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 la vie éternelle

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Narkissos

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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeJeu 06 Jan 2022, 17:36

Symptomatiquement, la référence à l'"après-mort", ou à l'"au-delà" (de la mort), paraît incontournable quand on parle de "vie éternelle": c'est même par là qu'on commence spontanément, alors que ce n'est quasiment jamais ce dont parlent les textes johanniques, principaux usagers de la formule dans le NT (Jean 3,15s.36; 4,14.36; 5,24.39; 6,27.40.47.54.68; 10.28; 12,25.50; 17,2s; 1 Jean 1,2; 2,25; 3,15; 5,11.13.20; comparer, dans les épîtres pauliniennes ou non, Romains 2,7; 5,21; 6,22s; Galates 6,8; 1 Timothée 1,16; 6,12; Tite 1,2; 3,7; Jude 21; et dans les Synoptiques, Marc 10,17.30 // Matthieu 19,16.29 // Luc 10,25; 18,18.30 + Matthieu 25,46; Actes 13,46.48). Si c'est un contresens par rapport au "johannisme", ce n'est pourtant pas un anachronisme, ni moderne ni catholique (ni belge): comme on l'a vu dès le début de ce fil (premier post, § 5), c'est bien la condition (heureuse) des morts qui était désignée (presque par antiphrase) comme "vie éternelle", en particulier dans les textes égyptiens d'époque hellénistique avec lesquels les textes johanniques, mais aussi (plus largement) "gnostiques", juifs ou chrétiens, hétérodoxes ou orthodoxes (toute l'"école d'Alexandrie" -- en Egypte -- qui s'étend des écoles philosophiques grecques au judaïsme d'Aristée ou de Philon et aux Pères de l'Eglise comme Origène ou Clément), présentent de nombreuses affinités. Il est d'autant plus remarquable que la "vie éternelle" devienne dans toute cette tradition vaste et diverse le fait des vivants plu(s)tôt que des morts, et que la condition même des morts, si encore elle est évoquée, soit reléguée au rang de conséquence, ou de prolongement d'une "vie éternelle" présente...

Si on élargit encore la perspective, la "vie éternelle" est d'abord celle des dieux, dits "immortels" par opposition aux "mortels", mais le mot est trompeur, car les dieux meurent souvent et dans ce cas leur mort ne s'oppose nullement à leur "vie éternelle", c'en serait plutôt un moyen ou une modalité (ainsi Osiris en Egypte, Tammouz, Baal, Attis ou Dionysos ailleurs, et tout cela se retrouve dans le creuset des "mystères" de l'époque gréco-romaine, qui rendent précisément la "vie éternelle" des dieux communicable aux "élus/initiés", comme jadis aux "demi-dieux" ou "héros", Héraklès-Hercule ou Orphée, via un mythe et un rite de communion-partage). Dans les textes johanniques qui constituent le point de départ de ce fil (Jean 17 // 1 Jean 5), il y a bien équivalence entre la "vie éternelle" et "Dieu" ou "le dieu", ho theos (sans oublier que la notion même de "vie" en grec convoque l'autre "autre de l'homme", l'animal, zôon, le "vivant", cf. encore le premier post, § 6), mais cette équivalence passe par plusieurs autres, de type "cognitif" (connaissance, intelligence, vérité-vrai-véritable; ce qui constitue justement l'aspect "gnostique" du propos, distinct du "mystère" même si les deux genres ont tendance à se confondre). Et dans la "danse des signifiants" caractéristique des textes johanniques en général, les "médiations cognitives" sont encore modifiées ou court-circuitées par d'autres, affectives (l'"amour" dans la seconde partie de l'évangile, chap. 13ss, et dans les épîtres), pratiques ou poiétiques ("faire la vérité", "garder les commandements"), ou encore mi-cognitives mi-affectives (comme la "foi" qui est aussi bien une quasi-connaissance qu'une relation de "confiance").
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeVen 07 Jan 2022, 11:14

Citation :
Si on élargit encore la perspective, la "vie éternelle" est d'abord celle des dieux, dits "immortels" par opposition aux "mortels", mais le mot est trompeur, car les dieux meurent souvent et dans ce cas leur mort ne s'oppose nullement à leur "vie éternelle", c'en serait plutôt un moyen ou une modalité (ainsi Osiris en Egypte, Tammouz, Baal, Attis ou Dionysos ailleurs, et tout cela se retrouve dans le creuset des "mystères" de l'époque gréco-romaine, qui rendent précisément la "vie éternelledes dieux communicable aux "élus/initiés", comme jadis aux "demi-dieux" ou "héros", Héraklès-Hercule ou Orphée, via un mythe et un rite de communion-partage).

Introduction d'un article inaccessible :

La vie éternelle et l'éternel retour de la vie

En attribuant à la Grèce de Dionysos la promesse de la « vie éternelle », Nietzsche mobilise une notion qui paraît au premier abord chrétienne plutôt que grecque. Que l’on songe à l’Évangile selon saint Jean et à sa traduction par Luther, que Nietzsche ne pouvait ignorer : « Pour que tous [...] aient la vie éternelle » (Jn III, 15) ; ou encore à la première épître de Jean : « Telle est la promesse [...] : la vie éternelle » (1 Jn II, 25). Celui qui aime et qui croit possède dès maintenant (« dès lors », dit Luther) la vie éternelle : « Celui qui dès lors vit et croit en moi, celui-là ne mourra plus jamais » (Jn XI, 26). Qu’est-ce qui distingue « l’éternel retour de la vie [...] au-delà de la mort et du changement », dont Dionysos serait la promesse, de cette « vie éternelle » qui se vit et se possède maintenant, par-delà le passage et la mort ? Si l’on ajoute à cette troublante proximité le fait que, dans ses tous premiers fragments, Nietzsche reconnaît lui-même une communauté d’origine entre la Grèce dionysiaque et le christianisme de saint Jean, comment rendre compte alors de la formule « Dionysos contre le Crucifié », censée exprimer un antagonisme clair entre Dionysos et le christianisme ?
Le dieu censé assurer la transvaluation du christianisme est-il ou non apparenté au christianisme de saint Jean, et le christianisme lui-même est-il en son fond dionysiaque ? Si oui, Dionysos peut-il assurer le second aspect de la transvaluation requis par le nihilisme – celui qu’exige non plus la mort du Dieu métaphysique mais celle du Dieu chrétien …

https://www.cairn.info/nietzsche-et-la-critique-de-la-chair--9782130587934-page-279.htm
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeVen 07 Jan 2022, 11:28

C'est bien dommage en effet que la suite ne soit pas lisible (du moins pour moi tant que je suis interdit d'accès à une bibliothèque...). En tout cas le rapport Dionysos / Christ est plus compliqué chez Nietzsche qu'il n'y paraît: si l'antagonisme domine dans l'ensemble de l'oeuvre, jusque dan Ecce Homo, quoi qu'il s'y construise différemment d'un texte à l'autre, les deux figures tendent à se confondre dans les derniers fragments (notamment lesdites "lettres de la folie" que Nietzsche signe alternativement "Dionysos" et "le Crucifié")... Evidemment Nietzsche reste tributaire de la "science" historique, philologique et biblique de son temps, qui affecte la façon dont il comprend et Dionysos et "Jésus" (le Christ, le Crucifié).

Malheureusement l'édition "online" des textes de Nietzsche est aussi indisponible en ce moment, je réessaierai plus tard.

