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 du sommeil au réveil

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Narkissos

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MessageSujet: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeSam 14 Déc 2019, 18:41

Il me vient souvent au réveil une phrase, dont je savais qu'elle est "biblique" mais dont j'avais un peu oublié le contexte, ou plutôt le manque de contexte qui la rend, paradoxalement, marquante (la preuve):

"Là-dessus je m'éveillai, et je regardai: mon sommeil m'avait été doux (ou agréable)."

C'est en Jérémie 31,26, entre deux "oracles" littéraires et plus ou moins poétiques; on peut y voir la conclusion du précédent (depuis le v. 23 ?) qui est plutôt "positif" et pourrait avoir un rapport avec l'émotion agréable, ou d'une série de précédents (depuis le chap. 30 ?), qu'elle ferait apparaître comme un rêve ou une suite de rêves, alors que rien, auparavant, ne les annonçait comme tels -- c'est bien ce qui frappe lors d'une lecture suivie du texte et qui fait qu'on se souvient parfois de cette phrase, jolie mais banale.

Pourtant cet "accident rédactionnel", "couture" apparente dont le fil dépasse comme il y en a des centaines dans les text(il)es bibliques et en particulier chez les (grands) Prophètes, attire aussi notre attention sur une évidence d'expérience chez tout lecteur qui est aussi un dormeur: on ne sait généralement pas qu'on dort quand on dort, ni même qu'on rêve quand on rêve, on ne le sait ou ne croit le savoir qu'après, lorsqu'on se réveille; le rapport au rêve, et plus encore au sommeil sans souvenir de rêve, est essentiellement rétrospectif -- du point de vue de l'éveil.

De cela, on trouve bien sûr de nombreuses notations dans "la Bible" comme dans "la littérature" en général, pas toutes aussi "heureuses" d'ailleurs (je pense à Isaïe 29,7s, au Psaume 73,20 ou à Job 20,8 ) , qui offrent en tout cas un sujet digne de "méditation" (bien que nous l'ayons sans doute déjà effleuré ailleurs, ici ou , ou encore là).
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeDim 15 Déc 2019, 00:01

Citation :
"Là-dessus je m'éveillai, et je regardai: mon sommeil m'avait été doux (ou agréable)."

Je trouve intéressant le verbe utilisé : " regarder". En effet après s'être éveillé et être réveillé le personnage dit qu'il regardai et en a conclu que son sommeil avait été doux. Il aurait pu utiliser un autre verbe pour exprimer son constat, par exemple : "je réfléchi", "je pris conscience".

Cela aurait-il signifié la même chose ? Vraisemblablement...
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeDim 15 Déc 2019, 13:10

On pourrait aussi traduire "je vis" (de voir), ou "je contemplai": l'hébreu préfère habituellement les expressions d'action ou de perception "concrètes" à celles de la "pensée abstraite" -- mais, du coup, celle-ci est tout aussi habituellement sous-entendue dans celles-là (un peu comme au théâtre et surtout au cinéma un bon acteur, par son regard, peut suggérer qu'il pense et même ce qu'il pense, bien plus efficacement que par une expression de sa pensée en commentaire, aparté ou voix off). A noter tout de même (cf. BHS ad loc.) qu'il a été proposé, dans le texte en question, de "corriger" le verbe r'h (regarder, voir, etc.) en rwh, soit "je fus rassasié" (peut-être par analogie et contraste avec le texte d'Isaïe référencé plus haut; cf. le jardin "bien arrosé" ou "irrigué", rwh, au v. 12).
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeMar 17 Déc 2019, 15:42

EN lisant le chapitre 31, on a le sentiment que Jé­ré­mie se réveille de l’ex­tase où il était plongé du­rant la ré­vé­la­tion, durant laquelle, il se délecte des paroles de Dieu (v25 : "Car j'abreuve celui qui est épuisé, et je rassasie tous ceux qui dépérissent"), puisqu'il vient de contem­pler l’a­ve­nir mes­sia­nique merveille réservé à son peuple. Envahi par un sentiment de bonheur et de bien-être, Jérémie souhaite prolonger le rêve par plaisir, alors qu'il est plus ou moins éveillé.
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeMar 17 Déc 2019, 16:06

Les v. 14 et 25 utilisent en effet le même verbe rwh (arroser, irriguer, abreuver, etc.) d'où dérive l'adjectif que j'avais signalé au v. 12 (ce qui peut appuyer la conjecture mentionnée dans mon post précédent, sans pour autant la rendre à mes yeux convaincante et encore moins nécessaire).

