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 Réjouissez-vous!

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Narkissos

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MessageSujet: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeSam 25 Juin 2011, 17:31

De tous les impératifs positifs de la Bible, celui-ci est peut-être, en fin de compte, le plus accessible, pour autant qu'on ne l'assortit d'aucune "raison", d'aucun motif ni d'aucune condition. Plus accessible en tout cas que les commandements d'amour dont nous avons déjà beaucoup parlé et dont les "objets" (le prochain, les ennemis, les frères ou les-uns-les-autres) s'avèrent quelquefois dissuasifs.
Il confine parfois à l'emploi absolu: "Réjouissez-vous toujours, pantote khairete" (1 Thessaloniciens 5,16) serait encore plus court, en grec, que le verset qui passe souvent pour le plus court de la Bible, "Jésus pleura" (Jean 11,35, edakrusen ho Ièsous). Et ce malgré ce qu'on pourrait considérer comme un mot de trop: toujours, dont se dispense la reprise de Philippiens 4,4: "Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur; je le dis encore, réjouissez-vous!" Tout dépend d'ailleurs comment on entend ce "toujours", car s'il n'est pas possible de se réjouir toujours, il est peut-être toujours possible de se réjouir.
Autant j'ai détesté la joie contrainte et affectée d'un certain christianisme ostentatoire (aux fins de "bon témoignage" par exemple), autant je pense qu'il serait bête de passer à côté de la petite part de vérité qu'un tel commandement recèle, à savoir que la joie (contrairement au bonheur) dépend peut-être toujours d'un choix ou au moins d'un consentement, d'une réponse positive et immédiate aux sollicitations les plus banales et les plus discrètes. En grec l'impératif "réjouis-toi", "réjouissez-vous", était d'ailleurs la salutation de base, simple comme "bonjour" -- celle-là même que les "sectaires" refusent à leur "apostats" selon 2 Jean 9-11; elle n'en restait pas moins, sous l'usure de l'usage, un commandement quotidien de tous à chacun en quelque sorte...
Il y a au début de La recherche un petit passage admirable, que lct n'a sûrement pas manqué:
Citation :
J'entendais plusieurs fois par an mon grand-père raconter à table des anecdotes toujours les mêmes sur l'attitude qu'avait eue M. Swann le père, à la mort de sa femme qu'il avait veillée jour et nuit. Mon grand-père qui ne l'avait pas vu depuis longtemps était accouru auprès de lui dans la propriété que les Swann possédaient aux environs de Combray, et avait réussi, pour qu'il n'assistât pas à la mise en bière, à lui faire quitter un moment, tout en pleurs, la chambre mortuaire. Ils firent quelques pas dans le parc où il y avait un peu de soleil. Tout d'un coup, M. Swann prenant mon grand-père par le bras, s'était écrié : « Ah ! mon vieil ami, quel bonheur de se promener ensemble par ce beau temps. Vous ne trouvez pas ça joli tous ces arbres, ces aubépines et mon étang dont vous ne m'avez jamais félicité ? Vous avez l'air comme un bonnet de nuit. Sentez-vous ce petit vent? Ah ! on a beau dire, la vie a du bon tout de même, mon cher Amédée ! »
Brusquement le souvenir de sa femme morte lui revint, et trouvant sans doute trop compliqué de chercher comment il avait pu à un pareil moment se laisser aller à un mouvement de joie, il se contenta, par un geste qui lui était familier chaque fois qu'une question ardue se présentait à son esprit, de passer la main sur son front, d'essuyer ses yeux et les verres de son lorgnon. Il ne put pourtant pas se consoler de la mort de sa femme, mais pendant les deux années qu'il lui survécut, il disait à mon grand-père : « C'est drôle, je pense très souvent à ma pauvre femme, mais je ne peux y penser beaucoup à la fois. » « Souvent, mais peu à la fois, comme le pauvre père Swann», était devenu une des phrases favorites de mon
grand-père qui la prononçait à propos des choses les plus différentes. Il m'aurait paru que ce père de Swann était un monstre, si mon grand-père que je considérais comme meilleur juge et dont la sentence faisant jurisprudence pour moi, m'a souvent servi dans la suite à absoudre des fautes que j'aurais été enclin à condamner, ne s'était récrié : « Mais comment ? c'était un coeur d'or!»
Quand l'expérience du malheur ne servirait à rien, elle servirait peut-être encore à cela, de nous rendre sensible aux moindres appels à la joie, voire à la joie "gratuite", à la joie pour rien, ou pour elle-même, ou pour un seul appel à "se réjouir" -- alors que sans elle il en faut bien peu pour nous gâcher un rayon de soleil. En grec toujours, la "joie" (khara) et la "grâce" (kharis) sont voisines.
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le chapelier toqué

