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 Qu'est-ce que la grâce ?

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Narkissos

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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMer 08 Mar 2017, 13:51

On peut en effet lire rétrospectivement une "théologie de la grâce" dans ce genre d'énoncé -- mais aussi, plus banalement, une sorte de "fatalisme" qui nous apparaît comme la tonalité dominante de la "sagesse" antique (jusqu'à quel point d'ailleurs de telles idées, une fois qu'elles sont formellement distinguées, sont-elles réellement ou conceptuellement séparables ?).

Ce que je voulais dire, c'est que dans l'AT ces expressions n'aboutissent pas à un concept de "grâce" équivalent de la kharis paulinienne, exprimé par un mot (hébreu ou grec) qui se spécialiserait de façon à le dénoter explicitement. Ni l'usage de hesed dans la Bible hébraïque ni celui de kharis dans la Septante (qui d'ailleurs ne se correspondent généralement pas) ne définissent un tel concept, que kharis en vient seulement à représenter à une étape assez avancée de la constitution du corpus paulinien (entre autres).
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeLun 13 Mar 2017, 17:04

Voici un texte parlant de la grâce dans un ouvrage que je suis en train de lire:

Une histoire de Genève par Louis Binz 1930-2013 (professeur d'histoire à l'Université de Genève et directeur de recherche aux Archives de l'Etat de Genève) p. 194-195

Les magistrats sont parfois obligés de se préoccuper des dogmes. En 1669, il devint nécessaire de couper court à un grave conflit survenu entre les pasteurs à propos d’un des sommets de la pensée chrétienne, le problème de la grâce, autrement dit la manière dont les croyants peuvent parvenir au salut. Selon l’orthodoxie réformée, sommairement résumée, la foi se définit comme « le fait de croire [en Dieu] par une adhésion profonde de l’esprit et du cœur qui emporte la certitude » (dictionnaire Le Petit Robert). La foi est réservée aux seuls élus choisis de toute éternité par Dieu selon des critères laissant peu de place aux qualités et aux actions humaines qui entraveraient la liberté de l’Etre suprême. Sous cet angle, les bonnes œuvres deviennent secondaires, alors qu’elles sont si importantes dans la croyance catholique. Froidement envisagée, cette doctrine de la prédestination énonce que les élus par la toute-puissance de Dieu iront au salut, tandis que les autres créatures seront damnées à tout jamais.

Vers le milieu du XVIIe siècle, venues du protestantisme français, des idées plus libérales accordant davantage aux hommes dans la voie du salut, semèrent la zizanie au sein des pasteurs de Genève, réunis dans l’organisme appelé « Compagnie des pasteurs ». En juin 1669, cette discorde, selon les magistrats, portait atteinte à l’ordre public. Le Petit Conseil arrêta que « défenses sont faites aux respectables pasteurs et professeurs de cette Eglise et Académie [l’ancien nom de l’Université] d’enseigner, ni en public en l’église et en l’école, ni en particulier, la doctrine de la grâce en autre manière qu’elle a été enseignée ci-devant en cette Eglise […] Ils se contenteront d’établir la doctrine reçue pour éviter toute dispute et contestation et maintenir la paix et l’union en ce Etat et en cette Eglise, à peine d’être pourvu à procéder contre les contrevenants ainsi que de raison » (Sources du droit, vol.4 p.363). La « doctrine reçue », c’est bien entendu le dogme dans son sens le plus rigoureux. Cet exemple montre une intervention énergique du gouvernement politique en matière de foi, qui n’avait cependant rien d’une immixtion ou d’une illégalité. Calvin en personne, dans les Ordonnances ecclésiastiques qu’il avait rédigées, approuvées par le Conseil général le 20 novembre 1541 (lois tenant le rôle de Constitution de l’Eglise de Genève), attribuait au pouvoir laïque de trancher en dernière instance les conflits de doctrine, ce qui est absolument déterminant. Voici ses paroles mêmes, en français modernisé : » S’il survenait un différend touchant à la doctrine entre pasteurs, ceux-ci en traiteront d’abord ensemble pour arriver à un accord. S’ils n’y parviennent, ils feront appel au renfort des membres du Consistoire [le tribunal des croyances et des mœurs, formé des pasteurs et des Anciens, laïcs délégués par le Conseil] pour apaiser le contentieux. Finalement, s’ils ne pouvaient venir à concorde amiable à cause de l’obstination d’une des parties, que la cause soit déférée au magistrat pour y mettre ordre » (Sources du droit, vol.2, p.379).