A toutes fins utiles, si j'ai (finalement) choisi de placer de placer cet étrange petit verset dans la rubrique générale "Religion" plutôt que dans "Un jour, un verset", c'est parce qu'au-delà du texte particulier de Jérémie les "thèmes" du sommeil, avec ou sans rêves, et du "réveil", m'ont paru assez riches et relativement peu traités pour eux-mêmes jusqu'ici, hormis quelques considérations éparses (cf. les liens ci-dessus) -- sommeil d'Adam ou de Noé, rêves visions ou oracles, prophétiques, sapientiaux ou apocalyptiques, sommeil de Jésus ou de ses disciples, sommeil identifié à la mort heureuse ou malheureuse, récompense ou consolation, faute ou châtiment, réveil et résurrection...
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeMar 17 Déc 2019, 16:55

Citation :
A toutes fins utiles, si j'ai (finalement) choisi de placer de placer cet étrange petit verset dans la rubrique générale "Religion" plutôt que dans "Un jour, un verset", c'est parce qu'au-delà du texte particulier de Jérémie les "thèmes" du sommeil, avec ou sans rêves, et du "réveil", m'ont paru assez riches et relativement peu traités pour eux-mêmes jusqu'ici, hormis quelques considérations éparses (cf. les liens ci-dessus) -- sommeil d'Adam ou de Noé, rêves visions ou oracles, prophétiques, sapientiaux ou apocalyptiques, sommeil de Jésus ou de ses disciples, sommeil identifié à la mort heureuse ou malheureuse, récompense ou consolation, faute ou châtiment, réveil et résurrection...

Un article que j'avais déjà donné en référence sur le sommeil des apôtres au jardin de Gethsémani :

Je me demande si le sommeil des apôtres ne pourrait pas être interprété plus positivement : comme un témoignage plutôt qu’une trahison. En fait, je formulerais deux propositions. D’une part, j’aimerais montrer que le sommeil peut nous faire avancer dans la compréhension de ce que l’on appelle « témoignage ». D’autre part, j’aimerais suggérer que le sommeil en tant que tel peut constituer un témoignage chrétien, qu’il est même peut-être le plus beau témoignage que l’on puisse faire, dès lors justement qu’en dormant on ne fait rien. Ou si peu.

Ainsi, l’épisode de Gethsémani ne parlerait pas de la faiblesse des apôtres, incapables de veiller avec leur maître, mais de la conversion de Jésus au sommeil. Les contradictions que l’on a relevées dans le texte évangélique seraient plutôt les indices du chemin parcouru par Jésus, au fil de ses trois visites aux apôtres endormis : d’abord il reproche à Pierre de ne pas avoir veillé avec lui ; ensuite, il se contente de constater que les apôtres dorment encore ; et enfin, à la troisième reprise, Jésus demande à ses apôtres de dormir. Ce qui change de valeur dans ce parcours, c’est bien le sommeil, qui acquiert progressivement une positivité aux yeux de Jésus.

Le sommeil des apôtres à Gethsémani ne revêt-il pas la même positivité ? N’est-il pas lui aussi un signe de la foi des apôtres, de leur confiance en Dieu ?

Cherchant à souligner toute la positivité dont la Bible entoure le sommeil, j’ajoute qu’il est souvent présenté comme l’occasion d’une visitation ou d’une action de Dieu. Ainsi Dieu fait sombrer Adam dans le sommeil pour lui façonner une femme : « Le Seigneur Dieu fit tomber dans une torpeur l’homme qui s’endormit ; il prit l’une de ses côtes et referma les chairs à sa place. Le Seigneur Dieu transforma la côte qu’il avait prise à l’homme en une femme qu’il lui amena » (Gn 2,21-22). De même pour sceller avec Abram son alliance : « Au coucher du soleil, une torpeur saisit Abram. Voici qu’une terreur et une épaisse ténèbre tombèrent sur lui » (Gn 15,12). Sans oublier que Dieu visite souvent ses élus dans des songes : c’est le cas de Jacob (Gn 28,11-19), du Joseph de l’Ancien Testament (Gn 37,5ss) et du Joseph du Nouveau Testament (Mt 1,20-25 ; 2,13ss).
Se demandant pourquoi « le temps du sommeil est regardé comme propice à la venue de Dieu », Daniel Sesboüé et Xavier Léon-Dufour avancent que c’est « peut-être parce que l’homme endormi n’est plus maître de lui et n’offre pas de résistance». Cette remarque est l’occasion d’aborder maintenant plus directement la question du témoignage. Plus directement, puisqu’une certaine idée de témoignage présidait bien sûr, dès le départ, à l’ensemble de la présente réflexion.