P.S.: Ça marche à nouveau et ça valait la peine d'attendre: c'est en effet à l'extrême pointe de l'"œuvre" de Nietzsche (sans préjudice de la dé-limitation de cette pointe ou de cette limite, de ce qui fait ou ne fait pas partie de l'"œuvre", sujet de controverse classique chez les nietzschéens) que Dionysos et le Crucifié se rencontrent, j'allais dire enfin. On connaît bien la formule d'Ecce Homo, dans "Pourquoi je suis un destin", 9: "M'a-t-on compris ? Dionysos contre le Crucifié." (Bon à tirer du 2.1.1889, l'"effondrement" -- avec ou sans le cheval -- aura lieu le lendemain; c'est moi qui souligne, Nietzsche souligne -- d'un espacement à l'allemande -- toute la deuxième proposition sans verbe.) Mais dans la lettre à Cosima Wagner datée du 3, donc du jour même de l'"effondrement", Nietzsche écrit (je cite la traduction de Wikisource, les textes allemands sont sur le site précédent; on pourra noter ici l'alternance des signatures, Dionysos / le Crucifié):
Citation :
C’est un préjugé que je sois un être humain. Mais j’ai souvent vécu parmi les êtres humains et connais toutes les expériences que les êtres humains sont capables de faire, de la plus basse à la plus élevée. J’ai été Bouddha en Inde, Dionysos en Grèce ― Alexandre et César sont mes incarnations, tout comme le poète de Shakespeare, lord Bacon. À la fin, j’ai encore été Voltaire et Napoléon, peut-être également Richard Wagner… Mais cette fois-ci, je viens comme le Dionysos victorieux, qui fera de la terre un jour de fête… Non que j’aie beaucoup de temps… Les cieux se réjouissent que je sois là… J’ai également été accroché (pendu) sur la croix…
En fait le rapprochement apparaît déjà un peu avant, dans les fragments de novembre 1887 à mars 1888 (11[282]), je cite l'allemand pour éviter une traduction laborieuse:
Citation :
Paulus geht von dem Mysterien-Bedürfniß der großen religiös-erregten Menge aus: er sucht ein Opfer , eine blutige Phantasmagorie, die den Kampf aushält mit den Bildern der Geheimkulte: Gott am Kreuze, das Bluttrinken, die unio mystica mit dem „Opfer“ er sucht die Fortexistenz (die selige, entsühnte Fortexistenz der Einzelseele) als Auferstehung in Causalverbindung mit jenem Opfer zu bringen (nach dem Typus des Dionysos, Mithras, Osiris) er hat nöthig, den Begriff Schuld und Sünde in den Vordergrund zu bringen, nicht eine neue Praxis (wie sie Jesus selbst zeigte und lehrte) sondern einen neuen Cultus, einen neuen Glauben, einen Glauben an eine wundergleiche Verwandlung („Erlösung“ durch den Glauben) er hat das große Bedürfniß der heidnischen Welt verstanden und aus den Thatsachen vom Leben und Tode Christi eine vollkommen willkürliche Auswahl gemacht, alles neu accentuirt, überall das Schwergewicht verlegt… er hat principiell das ursprüngliche Christenthum annullirt … Das Attentat auf Priester und Theologen mündete, Dank dem Paulus, in eine neue Priesterschaft und Theologie — einen herrschenden Stand, auch eine Kirche Das Attentat auf die übermäßige Wichtigthuerei der „Person“ mündet in den Glauben an die „ewige Person“ (in die Sorge um’s „ewige Heil“…), in die paradoxeste Übertreibung des Personal-Egoism.
En résumé, c'est un rapprochement encore "académique" (selon l'idée que la "science historique" du XIXe siècle se faisait de "Dionysos" et des "mystères" antiques), non pas encore "psycho(patho)logique" (identification de "Nietzsche" à tous les personnages "importants" de l'histoire et de la littérature, quoique cette "explosion du sujet" se profile déjà nettement dans les textes réputés "sains" de la même période): Paul aurait construit son Christ sur le modèle des divinités des "cultes à mystères", y compris Dionysos -- dieu crucifié, martyre et sacrifice, à la fois sacrificateur et victime sanglante, ouvrant la voie à une communion "mystique" avec les élus et par là à un "salut" communautaire et individuel (ce que Nietzsche oppose, suivant un modèle historico-évangélique encore répandu de nos jours, à un "Jésus" enseignant avant tout une pratique). L'attentat contre l'ancienne prêtrise et l'ancienne théologie se retourne (dans l'Eglise) en une nouvelle prêtrise et une nouvelle théologie -- mais (là je ne résume plus, je commente) par là même l'opposition Dionysos-Crucifié s'effondre au moment où elle se constitue.

Début 1888 (14[89]) Nietzsche oppose le Crucifié et Dionysos comme deux "types de religion", le Crucifié correspondant éventuellement (point d'interrogation dans le texte) au type "décadent" (malade, épileptique, influence de Dostoïevski que Nietzsche a beaucoup lu): il y a "martyre" dans les deux cas mais la mort et la souffrance n'auraient pas le même sens, elles seraient du côté de Dionysos et de l'esprit tragique le prolongement direct de l'acquiescement à la vie, du côté du Christ (ou plutôt du christianisme) malédiction de la vie.
Citation :
Gegenbewegung: Religion Die zwei Typen: Dionysos und der Gekreuzigte . Festzuhalten: der typische religiöse Mensch — ob eine décadence-Form? Die großen Neuerer sind sammt und sonders krankhaft und epileptisch : aber lassen wir nicht da einen Typus des religiösen Menschen aus, den heidnischen ?
— Hierher stelle ich den Dionysos der Griechen: die religiöse Bejahung des Lebens, des ganzen, nicht verleugneten und halbirten Lebens typisch: daß der Geschlechts-Akt Tiefe, Geheimniß, Ehrfurcht erweckt Dionysos gegen den „Gekreuzigten“: da habt ihr den Gegensatz. Es ist nicht eine Differenz hinsichtlich des Martyriums, — nur hat dasselbe einen anderen Sinn. Das Leben selbst, seine ewige Fruchtbarkeit und Wiederkehr bedingt die Qual, die Zerstörung, den Willen zur Vernichtung… im anderen Fall gilt das Leiden, der „Gekreuzigte als der Unschuldige“, als Einwand gegen dieses Leben, als Formel seiner Verurtheilung.
Man erräth: das Problem ist das vom Sinn des Leidens: ob ein christlicher Sinn, ob ein tragischer Sinn… Im ersten Falle soll es der Weg sein zu einem seligen Sein, im letzteren gilt das Sein als selig genug , um ein Ungeheures von Leid noch zu rechtfertigen Der tragische Mensch bejaht noch das herbste Leiden: er ist stark, voll, vergöttlichend genug dazu Der christliche verneint noch das glücklichste Los auf Erden: er ist schwach, arm, enterbt genug, um in jeder Form noch am Leben zu leiden… „der Gott am Kreuz“ ist ein Fluch auf Leben, ein Fingerzeig, sich von ihm zu erlösen der in Stücke geschnittene Dionysos ist eine Verheißung ins Leben: es wird ewig wieder geboren und aus der Zerstörung heimkommen

Idem 14[137], opposition du fort et du faible, du sain et du malade, de l'exception et de la règle:
Citation :
… Die historischen Anzeichen solcher Bewegungen: die heidnische Religion.  Dionysos gegen den „Gekreuzigten“ die Renaissance. Die Kunst — 2. Die Starken und die Schwachen: die Gesunden und die Kranken; die Ausnahme und die Regel.
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeVen 07 Jan 2022, 11:37

Encore un article inaccessible  Sad mais j'ai aimé le verbe "soudre" (Jaillir, en parlant d'un liquide quelconque) : 

La notion de « vie éternelle » se trouve aujourd’hui grevée d’une interprétation statique et anhistorique. Le retour au Nouveau Testament met en valeur l’ambivalence de l’adjectif « éternel » (en grec aiônios), inséparable de la notion d’éon (aiôn), désignant comme un espace-temps divin, inaccessible au sein de l’histoire, quoique déjà mystérieusement présent. Ce sera le propre des écrits johanniques que d’insister, tant sur le déjà-là d’une eschatologie anticipée que sur l’intériorité du sujet croyant, appelé à laisser sourdre en lui la « source d’eau jaillissant en vie éternelle » (Jn 4,14).

https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2020-4-page-585.htm?ref=doi
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeVen 07 Jan 2022, 12:54

C'est "sourdre" (d'où source), qui forme en français un doublet étymologique avec "surgir" (d'où "résurgence", toujours la métaphore hydraulique, apparentée aussi à la "résurrection" suivant l'arborescence du resurgo latin). En Jean 4,14 c'est le verbe grec hallomai qui décrit aussi un mouvement de bas en haut (cf. salire en latin, qui en italien signifie toujours "monter"), cf. Actes 3,8; 14,10 pour les infirmes qui "sautent". L'image de Jean 4,14 (cf. aussi 7,38) est peut-être inspirée d'Isaïe 58,11, mais le verbe ne vient pas de là (en tout cas pas de la Septante à cet endroit).

Sur aiôn et ses dérivés traduits par "éternel(le)" (etc.), revoir éventuellement le premier post de ce fil, § 6. Dans le NT en général le mot n'a rien de spécifiquement "divin" puisqu'il s'oppose souvent, au contraire, à "Dieu" comme l'"âge-monde" qui est précisément l'"espace-temps" de l'"histoire" (cf. ici). Toutefois les textes johanniques évitent cet emploi "négatif" (le "monde" c'est kosmos): l'adjectif aiônios est réservé à la "vie" (zoè: cf. les références supra 6.1.2022); quant à aiôn, il n'est jamais pris en mauvaise part, il garde un sens purement temporel, selon les formules (judéo-)hellénistiques courantes (eis ton aiôna = `ad `olam = "pour  toujours", ek tou aiônos = me-`olam = "depuis toujours", avec une négation "[ne...] jamais" -- sens imposé par l'usage bien que l'emploi négatif reste formellement ambigu, si on ignorait cet usage on pourrait à la rigueur comprendre "... pas pour toujours": Jean 4,14; 6,51.58; 8,51; 9,32; 10,28; 11,26; 12,34; 13,8; 14,26; 1 Jean 2,17; 2 Jean 2).
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeVen 07 Jan 2022, 13:46

La vie éternelle ou l'autodonation divine

2 – Une vie où Dieu se donne

La deuxième question relative à la vie éternelle s’appliquait à déterminer cette vie. Est-ce encore une vie? Que serait un vivre sans vécu? Pour reprendre une ancienne formule, la question Quid sit? ne se montre pas moins décisive que la question An sit? Une indétermination communément partagée évoquera un perpétuel ennui, sans temps ni désir, le contraire de la vie. C’est à cette deuxième question que la foi en la résurrection de Jésus présente la vie en Christ : rien, pas même la mort, ne peut nous en séparer. Être avec le Christ n’est pas seulement être promis à renaître mais en être déjà saisi à vif. Jean l’a dit autrement que Paul : la vie éternelle commence ici et maintenant. Dès lors, seul celui qui entre aujourd’hui dans l’être ou le vivre avec le Christ peut éprouver, obscurément, la substance d’un vécu ultime théologal, le partage de la vie divine. La vie que Dieu donne n’est rien sinon la vie où Dieu se donne. Il en est le milieu aussi bien que l’origine. Or, nous avons à passer une deuxième fois de la fondation christologique de la vie éternelle à son déploiement anthropologique puis théologique.