C’était donc établir le pouvoir civil ―nous dirions l’Etat―comme juge supérieur au pouvoir religieux, même dans les litiges dogmatiques, alors que dans le catholicisme romain, ces questions relèvent de l’Eglise et de son chef, le pape.
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeLun 13 Mar 2017, 23:33

N.B. Cette querelle qui a fortement agité le calvinisme au XVIIe siècle vient en fait des Pays-Bas, en la personne de J. Arminius -- qui avait cependant fait ses études à Genève, sous la houlette de Théodore de Bèze !
Voir p. ex. ici et là (en anglais, mais nettement plus précis).
Cela vaut encore, dans les milieux protestants et surtout évangéliques, aux adversaires de la doctrine calviniste de la prédestination d'être qualifiés d'arminiens, même s'ils n'ont jamais entendu parler d'Arminius.

Par une remarquable coïncidence, c'est aussi des Pays-Bas qu'arrive à peu près en même temps le jansénisme (très proche du calvinisme strict sur la grâce et la prédestination) qui va secouer symétriquement l'Eglise catholique française; et là aussi la controverse théologique finira par être tranchée très brutalement par le pouvoir civil (Louis XIV), en faveur des jésuites (Molina etc.) et contre les jansénistes (qui comptent pourtant de beaux noms comme Racine et Pascal)...

Par ailleurs, l'association d'étiquettes à connotation politique (comme celle de "libéralisme") à des courants théologiques me semble extrêmement problématique et trompeuse: d'abord parce que, sur un plan strictement historique, l'orthodoxie de référence (c.-à-d. au pouvoir) n'est jamais la même (Calvin à Genève, la Contre-Réforme et les jésuites à Paris au XVIIe s.); ensuite, beaucoup plus généralement, parce qu'il y a toujours des lectures "de droite" et "de gauche", "conservatrices" ou "réformatrices" (voire "révolutionnaires"), de toutes les doctrines -- pour ne rien arranger, le (mot) "libéralisme" lui-même est aujourd'hui "de gauche" en Amérique, "de droite" en Europe... Aux Pays-Bas les "remonstrants" qui se réclament d'Arminius ont eu une évolution plutôt "libérale" sur le plan théologique (devenant même assez largement anti-trinitaires au XIXe siècle); aux Etats-Unis la grande majorité des évangéliques sont théologiquement "arminiens" et "fondamentalistes" -- et politiquement conservateurs...

En soi la grâce n'est ni de droite ni de gauche, ni conservatrice ni révolutionnaire, bien qu'elle puisse être utilisée avec une certaine puissance par toutes sortes de "causes" et de "partis". De même le "libre-arbitre" qu'on lui oppose symétriquement et qui pourtant lui ressemble comme un frère: ce sont après tout deux figures antagonistes de la même "liberté", concept qui s'approfondit et s'aiguise peut-être à passer ainsi de main en main, de Dieu à l'homme et de l'homme à Dieu d'une part, du pouvoir à la contestation et de la contestation au pouvoir d'autre part.
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMer 15 Mar 2017, 12:18

"Nous savons cependant que l’homme n’est pas justifié par les œuvres de la loi, mais seulement par la foi de Jésus Christ ; nous avons cru, nous aussi, en Jésus Christ, afin d’être justifiés par la foi du Christ et non par les œuvres de la loi, parce que, par les œuvres de la loi, personne ne sera justifié." Gal 2,16


Ce texte interroge et intrigue., il n'est pas question d'être justifié par la "foi au Christ" mais la "foi du Christ".
La foi du chrétien est-elle suscité par la foi du Christ ("je la vis dans la foi au Fils de Dieu" v 20) ?
Comment comprendre l'expression "la foi du Christ"et peut-on considérer que le Christ est un "croyant" ?
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMer 15 Mar 2017, 13:06

Question très intéressante, même si elle nous éloigne un peu du sujet -- et encore ce n'est pas sûr.

La formule est ambiguë, et à mon avis elle gagne à le rester. Il est à peu près certain qu'on part sur une fausse piste si on l'interprète dans le sens "la foi que l'homme Jésus avait en Dieu", p. ex., pour la bonne raison que "Paul" ne s'intéresse absolument pas à "l'homme Jésus" (ni à ses paroles, ni à ses actes, ni à ses sentiments) -- si ce n'est en tant que crucifié-ressuscité. "La foi de Jésus-Christ", c'est "la foi" relative à "Jésus-Christ", liée à "Jésus-Christ", qui relève ou provient de "Jésus-Christ", voire "Jésus-Christ" lui-même identifié à "la foi". Toute cette gamme de relations (qui est effectivement déclinée dans d'autres passages) se rassemble dans le simple génitif pistis Khristou, fides Christi. Mais il s'agit toujours, en contexte paulinien, de la figure du crucifié-ressuscité -- en l'occurrence comme figure de "la foi".