https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/2015-v71-n1-ltp02142/1033686ar/
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeMar 17 Déc 2019, 17:14

Je me souviens en effet de cet article que j'avais beaucoup apprécié -- mais plus du tout de la discussion qui y avait conduit...

P.S. Ah, si, c'était là (25.2.2019) !
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeJeu 03 Déc 2020, 15:28

Les habitués de la sieste discrète à la messe (ou autre) trouveront du réconfort à la lecture du  psaume 127,2 : "C'est inutilement que vous vous levez tôt, que vous vous couchez tard et que vous mangez le pain de la peine : il en donne autant à son bien-aimé pendant qu'il dort".
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeJeu 03 Déc 2020, 16:03

Et de ceci aussi...
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeJeu 03 Déc 2020, 20:12

Dans la parabole des dix vierges l’Époux ne leur reproche pas le fait qu'elles se soient endormies, le tort des cinq vierges insensées consiste à n’avoir pas tenu leurs lampes allumées. Les vierges avisées, elles, dormaient tout aussi profondément que leurs voisines, mais leurs lampes étaient restées allumées. cela nous fait passer au texte du Cantique des cantiques (5,2) : "J'étais endormie, mais mon cœur veillait… ".
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeVen 04 Déc 2020, 00:16

Très juste, mais le rédacteur matthéen a été moins... vigilant que toi, puisque la leçon ou la morale par laquelle il conclut la parabole, c'est "veillez" (v. 13) -- comme quoi on peut dormir en parlant d'éveil. Smile

Cela me rappelle une formule de Pessoa (ou d'Alvaro de Campos), "se réveiller d'être éveillé", ce qui en portugais peut se dire par deux verbes (plus) différents: despertarse de estar acordado. D'un poète ibérique l'autre, "Veillez" (Velad) était une des paroles évangéliques favorites de Machado, qui disait aussi préférer l'instant de l'éveil au sommeil et au rêve, et à la veille...

La phrase du Cantique est également très belle, aussi bien dans son contexte érotique premier que dans ses interprétations "mystiques" ultérieures, juives ou chrétiennes: elle rappelle Qohéleth 2,23, où la formule "même la nuit son coeur ne se couche pas" peut évoquer autant le rêve, ou le cauchemar, que l'insomnie...
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeJeu 10 Déc 2020, 13:15

Les états de conscience onirique

A. - J'ai rêvé que je volais. J'étais sûr que je ne rêvais pas. J'étais sûr d'être éveillé et je m'étonnais de ne pas avoir essayé plus tôt de voler, tellement c'était facile...
B. - J'ai rêvé que je volais. A ce moment, j'étais sûr de rêver mais je n'ai pas bougé. J'ai assisté, émerveillé, à mes évolutions en vol, sans prévoir ce qui se passerait. C'est un sentiment extraordinaire.