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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeDim 26 Juin 2011, 12:48

Très beau texte Spermologos, il pourrait servir à résumer un volume de Proust car tu écris avec autant de bonheur que les auteurs qui se sont penchés sur son roman et le résument parfois maladroitement.

Merci d'avoir rappelé ce beau passage. Je suis sans doute un passéiste mais apprécie vraiment cet auteur.
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Lalie

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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeDim 03 Juil 2011, 22:28

Oh non, chapelier, tu n'es pas un passéiste ou alors, tu es loin d'être le seul ! A mon sens Proust est au sommet de la chaîne "littéraire" et merci à Spermologos de nous le rappeler par ce très beau passage.

Oui, se réjouir dans ce sens là, c'est sans doute le seul qui nous est échu au final : des joies fugaces qu'il faudrait pouvoir savourer, étirer, conserver en sérum contre les jours gris et froids... et il y en a tant...
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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeLun 04 Juil 2011, 12:15

Citation :
à savoir que la joie (contrairement au bonheur) dépend peut-être toujours d'un choix ou au moins d'un consentement, d'une réponse positive et immédiate aux sollicitations les plus banales et les plus discrètes.

Je trouve cette refelxion très pertinente et encourageante.
Cette notion de "choix" me parait d'une extreme importance.
Connaitre des moments de Joie, n'est ce pas faire le choix d'accepter que chaque experience, chaque épreuve et chaque instant de vie qui se presentent, soient la meilleure chose qui soi pour soi et se réjouir à l'avance de ce que va nous apporter ou faire naitre en nous ce moment ... ce qui nous permettra de dire "on a beau dire, la vie a du bon tout de même" même dans les pire moment.


Dernière édition par free le Lun 04 Juil 2011, 13:06, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeLun 04 Juil 2011, 12:35

En rendant visite à ma petite fille, je repense parfois à la phrase que free a mis en valeur, phrase due à la plume de spermologos.

Il est vrai que le bonheur est difficile à appréhender et souvent ne dépend pas de nous, ou pas complètement, tant il est fragile et ne se laisse pas attraper. Alors que la joie est le reflet de notre attitude à rebondir face aux situations qui nous arrivent.

Le bonheur est fragile et il n'est pas possible de l'attendre sans cesse en espérant qu'il va éclairer toute notre vie. Il est sans doute caché derrière la joie que nous avons décidé d'afficher. Il est beau d'apporter le bonheur par notre joie.
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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeLun 04 Juil 2011, 12:37

Le 2e message de Lalie me procure de la joie, presque du bonheur Very Happy
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Narkissos

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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeLun 04 Juil 2011, 14:48