Je rappelle que chez Marc (11,22) il y a même une "foi de Dieu", pistis theou, fides dei (que le contexte ne permet guère de traduire par "fidélité", selon le sens "objectif" de pistis plus couramment rattaché à "Dieu", car c'est bien de "foi subjective" qu'il est ici question).
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeLun 27 Mar 2017, 10:39

Je ne peux m'empêcher de vous transmettre cet extrait tiré de Wikipedia à propos de la grâce:

J’étais supérieurement calé en matière d’histoire sainte et de doctrine catholique. Je pouvais argumenter avec éclat sur la grâce intérieure, qui est un don surnaturel, à nous accordé par Dieu à cause des mérites de Jésus-Christ, et qui se divise en grâce actuelle et en grâce habituelle, la première étant de caractère transitoire, et la seconde permanente.
Rien ne m’était étranger de la distribution de la grâce, tantôt justifiante, tantôt sanctifiante. Je savais que la grâce habituelle fait passer l’âme de l’état de péché mortel à l’état de justice ou de grâce. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, p. 248)

fin de citation
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeLun 27 Mar 2017, 12:00

Malheureusement je ne trouve pas en ligne la scène du duel de La Voie lactée de Buñuel (escrime à la fois physique et métaphysique entre un janséniste et un jésuite, sur ce sujet). Mais je recommande (une fois de plus) ce film génial et malicieux à quiconque s'intéresse de près ou de loin à la théologie.

C'est aussi l'occasion de remarquer -- tout jargon théologique mis à part -- que le thème de la grâce se prête admirablement à la cinématographie, et réciproquement: les deux grands maîtres du genre étant à mes yeux Dreyer et Bresson, dont les filmographies ont d'ailleurs en commun un Procès de Jeanne d'Arc ("Savez-vous être en la grâce de Dieu ? -- Si je n'y suis, Dieu m'y mette; et si j'y suis, Dieu m'y tienne.") Même là où le mot n'est pas prononcé (ou écrit: le film de Dreyer est muet), la grâce apparaît toujours quelque part, dans une sorte d'épiphanie qui peut tenir à un sourire ou à un rayon de soleil -- j'irais jusqu'à dire qu'elle est un ressort essentiel de toute littérature et de toute œuvre d'art puissante, même quand celle-ci n'a rien d'apparemment "religieux" (le voisinage sémantique de la "grâce" et de la "beauté" n'est décidément pas fortuit, bien qu'il le soit aussi).
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeLun 27 Mar 2017, 13:39

Citation :
C'est aussi l'occasion de remarquer -- tout jargon théologique mis à part -- que le thème de la grâce se prête admirablement à la cinématographie, et réciproquement: les deux grands maîtres du genre étant à mes yeux Dreyer et Bresson, dont les filmographies ont d'ailleurs en commun un Procès de Jeanne d'Arc ("Savez-vous être en la grâce de Dieu ? -- Si je n'y suis, Dieu m'y mette; et si j'y suis, Dieu m'y tienne.") Même là où le mot n'est pas prononcé (ou écrit: le film de Dreyer est muet), la grâce apparaît toujours quelque part, dans une sorte d'épiphanie qui peut tenir à un sourire ou à un rayon de soleil -- j'irais jusqu'à dire qu'elle est un ressort essentiel de toute littérature et de toute œuvre d'art puissante, même quand celle-ci n'a rien d'apparemment "religieux" (le voisinage sémantique de la "grâce" et de la "beauté" n'est décidément pas fortuit, bien qu'il le soit aussi).

La grâce peut donner à la faiblesse, une beauté et faire de la faiblesse une force :

"Mais il m’a déclaré : « Ma grâce te suffit ; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Aussi mettrai-je ma fierté bien plutôt dans mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ.Donc je me complais dans les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions, et les angoisses pour Christ !Car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. " 2 Cor 12, 9-10
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeLun 27 Mar 2017, 14:29

Soit dit en passant, c'est de ce texte qu'a été tirée -- très loin de son contexte original -- la notion de grâce suffisante, opposée à celle de grâce irrésistible, de Pélage à Molina ou Arminius...
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeLun 27 Mar 2017, 16:58

En Jean 4, Jésus dit à la samaritaine : " Si tu connaissais le don de Dieu". La grâce me semble correspondre à un don de Dieu qui dépasse ce que nous pouvons imaginer (" l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle"), une générosité incommensurable. Dieu qui donne et qui se donne aux humains, selon "la richesse de sa grâce"(Eph 1,7).
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeLun 27 Mar 2017, 22:59

Cf. supra 25.1.17 et ici.
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMar 28 Mar 2017, 10:29

Narkissos a écrit:
Cf. supra 25.1.17 et ici.

