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 Qu'est-ce que la grâce ?

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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeLun 28 Nov 2022, 12:57

Il y a d'autres expressions employées pour des personnes qui atteignent de performances inédites et hors du commun, au niveau sportif, artistique ...  : "Être touché par la grâce" ou "Être dans un état de grâce".
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeLun 28 Nov 2022, 13:10

En effet, et celles-là me semblent plus marquées (même si ceux qui les utilisent n'en ont aucune conscience) par l'usage religieux chrétien, surtout celui du moyen-âge (la grâce opposée à la "nature" dans la métaphysique scolastique, donc "surnaturelle"), et plus indirectement celui des "charismes" (pré-)pauliniens (1 Corinthiens surtout). Cf. supra à partir des 7 et 17.11.2022.

En rapport avec l'échange précédent, on peut toutefois noter que même cet usage (dans son sens religieux et médiéval ou profane et contemporain) n'est pas particulièrement "personnel", puisque la "grâce" y est un "état" ou une "condition", une sorte de "lieu" où l'on est ou pas (cf. la fameuse réponse de Jeanne d'Arc déjà citée plus haut, 27.3.2017, qui serait à elle seule un signe de "grâce", aussi bien au sens religieux de l'époque que dans son sens affaibli d'aujourd'hui). Soit dit en passant, cet effet "dépersonnalisant" du locatif se vérifie même quand le référent est a priori "personnel": quand on parle d'être "en Dieu" ou "en Christ" (p. ex. dans le langage johannique ou deutéropaulinien), on ne pense plus "Dieu" ni "Christ" comme des "personnes" devant lesquelles on se tiendrait comme d'autres "personnes", face à face ou vis-à-vi, mais comme un "espace" qu'on habite ou dont on fait partie; c'est a fortiori le cas quand le référent est un nom commun et abstrait comme "la grâce", même si celle-ci est à son tour sujette à personnification (féminine).
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeLun 28 Nov 2022, 14:21

"Mais maintenant, en dehors de la loi, la justice de Dieu attestée par la loi et les prophètes s'est manifestée, justice de Dieu, par la foi de Jésus-Christ, pour tous ceux qui croient. Car il n'y a pas de distinction : tous, en effet, ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ; et c'est gratuitement qu'ils sont justifiés par sa grâce, au moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ" (Rm 3,21-24).

Le terme  "gratuitement" évoque la "grâce" qui est accordée "pour rien" ou "sans raison", autrement dit, la "grâce" de Dieu est libre, elle est sans raison autre que la "grâce" elle-même, offerte "sans raison".
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeLun 28 Nov 2022, 14:41

Contrairement à ce qui se passe en français, il n'y a pas de parenté étymologique en grec entre ce qui est traduit ici par "gratuitement" (dôrean, qui évoque le "don", didômi etc., et par extension le "gratuit" au sens de "pour rien" ou de "sans cause", même en mauvaise part: cf. 2 Corinthiens 11,7; Galates 2,21; 2 Thessaloniciens 3,8; Matthieu 10,8; Jean 15,25; Apocalypse 21,6; 22,17; cf. dôrea, sans l'accusatif à valeur adverbiale, au sens de "don", Romains 5,15.17; 2 Corinthiens 9,15; Ephésiens 3,7; 4,7; Jean 4,10; Actes 2,38; 8,20; 10,45; 11,17; Hébreux 6,4) et par "grâce" (kharis), même si ce sont des (quasi-)"synonymes" qui se renforcent l'un l'autre, surtout dans la rhétorique de l'épître aux Romains (avec l'opposition de la "grâce" et du "salaire", chap. 4).
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeLun 28 Nov 2022, 15:12