Si j'évoquais le lien qui existe, dans la langue grecque, entre "joie" et "grâce", c'est aussi avec l'arrière-pensée que les apories théologiques relatives à celle-ci s'extrapolent aisément à celle-là dans son champ, disons, "psychologique" -- mutatis mutandis, comme toujours.
C'est de notoriété publique, on a beaucoup débattu dans le petit monde des théologiens (entre Augustin et Pélage, entre Luther et Erasme, entre jansénistes et jésuites, entre calvinistes et arminiens) de l'articulation problématique de la grâce et de la liberté (alias libre-arbitre). Avec d'une part le souci de préserver le caractère souverain, "irrésistible" et "efficace" de la grâce que j'étendrais volontiers à la joie (je repense au joli titre Surprised by Joy, de C.S. Lewis, dont les circonstances -- la mort et le deuil de sa femme -- ne sont pas sans analogie avec le passage de Proust ci-dessus), et d'autre part celui de ne pas y dissoudre la participation humaine.
Il me semble que si les avocats du libre-arbitre (pélagiens, semi-pélagiens) ont toujours eu un certain "bon sens" de leur côté, les autres se sont montrés plus sensibles au mystère -- de la grâce, et aussi de la joie -- même s'ils n'ont pas su se prémunir contre ses conséquences "logiques" (le "pire" étant peut-être à cet égard la "double prédestination" des calvinistes stricts).
Que le malheur puisse rendre paradoxalement (et peut-être exceptionnellement dans les faits, même s'il s'agit d'une possibilité constante) disponible à l'appel irrésistible de la joie, cela reste à la fois un "mystère" et un "scandale", au coeur de la littérature -- qui n'est pas sans rappeler le "mystère" et le "scandale" de la grâce au coeur de la théologie.
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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeLun 04 Juil 2011, 15:09

«Réjouissez-vous! BtnANTM » Martin Gray

Toute sa vie, la mort lui a soufflé dans le cou. Après l’avoir traquée durant les années où il vivait dans le ghetto de Varsovie, elle a d’abord frappé sa mère et ses jeunes frères qui ont été gazés dans un camp de la mort. Quelques semaines plus tard, il voyait son père tomber sous les balles lors d’une rafle nazie. Après la guerre, il reconstruit sa vie aux États-Unis puis en France où le destin lui devait bien de le laisser vivre des moments plus heureux. Mais celui-ci a plutôt choisi de le plonger encore dans le drame de voir sa femme Dina et ses quatre enfants périr dans un incendie de forêt en 1970. C’est l’écriture du livre Au nom de tous les miens qui l’a sauvé du désespoir.

Question :

Vous avez survécu à la guerre, la faim, la torture, l’épuisement, le désespoir, la mort de toute votre famille. Au soir de votre vie, diriez-vous que ça en valait le coup ?

"La vie est quelque chose d’extraordinairement beau, et transmettre cette belle vie est un événement magnifique. Il n’y a pas de plus belle chose que la vie. Il faut la vivre pleinement avec les bras tendus vers le haut pour mieux approcher l’essentiel."
Réjouissez-vous! Volume_19_2-1c


http://www.fcfq.qc.ca/revueprofil/19_2_1.htm


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Narkissos

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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeLun 04 Juil 2011, 18:07

Le bonheur ? Il y a là-dedans du confort, de l'organisation, une stabilité construite qui m'est tout étrangère. Avoir des malheurs, c'est sentir l'échafaudage bonheur ébranlé par les coups du sort. En ce sens, je suis tranquille. Je suis à l'abri du malheur, car je n'ai pas d'échafaudages. Moi, je suis l'homme de la tristesse et de la joie. Alternative tout opposée à l'alternative malheur-bonheur. Je vis nu et solitaire, sans famille, sans amis, exerçant pour survivre un métier qui est tellement au-dessous de moi que j'y satisfais sans plus y songer qu'à ma digestion ou à ma respiration. Mon climat moral habituel est une tristesse d'ébène, opaque et ténébreuse. Mais cette nuit est souvent traversée par des joies fulgurantes, inattendues et imméritées, qui s'éteignent aussitôt, mais non sans me laisser les yeux pleins de phosphènes dorés et dansants.
M. Tournier, Le roi des aulnes.
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Anagnoste

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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeMar 05 Juil 2011, 10:57

Chers tous,

échanges admirables pour moi, peut-être le plus beau fil que j'aie lu. J'y ajouterais un petit morceau d'un film d'Alain Resnais. Un veuf inconsolable dit un jour : "un matin, j'ai eu envie d'acheter des souliers neufs : j'étais guéri". Je crois que c'est dans "L'amour à mort", mais je n'en suis pas sûr.