Être avec le Christ, dès maintenant et à jamais, c’est vivre dans l’Esprit ou être habité par l’Esprit : « si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Rm 8,11). Il n’y a pas parole plus décisive de l’Apôtre pour soutenir le recours à l’Esprit Saint au moment de comprendre que, dans la vie éternelle, c’est Dieu qui se donne lui-même. L’Esprit de Dieu qui a ressuscité Jésus demeure en nous et nous ressuscitera. En lui se scelle la solidarité entre le Christ et nous mais aussi une continuité entre la vie déjà reçue et la vie encore promise. Il fait lien, il est le lien, entre Dieu et les hommes, entre l’une et l’autre vie, enfin, on y reviendra, entre Dieu et Dieu. Il fait également don, il est le don. « Dieu Donné » offrirait une translation réussie, terme à terme, du nom de Saint Esprit. Une reprise de l’opposition paulinienne de la chair et de l’esprit, celle qui concluait la citation précédente, justifie de dire : ce qui est chair est repli sur soi, ce qui est esprit don de soi. Que la vie éternelle invite à identifier le second article de foi à la confession du Saint Esprit, en transgressant la séquence du Credo, découle donc aussi bien de l’attention accordée à la résurrection de Jésus que d’une interrogation sur la destinée ultime. Cet article n’ajourne pas la christologie, il la traverse plutôt, car l’Esprit envoyé par le Christ est aussi et d’abord l’Esprit insufflé au Christ.

Vivre divinement signifiera vivre non seulement par Dieu mais aussi de Dieu et en lui. Dans l’Esprit Saint, l’Éternel devient le vécu de l’éternité, la donation se focalise en échange, alliance, communion. Cet échange ne se confond pas avec la réversibilité, évoquée plus haut, celle qui conditionne le don par le contre-don. Il se fond dans la réciprocité, un échange affranchi de condition, une vie étrangère au calcul. La vie éternelle serait la vie occupée par une relation qui ne devrait rien qu’à elle-même. Au lieu que les partenaires en décident, c’est elle qui les instituerait, je ne dis pas les engendrerait, dans une incessante circularité. Le mot « divinisation » y recevrait son sens le plus juste. Or, l’excès à la fois de vie et de donation se vérifie en excès d’amour, selon un mouvement conceptuel partagé par J.-L. Marion et M. Henry. L’amour, il convient de le relever, offre le surcroît attendu d’immanence et de transcendance, puisque l’autre demeure à la fois en soi et hors de soi. C’est à ce sujet que le premier auteur nommé parlait d’un vécu commun, établi à la croisée d’une intentionnalité réciproque. L’amour, il faut l’ajouter, unit l’intégralité à la réciprocité. À l’encontre d’un mauvais ascétisme, on affirmera sans hésiter qu’une relation heureuse est une relation réciproque, l’un-vers-l’autre se fondant en l’un-avec-l’autre, jusqu’à rendre caduque, il est vrai d’une manière ultime, l’un-pour-l’autre. Mais l’amour constitue également une relation à la fois intelligible et sensible, que le corps de résurrection se prête avec bonheur à signifier. Le tout de Dieu et le tout de l’homme s’y trouvent engagés, alors que la chair, selon sa signification paulinienne, ne prend plus aucune part au vécu.

Finalement, c’est dans l’échange de Dieu avec lui-même, mieux dans l’échange que Dieu est pour lui-même, en tant que Saint Esprit, Dieu Donné, que la vie éternelle confirme être la vie où Dieu se donne. Le corps spirituel, par nouvelle appropriation d’une expression paulinienne, ne peut être que le soi engagé dans la communion de Dieu avec lui-même : communion qui est Dieu même en tant que Don absolu. Le vécu de la destinée ultime était en peine de communion. C’est dans la réciprocité et l’intégralité de l’amour, absolu pour Dieu et ultime pour l’homme, qu’il y accède. Le lien qu’est l’Esprit Saint ne présente plus seulement l’effet de la relation entre Père et Fils, le nexus amborum de la tradition occidentale. Il en est le fond sans en être l’origine. Le fond est ce à partir de quoi la relation qui se détermine par elle-même rejaillit à ses termes en effets d’identification. Or, en vie éternelle, le fond de Dieu devient notre fond sur lequel se détachera, sans s’en détacher, notre corps spirituel : un soi ayant pour seul vécu, inclusif et non exclusif, une existence de communion. Sous réserve de substituer le lexique de Jean à celui de Paul, l’article de foi sur le Saint Esprit en recevrait un sens renouvelé : « Je crois à l’Esprit Saint pour la résurrection de la chair»; croire à une communion absolue nous autorise à croire devenir définitivement un corps, un vivant, une personne ne devant son unicité et son unité qu’à cette communion. Grâce au Saint Esprit, la communion donnerait substance autant que sens à la vie éternelle.

https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2007-4-page-693.htm
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeVen 07 Jan 2022, 16:57

Bon article de "théologie dogmatico-spéculative", qui montre au moins comment toute la question peut être pensée dans le cadre d'une doctrine "orthodoxe" (en l'occurrence trinitaire). Accessoirement, les secours que ce type de théologie croit trouver dans la philosophie contemporaine et plus ou moins religieuse (ici Marion et Henry après Ricoeur, avant ç'a pu être Girard, Levinas, Heidegger, Kierkegaard ou Hegel, avant encore Aristote ou Platon) m'ont rappelé l'image d'Isaïe 36,6, celle du "roseau brisé" qui ne supporte aucun poids mais peut toujours transpercer la main de celui qui s'y appuie... je ne dis évidemment pas ça "contre" la philosophie, je souligne seulement le caractère problématique d'une certaine "articulation" de la théologie et de la philosophie qui peuvent bien penser les mêmes choses par d'autres moyens, mais ne gagnent guère à être confondues, ni articulées ni subordonnées l'une à l'autre (philosophie comme fondement ou justification, accessoire ou prothèse d'une théologie).

Point n'est besoin de dire que cette perspective dogmatique, si légitime soit-elle d'un point de vue ecclésiastique, n'est celle d'aucun des textes du NT, pas davantage des écrits "johanniques" que d'autres: le rôle très restreint de l'"Esprit" (tardivement identifié au "Paraclet" dans la seconde partie du quatrième évangile) ne clôt jamais la dynamique divine dans une sorte de "cercle", comme le fait précisément le dogme trinitaire, surtout dans sa version occidentale, augustinienne (nexus amborum = lien des deux, l'Esprit-amour qui unirait le Père et le Fils comme un troisième terme mis sur le même plan que les deux précédents, refermant la divinité sur elle-même), autant que celle-ci s'inspire des textes johanniques.

Pour en revenir à ces derniers, il n'est peut-être pas inutile de rappeler comment les "métaphores" de l'eau (hudôr) et de l'esprit (= souffle, vent, pneuma) réinscrivent dans ce à quoi elles s'associent (notamment la "vie éternelle") une certaine "dynamique", qu'on l'entende au sens de "puissance" (dunamis dont l'usage philosophique recouvre à peu près ce que nous appelons "possibilité", "potentialité" ou "virtualité") ou de "mouvement" qui sont de toute façon conceptuellement liés (aussi bien, quoique autrement, chez Platon depuis le Parménide que chez Aristote). Dans la tradition hébraïque déjà, à l'encontre de nos conceptions scientifiques qui considèrent l'eau ou l'air comme "inertes" ou "minéraux", par opposition au "vivant", à l'"organique" ou à l'"animal", l'eau et le souffle (vent, air, esprit) peuvent être dits "vivants" pour autant qu'ils sont (en) mouvement (un fleuve ou une tempête seraient même plus "vivants" qu'un arbre selon le lexique et le corpus hébreux): ce qu'on traduit par l'"eau vive" (dans Jean 4 p. ex.) au sens banal de l'eau courante, c'est précisément l'eau "vivante", comme l'animal (zôon) qui participe aussi du même "souffle" ou "esprit" (rouah, pneuma) que l'"homme" (cf. p. ex. Psaume 104 ou Qohéleth 3). C'est surtout ça qu'il faudrait pouvoir entendre en lisant l'évangile selon Jean -- par quoi le rapport de l'"eau" ou de l'"esprit" à la "vie" (notamment "éternelle") est bien plus "naturel" qu'il ne nous semble à première vue...

N.B.: J'ai finalement pu accéder aux textes de Nietzsche et développer mon post de ce matin (9 h 28).