"Par la grâce qui m'a été accordée, je dis à chacun d'entre vous de ne pas entretenir de prétentions excessives, mais de tendre à vivre avec pondération, chacun selon la mesure de la foi que Dieu lui a donnée en partage. En effet, tout comme il y a une multitude de parties dans notre corps, qui est un seul, et que toutes les parties de ce corps n'ont pas la même fonction, ainsi, nous, la multitude, nous sommes un seul corps dans le Christ et nous faisons tous partie les uns des autres. Mais nous avons des dons différents de la grâce, selon la grâce qui nous a été accordée : si c'est de parler en prophètes, que ce soit dans la logique de la foi ; si c'est de servir, qu'on se consacre au service ; que celui qui enseigne se consacre à l'enseignement ; celui qui encourage, à l'encouragement ; que celui qui donne le fasse avec générosité ; celui qui dirige, avec empressement ; celui qui exerce la compassion, avec joie" (Rm 12,3-Cool.

La manière dont la "grâce" atteint chacun change d’une personne à l’autre; les charismes diffèrent entre chacun, entre les divers croyants.
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeLun 28 Nov 2022, 15:41

Il s'agit bien de "charismes", v. 6 en frangrec: "Or ayant des kharismata différents selon la kharis qui nous a été donnée (didômi)..." -- même si le "charisme" le plus caractéristique de 1 Corinthiens, le "parler en langue(s)", en a complètement disparu; mais il faut noter que dans toute la partie "théorique" de l'épître aux Romains le mot kharisma a repris son sens général de "grâce concrète" ou "don-de-la-grâce", pour désigner le don commun fait aux fidèles, et non ce qui les différencie les uns des autres: cf. 1,11; 5,15s; 6,23; 11,29 (à comparer avec 1 Corinthiens 1,7; 7,7; 12,4.9.28.30s; cf. 2 Corinthiens 1,11; 1 Timothée 4,14; 2 Timothée 1,6; 1 Pierre 4,10).

En rapport avec l'échange précédent, et avec la discussion (différée) Derrida / Mauss évoquée plus haut, je voudrais souligner combien la coïncidence de la notion de "don" et celle de "gratuité", jusque dans sa pure négativité (= sans cause, sans effet, sans retour, pour rien) est aussi étonnante qu'évidente. Rien de plus "positif" et de plus "négatif" que le "don" ou la "grâce" -- quand on y pense.

Parmi les choses amusantes qu'on peut relever dans les références ci-dessus, l'idée que le Christ soit mort dôrean, "pour rien", est aussi bien affirmée en Romains 3,23ss que niée en Galates 2,21...
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeMer 30 Nov 2022, 16:17

"Moi, Paul, je vous dis que si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien. Et je l'atteste encore une fois à tout homme qui se fait circoncire : il est tenu de mettre en pratique la loi tout entière. Vous êtes séparés du Christ, vous qui cherchez la justification dans la loi ; vous êtes déchus de la grâce. Quant à nous, c'est par l'Esprit que nous attendons de la foi la justice espérée. Car, en Jésus-Christ, ce qui a de la valeur, ce n'est ni la circoncision ni l'incirconcision, mais la foi qui opère par l'amour" (Ga 5,2-6).

Cette deuxième partie de l’épître se termine par une exhortation à la liberté et à ne plus revenir à l’esclavage en acceptant la circoncision. En Ga 5,4, Paul reprend les thèmes de la justification et de la grâce évoqués en Ga 2,21 : celui qui place sa justice dans la Loi, rompt avec le Christ, et tombe en dehors de la grâce (τῆς χάριτος ἐξεπέσατε). Cela implique que, pour Paul, être dans la grâce de Dieu, c’est être en Christ, exposé à l’Esprit, dans la foi par laquelle on est justifié. Paul introduit ici une nouvelle valeur impliquée par « l’être dans la grâce » : c’est l’amour (????γάπη) par laquelle la foi agit (Ga 5,6). Ce thème de l’amour est par la suite développé dans les conclusions de la lettre.


https://www.academia.edu/9821031/Hesed_dans_la_R%C3%A8gle_de_la_Communaut%C3%A9_et_charis_dans_l%C3%A9p%C3%AEtre_de_Paul_aux_Galates
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeMer 30 Nov 2022, 23:09

