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 antijudaïsmes, antisémitismes

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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeVen 18 Fév 2022, 11:33

Citation :
A ce tarif il faudrait exclure toute comparaison, et par là même toute raison de l'histoire (si comparaison n'est pas raison, il n'y a pas de raison sans comparaison), chaque événement étant par définition singulier et donc incomparable; on se demande bien à quoi servirait l'histoire... on ne pourrait même plus comprendre pourquoi l'Etat d'Israël est resté jusqu'à la fin de l'apartheid le plus fidèle allié et partenaire de l'Afrique du Sud, bien que ce soit un fait et non une comparaison... Soit dit en passant, si l'association avec l'apartheid est (devenue entre-temps) déshonorante, Israël n'a eu besoin de personne pour se déshonorer.

Cet article se résume à un procès d'intention qui évite de renter dans les détails du rapport d'Amnesty en arguant d'une "calomnie" et d'un rapport "factuellement erroné, moralement injuste et politiquement contre - productive" sans jamais nous expliquer pourquoi, c'est une évaluation morale sans fondement et sans précision. Le rapport reconnait  "que le traitement des Arabes de Palestine par Israël n'est ni «identique» ni même «comparable» à la manière dégradante dont les Noirs furent traités en Afrique du Sud" mais comme pour les atteintes à la liberté, il existe des gradations à la manifestations de  l'apartheid ( nous avons beaucoup entendu à la télévision des personnes prétendre que le gouvernement n'avait pas porter atteinte à la liberté et discriminait une partie des citoyens avec le pass sanitaire/vaccinal, en nous invitant à nous comparer à la Chine or, il existe plusieurs niveaux d'atteintes à la liberté avant d'arriver au paroxysme chinois). Je me demande si cette volonté de "sacraliser" l'État d'Israël n'est pas contre-productive en rapport avec l'antisémitisme. 


Le rapport d'Amnesty

ISRAËL : LES PALESTINIENS SONT VICTIMES D’UN APARTHEID 

Ségrégation territoriale et restrictions de déplacement, saisies massives de biens fonciers et immobiliers, expulsions forcées, détentions arbitraires, tortures, homicides illégaux… Après un long travail de recherche, notre nouveau rapport démontre que les lois, politiques et pratiques mises en place par les autorités israéliennes ont progressivement créé un système d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien dans son ensemble.

Après un travail de recherche de près de quatre ans, nous publions notre rapport intitulé « L’Apartheid commis par Israël à l’encontre des Palestiniens. Un système cruel de domination et un crime contre l’humanité ». Sur la base d’une analyse juridique et d’une enquête de terrain minutieuses, il documente la mise en place par Israël, à travers des lois et des politiques discriminatoires, d’un système d’oppression et de domination institutionnalisé à l’encontre du peuple palestinien. Si ces violations sont plus fréquentes et plus graves dans les territoires palestiniens occupés (TPO), elles sont également commises en Israël et à l'encontre des réfugiés palestiniens présents dans des pays tiers.  

Réalisées en concertation avec des experts internationaux et des associations palestiniennes, israéliennes et internationales, nos recherches démontrent que ce système correspond à la définition juridique de l’apartheid. Il s’agit d’un crime contre l’humanité défini par la Convention sur l’apartheid de 1973 et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998.  

En droit international, le seuil pour définir un crime d’apartheid est atteint lorsque trois critères principaux sont réunis :  

- un système institutionnalisé d’oppression et de domination d’un groupe racial par un autre ;

- un ou des actes inhumains, tels que transferts forcés de populations, tortures et meurtres, commis dans le cadre de ce système institutionnalisé ;

- une intention de maintenir la domination d’un groupe racial sur un autre.  

Lorsque l’on utilise le mot « race » ou « racial », cela inclut, en droit international, « la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique » (article 1 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale). Cela peut donc s’appliquer dans le contexte israélo-palestinien. 

(...)

LA POPULATION PALESTINIENNE EST CONSIDÉRÉE COMME UNE MENACE DÉMOGRAPHIQUE 
 
En 2018, l’adoption d’une loi constitutionnelle qui, pour la première fois, définissait Israël comme étant exclusivement « l’État-nation du peuple juif », a entériné les privilèges des citoyens juifs en termes d’obtention de nationalité et une discrimination à l’encontre de la population palestinienne. Cette loi établit notamment le développement des colonies juives comme une « valeur nationale » et l’hébreu comme seule langue officielle, retirant ainsi à l’arabe son statut de langue officielle.  

L’expansion permanente des colonies israéliennes illégales dans les TPO est ainsi encouragée par les autorités israéliennes. Les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est sont fréquemment la cible d’organisations de colons qui, avec le soutien total du gouvernement israélien, s’emploient à forcer des familles palestiniennes à partir et à attribuer leurs logements à des colons. L’un de ces quartiers, Cheikh Jarrah, est le siège de manifestations fréquentes depuis mai 2021, car des familles luttent contre la menace d’une procédure d’expulsion initiée par des colons.  


https://www.amnesty.fr/discriminations/actualites/israel-les-palestiniens-sont-victimes-dun-apartheid
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeVen 18 Fév 2022, 12:09

L'analyse structurelle me paraît indiscutable (un Etat dont la qualification ethnique ne correspond pas à la composition de sa population ne peut que justifier et générer des comportements qui seraient inadmissibles dans un "état de droit" sans qualification ethnique), la comparaison aurait aussi bien pu se faire avec la "ségrégation" des Etats du sud des Etats-Unis jusque dans les années 1960 (ou avec le traitement des aborigènes australiens, etc.) qu'avec l'apartheid sud-africain dont le seul privilège est d'avoir duré plus longtemps; les présupposés juridiques et moraux de la condamnation me semblent cependant bien plus problématiques, parce qu'il y va au fond toujours de la présomption d'universalité de la (dernière) loi et de la (dernière) morale de l'Occident... que celui-ci se sait pourtant incapable d'imposer au reste du monde (Chine, Russie, Iran, Arabie Saoudite, Afghanistan, Turquie, etc.). Tout au plus y a-t-il une dissonance croissante, pour l'Occident, entre une approbation à peu près inconditionnelle d'Israël et une réprobation variable des autres régimes.

Mais le contresens d'un "Etat ethniquement qualifié" n'est jamais que le talon d'Achille de l'"Etat" tout court, car partout où un Etat-nation domine sur des "minorités" ethniques, linguistiques, religieuses ou même politiques le même problème se pose. Avec plus ou moins d'acuité ou de gravité dans les faits, mais absolument identique en principe.
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeJeu 19 Jan 2023, 13:40

« Je reconnais humblement m’être laissé aller au jeu de la surenchère »

Intitulé « Lettre ouverte de Monsieur Dieudonné MBALA MBALA à André Darmon et à Israël Magazine » et titré « Je demande pardon », le texte de Dieudonné, transmis au journaliste par Francis Lalanne, est assez court, et peut-être plus surprenant, plutôt sobre. Rappelant sa passion pour son métier d’humoriste — « un sacerdoce » qu’il exerce depuis 35 ans — Dieudonné, après une pensée pour ses proches à qui il regrette de ne pas avoir consacré assez de temps, s’adresse aux personnes qu’il a meurtries dans ce qu’il appelle un peu étrangement ses « gesticulations artistiques ».

« Je tiens également à demander pardon à toutes celles et ceux que j’ai pu heurter, choquer, blesser au travers de certaines de mes gesticulations artistiques. Je pense notamment à mes compatriotes de la communauté juive, avec lesquels je reconnais humblement m’être laissé aller au jeu de la surenchère », écrit-il. Poursuivant sa démarche de repentance présumée, le polémiste reconnaît être parfois allé trop loin et avoir fait preuve d’outrances, de provocations déplacées. « Pour toutes ces fautes et excès, je demande pardon. Mon ambition était de faire rire tout le monde, et la communauté juive fait partie de mon monde », ajoute-t-il sans toutefois citer précisément quel sketch, vidéo, propos ou actes il regrette.

