième jour), qui est "cousine" -- même le TdJ moyen reconnaîtra Miller et 1844 dont il aura entendu parler dans la "préhistoire" du russellisme... Au passage, celui qui a lu Crisis of Conscience reconnaîtra aussi Desmond Ford comme l'un des correspondants de Raymond Franz, qui a comparé sa "carrière" chez les SDA (Seventh-Day Adventists), celle de Küng dans l'Eglise catholique et la sienne à la Watchtower, l'institution la plus répressive n'étant pas la plus grande ni la plus ancienne... -- le même Desmond Ford faisait d'ailleurs un commentaire élogieux du livre de Raymond Franz sur la quatrième de couverture, du moins de l'édition originale que j'ai lue (et) si mes souvenirs sont bons... Bref, on est en famille élargie quoique divisée, et les "moutons noirs" des uns sont les bienvenus chez les autres quand l'occasion se présente. Mais c'est aussi l'aveu implicite, de la part de la Watch, que chez les adventistes (SDA) on peut discuter ouvertement de questions exégétiques et doctrinales "fondamentales" pour l'identité du groupe sans être exclu ni réduit au silence, et qu'il y a là des gens instruits et compétents (comme Ford et Cottrell) qui ne sont pas forcément d'accord entre eux et qui ont le droit de le dire et de s'en expliquer publiquement...

Il est vrai que l'interprétation watchtowérienne, plus exactement rutherfordienne par sa référence aux années 1930-40, paraît encore plus loufoque, sans doute même aux yeux d'un TdJ du XXIe siècle... Mais dès qu'on sort du contexte maccabéen / antiochien (et il suffit de quelques décennies, cf. encore les traductions-développements grec(que)s de Daniel) il n'y a plus de critère "objectif" qui tienne pour juger telle interprétation ou actualisation du texte meilleure ou pire qu'une autre. L'interprétation évangélique (Marc / Matthieu) qui applique "l'abomination de la désolation" à la prise de Jérusalem et à la destruction du temple par les Romains en 70 est déjà tout aussi arbitraire, son seul avantage étant d'avoir choisi un événement comparable à la "profanation" (supposée) du temple par Antiochos et d'avoir été "canonisée" par le christianisme...

P.S. En regardant d'un peu plus près le premier article, je constate qu'il n'explique pas du tout la doctrine de Miller, qui faisait courir 2300 ans de -457 (date supposée du décret d'Artaxerxès selon Esdras-Néhémie, également terminus a quo des 70 semaines de Daniel 9 -- sur ce dernier point la Watch n'a bougé que de deux ans) à (+)1844... Cf. p. ex. ici. Il suffit en effet d'y mettre le nez pour reconnaître que les "méthodes" d'interprétation et de calcul sont restées essentiellement les mêmes de part et d'autre -- contrairement aux degrés de "sectarisme" respectifs.

Je note, pendant que j'y suis, que les "2520 ans" ont aussi joué un rôle dans la doctrine millerite, quoique tirés du Lévitique plutôt que de Daniel (et, quand Daniel était convoqué, plutôt du chap. 9 que du chap. 4), et calculés à partir d'un exil supposé de Manassé en -677 pour aboutir (encore) à 1844 -- élément qui semble plutôt avoir été abandonné par la suite chez les SDA.
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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeMar 31 Oct 2023, 14:01

16 Selon l’Histoire, la petite corne fut un rejeton d’une des quatre cornes symboliques : celle qui était la plus à l’ouest. Il s’agissait du royaume hellénistique du général Cassandre, qui régnait sur la Macédoine et la Grèce. Par la suite, ce royaume fut absorbé par celui du général Lysimaque, le roi de la Thrace et de l’Asie Mineure. Au IIe siècle avant notre ère, ces parties occidentales du monde hellénistique furent conquises par Rome. Et en l’an 30 avant notre ère, Rome prit possession de tous les royaumes hellénistiques, ce qui la hissa au rang de Sixième Puissance mondiale des prophéties bibliques. Mais l’Empire romain n’était pas la petite corne de la vision de Daniel : cet empire, en effet, ne dura pas jusqu’au “ temps fixé de la fin ”. — Daniel 8:19.