"Je préfère pour ma part retourner la question: toutes "choses" et tous "événements", sans exception, tout ce qui "est" et tout ce qui "arrive", le "bon" et le "mauvais", le "meilleur" et le "pire" (ce qui est toujours affaire de point de vue), tout ce qui constitue un "objet" (ou une "donnée") de connaissance, d'expérience, de raison, de jugement, le bien-nommé "phénomène" (ce qui apparaît ou se manifeste, comme la vérité, a-lètheia, qui se dé-voile en sortant d'un oubli ou d'une latence), tout ce dont on dit "il y a" (en allemand es gibt, littéralement ça donne), tout cela n'est-il pas également susceptible d'être considéré, et reçu, et reconnu, comme un don ou une grâce, surtout quand cela se détache sur le fond de sa négation (pourquoi quelque chose plutôt que rien) ? Il ne s'agirait pas alors de savoir ce que "Dieu" donne (par opposition à ce qu'il ne donnerait pas mais serait là quand même, "Dieu" alors sait comment), mais d'entendre en "Dieu" même, ou dans le "fils unique", ou dans tout ce qu'on voudra, des noms possibles de cette "donation-destination" originaire, création originelle du "monde" si l'on veut mais aussi bien production continue du "cours des choses" et des "événements". Il suffit d'une conversion du regard et de la pensée, du jugement à la "reconnaissance" (denken-danken), pour transfigurer à tout moment, fût-ce au dernier, l'"ordinaire" et le "normal" en miracle de don ou de grâce. Et je trouve cela, en effet, extraordinairement "désaltérant" et "régénérant".

On reconnaîtra sans peine (j'en ai rajouté !) les motifs de la pensée de Heidegger dans ce qui précède. Ce n'est qu'un exemple d'accès possible à l'idée de "don de dieu" qui ne suppose pas de "croyance" particulière, et qui rejoint cependant, me semble-t-il, ce qui se joue dans toute croyance.
"
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMar 28 Mar 2017, 11:25

Il ne s'agit pas, bien sûr, de "tout mélanger": si propices à la caricature que puissent être les discours, les débats et les définitions théologiques ou philosophiques, chaque pensée mérite d'être suivie patiemment et rigoureusement pour elle-même -- en ce sens-là un texte n'en explique jamais un autre, ni dans la Bible ni ailleurs.

N'empêche que tout ce qui se rapporte de quelque manière à un "absolu" (originaire, ultime, fondateur, transcendant, etc.) a un air de famille: à une certaine distance ses maîtres mots ou concepts paraissent interchangeables, et ils le sont effectivement, du fait même d'être portés à cet "absolu" (ce qui veut tout dire ne veut plus rien dire). Et pourtant -- c'est là que se reporte l'étonnement -- les mots susceptibles de jouer ce rôle, s'ils sont interchangeables, ne sont pas indifférents: dire Dieu, l'Etre, l'Un, le Tout, le Rien, le Bien, l'Indifférencié, l'Esprit, l'Inconnaissable, etc. c'est peut-être désigner la même chose ou le même lieu, mais c'est à chaque fois en dire autre chose. "La grâce" donne à "l'absolu" un tour aimable, si je puis dire.
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMar 28 Mar 2017, 16:13

"C'est pourquoi, de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort est passée à tous les humains, parce que tous ont péché... — car, jusqu'à la loi, le péché était bien dans le monde, mais le péché n'est pas mis en compte quand il n'y a pas de loi. Pourtant la mort a régné depuis Adam jusqu'à Moïse, même sur ceux qui n'avaient pas péché par une transgression semblable à celle d'Adam, lequel est la figure de celui qui allait venir.
Mais il n'en est pas du don de la grâce comme de la faute ; car si, par la faute d'un seul, la multitude a connu la mort, à bien plus forte raison la grâce de Dieu et le don de grâce d'un seul être humain, Jésus-Christ, ont-ils abondé pour la multitude. Et il n'en va pas de ce don comme du péché d'un seul homme. En effet, le jugement, à partir d'un seul, aboutit à la condamnation, tandis que le don de la grâce, à partir d'une multitude de fautes, aboutit à la pleine justice. Car si, par la faute d'un seul, la mort a régné par lui seul, à bien plus forte raison ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce et du don de la justice régneront-ils dans la vie par le seul Jésus-Christ." Rm 5, 12 ss


Ce texte établit un parallélisme et une opposition, entre péché et le don de grâce, mais le péché est très largement dépassée par l'abondance de la grâce divine. L'universalité du péché est opposée à  l’universalité de la grâce étendue à tous les humains. On retrouve des idées intéressantes dans ce texte, 1) Il est question du  "don de grâce d'un seul être humain, Jésus-Christ", Jésus Christ est aussi la source de cette grâce, 2) Une idée originale, "mais le péché n'est pas mis en compte quand il n'y a pas de loi".  
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMar 28 Mar 2017, 19:26

Cf. aussi la conclusion, v. 20s; et les problèmes logiques qui s'ensuivent, écartés plutôt que résolus, 6,1.14s.