Après avoir indiqué son souhait de quitter la scène « en paix » avec lui-même, et souligné l’importance du rôle du rire et de la dérision dans « la restauration du lien qui s’est rompu », l’humoriste qui avait fait monter sur la scène du Zénith en 2008 le négationniste Robert Faurisson (Il a été condamné pour injure raciste suite à des propos tenus lors de ce spectacle) s’adresse à nouveau à celles et ceux qu’il a profondément offensés et prévient : « Entendons-nous bien, je ne cherche aucune excuse, aucune circonstance atténuante car nul n’en a lorsqu’il peut constater qu’il a nui à son prochain, je demande tout simplement pardon pour le mal que j’ai pu faire même sans le vouloir. »

https://www.leparisien.fr/faits-divers/dieudonne-demande-pardon-a-la-communaute-juive-dans-un-journal-franco-israelien-10-01-2023-UJMIIVOED5AFLKYI7AI6CB2JPQ.php



«Ce n'est pas juste avec une lettre que l'on peut être blanchi» : Elie Semoun réagit aux excuses de Dieudonné

C'est un long chemin de pénitence"

Pour Elie Semoun, qui a fait ses premiers pas sur scène avec Dieudonné, cette lettre ne suffit pas. "Je pense que ce n'est pas juste avec une lettre dans un journal que l'on peut être blanchi de tout ce que l'on a fait", estime-t-il. "C'est un chemin de croix, un long chemin de pénitence. On verra dans un an, un an et demi si on peut lui faire confiance. Voilà", poursuit l'humoriste, qui souligne être toujours en contact avec Dieudonné. "Moi, je l'ai régulièrement au téléphone, donc je n'ai jamais été haineux vis-à-vis de lui", explique-t-il sur RMC. Elie Semoun assure "respecter" ce qu'il a vécu avec son ancien complice. Pour lui, leur amitié reste "indéfectible" même s'il faut "laisser le temps au temps". 

https://www.europe1.fr/people/ce-nest-pas-juste-avec-une-lettre-que-lon-peut-etre-blanchi-elie-semoun-reagit-aux-excuses-de-dieudonne-4161423



La pardon se demande mais il (peut aussi) s'accorder ... La pardon, une possibilité pas une obligation ?

"Le pardon, s’il y en a, ne doit et ne peut pardonner que l’impardonnable, l’inexpiable – et donc faire l’impossible"

J. DERRIDA, Pardonner 


Dernière édition par free le Jeu 19 Jan 2023, 16:01, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeJeu 19 Jan 2023, 15:23

Ah oui, question épineuse que le pardon, en particulier dans la langue française: je n'en sors pas non plus, entre le sentiment d'indécence de le demander (à ceux à qui on est le plus mal placé pour demander quoi que ce soit) et de ne pas le demander (alors qu'on regrette pourtant tout ce qu'il y a à regretter, tout en sachant l'inutilité des regrets, sans parler de l'obscénité supplémentaire des excuses). Et pourtant ce n'est pas faute d'avoir fait le tour théologique puis philosophique de la question -- de Jankélévitch à Levinas et Derrida notamment, ces trois-là du moins différemment et profondément juifs et français...

Si l'on suit Derrida, d'ailleurs (cf. ta citation), il ne s'agirait même pas d'opposer une "possibilité" à une "obligation", parce que ça relèverait de l'impossible -- "événement" pourrait-on dire (en pensant ou non à l'Ereignis de Heidegger qui, lui, n'a jamais demandé pardon pour rien, en tout cas pas pour son nazisme), qui arrive s'il arrive, comme la grâce, mais ne s'anticipe pas davantage comme un "pouvoir" que comme un "devoir". Inouï, inédit ou sans précédent à chaque fois, autant de précédents qu'il y ait.

[Du fait de ma sous-exposition médiatique, je n'ai connu (et encore assez peu) Elie et Dieudonné qu'ensemble, et à l'époque je les trouvais très drôles...]
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeJeu 19 Jan 2023, 20:04

Un pasteur a déclaré:
"Pardonner ne veut pas dire oublier, car si l'on oublie il n'y a plus rien à pardonner".
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeJeu 19 Jan 2023, 21:16

Sur le pardon et l'oubli -- y compris cette dernière citation -- on retrouvera pas mal de choses dans le fil que je viens de rappeler (2018) -- et que l'on peut toujours prolonger.

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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeJeu 04 Mai 2023, 15:13

Le livre qui bat en brèche les théories d'Hannah Arendt sur l'antisémitisme

Dans son dernier essai, l'historien et chercheur émérite Michel Dreyfus dresse une analyse saisissante de la notion d'antisémitisme chez Hannah Arendt. Le mépris pour la science historique qu'elle hérite d'Heidegger nuit à ses analyses sur le judaïsme en Europe, affirme-t-il.

FIGAROVOX. - Vous entreprenez dans votre livre une relecture de Sur l'antisémitisme , le premier volume de la trilogie d'Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme . Pourquoi avez-vous jugé cette relecture nécessaire ?

DREYFUS Michel. - J'ai entrepris cette démarche car ce livre n'a jamais fait l'objet d'une étude historique. Bien qu'elle soit philosophe, Hannah Arendt s'aventure sur les terrains de l'histoire. Je n'interviens pas ici en tant que philosophe mais comme historien. Or Sur l'antisémitisme comporte un grand nombre d'affirmations historiques complètement fausses.

Vous critiquez le manque de fondements historiques dans les analyses d'Hannah Arendt sur l'antisémitisme. Était-ce volontaire ou fortuit ? N'a-t-elle pas voulu privilégier une approche philosophique ?

Lorsque l'on étudie des phénomènes historiques, que l'on soit historien ou philosophe, il faut respecter un certain nombre de règles. Or Hannah Arendt ne le fait pas. J'ai essayé d'en comprendre la raison en partant de ce qu'elle pouvait savoir quand elle a écrit Sur l'antisémitisme à la fin des années 1940. Elle n'a pas reçu la formation nécessaire, son maître Heidegger ayant lui-même un certain mépris pour l'histoire. Elle part d'idées préconçues qu'elle ne cherche jamais à confronter avec les travaux dont elle pouvait alors disposer. De plus, en analysant les sources qu'elle a utilisées, j'ai relevé de nombreux auteurs antisémites, d'extrême-droites et nazis. Je suis étonné que personne ne l'ait remarqué.

En 1942, elle a écrit un article sur l'affaire Dreyfus qu'elle considérait comme une répétition générale du nazisme. Cette analyse était complètement erronée, mais elle pouvait néanmoins se comprendre car Hannah Arendt n'avait pas encore connaissance du génocide. Cependant, ce qui est incompréhensible, c'est qu'elle reprenne cet article en 1948 dans Sur l'antisémitisme, sans le corriger, alors que le génocide est connu. Force est de constater qu’Hannah Arendt ne se remet jamais en question.

D'où vient sa vision très particulière de l'antisémitisme ? La doit-elle à ses influences intellectuelles, telles que Max Weber et Heidegger ?

Tout d'abord, elle défend dans Sur l'antisémitisme l'idée que les juifs seraient responsables de leur malheur, je suis évidemment en désaccord sur ce point. Outre Heidegger, Hannah Arendt a été influencée par le militant sioniste Kurt Blumenfeld, très critique à l'égard du processus d'assimilation des juifs en Europe, notamment en France, à partir du début du XIXe siècle. En réaction à ce mouvement d'assimilation est né le mouvement sioniste à la fin du XIXe siècle, au moment de l'affaire Dreyfus.

Hannah Arendt considère avec mépris l'histoire des juifs assimilés et s'intéresse essentiellement au mouvement sioniste sur la base d'une lecture très réductrice. On comprend mieux ses positions étonnantes sur l'antisémitisme, alors qu'elle-même était juive et qu'elle a dû fuir l'Allemagne en 1933 après avoir combattu le nazisme. Sa conception de l'antisémitisme s'explique en partie par son intérêt pour le sionisme, du milieu des années 1920 jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Hannah Arendt est très sévère à l'égard des juifs assimilés.

Vous vous opposez à l'idée d'Hannah Arendt, selon laquelle il n'y a pas de continuité entre l'antijudaïsme chrétien et l'antisémitisme du XXe siècle. Pourquoi ?

Je pense au contraire qu'il y a une continuité entre les deux. Apparu à la fin du XIXe siècle, l'antisémitisme s'est construit sur l'antijudaïsme, qui existait dans toute l'Europe depuis le Moyen-Âge. Mais Hannah Arendt minimise cet antijudaïsme en suivant notamment les idées de l'historien juif Salo W. Baron, un spécialiste de l'histoire juive qu'elle rencontre aux États-Unis en 1941.

Une dizaine d'années plus tôt à rebours des autres historiens, cet historien a développé l'idée selon laquelle la période allant du Moyen-Âge à la Révolution était heureuse pour les juifs, et que l'ère des malheurs a commencé avec l'assimilation. Hannah Arendt a découvert cette idée, l'a reprise et l'a approfondie Mais alors que Salo W. Baron finira par revenir sur sa conception, elle ne la remettra jamais en question et considérera toujours l'assimilation comme une catastrophe.

Vous écrivez dans votre livre que la philosophe a exagéré la figure du «juif de cours». Qu'entendez-vous par là ?

Hannah Arendt écrit dans Sur l'antisémitisme que les juifs avaient la haute main dans toutes les cours d'Europe. Or, il n'y a eu que quelques juifs de cours en Allemagne après la guerre de Trente ans, encore moins en Autriche, et pratiquement aucun en Italie, en Grande-Bretagne et en France. Cette généralisation est donc abusive, tout comme le portrait fait des Rothschild, maîtres de l'Europe au XIXe siècle selon elle. Hannah Arendt ne s'interroge jamais sur ce poncif antisémite.