Un jésuite psychanalyste, Denis Vasse, a écrit un livre là-dessus : "Le temps du désir".

"Mon âme a soif du Dieu vivant"...

Et je ne sais plus quelle "sainte" (catholique) : "je crois ce que je veux". Peut-être Thérèse d'Avila, je ne sais plus.

A bientôt.
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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeLun 18 Juil 2011, 19:37

je viens de tout lire vos commentaires qui sont forts interressants et édifiant, mais parfois je me dis le "bonheur" n'existe pas car nous ne pouvons JAMAIS vraiment ÊTRE HEUREUX ou alors sont sommes revêtu d'égoisme ,Pourquoi je dis cela ,c'est que toujours il y a quelqu'un ou quelque chose qui nous montre la souffrance .je dis que nous vivons des moment joyeux, simplement. Smile
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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeVen 10 Déc 2021, 18:52

J'écoutais ce matin cet enregistrement de la neuvième symphonie de Beethoven -- tarte à la crème de la "musique classique", ou plutôt "romantique" (d'autant que le quatrième mouvement, dit "Hymne à la joie", An die Freude d'après le poème de Schiller, est devenu entre-temps l'hymne européen) au point que les "mélomanes" auraient plutôt tendance à la snober: moi-même je ne l'écoute pas souvent, mais ce n'est jamais sans larmes à certains points de l'œuvre.

Il faut dire qu'elle est indissociable pour moi d'une époque, vers la fin de ma période jéhoviste, où j'ai découvert, à retardement, beaucoup de choses très ou trop "connues" (je me souviens même d'avoir copié le texte de Schiller dans un livre trouvé à Berlin, lors d'un voyage, en 1985); parmi elles il y avait eu aussi, sur le même "thème" mais dans un tout autre esprit, le roman Que ma joie demeure, de Giono (dont le titre rappelle évidemment Bach, que j'ai vraiment commencé à écouter un peu plus tard et que je n'ai plus jamais quitté; "Jésus, que ma joie demeure" n'est pourtant qu'une traduction approximative de Jesus bleibet meine Freude, qui signifierait plutôt "Jésus demeure ma joie", titre du dernier choral de la cantate BWV 147, mais cette traduction française aura eu presque autant de succès que le morceau); et Pascal -- "joie, joie, joie, pleurs de joie", dans le "Mémorial", avec la polyvalence ou la polysémie des larmes (de tristesse, de chagrin, de souffrance, mais aussi de rire et de joie, dont nous parlions encore ici).

Bref, c'est tout cela, ou le seul mot de "joie", qui me ramène à ce vieux fil -- il y en a eu entre-temps au moins un autre, qui mérite tout autant d'être relu, à partir de l'Evangile de Luc.

Que la (ma, ta, sa, notre, votre, leur) joie demeure, c'est grammaticalement un "jussif" -- un commandement indirect, ordre sans ordre, qui ne s'adresse pas au sujet ou à l'agent (la joie) de l'action (demeurer, si l'on peut appeler ça une action) -- ce qui s'exprime en français au subjonctif puisque notre impératif ne comporte pas de troisième personne: appel, prière, voeu ou souhait (soit ce qui pour Aristote ne relève pas de la "logique" du "vrai ou faux"), expression d'une volonté ou d'un désir. La durée et l'immobilité du "demeurer" n'entrent pas moins en tension avec tout ce qui caractérise par ailleurs la "joie" comme une "émotion", ponctuelle ou événementielle (qu'elle réponde, comme au point de départ de ce fil, à un impératif, "réjouissez-vous", ou à un "événement", comme dans l'autre, "[re-]trouver ce qui était perdu"). Que la joie demeure, c'est en un sens l'impossible, et le désir de l'impossible au cœur de tout désir. J'associais spontanément la formule aux textes johanniques, qui parlent beaucoup de "joie" (khara, khairein etc.) d'une part et de "demeurer" (menein) d'autre part, mais en fait elle n'y est pas -- ce qui s'en rapprocherait le plus serait peut-être Jean 16,22, "personne ne vous enlèvera votre joie". La joie y est plutôt "accomplie" ou "parfaite", littéralement "remplie" (plèroô, d'où "plérôme", 3,29; 15,11; 16,24; 17,13; 1 Jean 1,4; 2 Jean 12) -- question de mesure et d'intensité plutôt que de durée. On pourrait aussi en rapprocher la fameuse phrase du Faust de Goethe dont nous parlions il y a peu, Verweile doch, du bist so schön (reste un peu, tu es si belle), à propos de l'heure ou de l'instant heureux qu'on voudrait prolonger -- c'est en fait une auto-malédiction, car en contexte et en substance, Faust dit au démon Méphistophélès: si j'en arrive à dire ça, à m'attacher à l'instant au point de ne plus vouloir qu'il passe, tu auras gagné, je serai perdu; soit: je ne le dirai jamais, je m'engage à ne jamais le dire (Faust est évidemment le parangon de l'imprudence).

