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 mise en abîme

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Narkissos

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MessageSujet: Re: mise en abîme   mise en abîme - Page 2 Icon_minitimeMer 10 Juil 2024, 16:10

Il ne suffit pas de prétendre distinguer A, B, ou C pour échapper à la confusion... d'autant que les concepts ne se laissent pas distinguer si facilement que les mots indexés ou numérotés, surtout quand ils sont abyssaux, essentiellement négatifs, ablatifs ou privatifs, sans fond, sans fin, sans limite, sans dé-termination et sans dé-finition -- a-peiron encore et toujours, en-deçà et au-delà des mots, des choses et des idées, entre, autour et dedans aussi, dedans comme dehors; aporie de de toute limite, de toute frontière, donc de toute fermeté terminologique et de toute dé-limitation de domaine, de territoire, de champ nettement circonscrit (pera): ambiguïté et contiguïté inséparables de l'in-fini et de l'in-défini qui indéfiniment forment, informent, déforment, transforment l'informe; tout au plus la plurivocité d'un terrain vague, informe et vide, tohou wa-bohou.
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MessageSujet: Re: mise en abîme   mise en abîme - Page 2 Icon_minitimeVen 12 Juil 2024, 09:29

L'utilité chez Hegel et Heidegger

ce renversement est plutôt un jeu de l'utilité et de l'Être

Ce renversement n'est peut-être pas un véritable renversement mais un entrelacement entre l'Être et l'homme où l'homme ne voit pas clairement sa position. Cet entrelacement (die Verwechselung), l'homme a tendance à le confondre avec un entrelacement du Dasein et de l'étant. On assiste en fait à un jeu de présence-absence entre l'Être et l'homme : l'Être est cette présence-absence en même temps qu'il est cette absence-présence. Ainsi se déploie un espace du jeu, espace qui diffère complètement de l'espace utilitaire et qui le met à distance. Dans le chapitre intitulé L'Être, le fond et le jeu de son ouvrage Le principe de raison, Heidegger thématise cet espace de jeu c'est-à-dire cette distanciation et ce rapprochement incessant de l'Être, ou cette liberté perpétuellement libérée de celle-ci. On ne peut fixer de manière abstraite cet Être, on ne peut le déterminer ni le catégoriser : ce qu'on peut voir, c'est son ouverture à l'homme mais on ne peut le voir qu'à condition de se mettre dans une position d'ouverture. Or, si on conçoit la raison comme ratio c'est-à-dire le calcul, on ne pourra jamais raisonner l'Être c'est-à-dire le calculer et le mesurer. Heidegger ne tombe pas pour autant dans un "irrationalisme" qu'il dénonce dans sa Lettre sur l'humanisme mais il essaie d'étudier à travers l'histoire de la métaphysique occidentale, les voilements et les dévoilements successifs de cet Être. L'Être a un rapport au logos mais il n'est pas réductible à la raison. D'ailleurs, Heidegger interroge à ce sujet l'histoire de la pensée : comment se fait-il que nous ayons attendu Leibniz c'est-à-dire le XVIIe siècle pour formuler le principe de raison suffisante (Nihil est sine ratione), à savoir que tout a une raison alors que la philosophie s'est constituée depuis l'Antiquité grecque ? Est-ce que grâce à ce principe de raison, on a éclairé la totalité de l'Être ? Évidemment non, car en formulant un tel principe, l'Être ne se dévoile pas mais il se voile, il entre dans un retrait et ce à quoi nous assistons, c'est la présence de son retrait. La raison ne pourra pas utiliser toutes les potentialités et toutes les faces de l'Être en les déterminant car elle n'est pas seulement Vernunft mais aussi Grund, fond.

