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| Zacharie entre messianisme et eschatologie | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Ven 25 Mar 2022, 12:58 | |
| Etude instructive, qui illustre bien le problème d'une "exégèse" face à des textes dont l'histoire rédactionnelle est manifestement complexe: il n'est souvent plus question de dégager un "sens" global ou même dominant pour une unité textuelle, si réduite soit-elle (livre, chapitre, verset, phrase), puisque chaque nouvel acte d'écriture (de la "glose" ponctuelle à l'"addition" substantielle ou à la "couche rédactionnelle" qui affecte tout ce qui la précède) fait bouger l'ensemble, sans aboutir pour autant à un "sens final" cohérent. Tout au plus peut-on relever et interpréter des traces d'"intentions" successives et disparates. Pour la même raison, il n'y a pas de rupture nette entre l'histoire de l'écriture (rédaction) et celle de la lecture (interprétation): une vision au départ "théocosmique" (rapport de Yahvé au "monde" conçu aux dimensions de l'empire perse mais centré sur le temple de Jérusalem) peut devenir "politique" (au sens d'une espérance royale pour Zorobabel qui impliquerait un "partage des pouvoirs" avec le prêtre) puis "eschatologique" ("messianisme" stricto sensu, royal et/ou sacerdotal, reporté sur la fin des temps en l'absence de réalisation "historique", et retrouvant par la même occasion des dimensions "cosmiques"); le texte se prête à tout sans jamais rien justifier tout à fait -- sans qu'aucune interprétation, contemporaine ou postérieure, ne parvienne à en rendre totalement compte: il continue, dans un sens, de "résister" à ce que dans un autre sens il "autorise" ou rend possible, sans le garantir. |
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Ven 25 Mar 2022, 16:02 | |
| LES CHEVAUX COLORÉS DE L'« APOCALYPSE» I : L'Apocalypse de Jean, Zacharie et les traditions de l'Iran
Zacharie, I, 8. «J'eus une vision pendant la nuit, et voici: un homme était monté sur un cheval rouge, et il se tenait au milieu des deux montagnes ombragées, et derrière lui des chevaux rouges, et pommelés (фарос) et bariolés, et blancs ; et je dis: Qui sont ceux-ci, Seigneur? Et l'ange qui me parlait me répondit: Moi je te montrerai ce qu'ils sont ; et l'homme qui se tenait entre les deux montagnes me répondit, et me dit : Ce sont ceux que le Seigneur a envoyés pour parcourir la terre. Et ils répondirent à l'ange du Seigneur qui se tenait entre les montagnes et dirent: nous avons parcouru toute la terre et voici: la terre tout entière est en repos et tranquille ...»
En fait, le texte massorétique n'a que trois couleurs. E. Dhorme traduit: «... et il y avait derrière lui des chevaux roux ('adoumîm), des roses (seruqîm), des blancs (lebânîm)». Il est possible que les LXX aient corrigé le texte hébreu à partir de VI, 1-3. On peut aussi supposer qu'une couleur s'est perdue pour quelque raison : dans le contexte, la présence de quatre envoyés paraîtrait plus logique.
— En VI, 1-3, il s'agit cette fois de quatre chars. «Au premier char, il y avait des chevaux rouges ; au deuxième char, des chevaux noirs ; au troisième char, des chevaux blancs (et au quatrième char des chevaux bariolés pommelés (7:01x1X01 фарос)... » L'ange explique que les chevaux de ces chars sont les quatre vents, c'est-à-dire qu'ils se dirigent vers les points cardinaux: les noirs vers le nord (c'est-à-dire probablement la Babylonie), « les blancs allaient derrière eux, les bariolés allaient vers l'Occident, les pommelés allaient pour visiter la terre... » En fait ce texte frise l'incohérence, les LXX semblant avoir eu le plus grand mal à rendre un modèle hébreu obscur ou corrompu ; du reste le texte massorétique, qui comporte des chevaux rouges, noirs, blancs, et « tachetés-bruns », est lui-même peu compréhensible, comme le montre l'embarras des commentateurs.
En revanche, le nombre 4 ne repose pas sur une structure particulièrement énigmatique : les chars et leurs chevaux sont explicitement associés aux «quatre vents», c'est-à-dire aux quatre points cardinaux. D'une manière générale le nombre 4 est pour le judaïsme symbole d'universalité (cf. les quatre fleuves du Paradis, Genèse, 2, 10-14). Reste le problème des couleurs. Or dans la Bible et dans la tradition juive en général, cette symbolique des couleurs31 n'a pas l'importance de celle des nombres. En ce qui concerne ces passages de Zacharie en particulier le problème a été souvent discuté, non sans quelque confusion. Les commentateurs de la tradition rabbinique, pour qui le problème ne paraît pas essentiel, se contentaient d'y voir, conformément au texte lui-même et au contexte littéraire et historique, l'évocation des grands empires voisins ou ennemis d'Israël. En tout cas, la couleur du cheval ne peut en aucun cas symboliser la fonction particulière de chaque cavalier ou de chaque char, mais plutôt sa direction, son orientation.
explicitement associés aux «quatre vents», c'est-à-dire aux quatre points cardinaux. D'une manière générale le nombre 4 est pour le judaïsme symbole d'universalité (cf. les quatre fleuves du Paradis, Genèse, 2, 10-14). Reste le problème des couleurs. Or dans la Bible et dans la tradition juive en général, cette symbolique des couleurs31 n'a pas l'importance de celle des nombres. En ce qui concerne ces passages de Zacharie en particulier le problème a été souvent discuté, non sans quelque confusion. Les commentateurs de la tradition rabbinique, pour qui le problème ne paraît pas essentiel, se contentaient d'y voir, conformément au texte lui-même et au contexte littéraire et historique, l'évocation des grands empires voisins ou ennemis d'Israël. En tout cas, la couleur du cheval ne peut en aucun cas symboliser la fonction particulière de chaque cavalier ou de chaque char, mais plutôt sa direction, son orientation. servir d'argument. L'interprétation précise de la symbolique des couleurs mise en œuvre dans une « vision » par définition énigmatique et dont le texte est aussi peu sûr relève, nous semble-t-il, de la gageure.
On peut néanmoins proposer, à la suite des commentateurs récents, quelques éléments d'interprétation plus solidement étayés. Les cavaliers de Zacharie, I, 8, sont contemporains et leur rôle est directement positif: c'est celui des anges inspecteurs du monde, à l'image du système de surveillance mis en place par les grands empires orientaux, et surtout l'Empire perse : le cheval symbolise ici la rapidité, essentielle à ce type de mission secrète. La signification du thème, c'est l'omniscience de YHWH. Les quatre chars de VI, également contemporains, ont, eux, une mission plus active et plus ambiguë que celle des cavaliers, parfois perçue comme une mission guerrière. Le char en tout cas est un véhicule associé à la guerre, mais aussi à la représentation de la souveraineté politique. Au thème de l'omniscience de YHWH les quatre chars ajoutent donc celui de son omnipotence souveraine sur l'ensemble du monde. Cette signification reprend sans doute un thème plus ancien: « La vision utilise, dans une perspective monothéiste, des éléments qui semblent d'origine mythologique ». On a songé à un emprunt à la religion babylonienne, par exemple à une course rituelle de chars lors du Nouvel An babylonien, mais la symbolique du char et du cheval était très importante également chez les Perses, comme chez tant de peuples indo-européens ; nous aurons à y revenir.