Nietzsche dit quelque chose d'assez semblable en associant joie, vouloir, éternité et profondeur: "Toute joie (Lust et non Freude, plutôt du côté du plaisir ou de la gaieté, cf. le Lustprinzip de Freud) veut l'éternité -- une profonde, profonde éternité", dans un poème que Mahler, cette fois, a mis en musique, dans sa troisième symphonie. On notera qu'ici c'est la "joie" qui "veut".

On pourra, si le cœur en dit, se promener par ici.
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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeLun 13 Déc 2021, 11:50

La vraie joie n’est pas dans la fête mais dans le don

« La fête perpétuelle dans notre pays comblé et ingrat s’est parée d’une tristesse invincible. La vraie joie réside dans la simplicité, dans les petites choses reçues et partagées, dans le don et le sacrifice au quotidien. »

Chacun connaît la célèbre cantate de Jean-Sébastien Bach, « Jésus que ma joie demeure », dont le titre exact est d’ailleurs non pas un souhait mais une affirmation : « Jésus demeure ma joie ». Cela signifie que, quelles que soient les épreuves, les déceptions, les souffrances de l’existence, la joie, celle qui vient du Christ et non point celle, éphémère, qui vient du monde, est indéracinable. 

La « joie parfaite »

Nous confondons souvent la joie avec des émotions ou des passions passagères, ce qui provoque une certaine excitation qui retombe comme un soufflé aussitôt que l’objet qui nous a remué a disparu. La joie est bien autre chose. Nous sommes surpris lorsque nous découvrons, dans les Fioretti de saint François d’Assise, ce qu’il nomme la joie parfaite. Cheminant avec Frère Léon, en plein hiver, de Pérouse à Sainte-Marie-des-Anges, il enseigne que la joie parfaite du frère mineur n’est point la sainteté, les dons de guérison, la prophétie, la sagesse de toutes choses, la prédication talentueuse. La joie parfaite est l’humiliation, le rejet, la privation, les souffrances, dans l’humilité et dans la charité, pour la gloire de Dieu. Et il conclut : 

« Et enfin, écoute la conclusion, frère Léon : au-dessus de toutes les grâces et dons de l’Esprit saint que le Christ accorde à ses amis, il y a celui de se vaincre soi-même, et de supporter volontiers pour l’amour du Christ les peines, les injures, les opprobres et les incommodités ; car de tous les autres dons de Dieu nous ne pouvons nous glorifier, puisqu’ils ne viennent pas de nous, mais de Dieu, selon que dit l’Apôtre : “Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu de Dieu ? et si tu l’as reçu de lui, pourquoi t’en glorifies-tu comme si tu l’avais de toi-même ?” Mais dans la croix de la tribulation et de l’affliction, nous pouvons nous glorifier parce que cela est à nous, c’est pourquoi l’Apôtre dit : “Je ne veux point me glorifier si ce n’est dans la croix de notre Seigneur Jésus Christ.” » 