On peut également lui reprocher d'arrêter son livre à l'affaire Dreyfus. À peu près rien n'est dit sur la Première Guerre mondiale, sur l'Allemagne des années 1920/1930 et sur la montée du nazisme. Ces évènements sont pourtant essentiels dans l'histoire de l'antisémitisme. En France, l'antisémitisme a été très puissant lors de l'affaire Dreyfus, décroîtra jusqu'aux années 1920 et repartira très fortement dans la décennie suivante. En Allemagne les choses se passent autrement. Il se développe un mouvement antisémite important à la fin du XIXe siècle, en symbiose avec les idées racistes et völkische. Mais à la différence de la France, ce mouvement va se renforcer pendant la Grande guerre, puis dans les décennies suivantes, ce qui explique en partie l'avènement de Hitler. Hannah Arendt est muette sur cette histoire qui a fait pourtant l'objet de nombreux travaux en Allemagne de 1945 à 1948 au moment où elle écrivait son livre, elle ignore tous ces travaux.

Pourquoi avoir consacré un chapitre à la notion de «totalitarisme» dans un livre sur l'antisémitisme ?

Sur l'antisémitisme est la première partie des Origines du totalitarisme. Hannah Arendt inscrit sa vision de l'antisémitisme dans une conception plus générale du totalitarisme. Il me semblait nécessaire de montrer que la conception du totalitarisme qu'elle défend est tout aussi discutable. S'il est légitime de relever les ressemblances entre l'Italie fasciste, la Russie stalinienne et l'Allemagne hitlérienne, il faut aussi pointer leurs très nombreuses différences, ce qu'elle ne fait jamais.

Pourquoi êtes-vous en désaccord avec la philosophe sur l'affaire Dreyfus ?

J'ai relevé ses nombreuses erreurs factuelles et d'interprétation sur l'affaire Dreyfus. Elle aurait pu les éviter dans Sur l'antisémitisme, en utilisant les ouvrages sur l'affaire Dreyfus publiés auparavant. Elle déforme totalement les propos de Joseph Reinach, l'historien de référence sur l'affaire, en le décrivant comme un admirateur des mouvements antisémites. Foncièrement hostile aux juifs, son tableau fourmille d'erreurs que plus personne n'oserait répéter aujourd'hui.

https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/le-livre-qui-bat-en-breche-les-theories-d-hannah-arendt-sur-l-antisemitisme-20230502
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeJeu 04 Mai 2023, 16:03

Tout cela confirmerait plutôt à mes yeux le jugement provocateur de Heidegger, comme quoi les "sciences" en tant que telles ne pensent pas -- et les sciences dites "humaines", notamment l'"historique", pas plus que les autres. Ce n'était d'ailleurs nullement un reproche, puisque la "pensée" (telle du moins que l'entendait Heidegger) n'a jamais été leur propos. Qu'on puisse en revanche reprocher à un penseur (une en l'occurrence, c'est un mot qu'à ma connaissance on n'a pas encore féminisé) des erreurs "scientifiques", c'est-à-dire de "savoir" (Wissenschaft), c'est parfaitement légitime, ç'a même été une pratique assez régulière ces dernières décennies de nombreux "scientifiques" contre tous les "penseurs" de quelque envergure, mais ça n'atteint guère le fond de leur pensée et du coup ça ne grandit pas non plus la "science"...

Dire que "le judaïsme" dans ses multiples expressions et acceptions institutionnelles, sociales, économiques, politiques, a eu parfois un rapport ambigu avec l'"antisémitisme", ça me semble assez peu contestable -- c'est le contraire qui serait étonnant ! -- et c'est précisément ce que Hannah Arendt a eu le courage de penser, à défaut de le raconter ou de le décrire exactement. Symétriquement la "réfutation" n'offre qu'un prétexte au refus de penser ce qui est là (malgré tout) à penser, mais on ne lui demande probablement pas davantage...

De mon point de vue sur l'"histoire" qui n'est assurément pas celui d'un historien, il me semble assez évident que la singularité et la longévité exceptionnelle du "judaïsme" tiennent en bonne partie à une situation d'antagonisme: avoir généré une, puis deux religions "universelles" (christianisme et islam) sans se confondre avec aucune d'entre elles, voilà qui n'est pas arrivé souvent dans l'histoire des religions; seul le rapport de l'hindouisme au bouddhisme paraît comparable, à cette différence près que les traditions ancestrales de l'Inde se sont maintenues, à peine affectées superficiellement par les "réformes" brahmaniques ou bouddhiques, dans l'espace d'un sous-continent, et que le rejeton bouddhiste s'est plutôt développé ailleurs. Le judaïsme, au contraire, ne (se) survit qu'en terre hostile, romaine puis chrétienne ou musulmane -- en attendant une modernité qui ne lui est guère plus favorable, puisqu'elle exige de lui l'"assimilation". Mais le plus étonnant c'est qu'il n'a pas attendu le christianisme pour installer l'antagonisme au coeur de son "identité", comme en témoignent notamment le livre d'Esther et toute la littérature maccabéenne (y compris Daniel), mais déjà une bonne partie de sa littérature antérieure ("deutéronomiste", Esdras-Néhémie). Une auto-compréhension collective qui intègre dans la définition de "soi" la haine réelle ou supposée des "autres", dans toute l'ambiguïté du génitif démultipliée par effet de miroir (les autres nous haïssent et/ou nous les haïssons, nous imaginons qu'ils nous haïssent et qu'ils imaginent que nous les haïssons, etc.), que cette haine soit d'ailleurs "ethnique" (Esther) ou "religieuse" (les Maccabées), ce n'est pas banal...
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeVen 05 Mai 2023, 10:58

Hannah Arendt, Écrits juifs

2 Au Juif de l'Aufklärung, cultivé ou/et opprimé, replié sur ses « vérités éternelles » parce que ressortissant de la seule raison, et par là « indifférent à l'égard du monde et de son histoire », Herder répliquait qu'il fallait s'inscrire en l'histoire, revendiquer sa différence plus que son égalité, s'assimiler en conservant sa singularité. Mais si le Juif assimilé s'engage ainsi dans le devenir historique, c'est, note Arendt, en « une histoire sans Dieu ». Les Juifs deviennent dans l'histoire « ceux qui n'ont pas d'histoire », et font ainsi exception. Mais qu'est-ce avoir une histoire propre, sinon se constituer comme acteur collectif politique. Il n'est d'histoire que dans l'ordre du politique. Si depuis deux siècles, observe l'auteur, l'histoire juive « n'est pas l'œuvre des Juifs mais celle des peuples environnants », les Juifs seraient-ils un « non-peuple » ? S'assimiler revient-il à se dissoudre dans un ensemble historique à la constitution duquel on n'a pas participé ? Peur d'énoncer sa différence, telle est « la peur juive », sa part maudite. Son dessein : « devenir un peuple comme les autres, non spécifique ». Là est le principe létal au centre de la question juive. Un double spectre menace la condition du peuple juif. Le spectre de l'assimilation au prix d'une perte de spécificité identitaire ; le spectre de la dissociation du monde réel, par retrait hors les cadres de l'histoire réelle. Double risque de dissolution à venir. H. Arendt analyse cette impossible maintenance d'un peuple en archipel, dont le sionisme, paradoxalement, confirmant son exceptionnalité, conforte la rétraction en deçà d'une historicité comprise comme ouverture à la différence. En effet, la théorie d'une « substance » juive éternelle, unifiée (défendue par Théodore Herzl et le sionisme allemand), parce qu'elle fut en adéquation avec les théories également substantialistes au fondement de la culture de l'Allemagne du xixe et de la première moitié du xxe siècle, précipita cette « haine des Juifs », forme anticipée de l'antisémitisme. Anhistorique, le sionisme fut ainsi « incapable de toute analyse réelle », et priva les Juifs d'une perception claire des menaces qui pesaient sur eux.