Telles sont les deux modalités de la conscience onirique que l'on peut obtenir en réveillant des sujets au cours des rêves (le rêve de vol est relativement fréquent et permet mieux, par son étrangeté, l'analyse de la conscience).
Chacun, au moins ceux qui se souviennent de leurs rêves, a le souvenir d'un rêve du type A, dont l'archétype le plus célèbre est le rêve de Tchouang-Tseu rêvant qu'il est papillon ou du papillon rêvant qu'il était Tchouang-Tseu. La réalité de la conscience onirique est bien résumée par cette formule d'Havelok Ellis [13]: "Dreams are real while they last, can we say more of life". Notre conscience onirique réagit ainsi, comme si elle était vigile. Nous pensons que nous ne rêvons pas. Il s'agit donc d'une conscience réflexive, puisque nous pouvons nous demander si nous rêvons. La conscience onirique ressemble ainsi à celle du sujet éveillé en proie à des hallucinations. L'imagerie onirique ou hallucinatoire déclenchée par un système endogène situé dans le tronc cérébral est considérée comme la réalité, même si elle est fantastique. La raison de la conscience réflexive qui intervient au cours de l'éveil est alors absente. L'illusion de la réalité au cours des rêves a fait l'objet de commentaires nombreux par les philosophes. Nous essaierons plus loin d'en cerner certains aspects psychophysiologiques.
Les rêves du type B sont beaucoup plus rares (1 à 2 % des souve nirs de rêve). Il est convenu de les appeler "rêves lucides". Il faut remarquer que le troisième rêve de Descartes au cours de la fameuse nuit du 10 novembre 1619 était un rêve lucide... "Ce qu'il y a de singulier à remarquer, c'est que doutant si ce qu 'il venait de voir était songe ou vision, non seulement il décida en dormant que c'était un songe, mais il en fit encore l'interprétation avant que le sommeil le quittât..." (Descartes parle de lui à la troisième personne). On sait que ce rêve conduisit Descartes à proposer la dichotomie entre res immateria et res materia et la formule "Je pense donc je suis" qui devait retarder les études sur l'inconscient en France.
Le rêve lucide est bien un rêve authentique: des rêveurs lucides ont été enregistrés pendant toute la nuit avec des électrodes au niveau du scalp, des orbites et des muscles. Il est donc ainsi possible de repérer sans aucune ambiguïté l'apparition des signes cardinaux du sommeil paradoxal (qui sont impossibles à simuler). On demande au sujet avant qu'il ne s'endorme de signaler qu'il rêve en bougeant par exemple un doigt de façon codée (3 fois, 2 fois, 1 fois, par exemple). Ce signal peut être enregistré sur le polygraphe. C'est ainsi que, grâce aux travaux de La Berge, on possède quelques enregistrements de périodes de rêve lucide au cours desquels le signal codé est inscrit. http://sommeil.univ-lyon1.fr/articles/jouvet/rmm_92/print.php
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeJeu 10 Déc 2020, 15:37

Intéressant article, et qui nous change de nos lectures habituelles...

La neuro-logie dispose de techniques d'observation, de mesure et de calcul sans précédent, mais comme toutes les sciences elle ne peut pas penser plus loin que le bout de sa langue (langage, logique, mathématique, bref tout le champ du logos): dès lors qu'on nomme quelque chose comme "le rêve", "le sommeil", "la veille", a fortiori un "concept" comme "la conscience", "l'esprit" ou "la réalité", on le  sépare et on l'isole de ses "autres" pour établir ensuite des "relations", des oppositions ou des comparaisons; c'est un "objet" ou un "sujet", à quoi l'on peut attribuer des états, des actions et des passions (verbes d'état ou d'action actifs ou passifs), des qualités et des quantités (adjectifs, adverbes, etc.). Jusque dans les sciences les plus "objectives", c'est la grammaire qui régit tout (il faut être philosophe ou philologue comme Nietzsche pour le remarquer), comme l'instrument qui détermine d'avance l'objet de l'enquête, ne fût-ce que pour le définir et le reconnaître comme tel...

Ce qui me paraît évident, et digne de méditation, c'est qu'il faut précisément une variation, un changement de "degré" et/ou de "nature", un excès, un défaut ou un "bougé" dans la "réalité" ou dans la "présence" (qu'il s'agisse du rêve, de l'imagination ou de la fiction, de l'angoisse, du désir, du manque ou du regret, et ainsi de suite) pour seulement concevoir quelque chose comme une "réalité", une "présence", et aussitôt une "conscience" ou un "esprit". Ce qui rend unique l'expérience de l'éveil, dans toute sa métonymie, comme l'expérience de l'expérience, ou l'expérience même.
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeLun 14 Déc 2020, 11:59

l’AT qui mentionne à plusieurs reprises le fait que Dieu "réveille", "éveille" l’esprit (endormi)  de tel ou tel homme : "le SEIGNEUR éveilla l'esprit de Cyrus" Esd 1,1.