En fait la "logique" de l'épître aux Romains est hétéroclite: elle est en partie juridique -- le concept de grâce relève du droit, fût-ce au titre d'exception à la règle (comme le don opposé au paiement ou à la rétribution, ou  encore l'annulation de la dette, relèvent de l'économie ou de la comptabilité); mais à s'en tenir au seul plan juridique (ou économique, ou comptable) les objections que l'auteur s'adresse seraient insurmontables: en effet, plus le péché abonde plus la grâce doit surabonder, il n'y a aucune raison ni aucun moyen d'en sortir; sinon en faisant appel à une tout autre "logique", non plus juridique (ni économique, ni comptable) mais myst(ér)ique (autrement dit "mythique" et rituelle, "magique" si l'on veut): si l'on ne parle plus "droit" ni "comptabilité" mais "mystère" de transmutation, Adam/Christ <=> crucifié/ressuscité <=> péché/justice <=> mort/vie, alors le passage du "mauvais" côté au "bon" est essentiel: c'est cette logique-là qui permet à l'auteur de s'extraire, au chapitre 6, de l'aporie juridico-comptable où il s'était enfermé au chapitre 5... C'est précisément en jouant sur (au moins) deux tableaux, par un tour de passe-passe, que la rhétorique paulinienne passe, là où une logique homogène et cohérente ne passerait pas...

Ce n'est d'ailleurs pas seulement l'affaire d'une fantaisie personnelle: aucun événement décisif n'est jamais réductible à une "logique" quelconque. Le droit peut prévoir l'éventualité de la grâce, comme la comptabilité celle du don sans contrepartie ou de l'effacement d'une dette, mais la décision par laquelle un tel "événement" arrive ne relève ni du droit ni de la comptabilité. Même l'"efficacité" (réelle, imaginaire, psychologique, sociale, etc.) d'un "mystère" dépasse toute "logique" susceptible d'expliquer, jusqu'à un certain point seulement, "comment" et "pourquoi" il "fonctionne".

Il s'ensuit aussi qu'une notion comme la "grâce", à être ainsi "promenée" d'une logique à l'autre, s'enrichit (ou se dénature, selon le point de vue): dans un contexte d'allure juridique ou comptable, elle garde un sens assez précis pour fonctionner "logiquement" (contre l'idée de mérite ou de rétribution, p. ex.), mais dans un contexte "myst(ér)ique", elle n'a plus vraiment de sens "propre" et se trouve chargée de toutes les notions qu'elle côtoie: la "grâce" devient indiscernable de l'"esprit", de la "sagesse", de la "puissance", de la "vie", p. ex. (C'est aussi pourquoi une surtraduction comme "faveur imméritée" fonctionne si mal: pléonastique dans les contextes "juridiques" ou "comptables", incongrue dans les contextes "mystiques".)
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMer 29 Mar 2017, 11:20

"Le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme.
Il était dans le monde,
et le monde fut par lui,
et le monde ne l’a pas reconnu.
Il est venu dans son propre bien,
et les siens ne l’ont pas accueilli.
Mais à ceux qui l’ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Ceux-là ne sont pas nés du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu.
Et le Verbe s’est fait chair
et il a habité parmi nous
et nous avons vu sa gloire,
cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père.
Jean lui rend témoignage et proclame :
« Voici celui dont j’ai dit : après moi vient un homme qui m’a devancé, parce que, avant moi, il était. »
De sa plénitude en effet, tous, nous avons reçu, et grâce sur grâce.
Si la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.
Personne n’a jamais vu Dieu ; Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a dévoilé
."(Jn 1, 9 ss)





Les expressions "plein de grâce et vérité" et  "grâce sur grâce" sont d'une grande intensité. Le Fils manifeste la gloire du Père en étant  "plein de grâce et de vérité", ainsi le Fils incarne l'être même du Père.
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMer 29 Mar 2017, 11:40

Cf. le dernier paragraphe de mon post précédent, rajouté entre-temps: il est tout à fait clair que dans le Prologue de Jean la "grâce" n'est plus une notion juridique (elle est encore opposable à "la Loi", mais avec "la vérité" !) et encore moins comptable. Tu parles avec raison d'"intensité": on ne dirait pas que la grâce accordée à un condamné est "intense", elle est accordée ou pas, non plus ou moins, indépendamment de ses motivations (pitié, calcul, désaccord avec la loi ou avec le jugement). Ici il y a de l'"intensité" précisément parce que le sens de la "grâce" est indéterminé (ce pourrait être aussi bien l'esprit, la puissance, la lumière, la vie, la vérité, l'amour, etc.). Et bien sûr le mot kharis s'y prête admirablement par tout ce qu'il connote de non juridique, d'"esthétique" et d'"affectif" en particulier (beauté, charme, rayonnement, joie, etc.).
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeJeu 18 Avr 2019, 15:29

"C'est avec cette confiance que j'avais d'abord décidé de venir vous voir, pour que vous ayez une seconde grâce" 2 Cor 1,15