4 « L'émancipation des Juifs aurait dû être une admission des Juifs en tant que Juifs dans les rangs de l'humanité, plutôt qu'un permis de singer les Gentils ou une occasion de jouer les parvenus ». L'apostrophe est sévère, lucide, sans complaisance. Aussi bien les différents types de parias figureront-ils la multiplicité des modes d'existence et de survie au sein d'un monde hostile qui dénie au peuple juif sa capacité d'action historique. La « tradition cachée » du paria relie le paria « malchanceux » (schlemihl), coupable de sa seule innocence, « seigneur des rêves », personnage central et merveilleux de Heine, porteur d'utopie, de joie de vivre, de générosité, défenseur de la liberté « naturelle » – au paria « grotesque et suspect », que figure Chaplin, forcément suspect, en effet, puisque témoignant de la sagesse juive ancestrale, et de l'ingéniosité humaine dans un monde dépourvu d'humanité. Kafka « représente » un autre type de paria, Juif solitaire au cœur d'un univers sans échappatoire, où se consomme le destin de l'homme de bonne volonté, qui ne s'intéresse qu'à « ce qui est universel », pour devenir le plus indiscernable des hommes, et survivre ainsi. Mais il est une autre forme de paria, le « paria conscient », qu'à l'évidence Arendt privilégie dans sa quête de l'homme juif comme acteur historique : Bernard Lazare sera cette haute figure qui voulut porter la question juive sur la scène politique. Figure aussi bien, et du même coup, du rebelle, qui s'insurge contre l'indifférentisme à l'endroit de la sphère politique et civique, de la masse de ses contemporains. Au risque d'être tenus pour responsables de « la souillure qui rejaillit sur l'humanité » quand viendront les temps de l'absolu malheur dont nul n'eut intelligence.

https://journals.openedition.org/assr/24230
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeVen 05 Mai 2023, 11:38

Recension brève mais intéressante -- j'attire l'attention sur le § 3 que tu as sauté, et qui permet de mieux comprendre certaines allusions de l'interview précédente, notamment aux "juifs de cour(s)"; dont une sorte de prototype serait d'ailleurs donné(e), j'en reviens toujours à la Bible, dans les "romans de diaspora", Joseph, Esther (et Mardochée), Daniel (et ses compagnons, aussi séparés, dans la première partie du livre). Certes la position des protagonistes est plutôt celle du haut-fonctionnaire que du partenaire indépendant (banquier p. ex.), mais il y va aussi (déjà) d'un certain savoir-faire dont le pouvoir politique, monarchique ou impérial, se sert, du moins tant que ça l'arrange, et contre lequel il peut aussi se retourner du jour au lendemain, en sachant pouvoir compter le cas échéant sur le concours d'une jalousie, d'une envie et d'un ressentiment "populaires"... D'où une certaine précarité par où le "juif de cour" rejoindrait malgré tout le paria, du moins dans l'imagination générale.
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeVen 05 Mai 2023, 11:55

Le judaïsme est-il une religion universelle ?

5 L’être en communauté avec les autres (commonality) et l’universalité ne sont pas une seule et même chose. La première fait appel à une logique de relations externes qui est une logique d’interaction réciproque ; la seconde, elle, recourt à une logique des parties et de l’ensemble c’est-à-dire d’inclusion totale. L’interaction s’effectue entre des personnes ; l’universalité englobe les personnes avant de les intégrer à elle. Ainsi, les Juifs ne purent jamais entamer un quelconque dialogue véritable avec un phénomène universalisant comme le communisme, précisément parce que cette idéologie ne pouvait rien faire d’autre que de phagocyter toutes les singularités externes au système. Le communisme n’admettait aucun être en communauté avec les autres, avec quoi que ce soit d’autre que lui-même.

6 En second lieu, pèse une menace qu’on pourrait appeler l’assimilation négative. À l’instar de l’assimilation positive, ce type d’assimilation s’effectue en liaison avec la revendication universalisante faite aux Juifs par des peuples démographiquement plus importants, leur demandant de renoncer à leur existence à part. Cette exigence revêt une insistance particulière lorsqu’elle est le fait de peuples qui tentent de dominer l’humanité tout entière. Elle diffère cependant de l’assimilation positive en ce qu’elle suppose que les Juifs ne peuvent pas être assimilés dans un ensemble plus large. Preuve en est que les Juifs ne se sont pas assimilés dans des ensembles plus importants en dépit des efforts investis des deux côtés pour que cela se produise. Lorsqu’on porte cette logique à l’extrême, comme ce fut le cas dans l’idéologie nazie, ce type d’assimilation requiert que les Juifs soient physiquement anéantis. Le nationalisme européen du xixe siècle, déjà fortement antisémite, pava la voie à l’idéologie nazie génocidaire du xxe siècle. On constate également que, lorsqu’il s’avéra que la tentative d’origine du communisme russe d’intégrer les Juifs dans son univers avait échoué, Staline projetait de faire ce qu’Hitler avait presque réussi à réaliser. Par chance, il mourut avant même de pouvoir causer au peuple juif autant de dommages qu’Hitler. S’il avait vécu, il aurait fort bien pu parachever efficacement le projet hitlérien d’extermination des Juifs.

7 Il est des Juifs aujourd’hui pour nourrir une certaine colère envers ces Juifs d’avant la Shoah qui pensaient faire partie d’un univers plus large grâce au moins à l’assimilation politique positive (par exemple en tant qu’« Allemands de confession juive »), empêchant ainsi leurs propres enfants de prendre conscience de la menace de l’assimilation négative avant qu’il ne soit trop tard pour résister à cette négation très réelle ou pour y échapper. Une telle colère est évoquée dans le célèbre essai que Jacques Derrida écrivit contre ce qu’il considérait être l’ultime legs du philosophe juif allemand Hermann Cohen (mort en 1918, près de quinze ans avant le début du régime nazi en Allemagne). Elle se retrouve également dans la colère que les Juifs contemporains projettent rétrospectivement contre ces Juifs – aujourd’hui presque tous morts – qui furent séduits par les prétentions universalistes du marxisme.


L’universel dans le judaïsme

10 En outre, le politique juif a besoin de la théologie juive pour être garant envers le Dieu d’Israël qui, comme l’a souligné le regretté Yehezkel Kaufman, philosophe israélien spécialiste de la Bible, ne pouvait que choisir les Juifs parce qu’il est le Créateur du ciel et de la terre – l’univers – et n’est ainsi pas limité à un peuple particulier, bien que les Juifs jouent effectivement un rôle unique dans l’implication divine au sein de l’univers créé. C’est ainsi que le prophète Amos, qui déclare au nom de Dieu « c’est vous seuls [Israël] que j’ai distingués entre toutes les familles de la terre » (Amos, III, 2), rappelle également à Israël, au nom du même Dieu universel, que l’Éternel se préoccupe aussi des Éthiopiens, des Philistins et des Araméens (Amos IX, 7). Le Dieu universel n’est l’apanage de personne ; il s’intéresse seulement davantage à certains qu’à d’autres ...

https://www.cairn.info/revue-pardes-2004-1-page-157.htm
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeVen 05 Mai 2023, 13:30

Bien que ce ne soit qu'une énième variation sur la sempiternelle aporie d'un universalisme particulariste ou d'un particularisme universaliste, la fin de l'article paraît au moins plus profonde que son commencement, que j'ai trouvé très injuste notamment à l'égard du "communisme": celui-ci doit certainement autant au judaïsme qu'au christianisme, et plus encore à leur coexistence asymétrique et millénaire -- qu'on pense à Marx et à sa Question juive, ou aux aspirations "socialistes" (et "laïques" ou "séculières") du "sionisme" initial...

Il est plus facile d'opposer superficiellement des mots comme universalisme, impérialisme ou totalitarisme que de penser en profondeur ce qui les différencie, ce qu'on ne peut jamais faire que jusqu'à un certain point, celui précisément où la pensée échoue, à condition du moins d'être allée jusque-là. Quand le deutéro-Isaïe renverse son dieu tutélaire vaincu en maître absolu et secret de l'histoire mondiale, son universalisme imaginaire n'en reproduit pas moins le modèle idéal et historique de l'empire vainqueur, générant une nouvelle rivalité de totalisations contradictoires, ou d'inclusions exclusives les unes des autres, qui se soupçonneront réciproquement, et non sans raison dans chaque sens, de n'être que des particularismes hypertrophiés (un peu plus loin ce sera "Dieu" et "César")... et encore, cette restriction (ne... que...) ne désignerait et ne mépriserait le "particularisme" que sur le fond sans fond d'un universalisme tacite, d'autant plus suspect de n'être celui de personne et de nulle part (comme "Dieu" en somme, si du moins son "idée" n'arrivait toujours quelque part).
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeMar 16 Mai 2023, 16:12