Ce qui me paraît littéralement exemplaire chez Nietzsche, c'est qu'il dramatise les oppositions jusqu'au point où elles s'effondrent, et qu'il est assez engagé  "personnellement" dans leur dramatisation pour disparaître dans leur effondrement: vie et mort, force et faiblesse, oui et non, Dionysos et Crucifié, tout cela s'oppose jusqu'à une limite où apparaît l'identité des opposés (coincidentia oppositorum, eût dit Nicolas de Cues) comme la seule "identité" possible... Il aura fallu s'aveugler à l'affinité profonde du Christ paulinien (et luthérien) avec le Dionysos des "mystères" (et toutes les divinités qui jouaient au fond un rôle analogue dans le même type de "religion") pour les dresser l'un contre l'autre, et retomber au bout de ce chemin sur l'évidence de leur "identité", ambiguë certes mais dont l'ambiguïté traverse tous les modèles et ne permet plus de les opposer les uns aux autres. Et dans cette épiphanie catastrophique le "sujet" y passe, lui-même ne peut plus s'opposer comme "soi" à aucun "autre" (en quoi la "folie" de Nietzsche s'avérerait aussi "philosophique" que sa "philosophie" aurait été "folle") .

On a l'air de s'écarter du "sujet" (la "vie éternelle"), on est doublement dedans: le "sujet" de la "vie éternelle", c'est aussi bien "Dieu", le "Christ" ou les "élus", que n'importe quel "vivant" dans toute la métonymie de la "vie" qui ne s'arrête même pas à l'"animal" (comme on vient de le voir pour l'"eau" et le "souffle-vent-esprit"); n'importe quel "être" ou "étant" en somme, par la grâce du participe qui fait participer ou communier tout "vivant" ou "étant", de près ou de loin, à la même "vie" ou au même "être" -- "vie" et "être" devenant par là quasiment synonymes (ce que Nietzsche avait noté très tôt: "l'être" ne se conçoit que comme "la vie"). Tout "sujet" se dissout dans "la vie éternelle" comme dans "la mort", l'équivalence des deux se retrouve aussi par là. Nietzsche aura d'ailleurs été remarquablement attentif, depuis le début de son œuvre et bien avant Freud, à l'aporie du "sujet", "préjugé grammatical" que le langage requiert formellement là où la vie et la mort, le désir et le corps, la "volonté de puissance" ou l'"éternel retour" se passent en fait de tout "sujet", n'en constituent un en le distinguant des autres ou en l'opposant aux autres que pour les destituer les uns comme les autres, les uns après les autres (cf. Anaximandre, Héraclite et Parménide, etc.); c'est justement par cette différance à la fois "spatiale" ("sujets" A et B distincts comme des points ou des figures dans un "espace") et "temporelle" (avant-après, succession, séquence, série) que "la vie continue", aussi "éternellement" qu'on puisse l'imaginer puisqu'on ne peut pas davantage en concevoir un "commencement" qu'une "fin".

Tous les "penseurs", connus ou anonymes, auront bien fini par penser "la même chose", s'ils sont allés jusqu'au bout de leur pensée, là même où elle échouait (au double sens de l'échec et de l'échouage): soit l'impensé ou l'impensable. Cela n'ôte rien à l'intérêt de leurs parcours, de leurs divergences et de leurs oppositions momentanées -- bien au contraire.

---

Je reviens aux textes johanniques, où l'on ne peut évidemment pas dissocier les occurrences de la "vie éternelle" (zoè aiônios, liste supra 6.1.2022) de celles de la "vie" (zôè tout court, Jean 1,4; 3,36b; 5,24b.26b.29.40; 6,33.35.48.51.53s.63; 8,12; 10,10; 11,25; 14,6; 20,31; 1 Jean 1,1s; 3,14; 5,11bs.16) et du verbe "vivre" (zaô Jean 4,10s, l'"eau vive = vivante", 50ss; 5,25; 6,51, le "pain vivant", 57s.69; 7,38, encore l'"eau vive"; 11,25bs; 14,19; 1 Jean 4,9), d'autant qu'elles se retrouvent souvent dans les mêmes passages. Chacune mériterait qu'on s'y arrête, je relève celle de Jean 11 (résurrection de Lazare) parce qu'elle est doublement remarquable, par la place qu'elle occupe à la fin de la première partie de l'évangile (1--12), comme "point culminant" des "signes" du Christ johannique et de leur interprétation, et par le caractère paradoxal (formellement contradictoire) de sa formulation: en réplique à la "résurrection au dernier jour" (relire ce qui précède), v. 25s: C'est moi qui suis (egô eimi) la résurrection [et la vie, zôè, mais ce deuxième attribut n'est pas dans tous les manuscrits et n'est pas forcément "original"]: qui croit / met sa foi en moi (pisteuô + eis + accusatif, suggérant un mouvement comme l'anglais into), même s'il meurt, vivra (futur moyen-passif ou actif, selon les manuscrits; on pourrait interpréter le passif au sens de "sera rendu vivant"); et quiconque vit (est vivant, zaô participe présent actif) et croit [en moi, idem, mais là le complément n'est pas dans tous les manuscrits] ne mourra jamais (eis ton aiôna, qu'on pourrait à la rigueur interpréter "ne mourra pas pour toujours", mais ce serait contraire à l'usage naturel de l'expression, cf. supra 7.1.2022). Tous les problèmes du rapport d'un "sujet" ("Jésus", "moi", "je", "qui" ou "quiconque") au "vivre" et à "la vie" se retrouvent ici et pourraient être reposés ou retracés de façon différente à partir de cet énoncé, ils n'en aboutiraient pas moins à la même aporie (pas de vie sans vivant, pas de vivant sans vie, impossible de distinguer un quelconque "sujet" du verbe "vivre" ou du substantif "vie", donc pas non plus un "vivant" d'un autre du point de vue de "la vie").
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeMer 12 Jan 2022, 12:41

"Simon Pierre lui répondit : Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle" (6,68). 


Pour aborder cette troisième étape, il faut revenir à la distinction entre la «parole du monde» et la «parole de la vie». Par la première, nous désignons les choses du monde, tout ce qui apparaît à l’extérieur de nous-mêmes; cela implique le caractère référentiel du langage et la différence entre le Dire et son dit. Par la seconde, la vie parle d’elle-même, se révélant à soi-même; dans chacune des tonalités de notre vie advient l’identité infrangible du Dire et du dit, l’auto-révélation originaire de la Vie (chapitre 7).


La pensée grecque a inauguré la théorie du langage du monde. La culture religieuse qu’on dénomme le judéo-christianisme relève de la parole de la vie. Dans tous les textes de l’Ancien et du Nouveau Testament, l’homme est défini par son lien à la Parole de Dieu, qui est Parole de la Vie. Or le prologue de l’évangile johannique éclaire l’un et l’autre Testament en même temps qu’il résume les paroles du Christ sur lui-même: ayant identifié Dieu à la Vie, Jean décrit comment cette Vie absolue s’engendre elle-même en engendrant en elle le premier Vivant. D’où la légitimation dernière des paroles du Christ: elle est absolue comme cette Vie absolue dont il est l’auto-révélation – lui qui, en tant que Verbe, «n’est rien d’autre que la connaissance que Dieu a de lui-même » (chapitre éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_cool.


https://www.nrt.be/it/articoli/michel-henry-paroles-du-christ-a-propos-d-un-ouvrage-recent-562
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeMer 12 Jan 2022, 16:55

Il ne faut naturellement pas attendre d'un philosophe une exégèse rigoureuse -- encore que ça puisse arriver -- mais ici le mélange général des textes du NT paraît plus que problématique, y compris pour un usage philosophique. De quel "Christ" au juste parle-t-on ? Personnage historique, légendaire ou mythique supposé derrière les textes, figure littéraire produite par les textes (résultant moins d'un texte en particulier que de la combinaison partielle de plusieurs, "holographique" en somme), article de dogme "orthodoxe" ou "catholique" (deuxième personne de la Trinité + union hypostatique de deux natures, Nicée-Chalcédoine), théologème ou philosophème en partie déterminé par tout cela, mais assez "libre de concept" pour qu'un discours aux confins des deux "disciplines" (théologie et philosophie) puisse en faire à peu près ce qu'il veut ?

Pour rappel (de ce qui a été dit et redit, expliqué sinon démontré ailleurs), rien n'indique que la "confession de Pierre selon Jean" (6,68ss), qui joue visiblement sur la tradition synoptique (cf. Marc 8,29ss // Matthieu 16,15ss // Luc 9,20ss dans un tout autre contexte narratif et dialogique, où l'on retrouve pourtant le "Christ", le "Fils du Dieu vivant", et même "Satan" devenu ici "diable" et transféré de Pierre à Judas), ait le moindre rapport "original" avec les v. 51-58 -- qui détonnent avec le discours "sapiential" antérieur sur le pain de vie et du ciel (la manne) et sont probablement un ajout secondaire; au premier discours (v. 26ss), les "paroles de vie éternelle" conviendraient bien mieux (rhèmata zoès aiônou, sans article, d'où l'article indéfini en français, "des paroles de vie éternelle": ce n'est pas logos, surtout pas LE logos du Prologue; le Prologue est lui-même, selon toute vraisemblance, une addition tardive au quatrième évangile qui n'a quasiment laissé aucune trace claire dans le corps du livre, du moins jusqu'à 20,28; en dehors du Prologue logos garde son sens ordinaire de parole, y compris comme équivalent de rhèma, "dit" ou "chose dite"). L'idée d'une communion "sapientiale" (ou "gnostique", affaire de sagesse, sophia-sapientia, ou de connaissance, gnôsis), et nullement "sacrificielle" (pas question de "manger la chair" et de "boire le sang" comme dans 1 Corinthiens, les Synoptiques ou Jean 6,51ss) se retrouve d'ailleurs dans la Didachè, au demeurant fort éloignée du johannisme.

