Marc 4,26-29

Chose promise...

Une "parabole" presque "pure" (de toute "explication" allégorique au moins, et qui gagne à le rester!)

Il disait encore: Il en est du règne de Dieu comme d'un homme qui jette de la semence sur la terre; qu'il dorme ou qu'il veille, nuit et jour, la semence germe et croît sans qu'il sache comment. D'elle-même la terre porte du fruit: d'abord l'herbe, puis l'épi, enfin le blé bien formé dans l'épi; et sitôt que le fruit est mûr, on y met la faucille, car la moisson est là.

Citation :

Chose promise...

Une "parabole" presque "pure" (de toute "explication" allégorique au moins, et qui gagne à le rester!)

Malgré l'explication ci-dessous, je trouve cette parabole toujours aussi énigmatique et notamment au niveau de l'intention de l'auteur ... Que voulait-il vraiment dire en rapport avec le règne de Dieu   ? Le savait-il vraiment lui-même ? Chaque explication soulève une question. J'ai le sentiment que cette parabole veut souligner l'idée que le règne de Dieu dépasse l'entendement humain, toute volonté humaine et qu'il est autonome et se développera d'une manière inéluctable, mystérieuse ... Ce qui s'oppose à l'idée d'une gestion des biens de ce royaume pour le faire fructifier.   


La croissance (v. 27-28)

Dans cette seconde étape, toute l'action se trouve déportée du côté de la semence. L'agriculteur n'est pour rien dans ce qui se produit après qu'il a jeté en terre la semence. Cette idée de passivité, la parabole la souligne de trois façons.


a) "Qu'il dorme ou qu'il se lève, nuit et jour..." (v. 26a).
Peu importe ce que l'agriculteur peut faire ou ne pas faire; une fois qu'il a semé, le processus de germination et de croissance suit son cours et tout se passe sans lui.
b) "...il ne sait pas comment" (v. 27b).
L'agriculteur peut d'autant moins intervenir dans le processus que celui-ci le dépasse entièrement; la formule vise moins à souligner son ignorance que le fait que ce qui se passe ne dépend pas de lui.
c) "...d'elle-même (automaté) la terre produit..." (v. 28a).

Dans tout le Nouveau Testament, l'adjectif utilisé ici n'apparaît ailleurs qu'en Ac 12,10, dans le récit de la délivrance miraculeuse de Pierre: "d'elle-même {automate) elle (la porte de la prison) s'ouvrit devant eux". Le terme désigne donc une réalité produisant une action de son propre mouvement, sans avoir besoin d'une intervention extérieure. On redit donc la même chose autrement: la terre produit sans que l'agriculteur y soit pour rien. La terre, pour ainsi dire, se charge de tout, une fois que lui a été confiée la semence: celle-ci connaît un processus de croissance dans lequel on ne saurait intervenir.

C'est à la description de ce processus que s'attardent les v. 27- 28. Il aurait suffi de résumer d'un mot, en parlant comme nous le faisons de «croissance». Mais la parabole s'applique à détailler les phases successives: la semence germe et pousse (4,27) puis apparaissent à tour de rôle l'herbe, l'épi, puis le blé plein l'épi (4,2S). L'ensemble décrit un dynamisme que l'énumération sert à mettre en relief, à la manière d'un film présentant en mouvement accéléré le mouvement de la croissance.
La transposition se laisse aisément effectuer: le Royaume est porteur d'un dynamisme interne sur lequel on n'a pas de prise et qui, sans intervention extérieure, parviendra à son terme.  []https://www.nrt.be/fr/articles/faire-confiance-a-la-grace-de-dieu-la-parabole-du-ble-quipousse-tout-seul-marc-4-25-29-204

Il me semble pour ma part que ce texte est assez clair dans son absence d'explication, et que cette clarté tacite persiste envers et contre toutes les explications, plus ou moins naturelles ou forcées, qu'on en donne.

"Dynamisme" d'un "processus" "indépendant",  dès lors qu'il est "enclenché" (semé), de toute "action" ou "inaction", de toute "intention", "attention" ou défaut d'intention ou d'attention, tous ces termes plus ou moins "abstraits", "techniques" ou "métalinguistiques" ne font que traduire ou paraphraser ce que la parabole dit de façon "concrète" et "naturelle". Elle se passe de commentaire, mais elle ne craint pas les commentaires.