Le rapport entre l'hébreu hsd (hesed) et le grec kharis n'est ni évident ni simple: la Septante traduit presque toujours hsd par eleos etc. (pitié, miséricorde, compassion, cf. kyrie eleison et notre mot "aumône", déformation du substantif eleèmosunè plus facilement repérable dans d'autres langues, p. ex. l'espagnol limosna), non par kharis: la seule exception que je voie est en Esther (tiens, tiens !) 2,9.17, où kharis traduit hsd, mais précisément parce que ce dernier terme est employé de façon similaire et parallèle à hn (hen) qui est habituellement rendu par kharis (comparer v. 15; 5,8; 7,3; 8,5, + 5,2; 6,3 sans correspondance claire en hébreu).

Plus on associe hsd à la notion d'"alliance" (bryt-berith; dans les textes la coïncidence des deux mots est rare, tardive et essentiellement liturgique, cf. 1 Rois 8,23 // 2 Chroniques 6,14; Isaïe 54,10; 55,3; Néhémie 1,5; 9,32; Psaume 25,10; 89,29; 106,45; Daniel 9,4), surtout si on (mé-)comprend celle-ci comme pacte bilatéral plutôt que disposition unilatérale du souverain ou suzerain (soit en grec sun-thèkè plutôt que dia-thèkè; mais c'est bien dia-thèkè qui est l'équivalent quasi systématique de bryt, dans la Septante et dans le NT, et cela convient aussi à l'origine de l'usage du mot hébreu dans les traités de vassalité du Proche-Orient ancien, notamment assyriens), plus on s'éloigne de la notion de "grâce", au moins dans son (non-)rapport à la "justice" judiciaire et comptable: au lieu d'être "gratuit" ce serait précisément un dû (devoir, dette), comme dans le cas de l'exécution d'un contrat ou d'un protocole. L'idée de "fidélité", avec la durée ou la régularité qu'elle implique (on est plus proche du sens de la racine 'mn, "amen" etc., qui évoque la "foi" ou la "confiance" principalement du côté passif ou objectif, du "fiable" ou du "digne de foi/confiance"), me semble dominante dans les emplois "bibliques" de hsd (c'est une "bonté" ou une "faveur", mais pas exceptionnelle ni ponctuelle, durable et constante au contraire), sans supposer nécessairement de référence à un cadre "juridique" comme l'"alliance". En revanche, la proximité avec la "grâce" (hn) et ses aspects esthétiques est plutôt rare, mais d'autant plus remarquable quand elle arrive (aussi, peut-être, Isaïe 40,6, où la Septante traduit hsd par doxa, gloire, apparence, d'où, du côté "subjectif", jugement ou opinion, etc.).

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La relation entre "la grâce" et la mariologie (surtout catholique) que je suggérais plus haut (24.11.2022) tiendrait formellement à peu de chose, l'Ave Maria de Luc 1,28ss qui est tout de même un peu plus évocateur en grec qu'en latin ou en français: là où nous avons seulement gratia plena ou "pleine de grâce", l'original fait conson(n)er la salutation grecque ordinaire (khaire, litt. "réjouis-toi" <=> ave ou "salut") et le qualificatif au participe parfait passif (kekharitômenè, graciée, comblée de grâce, etc., de kharitoô qu'on ne retrouve qu'en Ephésiens 1,6; cf. kharis au v. 30 et 2,40.52; 4,22; 6,32ss; 7,37; 17,9; Actes 2,47; 4,33; 7,10.46; 11,23; 13,43; 14,3.26; 15,11.40; 18,27; 20,24.32; 24,27; 25,9; kharizomai Luc 7,21.42s; Actes 3,14; 25,11.16; 27,23). La grâce n'a plus dans Luc-Actes, spécialement dans les récits de l'enfance, l'aspect anti-judiciaire ou anti-comptable, "im-mérité", qu'elle avait chez Paul (du moins à partir de Romains-Galates), elle retrouve en revanche ses connotations affectives et esthétiques.