L'Être est un accord avec ce Grund, il est un jeu avec celui-ci. L'espace du jeu est la relation entre l'Être et le Grund. Ce dernier supporte l'Être mais on s'aperçoit que c'est aussi bien l'Être qui supporte le Grund sans pour autant être un fond. "Pour autant que l'Être s'étend comme fond, il est lui-même sans fond"113(*). Plus on fonde l'Être, plus il nous échappe, plus on le rationalise, plus il nous apparaît comme irrationnel et plus on l'utilise, plus il manifeste son irréductibilité à l'utilité. On a donc un renversement complet des perspectives quand on se situe à un niveau ontologique. "L'Être : le sans-fond, le sans-raison, l'abîme (der Ab-Grund)"114(*). Dans cette phrase, Heidegger n'inscrit pas la copule, il insiste sur une ponctuation qui fait résonner le mystère de l'Être. Tout ce qu'on peut dire de cet Être, c'est qu'il est Ouverture et qu'il s'étend devant nous. Le lecteur a quand même l'impression qu'Heidegger le voit plus à travers la physis et d'ailleurs dans les deux caractéristiques de la raison (comme Grund et Vernunft) il a tendance à privilégier le Grund, ce qui a rapport à la terre, au sol et à la nature. Il définit le Grund de la manière suivante : "laisser la chose étendue devant nous, la laisser éclore, s'ouvrir d'elle-même : c'est logos au sens de physis, être"115(*). D'autre part, André Préau traduit ce Grund par "Raison" et le Vernunft par "raison", ce qui prouve par cette majuscule, que le Grund manifeste tout le côté originaire et architectonique de la raison. Laisser la chose "s'ouvrir d'elle-même" pourrait s'appliquer intégralement à l'être : il faut la laisser s'ouvrir non pas d'une manière active ou passive car on resterait prisonnier d'une visée d'utilité mais d'une manière attentionnée et méditative.

https://www.memoireonline.com/12/07/753/m_utilite-chez-hegel-et-heidegger23.html
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Narkissos

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MessageSujet: Re: mise en abîme   mise en abîme - Page 2 Icon_minitimeVen 12 Juil 2024, 10:58

On retrouve ici tous les problèmes de l'idiome: Grund en allemand, comme ground en anglais, c'est le sol plus ou moins solide, la terre plus ou moins ferme où l'on peut planter, creuser, jeter, poser des fondations et construire, mais c'est aussi le fondement, la cause, la raison, la justification "logique" ou "abstraite" de n'importe quoi, chose, événement, acte, raisonnement, jugement, loi, pouvoir, institution, histoire. On ne passe pas si facilement de l'un à l'autre en français (surtout avec un "fondement" qui est aussi un euphémisme pour le cul), ce qui oblige les traducteurs à des acrobaties qui compliquent à l'envi un texte relativement simple, à condition qu'on le lise dans sa langue originale... traduction d'autant plus nécessaire qu'elle est impossible: c'est justement l'intraduisible qui requiert d'être traduit et retraduit sans cesse, aucune traduction n'étant jamais satisfaisante.

La question autour de laquelle tourne Heidegger, question de terrassement métonymique en somme, c'est: comment fonder (gründen et ses dérivés, comme ergründen pour "étudier", begründen pour "justifier", etc.) sur du sans-fond (Abgrund), à partir du présupposé (sub-poser, c'est encore fonder) jamais questionné que c'est là le destin, la vocation, la tâche, le devoir ou le souci exclusifs de "l'homme" -- non pas l'homme en général, toujours et partout, mais dans sa dé-finition "existentiale" comme Dasein (là encore, mot qui en allemand courant est à peu près équivalent à "existence", mais surinterprété à la lettre comme "être là" ou "être le là", avec découpage et trait d'union, Da-Sein, pour dire l'ex-périence ek-sistentielle ou ek-statique d'un rapport et d'une différence de l'"être" à l'"étant"). Autant dire que "l'homme" en question est plutôt occidental, européen, blanc, allemand, philosophe, à la rigueur poète ou artiste que quoi que ce soit d'autre... Certes Heidegger variera beaucoup quant aux modalités de ce "fonder", en passant d'une conception liante (binden, Bund, ce que Derrida appelle "stricture" en le renvoyant au double bind de Palo Alto), active, voire contraignante et violente, du logos (expliqué non seulement comme "parole", "pensée", "calcul" ou "raison" à l'instar du latin ratio, mais aussi par analogie avec le lego latin, d'où lectio, collectio, intellectio etc.: relier, mettre en relation) à l'idée plus passive, contemplative ou méditative de la Gelassenheit = laisser être; c'est aussi, bien entendu, le Heidegger d'avant, pendant et après le nazisme. Reste que c'est pour lui de part en part une affaire "humaine" dont l'"animal", a fortiori le végétal ou le minéral, ou encore le technique, sont par principe exclus -- alors que d'un autre point de vue tout "étant" ne fait que ça, de l'atome à la molécule, du cristal à la cellule, du protozoaire au primate, du programme informatique à l'"intelligence artificielle", construire et se construire sur du mouvant, faire, inventer, fabriquer de la forme ou de la structure synchronique susceptible de perdurer ou de se reproduire dans la diachronie générale. C'est aussi toute la différence, sous le même mot, de l'ouverture du Dasein selon Heidegger avec l'Ouvert de Rilke (Huitième élégie de Duino) dont au contraire l'homme seul s'exclurait, du moins entre l'enfance et l'approche de la mort. A toute cette problématique, le mémoire précité ne semble guère s'intéresser (son thème c'est l'"utilité"), ni dans cette page ni dans les autres si j'en juge par le sommaire.