La croix est donc la joie parfaite, ce qui n’est guère ce qui nous vient à l’esprit lorsque nous nous réjouissons à Noël ou avec ceux que nous aimons. Ce n’est pas la croix par dolorisme mais la croix qui est un don venant vraiment de nous, ce qui n’est pas le cas du reste, de nos talents et des grâces que nous recevons du Très Haut. Georges Bernanos n’exprime pas autre chose dans son roman La Joie : « Qui cherche la vérité de l’homme doit s’emparer de sa douleur. » Le même dédicaçait ainsi un exemplaire de ce livre au P. Victor Poucel : « La joie, en attendant la douce pitié de Dieu qui sûrement se lèvera demain. »

https://fr.aleteia.org/2020/01/01/la-vraie-joie-nest-pas-dans-la-fete-mais-dans-le-don/
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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeLun 13 Déc 2021, 13:15

N.B.: Jesus bleibet meine Freude n'est pas le titre de la cantate, mais celui (ou plutôt l'incipit, les premiers mots) du second et dernier choral -- le premier a d'autres paroles sur la même musique, dont la mélodie vocale est d'ailleurs empruntée à J. Schop (voir ici le texte allemand et la traduction française).

Il y a de bons livres dans une bibliothèque "réactionnaire" (Bloy, Péguy, Bernanos...) et il serait dommage de s'en priver par réaction à la réaction... D'autre part l'association (paradoxale, dialectique, existentielle, aporétique) de la joie et de la croix -- ou de la souffrance en général -- est au moins aussi vieille que le christianisme (cf. Hébreux 12,2, 1 Pierre ou les Béatitudes entre autres, en passant par la superposition de la "gloire" et de la croix dans le quatrième évangile), même si chaque époque, chaque lieu et chaque milieu l'exprime dans des tonalités, des modulations et des articulations sensiblement différentes. A vrai dire il n'est guère d'"expérience humaine" qui n'éprouve le besoin de l'exprimer d'une façon ou d'une autre: qu'il y ait de la joie dans la souffrance et de la souffrance dans la joie, c'est une banalité et à chaque fois une découverte, merveilleuse et terrible pour qui l'expérimente, peu importe combien de fois il a pu l'entendre ou le dire auparavant, avec ou sans "Dieu", "Christ", "croix", etc.
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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeMar 14 Déc 2021, 11:28

Comment la joie se manifeste-t-elle dans l’Évangile de Jean ?

Bernadette Escaffre, professeur honoraire de la Faculté de théologie de l’Institut catholique de Toulouse : À première vue, la joie peut être perçue de façon paradoxale. Elle est présente dans des circonstances qui n’ont rien de gai. En apprenant la mort de Lazare, Jésus dit : « Je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez » (Jn 11,15). Comment peut-il donc se féliciter de ne pas avoir été présent auprès de son ami mourant ? Marthe, la sœur de Marie, lui reproche son absence (Jn 11, 21). C’est choquant pour son entourage et pour les lecteurs que nous sommes. À un autre moment, Jésus enseigne dans le temple et discute âprement avec les pharisiens. « Abraham votre père a exulté, sachant qu’il verrait mon Jour. Il l’a vu, et il s’est réjoui », dit-il (Jn 8, 56). Puis, dans la discussion, il rajoute : « Avant qu’Abraham fût, je Suis », se faisant l’égal de Dieu. Ses paroles sont si scandaleuses pour certains de ses auditeurs qu’ils veulent le lapider. Il est obligé de se cacher pour sortir du temple.

N’y a-t-il pas des passages plus positifs à propos de la joie ?