On pourrait en dire à peu près autant du Prologue de Jean (1,14ss) où "grâce et vérité" (kharis / alètheia) semblent bien correspondre au couple hébreu hsd / 'mt (hesed / 'emeth, Psaume 25,10 etc.: soit plutôt en hébreu fidélité-fiabilité, avec la notion de durée et de constance commune à hsd et 'mn), mais non dans la traduction usuelle de la Septante (eleos / alètheia, pitié-miséricorde-compassion / vérité). Ici c'est une idée de rayonnement, d'abondance ou de générosité débordante qui domine, dans la ligne de tout le texte (lumière et vie); cf. en particulier le v. 16 où la plénitude (plèrôma) donne "grâce contre/pour/sur grâce", kharin anti kharitos, formule ambiguë dont il est difficile, et peut-être vain, de préciser le sens, mais qui peut en rappeler d'autres, notamment pauliniennes (de gloire en gloire, apo doxès eis doxan, 2 Corinthiens 3:18; de foi en foi, ek pisteôs eis pistin, Romains 1:17). De "grâce" (kharis) pourtant il n'est pas question dans le reste du quatrième évangile, alors que la "vérité" (alètheia), par contre, y revient très souvent.
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeMar 06 Déc 2022, 12:37

Les vérités de la grâce

Or, de cette situation d’une vérité augustinienne qui « tient le milieu » étant en même temps centrale et plus compréhensive que chacune des deux erreurs simplificatrices que l’Église rejette, Pascal déduit le caractère foncièrement paradoxal de tout discours théologique sur la nature et l’action de la grâce. « Être dans la vérité » de la grâce signifie fuir deux erreurs contraires en accordant les vérités partielles dont ces erreurs sont l’expression et en montrant qu’elles peuvent bien subsister ensemble. D’où les nombreuses contradictions apparentes de l’Écriture et de saint Augustin. Saint Paul déclare dans un verset célèbre « Je vis, non pas moi, mais Jésus-Christ vit en moi » (Galates II, 20) et on trouve sous la plume de saint Augustin l’affirmation : « la gloire », c’est-à-dire le salut, « est gratuite », aussi bien que « l’expression contraire » : « la gloire est donnée aux mérites », qui se rapproche de la doctrine moliniste. « [Or] la véritable cause de toutes ces différentes expressions est que toutes nos bonnes actions ont deux sources : l’une, notre volonté, l’autre, la volonté de Dieu […]. De sorte que, si on demande pourquoi un adulte est sauvé, on a droit de dire que c’est parce qu’il l’a voulu ; et aussi de dire que c’est parce que Dieu l’a voulu. » Autrement dit, une doctrine de la grâce qui en affirme l’efficacité irrésistible sans pourtant « ruiner le libre arbitre » ne peut que s’exprimer par des « contradictions apparentes ». Les deux vérités partielles s’accordent pourtant dès qu’on en saisit la portée respective et l’articulation, « car encore que ces deux causes aient concouru à cet effet, il y a pourtant bien de la différence entre leur concours, la volonté de l’homme n’étant pas la cause de la volonté de Dieu, au lieu que la volonté de Dieu est la cause et la source et le principe de la volonté de l’homme, et qui opère en lui cette volonté ». La volonté de Dieu est la cause première, dominante et maîtresse à laquelle, écrit Pascal en suivant le lexique de saint Thomas, il faut attribuer les effets « en commun » (voir § 645). Elle est la cause de la volonté humaine, dont relèvent à leur tour les « effets en particulier ». D’où une dissymétrie qui permet certes d’attribuer l’action de l’homme à la seule volonté divine, mais qui interdit au contraire de la rapporter à la seule volonté de l’homme « à l’exclusion de celle de Dieu ». Les mérites de l’homme causent son salut, mais la cause de ces mérites, donc la cause de la cause, est la grâce qui ne dépend que de la volonté divine. Une vérité comprend l’autre, qui, en restant partielle, pourrait être « équivoque » si on l’affirme seule : « C’est ainsi que saint Paul ayant dit : J’ai travaillé plus qu’eux tous, il ajoute : non pas moi, c’est-à-dire je n’ai point travaillé, mais sa grâce qui est avec moi a travaillé. Par où on voit qu’il attribue son travail à sa volonté, et qu’il le refuse à sa volonté suivant qu’il en cherche ou la cause seconde, ou la première cause ; mais jamais à soi seul ; au lieu qu’il la donne aussi à la grâce seule, et que c’est en parlant proprement qu’il le donne à la seule grâce. »

