L'acte de foi dans l'évangile de Jean

Cf. ce que je suggérais plus haut de la "foi" comme "porte d'entrée" dans le cycle de la révélation -- on pourrait parler d'"entame du cercle", à condition d'en souligner le paradoxe: un cercle, par définition, ne commence ni ne finit nulle part, mais il faut bien commencer quelque part pour en tracer un, pour le décrire ou pour s'y inscrire. Il y a une équivalence générale des signifiants, "croire" <=> "connaître" <=> "voir" <=> "entendre" <=> "toucher" etc., qui tourne en rond et ne s'en cache pas, et le "croire" ne s'y distingue que relativement, comme une "entame" privilégiée mais nullement exclusive (on peut aussi commencer par "voir" ou "aimer", et on retrouvera le "croire" un peu plus loin)...

La seule chose que je déplore dans cet article et le livre qu'il commente (non dans l'extrait que tu en cites), ce sont les sempiternels coups de griffe convenus, obligés et inintelligents à la "gnose", qui prolonge le "johannisme" au moins autant que ne le fait l'"orthodoxie"...

Il faudrait beaucoup de bonne volonté ou de mauvaise foi pour ne pas voir de "lien" avec le Prologue de l'évangile: c'est manifestement une variation, non seulement sur le même thème mais sur le texte même (cela vaut pour de nombreux passages de l'épître par rapport à d'autres passages de l'évangile). Dans le détail, les déplacements sont multiples: la perspective communautaire du "nous", par exemple, arrive plus vite et elle est dominante, mais elle était déjà en Jean 1 (v. 14, 16).

Je ne suis pas sûr qu'il soit utile de préciser ce qu'il faut entendre par tel ou tel terme (commencement-arkhè, parole-logos, etc.): il y a, par rapport au Prologue de l'Evangile, un effet de "bougé" (c'est la même chose et ce n'est pas tout à fait la même chose), mais il fonctionne précisément dans l'imprécision de la référence, si j'ose dire... On suit bien mieux la danse des mots dans le rythme de leur échange, sans les arrêter pour les définir un par un. D'autant que chacun pris isolément peut tout signifier (le "commencement" comme la "parole", c'est aussi bien "le Christ" ou "Dieu").

La ponctuation de la NBS (cette fois je la reconnais !) traduit les problèmes de l'analyse "logique" du texte (tirets, parenthèses, digression, reprise), qui n'ont d'ailleurs guère d'importance car l'effet est essentiellement rythmique. Il faut quand même signaler que la première rupture, "-- il s'agit de", traduit en fait une préposition, peri + génitif, soit "autour de", "au sujet de", "à propos de", "concernant": la relation entre les mots, les locutions et les propositions est délibérément imprécise, oblique ou plutôt courbe, et mobile... (tout le contraire de la "prédication logique" dont on parlait tout à l'heure, qui dé-finit les choses en les fixant une fois pour toutes dans une identité, une nature, une essence statiques: X = X, S est p, ceci EST ceci ou cela).

Cf. Jean 17,20 et, supra, la fin de notre discussion du 28.3.2019, sur le problème de la "tradition" ésotérique, initiatique ou gnostique, autrement dit de la transmission d'expérience -- où un christianisme historico-dogmatique, ou "fondamentaliste", ne verra que la platitude d'un "témoignage oculaire", des "apôtres-qui-ont-vu-Jésus" à ceux qui ne l'ont pas vu, via la succession apostolique (en version catholique ou orthodoxe) ou l'Ecriture ("seule" en version protestante). Pour rappel, "Jésus" lui-même dit "nous", ou le "nous" se confond avec "Jésus", en Jean 3,11 p. ex.