Bref, rien dans les "paroles de vie éternelle" ne sort du "cognitif" (à condition de ne pas en exclure l'affectivité ni le rapport de l'"extérieur" à l'"intérieur" qui permet précisément la re-connaissance: on reconnaît des paroles de vie éternelle parce qu'on a en soi la vie éternelle, comme on reconnaît le berger parce qu'on connaît déjà sa voix au chap. 10). Cf. Thomas 43: "A ce que je vous dis, ne comprenez-vous pas qui je suis ?"

---

Par rapport à la discussion précédente, je trouve une analogie profonde (inverse peut-être, quasi-symétrie mais sûrement pas "simple coïncidence") entre le "moi / je" absolu(s) du Christ johannique (egô eimi, avant Abraham etc., même sans compter le Prologue) et ce qui arrive au "moi" de Nietzsche à la fin de son "oeuvre" (avant même les "lettres de la folie" signées alternativement Dionysos ou le Crucifié, Ecce homo n'était pas par hasard une citation du quatrième évangile, sans parler de L'Antéchrist): explosion ou implosion d'un "moi" qui s'identifie à tout et ne s'identifie plus du tout, au sens de l'identification d'un "soi" par distinction d'un ou des "autres". Ce n'est pas un hasard non plus que cela s'associe dans les deux cas à un discours "vitaliste" (vie ou vie éternelle, être compris comme vie ou volonté de puissance qui précède, constitue et destitue tout "sujet" second et provisoire).
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeSam 29 Jan 2022, 15:57

"La vie", la ou le "vide", ce qui ne serait qu'un calembour bancal en français trouverait pourtant des échos dans bien des langues, des cultures, des littératures et des pensées, par exemple bouddhistes ou taoïstes. On a assez remarqué que la biologie ou la zoologie modernes avaient évacué "la vie" (bios ou zôè, soit leur concept constitutif) du champ de leur étude: quand on cherche "la vie", on ne rencontre que "du vivant", et à vouloir en distinguer (séparer, isoler) quelque chose comme "la vie", ce qu'on appelait naguère un "principe de vie" comme "l'esprit" ou "l'âme", on le tue, de sorte que "la vie" échappe au chercheur en même temps que "le vivant", suivant les exemples plus ou moins cruels de la dissection et de la vivisection qui restent exemplaires de la "science" (et du savoir ou de la connaissance en général). Par quoi aussi "la vie" et "la mort" se ressemblent et font plus que se ressembler, c'est la même "chose" qui n'est pas une "chose", res, rem, inséparablement "quelque chose" et "rien". Et cela même à même le "temps", l'"éternel", ou le temps même qui constitue et destitue "le vivant" comme tel. (Entre l'"être" et l'"étant" bien sûr c'est le même jeu, verbal et logique, du verbe ou du substantif et du participe; analogue, dirait-on avant de se s'apercevoir que rien ne distingue non plus un jeu de l'autre: "l'être" est impliqué dans "la vie" comme "la vie" dans "l'être", et "la mort" dans "le néant" comme "le néant" dans "la mort" -- et autrement encore "la mort" dans "la vie" et "la vie" dans "la mort", et "le néant" dans "l'être" et "l'être" dans "le néant"). Phénoménologie ou épiphanie du "néant", qui serait pourtant l'anti-phénomène par excellence, pensai-je en relisant les aphorismes de Maurizio Manco, il ne serait jamais question que de ça.

Que tout cela se pense, se dise et s'écrive depuis des millénaires et que nous restions néanmoins aussi interdits et fascinés par "la mort" et "la vie", seuls des "étrangers" comme des "dieux" ou des "extra-terrestres" pourraient s'en étonner si nous ne finissions par nous en étonner nous-mêmes. Mais il y a encore loin de l'étonnement à la légèreté qui nous ferait passer, indifféremment ou presque, de l'une à l'autre.
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeMer 02 Fév 2022, 14:52

En chemin vers une compréhension multidimensionnelle de la mort

Ces considérations nous acheminent vers une interprétation multidimensionnelle qui n’incite pas à concevoir la mort exclusivement comme un mal et un ennemi – une interprétation que l’on peut tenir pour compatible avec ce qu’en dit la Bible. Comme nous allons le voir, une telle compréhension de la mort se trouve aussi en ébauche chez Tillich. Un rapide coup d’œil sur les textes bibliques (et apocryphes) montre que les termes « vie » et « mort » y désignent davantage que de simples phénomènes physiques. Cette visée théologique n’est pas à négliger et demande à être thématisée d’emblée et de plus près. Jetons d’abord un coup d’œil sur le Nouveau Testament : on n’y retrouve pas la coupure entre en deçà et au-delà qui est typique de la littérature apocalyptique des écrits vétérotestamentaires tardifs. Les diverses paroles de Jésus citées dans les Évangiles contiennent, il est vrai, de nombreux passages à motivation apocalyptique. Il est cependant clair que Jésus n’était porté ni à expliquer les représentations de l’au-delà que véhiculait la pensée apocalyptique traditionnelle, ni à les inclure dans ses convictions théologiques fondamentales. Il était bien plutôt marqué par la compréhension que les prophètes préexiliques avaient de leur propre mission et par sa propre prédication du Royaume entendu au sens de l’efficacité que manifeste l’amour de Dieu quand il fait irruption dans la vie et la configure positivement. Cela correspond à l’attitude favorable à la vie qui caractérise la pensée vétérotestamentaire, tout en la dépassant : le côté physique de la vie n’est en effet pas seul à être pris en considération, mais plutôt une conception qualitative de la vie, ce qui conduit à tenir compte, ici aussi, du double sens des mots « vie » et « mort ».

L’allusion au jugement imminent du monde est largement attestée dans le Nouveau Testament et sous-tend tous les écrits qui le constituent. Dans quelques passages, l’évocation de la résurrection des morts s’allie à celle du jugement et se présente comme une condition à remplir pour qu’il ait lieu. Dans la première Épître aux Thessaloniciens, imprégnée de l’attente d’une fin toute proche, la résurrection des morts est la condition à remplir pour que les vivants soient soustraits à la mort le jour où viendra le salut (chap. 4), ce qui correspond à ce que dit l’apôtre Paul dans I Corinthiens 15, quand il s’oppose à ceux qui nient la résurrection. L’apôtre commence par faire dépendre très logiquement la résurrection du Christ de la résurrection générale des morts (v. 13 et 16), puis il explique que la réalisation de la résurrection générale à venir tient à la réalité présente de la résurrection du Christ (v. 20 sqq.). Il illustre ensuite (v. 35 sqq.) l’accomplissement de la résurrection par la parabole de la semence et par les antithèses décrivant le corps (sôma) comme corruptible-incorruptible, méprisable-glorieux, faible-fort, naturel-spirituel (psychikon-pneumatikon). Je tiens pour très important, quant à notre problématique, qu’il n’y ait là pas d’opposition entre le corps et l’esprit (on pourrait dire : pas de dualisme du corps et de l’esprit), mais une opposition entre le corps naturel et le corps spirituel, ou encore entre la chair et l’esprit. Le double sens, auquel j’ai fait allusion, des mots « vie » et « mort » dans la théologie de Paul est également présent, de manière particulièrement marquée, dans les écrits johanniques. En voyant dans la mort le « salaire du péché », Paul fait visiblement allusion à la mort naturelle (voir Romains 6, 16.23 en rapport avec Romains 5, 12 sqq.). Cependant, « celui qui engendre la vie à partir de ce qui est périssable doit périr avec le périssement de ce qui est périssable ». Voilà pourquoi la vie est le telos (la fin) de la vie charnelle et se trouve de ce fait déjà présente dans la fausse vie. La libération du péché et de la mort vient de la foi en Christ. La vie, au sens paulinien du terme, n’a pas la force naturelle d’être immortelle. Paul s’oriente bien plutôt sur la tradition judéo-chrétienne primitive ayant trait au jugement et à la résurrection des morts, sans toutefois s’étendre davantage sur ces images. En fait de description, il s’en tient à ce qu’en disent les expressions « Gloire de Dieu » ou « être en Christ ». Cette vie n’est pas encore présente dans les conditions où nous nous trouvons, en tout cas pas au sens de sa gloire rendue évidente. Paul n’en reste toutefois pas à un schéma judéoeschatologique jouant sur l’opposition entre maintenant et plus tard. Pour lui, cette vie a déjà commencé à être réelle par la résurrection de Jésus, le Christ.

Chez Jean, ce double sens parvient à l’expression dans la formulation apparemment paradoxale – quand on la considère dans sa superficialité sémantique – du chapitre 11, v. 25 : « Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (ce passage revêt une grande importance pour notre réflexion, car il n’intercale pas seulement la mort corporelle et naturelle dans la résurrection et la vie éternelle, mais aussi la vie naturelle dans la mort éternelle). Cette parole de Jésus est insérée dans le contexte d’un miracle consistant à réanimer un cadavre et semble dépendre par conséquent de la différence fondamentale entre résurrection et réanimation ; mais ce n’est pas un problème si l’on tient compte du fait que les récits johanniques de miracles ont valeur de signes : l’action de Jésus n’est pas à comparer avec un miracle de guérison (comme par exemple chez Élie), mais elle est le signe incomparable du Christ ayant la toute-puissance d’instaurer la réalité du salut divin et de conduire dans la vie éternelle.

https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2009-4-page-497.htm
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeMer 02 Fév 2022, 16:10

En marge et par coïncidence: parce qu'on parlait ailleurs du film Persona de Bergman, je suis retombé sur ce texte qui se trouve aussi avoir un rapport direct avec ce fil et l'article précité...