Les « manières de parler » des Écritures témoignent donc de la vérité à deux faces de la grâce, dont la source ultime est la double nature du Christ lui-même, car « l’origine de toutes ces contrariétés apparentes » est « l’Incarnation du Verbe qui a joint Dieu à l’homme et la puissance à l’infirmité ». Ainsi, dans l’Évangile « Jésus-Christ dit lui-même “Ce n’est pas moi qui fais les œuvres, mais le Père qui est en moi”, et néanmoins il dit aussi : “Les œuvres que j’ai faites”. […] On peut donc dire, puisqu’il l’a dit, qu’il a fait des œuvres et qu’il ne les a pas faites ; mais il est constant que la divinité les a faites en lui, et on ne peut pas dire qu’il ne les a point faites. »


https://books.openedition.org/purh/793?lang=fr
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeMar 06 Déc 2022, 15:55

Présentation exceptionnellement claire de la problématique "janséniste" au sens large (si l'on y inclut Port-Royal et Pascal), entre calvinisme (protestant) et molinisme (jésuite) -- j'ai repensé au beau film de V. Dieutre, Fragments sur la grâce (2006): évidemment ce débat est en un sens récurrent (Paul / Jacques, Augustin / Pélage, Luther / Erasme, et même dans le protestantisme Arminius contre le calvinisme de son temps), mais pas à l'identique, les positions et les  oppositions se déplacent plus ou moins subtilement à chaque fois, de sorte que les textes anciens cités de part et d'autre sont aussi détournés, le plus souvent inconsciemment ou en toute bonne conscience. Entre les avatars antiques (néotestamentaire ou patristique) et modernes (protestant ou catholique) de la discussion un déplacement déterminant est celui de la scolastique néo-aristotélicienne de la fin du moyen-âge, récapitulée par Thomas d'Aquin, avec son antithèse nature / grâce dont nous avons parlé plus haut (rien de tel ni chez Paul ni chez Augustin).

Ce que je trouve particulièrement intéressant dans cet article, c'est la façon dont Pascal, contrairement à d'autres, finit par échapper à cette querelle en la généralisant et en la radicalisant dans une compréhension à la fois plus étendue et plus profonde de la "contradiction" (notion qui englobe et dépasse les catégories spécifiques du paradoxe, de la dialectique ou de l'aporie): toute "vérité" de religion ou de pensée est essentiellement contradictoire, la contradiction est son signe même. De cela les discours sur la "grâce" ne sont qu'un exemple, si exemplaire soit-il. Cela n'est d'ailleurs anti-aristotélicien qu'en apparence, car Aristote est le premier à indiquer les limites du principe de (non-)contradiction qui régit sa "logique": la "faute logique" majeure consiste à appliquer la logique où elle n'a pas lieu de s'appliquer, par exemple à la prière où il n'est ni vrai, ni faux, ni possible ni impossible, ni probable ni improbable...
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeMer 07 Déc 2022, 15:25

Cette manifestation spéciale de faveur imméritée de la part de Dieu envers les humains en général a été leur libération par rançon de la condamnation grâce au sang de Christ Jésus son Fils bien-aimé (Ép 1:7 ; 2:4-7). Par le moyen de cette faveur imméritée, Dieu apporte le salut à toutes sortes d’hommes (Tt 2:11), ce dont les prophètes avaient parlé (1P 1:10). D’où la justesse du raisonnement et de l’argument de Paul : “ Or, si c’est par faveur imméritée, ce n’est plus en raison des œuvres ; autrement, la faveur imméritée n’est plus faveur imméritée. ” — Rm 11:6.