Les penseurs juifs face à l’émancipation : une intégration sans assimilation

Un certain nombre de penseurs juifs mettent en avant l’idée d’une affinité profonde et essentielle entre les enseignements du judaïsme et le projet moderne, qui auraient en commun une même conception de l’humanité, un même idéal d’éthique et de justice sociale. À partir de là, non seulement le processus d’émancipation, qui réconcilie appartenance juive et inscription pleine et entière dans le projet moderne, apparaît comme souhaitable, mais encore il est perçu comme un accomplissement : à l’aune de la profonde affinité entre judaïsme et modernité, l’intégration sans reste à la société environnante apparaît comme une manière de réaliser pleinement les promesses du judaïsme. On trouve une telle conception, par exemple, chez James Darmesteter (18491894), juif français érudit, disciple de Renan, professeur de persan au Collège de France et directeur d’études à l’École pratique des hautes études. Dans un opuscule intitulé Coup d’œil sur l’histoire du peuple juif, publié en 1881, il fait le constat qu’en quelques décennies, les juifs se sont parfaitement intégrés à la société moderne – il est lui-même un éminent exemple de cette intégration. Or, selon lui, si les juifs s’adaptent si aisément au monde contemporain, c’est en raison d’une affinité profonde entre les principes originels du judaïsme et l’idéal moderne de la science et du progrès. Cela suppose une certaine interprétation du judaïsme, un judaïsme détaché de l ’observance et de la pratique, et compris fondamentalement comme un message spirituel. Si l’on rapporte donc le judaïsme à sa dimension spirituelle et éthique, alors on constate, affirme Darmesteter, qu’il est parfaitement convergent avec l’idéal moderne des droits de l’homme et du citoyen, de la liberté et de l’égalité, de la science et du progrès :

C’est pour cela que le Judaïsme, seul de toutes les religions, ne peut pas entrer en lutte ni avec la science ni avec le progrès social, et qu’il a vu et voit sans crainte toutes leurs conquêtes. Ce ne sont pas des forces hostiles qu’il accepte par tolérance ou politique, pour sauver par un compromis les débris de sa force : ce sont de vieilles voix amies qu’il reconnaît et salue avec joie, car il les a, bien des siècles déjà, entendu retentir dans les axiomes de sa raison libre et dans le cri de son cœur souffrant. C’est pour cela que, dans tous les pays qui se sont lancés dans la voie nouvelle, les Juifs ont pris leur part, et non médiocre, plus vite que ne le font les affranchis de la veille, à toutes les grands œuvres de la civilisation, dans le triple champ de la science, de l’art et de l’action.

Avec la Révolution française, affirme Darmesteter, la pensée juive s’est, pour la première fois, trouvée « en accord, et non plus en lutte, avec la conscience de l’humanité ». La tension, voire la contradiction, qui existait jusqu’alors entre le judaïsme et la société environnante justifiait une existence juive séparée, gardienne de son message propre. Mais avec l’avènement de l’ère moderne cette contradiction disparaît, et judaïsme et modernité peuvent alors se fondre l’un dans l’autre puisqu’ils répondent au même idéal. Ainsi, d’après Darmesteter, la société qui se construit, en France, depuis la Révolution, reflète l’idéal même du judaïsme, et les juifs peuvent y disparaître progressivement. Darmesteter envisage sans état d’âme cette disparition puisque d’une certaine manière, elle est un accomplissement : « quand le peuple qui a fait la Bible s’évanouirait, race et culte, sans laisser de trace visible de son passage sur terre, son empreinte serait au plus profond du cœur des générations qui n’en sauront rien, peut-être, mais qui vivront de ce qu’il a mis en elle ». Notons que l’on trouve, de l’autre côté du Rhin, ce même idéal de synthèse, de symbiose, entre judaïsme et modernité : le philosophe néokantien Hermann Cohen (1848-1918) développe notamment l’idée d’une convergence essentielle entre l’esprit allemand et l’esprit du judaïsme6. Là où elle s’incarnait tout particulièrement, pour James Darmesteter, dans la France de la Révolution et de la Déclaration des droits de l’homme, c’est dans l’Allemagne de Kant et de l’Aufklârung que cette affinité profonde trouve, aux yeux d’Hermann Cohen, son expression privilégiée.

https://revues.droz.org/index.php/RHP/article/view/730/1075
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeMar 16 Mai 2023, 19:06

Intéressant.

Eternel problème des "identités", surtout collectives et transgénérationnelles: "le judaïsme" est et n'est pas du tout le même d'une génération et d'une situation à l'autre: entre celui qui au XIXe siècle ne demande qu'à se dissoudre dans la modernité rationnelle, laïque et révolutionnaire, pour en être rejeté presque aussitôt par un antisémitisme (pré-)fascisant, tout en y réagissant lui-même par un sionisme socialisant, et celui qui passe presque instantanément de l'avant-garde de la décolonisation internationaliste face à l'Empire britannique à l'arrière-garde de l'Etat colonial face aux Palestiniens, pour finir quelques décennies plus tard très près des néo-fascismes (devenus philosémites entre-temps), le jeu de yo-yo idéologique est aussi ample du côté religieux que du côté politique. Si continuité il y a, c'est celle de la réinterprétation permanente d'une tradition assez longue et diverse pour se prêter à toutes les oscillations...

Comme on l'a rappelé maintes fois dans ce fil, l'essentiel de la "religion juive", de 70 à 1948, est déterminé par une situation de diaspora -- même pour ce qu'il en restait en "Palestine": le "sionisme" initial a été un mouvement laïque, sinon tout à fait antireligieux, en tout cas contraire à toute la tradition rabbinique et rejeté presque unanimement par celle-ci. Le judaïsme d'après 1948, en Israël comme ailleurs pour autant qu'il s'identifie à "l'Etat juif", devient forcément tout autre chose, et ce qu'il retrouve dans des traditions plus anciennes (non seulement la "Bible hébraïque" mais ce qui en avait précisément été exclu par la tradition rabbinique, p. ex. les Maccabées, ou les textes de Qoumrân exhumés par l'archéologie) constitue un tout autre corpus que celui sur lequel s'est construite la tradition. Même sur les textes "communs" (ceux de la "Bible" ou du TaNaKh) la tradition ne fonctionne plus comme "filtre", puisque la situation n'est plus celle où cette tradition s'est formée: plus rien de "religieux" n'empêche un "Etat juif" de chasser les non-juifs de son territoire ou de les opprimer sur celui-ci, de mener la guerre à l'extérieur, de rebâtir un temple juif avec une prêtrise et des sacrifices si ça lui chante... Ce n'est certes pas pour le moment la volonté de la majorité des Israéliens, mais si ça le devenait ce n'est pas "le judaïsme" (religieux) qui y résisterait, bien au contraire: dans sa grande majorité il suit le mouvement politique, quel qu'il soit, tantôt traînant des pieds, tantôt poussant au crime. Les garde-fous sont désormais d'une autre nature, morale "laïque", pragmatisme politique, droit national et international, alliances géopolitiques.
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeVen 20 Oct 2023, 18:22

Israël: une majorité des ultraorthodoxes refuse catégoriquement de s’enrôler dans l’armée

En Israël, chacun sa guerre, chacun son combat. Depuis toujours, la communauté juive ultraorthodoxe vit à part. « Seule la prière et l’étude de la Torah apporteront le salut », estiment ces juifs religieux. Il y a dix jours encore, ils se battaient pour obtenir le renouvellement d’une loi d’exemption militaire. Alors que le pays mobilise actuellement 360 000 réservistes, hors de question pour la majorité des ultraorthodoxes de s’enrôler dans l’armée, comme le reste de la population israélienne.

https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20231020-isra%C3%ABl-une-majorit%C3%A9-des-ultraorthodoxes-refuse-cat%C3%A9goriquement-de-s-enr%C3%B4ler-dans-l-arm%C3%A9e
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeVen 20 Oct 2023, 18:40

Autant de militaires en moins, ce n'est pas moi qui m'en plaindrais...

Mais tout cela doit finir par être assez confus dans la tête du jeune juif moyen, qu'il habite Tel-Aviv ou Paris (où l'on continue de traiter le "judaïsme" comme une simple "religion", en fermant les yeux sur ses rapports avec un Etat étranger depuis bientôt 80 ans, tout en condamnant toute prise de position d'un musulman ou de n'importe qui en faveur d'autres Etats ou partis "étrangers").
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeMer 25 Oct 2023, 12:20

Citation :
Mais tout cela doit finir par être assez confus dans la tête du jeune juif moyen, qu'il habite Tel-Aviv ou Paris (où l'on continue de traiter le "judaïsme" comme une simple "religion", en fermant les yeux sur ses rapports avec un Etat étranger depuis bientôt 80 ans, tout en condamnant toute prise de position d'un musulman ou de n'importe qui en faveur d'autres Etats ou partis "étrangers").

C'est point qui m'interpelle depuis des années mais qui n'a pas l'air de provoquer de "remous médiatique" et encore moins politique.


ISRAËL. La Shoah ne protégera pas éternellement l’Etat hébreu

Sans la culpabilité engendrée par l’Holocauste, le pays n’aurait pas pu voir le jour. Mais toute culpabilité a ses limites prévient Ha’Aretz. La politique d’occupation favorise la montée de l’antisémitisme dans le monde.