Je ne reviens pas sur la surinterprétation théologique (chez Tillich comme chez tant d'autres, du moins au début, parce que Tillich semble avoir pris une certaine conscience de cet excès par la suite) du mot kairos (cf. encore dernièrement ici): le kairos c'est un temps déterminé, le temps de quelque chose, mais de n'importe quoi, que ce soit heureux ou malheureux, exceptionnel ou régulier: le temps des cerises, la saison des prunes ou l'heure du thé, donc évidemment aussi le jour, la nuit ou l'heure de la mort (c'est explicite au moins dès la traduction grecque de Qohéleth, un kairos pour naître et un kairos pour mourir, parmi bien d'autres kairoi). Le NT lui-même ne justifie guère la "spécialisation" de ce mot extrêmement banal pour le "temps du salut" ou quelque chose de ce genre (comme en français, le "temps du salut" n'est singularisé que par son complément explicite, il ne s'ensuit pas qu'on doive associer la notion de "salut" à chaque occurrence du mot "temps"): c'est une surdétermination théologique ultérieure du lexique, en l'espèce surtout moderne (XIXe-XXe s.)...

Cela dit, le fond (ou l'absence de fond, l'abîme, Abgrund comme dit Tillich avec Heidegger et l'un et l'autre longtemps après Eckhart), toujours le même dans toutes ses différences, reste infiniment digne de méditation: "la mort" révèle, dévoile ou démasque "la vie", au moment même où elle en destitue "le vivant" et, dans le cas de l'humain et de son jeu de miroirs permanent, réfléchi jusque dans le réciproque (les uns les autres, l'autre comme soi, etc.), la persona (masque, visage, "personne") en la fixant à jamais (dans la photographie comme dans le masque mortuaire). En ce sens au moins c'est bien un kairos essentiel, remarquable et décisif, celui qui donne (par anticipation, par rétrospection ou par assimilation des uns aux autres) leur sens ou leur non-sens à tous les autres (kairoi).
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeVen 04 Fév 2022, 12:17

Plusieurs récits évangéliques évoquent la proximité de Jésus avec des corps morts. L’un des plus marquants est celui racontant le réveil d’un jeune homme mort, fils d’une veuve habitant une ville appelée Naïm (Luc 7, 11-17). Jésus y est confronté à la mort en étant éminemment soucieux qu’un processus de deuil soit vécu par la mère, afin qu’elle puisse demeurer vivante au-delà du déchirement qui pourrait l’engloutir dans le désespoir. Si cette rencontre entre deux vivants – Jésus et cette veuve – est la pointe du récit, le personnage du fils mort et réveillé intrigue le lecteur. En effet, Jésus, touchant la civière où est déposé le corps et prenant la parole, modifie le rapport entre le mort et les vivants, tout en n’annulant pas la mort elle-même : « “Jeune homme, je te l’ordonne, réveille-toi”. Alors le mort s’assit et se mit à parler » (v. 14b-15a). Pour le narrateur, il s’agit toujours bien d’un mort – en cela, rien ne change –, mais celui-ci se met à parler, comme si, au-delà de la mort reconnue, une parole de vie pouvait jaillir. Celle-ci empêche désormais le vivant de se laisser envahir par la mort.

La foi de « Jésus est cette confiance inébranlable qu’il y a un après la mort de l’autre ». Cet après est basé sur le consentement à laisser le mort et le vivant suivre chacun son chemin, séparément. La difficulté pour l’étudiant qui dissèque vient du fait que le mort et le vivant habitent temporairement un même lieu, un même espace : il s’agira donc de bien poser la limite, de bien reconnaître les différences symboliques fondamentales entre un corps vivant (jeune de surcroît) et un corps mort (exclusivement âgé). C’est là que l’anthropologie biblique peut épauler la réflexion.

https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2006-4-page-107.htm
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeVen 04 Fév 2022, 13:14

Je me souviens bien de cet article que tu nous avais déjà présenté (quoique je ne sache plus où et que je ne le retrouve pas par une recherche automatique), il m'avait marqué par sa "situation" insolite (la théologie ou le théologien en salle de dissection d'une faculté de médecine).

L'usage des textes évangéliques dans un tel contexte est naturellement problématique: une "résurrection" au sens propre et obvie, tel qu'il s'impose au moins au premier degré du récit, c'est précisément ce qui rendrait tout "deuil" impossible, nul et non avenu, en lui retirant son "objet" (la mort, le mort, le cadavre). On peut toujours penser à partir de là une "résurrection sans résurrection", mais il faut le faire contre le texte encore plus qu'avec lui. Il n'en est pas moins intéressant, qu'on prenne cela comme un "accident", lapsus ou "symptôme", ou comme une simple "façon de parler", que le "ressuscité" s'appelle "le mort" (ho nekros; on a un effet similaire en Jean 11,44, pour Lazare, avec le participe parfait ho tethnèkos, "celui qui est mort", sans que rien n'indique verbalement qu'il "n'est plus mort" -- mais bien sûr c'est l'ensemble du récit qui s'en charge). Derrière cette expression il y a une autre évidence: pour "ressusciter" il faudrait être mort, s'il y a résurrection ce sont bien des morts qui ressuscitent, le "sujet" de la "résurrection" ne peut pas ne pas être affecté par "la mort", même s'il est vivant comme s'il n'était jamais mort, il a été, il aura été mort, si peu (de temps) que ce soit; c'est quelqu'un qui pourrait dire, comme le Christ de l'Apocalypse (1,18), "j'étais mort", ou plus exactement "je suis devenu [un] mort (egenomèn nekros), et voici que je suis vivant pour toujours". Chose impossible et pourtant possible au langage, à l'imagination et à l'écriture, si ce n'est la condition même de leur possibilité (cf. Blanchot, "mort : immortel", dans L'instant de ma mort). Qui ruinerait pourtant toute possibilité de distinction assurée, au moins à propos de "la mort", entre un "sens propre" et un "sens figuré" (cf. p. ex. Luc 15,24.32, le "fils prodigue" était mort, nekros èn).
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeLun 07 Fév 2022, 15:08

Citation :
"Jérusalem" (la "nouvelle Jérusalem" ou "Jérusalem nouvelle" de l'Apocalypse, a fortiori les autres "Jérusalem" du NT) reste évidemment assez marginale dans ce débat qui toucherait en revanche bien d'autres de nos discussions récentes (sur l'"histoire", la "vie éternelle", le "nom" ou l'"un", ou même le "serment" comme détermination ou mort du "sujet"). Mais j'apprécie en particulier les réflexions finales sur l'idéal de la "transparence" ou du "tout-lumière" que nous avons souvent évoqué à propos des derniers tableaux de l'Apocalypse, avec ce paradoxe que sans être "nuit" (la "nuit" aussi en est exclue) la lumière n'y aurait plus rien à "éclairer", sinon précisément le "monde" aboli qu'elle transfigure, a posteriori -- mais comme cet a posteriori est anticipé dans le texte, il y a effectivement jeu de miroir, spéculaire et spéculatif, dans l'écriture et dans la lecture...


https://etrechretien.1fr1.net/t1299p25-la-jerusalem-celeste-dans-le-nouveau-testament#30343

De la sorte, s’il faut situer les représentations eschatologiques entre imaginaire et imagination, c’est pour ne pas perdre de vue le fait que ces représentations peuvent tout aussi bien découvrir que recouvrir la vérité dont elles se veulent attestation. Tout dépend donc de la position du sujet qui lit et interprète. Par ailleurs, si l’Apocalypse est littéralement le livre de la découverte ou du découvrement (apokalupsis), encore faut-il se demander ce qui est à découvrir, le ce qui pouvant s’avérer en l’occurrence un qui. Il est donc indispensable d’exercer notre capacité d’imagination, en travaillant la figure de la nouvelle Jérusalem et en nous laissant travailler par elle en retour, dans l’espace de la signification. Mais peut-être ce travail de l’imagination doit-il nous conduire à un point où il s’agira plutôt de pratiquer ce qu’Olivier Abel appelle une « ascèse d’imagination». Sans une telle ascèse d’imagination, comment interpréter autrement qu’imaginairement – au sens le plus réducteur – la promesse, par exemple, que « la mort ne sera plus » (Ap 21,4) ? Demeurer vivant jusqu’à la mort, n’est-ce pas justement traverser et retraverser encore le fantasme d’un moi total à l’abri de la mort ? Entendre la promesse de la vie, n’est-ce pas être conduit et reconduit encore à faire le deuil de nos images de la vie ?


https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2017-2-page-461.htm
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeLun 07 Fév 2022, 15:20

De la mort même, faire son deuil, c'est justement de là que j'étais reparti (supra 31.12.2021).