N.B.: ce texte a été évoqué entre-temps ici.

Citation :

Il me semble pour ma part que ce texte est assez clair dans son absence d'explication, et que cette clarté tacite persiste envers et contre toutes les explications, plus ou moins naturelles ou forcées, qu'on en donne.

La pointe de la parabole

La pointe de ce texte n’est pas facile à déterminer. Certains la voient en cette certitude absolue que le Royaume de Dieu, une fois inauguré par le Christ, croîtra
par l’effet des forces immanentes à la semence du Royaume, quelle que soit la réaction des hommes à l’amour du Christ. Selon d’autres commentateurs, les derniers mots du texte en livreraient le sens profond : la moisson eschatologique sera bientôt coupée; le dénouement final est imminent. Nous opterons, avec J. Dupont, pour une troisième interprétation de la parabole: elle met en rapport le ministère de Jésus, si humble soit-il, avec l’inauguration solennelle du Royaume de Dieu. L ’histoire du salut entre avec le ministère de Jésus dans sa phase ultime. Les hommes ne peuvent brusquer la croissance du Royaume de Dieu où cette histoire trouvera sa plénitude, à la suite d ’une libre intervention de Dieu.

Les éléments de la parabole

ensemble du récit — non tel élément particulier — veut illustrer ״ les conditions de la venue du Royaume de Dieu » croyons-nous. Pour ce faire, le récit souligne
les phases de la croissance du blé (v. 28) ; m ais il s’attache davantage à la conduite du semeur: que celui-ci dorme ou veille, la semence croît, sans que le semeur ne sache comment la chose se produit. Plus précisément, la parabole oppose deux attitudes du paysan: sa longue insouciance durant la maturation du blé, puis son
intervention subite « quand le fruit le perm et ». Le paysan demeure au centre de la pensée. Quel enseignement veut exprimer la parabole ?

L ’enseignement de Jésus

Com m e le terme d ’un texte parabolique nous en livre souvent la clé, il est de bonne méthode de s’interroger d ’abord sur le sens de la moisson dont parle Mc 4 29. La moisson représente le plus souvent dans l’Écriture le jugement, vu sous son aspect terrible . On pourrait même préciser que M e 4 29 cite implicitement Joël 4 13, une prophétie du Jour de Yahvé annonçant le jugement des nations païennes: «Lancez la faucille, car la moisson est là » (cf. A p 4 14-16).


La précédente allusion à Joël le laissait déjà deviner, le paysan moissonneur est sans doute le Dieu juge. D ’ailleurs, une parabole traitant du Royaume de Dieu
a d'ordinaire pour but de montrer comment Dieu s’y prend pour étendre son Règne. La cohérence du texte nous invite enfin à voir dans l’inaction apparente du paysan (v. 27) une autre attitude de Dieu. Ainsi, « Dieu laisse les choses suivre leur cours normal et donne l’impression de se désintéresser de ce qui se passe. En réalité, il attend son heure . . . Il ne manquera pas de se manifester dès qu’aura sonné l’heure du jugement et de l’établissement de son Règne ». https://www.erudit.org/en/journals/ltp/1973-v29-n2-ltp0988/1020349ar.pdf

Cas d'école en effet d'une "interprétation" qui transforme la parabole en allégorie (cf. ici). Il faut néanmoins reconnaître, à sa décharge, 1) qu'il est quasiment impossible de l'"interpréter" autrement, sinon dans un sens "artistique", musical ou dramatique, de l'"interprétation" (autrement dit: donner à entendre et à voir ce que raconte le texte, sans chercher à l'"expliquer"); 2) que le modèle de l'interprétation allégorique d'une parabole est déjà fourni dans Marc (du moins dans le texte tel que nous le lisons), avec l'autre "parabole du semeur" (v. 3ss -> 14ss); et 3) que dans l'introduction de celle-ci le mot basileia, "règne" ou "royaume", point commun de la plupart des introductions plus ou moins stéréotypées de paraboles qui les changent déjà en comparaisons (le règne / royaume de Dieu / des cieux est comme...) et les orientent déjà vers une allégorie terme à terme, même lorsque celle-ci n'est pas explicite, est un (bon?) prétexte. C'est de tout cela qu'il faut se méfier si l'on veut entendre une parabole comme parabole, c'est au contraire ce vers quoi on se précipite quand on veut l'"interpréter" (comme une allégorie).