Pourtant le dialogue entre Hegel et Heidegger aurait aussi été intéressant sur la question de l'"infini" (y compris le "mauvais infini") ou de l'"absolu" du premier (autres dérives métonymiques de l'"abîme"), auxquels le second oppose avec une certaine ténacité l'idée d'une "finitude" de l'être (qui ne l'empêche pas d'être "abyssale"; je relisais il y a peu le "Kantbuch", écrit peu après Sein und Zeit, qui y insiste).

Je repense à Machado: sur la mer (la mère, l'amère) il ne s'agit peut-être ni de fonder ni de construire, mais de marcher ou de naviguer, d'aller et de venir, de passer, par un chemin, une voie, un vaisseau, qui ne laissera jamais que trace éphémère. Ce qui pourtant ne va pas sans technique ni calcul (tekhnè, logos).

---

Je retrouve en relisant Sauf le nom, merveilleux petit livre de Jacques Derrida consacré à Angelus Silesius, l'une des citations (p. 97) que j'avais en tête en relançant ce fil (supra 22.6.2024):

Ein Abgrund rufft dem andern
Der Abgrund meines Geists rufft jmme mit Gesschrey
Den Abgrund GOttes an: Sag welcher tieffer sey ?


Un abîme appelle l'autre,
L'abîme de mon esprit appelle de sa clameur
L'abîme de Dieu: dis, quel est le plus profond ?
(I, 68)

Et celui-ci (p. 101), qui s'écarterait peut-être un peu du thème si c'était possible:

Die geheimste Gelassenheit.
Gelassenheit fäht GOtt: GOtt aber selbst zulassen,
Ist ein Gelassenheit die wenig Menschen fassen.


L'abandon le plus secret.
L'abandon est capable de saisir Dieu; mais délaisser Dieu lui-même,
Voilà un abandon que peu d'hommes sont capables de saisir.
(II, 92).
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MessageSujet: Re: mise en abîme   mise en abîme - Page 2 Icon_minitimeMer 17 Juil 2024, 15:03

Une "voix de fin silence" vient au prophète Elie. Puis (une autre voix) : "Qu'as-tu à faire, toi, ici? - Va"; ce silence vient à nous depuis l'abîme entre éthique et politique

En passant, dans son livre Adieu à Emmanuel Lévinas, Jacques Derrida propose une interprétation du passage biblique où le prophète Elie rencontre "la voix de fin silence" (traduction de Lévinas, différente du texte de Segond reproduit ci-contre, où Qol DeMama Daqqa est rendu par "un murmure doux et léger", ce qui est à la fois un contre-sens et un faux sens. Il est question du rapport entre éthique et politique dans la pensée de Lévinas, et aussi par rapport à la ville de Jérusalem, celle de la bible et celle d'aujourd'hui. Entre la promesse biblique d'hospitalité messianique, liée au nom de Jérusalem, et la pratique politique d'aujourd'hui, il y a un abîme. Selon Derrida, c'est du fond de cet abîme où Elie n'a cessé de naviguer entre politique et prophétie, qu'arrive "peut-être" l'événement de la grotte du Horeb. Elie a cherché la présence de Dieu [aussi incertaine que l'éventuel compromis entre la sainteté de l'hospitalité et la paix politique] sur la montagne, dans la tempête, dans le séisme, puis dans le feu, mais ne l'a pas trouvé. C'est au-delà de ces étants, au-delà de l'être, qu'elle se manifeste, mais comme une voix-silence - oxymore impossible, aussi impossible que, par exemple éthique-justice.