Dans d'autres textes poétiques le Réveil est une métaphore :

"Eveille-toi, ma gloire ! Eveille-toi, luth, éveille-toi, lyre ! J'éveillerai l'aurore" (Ps 57,9)

"Eveille-toi, éveille-toi ! Lève-toi, Jérusalem, toi qui as bu de la main du SEIGNEURla coupe de sa fureur, toi qui as bu, qui as vidé jusqu'au fondla coupe d'étourdissement !" (Es 51,17)

"Lève-toi ! Pourquoi dors-tu, Seigneur ? Eveille-toi ! Ne nous rejette pas à jamais !" (Ps 44,24).
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeLun 14 Déc 2020, 13:46

Il est assez difficile en l'espèce (et en général) de distinguer la "métaphore" ou la "figure" d'un sens "propre": est-ce le sommeil qui imite la mort ou la mort qui imite le sommeil (Hypnos et Thanatos frères jumeaux, comme le rappelait un article référencé plus haut) ? De même sommeil et réveil, nuit et aurore, silence et parole, musique ou chant, oubli et mémoire, immobilité et mouvement, inaction ou apathie et action ou passion, toutes ces différences se renvoient les unes aux autres dans une ronde dont on serait bien en peine de dire où elle commence ou finit. Le fait est que dans les langues "bibliques", la "résurrection" (des morts) ne se dit que par des mots qui signifient aussi autre chose, "éveiller", "réveiller", "lever" ou "relever"; si notre terme "résurrection" a un sens spécifique, lui-même d'ailleurs aussitôt susceptible d'emplois "figurés" ("résurrection" de tout autre chose qu'un cadavre), c'est uniquement parce que l'usage a fait oublier sa propre "métaphore" latente dans son étymologie (cf. érection, insurrection, etc.: de l'horizontal au vertical, re-sur-rectio comme ana-stasis).
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeLun 14 Déc 2020, 19:04

Dans le NT, on rencontre quelques textes (très beaux) où le mot réveille (éveille)  vise la vie spirituelle, la relation avec Dieu :


"D'autant que vous savez en quel temps nous sommes : c'est bien l'heure de vous réveiller du sommeil, car maintenant le salut est plus proche de nous que lorsque nous sommes venus à la foi" (Rm 13,11)

"car tout ce qui devient manifeste est lumière. C'est pourquoi il dit : Réveille-toi, toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera" (Ep 5,14).




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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeLun 14 Déc 2020, 21:03

Cf. ici.

[En rapport avec une autre discussion récente (10.12.2020), on remarquera qu'entre Romains 13 (ou d'autres textes d'un paulinisme antérieur ou autrement dérivés de celui-ci, p. ex. 1 Corinthiens 7; 15 ou 1 Thessaloniciens 4--5) et Ephésiens qui jouent semblablement du sommeil et du réveil, le motif proprement "eschatologique", au sens "futuriste" du terme, concernant l'avenir du temps réel ou ordinaire (le salut est plus proche maintenant qu'avant, on n'en a jamais été aussi près) a disparu: le sommeil et l'éveil jouent désormais dans le seul cadre du "mystère", ils n'ont plus rien à voir avec le "cours de l'histoire".]

Toujours en marge: le texte de Jérémie que j'ai cité au début de ce fil s'était curieusement associé dans ma tête au "chant de minuit" du Zarathoustra de Nietzsche, à tel point que j'ai cherché un bon moment en vain dans la Bible un "j'ai dormi, j'ai dormi, je me suis réveillé" qui n'y était pas...
Nietzsche a écrit:
Oh Mensch! Gieb Acht!
Was spricht die tiefe Mitternacht?
"Ich schlief, ich schlief—,
Aus tiefem Traum bin ich erwacht:—
Die Welt ist tief,
Und tiefer als der Tag gedacht.
Tief ist ihr Weh—,
Lust - tiefer noch als Herzeleid:
Weh spricht: Vergeh!
Doch alle Lust will Ewigkeit
will tiefe, tiefe Ewigkeit!"