https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1995_num_212_3_1262 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Ven 25 Mar 2022, 18:38 | |
| Tout se passe comme si la pertinence des études comparatives était inversement proportionnelle à l'étendue historico-géographique de leur champ d'investigation: entre les Perses de l'empire achéménide qui régit le monde du proto-Zacharie et les Parthes en conflit marginal avec l'empire romain à l'époque de l'Apocalypse, il y a certainement une "continuité" ethnique, linguistique et culturelle, mais aussi des différences considérables, presque autant qu'entre les milieux producteurs et récepteurs des textes correspondants (une certaine aristocratie judéenne, sacerdotale et post-royale, de la fin du VIe ou du Ve s. av. J-C., et un "judéo-pagano-christianisme" d'Asie Mineure vers la fin du Ier siècle apr. J.-C.) -- sans compter les innombrables contacts possibles dans l'intervalle entre un "zoroastrisme" ou un "mithriacisme" et un "judaïsme" officiel ou minoritaire ("sectaire") en constante évolution de part et d'autre, celui-ci intégrant souvent des "influences" antérieures pour contrer des "influences" contemporaines (ainsi du recours juif ou judéen à l'"eschatologie" ou à l'"angélologie" perses, quand il n'y a plus d'empire perse, face à l' hellénisme syrien, celui-ci étant d'ailleurs perçu de façon nettement plus hostile que l'hellénisme égyptien ou spartiate de la même époque -- cf. nos discussions récentes sur Daniel). Si de surcroît on veut embrasser dans la comparaison les Hittites ou le Mitanni du IIe millénaire av. J.-C. et les développements des "mystères" romains de Mithra jusqu'aux IVe-Ve siècles (apr. J.-C.), on finit par ne plus du tout savoir de quoi ni de qui on parle, quand on prétend le "comparer". Ce qui devrait en tout cas être clair, c'est qu'en matière d'"histoire des religions" le "syncrétisme" n'est pas l'exception mais la règle: dès lors qu'un peuple ne vit pas en vase clos, qu'il y a des guerres et/ou des échanges commerciaux, des "suzerains" et des "vassaux", des "empires", des invasions et des déplacements de population, des exils et des diasporas, il y a aussi des emprunts "culturels" et "cultuels": le "mélange" des croyances, des pratiques et des "symboles" est inévitable, il est vain de vouloir retrouver dans tout cela quoi que ce soit d'"ethniquement pur" ou d'"autochtone". Pourtant le "mélange" n'aboutit quasiment jamais à une "unité religieuse" puisque les "religions", si hétérogènes qu'elles soient de part en part, se différencient les unes des autres aussi vite qu'elles s'"influencent" ou se "copient" les unes les autres. Cela dit, il y a toujours des choses intéressantes à remarquer, par exemple à propos des couleurs: le lexique chromatique du corpus hébreu ("biblique" pour l'essentiel) est notoirement pauvre et/ou rare; en dehors du "blanc" et du "noir" (qui peuvent évoquer plus largement le "clair" et le "foncé", cf. encore les "champs blancs pour la moisson" dans l'évangile [grec] "selon Jean"), qui s'associent naturellement à la "lumière" et aux "ténèbres", le "rouge" est pour ainsi dire la "couleur par défaut" (c'est le cas dans beaucoup de langues, même modernes, en espagnol colorado signifie encore "rouge"; quand on demande à quelqu'un de "choisir une couleur" sans réfléchir, c'est généralement le rouge qui vient); mais en fait ce "rouge" n'est pas seulement rouge (couleur du sang, dam, ou du vin souvent rapproché du sang), il oscille de l'ocre au brun (couleur de l'"homme" "blanc-basané", dont se distingue le "Coushite", éthiopien ou nubien "noir", mais aussi de la terre, cultivée ou désertique, cf. 'edom, 'adam, 'adama); hors de ces trois on ne rencontre que des termes exceptionnels dont la traduction ressortit à la devinette, inspirée de ressemblances hasardeuses avec l'araméen ou l'arabe ou de traductions anciennes qui ne faisaient déjà que deviner les "couleurs" (même problème, mutatis mutandis, pour la faune et la flore, où seules quelques "espèces" fréquemment mentionnées sont clairement identifiées). On pourrait voir dans les trois "couleurs" susmentionnées une correspondance avec la structure ternaire de Dumézil, sauf qu'il ne s'agit pas d'une langue ni d'une culture "indo-européenne" et qu'il y a des explications beaucoup plus simples: l'hébreu comme nombre de langues anciennes privilégie les noms (communs) par rapport aux adjectifs, ce sont les "choses" qui évoquent des "qualités", par exemple leur "couleur", avant que la couleur ne se détache des choses pour s'appliquer à d'autres choses, dans un phénomène d'"abstraction" qui va de pair avec le développement de la "technique", dans le cadre d'un "artifice", artisanat ou art (c'est le teinturier ou le peintre qui parle de "couleurs" avec un vocabulaire "technique" spécialisé et diversifié, les "couleurs" étant toujours obtenues à partir de "choses" existantes, minérales, végétales ou animales, p. ex. la "pourpre"): pour parler d'un "ciel bleu" ou d'un "arbre vert", il faut que le "bleu" et le "vert" se soient détachés du ciel ou des arbres pour les imiter et/ou s'appliquer à d'autres "choses" (cf. les descriptions d'Ezéchiel inspirées, entre autres, du lapis-lazuli des édifices et des reliefs mésopotamiens) -- sans parler de l'effet de cloisonnement et de standardisation qu'un tel usage réinscrit en retour dans le continuum des perceptions (entre le "turquoise" et l'"émeraude", où s'arrête le "bleu", où commence le "vert" ?). De même "l'or", "l'argent", le "cuivre" ou le "bronze", ou les différentes pierres précieuses ou semi-précieuses (là encore d'identification plus ou moins certaine en fonction de la fréquence de leurs mentions) suffisent à évoquer leurs "couleurs" respectives et à les rendre éventuellement disponibles, par métonymie, pour d'autres "choses" (ça reste en partie vrai dans les langues modernes, où non seulement la "matière" fonctionne comme "métaphore" de la couleur, "doré", "argenté", "cuivré", mais où l'ambivalence se sédimente en polysémie, p. ex. "orange" et "rose" "choses" et "couleurs"). Toujours est-il que la couleur prend une importance certaine dans les "visions", "prophétiques" ou "apocalyptiques", comme d'ailleurs dans les descriptions "artisanales" (temple, tente-tabernacle, palais etc.), même si les "couleurs" en question ne sont pas faciles à déterminer dès qu'on sort du trio blanc-noir-rouge... Dans Zacharie en outre le problème des couleurs se combine avec celui du cheval, certes bien connu en tant qu'"espèce domestique", mais dont l'usage (surtout guerrier et "étranger", au moins dans un premier temps) est traditionnellement limité en Israël (cf. Salomon et les réserves "deutéronomistes" sur la cavalerie royale, ou la tactique cruelle consistant à trancher les jarrets ou tendons des chevaux des vaincus plutôt qu'à s'en emparer, etc.). Le vocabulaire équestre (y compris pour la "robe" des chevaux) est naturellement plus développé et plus courant dans un peuple et une langue de cavaliers comme les Perses, les Scythes ou les Mongols (donc mieux représenté et plus facilement identifiable dans le "corpus littéraire" correspondant, s'il y en a un, mais souvent il y en a peu), comme le vocabulaire nautique dans un peuple de marins tels les Phéniciens; dans le corpus hébreu "classique" (ou "biblique") il est relativement rare et donc (pour nous) en bonne partie énigmatique (les traducteurs piochent au hasard dans le vocabulaire équestre de leur langue en disant -- p. ex. -- "alezan", "pommelé", "pie" etc. pour srq en Zacharie 1,8, mais personne ne sait au juste ce que ça signifie). |
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Lun 28 Mar 2022, 16:40 | |
| Vision d'un rouleau volant
La Vision d'un rouleau volant est une parabole de l'Ancien Testament. Elle provient du livre de Zacharie. Elle parle de la justice de Yahweh et du Décalogue.
Livre de Zacharie, chapitre 5, versets 1 à 4 :
« Je levai de nouveau les yeux et je regardai, et voici, il y avait un rouleau qui volait. Il me dit: que vois-tu? Je répondis: je vois un rouleau qui vole; il a vingt coudées de longueur, et dix coudées de largeur. Et il me dit: c'est la malédiction qui se répand sur tout le pays; car selon elle tout voleur sera chassé d'ici, et selon elle tout parjure sera chassé d'ici. Je la répands, dit l'Éternel des armées célestes, afin qu'elle entre dans la maison du voleur et de celui qui jure faussement en mon nom, afin qu'elle y établisse sa demeure, et qu'elle la consume avec le bois et les pierres. » - Traduction d'après la Bible Louis Segond.
Interprétation chrétienne
C'est un Dieu moraliste qui s'adresse au prophète dans cette parabole. Yahweh veut rappeler le Décalogue qu'il a donné à l'humanité : ni vol, ni parjure ne doivent être commis, commente le théologien Edward Mitchell. Pour mémoire le livre de Zacharie incite les Juifs de retour d'exil à reconstruire le Temple. De plus cette parabole du rouleau suit celle du chandelier et des deux oliviers qui parlait de la bonté ; en opposition à celle-ci qui aborde le sujet du mal, et donc de la justice. Le pasteur Mitchell cite le livre d'Ézéchiel : « Dis-leur: je suis vivant! dit le Seigneur, l'Éternel, ce que je désire, ce n'est pas que le méchant meure, c'est qu'il change de conduite et qu'il vive. Revenez, revenez de votre mauvaise voie ; et pourquoi mourriez-vous, maison d'Israël? » (Ézéchiel 33. 11).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vision_d%27un_rouleau_volant
Que cette vision signifie jugement est évident au premier coup d'œil. Ezéchiel a eu une vision similaire. « Et quand j'ai regardé, voici, une main m'a été envoyée ; et voilà, un rouleau de livre était dedans ; Et il l'a répandu devant moi; et il était écrit à l'intérieur et à l'extérieur; et il y était écrit des lamentations, et des deuils, et malheur (Ézéchiel 2:9).
”Ezéchiel devait manger ce livre. Cela nous rappelle immédiatement les livres de l'Apocalypse (chapitres 5 et 10), qui sont également liés aux jugements de Dieu sur la terre. Le rouleau volant est écrit des deux côtés, signifiant les deux tables de pierre, la loi de Dieu. Voler et jurer faussement sont mentionnés car l'un se trouve d'un côté des deux tables de pierre, et l'autre de l'autre côté.
Cependant, ce n'est plus « Tu ne le feras pas », mais sur le rouleau volant sont écrites les malédictions, les terribles malédictions contre les transgresseurs de la loi de Dieu qui sont maintenant sur le point d'être mises à exécution. La malédiction se trouve dans ses affreux détails, car elle fait référence à un peuple apostat dans Deutéronome 27:1 ; Deutéronome 28:1.
Le rouleau est d'une taille immense, et il y a les terribles malédictions d'un Dieu en colère. La vision devait être celle d'une terreur extrême. Imaginez un rouleau, probablement illuminé la nuit par le feu, se déplaçant au-dessus des cieux, et sur lui les malédictions d'un Dieu éternel - partout où il se déplace, son terrible message est vu ; rien n'est caché à sa présence impressionnante. Cela rappelle l'écriture enflammée sur le mur du palais du roi.