Mais c'est sur la suite de ce passage très connu que Derrida attire l'attention. Quand une autre voix se manifeste, à l'extérieur de la grotte, elle demande à Elie "Mais que fais-tu là?" C'est laisser entendre qu'il y a d'autres urgences que cette grotte. D'ailleurs Elie l'avait compris du premier coup, puisqu'il s'est dirigé vers la sortie dès qu'il a entendu la voix silencieuse. Ce silence intraitable, insupportable, il faut qu'il le franchisse, qu'il s'écarte de la mystique pour travailler au rapport entre éthique et politique. Que fait-il? Il va sacrer un roi et oindre un prophète, afin que les deux dimensions coexistent, malgré l'abîme et malgré le silence. "L'éthique enjoint une politique et un droit; cette dépendance et la direction de cette dérivation conditionnelle sont aussi irréversibles qu'inconditionnelles" (Derrida, pp198-199). Le prophète a été tenté par la mystique, mais il ne s'y est pas laissé enfermer.

https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-1611302228.html
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MessageSujet: Re: mise en abîme   mise en abîme - Page 2 Icon_minitimeMer 17 Juil 2024, 15:29

Voir ici (à partir du 7.11.2021).

Du point de vue "biblique" j'objecterais ceci: la "mystique", si on la fait tendre vers le quiétisme (non-parole et non-action), serait étrangère au personnage d'Elie, à son "prophétisme" comme à sa "politique", qui sont au contraire archi-violents... Il ne s'agit pas d'opposer le "prophétisme", comme si celui-ci était par définition pacifique, irénique, idéal, utopique, à une "politique" réaliste (Realpolitik), mais bien l'inouï (à la lettre: ce qui n'est pas entendu, ne l'a jamais été et ne saurait l'être) à la parole tant prophétique que politique. Ici Elie rejoindrait Jonas, le prophète présumé nationaliste, identitaire, exclusiviste et vindicatif conduit malgré lui à une idée inouïe de "Dieu" -- ou le contraire (je veux dire: Jonas rejoignant Elie, mais sur un terrain -- abîme ou désert -- étranger à l'un comme à l'autre).
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MessageSujet: Re: mise en abîme   mise en abîme - Page 2 Icon_minitimeVen 19 Juil 2024, 13:00

Le Zarathoustra de Nietzsche et Maître Eckhart
Nishitani Keiji

18 La parole « Dieu est mort » peut donc être comprise, me semble-t-il, à partir de tout ce qui a été dit jusqu’ici. Elle peut être comprise comme ce qui indique l’abîme de la vie, lequel ne se manifeste nullement dans une vie où il est question d’« amour de Dieu », de « faire face à Dieu » ou encore de « mourir en tant qu’homme et naître en Dieu » ni dans une vie qui s’exprimerait en tant qu’union avec Dieu. Ailleurs, bien que dans un tout autre contexte, Nietzsche affirme : « Si tu regardes longtemps au fond d’un abîme, l’abîme aussi regarde au fond de toi » /12/ (Par-delà bien et mal, 146) ; je pense que c’est la même idée qui transparaît ici. Elle ne réapparaîtra que chez Bergson dans le moment de « l’élan vital », dans le moment de la création. Il va sans dire qu’une telle création se manifeste à l’apogée du mouvement dialectique de la vie et qu’elle ne relève pas d’une vie « simple et immédiate ».

19 Zarathoustra déclare : « Créer, voilà la grande délivrance de la souffrance, voilà ce qui rend la vie légère. Mais pour qu’existe celui qui crée, il faut beaucoup de souffrance et de métamorphose. — Oui, vous qui créez, il faut qu’il y ait beaucoup de morts amères dans votre vie » (II. « Sur les îles bienheureuses »). Dès lors, l’ultime métamorphose requise consiste à surmonter l’ultime démembrement de la vie, c’est-à-dire surmonter le fait de faire face à Dieu, de trouver refuge en Dieu ou de s’unir à lui. C’est la manifestation de « l’un » le plus profond de la vie. « Cette volonté d’engendrer m’attira loin de Dieu et des dieux ; qu’y aurait-il donc à créer s’il y avait des dieux ? » (idem). « Ah ! S’il se trouvait quelqu’un [Dieu] pour sauver les prêtres de leur sauveur » (II. « Des prêtres »).