(Ô homme, prête attention !
Que dit le profond minuit ?
"J'ai dormi, j'ai dormi,
d'un rêve profond je me suis réveillé:
Le monde est profond,
plus profond que ne l'avait pensé le jour;
profond est son malheur,
et la joie plus profonde encore que le chagrin.
Le malheur dit: Passe !
Mais toute joie veut l'éternité,
une profonde, profonde éternité.")
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeLun 14 Déc 2020, 22:23

Je crois que j’ai dormi parce que je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage. Des bruits de campagne montaient jusqu’à moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi entrait en moi comme une marée. À ce moment, et à la limite de la nuit, des sirènes ont hurlé. Elles annonçaient des départs pour un monde qui maintenant m’était à jamais indifférent. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai pensé à maman. Il m’a semblé que je comprenais pourquoi à la fin d’une vie elle avait pris un « fiancé », pourquoi elle avait joué à recommencer. Là-bas, là-bas aussi, autour de cet asile où des vies s’éteignaient, le soir était comme une trêve mélancolique. Si près de la mort, maman devait s’y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne, personne n’avait le droit de pleurer sur elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme si cette grande colère m’avait purgé du mal, vidé d’espoir, devant cette nuit chargée de signes et d’étoiles, je m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. De l’éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j’ai senti que j’avais été heureux, et que je l’étais encore.

L’étranger - Camus
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeMar 15 Déc 2020, 00:47

Passage mémorable -- aussi sur le "bonheur" dont nous parlions ailleurs aujourd'hui même.

J'ai évoqué Machado, la première phrase que m'en ramène le net (qui est aussi un filet), c'est: "Si es bueno vivir, todavía es mejor soñar, y lo mejor de todo, despertar." (S'il est bon de vivre, il est encore meilleur de rêver, et le meilleur de tout c'est de se réveiller.) -- La méditation sur le rêve et l'éveil est une vieille tradition en Espagne, cf. La Vida es sueño de Calderón, 1636.

Parmi les jeux narratifs du sommeil, du rêve et de l'éveil dans la Bible, ceux de 1 Rois 19 (Elie) et d'Actes 12 (Pierre) sont aussi remarquables.
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeMar 15 Déc 2020, 12:06

Dès les premières lignes de À la recherche du temps perdu, c’est bien de ces tâtonnements du sujet vers lui-même et vers le monde au travers de ses mots qu’il s’agit. Relisons quelques fragments de ces pages si connues.

Citation :

Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Je m’endors. » Et, une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher le sommeil m’éveillait ; je voulais poser le volume que je croyais avoir encore dans les mains et souffler ma lumière ; je n’avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier ; il me semblait que j’étais moi-même ce dont parlait l’ouvrage : une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil ; elle ne choquait pas ma raison mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n’était plus allumé. Puis elle commençait à me devenir inintelligible, comme après la métempsycose les pensées d’une existence antérieure ; le sujet du livre se détachait de moi, j’étais libre de m’y appliquer ou non ; aussitôt je recouvrais la vue et j’étais bien étonné de trouver autour de moi une obscurité, douce et reposante pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui elle apparaissait comme une chose sans cause, incompréhensible, comme une chose vraiment obscure. Je me demandais quelle heure il pouvait être ; j’entendais le sifflement des trains qui, plus ou moins éloigné, comme le chant d’un oiseau dans une forêt, relevant les distances, me décrivait l’étendue de la campagne déserte où le voyageur se hâte vers la station prochaine ; et le petit chemin qu’il suit va être gravé dans son souvenir par l’excitation qu’il doit à des lieux nouveaux, à des actes inaccoutumés, à la causerie récente et aux adieux sous la lampe étrangère qui le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du retour(...)

Ce début de la Première Méditation est un exemple privilégié de la radicalité et du courage de Descartes. En opposition à la tradition philosophique antérieure, pour qui la séparation entre le rêve, le sommeil et la veille semble évidente, et en réponse aux arguments sceptiques, notamment à Montaigne, qui mettaient en cause cette évidence, Descartes le baroque affirme que, si l’unique critère de la connaissance véritable consiste dans la clarté et la cohérence de mes représentations, alors il n’existe pas « d’indices concluants, ni de marques assez certaines par où l’on puisse distinguer nettement la veille d’avec le sommeil ». Ainsi donc, malgré notre « étonnement », « supposons donc maintenant que nous sommes endormis », propose Descartes dans les pages suivantes. Certes, cette indifférence entre le sommeil et la veille nous étonne profondément ; mais elle n’a pas de quoi nous effrayer outre mesure : en effet, endormis ou réveillés, nos représentations suivront quelques règles identiques, les « images des choses qui résident en notre pensée » continueront toujours, qu’elles soient illusoires ou réelles, à avoir une étendue, un lieu, un temps, un nombre, une quantité. « Car, soit que je veille ou que je dorme, deux et trois joints ensemble formeront toujours le nombre cinq, et le carré n’aura jamais plus de quatre côtés . » Bref, que je veille ou que je dorme, je continue, selon Descartes, à penser de la même façon, bien que les contenus de mes pensées puissent être différents. https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2005-2-page-201.htm
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeMar 15 Déc 2020, 12:58