https://www.bibliaplus.org/fr/commentaries/81/bible-annotee-par-ac-gabelein/zacharie/5/1-11 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Lun 28 Mar 2022, 17:17 | |
| On trouve décidément de tout dans Wikipedia, surtout en français... Quant à l'autre lien, je suppose que c'est (une traduction d')un commentaire d'Arno C. Ga ebelein, un pasteur méthodiste ("évangélique" et "dispensationaliste") américain (quoique d'origine allemande) mort en 1945, dont les textes (probablement libres de droits) sont un peu partout sur Internet. En tout cas la vision offre une illustration saisissante du caractère quasi automatique de la "(bénédiction-)malédiction", y compris "conditionnelle", comme "parole efficace" et sélective: lancée en l'air comme un missile téléguidé et "à fragmentation" (l'"actualité" inspire), son effet est censé atteindre tous les coupables et eux seuls, sans "dommages collatéraux" (à ceci près que la maison du voleur, ce n'est pas seulement le voleur). Cf. aussi Juges 17, malédiction "contre X" dans un cas de vol, qu'il s'agit d'arrêter une fois "lancée"; ou Josué 7, où c'est Yahvé qui est "volé" (mais cette fois la malédiction frappe l'ensemble du peuple, avant qu'un processus de divination identifie le coupable; et là encore c'est toute sa famille qui y passe). On peut noter en outre que dans Zacharie 5 la parole et l'écriture de la malédiction jouent de façon similaire à l'"ordalie" de Nombres 5 (texte écrit, lavé et avalé pour produire son effet révélateur et diacritique ou discriminant, destructeur du corps de la femme ou pacificateur du mari selon le cas): dans les deux cas l'écriture matérialise ou réalise (au sens étymologique d'un devenir chose, res) la parole, la rendant efficace par "ingestion", "assimilation" ou "incorporation" (dans la maison du voleur ou du parjure comme dans le ventre de celle qui boit l'eau chargée de la malédiction écrite, de celui qui mange le rouleau, etc.; cf. aussi ici). |
| | | free
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Mar 29 Mar 2022, 12:24 | |
| Huitième vision : les quatre chars "Je levai de nouveau les yeux et je vis quatre chars qui sortaient d'entre les deux montagnes ; ces montagnes étaient des montagnes de bronze. Au premier char il y avait des chevaux roux, au deuxième char des chevaux noirs, au troisième char des chevaux blancs et au quatrième char des chevaux tachetés, vigoureux. Je demandai au messager qui parlait avec moi : Ceux-là, que sont-ils, mon seigneur ? Le messager me répondit : Ce sont les quatre vents du ciel qui sortent du lieu où ils se tenaient devant le Seigneur de toute la terre. Les chevaux noirs attelés à l'un des chars sortent vers le pays du nord, et les blancs sortent derrière eux ; les tachetés sortent vers le pays du sud. Vigoureux, ils sortent et demandent à aller parcourir la terre. Il leur dit : Allez, parcourez la terre ! Et les chars parcoururent la terre. Il m'appela et me dit : Regarde, ceux qui sortent vers le pays du nord font reposer mon souffle dans le pays du nord" (Za 6,1- . Notes : Zacharie 6:1– Les montagnes de bronze seraient, selon certains, une représentation babylonienne de l’entrée du royaume des dieux, sans doute inspirée par le spectacle des montagnes rougeoyantes de l’Orient au lever du soleil. Notes : Zacharie 6:8font reposer mon souffle (ou mon Esprit) : cf. v. 5n ; on a aussi compris apaisent ma fureur. « Mais où est donc passé le wagon rouge ? » Cette vision de Zacharie est un des textes les plus énigmatiques de la Bible. C’est ce que reconnaît l’immense commentateur juif de la Bible qu’est Rachi : il dit que ce texte est si énigmatique qu’on ne le comprendra pas avant que le Messie nous l’enseigne. Or, voilà que nous avons trouvé le Messie en Jésus. Et dans un épisode de l’Évangile selon Jean nous retrouvons bien des éléments de cette vision de Zacharie : les deux montagnes, l’Esprit qui souffle, l’édification d’un temple nouveau en la personne humaine, le salut débordant d’Israël sur l’universel, et la découverte du Messie. Qu’est-ce qui déroute les commentateurs depuis des millénaires dans cette vision de Zacharie ? C’est qu’il y a quatre équipages de quatre couleurs qui sont envoyés parcourir toute la terre : un rouge, un noir, un blanc, et un tacheté. Chacun des ces équipages est un des quatre Esprits des cieux, nous dit l’ange, avant d’expliquer les rôles de l’équipage noir, blanc et tacheté. Pas un mot sur le rouge. Chacun de ces équipages est un fruit du souffle de Dieu, source éternelle de consolation, de force et de paix, source de vie et de résurrection. Un des dons de l’Esprit aurait-il été oublié ? Où est donc passé le wagon rouge et son équipage ? Serait-il en grève ? Aurait-il été oublié dans le texte de Zacharie par un copiste maladroit ? C’est peu vraisemblable car l’équipage rouge était nommé le premier dans la liste des quatre dons de l’Esprit de Dieu, donc le principal, le cœur de l’action de l’Esprit. Quand l’ange explique les fonctions de l’Esprit, il passe directement au second : l’équipage noir sort vers le pays du Nord où l’équipage blanc le suit. Au sens historique, c’est du nord d’Israël, de Babylone et de Perse que viennent les ennemis qui ravagent le pays, profanent ou démolissent le temple, exilent le peuple. Au sens spirituel, ces ennemis sont tout ce qui nous brise, ruine notre foi ou notre espérance, notre paix. Le pays du Nord, pour Israël, c’était un petit peu les Savoyards et les Français d’hier pour Genève. Si l’équipage noir évoque la mort et le châtiment de l’ennemi, il est ici immédiatement suivi de l’équipage blanc qui évoque la lumière et la vie, la pureté. Déjà quelque chose de l’amour des ennemis annoncé et vécu par Jésus-Christ apparaît ici. L’époque de Zacharie est celle de la paix avec les ennemis d’hier. Dans ce texte de Zacharie, le souffle de Dieu n’est donc pas un souffle vengeur qui extermine les peuples du nord, il élimine seulement ce qui en faisait hier des ennemis. Et c’est ainsi que le regard que Zacharie a dans ce texte nous ouvre à un sens spirituel pour toutes les époques : afin que Dieu vienne à notre aide pour chasser en nous ce qui est source de mort, d’aliénation, de sentiment d’être en exil loin de soi, de perte de bonheur, de destruction de la foi : c’est cela qui est éliminé par le souffle divin évoqué par l’attelage noir laissant immédiatement place au souffle de l’équipage blanc pour révéler ce qui est bon, même dans nos ennemis d’hier. D’ailleurs : Abraham, Sarah, Rébecca, Léa et Rachel ne viennent-ils pas tous de ce « pays du nord » ? L’esprit ne va pas seulement passer dans ce pays du nord, il va y reposer, dit l’ange. C’est pour voir cela que Zacharie « se tourne et lève les yeux pour voir ». « Se tourner » est ici le verbe souvent traduit par « se convertir », et « lever » les yeux est comme une résurrection du regard. C’est à ce nouveau point de vue que nous invite Zacharie. C’est cette nouvelle clairvoyance que nous pouvons recevoir au souffle de l’Esprit. Ensuite, l’ange — c’est à dire la méditation et la prière — nous permettra de travailler sur ce que nous aurons vu. L’équipage tacheté et fort s’élance, lui, vers le pays du Sud. Historiquement, cela désigne l’Égypte avec qui Israël a une histoire contrastée : l’Égypte est à la fois la terre de refuge en temps de famine et un piège quand les hébreux s’y installent, elle devient un esclavage et une aliénation, comme au temps de Moïse. Au sens spirituel, l’Égypte évoque la formidable force de l’industrie humaine, qui est à la fois une grande ressource et un danger (ces textes bibliques ont une modernité incroyable). Là encore, l’Esprit de Dieu selon Zacharie ne vient pas en destructeur, il vient avec un souffle plein de force et de nuances, comme tacheté, à la fois noir et blanc, pour intervenir chirurgicalement sur ce talent qu’est l’industrie humaine. Le même train peut servir à rassembler des peuples et à déporter, même à exterminer des populations. Quant à la maîtrise des forces de l’atome, elle donnera peut-être demain une source d’énergie propre pour tous, sa première utilisation a été d’exterminer des centaines de milliers de civils. C’est donc d’une façon extrêmement fine, tachetée et même temps puissante que nous avons a vivre par l’Esprit que Dieu nous envoie. Cet équipage tacheté est envoyé parcourir la terre entière, toutes les dimensions de notre existence : afin de purifier et éclairer, de guérir et de ressusciter l’éducation, les arts, les solidarités, les techniques, la politique, les religions, les regards des uns sur les autres, les équilibres... Au cas par cas, avec nuances et avec force. https://marcpernot.net/predications/mais-ou-est-donc-passe-le-wagon-rouge-zacharie-6-jean-4.php |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Mar 29 Mar 2022, 13:59 | |