20 Déjà auparavant, dans De l’utilité et des inconvénients de l’histoire, Nietzsche opposait « ce qui est éternellement masculin » à « ce qui est éternellement féminin » ; ici encore, c’est un esprit identique qui est à l’œuvre. « Véridique, c’est ainsi que j’appelle celui qui s’en va dans des déserts d’où Dieu est absent et qui a brisé son cœur qui vénère » (II. « Des sages illustres »). Le cœur qui vénère, c’est le cœur de la foi. D’où Zarathoustra repousse sans cesse celui qui croit en Dieu et le Dieu en lequel il croit. Quant à son attitude vis-à-vis de la foi, elle se fait la plus explicite dans cette parole qu’il adresse à ses disciples : « Vous êtes mes disciples : mais qu’importent tous les disciples ! Vous ne vous étiez pas encore cherchés : alors vous m’avez trouvé. C’est ce que font tous les disciples ; c’est pourquoi toute foi compte si peu. Maintenant, je vous ordonne de me perdre et de vous trouver ; et ce n’est que quand vous m’aurez tous renié, que je veux revenir parmi vous » (I. « De la vertu qui prodigue »). Lorsque celui qui se tient dans la position de la foi, ayant perdu celui en lequel il croit, se cherche et se trouve lui-même, celui en lequel il croyait revient à nouveau. Cela n’indique-t-il pas clairement que le dépassement de la position de la foi /13/ est une entreprise considérable ? C’est la raison même pour laquelle Zarathoustra aime à se présenter comme « impie ». « Je suis Zarathoustra, l’impie, celui qui dit : “Qui est plus impie que moi pour que je me réjouisse de me soumettre à son enseignement ? ” — Je suis Zarathoustra l’impie : où trouverai-je mon semblable, mon égal ? Ils sont semblables à moi, ceux qui se donnent eux-mêmes leur volonté et qui se débarrassent de toute résignation » (III. « De la vertu qui rend petit »). Au terme de ce dont il a été question jusqu’ici, il me semble évident que, par essence, cette position se distingue complètement de « l’athéisme » commun.

https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/2012-v20-n1-2-theologi0851/1018858ar/
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MessageSujet: Re: mise en abîme   mise en abîme - Page 2 Icon_minitimeVen 19 Juil 2024, 14:48

Merci encore pour ce texte très beau et très riche -- dont il ne faut pas oublier qu'il est de 1938, date à laquelle la géopolitique dessinait aussi des affinités philosophiques entre l'Allemagne et le Japon... Cf. "D'un entretien sur la parole (entre un Japonais et un ami qui demande)", de Heidegger (dans Acheminement vers la parole, Unterwegs zur Sprache, dont le référent japonais de service serait Tezuka Tomio), parodié et médité par Derrida dans "Lettre à un ami japonais", in Psyché. Il intéresserait aussi, beaucoup, ce fil-ci: pour "l'être" comme pour "la vie" la métonymie de la profondeur abyssale, fond sans fond, originaire en-deçà de tout commencement, s'impose, différemment: autrement pour l'un et pour l'autre, et pour tous leurs autres, corollaires ou contraires supposés (mort, naissance, sexe, amour, désir, crainte, devenir, histoire, temps, négation, néant, contradiction, différence, répétition, etc.); ça joue, ça vibre, ça oscille, ça vacille, ça tremble, ça résonne, comme les cordes vocales d'un abîme à l'autre, fussent-ils le même.

Mais l'archi-lointain, qu'on se l'imagine dans un temps spatialisé, au commencement ou à la fin, dans un espace à n dimensions, en bas, en haut, à droite ou à gauche, toujours d'un point de vue situé, daté et orienté, n'intéresse le "mystique" -- qui peut être archi-rationnel, comme Eckhart par rapport à la raison scolastique et aristotélicienne, ou anti-rationnel comme Nietzsche par rapport à la raison des Lumières et de l'idéalisme allemand --  que dans la mesure où il coïncide avec l'intime et l'immédiat, le sans fond que chacun trouve "en soi" ou hors de soi, sous ses pieds, au-dessus de sa tête ou devant son nez: devant l'é-vidence de cette coïncidence les médiations dialectiques (Platon, Hegel ou Kierkegaard) paraissent superflues, quelque utiles qu'elles aient été (tout au moins à quelques-uns) pour en arriver là, ou pour que ça arrive. Tout au bout l'intellectuel, théologien, philosophe, scientifique, rejoint l'ignorance omnisciente, du nouveau-né, de l'animal, du végétal ou du minéral: c'est aussi ça, pour lui, l'abîme et le vertige.

P.S.: cette dernière phrase me rappelait, après coup, l'évangile selon Thomas, par exemple les logia 3-5. Si la notion d'"abîme" n'y apparaît pas, elle est en revanche très présente, et dans des sens divers, dans d'autres textes "gnostiques" de Nag Hammadi (qui n'avaient pas encore été découverts dans les années 1930).
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