Traverser sans traverser, on ne traverse pas les miroirs dont l'au-delà illusoire renvoie en-deçà (cf. la suite du post que tu as cité). L'idéal (plus lapalissien que "biblique", en tout cas sûrement pas paulinien) de demeurer vivant jusqu'à la mort me paraît tout aussi trompeur: si vivant qu'on ait pu être on ne l'aura été que traversé ou transi par "la mort", au moins depuis le "stade du miroir" lacanien... et rien n'indique que "la vie" et "la mort" doivent rester égales pour "le sujet" à tout moment, pour l'enfant comme pour le vieillard par exemple: si on est "vivant jusqu'à la mort" c'est seulement au sens de la lapalissade, on ne l'est assurément pas de la même manière ni avec la même intensité, c'est la grande crétinerie d'une certaine gériatrie que de vouloir, avec les meilleures intentions, occuper les vieux comme des jeunes, comme si "la vie" devait être foncièrement la même pour tous les âges et toutes les situations: il y a une approche de "la mort", lente ou rapide, qui a tout son intérêt (cf. p. ex. le Svidrigaïlov de Dostoïevski), et dont on finirait par se faire déposséder aussi, d'autant plus facilement peut-être qu'on s'est déjà fait déposséder de "sa vie".
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeMar 08 Fév 2022, 14:21

La vie et l’éternité dans l’Ancien Testament en particulier dans les psaumes

Le deuxième savant que j’ai mentionné, M. Dahood, a écrit un demi-siècle plus tard. Pour lui, les psaumes sont, dans l’ensemble, pré-exiliques; il faut les étudier à la lumière de la littérature sémitique de l’ouest constituée de textes ugaritiques et phoéniciens qui remontent au deuxième millénaire avant Jésus-Christ. A partir d’une étude comparative, il cherche à démontrer que bon nombre d’expressions dans les psaumes se réfèrent à l’au-delà. Ainsi, selon cet auteur, non seulement la résurrection et l’immortalité sont présents dans le Psautier, mais ce sont des croyances déjà attestées dans la période pré-exilique et pourquoi pas même à l’époque davidique. Dans son commentaire sur les Psaumes en trois volumes et de nombreux articles, il énumère une quarantaine de passages qui affirment ou impliquent une croyance en l’immortalité. Ces passages, il les regroupe en plusieurs sections24:

a) Ceux qui contiennent «vie» (hayyim) et qu’il faut traduire «vie éternelle» comme dans Daniel 12:2 (Ps 16:11; 21:5 ; 27:13; 30:6:; 36:10; 56:14; 69:29; 116: 8, 9; 133:3; 142:6 (Pr 4:22; 8:35-36; 12:28; 15:24). Par exemple, le psaume 36, v. 10 «Car auprès de toi est la source de la vie éternelle

b) Ceux qui évoquent «l’avenir» ou la «vie à venir» (aharit). Psaume 37, v. 37b, 38:

Il y a un avenir pour l’homme de paix Mais les rebelles sont tous détruits L’avenir des méchants est retranché.

c) Ceux qui décrivent la vie dans l’au-delà en termes d’un banquet céleste (Ps 23:4ss; 43:3-4; 91:15-16). Dans le psaume 23, on retrouve l’image du berger, mais aussi celle du festin:

Tu dresseras devant moi une table, en face de mes adversaires; Tu oindras d’huile ma tête et ma coupe débordera… Or ce festin est le festin céleste que le psalmiste confiant en la fidélité divine entrevoit déjà sur terre.

d) Ceux qui évoquent la vision béatifique, la contemplation de Dieu dans l’éternité (Ps 11:7; 17:15; 21:7; 27:4, 13; 61:8; 63:3; 140:14). Ainsi, par exemple, psaume 11v. 7:

Car l’Eternel est juste, il aime les actes justes; Notre visage contemplera celui qui est droit.

https://larevuereformee.net/articlerr/n206/la-vie-et-l%E2%80%99eternite-dans-l%E2%80%99ancien-testament-en-particulier-dans-les-psaumes
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeMar 08 Fév 2022, 15:23

Berthoud n'est pas ma tasse de thé mais si l'on tient compte de son point de vue (dogmatique et hyper-calviniste, plutôt qu'exégétique et critique), cet article ne manque pas d'intérêt.

Le sempiternel problème de la datation des textes n'a à mes yeux qu'une importance très relative: les psaumes que nous lisons sont ceux du Second Temple, sans préjudice de leur éventuelle "préhistoire" pré-exilique, ils ont donc d'une manière ou d'une autre subi (ou bénéficié de) toutes les "influences" successives de leur histoire (levantines, phéniciennes, syriennes ou égyptiennes, mésopotamiennes, perses, grecques) qui se poursuit dans leur réception et leurs interprétations ultérieures, juives et chrétiennes, en passant par la traduction (depuis la Septante).

S'il y a une "idée" ancienne, immémoriale, c'est bien que "la vie" est du côté des "dieux" et qu'elle est de ce fait "éternelle", là même où elle constitue, destitue et renouvelle le "vivant" (l'"esprit" de la "chair", humaine ou animale, différenciée ou non): la "chair" passe comme l'herbe, le "divin" (esprit, parole, etc.) demeure (cf. p. ex. ici), pour tout "vivant" (participe) il n'est que participation à "la vie", participation provisoire d'un côté, vie éternelle de l'autre, c'est l'"universel" et le "trans-temporel" mêmes  dont les langues, les cultures, les religions et les littératures n'offrent jamais que des expressions, si diverses soient-elles. Non que les différences soient indifférentes, mais elle ne s'apprécient que par référence au même, toujours le même et toujours changeant, qu'elles expriment.

A cet égard il est tout aussi significatif de constater, dans "la Bible" comme ailleurs, la continuité des "dieux" et des "ancêtres", autant qu'ils se distinguent, jusqu'à l'opposition ou à la confusion qui ne sont que les limites de la même "série".
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeSam 09 Avr 2022, 15:35

Deux moments récents de deux discussions me ramènent à ce fil: celle-ci, où l'on verra aisément le rapport; celle-là, qui n'en a a priori aucun, sinon un article cité hier autour des concepts de "kénose" et de "participation".

"La vie éternelle", c'est à la fois un oxymore (parce que c'est le plus mouvant, le plus changeant, le moins permanent, "la vie", qui se trouve chargé[e] du caractère apparemment le plus permanent, constant, durable, etc., "l'éternité") et une quasi-tautologie (parce que c'est bien "la vie" qui "continue", par-delà toute mort, tout malheur individuel et toute catastrophe collective; même s'il y a dans l'"éternel" un soupçon d'hyperbole par rapport à la durée supplémentaire d'une sur-vie relative, encore que cette hyperbole soit moins évidente en hébreu ou même en grec qu'en français). C'est précisément dans l'impermanent qu'est la permanence, parce que cette im-permanence passe sans cesse (!) d'un "sujet" à l'autre qui n'en est que participant provisoire: "la vie" d'un "vivant" à l'autre dans le même "vivant" (toujours participe, substantivé mais autrement déterminé, d'où la possibilité du jeu ou du tour de passe-passe; il faudrait relire tout ce fil pour ne pas se répéter, c'est déjà trop tard). Relations et échanges physiologiques (respiration, alimentation, excrétion, sexualité), culturels, affectifs ou intellectuels (communication et transmission des savoirs et des savoir-faire, mais aussi jeu des impulsions et des émotions par le signe et le langage, l'amour, la guerre ou le commerce en tout genre). "La vie" est le jeu d'une métonymie et d'une synonymie infinies, qui déborde d'emblée toute délimitation "zoologique" ou "biologique", c'est aussi ce que révèle exemplairement la danse des signifiants johanniques (vie <=> lumière <=> souffle (esprit) <=> eau (vive) <=> amour etc.): "essence" ou "substance" à chaque fois insubstantielle, "événement" plutôt que "chose", entre, dans et autour de "choses", de "personnes", de "sujets" ou d'"objets" qui paraissent plus substantiels mais le sont moins. En termes grammaticaux, verbes et substantifs verbaux, "abstraits" ou "concrets", plu(s)tôt que "noms" communs ou propres, de choses ou de personnes qui les identifieraient sans autre, d'une id-entité identique, à elles-mêmes. La "vie" (éternelle si on veut, et peut-être même si on ne le veut pas) reconduit à la fluidité d'une permanence impermanente toute "solidité" et toute "solitude", fût-ce celles d'un "Dieu" qui ne serait ce(lui) qu'il est qu'en (l')étant et en (le re-)devenant avec tel ou tel autre, "vivant" avec des "vivants" toujours autres et toujours vivants, de vis-à-vis en vis-à-vis (Exode 3, Marc 12 etc.).
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeDim 10 Avr 2022, 12:44

Ce sujet de la vie éternelle me rappelle combien il est difficile pour des êtres vivants, voyant leur "univers" ainsi que leur personne changer sous l'influence de l'impermanence, de se représenter ce qu'ils ont compris de la lecture de textes, qu'ils considèrent comme sacrés, à propos de l'éternité.

Eternel me semble contenir la notion de non commencement et de non fin. Or nous avons tous un commencement dans la vie actuelle et nous connaitrons dans un avenir plus ou moins lointain la mort. Qu'est-ce donc que la vie éternelle? Pourrons-nous bénéficier de la vie éternelle? Telles sont les questions sur lesquelles des millions de gens se heurtent, pensant avoir trouvé une réponse à savoir :
après la mort dans la vie actuelle, nous connaitrons une autre vie et vivrons éternellement.