“Je suis Hanna Weiss, née en Italie, n° A5377. J’ai survécu à Auschwitz. J’ai le sentiment d’avoir triomphé. J’ai eu une bonne vie, bien remplie. Chaque nouveau jour que vit une personne, c’est une fête.” Cette déclaration d’une survivante résume la semaine la plus importante du calendrier israélien [12-19 avril], celle située entre le Jour de la commémoration de l’Holocauste et le Jour du souvenir des soldats israéliens tombés au combat. Autant dire que cette semaine-là est la synthèse de la révolution sioniste, depuis l’Holocauste jusqu’à la résurrection [la création d’Israël].

Certes, ce ne sont pas les 6 millions de victimes qui ont fondé l’Etat d’Israël, mais elles lui ont fourni un gilet de protection au fil des ans. Les milliers d’Israéliens qui ont payé de leur vie l’indépendance, ceux dont nous célébrons la mémoire, devraient venir s’ajouter aux 6 millions. C’est au nom de ces derniers que l’ONU a décidé la partition de la Palestine, en novembre 1947. Sans eux, la majorité requise pour la résolution n’aurait pas été atteinte. Seul le lourd sentiment de culpabilité des différents pays du monde, qui n’ont rien fait pour enrayer la “solution finale” pendant qu’elle se déroulait, a fait pencher la balance. “Les pays du monde ont décidé de réparer deux mille ans d’injustice. […] Le rêve d’un peuple persécuté, qui a connu la souffrance et a subi un Holocauste, est sur le point de se réaliser”, pouvait-on lire, le 30 novembre 1947, dans un éditorial de Ha’Aretz. Sans ce sentiment de culpabilité, les Tchécoslovaques ne nous auraient pas livré des armes pendant la guerre d’indépendance [1947-1948], les Allemands ne se seraient pas rangés à nos côtés en toutes circonstances, les Américains ne nous auraient pas fourni de l’argent et des avions année après année. Il est donc logique d’associer le Jour de l’Holocauste à celui du souvenir. Ils sont l’un et l’autre à la base du Jour de l’indépendance.

Nous serons jugés sur nos actes

Le monde s’est senti coupable parce que l’élimination des Juifs d’Europe est un fait sans précédent dans les annales de l’humanité. Les atrocités n’ont pas manqué au cours de l’Histoire, mais une liquidation soigneusement planifiée à l’avance, visant à anéantir toute une population de la face de la Terre, était inédite. Les pays occidentaux se sont également sentis coupables de ne pas avoir ouvert leurs frontières aux réfugiés d’Allemagne et d’Autriche avant la Seconde Guerre mondiale. De plus, ils se sont bien gardés d’intervenir en 1942, quand le processus d’extermination était déjà connu. Ils n’ont pas bombardé, ne serait-ce qu’une fois, les lignes de chemin de fer conduisant aux chambres à gaz et aux fours crématoires, ni les camps de la mort, bien que près d’Auschwitz aient eu lieu des milliers de raids aériens et que des dizaines de bombes aient été larguées tandis que la machine de mort nazie tuait et brûlait 12 000 Juifs par jour. La cruelle vérité est que personne ne s’en souciait vraiment. Des centaines d’années de propagande antijuive, de persécutions, de pogroms et d’expulsions ont préparé le terrain à la haine.

La conclusion doit donc être sans équivoque. Dans notre monde cynique et cruel, nous devons continuer à renforcer l’armée israélienne, indépendamment de notre évolution politique. Le monde doit savoir qu’on ne veut plus jamais ça. Mais le renforcement de Tsahal ne dépend pas uniquement de nous. Il est aussi lié à l’image de notre pays dans le monde. Soixante-cinq ans après que les horreurs de l’Holocauste sont apparues au grand jour, de plus en plus de voix s’élèvent en Europe pour dire à Israël : plus jamais ça. Les sentiments de culpabilité ont eux aussi leurs limites. Dorénavant, nous vous traiterons comme un pays normal. Vous serez jugés sur vos actes, que cela vous plaise ou non.

Une critique mondiale de l’occupation des territoires

Et de fait, les dernières informations révèlent que le nombre d’incidents antisémites a nettement augmenté en 2009. On a affaire à un nouvel antisémitisme, où les vieilles haines se mêlent à une forte opposition à l’occupation. Le soutien à Israël, et donc à la consolidation de nos forces armées, ne peut plus aller de soi. Les sentiments de culpabilité de la planète s’émoussent, ce qui rend possible une critique mondiale de la poursuite de l’occupation des territoires palestiniens.

Et du fait qu’en Occident c’est l’opinion publique qui en dernière analyse détermine l’action des gouvernements, nous devons parvenir à un accord qui nous permette de quitter ces territoires et fasse à nouveau d’Israël un pays moral et juste. Une chose est sûre, le gilet protecteur de l’Holocauste ne durera pas éternellement. Il s’effiloche déjà sous nos yeux et bientôt il ne pourra plus nous protéger.

https://www.courrierinternational.com/article/2010/05/06/la-shoah-ne-protegera-pas-eternellement-l-etat-hebreu
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeMer 25 Oct 2023, 13:21

J'ai l'impression qu'on ne peut plus guère écrire ce genre de chose qu'en Israël ("ha-'Aretz", c'est le titre du journal à peu près équivalent au "Monde" chez nous, et ça veut dire "la terre", "le pays", et maintenant ce que nous nommons "l'Etat d'Israël"). Et encore, je ne suis pas sûr que ce qui s'y écrivait en 2010 y soit toujours publiable et lisible aujourd'hui. N'empêche que même comme archive les textes restent, et les questions aussi, et qu'ils continueraient de hanter les descendants-héritiers, si innocents qu'ils soient à titre individuel, bien après que les survivants proprement dits, victimes et bourreaux successivement ou simultanément, auraient disparu. La dynamique de la vengeance, ou de la "justice", fait d'ailleurs qu'ils ne disparaissent jamais, il y a toujours des victimes et des bourreaux survivants d'un conflit chaque fois différent et pourtant conçu comme toujours le même, par-delà les générations, les siècles et les millénaires.

L'introduction du concept moderne d'Etat-nation dans cette longue histoire y change cependant quelque chose: que ça leur plaise ou non, tous les juifs du monde se sont réveillés un beau matin, non plus seulement adeptes d'une "religion" ou membres supposés d'une "ethnie" particulière, mais ressortissants au moins potentiels d'un Etat étranger, quasiment expatriés d'une patrie où ils n'avaient jamais mis les pieds. La diaspora constituée depuis 2500 ans et plus n'avait jamais eu ce rapport à une entité politique, même pendant la brève autonomie judéenne de l'époque hasmonéenne ou hérodienne qui ne concernait guère les juifs d'Alexandrie, de Babylone ou de Rome. Et paradoxalement cela s'est transformé en un nouveau motif d'"antisémitisme" dont ils se seraient bien passés, même si la solidarité avec Israël a fini par prendre le dessus, en quelques décennies, sur 2000 ans de tradition rabbinique, prudemment apolitique.
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeLun 13 Nov 2023, 15:48

Etoiles de David taguées ...le fin de mot de l'histoire .

https://www.youtube.com/watch?v=VmhFro65RfM

Je suis d'accord pour que la lutte contre l'antisémitisme soit une cause nationale, voir la cause prioritaire, vu le péril imminent qui menace notre nation mais je trouve déplacé que cette lutte mette sous une seule et même bannière, tous les islamophobes de France, le RN étant le première bouclier protecteur de français de confession juive au côté d'autres partis politiques. 

Je me demande si une comptabilité est tenue pour répertorier tous les actes racistes commis en France ...


Dernière édition par free le Lun 13 Nov 2023, 16:03, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeLun 13 Nov 2023, 15:58

J'étais en train d'écrire sur le même sujet avant de te lire, mais ta vidéo illustre admirablement ce que j'essayais de dire...

Les "marches" d'hier "contre l'antisémitisme" (en France et surtout à Paris) m'ont fait réfléchir -- d'abord à partir d'une remarque d'Elisabeth Borne sur les "postures", visant LFI et le RN, "postures" qui n'auraient pas leur place dans (ni hors) de telles manifestations: mot malheureux car, si l'on réfléchit un peu, que sont les "manifestations" sinon des "postures", surtout pour des politiques ou autres "célébrités" qui vont s'y faire photographier, filmer, interviewer, à tout le moins mentionner ?

Mais au-delà de ce détail c'est le nom même d'"antisémitisme" qu'il faudrait interroger, qui donne une apparence d'identité, de continuité, d'essence et d'unité à quelque "chose", si l'on peut encore dire, d'encore plus insaisissable, divers, fluctuant, protéiforme ou inconsistant que "le judaïsme".