De fait, dans tout le champ sémantique environnant ce passage, le vocabulaire de la grâce indique une action accomplie par Dieu : en 1, 11, il est question du charisme , c’est-à-dire du geste salutaire de grâce accompli envers Paul pour le tirer d’un désespoir mortifère, et en 1, 12, l’apôtre se targue d’avoir toujours pu afficher un comportement inscrit « dans la grâce de Dieu »  Ce type d’expression indique bien que Paul n’entend avoir aucune prééminence, ni même aucune existence individuelle par rapport à la souveraineté divine, ni non plus de pouvoir personnel en matière d’influence bienfaisante. la grâce ne saurait donc être liée, fondamentalement, à la présence de l’apôtre, manifestée d’une manière ou d’une autre.

stylistiquement, de 2 Co 1, 3 à 2 Co 1, 7, le contenu et le sens de l’adjectif δευτέραν se déploient à travers la répétition de l’idée et de la notion de « consolation ». En effet, dans le raisonnement de Paul, son rôle d’apôtre consiste à « consoler, pour avoir été consolé » (v. 1, 14). De plus, sa théologie aboutit, dans toutes les alternatives de la vie, dans les cas d’affliction ou de consolation, à l’unique conclusion, en deuxième lieu, de la consolation des croyants : « et si nous sommes affligés, c’est en faveur de votre consolation et de votre salut ; et si nous sommes consolés, c’est en faveur de la consolation mise en œuvre dans votre soutien des mêmes épreuves que nous éprouvons nous-mêmes » (1, 6). le texte multiplie la structure duelle des énoncés. Dans tous les cas, l’issue de la vie en Dieu consiste à recevoir la grâce de la consolation. Pour les Corinthiens, il s’agit donc de bénéficier, comme par ricochet et du fait de leur partage fraternel de la consolation reçue par Paul, de cette grâce qu’il s’attend à recevoir à la suite de ses lourds tourments. La « grâce seconde » procurée par Paul aux corinthiens (2 Co ... - Cairn
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeJeu 18 Avr 2019, 17:11

Cf. ici.

C'est assez confus, tout au moins pour ce qui m'en apparaît à l'écran à cause de la substitution de tous les mots grecs par des points d'interrogation. Mais il faut savoir qu'en 2 Corinthiens 1,15 la tradition manuscrite hésite, notamment, entre deuteran kharin et deuteran kharan, "seconde grâce" et "seconde joie". Et que cette expression -- tout à fait banale dans son contexte -- est anachroniquement surdéterminée, dans l'histoire de l'exégèse, par les débats des Réformes du XVIe siècle autour du purgatoire et par ceux de l'adventisme (y compris russelliste) du XIXe siècle autour du millenium, qui lui donnent un aspect inattendu du "deuxième chance" pour ceux qui ne seraient ni tout à fait "saints" ni tout à fait "damnés" ("élus" et "réprouvés", selon le vocabulaire calviniste) -- débats qui n'ont à l'évidence rien à voir avec le contexte de 2 Corinthiens 1 (dont nous avons un peu parlé ici, surtout en ce qui concerne la suite, v. 17ss).

C'est néanmoins l'occasion de remarquer (à nouveau, cf. ce qui en a été dit tout au long de ce fil) que la "grâce", par définition, a toujours un aspect "second" en ce qu'elle prend la relève d'une "loi" ou d'un "jugement" -- elle vient après. Du point de vue juridique au moins, il n'y a de "grâce" que pour un condamné qui a épuisé tous ses recours en "appel" proprement judiciaires: tant qu'on reste dans la perspective d'un jugement, y compris de l'annulation ou du renversement en deuxième ou énième instance d'un jugement de première ou deuxième instance, il ne saurait être question de "grâce". C'est le caractère hyper- ou extra-judiciaire de la "grâce", qui paradoxalement est aussi, souvent, prévu par la "loi" sans en relever stricto sensu. A la limite du juridique et du judiciaire, à la fois dedans et dehors, comme la "grâce" royale ou présidentielle qui n'intervient, si elle intervient, que lorsque la "justice" en a fini avec l'accusé, désormais condamné -- idem dans son application commerciale ou comptable, où il n'y a de "remise gracieuse" qu'à partir d'un "compte juste" et, en tant que "compte", définitif... (Je repense au commentaire talmudique de Levinas sur l'"acception de personne" en principe interdite par la Torah -- Yhwh ne fait pas "acception de personne", il n'est pas partial, il ne fait pas de favoritisme, en hébreu il ne "lève la tête" de personne -- et pourtant il "relève la tête" de tel ou tel, lui fait grâce, lui accorde sa faveur: non pas avant mais après le jugement, tranche le Talmud.) Où il y a "grâce" il n'y a plus de "justice", ni de "jugement", ni de "droit", ni de "comptabilité", encore faut-il qu'il y en ait eu avant...
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMer 24 Avr 2019, 13:42

Etre par grâce ce que Dieu est par nature »