Mais ce n'est pas possible si nous nous en tenons au sens du mot éternel qui me semble emporter l'idée d'une existence sans commencement ni fin.

Alors les réincarnations, les renaissances auxquelles adhèrent des millions de personnes sont-elles à proprement parler "la vie éternelle" ? Voilà une question intéressante mais dont la réponse peut ne pas satisfaire les croyants.
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeDim 10 Avr 2022, 15:51

Indépendamment des définitions (variables) de l'"éternité" (revoir éventuellement ce qui précède, depuis le début, et ce fil-ci), tout dépend où l'on situe le sujet (subjectum), aussi au sens grammatical et logique: si c'est "la vie" dans toute sa métonymie qui est "éternelle", et non seulement "le vivant" au sens biologique, a fortiori réduit au zoologique, à telle "espèce" ou à tel "individu", alors il est plus difficile de lui assigner un commencement et une fin. Même dans les sciences modernes, il faut bien penser une continuité entre le "physico-chimique" réputé "inerte" et l'"organique" réputé "vivant" (cf, d'un côté ou de l'autre de la frontière arbitraire, "acides aminés", "gènes" ou "virus"; par ailleurs tout "commencement" supposerait un "avant" et toute "fin" un "après", que l'on envisagerait encore, ne fût-ce que pour les nier, selon l'analogie de la "durée" et de la "vie". Au fond l'hébreu `olam et le grec aiôn(ios) ne disent pas autre chose, c'est d'une part ce dont le commencement et la fin sont "cachés" (sens habituel de la racine `lm), impensés ou impensables (cf. "depuis la nuit des temps", "pour les siècles des siècles", "et ainsi de suite"), d'autre part la durée de ce qui dure, tant = aussi longtemps que ça dure. Même l'"éternité intemporelle" des "idées", notamment "mathématiques" (le rapport constant d'un cercle à son rayon, ça ne "commence" et ça ne "finit" jamais, ça ne devient pas vrai un jour pour cesser de l'être un autre jour, ça peut se vérifier autant de fois qu'on veut mais ça ne dépend pas d'être ou non vérifié pour être vrai), dépend au fond, au moins dans son expression, de la notion de durée sans commencement ni fin pensables (aei-aidios-aiôn[ios]).

Je repense à la formule de Jabès qui m'avait émerveillé, "tout ce qui respire a l'âge de l'air". C'est encore réduire le "vivant" à une certaine catégorie (le "respirant", mais la npš-nephesh de Genèse 1 qui évoque une image similaire inclut autant le vivant aquatique qu'aérien ou terrestre), lié donc à la Terre et à son atmosphère, mais ça indique au moins dans quel sens il faut penser le rapport du "vivant" à la "vie", "vie" à laquelle on ne saurait en dernière analyse assigner ni commencement ni fin déterminés. D'autant qu'en hébreu la "vie" (hyym-hayyim, formellement pluriel[le] par défaut fût-ce pour exprimer l'"abstraction" d'un "concept") ne se réduit pas au "respirant" qui exclurait le végétal, elle inclut même ce que nous appellerions "minéral" ou "inerte", dans l'"eau vive" = courante ou le souffle-vent-esprit; c'est par le souffle que la "vie" passe du "dieu" à l'"homme" dans le second récit de la Genèse, où il y a aussi un "arbre de vie").

L'"impermanence" en ce sens n'aurait rien de négatif, ce serait au contraire l'archi-positif, l'être-événement même qu'on peut bien appeler "la vie" et dont dépend la "positivité" relative et provisoire de toute "position", étant, vivant, chose, personne, entre *son* commencement et *sa* fin, et de toute "relation" des "uns" aux "autres" -- avant et après, en-deçà et au-delà, en amont et en aval "la vie = impermanence" continue.

Accessoirement, j'ai été frappé récemment par une petite réflexion des "Cahiers noirs" de Heidegger (Überlegungen / Réflexions XIV, p. 182 de l'édition allemande et 203 de la traduction française par Guillaume Badoual, Gallimard 2021): "Un certain temps sera probablement nécessaire pour saisir que l'"organisme" et l'"organique" représentent le "triomphe" mécanico-technique des Temps nouveaux [= la "modernité"] sur le règne végétal et la "nature"." On peut y voir venir les réflexions ultérieures d'Artaud et de Deleuze sur le "corps sans organe(s)". En tout cas la modernité technoscientifique ne peut plus concevoir la "vie" et le "vivant" que comme le fonctionnement d'une "machine" -- y compris dans les niaiseries créationnistes où la "création" est comprise comme fabrication d'après un plan ou un design, anthropomorphisme de l'anthrôpos tekhnitès ou homo technicus, avatar de l'homo faber (artisan, potier p. ex.): il n'a fait que passer d'ouvrier à ingénieur; modèle technique et mécanique projeté sur toute "vie", occultant l'"essence" même de la "vie" et du "vivant" comme de la "physique" (et de la "technique" par la même occasion).
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeDim 10 Avr 2022, 19:27

Ce qui peut surprendre le scientifique comme le philosophe c'est la découverte de la complication que représente la vie au sens plein du terme comme tu le conçois :
Narkissos a écrit:
il faut bien penser une continuité entre le "physico-chimique" réputé "inerte" et l'"organique" réputé "vivant" (cf, d'un côté ou de l'autre de la frontière arbitraire, "acides aminés", "gènes" ou "virus"; par ailleurs tout "commencement" supposerait un "avant" et toute "fin" un "après", que l'on envisagerait encore, ne fût-ce que pour les nier, selon l'analogie de la "durée" et de la "vie"

les recherches menées au C.E.R.N. près de Genève ont fait reculé ce moment ou l'on peut découvrir les premières "particules" que l'on a appelé pompeusement "particule de Dieu" en réalité boson de Higgs. Mais avant l'apparition de ce boson qu'y avait-il? Qu'était-ce?
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeDim 10 Avr 2022, 22:49

Avec le "quantique" on serait très en-deçà ou en amont du "biologique" -- mais qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire dans ce cas, "en-deçà", "en amont" (ou "au-dessous", "au-dessus", "derrière"), ces "métaphores" spatio-temporelles qui viennent tout naturellement aux lèvres quand on en parle et qui présupposent indéfiniment ce dont elles parlent, par une pétition de principe en cascade en abyme ? "Antériorité", "priorité" ou "préséance" "logique" ou "chronologique", s'agissant de la "structure" de la "matière", tous les mots qu'on emploie, et par conséquent toutes les "relations" qu'on établit entre eux, sont inadéquats à un quantum (techniquement) observable et mesurable, qui serait moins une "chose" qu'un "événement" ou un "phénomène" en-deçà (!) de toute "chose", "objet" ou "sujet" nommable. Qu'on dise boson, particule, ou même quantum, le nom (commun) donne l'illusion d'une "chose", surtout quand on dit "ça existe" -- et on s'étonne que cette "chose"-là ne réponde pas aux lois de la "logique" ordinaire des "choses" auxquelles il arrive des "événements". La limite de la connaissance est une limite du langage et de la représentation, sur lesquels le formalisme mathématique montre à ce point un certain avantage, perdu sitôt qu'il s'agit de traduire ses résultats en langage ordinaire (soit l'aporie de la vulgarisation: si vous m'avez compris c'est que je me suis mal expliqué).

En tout cas l'"impermanence" est à tous les étages du "réel" ou de l'"étant", et elle n'a rien de "négatif", si ce n'est la négativité de son (non-)concept, revers de l'illusion de permanence de toute "chose". Parler de "vie", de "mouvement" ou de "devenir", à la condition (impossible) de garder présent à l'esprit qu'il n'y a aucun "sujet" ni "objet" dessous ou derrière, mais que "cela" est au contraire préalable à la constitution (illusoire) de tout "sujet" ou "objet", cela ferait en définitive aussi bien (ou aussi mal) l'affaire.
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeLun 11 Avr 2022, 12:54

L'impermanence est un concept important dans l'enseignement bouddhiste, il tend à contrer ce qu'il appelle l'illusion soit l'illusion de l'être existant depuis sa naissance et au-delà de la mort. Mais l'individu n'existe pas au sens ou nous l'entendons. Chaque personne n'arrête pas de changer au cours de sa vie terrestre. Qui est Paul, ou Xavier ? Est-ce le bébé, le petit enfant, l'adolescent ou l'adulte à moins que ce ne soit le vieillard arrivé à la fin de sa vie, son passage? Qu'y a-t-il d'éternel dans tout cela?
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitimeLun 11 Avr 2022, 14:17

L'(illusion d')"id-entité" est un produit de la "mémoire", elle-même construction complexe de langage et d'imagination, de récits variables de soi par soi et par d'autres et de traces graphiques (plus nombreuses au temps de la vidéo qu'avant la photographie), le tout supporté par la continuité d'un corps qui se réveille le matin à peu près là où il s'est couché la veille, sans se voir changer, sinon par "accès de conscience" ou d'aperception intermittents dans un "phénomène" continu...

Tout est faux, tout est vrai (ça me rappelle ceci).
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MessageSujet: Re: la vie éternelle   éternelle - la vie éternelle - Page 3 Icon_minitime

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