Bien sûr ! Cette joie est profondément liée à la personne de Jésus. Elle est annoncée par Jean-Baptiste qui compare la venue du Christ à des fiançailles, qui sont un grand moment de fête. « Moi, je ne suis pas le Christ, mais j’ai été envoyé devant lui. Celui à qui l’épouse appartient, c’est l’époux ; quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il entend la voix de l’époux, et il en est tout joyeux. Telle est ma joie : elle est parfaite » (Jn 3,29). Jésus, en Samarie, fait référence à un autre moment de réjouissance : la période de la moisson. Il emprunte cette image au prophète Amos (9,13), où le prophète annonce l’arrivée des temps messianiques et son abondance, en disant que la récolte suit immédiatement les semailles. Jésus invite ses disciples à découvrir que ce temps de joie est arrivé : « Ne dites-vous pas : “Encore quatre mois et ce sera la moisson” ? Et moi, je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs déjà dorés pour la moisson. Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour la vie éternelle, si bien que le semeur se réjouit en même temps que le moissonneur » (Jn 4,35-36).

https://croire.la-croix.com/Definitions/Bible/Saint-Jean-lEvangile-joie-2020-10-15-1701119759
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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeMar 14 Déc 2021, 12:24

On ne peut évidemment pas dissocier le thème de la "joie" dans le quatrième évangile de l'ensemble de la "christologie" johannique, qui est à la fois une "théologie" et une "anthropologie" -- si "littéraire" qu'y soit le personnage de "Jésus", il n'en est pas moins pleinement "divin" et "humain", c'est la révélation d'un Dieu-Homme ou d'un Homme-Dieu, déroutante par rapport à tout ce qui oppose traditionnellement "divin" et "humain".

J'insisterais davantage (cf. supra 10.12.2021) sur la "plénitude" (plèroô, plèrôma): quand on parle de joie "parfaite" ou "accomplie", il faudrait pouvoir entendre comme en grec "pleine" ou "remplie"; le verbe se rapporte aussi, selon des usages plus ou moins courants, à d'autres "choses" (le "temps", kairos, 7,8; la maison remplie du parfum, 12,3; l'écriture ou la parole "accomplie", 12,38; 13,18; 15,25; 17,12; 18,9.32; 19,24.36; le coeur rempli de chagrin, 16,6), mais là-dessus les mentions de la joie "pleine" ou "remplie" (plèroô 3,29; 15,11; 16,24; 17,13; 1 Jean 1,4; 2 Jean 12; cf. aussi plèrès et plèrôma 1,14.16, sans oublier la parenté entre la "grâce", kharis, et la "joie", khara) tranchent, de façon plus singulière (la seule expression semblable que je voie ailleurs serait en Philippiens 2,2). Certes, l'association de la joie et du "plein" est assez naturelle dans toutes les langues et dans tous les corpus, mais c'est habituellement un sujet "personnel", y compris par métonymie comme le "coeur" ou la "bouche", qui est "rempli de joie" (cf. p. ex. Psaume 126,2; Job 8,21; Actes 13,52; 14,17; Romains 15,13; 2 Timothée 1,4) plutôt que la "joie remplie" (de quoi sinon d'elle-même ?) -- en tout cas il y a là un jeu du vide et du plein (kénôse, plérôme) qui est aussi du tout ou rien, ni à moitié vide ni à moitié plein.
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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeMer 15 Déc 2021, 11:35

Pour résumer le sujet de la joie dans le Nouveau Testament profitons de la synthèse que nous présente K.H.Schelkle:

«La joie dans le Nouveau Testament se rapporte au salut messianique. Nos ancêtres comme Abraham (Jn 8,56) et David (Ac 2,26) se réjouissaient en pensant à cette époque qui allait arriver. Le Nouveau Testament de différentes sortes témoigne de cette joie de l’époque messianique. Maintenant c’est le temps d’une pleine joie. «Les compagnons de l’époux peuvent-ils jeûner pendant que l’époux est avec eux ?» (Mc 2,19). Le Messie, Lui-même, avec une grande joie accomplit son œuvre envers les pécheurs (Mt 18,13). Il se réjouit en l’Esprit Saint car le Père s’est manifeste à Lui (Lc 10,21). Maintenant le monde sera guéri, les démons seront chassés et il y aura des guérisons miraculeuses. (...)

