Je ne reviens pas sur ce qui a été écrit
ici (sur le schéma sotériologique du russellisme en général) et
là (sur la différenciation de "niveaux" de "salut", de "
jugement" ou d'"exigences" dans le NT).
Plus marginalement, en te lisant aujourd'hui, je me (re-)dis que nous ne sommes décidément pas égaux devant la "conscience". Pour toi il semble aller de soi qu'un
jugement de chacun
selon sa conscience serait
moins sévère qu'un
jugement fondé sur une "loi", sur une "foi" ou sur un "arbitraire" quelconque. Moi, au contraire, j'ai tendance à le voir comme le plus impitoyable des jugements. C'est qu'il y a de "bonnes consciences", que rien ne perturbe, et de "mauvaises consciences", que rien ne rassure, et entre ces deux extrêmes (sans doute trop extrêmes pour être jamais réellement atteints) une infinité de nuances.
Cela me renvoie à une distinction "psycho-théologique" que j'ai déjà évoquée (et que je n'ai pas inventée, j'en suis éternellement reconnaissant au pasteur Louis Schweitzer, petit-neveu du grand Albert, de qui je la tiens même s'il ne l'a pas inventée non plus): entre "Paul" et "Jacques", Augustin et Pélage, Luther et Erasme, l'opposition théologique de surface trahit une différence psychologique de fond, qui est précisément celle de la "mauvaise" et de la "bonne conscience". Les uns éprouvent un
besoin absolu de la "grâce", gratuite, imméritée, irrésistible et injustifiable, rien ne serait pire pour eux que d'être abandonnés à leur "conscience" et à son
jugement; ceux-là défendent mordicus, selon les époques, une "prédestination" ou un "salut universel" qui sont seuls à la hauteur de leur angoisse; les autres ont suffisamment "bonne conscience" pour ne redouter que des jugements
extérieurs (celui d'une loi ou d'un arbitraire divins), et l'idée du "libre-arbitre" ou d'un
jugement selon les "mérites" ou la "conscience" les satisfait pleinement. Entre les deux "races", le dialogue de sourds est garanti (jusqu'au
jugement dernier peut-être).