| Imagination et humour dans le Pernot (de Genève): quel métier, aussi, que de bénir les trains ! (ça me rappelle soudain une vieille plaisanterie franco-suisse et néanmoins stupide sur la CFF-SBB, "ça fa fite ! c'est bas bossible..."). Outre le problème des couleurs déjà évoqué ci-dessus (25.3.2022: en dehors du trio rouge-noir-blanc, la devinette), on a visiblement affaire à un texte hébreu très corrompu (= abîmé): les quatre vents (= esprits, souffles, cf. p. ex. Ezéchiel 37) devaient correspondre aux quatre points cardinaux (est-nord-ouest-sud, dans cet ordre inverse de celui des aiguilles d'une montre, même suisse), mais un ou deux se sont perdus en cours de route: l'ouest sans doute à la faveur de l'"orientation" hébraïque, qui fait face (comme son nom l'indique) au soleil levant = orient = est, l'ouest ou occident correspondant dès lors à l'arrière = derrière = après, devenu "après eux" au v. 6 (pour rappel, le couchant-arrière marque aussi temporellement l'après, le tard, le futur, la fin, comme le levant-devant l'avant, le tôt, le passé, l'origine, la provenance, le commencement). Le rouge qui vient ici en premier se confond avec la provenance des chars (soleil levant entre les montagnes de bronze, teintes "rouges" au sens large, à l'est), de sorte qu'il aurait dû repartir en arrière (c.-à-d. en avant selon l'"orientation" susmentionnée, faut suivre) pour retourner d'où il venait, à l'est -- on comprend que les rédactions successives s'y soient perdues. D'autant que le détail dépendait de l'interprétation de l'ensemble: si dans une vision "cosmo-géographique" les quatre directions étaient nécessaires, dans une vision "géopolitique" seules deux avaient un sens, nord = Mésopotamie et Perse (quant aux principales routes d'accès sinon aux directions réelles: sur une carte c'est à l'est); sud = Egypte (sud-ouest en fait) -- à l'est immédiat de la Judée le désert, à l'ouest la mer, soit politiquement ou militairement rien de significatif jusqu'à l'époque hellénistique. En ce qui concerne le "Germe" et le "messianisme", revoir le début de ce fil (notamment 9.3.2022). Pour rappel (cf. ici 20.12.2015), en grec c'est Anatole ( anatolè, "levant", d'où Anatolie, qui permet de passer d'un sens végétal ou animal à un sens géographique et astral; soleil levant, astre levant, à l'est de toute façon). Si je devais risquer un commentaire, beaucoup moins inventif que celui de Pernot, ce serait que le rapport de l'"un" présumé "simple" (Dieu p. ex.) au "multiple-complexe" (monde, univers, etc.) passe, au moins dans l'expression, par une infinité potentielle de médiations -- toutes les figures des visions, "prophétiques" ou "apocalyptiques", qu'il s'agisse d'"anges" (= messagers), d'hommes (cavaliers, conducteurs), d'animaux (chevaux), de choses "naturelles" (montagnes, fleuves, mers, étoiles, etc.) ou artificielles (véhicules comme les chars, outils, armes, etc.), offrent autant d'images, aussi bien pour une fonction "cognitive" (savoir ce qui se passe) qu'active (intervenir, agir): pour interagir avec un monde complexe, l'"un" ne peut pas rester seul et/ou simple. |
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Jeu 31 Mar 2022, 11:25 | |
| Troisième vision : le cordeau"Je levai les yeux et je vis un homme qui tenait à la main un cordeau à mesurer. Je dis : Où vas-tu ? Il me dit : Je vais mesurer Jérusalem pour voir quelle est sa largeur et quelle est sa longueur. Alors le messager qui parlait avec moi sortit, et un autre messager sortit à sa rencontre. Il lui dit : Cours dire à ce jeune homme : Jérusalem sera une ville sans murailles, tant les humains et les bêtes y seront nombreux. Je serai moi-même pour elle — déclaration du SEIGNEUR — une muraille de feu tout autour ; et je serai sa gloire au milieu d'elle" (Za 2,5-9).Notes : Zacharie 2:8ce jeune homme : cf. v. 5s. – sera une ville sans murailles : litt. sera habitée (comme les) villes sans murailles Dt 3.5+ ; cf. Ez 36.37s ; Mi 2.12.Notes : Zacharie 2:9Je serai : comme en Ex 3.12,14n ; cf. Os 1.9n. – sa gloire Es 60.19.3) Le Mystère est aussi révélé par des visions (chap. 8 et 10-12) reçues par Daniel lui-même. Ce dernier élément provient de la littérature prophétique. Presque tous les livres prophétiques rapportent des scènes de visions, qui semblent avoir joué en effet un rôle important dans la conscience des prophètes. La notice de 1 S 9,9 rappelle qu'avant Saül. le prophète (nabî') était désigné comme «voyant» (rô'éh), et cet usage s'enracine d'ailleurs dans un contexte proche-oriental plus large. Amos, qui prend ses distances par rapport à l'ancien prophétisme (Am 7,14), lui emprunte le genre littéraire du récit de vision (7,1-8 ; 8,1-2 ; 9,1-4). De même, Esaïe rapportera sa grande vision inaugurale dans le Temple (Es 6) et Jérémie sa double vision de la branche d'amandier et de la marmite (Jr 1,11-14) ; quant à Ezéchiel, il raconte notamment sa vision du «char de YHWH» au premier chapitre de son livre. On peut aussi citer les visions de Zacharie : les cavaliers (1,7-17), les cornes et les forgerons (2,1-4), l'homme au cordeau (2,5-9), les vêtements du prêtre Josué (3,1-9), les deux «fils d'huile» (chap. 4), le livre qui vole (5,1-4), la femme dans le boisseau (5,5-11) et enfin les chars (6,1-. Dans les titres rédactionnels des recueils d'oracles, la prophétie est souvent appelée hazôn, «vision» (Es 1,1 ; 2,1 ; Ab 1 ; Mi 1,1 ; Na 1.1 ou présentée comme une parole que le prophète a «vue» (Es 13,1 ; Am 1.1 ; Ha 1.1).https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=rtp-003:1997:47::472 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Jeu 31 Mar 2022, 12:11 | |
| Sur cet article (et sur Daniel), voir ici 8.3.2022. Les "visions" constituent en effet une des plus évidentes continuités du "prophétisme" (oral et gestuel puis écrit, littéraire et poétique) à l'"apocalyptique". La correspondance du verbe hyh (ici deux fois à la première personne de l'aspect dit "inaccompli", 'hyh-'ehyeh, "je suis-serai-deviendrai") mérite d'être signalée parce qu'elle est relativement rare: en hébreu il est le plus souvent "sous-entendu", surtout dans le rôle de simple "copule" qui relie un sujet à un attribut (ou prédicat), au profit d'une juxtaposition du sujet (nom ou pronom, je-moi, tu-toi, lui-elle, etc.) et de l'attribut (ici "muraille de feu") ou d'un autre complément (ici de lieu, "au milieu d'elle"). Il ne s'ensuit pas nécessairement, ici ou en Osée 1,9, qu'il y ait allusion à la formule d'Exode 3 (ou le contraire, selon la chronologie des rédactions), mais c'est au moins une possibilité (qui ne vaut pas pour tous les "je suis" ou "je serai" en traduction française). Au passage, il y a deux mots différents dans le texte hébreu pour la "ville sans murailles" au v. 8, przwt-perazoth qui n'est usité qu'au pluriel, désignant en général n'importe quel type d'habitation non fortifiée (villages, hameaux ou fermes dispersées) et pour la ou les "murailles" au v. 9, hwmh-homa. En tout cas le décalage est évident entre le point de vue "prophétique" qui fait de Yahvé la seule protection de Jérusalem et la "réalité historique", où la reconstruction des murailles est au contraire d'une importance décisive (Néhémie etc.). Politiquement, bien sûr, la protection est ambivalente, puisque toute entreprise de "défense" peut être interprétée comme une provocation par la puissance dominante (suzerain en cas de vassalité, empire perse et/ou juridiction supérieure = Samarie dans le cadre de l'administration perse) -- la protection est aussi un risque. |
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Jeu 07 Avr 2022, 12:41 | |
| Dieu éliminera idoles et prophètes
"En ce jour-là, une source sera ouverte pour la maison de David et les habitants de Jérusalem, pour le péché et pour la souillure. En ce jour-là — déclaration du SEIGNEUR (YHWH) des Armées — je retrancherai du pays les noms des idoles, et on ne s'en souviendra plus ; j'ôterai aussi du pays les prophètes et le souffle de l'impureté. Si un homme agit encore en prophète, son père et sa mère, ceux qui l'ont fait naître, lui diront : Tu ne vivras pas, car tu as proféré le mensonge au nom du SEIGNEUR ! Et son père et sa mère, ceux qui l'ont fait naître, le transperceront, s'il agit en prophète. En ce jour-là, chaque prophète aura honte de ses visions, quand il parlera en prophète. Ils ne revêtiront plus un manteau de poil afin de dissimuler. Chacun d'eux dira : Je ne suis pas prophète, je suis cultivateur : depuis ma jeunesse je suis au service de l'homme qui m'a acheté. Mais on lui dira : Qu'est-ce que ces blessures que tu as sur la poitrine ? Il répondra : c'est que j'ai été frappé dans la maison de ceux qui m'aiment" (Za 13,1-6).
Pour Trito-Isaïe, comme pour Aggée et Zacharie, le messianisme est entièrement lié au sanctuaire. Si l’idéal de Jérémie ou de DeutéroIsaïe avait prévalu, il est fort probable que le messianisme aurait comporté un caractère beaucoup moins cultuel. Une influence plus forte de Jérémie aurait aussi évité une continuelle insistance sur la fidélité au rite et aux observances relatives à la pureté. Cette orientation est particulièrement véritable dans la valorisation du sabbat par Trito-Isaïe. Il est normal que les trois animateurs de la restauration, Trito-Isaïe, Aggée et Zacharie, soient le plus visiblement influencés par la Tora d’Ézéchiel : ils se sont immédiatement voués à la tâche que cette Tora veut précisément guider ...
... Chez lui d’ailleurs l’influence du Code sacerdotal (P) se fait sentir : nous sommes en pleine ascension du sacerdoce, qui possède une emprise toujours plus forte sur la vie religieuse de la nation. Il ne faut pas oublier que la belle organisation cultuelle que présente le Code sacerdotal (P) correspond à une évolution de fait des institutions sacerdotales. Une telle fermeté dans la répartition des classes et des attributions ne serait pas possible si la réalité ne l’avait dictée.
Deutéro-Zacharie, comme Malachie aux prises avec le clergé décadent, prouve à sa façon combien l’ascension politique des prêtres leur a été funeste. La disparition totale d’un pouvoir civil a laissé le clergé maître absolu de la communauté. Le prophétisme lui-même ne se présente plus comme institution viable, laissant le champ entièrement libre à la suprématie du sacerdoce. (( En ce jour là,... j’ôterai aussi du pays les prophètes ...»