Plus qu’aucun autre écrivain, Paul parla de la faveur imméritée de Dieu — plus de 90 fois dans ses 14 lettres. Il mentionna la faveur imméritée de Dieu ou celle de Jésus dans les salutations d’introduction de toutes ses lettres, sauf dans celle aux Hébreux, et il en reparla dans les remarques finales de chaque lettre, sans exception. D’autres rédacteurs de la Bible firent de même au début ou à la fin de leurs écrits. — 1P 1:2 ; 2P 1:2 ; 3:18 ; 2Jn 3 ; Ré 1:4 ; 22:21.

https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1200004511?q=gr%C3%A2ce+faveur+imm%C3%A9rit%C3%A9e&p=par

Cette citation de la Watch m'incite à me demander si l'auteur de l'épître aux Hébreux développe une pensée de la grâce. J'ai relevé 3 textes de cet épître qui mentionnent la "grâce" :

"cependant nous voyons celui qui a été fait un peu inférieur aux anges, Jésus, couronné de gloire et d'honneur, à cause de la mort qu'il a soufferte ; ainsi, par la grâce de Dieu, il a goûté la mort pour tous" (2,9).

"Approchons-nous donc avec assurance du trône de la grâce, pour obtenir compassion et trouver grâce, en vue d'un secours opportun" (4,16)

"Ne vous laissez pas entraîner par toutes sortes d'enseignements étrangers. Il est bien, en effet, que le cœur soit affermi par la grâce, et non pas par des aliments qui n'ont servi de rien à ceux qui en font une question d'observance" (13,9).

J'ai le sentiment que pour l'auteur le terme "grâce" n'est pas employé comme  un concept mais comme un mot commun sans qu'il y rattache une vision.


(La formule "faveur imméritée" m'écorche les oreilles ...).  
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeMer 07 Déc 2022, 16:38

Pour rappel (cf. p. ex. supra 28.3.2017), la "faveur imméritée" est une surtraduction de kharis (c.-à-d. qu'elle en fait trop mais dans le "bon sens") dans les textes qui l'utilisent de façon (quasi-, simili-, para- ou anti-)"judiciaire" ou "comptable", principalement Romains-Galates: cela revient à réinscrire le sens du texte dans le mot, donc à une certaine redondance; c'est le texte qui fait remarquer que la "grâce" n'est pas "salaire" ni "récompense", donc "imméritée"; mais si "imméritée" est déjà dans la traduction du mot, le texte paraît (encore plus) enfoncer des portes ouvertes.

En revanche, c'est un total contresens dans les textes où la kharis n'a plus rien de juridique ni de comptable, mais un sens "esthétique" ou "affectif" (p. ex. Luc et le Prologue de Jean dont nous avons parlé précédemment): là, la "faveur imméritée" arrive comme un cheveu sur la soupe, elle ne correspond même pas à la doctrine de la Watch (p. ex., la "grâce" du petit Jésus dans l'évangile de l'enfance n'aurait rien d'"immérité" s'il est "parfait").

[P.S.: Vérification faite, la nouvelle révision de la TMN (2018) arrive même à être incohérente dans le Prologue de Jean, puisqu'on a désormais "faveur divine" au v. 14 et "faveur imméritée" aux v. 16s (l'américain est encore pire: on passe de "divine favor" à "undeserved kindness", NWT 2013). En Luc, "tu as la faveur de Dieu" en 1,30 (l'américain garde le sémitisme ou le septuagintisme, you have found favor with God; cf. "extrêmement favorisée / highly favored" v. 28), à peu près la même chose en 2,40.52, mais en 4,22 les "paroles de grâce" deviennent "captivantes", alors qu'elles sont toujours "gracious" en américain...]