Eckhart caractérise la grâce comme ce qui vaut au chrétien de partager la filiation divine propre au Fils, la Personne divine de Verbe incarné. A la différence de nombreux théologiens, ses contemporains, qui, en leur option de psychologie subjectiviste, ravalent la grâce à un simple secours auxiliaire d'ordre efficient pour suppléer aux défaillances du vouloir humain, il centre sa théologie de la grâce sur le thème du bonheur salutaire accessible par et dans le Christ. Une sentence issue de saint Maxime le Confesseur, déjà reprise par des auteurs du douzième siècle puis par Thomas d'Aquin au siècle suivant, lui sert à exposer cette détermination de grand style : « être par grâce ce que Dieu est par nature » :

Le premier fruit de l'Incarnation du Christ, Fils de Dieu, est que l'homme soit par la grâce d'adoption ce qu'il est, lui le Fils, par nature, selon ce qui est dit ici [Jean 1, 12] : « il leur a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu » et en / Corinthiens 3, 18 : « le visage découvert, réfléchissant comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même Image, de clarté en clarté ». https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1996_num_70_1_3346
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMer 24 Avr 2019, 14:50

Passionnant Eckhart.

La construction scolastique, bordée d'"hérésies" en tout genre, a contraint l'expression "savante" de la foi à des trésors d'intelligence et de finesse (un joyau de l'art gothique, comme dirait Queneau). Ce qui est tout à fait extraordinaire chez Eckhart c'est que tout en pensant finement (trop finement pour ses juges) elle continue de parler simple, en latin et encore plus en allemand. Luther en héritera (via Tauler) et il lui en restera quelque chose (en beaucoup moins fin).
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMer 24 Avr 2019, 15:45

Jésus avec vous. Les formules de bénédiction du N.T. comportent aussi des variantes significatives qui prouvent, à leur façon, que Jésus-Christ est considéré comme Dieu : elles sont parallèles aux formules qui mentionnent Dieu et leur portée est censée être la même. « Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous » (Ro, 16,20, cf. 1 Thess., 5,28) — « La grâce du Seigneur Jésus soit avec vous » (1 Cor., 16,23). https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1977_num_51_1_2784
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeJeu 25 Avr 2019, 12:10

Non seulement "Dieu" (le Père) et "Jésus" (Christ, Seigneur, le Fils, etc.) sont interchangeables entre eux dans ce genre de formule, mais "la grâce" l'est aussi avec l'un et l'autre, puisqu'elle peut être employée absolument (sans complément au génitif: kharis = "la grâce" tout court, cf. 2 Timothée 4,22 cité p. 109 § 5 de l'étude ci-dessus); en outre le sens même du génitif est ambigu (parce qu'ordinairement impensé): on peut le lire (p. ex.) comme "subjectif", "la grâce que Dieu / Jésus donne ou fait" ou "épexégétique", "la grâce que Dieu / Jésus est"... Il y a dans la tradition chrétienne, surtout pour les textes les plus tardifs du NT, des énoncés explicites correspondant à toutes ces interprétations et à bien d'autres qui sont donc pensables, même si elles ne sont pas effectivement pensées par celui qui emploie plus ou moins machinalement la formule.
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMer 12 Oct 2022, 10:11

"Que dirons-nous donc d'Abraham, notre ancêtre selon la chair ? Qu'a-t-il obtenu ? Si en effet Abraham a été justifié en vertu des œuvres, il a de quoi être fier. Mais devant Dieu il n'en est pas ainsi ; en effet, que dit l'Ecriture ? Abraham crut Dieu, et cela lui fut compté comme justice. Or, à celui qui fait œuvre, le salaire est compté non comme une grâce, mais comme un dû. Quant à celui qui ne fait pas œuvre, mais qui croit en celui qui justifie l'impie, sa foi lui est comptée comme justice. De même, David dit le bonheur de l'être humain à qui Dieu compte la justice en dehors des œuvres" (Rm 4,1-6).