https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/1959-v15-n1-ltp0954/1019975ar.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Jeu 07 Avr 2022, 14:19 | |
| Bien que beaucoup des présupposés de cet article des années 1950 aient été abandonnés ou profondément modifiés depuis, le tour d'horizon reste intéressant. La réduction sacerdotale du "prophétisme", en plus d'un sens du mot "réduction", est sensible aussi dans les Chroniques: tout ce qui évoquait une "corporation" ou une "caste" prophétique ("fils des prophètes" des cycles de Saül, d'Elie et d'Elisée dans Samuel-Rois) est évacué, et leurs aspects rituels (musique et chant, sinon danse et transe) sont artificiellement transformés en "art sacré" et intégrés à l'organisation régulière des lévites (chantres, etc.), rapportée à David (cf. 1 Chroniques 25); les "prophètes" nommés sont principalement les vis-à-vis des rois d'un lointain passé (Nathan/David etc.) ou ceux qui sont déjà devenus livres (Isaïe, Jérémie, mais aussi Nathan, Gad ou Iddo à qui sont attribués des livres réels ou imaginaires), outre les évocations collectives et générales (ils n'ont pas écouté les prophètes). Cet "anti-prophétisme sacerdotal par défaut" trouve cependant une matière inépuisable dans les textes "prophétiques" qui le précèdent, qu'il s'agisse des "Premiers Prophètes" (de Josué aux Rois) ou des "Derniers" (Isaïe etc.): ce sont "les Prophètes" (livres) qui dénoncent le plus violemment "les prophètes" (corporation ou caste), notamment à la faveur des oppositions entre prophètes (cf. 1 Rois 22 ou Jérémie), qu'il ne faut pas réduire à une opposition entre "vrais" et "faux prophètes", tout au moins au sens moderne de "charlatans"; un prophète, en effet, peut être "trompeur" de nombreuses manières, non pas seulement en simulant la "prophétie" (hypothèse qui n'est guère envisagée que dans les rédactions tardives de Jérémie), mais aussi en se rapportant à d'autres dieux que Yahvé ou en contredisant la Torah établie (Deutéronome 13 et 18), ou bien parce qu'il est trompé par un "esprit" de Yahvé lui-même (cf. 1 Rois 22). Bref, la critique des "prophètes-en-général" par certains prophètes (minoritaires) ne demande qu'à se transformer, dans une perspective plus exclusivement sacerdotale, en condamnation du "prophétisme-en-général", du moins contemporain ou futur (les [bons] "prophètes" de la tradition ancienne restant hors de cause, sanctifiés qu'ils sont par le temps et l'écriture). En tout cas le deutéro-Zacharie (dont on a déjà vu qu'il était "eschatologique", mais pas strictement "messianique") se montre radicalement "anti-prophétique" au chapitre 13: le "manteau de poil" et les "marques entre les bras" (= sur la poitrine) sont habituellement expliqués (y compris par la Watch, si je me souviens bien) par référence à Elie et Elisée d'une part (cf. plus tard Jean-Baptiste), aux "scarifications" des prophètes de Baal dans le même contexte (Jéhu, 1 Rois 18,28 ) d'autre part -- étant entendu que le "prophétisme" ne varie guère dans ses manifestations d'un dieu ou d'une religion à l'autre. Par ailleurs sa position est bien "sacerdotale" en ce sens que le temple reste central, jusque dans l'eschatologie du chapitre 14: l'idéal (ou l'horizon) de l'eschatologie sacerdotale c'est précisément l'universalisation du "sacré", au moins aux dimensions de la Judée, au plus à "toute la terre" -- même si le prêtre et le temple doivent en définitive y perdre leur sens, qui ne tient qu'à l'opposition du "sacré" à un "profane", mais toute eschatologie vit de ce genre de paradoxe. |
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Jeu 07 Avr 2022, 16:41 | |
| "Sois transportée d'allégresse, Sion la belle ! Lance des acclamations, Jérusalem la belle ! Il est là, ton roi, il vient à toi ; il est juste et victorieux, il est pauvre et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d'une ânesse" (9,9).
Ton roi vient. Jérusalem avait eu des rois, mais nul d’entre eux n’était son roi dans le sens vrai de cette expression : le roi promis de tout temps par l’Éternel, celui dont le règne se confond avec le règne de Dieu ici-bas. Cette expression ton roi vient se comprend mieux dans un temps où le trône d’Israël n’était pas occupé qu’à l’époque où il avait un roi visible.
Et monté sur un âne et sur un poulain d’ânesse. En Orient, l’âne n’est pas un animal méprisé comme chez nous. Dans les premiers temps de l’histoire d’Israël, c’était la monture des princes et des chefs, Juges 5.10 ; 10.4 ; 2 Samuel 17.23. Ce ne fut que plus tard que le cheval et le mulet furent préférés. L’âne est ici le symbole du caractère pacifique du Roi-Messie, tandis que les oppresseurs, mentionnés au verset 8, étaient censés montés sur des chevaux de guerre. Comparez verset 10, qui est évidemment en rapport d’opposition avec celui-ci. Comparez aussi Deutéronome 17.16 et Ésaïe 2.6-9. Le roi vient faire la conquête du monde, non l’épée à la main, mais par le secours de Dieu, en parlant de paix (verset 10). Les deux expressions âne et poulain d’ânesse n’indiquent pas deux animaux différents ; cette répétition est conforme aux lois du parallélisme en usage dans la poésie hébraïque. Il n’est pas nécessaire d’admettre que Matthieu 21.4-7 exprime une idée différente.
https://www.levangile.com/Bible-Annotee-Zacharie-9-Note-9.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Jeu 07 Avr 2022, 18:38 | |
| Matthieu n'"exprime" sans doute pas "une idée différente" (humilité, etc.); toutefois, puisque lui ne fait pas de la "poésie hébraïque" mais un récit en prose qui implique concrètement DEUX animaux, quitte à rendre la scène littéralement acrobatique, il faut bien en conclure qu'il n'a pas compris (ou qu'il feint de ne pas comprendre) le "parallélisme poétique" de Zacharie 9 comme tel mais l'a pris au pied -- ou aux (huit) sabots -- de la lettre. Non que ça ait la moindre importance, mais à vouloir à tout prix dédouaner les textes "bibliques" de ce genre de curiosité on se rend beaucoup plus ridicule qu'ils ne le seront jamais. Quand je disais que le deutéro-Zacharie (9--14) n'est pas "strictement messianique", je voulais dire que la notion d'"onction" royale ou sacerdotale ( mšh-mšyh-mashiah/khriô-khristos) n'y joue aucun rôle (cf., encore, supra 9.3.2022). On peut néanmoins suggérer davantage: rien n'indique, ici, que le "roi" ( mlk-melek) qui vient à Jérusalem soit autre que Yahvé -- le plus souvent, quand aucun "oint" ou "roi" n'est distingué de lui, c'est Yahvé lui-même qui est "roi" et qui "vient" à Jérusalem (ou Sion) et/ou dans le temple, pour juger, châtier et/ou pour sauver (cf. p. ex. 2,10; 14,9.16s; Isaïe 35,4; 40,9s; 52,10; 59,20; 62,11; Jérémie 8,19; Psaumes 10,16; 24,7ss; 29,10; 44,5; 47,7ss; 48,3; 68,25; 74,12; 84,4; 93,1; 95,3; 96,10; 97,1; 98,6; 99,1.4; 145,1; 149,2 -- que l'on rattache ou non ces expressions à un rituel particulier du temple, p. ex. une procession, comme naguère pour l'hypothétique "fête du Nouvel An" associée à l'"intronisation" de Yahvé). C'est d'autant plus vraisemblable qu'avec le Deutéro-Zacharie on est dans une période (hellénistique) où la prêtrise assume la totalité du "pouvoir" autonome dans le cadre d'un empire étranger, et n'envisage d'accomplissement (y compris "eschatologique" le cas échéant) que d'ordre "religieux", sans espoir de restauration monarchique concrète, qu'elle soit "davidique" ou sacerdotale (comme plus tard sous les hasmonéens). La "théologie sacerdotale" à ce stade ne se montre pas seulement volontiers "universelle", moins "exclusiviste" que tout ce qu'on associe de près ou de loin au Deutéronome, comme on l'a remarqué ailleurs (p. ex. ici, 6.4.2022; après tout, les prêtres de tous les peuples et de toutes les religions font le même "métier", le lexique hébreu ne distingue généralement pas les prêtres ou les temples de Yahvé de ceux des autres dieux); elle est aussi moins allergique à la représentation divine (témoin aussi les "visions" des livres prophétiques ou apocalyptiques tardifs), fût-elle paradoxale -- ici son dieu non sur un char céleste ( keroubim-chérubins) comme d'habitude, mais sur un (sinon deux) âne(s) -- et commune avec d'autres représentations divines, cf. p. ex. Dionysos ou Hephaïstos. Cela pourrait valoir aussi pour le "transpercé" de 12,10ss, où le texte massorétique (et septuagintique) qui identifie Yahvé au transpercé, sur qui on se lamenterait comme sur Baal-Hadad(-Rimmôn) ou Tammouz (cf. Ezechiel 8 ), est peut-être moins accidentel qu'on ne le croit habituellement. Les retombées de ce genre de question sur le "christianisme", pour être lointaines, n'en sont pas moins considérables: du paulinisme aux évangiles, il s'agit toujours de savoir si on a affaire à l'histoire d'un homme divinisé ou d'un dieu humanisé et humilié -- autrement dit à de l'histoire mythifiée ou à un mythe histori(ci)sé. On aura compris que je penche pour la seconde hypothèse, sans exclure la première, mais en pensant qu'à tout le moins la seconde l'emporte largement sur la première. |
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Ven 08 Avr 2022, 11:00 | |
| "Epée, éveille-toi contre mon berger, contre l'homme qui m'est proche ! — déclaration du SEIGNEUR (YHWH) des Armées. Frappe le berger, que les bêtes se dispersent ! Et je tournerai ma main vers les petits. Alors dans tout le pays — déclaration du SEIGNEUR — les deux tiers seront retranchés, ils périront, et l'autre tiers subsistera. Je mettrai ce tiers dans le feu et je le ferai fondre comme on fait fondre l'argent, je l'éprouverai comme on éprouve l'or. Il invoquera mon nom, et je lui répondrai ; je dirai : C'est lui qui est mon peuple ! Et lui dira : C'est le SEIGNEUR (YHWH) qui est mon Dieu !" (13,7-9).
Les deux tiers. Littéralement : la part de deux. Deux parts appartiendront à la mort ; la troisième survivra à la catastrophe. Comparez Ésaïe 6.13, où la partie restante est évaluée à un dixième. L’idée est la même ; c’est toujours celle du résidu qui devra passer encore par plusieurs crises de purification pour arriver à être le vrai peuple de Dieu. Si le verset 7 se rapporte au meurtre du Messie, le verset 8 ne peut s’appliquer qu’au jugement qui a frappé Jérusalem et le peuple, comme punition de ce crime. Le tiers restant ne peut donc désigner que l’Israël qui a survécu à la destruction du peuple par les Romains.
https://www.levangile.com/Bible-Annotee-Zacharie-13.htm |
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Ven 08 Avr 2022, 11:37 | |
| (J'ai rajouté un dernier paragraphe à mon post précédent.)
D'abord et pour rappel, il n'est nullement question ici de "messie" (= roi ou grand prêtre "oint" dans une lignée dynastique ou Messie eschatologique); ensuite, on ne peut pas séparer le "berger" du chapitre 13 de tous ceux qui le précèdent (10,3s; 11,3ss.7ss.15ss) et dont nous avons déjà parlé plus haut (à partir du 9.3.2022) -- pour ne rien dire des "applications" au Ier siècle (Jésus, les juifs et les Romains), évidemment hors contexte pour Zacharie (même deutéro-), sauf pour une interprétation "magique" de "la Bible" qui est par là même irréfutable (si tout est possible, rien n'est probable ni improbable).