17 Qu’est-​ce que l’Histoire identifie donc à ce roi agressif, ce “ roi au visage farouche ” ? La Grande-Bretagne était en réalité un rejeton de l’Empire romain, au nord-ouest. Jusqu’au début du Ve siècle de notre ère, on compta des provinces romaines dans ce qui est aujourd’hui la Grande-Bretagne. Au fil du temps, l’Empire romain déclina, mais l’influence de la civilisation gréco-romaine continua de se faire sentir en Grande-Bretagne ainsi que dans d’autres régions d’Europe qui avaient subi la domination de Rome. “ L’Église s’est bientôt substituée à l’Empire romain ”, a écrit Octavio Paz, poète et écrivain mexicain lauréat du prix Nobel. Et d’ajouter : “ Les Pères de l’Église, tout comme les docteurs de l’époque scolastique, ont greffé la philosophie grecque sur la doctrine chrétienne. ” Quant à Bertrand Russell, philosophe et mathématicien du XXe siècle, il a fait cette remarque : “ La civilisation de l’Occident, qui a jailli de sources grecques, est fondée sur une tradition philosophique et scientifique qui commença à Milet [une ville d’Asie Mineure] il y a deux mille cinq cents ans. ” On peut donc affirmer que l’Empire britannique a ses racines culturelles dans le royaume hellénistique de Macédoine et de Grèce.

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L'article fonde son interprétation en commençant sa phrase par "Selon l'histoire", comme s'il allait de soi historiquement parlant que la la petite corne corresponde dans un premier temps au "royaume hellénistique du général Cassandre, qui régnait sur la Macédoine" alors que cette affirmation est parfaitement arbitraire. D'ailleurs puisque l'article indique qu'"en l’an 30 avant notre ère, Rome prit possession de tous les royaumes hellénistiques", le choix de la petite corne n'offrait que l'embarras du choix. De plus la grande Bretagne n'est pas le "seul rejeton" de l'empire romain et comme le précise l'auteur "l’influence de la civilisation gréco-romaine continua de se faire sentir en Grande-Bretagne ainsi que dans d’autres régions d’Europe qui avaient subi la domination de Rome".

Enfin le paragraphe 17 se termine par cette affirmation "On peut donc affirmer que l’Empire britannique a ses racines culturelles dans le royaume hellénistique de Macédoine et de Grèce" qui pourrait sûrement s'appliquer à d'autres empires européens.

Il me semble qu'il fallait à tout prix choisir le "royaume hellénistique du général Cassandre, qui régnait sur la Macédoine et la Grèce", donc la partie la plus occidentale du territoire grec pour justifier le choix de la Grande Bretagne


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MessageSujet: Re: Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8   Je regardais, dans cette vision que je cherchais à la comprendre - Daniel 8 Icon_minitimeMar 31 Oct 2023, 16:05

C'est toute l'interprétation qui est "à l'ouest", au sens qu'avait pris cette expression il y a deux ou trois décennies... :)  Comme tu le relèves toi-même, ça ne sert absolument à rien de singulariser Cassandre au début de la série si l'enchaînement visé doit passer par l'empire romain ayant absorbé tous les royaumes hellénistiques (on trie pour remélanger, on distingue pour confondre à nouveau)... et pour arriver en Amérique, on aurait pu passer par l'Espagne et Christophe Colomb, mais pour les U.S.A. on préfère l'Angleterre et l'empire britannique, c'est aussi bête que ça. Mais même pour les TdJ qui s'en tiennent à l'interprétation de la Watch ça reste compliqué, car la description quasi identique du "grand méchant" s'applique à la "puissance anglo-américaine" dans un chapitre et à son adversaire germanique, nazi puis soviétique et enfin simplement russe dans un autre. D'aussi loin que je me souvienne, les TdJ ont toujours laissé ce genre d'explications leur passer "au-dessus de la tête", sans vraiment chercher à les comprendre ni à les questionner -- moi-même qui avais une bonne mémoire je ne les retenais pas. Mais cela peut durer longtemps faute de concurrence, car les explications vraisemblables (relatives aux événements et aux enjeux du IIe s. av. J.-C.) ne présentent guère d'intérêt pour un lecteur moderne.

Comme on le voyait récemment ailleurs (24.10.2023), La Bible annotée (fin XIXe s., pré-évangélique et suisse) reconnaissait bien Antiochos dans la petite corne du chapitre 8, mais pas dans celle du 7: à chacun ses contraintes dogmatiques... pour les interprétations protestantes et anticatholiques traditionnelles qui identifiaient le grand méchant à l'Antichrist et celui-ci au pape ou à la papauté, la géographie au moins était plus simple: de la Rome antique à la Rome chrétienne il n'y avait pas besoin de se déplacer, il suffisait d'attendre.
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