Pourquoi Paul n’est-il pas sur le registre de la tradition juive ? Il l’explique par la petite parabole du travailleur et du croyant aux versets 4 et 5. Un travailleur, celui qui accomplit des œuvres (ergazomenô), perçoit un salaire (misthos) correspondant au travail qu’il a effectué par sa propre capacité à le réaliser. Ce salaire est la récompense méritée, portée au compte (logizetai) du travailleur comme ce qui lui est dû (opheilèma). Le verset 4 ne fait qu’évoquer l’échange résultant des clauses d’un contrat de travail déterminé dans le cadre de la législation sociale. Le salaire est donc un dû résultant d’un travail accompli, mais en aucun cas il n’est le résultat d’un acte gratuit. Il ne s’agit pas d’un cadeau (kata charin), mais d’un droit acquis. La signification du verbe logizomai résulte ici de la comptabilité commerciale et financière : « compter, porter au compte de » quelqu’un quelque chose qui ne lui appartient pas en propre mais qu’il a acquis par son effort personnel. Le croyant est fondamentalement différent du travailleur. Déjà, il n’est pas à l’ouvrage (mè ergazomenô), donc il n’a pas d’œuvre à faire valoir pour obtenir un « salaire ». Il est celui qui attend, oisif, qu’il lui tombe du ciel ! En d’autres termes, il est celui qui reçoit parce qu’il dépose sa confiance en quelqu’un d’autre. Or, c’est bien celui-ci, le croyant (pisteuonti), que Dieu récompense. C’est cette « polarité » entre le travailleur et le croyant qui illustre la signification du verbe logizomai qui parcourt Romains 4. Pour le « travailleur », le salaire lui est compté sur la base de son mérite, de son dû. Pour le « croyant », il l’obtient « selon la grâce » (kata charin), sur la base de sa confiance déposée en quelqu’un d’autre, c’est-à-dire par sa foi. Paul a effectué ici, tout en utilisant la même terminologie, plus qu’une transposition sémantique : il est passé du langage financier à une application d’ordre théologique qui a une tout autre signification. Dieu est celui qui justifie, non pas celui qui travaille, mais celui qui « refuse de travailler », c’est-à-dire, l’impie (asebè). ». C’est ainsi que Paul définit Dieu : Celui qui justifie l’impie. La formule est, comme le souligne S. Légasse, « surprenante, voire scandaleuse à double titre ». D’abord, dans la tradition biblique, Dieu ne justifie pas l’impie, comme le montrent les textes tels que Ex 23, 7 ; Pr 17, 15 et Is 5, 23. Un texte comme Gn 18, 23-25 indique clairement l’opposition d’Abraham à l’idée que Dieu puisse traiter de la même manière « l’impie » (o asebès) et le « juste, croyant » (o dikaios). Ensuite, le contexte immédiat et celui déduit de l’interprétation de Genèse 15, 6 montrent que Paul exprime la réalité de la situation d’Abraham. C’est bien Abraham, qui n’était pas à l’ouvrage, qui a été reconnu juste parce que « croyant » en la promesse divine. Cette interprétation d’un Dieu qui justifie l’impie apparaît nettement comme argument polémique et provocateur vis-à-vis de la tradition juive : la justice de Dieu n’est pas déterminée par la référence au respect de l’alliance. Si, pour certains auteurs, la justification de l’impie est le point central de l’argumentation de Paul, pour d’autres, Abraham ne saurait être l’impie.

Dans ces versets 4 et 5, Paul a donc confirmé que la justification a été obtenue avant les œuvres. En effet, Abraham était impie au moment de recevoir la promesse. Et Paul recourt, une nouvelle fois, à l’Écriture pour renforcer sa démonstration.

https://journals.openedition.org/rsr/1942


Dernière édition par free le Mer 12 Oct 2022, 13:57, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitimeMer 12 Oct 2022, 12:18

Très bonne analyse -- précise et claire, qualités rarement réunies -- de Romains 4. Il est vrai que le texte s'y prête, car les hésitations exégétiques sont rares et plutôt marginales par rapport au raisonnement.

La clarté, justement, des moments "juridiques", "économiques" ou "comptables" (ou plutôt anti-juridiques, anti-économiques, anti-comptables) de l'argumentation de l'épître aux Romains -- moments qui ne constituent qu'une partie de son mouvement général (cf. supra 28.3.2017), mais qui vont encore gagner en netteté et en tranchant au fil de leurs relectures successives (Marcion sans doute, Augustin et Luther sûrement) -- n'est pas sans inconvénient pour le "lecteur de la Bible". D'une part elle plonge, au moins par comparaison, dans une relative obscurité (ou un certain flou) les autres moments ou aspects du texte (myst[ér]iques, parénétiques, éthiques ou pratiques) dont on voit mal comment ils peuvent s'articuler à une "logique" si radicale, qui "logiquement" les exclut (d'où toutes les dénégations pauliniennes qui tentent de "casser" l'enchaînement logique sur un registre émotionnel, mè genoito = "jamais de la vie, à Dieu ne plaise", etc.: s'il n'y avait que la logique du chap. 4, il faudrait en effet "pécher" au maximum pour que la grâce abonde, aucun jugement ne serait pensable et par conséquent aucune grâce non plus, et ainsi de suite; mais ce qui est opposé à cette logique ne relève plus de la même logique, il y a rupture que le lecteur sent bien même s'il ne l'analyse pas clairement). D'autre part, en rapport avec le "thème" de ce fil ("la grâce"), la clarté de la "définition" paulinienne (surtout dans cette épître et ce chapitre) fait que c'est celle-ci qu'on apprend, comprend, retient en priorité, et qu'on tend à plaquer ensuite sur des textes où le mot "grâce" (kharis) a un sens beaucoup plus vague, imprécis, diffus, non plus juridique ou comptable mais esthétique ou affectif, donc aussi moins radical et paradoxal (relire éventuellement l'ensemble de ce fil, qui est vieux mais pas très long).
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 2 Icon_minitime

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