Reste l'idée du "reste", éprouvé et purifié, qui vient effectivement de loin (Isaïe etc.), de toutes les expériences de catastrophes où "la vie continue" malgré tout, guerres, invasions, destructions, exils -- et surtout de l'exil à Babylone qui détermine l'auto-compréhension du "judaïsme" (du Second Temple, celui des exilés revenus d'exil, la gola par opposition aux "peuples du pays" non-exilés), précisément comme "reste" purifié. Jamais assez pur cependant et appelant toujours, de crise en crise, des "purifications" et des "réductions" supplémentaires selon le point de vue de chaque parti s'estimant plus pur que les autres. Cette tendance particulière qui aboutira à une foison d'hyper-particularismes juifs (surtout à partir de la crise maccabéenne des hassidéens aux esséniens ou qoumraniens d'une part, aux pharisiens d'autre part) reste néanmoins liée à la plus grande banalité: ce sont toujours les "survivants", sinon les "vainqueurs", qui parlent et écrivent l'histoire, du moins leur (vision de l')histoire. |
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Ven 08 Avr 2022, 12:26 | |
| - Citation :
- Les retombées de ce genre de question sur le "christianisme", pour être lointaines, n'en sont pas moins considérables: du paulinisme aux évangiles, il s'agit toujours de savoir si on a affaire à l'histoire d'un homme divinisé ou d'un dieu humanisé et humilié -- autrement dit à de l'histoire mythifiée ou à un mythe histori(ci)sé. On aura compris que je penche pour la seconde hypothèse, sans exclure la première, mais en pensant qu'à tout le moins la seconde l'emporte largement sur la première.
Zacharie aurait exprimé à sa manière une Kénose juive "Le SEIGNEUR sortira et combattra ces nations, comme au jour où il combat, au jour de la bataille. Ses pieds se placeront en ce jour-là sur le mont des Oliviers, qui est en face de Jérusalem, à l'est ; le mont des Oliviers se fendra par le milieu, vers l'est et vers l'ouest, en une très grande vallée : une moitié de la montagne se retirera vers le nord et l'autre moitié vers le sud" (14,3-4).Le mont des OliviersLe mont des Oliviers est une colline d’environ 800 mètres d’altitude située juste à côté de Jérusalem, à l’est de la ville, et séparée d’elle par la vallée du Cédron. Dans l’Antiquité, la région était riche en oliveraies, et le mont des Oliviers doit sans doute son nom aux plantations extensives qui devaient s’y trouver. Cette colline n’est mentionnée qu’à quelques endroits dans l’Ancien Testament, habituellement désignée comme « la montagne en face de Jérusalem ». C’est le mont des Oliviers que le roi David gravit en pleurant, pieds nus et la tête voilée, lorsqu’il fuit son fils Absalom qui s’était révolté contre lui (2 S 15,30). C’est là aussi que le roi Salomon fit ériger des autels en l’honneur de dieux étrangers (1 R 11,7), sanctuaires que le roi Josias fera détruire lors de sa réforme (2 R 23,13) ...... Au « jour de Yahvé », Dieu se tiendra sur le mont des Oliviers, peut-on lire chez le prophète Zacharie : « En ce jour-là, ses pieds se poseront sur le mont des Oliviers... et il se fendra par le milieu » (14,4). Selon le prophète Joël, c’est dans la vallée de Josaphat que Dieu siégera pour juger les nations (4,12). Cette vallée, dont on ne connaît pas l’emplacement et qui signifie littéralement « Yahvé juge », a été associée à la vallée du Cédron. Juifs, chrétiens et musulmans y ont chacun leur cimetière ; les gens enterrés à cet endroit auront la chance, croit-on, d’être les premiers à ressusciter lors du Jour du Jugement... Le cimetière juif du mont des Oliviers est le plus ancien cimetière juif au monde, peut-être aussi le plus grand.http://www.interbible.org/interBible/caravane/voyage/2006/voy_060324.htmLe mont de la vigilance.Après la première destruction du Temple de Jérusalem, Ezéchiel a vu la Gloire de Dieu s'élever au-dessus de la ville et s'arrêter sur la montagne située à l'est de la ville. (cf. Ez 11,23). Désormais ce mont a pris une signification théologique.Ainsi, selon le prophète Zacharie, à la fin des temps Dieu interviendra à partir du Mont des Oliviers qui se fendra par le milieu :« En ce jour-là, ses pieds se poseront sur le Mont des Oliviers, qui est en face de Jérusalem, à l’orient. Le Mont des Oliviers se fendra par le milieu, d’est en ouest, changé en une immense vallée. Une moitié de la montagne reculera vers le nord, et l’autre vers le sud » (Zach. 14,4)C’est à la fois un jour de jugement, de froid et de ténèbres (v. 6), mais aussi un jour de salut et de lumière (v. 7) et des eaux jailliront de Jérusalem (v. 7).Dès lors le Mont des Oliviers a nourri l’espérance du peuple de Dieu.Est-ce au pied du Mont des Oliviers que se situe la scène d’Ezéchiel 37 où les ossements reprendront vie ? Certains commentateurs le pensent.Selon la tradition juive extrabiblique, le Messie montera sur le Mont des Oliviers et ordonnera à Elie de sonner du Shophar (la trompette en corne de bélier). Au deuxième coup de trompette, les morts ressusciteront. (Apocalypse de Daniel 128). Selon un autre texte « la Montagne de l’Onction va se fendre et tous les morts d’Israël vont sortir de dessous elle » (Targum du Cantique des Cantiques 8,5)https://martin.hoegger.org/index.php/spiritualite/282-mont-des-oliviersÀ la différence du mont Sion, le mont des Oliviers est bien référencé tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament. Il est chez les Prophètes lié aux fins dernières : selon Zacharie (14, 4), lors du combat eschatologique, le Seigneur lui-même posera ses pieds sur le mont qui se fendra d’est en ouest pour laisser la place à une immense vallée. La vallée de Josaphat, vallée du Jugement dans Jl, 4, 2, sera identifiée par les exégètes chrétiens à celle du Cédron. Autre occurrence de la montagne dans l’Ancien Testament : c’est par le mont des Oliviers que David s’enfuit devant Absalon (2 S, 15, 30).https://www.cairn.info/revue-le-moyen-age-2012-1-page-9.htm#no7 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Ven 08 Avr 2022, 13:52 | |
| - free a écrit:
- Zacharie aurait exprimé à sa manière une Kénose juive
A part le mot de "kénose" (qui vient de l'usage du verbe kenoô en Philippiens 2 et relève donc strictement de la tradition chrétienne subséquente), ça n'aurait rien d'exceptionnel, ni dans le judaïsme "biblique" (cf. p. ex. ici) ou ultérieur (de la shekina rabbinique, demeure de Dieu parmi les hommes dérivée de la tente-demeure du désert, mishkan, au çimçoum qabbalistique, réduction originaire du Dieu ou de l'archi-Dieu qui fait place au monde), ni dans la mythologie "païenne" où les dieux célestes ou infernaux se rendent proches des mortels sous toute sorte de formes, humaines, animales, végétales ou minérales (voir p. ex. les Métamorphoses d'Ovide qui en fournissent une merveilleuse illustration, aussi d'ailleurs du cas contraire, apothéose ou divinisation de mortels). Chaque fois qu'un dieu parle, ou se manifeste de quelque manière qui ne soit pas seulement destructrice, il y va de quelque chose de semblable. Même l'islam qui se tient aussi loin que possible de ce genre de représentation ne peut pas éviter de penser de la même manière la parole d'Allah adressée au(x) prophète(s). On remarquera que dans le deutéro-Zacharie (aussi) la représentation est contradictoire: si Yahvé est le roi humble sur l'âne au chapitre 9 (c'est lui et lui seul qui est roi à Jérusalem, jusqu'à la fin du livre) et/ou le "transpercé" du chapitre 12, il est aussi le "colosse" dont les pieds fendent le mont des Oliviers au chapitre 14, à l'aube du "jour sans fin". De toutes tes références, la dernière, sur les récits de pèlerinage, me semble la plus intéressante, bien (ou parce) qu'elle s'éloigne de nos sources habituelles: je trouve très touchante cette recherche de traces (de Jésus ou de Moïse) dans la forme de la terre ou de la pierre, en plus d'un sens du toucher (toucher ce qu'il a touché, cf. ici 29.3.2022). On pourrait insister également sur la position du mont des Oliviers, face (= est-orient-devant-avant, cf. [i]supra[/i 29.3.2022]) à la ou aux "montagnes" de Jérusalem et du temple (Sion, Moriah, etc.), dans toute la polyvalence de cet ant-agonisme (anti- et ante-, avant, devant, face-à-face et vis-à-vis, contre, tout contre). |
| | | free
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Ven 08 Avr 2022, 14:29 | |
| - Citation :
- A part le mot de "kénose" (qui vient de l'usage du verbe kenoô en Philippiens 2 et relève donc strictement de la tradition chrétienne subséquente), ça n'aurait rien d'exceptionnel, ni dans le judaïsme "biblique" (cf. p. ex. ici) ou ultérieur (de la shekina rabbinique, demeure de Dieu parmi les hommes dérivée de la tente-demeure du désert, mishkan, au çimçoum qabbalistique, réduction originaire du Dieu ou de l'archi-Dieu qui fait place au monde), ni dans la mythologie "païenne" où les dieux célestes ou infernaux se rendent proches des mortels sous toute sorte de formes, humaines, animales, végétales ou minérales (voir p. ex. les Métamorphoses d'Ovide qui en fournissent une merveilleuse illustration, aussi d'ailleurs du cas contraire, apothéose ou divinisation de mortels). Chaque fois qu'un dieu parle, ou se manifeste de quelque manière qui ne soit pas seulement destructrice, il y va de quelque chose de semblable. Même l'islam qui se tient aussi loin que possible de ce genre de représentation ne peut pas éviter de penser de la même manière la parole d'Allah adressée au(x) prophète(s).
