La WT condamnée a verser des dommages-intérêts à une victime

De nombreuses filles parfois garçons ont souffert dans leur corps, leur mental après avoir été victimes d'actes de pédophilie. Toutes ces victimes méritent d'être traitées avec bonté, compassion.

Cependant, il me semble que des personnes malhonnêtes peuvent profiter de la confusion régnant autour des dénonciations et se voir proposer de l'argent afin de se taire.

C'est un effet pervers de toute "justice" (j'y mets des guillemets non pour insinuer quelque fausse ou mauvaise justice: rien de ce qui s'est appelé "justice", de la vengeance élémentaire au droit le plus sophistiqué, même l'idéal de justice supposé fonder et transcender tout droit, n'y échappe), pour autant qu'elle tend et prétend -- comment n'y pré-tendrait-elle pas ? -- à réparer des torts. Non seulement son usage légitime rend son abus possible en principe, et par là même inévitable en pratique; mais, ce qui est encore plus grave à mon sens, elle détourne ou retarde chez tous, les "vraies victimes" comme les "fausses", la considération de l'essentiel, à savoir que tout ce qui arrive (y compris les effets pervers des prétendues réparations) est foncièrement irréparable. Les jugements ont beau le rappeler sans cesse (on ne rendra à personne son enfance intacte, pas plus qu'à un mort sa vie), la notion même de réparation, toute dérisoire qu'elle s'avoue et sans commune mesure avec le mal subi, en est en même temps la constante dénégation. (Nécessaire toutefois: sans l'idée de réparation on ne penserait pas non plus l'irréparable.)

Je te remercie, Narkissos, de tes remarques que feraient bien de connaitre et de comprendre certains ex-Tj réclamant une justice "absolue" sans tous les à côté que tu mentionnes.

Il me semble que les ex-TdJ qui se sont emparés de ce thème n'ont guère fait que surfer (sur) une grande vague médiatique et "sociétale" qu'ils n'avaient pas inventée; cette séquence est sans doute moins perceptible en Europe où la vague en question est arrivée plus tard, atténuée, et déjà précédée par la communication des réseaux spécialisés (comme ceux des ex-TdJ). Au regard du phénomène général l'implication de la Watchtower est franchement anecdotique -- très loin, en valeur absolue et même relative, derrière celle de l'Eglise catholique par exemple. Mais pour ceux qui avaient des motifs (même valables, quoique le plus souvent d'une autre nature) de ressentiment envers la Watchtower c'était une occasion à ne pas manquer.

Cette instrumentalisation des malheurs particuliers et de l'indignation générale ne me paraît d'ailleurs pas très éloignée de ce que fait la Watch elle-même quand elle exhibe ses "martyrs" dans tous les hommages aux victimes des dictatures -- notamment le nazisme.

Il est de toute façon difficile de militer et de réfléchir en même temps...

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Pour revenir sur la question plus précise de la "réparation" monétaire, c'est la nature et la fonction de l'"argent"-monnaie, comme bien d'échange de plus en plus "dématérialisé" depuis les métaux précieux et par là de plus en plus purement nominal, numéraire et fiduciaire (c.-à-d. dépendant de la "foi" des participants au jeu monétaire), de se substituer à tout -- y compris à ce qui n'est pas remplaçable, c'est-à-dire aussi bien tout d'un autre point de vue (chaque chose, chaque "être", chaque événement en tant qu'unique). Qohéleth le notait déjà dans un verset sous-estimé (10,19): w-h-ksp y`nh 't-h-kwl, l'argent répond à tout et à tous, il a réponse à tout, il répond de tout en lieu et place de chacun. Il est le moyen d'une fantastique (c'est le cas de le dire) dé-réalisation du monde qui est aussi sa réalisation, puisqu'il rend tout interchangeable, remplaçable, indéfiniment disponible, (ré-)organisable et (re-)constructible; "technique des techniques" au même niveau que le "langage" avec lequel il se confond, puisque avec lui aussi il s'agit toujours de traduire l'intraduisible. Ce que l'antisémitisme européen reprochait naguère aux juifs, ce qu'on reproche encore aujourd'hui à "l'argent", à "la finance" et à "la mondialisation", c'est le trait essentiel, coextensif d'ailleurs selon des "économies" à peine différentes à toute civilisation, à toute histoire et à toute humanité. Vaste sujet donc, qui déborde largement la question des réparations judiciaires et monétaires; mais celle-ci ne peut pas se penser sans celui-là.

C'est, comme on dit, de bonne guerre: sous le coup d'une accusation, faire valoir qu'il y a pire en face -- en l'occurrence dans l'Eglise catholique qui a effectivement fait "pire", non seulement par le nombre absolu et même relatif (si l'on entend par là la proportion, parfois sidérante, des "ministres" impliqués), mais encore par l'indulgence de la discipline interne (ce qu'on ne peut guère reprocher à la Watch, même si les deux institutions -- et probablement toutes les institutions concernées, y compris d'éducation "laïque", publique ou privée -- ont en commun d'avoir couvert les faits vis-à-vis de l'extérieur).