Qu'on le fasse remonter à Adam, à Noé, à Sem (!), à Abraham, à Jacob-Israël ou à Moïse au plan de la légende ou de l'histoire sainte, à Josias ou à Esdras-Néhémie au plan de l'histoire plus ou moins "critique", "le judaïsme" est lui-même insaisissable, de la diversité du "Second Temple" au "rabbinisme pharisien" et à ses suites talmudiques, qabbalistiques, hassidiques, tout cela étant bouleversé à son tour depuis plus de cent ans par le sionisme et l'Etat d'Israël. Mais ses "contraires" ou "adversaires" supposés le sont bien davantage, car au fil d'une telle histoire il y a eu toute sorte de raisons, bonnes ou mauvaises, d'en vouloir aux "Judéens" puis aux "J/juifs", avec ou sans majuscule selon qu'ils étaient considérés plutôt comme une "ethnie" ou comme une "religion" (et même la religion ne sort pas de l'ethnie, puisqu'un juif converti au christianisme ou athée reste "juif"). On a pu détester "les juifs" parce qu'ils se déclaraient le peuple élu d'un dieu unique, parce qu'ils méprisaient les dieux des autres, parce qu'ils avaient rejeté ou condamné Jésus, parce qu'ils étaient riches et avares, ou misérables, sales et pathogènes, supérieurs ou inférieurs en intelligence, en morale, etc. Et toutes ces "haines" successives ou simultanées, légendaires de la légende "juive" (d'Amalec à Esther) ou historiques (des tensions inter-communautaires des villes multiculturelles de l'Antiquité comme Alexandrie ou Rome aux pogroms de l'Europe chrétienne), et au nouveau contexte d'un Etat d'Israël trouvent une unité factice dans la figure paroxystique où elles culminent, le nazisme et la Shoah (alias "solution finale"). Deux mille ans avant Hitler comme 80 ans après, c'est toujours "Hitler" sous l'"antisémitisme" qui par l'unité négative ou antagoniste de son nom efface toutes ses différences.

J'ai repensé à Bernanos, qui avait commencé proche de l'extrême-droite maurrassienne (Action française), en consacrant un livre à l'antisémite Drumont (La grande terreur des bien-pensants), pour bifurquer dès la guerre d'Espagne contre le franquisme et tous les fascismes (Les grands cimetières sous la lune) et finir plutôt gaulliste, tout en étant profondément chrétien d'un bout à l'autre. Et à sa fameuse phrase au sujet de l'antisémitisme, qu'on lui a tant reprochée: "Ce mot me fait de plus en plus horreur, Hitler l'a déshonoré à jamais." Il y a encore moins d'unité de l'"antisémitisme" que du "judaïsme"...

free a écrit:
Je me demande si une comptabilité est tenue pour répertorier tous les actes racistes commis en France ...

Si on a dépêché toutes les polices et gendarmeries de France et de Navarre pour inspecter les chiottes des bistrots du territoire à la recherche du moindre graffito présumé "antisémite", on aurait pu en profiter pour leur faire relever les "anti-Arabes" ou "anti-musulmans"; il y en aurait sûrement eu beaucoup plus, mais d'un autre côté les enquêteurs auraient parfois eu moins de mal à se relire... (je plaisante, bien sûr, mais à moitié).
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeLun 13 Nov 2023, 17:12

Georges Bernanos et sa remise en cause de l’antisémitisme

En 1944, dans Chemin de la Croix-des-Âmes, Georges Bernanos fit son mea culpa sur l’antisémitisme. Il ne s’agit cependant pas d’une autocritique, mais d’un déplacement de son idéalisme : les robots et la technique remplacent désormais la fonction qu’avait la « banque juive ».

Voici les propos qu’il tient pour parer à toute accusation d’antisémitisme, cherchant visiblement à s’extirper, avec plus ou mois de succès, d’une cage mentale où il s’était confiné :

« J’ai reçu quelques lettres extrêmement touchantes de certains compatriotes juifs qui me reprochent d’avoir écrit que l’esprit juif et l’esprit allemand avaient entre eux une profonde affinité. Je regrette de les avoir peinés, c’est tout ce que je peux dire.

Aller plus loin serait déformer ma pensée, j’aime mieux la préciser encore aujourd’hui, même si je risque d’aggraver ainsi le malentendu, car je respecte trop la sincérité de mes sympathiques contradicteurs pour leur sacrifier la mienne.

Il y a une question juive. Ce n’est pas moi qui le dis, les faits le prouvent.

Qu’après deux millénaires le sentiment raciste et nationaliste juif soit si évident pour tout le monde que personne n’ait paru trouver extraordinaire qu’en 1918 les Alliés Victorieux aient songé à leur restituer une patrie, cela ne démontre-t-il pas que la prise de Jérusalem par Titus et la dispersion des vaincus n’a pas résolu le problème ?

Ceux qui parlent ainsi se font traiter d’antisémites. Ce mot me fait de plus en plus horreur, Hitler l’a déshonoré à jamais (…). Je ne suis pas antisémite – ce qui d’ailleurs ne signifie rien, car les Arabes aussi sont des sémites. Je ne suis nullement antijuif (…).

Je ne suis pas antijuif, mais je rougirais d’écrire, contre ma pensée, qu’il n’y a pas de problème juif, ou que le problème juif n’est qu’un problème religieux. Il y a une race juive, cela se reconnaît à des signes physiques évidents.

S’il y a une race juive, il y a une sensibilité juive, une pensée juive, un sens juif de la vie, de la mort, de la sagesse et du bonheur.

Que ces traits communs – sociaux ou mentaux – soient plus ou moins accusés, je l’accorde volontiers. Ils existent, voilà ce que j’affirme, et, en affirmant leur existence, je ne les condamne ni ne les méprise.

Il en est qui s’accorde mal avec ma propre sensibilité, mais je n’en sais pas moins qu’ils appartiennent au patrimoine commun de l’humanité, qu’ils maintiennent dans le monde la tradition et l’esprit de la plus ancienne civilisation spirituelle de l’Histoire.

De ce qui précède, les imbéciles concluront que je suis raciste. N’importe ! Je ne suis nullement raciste pour affirmer qu’il existe des races.

Le racisme condamné par l’Église est l’hérésie qui prétend distinguer entre les races supérieures par essence et les autres inférieures destinées à servir les premières, ou à être exterminées par elle. Ce racisme du nazisme allemand ou du Ku Klux Klan américain n’a jamais été, pour un Français, qu’une monstruosité dégoûtante.

Il n’existe pas de race française. La France est une nation, c’est-à-dire une œuvre humaine, une création de l’homme ; notre peuple, comme le peuple brésilien, est est composé d’autant d’éléments divers qu’un poème ou une symphonie.

Mais il y a une race juive. Un Juif français, incorporé à notre peuple depuis plusieurs générations, restera sans doute raciste, puisque toute sa tradition morale ou religieuse est fondée sur le racismeShocked  mais ce racisme s’est humanisé peu à peu, le Juif français est devenu un Français juif ; ses vertus héréditaires, comme les nôtres, sont désormais au service de la nation.

J’ai écrit que le génie juif est un génie de contradiction, de refus. Honneur à qui refuse le reniement, honneur à qui dit « non ! » à la servitude, à la honte, à la Kollaboration.

Ainsi la France a presque toujours rempli envers les Juifs, sortis des immenses, des inépuisables réservoirs juifs de l’Europe centrale et orientale pour entrer dans notre vie nationale, sa mission d’assimilatrice, de réconciliatrice, d’initiatrice. »

https://materialisme-dialectique.com/georges-bernanos-et-sa-remise-en-cause-de-lantisemitisme/
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeLun 13 Nov 2023, 17:42

C'est dommage qu'il y ait des lacunes (ellipses ou troncatures) dans cette citation, car Bernanos y expliquait, si je me souviens bien, que c'est l'"anti-" même qui discréditait une pensée, ou une idéologie...

(P.S.: Je retrouve, ici, p. 422: "Tous les mots d'ailleurs qui commencent par "anti" sont malfaisants et stupides...")

Qu'un certain "judaïsme" (qui n'est certes pas "LE judaïsme", mais celui-ci n'est pas totalisable ni saisissable) aboutisse à un "racisme", c'est ce qu'ont dit aussi bien les nazis (qui constataient la convergence de leurs positions, d'un point de vue opposé, avec celles d'Esdras-Néhémie ou d'Esther) que des antinazis juifs comme Simone Weil (qui s'est aussi retrouvée accusée, quoique juive, d'antisémitisme; on peut aussi penser à Hannah Arendt accusée par Scholem de manquer d'"amour d'Israël", 'ahavat-Yisrael, à l'occasion du procès Eichmann).