Très belle étude, et bonne idée de "rapprocher" ainsi Proust et Descartes -- c'est peut-être ce que la pensée du XXe siècle aura su faire de mieux, contourner le cloisonnement des "domaines" (littérature, philosophie, psychologie, linguistique, etc.) par une certaine opération de diversion et de contrebande. Au passage, cela touche aussi un autre sujet que nous avons plusieurs fois évoqué ici, à savoir la différence des "méditations", aux sens dits "occidental" et "oriental" du mot, qui ne sont pas non plus sans "rapprochement" possible.

Le jeu du sommeil et du rêve, de la veille et de l'éveil, comme celui de "la vie" et de "la mort", c'est la "virtualité" même qui déjoue les distinctions et les oppositions factices, entre "réel" et "imaginaire" (ou fiction) comme entre "possible" et "impossible".
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeMar 15 Déc 2020, 13:09

 Ils étendirent tapis et tissu de lin sur le pont du vaisseau creux, afin qu'il dormît sans se réveiller, à la poupe. Il monta à bord et se coucha, en silence ; eux s'installèrent un à un près des tolets, en bon ordre, et ils détachèrent le câble de la pierre trouée. En même temps que, penchés vers l'avant, ils faisaient de leur rame jaillir l'eau saumâtre, en même temps tombait sur les paupières d'Ulysse un sommeil profond, sans réveil, très doux, ressemblant à la mort de très près. Odyssée 13, 73-80 (éd. P. von der Miihl 1962). https://www.persee.fr/doc/gaia_1287-3349_2010_num_13_1_1545
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeMar 15 Déc 2020, 22:39

Etude fort instructive.

Tout est ambigu, la proximité du sommeil et de la mort qui paraît tantôt rassurante et tantôt inquiétante, l'absence de réveil qui tantôt distingue la seconde du premier et tantôt au contraire qualifie heureusement le premier comme sommeil doux ou profond, l'euphémisme de l'un pour l'autre qui peut être banal ou significatif (p. ex. pour différencier comme "sommeil" la mort du juste, du fidèle, du martyr, ou du chrétien, de la simple mort des autres), etc.

La distinction du "réveil" et du "relèvement" (la NBS s'est efforcée de la faire apparaître, ce qui n'est pas habituel en français) est potentiellement importante, parce qu'elle correspond en partie à deux idées très différentes de la "résurrection": l'une "subjective" ou "active" (reprendre conscience ou connaissance, vie et éventuellement action), l'autre "objective" ou "passive" (être relevé pour être jugé, justifié ou condamné pour ce qu'on a été ou ce qu'on a fait, sans qu'il s'agisse pour autant d'une nouvelle vie et d'une nouvelle histoire ou d'une reprise des précédentes; cf. p. ex. ici); mais elle est aussi relativisée par ce qu'elle a de courant, voire de quasi automatique (le NT, depuis "Paul", combine très majoritairement le verbe egeirô, éveiller, réveiller, et le substantif anastasis, relèvement ou redressement, sans qu'une nuance de sens soit toujours perceptible).

Quoi qu'il en soit des influences littéraires éventuelles, pour le lecteur de la Bible ce passage de l'Odyssée rappellera toujours ceci.
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeMer 16 Déc 2020, 20:14

[Post transféré d'ici comme convenu.]