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L'épître aux Hébreux est formellement anonyme, rien ne la rattache à "Paul" sinon l'addition simili-paulinienne du chapitre 13 (voir encore ici 24.11.2022), qui est "étudiée pour" comme dirait Fernand Raynaud: en l'occurrence, précisément destinée à la faire passer pour paulinienne, chose nécessaire à sa canonicité dans le contexte patristique qui conditionne la canonicité à une présomption d'apostolicité (un texte ne peut être "canonique" que s'il est rattaché directement ou indirectement à un "apôtre" -- ainsi selon la tradition Marc à Pierre, Luc à Paul, etc.: ce sera donc "Paul" même s'il n'est pas nommé -- contrairement aux "pseudépigraphes" du corpus paulinien, expressément attribués à "Paul").

A ta liste on peut ajouter 10,29 ("l'esprit de la grâce", pneuma tès kharitos), 12,15 (manquer ou se priver de la "grâce de Dieu", apo tès kharitos tou theou), 18 (ekhômen kharin, tenons à la grâce ou ayons de la gratitude) et 13,25 (la grâce avec vous tous, formule de salutation simili-paulinienne). Mais je suis bien d'accord qu'avec tout ça on n'arrive pas à un "concept" précis ni original, ni dans le sens "paulinien" de l'"immérité", hors justice et hors comptabilité, ni dans un sens seulement "esthétique" ou "affectif", mais à l'idée vague d'un rayonnement divin bienfaisant... L'originalité du texte n'est pas dans son vocabulaire, mais dans son cadre philosophique qui fait du divin quelque chose d'essentiellement "éternel", même s'il se rend accessible au "temps", et la "grâce" aussi en est affectée comme la quasi-totalité du lexique religieux traditionnel: c'est ce qui se donne et se reçoit de l'"éternel" dans le "temps", mais le mot kharis en soi n'y est pas pour grand-chose.
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeVen 30 Déc 2022, 16:19

"Tes yeux verront le roi dans sa beauté, ils contempleront le pays dans toute son étendue" (Es 33,17).


La beauté de Dieu


On ne peut parler de théologie de la beauté que par rapport à Dieu. Mais peut-on dire explicitement, comme le fait la scolastique médiévale, que Dieu est beau ? Non si l'on en reste à la stricte notion de beauté de Dieu, mentionnée une seule fois dans la Bible (Es 33,17) mais oui si l'on s'attache à la notion de gloire (kabod) de Dieu, qui signifie certes plus que la beauté, mais qui l'inclut également.


Pourquoi la théologie protestante ne connaît-elle pas de traité De pulchrìtudine Dei! Cherchant des théologiens protestants parlant explicitement de la beauté de Dieu, Zeindler n'en trouve que deux: Karl Barth et Jonathan Edwards (puritain américain du XVIIIe siècle). La beauté est, pour ce dernier, le concept clé de sa théologie. Le point de jonction entre Dieu et l'humain est la notion de sens spirituel, qui consiste à être saisi corporellement par la beauté de Dieu. Mais en même temps le concept de beauté n'est pas une qualité à la disposition de l'homme: la connaissance sensible (spirituelle) de Dieu reste soumise à sa divinité, et la beauté souligne l'objectivité de Dieu. La beauté de Dieu est ainsi une sorte d'explication et d'application du sola gratia; elle équivaut à la sainteté. Dans sa beauté. Dieu apparaît à l'homme comme attractif, joyeux, et aimant.


Pour Barth, la beauté est une manifestation de la gloire de Dieu, mais cette beauté concerne son être formel, non son être matériel: elle est, précise-t-il, une notion auxiliaire et secondaire. Il existe pourtant une «évidence esthétique de Dieu» liée à son caractère attractif pour l'homme. Barth sait bien que la beauté de Dieu n'est pas une expression biblique; pourtant il la maintient, car elle lui permet de parler de la joie de Dieu (fruitio Dei), dans le sens objectif de la joie qui appartient à Dieu et qu'il dispense autour de lui par sa Grâce agissante. La beauté est une qualité ad extra de Dieu ; elle fait partie de son être et s'exprime dans la Trinité comme dans l'incarnation. Elle se dévoile en Jésus-Christ, et en intégrant l'expérience douloureuse de la croix, elle englobe aussi bien la beauté que la laideur du monde. Même si Barth ne se pose pas la question de l'implication humaine de la beauté de Dieu, il fait accomplir à l'esthétique théologique un grand pas en plaçant la beauté au
centre de la doctrine de Dieu. Sa théologie, narrative et contemplative, permet de contempler Dieu dans l'unité de son être et de son action: il n'y a plus de Dieu caché, car il s'est pleinement révélé en Christ.