Quand la faiblesse est donnée ... Kénose et participation au temps du nihilisme Par exemple, dans sa réflexion sur le judaïsme et la kénose, Emmanuel Levinas montre bien que cette « énigme de l’humilité dans le Dieu biblique » est attestée dans la littérature vétérotestamentaire. Mais, en plus, il souligne que cette humilité divine, qui se manifeste en une sorte de mise à disposition de l’homme, est l’autre face de la responsabilisation de l’homme. En affirmant, Talmud à l’appui, que l’homme assure les conditions de l’association de Dieu aux mondes et assure l’être des mondes , que « Dieu lui-même n’a pas reculé devant cette égalité avec l’Humain et même devant une certaine subordination à l’Humain » et, enfin, que Dieu a besoin de la prière des hommes , Levinas indique la dimension éthique de la kénose : un appel divin fait à l’homme, un appel qui invite ce dernier à la responsabilité, un appel à sortir de soi. On ne peut pas ne pas faire le rapprochement entre cette lecture éthique de la kénose et la théorie de l’éthique de la responsabilité qu’il propose. Cette périodisation des courants interprétatifs de la kénose en théologie et en philosophie du judéo-christianisme a l’avantage, et ce malgré son caractère schématique, de mieux faire ressortir les phases et les déplacements conceptuels qui se sont produits en Occident. Elle a, bien sûr, une limite, celle d’être moins sensible aux variations internes propres à chaque période. Mais ce détour par la périodisation m’apparaît nécessaire pour conduire à ce qui suivra. La deuxième étape de ma réflexion s’attardera sur une lecture éthique de la kénose qui voit en elle la source d’une orthopraxie pour aujourd’hui.Éros, don et participationPour Ward, c’est l’amour qui est au cœur de la relation de détermination entre Dieu et l’homme. L’amour est compris comme eros divin, une expression qui révèle l’attachement de Ward au platonisme chrétien. Ward conçoit la participation comme une entrée dans une économie du don, où Dieu a l’initiative du premier don engendrant la réponse humaine. Cette structure ternaire du don est d’abord repérée dans le geste d’Abraham, au livre de la Genèse. L’appel divin à Abraham met en branle une circulation du désir où l’amour divin n’est pas impassible au désir de fidélité que porte Abraham, même s’il est en exil, figure de la complète dépossession. Il y a alors double ek-stase. Ces ek-stases, divine et humaine, se maintiennent dans le désir de l’Autre. L’effet est d’ouvrir cette relation de don à d’autres. C’est, comme on l’a vu plus tôt, l’épisode de l’accueil des divins étrangers sous le chêne de Mambré. Il est important de relever qu’à aucun moment Ward ne souligne quelque lien que ce soit entre langage et désir ou, de fait, de toute autre forme de médiation dans cette circulation du désir. La description de l’économie du don et du désir se limite à ceci : « Tout concept de participation nécessite une compréhension précise de cette économie [du don] : soit l’évidement vers l’autre ou le remplissement en vue de recevoir l’autre . »https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2010-3-page-323.htm#re22no22 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Ven 08 Avr 2022, 16:05 | |
| A mes yeux cet article comporte beaucoup de contresens -- je ne sais pas s'ils sont de Jobin, de Vattimo ou de moi (ça me rappelle soudain l'histoire du type qui entend sur son autoradio "Attention, un chauffard a pris l'autoroute à contresens" et qui réplique "il n'y en a pas qu'un seul !"), mais en tout état de cause ça nous éloignerait beaucoup de Zacharie (sauf peut-être par des âneries). La notion de "participation" (qu'on peut rapprocher de la "communion", koinônia, aussi ambivalente parce que le koinon est à la fois le "commun" et l'"impur"; et des dérivés de met-ekhô, "avoir avec"), comme toute notion relationnelle, implique effectivement un déplacement de la question "ont(olog)ique" (qu' est-ce que c' est ?): des termes de la relation (x et y dans x <-> y) à la relation elle-même (<->) -- si l'on peut encore dire "elle-même" puisque la relation n'est plus pensable sans les termes qu'elle relie, ni ceux-ci sans elle. (Cela rejoindrait en partie ce que je disais hier ici, à propos de l'"abandon" qui n'est pas la "kénose" mais s'en rapproche, et qui est aussi une forme négative de "relation": " mon dieu" inversement et paradoxalement comme " mon fils, mon bien-aimé, mon élu", "fils, bien-aimé, élu ou abandonné de x", "dieu ou père de y" etc.). La référence à Genèse 18, dont nous avons parlé ailleurs (notamment en rapport avec la "trinité" de Roublev, mais où ?) s'inscrit en tout cas très bien dans la série des "métamorphoses" divino-humaines (cf. Philémon et Baucis recevant Zeus et Hermès, auxquels le chap. 14 des Actes fait probablement une fine mais superficielle allusion, justement en Phrygie), qui ouvrent à l'infini le champ de l'"hospitalité" (sous l'étranger, hôte ou hostile, host-guest-ghost etc., le dieu, l'ange, le revenant, etc.). |
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Ven 08 Avr 2022, 16:46 | |
| Une théologie de la souveraineté Le judaïsme à la croisée des chemins
Mais l’approche réaliste de la théologie de la souveraineté à elle aussi un prix. Qu’il s’agisse des conceptions mystique ou réaliste, l’individu est en danger : du fait de la conscience permanente de l’imperfection de l’univers dans le premier cas ; ou du rapport à la nation enchâssé dans la théologie de la souveraineté, qui déprécie la valeur de l’individu, dans le second — le danger devient là particulièrement grave avec les démarches militantes, qui voient l’individu comme un outil au service d’objectifs collectifs supérieurs. Cette théologie de la souveraineté jouit en revanche d’un potentiel constructif du fait qu’elle met le sens des responsabilités en exergue. Le messianisme concret s’ancre dans la vision du prophète Zacharie :
"Ainsi parla le Seigneur des Armées : Vieux et vieilles s’assiéront encore dans les rues de Jérusalem, chacun sa canne en main du fait de son grand âge ; et […] la cité s’emplira de garçons et de filles jouant dans ses rues ; ainsi parla le Seigneur des Armées : ne sera-ce pas merveille pour Moi, ce qui reste de cette nation en ces jours ? Ce sera merveille à Mes yeux aussi, dit le Seigneur des Armées" (Za 8, 4-6).
La vision de la rédemption ici donnée par Zacharie ne parle pas d’un temple descendant des cieux ou d’une utopique harmonie entre le loup et l’agneau. Elle dépeint l’image réaliste d’un quotidien serein à Jérusalem comme un miracle aux yeux du peuple et à ceux de Dieu. Aujourd’hui, après la Shoah, nous comprenons combien grand est le miracle.
Les fondements d’une théologie de la souveraineté sont présents dans les œuvres halakhique et philosophique de Maïmonide. Voici comment il décrit les temps messianiques :
Ne croyez pas que le Messie doive produire des signes et des miracles, créer des choses nouvelles dans l’univers ou ressusciter les morts et ainsi de suite. Il n’en va pas ainsi […] Si un roi surgit de la lignée de David, s’il étudie la Torah et observe les commandements à la manière de son maître David, s’il exige du peuple juif qu’il s’y conforme […] et mène les combats divins, il pourrait bien être le Messie. S’il réussit à construire le Temple et rassembler les exilés, ce sera certainement le Messie, et il amènera le monde entier à célébrer Dieu ensemble […]. Ne croyez pas qu’aux jours du Messie quoi que ce soit changera dans la mécanique naturelle de l’univers ou qu’interviendra une nouvelle création du monde ; le monde continuera plutôt de fonctionner comme il en a coutume […] « Le loup vivra avec l’agneau et le tigre se fiera à l’adolescent (Is 11, 6) » est une métaphore […] Nos Sages ont dit : « Il n’est aucune différence entre ce monde et les jours du Messie, excepté l’allégeance des nations. » Et en ces temps il n’y aura ni famine ni guerre, ni jalousie ni compétition ; la bonté régnera partout, les mets fins seront aussi accessibles que la poussière, et le monde entier s’engagera dans la quête de Dieu […] ainsi qu’il est dit, « car la terre sera pleine de la connaissance de Dieu, comme les eaux couvrent la mer (Is 11, 9) . »
https://www.cairn.info/revue-pardes-2015-1-page-45.htm#re4no4 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Ven 08 Avr 2022, 19:16 | |
| Pour (énième) rappel (relire éventuellement le début de ce fil), les perspectives du proto-Zacharie (1-- 8) ne sont pas eschatologiques, a fortiori elles ne sont pas messianiques (au sens DU "Messie" comme figure eschatologique précisément, c.-à-d. "dernière" -- non pas n'importe quel "oint" dans une série de rois ou de grands prêtres se succédant indéfiniment les uns aux autres). Il y a eu des espérances de restauration historique et politique autour du grand prêtre Josué et de Zorobabel, de descendance royale (chap. 4 et 6) -- le premier pouvant être considéré comme "oint" par définition (du moins si l'on présuppose la Torah lévitique ou la tradition sous-jacente), et le second comme possible candidat à une onction royale; "messies" donc, actuel ou potentiel, seulement au sens large, non eschatologique (quoique les mots correspondants, mšh/mšyh-mashiah n'apparaissent pas dans le texte; on a vu aussi que les oliviers associés aux porte-lampes évoquaient moins l'onction que la lumière, et éventuellement la prospérité, cf. supra 25.3.2022). Ces espérances ont toutefois tourné court pour le second, et le premier a sans doute déjà laissé la place à ses successeurs au moment de la rédaction du chapitre 8 (les "prophètes" de la reconstruction, Aggée et Zacharie, appartiennent au passé dont il faut se souvenir, v. 9). Le "tableau final" du proto-Zacharie est en effet parfaitement "réaliste" (autant, du moins, que "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants", tableau idyllique mais non surnaturel), il ne présume rien de miraculeux ni d'extraordinaire, simplement la paix et la prospérité durables pour Jérusalem et Juda dans un monde qui continue comme toujours. Il ne s'agit même pas d'"histoire", en ce sens que ce qui est espéré revient en-deçà de ce que nous appelons "l'histoire": c'est le bonheur retrouvé, après les malheurs, d'un temps cyclique qui tourne en rond, de fête en fête, de saison en saison, d'année en année, de génération en génération, autour d'un temple et d'un culte qui