L’Evangile selon saint Jean parle du temps de la joie messianique. Jean Baptiste se réjouit quand il peut amener les gens au Messie (Jn 3,29). Les disciples sont comblés de la joie de Jésus (Jn 15,11). La joie de Jésus vient de l’unité avec le Père, et aussi ses disciples prennent part à elle (Jn 17,13). Cette joie leur est donnée, mais tout le temps ils doivent aspirer à elle jusqu’à la plénitude eschatologique (Jn 15,11). Le monde païen ne comprend pas cette joie ; il tire le contentement de 1’abandon et de la persécution de Jésus et de son groupe qui est pour lui injure et remord (Jn 17,14).L’existence dans le monde hostile est une raison de tristesse des disciples. C’est pour cela que leur joie est toujours opposée à ce monde et qu’elle persiste malgré lui (Jn 16,20). Les disciples se réjouissent parce qu’ils vont voir Jésus (Jn 16,22 ; 20,20). La foi donne la joie si elle est renouvelée tout le temps avec le soutien du Sauveur. Le croyant, lui-même, peut perdre la joie, mais le monde n’est pas capable lui la prendre car c’est un don qui provient du Seigneur et non du monde (Jn 16,22). La vraie joie est infime».


https://repozytorium.amu.edu.pl/bitstream/10593/8276/1/06_Bogdan_Cz%C4%99sz_Les%20raisons%20bibl%C3%ACques%20et%20th%C3%A9ologiques%20de%20la%20joie_77-89.pdf
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MessageSujet: Re: Réjouissez-vous!   Réjouissez-vous! Icon_minitimeMer 15 Déc 2021, 12:50

Cet article (catholique et polonais) a exactement le même point de départ que le présent fil, l'impératif "réjouissez-vous" (en latin gaudete), bien qu'il insiste davantage (ce n'est pas vraiment une surprise) sur son corollaire "logique", la réprobation des "contraires" de la "joie" (tristesse, chagrin, mais aussi indifférence, apathie ou acédie) comme péché, faute ou défaut, coupables d'une manière ou d'une autre; on retrouverait toutefois des choses assez semblables dans les traditions protestantes, par exemple chez Kierkegaard qui identifie "péché" et "désespoir" -- quoiqu'il le fasse de façon plus "dialectique" (c'est ce qui reste de Hegel dans son anti-hégélianisme): le "péché-désespoir" est un "passage obligé", un "moment" incontournable dans un processus à la fois subjectif et objectif, même s'il a pour "sujet" l'"Individu" et non l'Esprit, la Raison ou l'Histoire.

Je n'insiste pas sur les limites d'une "théologie biblique", qui mélange tous les textes "canoniques" pour en tirer un (et un seul) enseignement thématique (ce que "la Bible" dit de "la joie"), si diversifié et nuancé soit-il. D'autant qu'en l'espèce les limites du corpus de référence s'effritent dans un usage extrêmement général et banal (comme on l'a rappelé dès le début, "réjouis-toi" ou "réjouissez-vous" c'est aussi la salutation grecque "par défaut", aussi anodine qu'un "bonjour" ou un "salut"). Même circonscrites à un texte particulier comme le quatrième évangile, les occurrences de khairô (3,29; 4,36; 8,56; 11,15; 14,28; 16,20.22; 19,3; 20,20; cf. 2 Jean 4, outre les v. 10s où il s'agit précisément de la salutation ordinaire) ne frappent guère par leur originalité, il faut des expressions plus caractéristiques et plus rares (comme la "joie remplie", complète, accomplie ou parfaite dont on vient de parler) pour qu'on les remarque.

Les éléments patristiques me paraissent plus intéressants (aussi parce que je les connais moins), encore que l'auteur ait une fâcheuse tendance (du moins en traduction française) à prendre les "synonymes" pour des "définitions". Certes les synonymes (comme joie, gaieté, bonheur, félicité, béatitude, allégresse ou exultation en français) sont toujours partiels, ils présentent des nuances possibles, de qualité ou d'intensité surtout, mais tout cela fonctionne dans une langue (même "morte") de manière bien plus souple et fluide qu'on ne l'imagine quand on "définit" les mots les uns par rapport et surtout par opposition aux autres.
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