La trajectoire du mot "race", spécialement en français, passé du langage courant au langage "scientifique" au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe, exclu progressivement du "scientifique" puis du courant dans la seconde, avant d'être officiellement supprimé de la Constitution française au XXIe (avec autant d'inconséquence que de tartuferie, car s'il n'y a plus de "race" il n'y a plus de "racisme"), est exemplaire de l'assujettissement aveugle et constant de la pensée au langage et au moindre frémissement de ses modes. C'est à peine si nous pouvons lire un texte du milieu du XXe siècle sans achopper sur ce qui, à l'époque, allait de soi...
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeMar 14 Nov 2023, 11:21

Quelle évaluation porter sur cette solution « anti quelque chose » au désir métaphysique ?

Une première observation est à faire. Une posture « anti quelque chose » recherche le prestige accordé à une lutte courageuse pour une juste cause. Or, les « justes causes » sont parfois sujettes à une certaine variabilité. Dans notre liste initiale, certaines options sont marquées du sceau de l’infamie, vous savez bien lesquelles. Affaire de temps et de lieux ? Les Verts allemands des années soixante-dix étaient farouchement antimilitaristes. Ils professaient le slogan : « Besser rot als tot ». Qui signifie : « Il vaut mieux être rouge (accepter le communisme) que mort » (la traduction française perd l’assonance entre « rot » et « tot », qui faisait l’efficacité de la formule). Les Verts allemands d’aujourd’hui ont bien changé ; ils soutiennent totalement le projet de réarmement de l’Allemagne que le chancelier Scholz vient d’annoncer, projet de cent milliards d’euros.

Deuxième observation,  un « anti quelque chose » se place de lui-même dans une boucle réflexive contradictoire, un « double bind » pour parler franglais (mais comme le terme est devenu un mot-clé de la théorie mimétique, nous pouvons bien l’employer). Cette boucle est la suivante : notre « anti quelque chose » trouve sa raison de vivre dans un phénomène qu’il aspire à faire disparaître. Fâcheuse situation. Il est pris entre le désir sincère d’éradiquer ce contre quoi il milite et le désir secret que la chose perdure, puisqu’il y trouve sa raison d’être.

Serait-ce là le principal inconvénient d’être « anti » ? C’est possible. Pour preuve, l’acharnement des « antis » confrontés à l’amenuisement de leur « quelque chose ».  Ils cherchent à prolonger la nécessité de leur lutte en amplifiant le caractère néfaste de leur « quelque chose », en exagérant son influence et en réclamant que le travail d’éradication soit mené jusqu’au bout ; ou encore annonçant la menace d’un réveil potentiel. Notre pays compte 6,6% de catholiques pratiquants (IFOP 2021) et plus de 50% des Français se déclarent incroyants ; nombre de valeurs majoritaires aujourd’hui ne sont pas celles du christianisme, notamment en matière de mariage, d’avortement, d’euthanasie. Il est ainsi difficile de soutenir que l’Eglise exerce une influence sociale dominante. Cela n’empêche pas les mouvements anticléricaux de combattre la libre expression des valeurs chrétiennes, par exemple avec  l’interdiction des sites proposant des alternatives à l’IVG, ou de réclamer la suppression de tout symbole catholique, crèches ou statue de Saint Michel.

Nous avons déjà effleuré la troisième observation : le « quelque chose » dont notre personne est un « anti » a des allures de bouc émissaire. C’est parfaitement clair dans le cas de l’antisémitisme ou de la xénophobie. Le choix « anti quelque chose » implique la plupart du temps l’objectif d’expulser la chose en question, de la faire disparaître, de l’anéantir. Ainsi les anticapitalistes aspirent-ils à mettre fin au capitalisme ; Hervé Kempf l’a exprimé sans timidité excessive dans le titre de l’un de ses ouvrages : « Que crève le capitalisme. Ce sera lui ou nous. »

https://emissaire.blog/2022/10/19/de-linconvenient-detre-anti/

L'article n'envisage pas le cas de l'anti-antisémitisme, c'est à dire de l'anti-anti, quelque chose  Shocked
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeMar 14 Nov 2023, 11:50

Vu l'équivalence fonctionnelle signalée entre le préfixe anti- et le suffixe -phob(i)e, on pourrait aussi parler d'antisémitophobie...

Je ne suis pas girardien (pas anti-girardien non plus), mais je trouve ce petit billet plutôt bien senti et envoyé.

Sur le sujet de ce fil, il me semble assez clair que la continuité verbale d'un "antisémitisme" et d'un "antijudaïsme" aux contenus infiniment variables est un ingrédient essentiel de la longévité exceptionnelle d'un "judaïsme" aux contenus presque aussi variables. A preuve la mise en scène "juive" de l'"antisémitisme" (au sens le plus large) depuis "la Bible", du pharaon de l'Exode (pas celui ou ceux de la Genèse) à Esther par exemple.
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MessageSujet: Re: antijudaïsmes, antisémitismes   antijudaïsmes, antisémitismes - Page 12 Icon_minitimeJeu 16 Nov 2023, 17:57

Israël, l’ethnocentrisme colonise

entretien avec Michel Warschawsky, Thomas Schaffroth

La doctrine fondatrice de l’Etat d’Israël est toujours le sionisme. C’est-à-dire que tout le territoire géographique de la Palestine appartienne exclusivement aux juifs. Le « retrait » de Gaza, en fait, ne change rien à cette idéologie.

TS : Le retrait de Gaza a souvent été décrit par les medias français, et dans d’autres pays européens aussi, comme un conflit entre l’armée et les colons. Si l’on se réfère aux réflexions de certains de vos écrits, pourrait-on dire qu’il s’est agi surtout d’une opposition entre la « Synagogue » et l’état de droit démocratique ?

MW : Je resterais prudent avant d’évoquer une opposition entre la Synagogue et l’état de droit. En Israël, nous connaissons les pratiques génériques démocratiques comme élections, liberté de la presse, de pensée et d’association. Dans la constitution de notre pays, il manque cependant un article qui garantisse le principe fondamental de l’égalité de tous les citoyens et de toutes les citoyennes. Ça explique aussi les discriminations législatives à l’encontre de la population arabe et de façon plus générale envers toutes les personnes non juives qui vivent en Israël. En fait, dans sa charte constitutionnelle Israël se définit comme un Etat juif, plus précisément un Etat juif démocratique

De fait, un état ne peut pas se définir démocratique et juif en même temps. En fait, celui qui se proclame ouvertement état (mono) ethnique, ne peut pas être démocratique parce qu’il exclut automatiquement toutes les autres ethnies.

TS : Définiriez-vous cela comme une manifestation de racisme ?

MW : Je définis tout cela comme une forme particulière d’état que j’appelle ethnocratie, ou démocratie de l’ethnie dominante, qui se prétend par ailleurs propriétaire du sol et des terres. D’autres groupes ethniques peuvent aussi être tolérés, mais on leur nie collectivement la souveraineté de citoyens de l’Etat d’Israël, qui est réservée exclusivement à tous les juifs et juives, qu’ils vivent à Brooklyn ou à Marseille. Une forme politique insoutenable d’un point de vue de l’état de droit. Par ailleurs, il y a aujourd’hui des citoyennes et des citoyens de ce pays qui demandent l’abolition du cadre juridique qui rend cette pratique possible. En fait, si la loi assure des privilèges à une partie de la population et les refuse à l’autre, l’état peut être, de façon plausible, défini comme raciste.

(...)

TS : Pendant un meeting international des « Femmes en noir » qui s’est tenu à Jérusalem, face à l’attitude critique des Palestiniennes, certaines représentantes juives israéliennes ont réclamé une indulgence pour Israël, le pays qui était en train de le accueillir...

MW : C’est une générosité qui révèle justement la nature ethnique de l’Etat d’Israël. Même ceux qui s’expriment en faveur du retrait partiel des territoires occupés soulignent leur générosité, et dans tous les cas au motif du bien de leur pays. En d’autres termes : nous, nous avons les droits, aux autres nous laissons la « charité ». Selon les sionistes les « autres », les Palestiniens, ne peuvent pas réclamer des droits, mais doivent dire « merci » parce qu’on les laisse vivre en Israël.

Nous sommes en train de vivre une horrible régression politique et culturelle qui naît de la peur de l’« autre ».

Une démocratisation de la société israélienne signifierait cependant :

* a) une paix sans conditions avec la Palestine ;

* b) une attitude différente envers nos voisins. 

C’est-à-dire la naissance d’un Etat d’Israël différent.

L’autre motif de peur vient de la fracture dans l’unité nationale, par la fin possible du sionisme. La défaite politique de Simon Perès en 2000 a été le résultat de cette atmosphère, renforcée bien sûr par l’Intifada. Beaucoup de juifs ont pensé : ça c’est trop ! Et l’idée d’une guerre permanente contre les populations arabes s’est insinuée aussi dans la gauche israélienne.

https://www.france-palestine.org/Israel-l-ethnocentrisme-colonise
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