assurent simplement la permanence de l'ordre des choses -- au fond, même aujourd'hui la plupart des "peuples" n'aspireraient sans doute à rien d'autre qu'à une telle tranquillité cyclique, si on n'était pas venu leur mettre des "idées" de salut eschatologique, d'histoire héroïque ou de progrès en tête (mais ça c'est de l'irréel du présent). Que ce tableau convienne au rationalisme néo-aristotélicien de Maïmonide au XIIe siècle, c'est logique mais pour d'autres raisons, qui relèvent de la "raison" elle-même: il n'y a pas de place pour du "miracle" ou du "surnaturel" dans son univers où "Dieu" se confond avec la "raison" (c'est au fond le " Dieu des philosophes", qui va gagner l'Occident par la scolastique universitaire dans les siècles suivants, avant de s'émanciper de la théologie dans le déisme des Lumières; mais déjà au moyen-âge il surmonte les différences confessionnelles en passant du judaïsme et de l'islam au christianisme des "savants"). A cet égard le (néo-)"sionisme" de l'article précité relève encore d'une autre perspective, qui mêle conception moderne et occidentale de "l'histoire" ("rationaliste" d'un côté, "romantique" de l'autre) à l'idéal d'une "théocratie" populaire et "humaniste" qui impliquerait une profonde révolution de la tradition juive (phariséo-rabbinique), sans parler de son rapport au reste du monde, et même à la vaste part de la société israélienne athée ou indifférente à la "religion" (il est assez remarquable qu'une telle "théocratie" ne prendrait même pas l'athéisme juif au sérieux, en postulant que tout juif en Israël a ipso facto un Dieu). |
| | | free
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Lun 11 Avr 2022, 15:06 | |
| " Alors tous ceux qui seront restés de toutes les nations venues contre Jérusalem monteront chaque année pour se prosterner devant le roi, le SEIGNEUR (YHWH) des Armées, et pour célébrer la fête des Huttes" (14,16). Se souvenir, ce n’est pas seulement regarder en arrière (se souvenir), mais aussi regarder en avant, se souvenir des promesses de Dieu, et donc tendre vers ce que Dieu va faire encore, dans nos vies et dans l’histoire de son peuple. Plus encore, lors des fêtes de l’Éternel les fidèles le prient : « souviens-toi de tes promesses à notre égard. Envoie-nous ton salut ». Cette attitude d’attente et d’ouverture à l’avenir est d’autant plus de mise que Souccot est la dernière solennité, non seulement du cycle d’automne mais du calendrier entier. En tant que dernière fête de l’année liturgique, elle préfigure en quelque sorte la conclusion de l’histoire du salut, la grande moisson spirituelle. Cette fête est donc pleine d’espoir, car elle ouvre la perspective de l’accomplissement de toutes les promesses de l’Éternel : paix pour Jérusalem et le peuple d’Israël, paix entre les peuples dans le monde entier. La « fin de l’histoire », pour ainsi dire, son achèvement. Selon la vision qu’a proclamée Zacharie, toutes les nations viendront à Jérusalem célébrer la fête de Souccot (chapitre 14). https://evertvandepollcom.files.wordpress.com/2021/09/2020-fecc82tes-souccot-trad-ev-rb-3.pdf Notons encore un dernier point : le premier jour de Souccot, le chapitre 14 du prophète Zacharie est lu lors de l’office communautaire. Il montre une autre dimension de cette fête. Elle deviendra, à la fin des temps, une solennité pour toutes les nations. Zacharie décrit tout d’abord un terrible combat qui se déroulera à Jérusalem dont le vainqueur sera Dieu Lui-même, reconnu « Roi sur toute la terre ». Et le dernier chapitre de Zacharie est une description solennelle de la fête de Souccot de la fin des temps, ou toutes les nations monteront à Jérusalem pour s’unir à Dieu. C’est pourquoi, dans l’attente de cette solennité pour tous les peuples, Israël offre chaque jour des sacrifices pour toutes les nations, car il se repend de ses fautes mais aussi de celles de tous les peuples de la terre ... ... Notons encore que Zacharie 14 donne deux indications qui s’inscrivent harmonieusement dans le Dimanche des Palmes : « En ce jour-là, ses pieds se poseront sur le mont des Oliviers, qui est en face de Jérusalem, à l'orient. Puis le Seigneur mon Dieu arrivera, accompagné de tous ses saints. En ce jour-là, il n'y aura plus ni luminaire, ni froidure, ni gel. Ce sera un jour unique – le Seigneur le connaît. Il n'y aura plus de jour et de nuit, mais à l' heure du soir brillera la lumière. En ce jour-là, des eaux vives sortiront de Jérusalem, moitié vers la mer Orientale, moitié vers la mer Occidentale. » (Za 14,4.5– . Citons aussi le verset si fameux lu aux matines de la fête : « Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d' une ânesse » (Za 9,9), si présent dans le récit évangélique de Jean. https://www.academia.edu/39904013/Dimanche_palmes_Hoshanna_SEtL_64_2017_Caneri |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Lun 11 Avr 2022, 16:23 | |
| Textes instructifs (surtout le second). En rapport avec l'échange précédent (8.4.2022), c'est intéressant de comparer les deux "tableaux finals (ou finaux)", du proto- et du deutéro-Zacharie (le "prophétique" et l'"apocalyptique" si l'on veut), chapitres 8 et 14: dans les deux cas on a une sorte de "fin de l'histoire" en forme de cycle rituel ou liturgique autour du temple; mais dans le premier on reste dans un monde (apparemment) réel ou ordinaire, où la vie continue, (mais) seulement heureuse, avec ses générations et ses fêtes, ses joies y compris profanes (récoltes, vieillards et enfants, jeux, danses); dans le second au contraire l'espace et le temps bouleversés, au moins autour de Jérusalem (mont des Oliviers) et dans la suite du "jour sans fin", sont pour ainsi dire transis de sacré: le "profane" n'est plus pensable que comme maudit et/ou relégué à la périphérie -- ce qui ressemble beaucoup plus au "monde nouveau" et à la "Jérusalem nouvelle" d' Apocalypse 21--22. Sur les "Rameaux", la "Semaine sainte" (on y est) et la "confusion des équinoxes" de Soukkoth (automne) à Pâque(s, printemps), on pourra aussi relire ce fil. |
| | | free
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| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Mar 12 Avr 2022, 12:17 | |
| "En ce jour-là, on mettra sur les clochettes des chevaux : « Consacré au SEIGNEUR ! » Et les marmites dans la maison du SEIGNEUR seront comme les calices devant l'autel. Toute marmite à Jérusalem et dans Juda sera consacrée au SEIGNEUR (YHWH) des Armées ; tous ceux qui offriront des sacrifices viendront s'en servir pour la cuisson ; et il n'y aura plus de marchand dans la maison du SEIGNEUR (YHWH) des Armées, en ce jour-là" (Za 14,20-21).
Les exégètes ont beaucoup discuté sur la portée du geste de Jésus, mais surtout dans le cadre de la recherche historique. S'agissait-il d'un geste insurrectionnel dans la ligne zélote ou plutôt d'un geste prophétique soit de purification du temple et de son culte, soit d'annonce de sa fin prochaine, de sa destruction? Plutôt que de chercher une réponse au niveau des antécédents dans les Écritures juives18, il est préférable d'interroger le contexte narratif. Au plan du récit marcien, la réponse vient du contexte dans lequel le récit de Faction de Jésus dans le temple est enchâssé. Selon le procédé, courant en Marc, de la composition «en sandwich», le récit du temple (11,15-19) est en effet intercalé entre la parole de condamnation du figuier (11,12-14) et le constat de son dessèchement (11,20-25). Comme souvent dans un tel cas, les deux récits s'interprètent mutuellement. Le châtiment étonnant du figuier qui ne porte pas de fruit fait penser à la vigne de YHWH, la maison d'Israël, qui malgré les soins dont elle est entourée ne produit pas de beaux raisins, mais du verjus. Elle est dès lors vouée à être piétinée et détruite (Is 5,1-7; voir aussi Jr 12,13; Mi 7,1-2). Le figuier, lui, est desséché jusqu'aux racines. Par ce geste prophétique, Jésus symbolise sans doute le constat de l'échec de la mission d'Israël comme peuple élu et la confirmation qu'il perd son rôle. De même, le temple a échoué à être une maison de prière, ce qui était sa mission selon Is 56,7 et il s'est transformé en une caverne de bandits, un lieu où ceux-ci sont chez eux pour rapiner (Jr 7,11). Le temple perd du coup son rôle de maison de prière pour toutes les nations (11,17).
18 Ceux qui interprètent l'action de Jésus comme une purification du temple sont tentés de la comprendre sur l' arrière-fond de l'attente de la destruction de l'ancien temple au profit d'un nouveau (Ez 40-48; 1 Hén 90,28-29) et/ou de la perspective d'une purification de Jérusalem que les nations viendront contempler (Ps Sal 17,30-31). Malbon, Narrative Space, p. 122, pense plutôt à Za 14,20-21, selon lequel il n'y aura plus besoin de marchands dans la maison du Seigneur, puisque tout sera devenu saint, même les grelots des chevaux. Il y a de fait chez Zacharie une sorte d'invalidation de la distinction entre sacré et profane. Cependant, même si l'action de Jésus présentée par Marc semble également récuser implicitement la pertinence d'une telle distinction, ce dépassement fonctionne dans un autre contexte et avec un autre sens : Jésus ne proclame pas que tout devient sacré.
https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_2002_num_33_1_3198 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Zacharie entre messianisme et eschatologie Mar 12 Avr 2022, 14:15 | |
| Cet article (intéressant) de Focant concerne plutôt Marc; pour ce qui est de (deutéro-)Zacharie, la citation de 13,7 (LXX) en Marc 14,27 est plus évidente, quoique approximative. Le texte de la Septante, qui se contente de transcrire Khananaios = "Cananéen" en 14,21, comme au chapitre 11, a peu de chances de faire penser à un ou à des "marchands" (voir supra 10.3.2022 sur l'ensemble du problème). En revanche, l'idéal paradoxal du "tout-sacré", au v. 20, aurait pu intéresser Marc, mais dans une perspective fort différente d'une "apocalyptique sacerdotale": pour Marc rien n'est impur (koinon, akathartos) en soi, l'impur n'est pas où on le croit et ne se purifie pas selon les méthodes sacerdotales du temple, ni par extension dans le rituel laïcisé du pharisaïsme. Tout autre est le point de vue du deutéro-Zacharie où la purification préalable à la la sacralisation générale dépend toujours du temple (cf. 13,1 et 14,8, d'après Ezéchiel 47). |
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