Citation :
Plus généralement et en rapport avec l'autre fil qui nous a ramenés à celui-ci, il est assez clair que dans les évangiles tous les récits de sommeil et de réveil, ou d'un coucher à un lever, miraculeux ou non (p. ex. les "lève-toi et marche" adressés à des malades, à des paralytiques ou à des morts), renvoient à la "résurrection" du Christ, mais cette référence est à double sens: la "résurrection" renvoie aussi à tous les réveils et à tous les levers du récit et de la vie, ordinaires ou extraordinaires.

le vocabulaire de l'éveil est le plus diffusé : «egeirein» / réveiller, relever, mettre sur pied… (36 fois en Mt ; 19 fois en Mc ; 17 fois en Lc). La forme passive «être réveillé» (avec Jésus pour sujet) est appelée «passif théologique» car l'auteur de l'action (celui qui réveille) est implicitement Dieu : cf. Mt 28,6.7 ; Mc 16,6.14 et Lc 24,6 : « il n'est pas ici, il est réveillé » . La forme active est employée en Mt 8,15 ; 9,5.6.7…; Mc 3,3 ; 5,39,41…; Lc 1,69 ; 5,23.24…

2 — vocabulaire du lever : «anistanai» / se dresser, se lever ; en grec, «résurrection» se dit «anastasis » (7 fois en Mt ; 18 fois en Mc et 29 fois en Lc). À première lecture, le verbe désigne souvent un changement d'attitude (ainsi se lever de son siège) mais le contexte peut laisser deviner une signification plus mystérieuse. Cf Mt 9,9…; Mc 1,35 ; 16,9a… ; Lc 4,16 ; 24,7 (12.33).46… : « Il faut que le Fils de l'homme soit crucifié et que le troisième jour il se lève » (Lc 24,7).

Pour ces deux verbes (réveiller, se lever) l'imaginaire fonctionne sur l'opposition entre un avant et un après : l'éveil succède au sommeil, la position debout à la position assise ou couchée. Il semblerait qu'il y ait eu un report de sens du deuxième verbe sur le premier. Le symbolisme « ténèbres / lumière » est sans doute à relier à cet ensemble. À noter que dans nos traductions françaises de la Bible les verbes «egeirein / réveiller» et «anistanai / se dresser» sont souvent rendus par le même verbe ressusciter (susciter de nouveau), verbe qui vient du latin «resuscitare, ranimer» (cf grec «egeirein») - alors que le mot résurrection vient, lui, du latin «resurgere, se relever» (cf grec «anistanai») !
https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/464.html
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MessageSujet: Re: du sommeil au réveil   du sommeil au réveil Icon_minitimeJeu 17 Déc 2020, 11:38

Comme je l'ai indiqué dans mon post précédent, l'analyse du vocabulaire doit tenir compte de l'usage effectif autant que du "sens premier" des mots: de fait les verbes egeirô (= egeirein) et anistèmi (= anistanai) sont souvent interchangeables, et quand on a besoin d'un substantif c'est presque toujours anastasis (correspondant à anistèmi) -- egersis (d'egeirô) n'apparaît qu'une seule fois et manifestement dans une glose tardive (Matthieu 27,53).

A mon sens, il vaudrait toutefois mieux partir du corpus paulinien, et surtout des premières épîtres qui déterminent l'essentiel du vocabulaire "chrétien" même si elles ne l'inventent pas, que des évangiles beaucoup plus tardifs qui se bornent à l'employer en le modifiant ici et là. Or chez "Paul" le verbe egeirô et ses dérivés sont très largement majoritaires (1 Corinthiens 6,14; 15,4.12-17.20.29.32.35.42-44.52; 2 Corinthiens 1,9; 4,14s etc.), bien qu'ils se combinent avec le substantif anastasis là où l'auteur a précisément besoin d'un "substantif", pour nommer le "concept" qui fait l'objet du débat (1 Corinthiens 15,12-13.21.42). Cela crée évidemment une sorte d'équivalence fonctionnelle entre les deux termes (réveil <=> relèvement), sans faire disparaître tout à fait la priorité du premier: la résurrection paulinienne est d'abord pensée comme "réveil", c'est d'ailleurs ainsi qu'elle est le plus compréhensible pour un public grec familier de l'idée de sur-vie (de l'âme), même s'il faut ensuite batailler pour la rendre compatible avec la notion juive (d'origine perse) de "résurrection" comme "relèvement" (du corps), bien plus étrangère à une pensée grecque ou hellénistique. L'idée de "corps spirituel" (sôma pneumatikon), "corps" quand même mais ni "chair" ni "sang", étant en quelque sorte un compromis entre les deux (dont il faut rappeler qu'il n'a pas dû paraître très satisfaisant, puisqu'il ne revient plus jamais sous cette forme après 1 Corinthiens).
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