Comment faire l'expérience de la beauté de Dieu ? Par la fruitio Dei, la jouissance de Dieu, notion théologique qui remonte à Augustin et que Barth a remise à l'honneur. La fruitio Dei (refusée par Luther comme trop spéculative, mais gardée par Calvin et l'orthodoxie qui l'ont réorientée eschatologiquement) permet à l'homme de faire une expérience de la beauté de Dieu qui souligne la dimension d'espérance de la foi : la joie du croyant atteint par la beauté de Dieu n'est pas une joie égoïste, mais anticipatrice. La fruitio Dei, reformulée et réorientée eschatologiquement, doit ainsi être redécouverte par la théologie protestante, car la foi est contemplation de l'être et de l'action de Dieu, à laquelle répond la joie et la louange du croyant.


Où se manifeste la beauté de Dieu? Dans la doxologie de l'Eglise, c'est-à-dire d'abord dans le culte, la liturgie et la prédication. Dieu est objectivement présent dans la louange de l'Eglise, mais ce discours de louange s'exprime également par d'autres moyens que par le seul discours, par le récit et par l'art, y compris l'art non verbal. Par le moyen de l'analogie et de la métaphore, la beauté de la création sera également une expression de la beauté de Dieu.


https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=rtp-003:1995:45::500
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MessageSujet: Re: Qu'est-ce que la grâce ?   Qu'est-ce que  la grâce ? - Page 4 Icon_minitimeJeu 05 Jan 2023, 20:59

J'avais apprécié cet article quand tu l'avais posté, même si je n'étais pas en situation d'y répondre.

Sur l'extrait ci-dessus, je ferais d'abord remarquer qu'à la lettre il n'est pas évident qu'Isaïe 33,17 se réfère à "Dieu", ni même à Yahvé: il est question d'un roi (mlk), sans article: le rapprochement dépend de la formule synthétique du v. 22, ce qui est plutôt fragile...

Bien sûr la notion de "beauté" dans la Bible ne se limite pas au seul usage de la racine yp', comme le remarquait Cottin: ainsi que nous l'avons déjà vu, la "grâce" et la "gloire" relèvent en partie du même champ lexical, ainsi que de nombreux termes lumineux, visuels, etc., ou autrement affectifs (le "plaisir" n'est pas que visuel, mais il est "sensible", même quand il est aussi "intelligible").

Plus intéressante peut-être est la frontière entre l'esthétique (le sensible) et la callistique (le beau), dont on a déjà parlé, et son rapport à la "jouissance" remise à l'honneur par Calvin (dont on n'aurait pas attendu ça; cf. supra 24.11.2022): elle rappelle surtout aujourd'hui l'opposition sarcastique de Nietzsche à Kant sur le problème du "désintéressement": qu'est-ce qui est beau pour moi, ce qui ne m'intéresse pas ou plus, même au sens où cela aurait dépassé tout intérêt individuel, personnel, matériel, sordide, "intéressé" au sens péjoratif, ou au contraire ce qui m'intéresse au plus haut point et donc avec tous mes "sens" ? Cf. la citation (ambiguë) de C.F. von Weizsäcker à la note 13 de Cottin, "la délivrance de l'intérêt du Je": ce qui se joue là est extrêmement subtil, soi sans ou contre soi, un intérêt sans intérêt ou contre tout intérêt, en-deçà ou au-delà de tout intérêt, un intérêt qui se retrouve en se perdant et qui se perd chaque fois qu'il se trouve, etc. Tout cela rappellera encore les évangiles (entre autres) par d'autres chemins.
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