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 Commettre le péché ou ne plus pécher

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MessageSujet: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeVen 05 Avr 2019, 13:51

Voyez de quel grand amour le Père nous a fait don :
nous sommes appelés enfants de Dieu ;
et nous le sommes !
Voilà pourquoi le monde ne peut pas nous connaître :
il n’a pas découvert Dieu.
 
Mes bien-aimés,
dès à présent nous sommes enfants de Dieu,
mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté.
Nous savons que, lorsqu’il paraîtra,
nous lui serons semblables,
puisque nous le verrons tel qu’il est.

Et quiconque fonde sur lui une telle espérance
se rend pur comme lui est pur.
 
Quiconque commet le péché
commet aussi l’iniquité ;
car le péché, c’est l’iniquité.

Mais vous savez que lui a paru pour enlever les péchés ;
et il n’y a pas de péché en lui.
 
Quiconque demeure en lui ne pèche plus.
Quiconque pèche ne le voit ni ne le connaît.

Mes petits enfants,
que nul ne vous égare.
Qui pratique la justice est juste,
comme lui est juste.

Qui commet le péché est du diable,
parce que depuis l’origine le diable est pécheur.
Voici pourquoi a paru le Fils de Dieu :
pour détruire les œuvres du diable.
 
Quiconque est né de Dieu
ne commet plus le péché,
parce que sa semence demeure en lui ;
et il ne peut plus pécher,
parce qu’il est né de Dieu.
 
A ceci se révèlent les enfants de Dieu et les enfants du diable :
quiconque ne pratique pas la justice n’est pas de Dieu,
ni celui qui n’aime pas son frère. 1 Jean 3, 1-10



Voici un texte qui parait ambigu et qui semble indiquer que ceux qui sont nés de Dieu sont dans l'impossibilité de commettre un péché, sans en exclure l'éventualité. On y retrouve aussi une formule a éclaircir : "le péché, c’est l’iniquité" qui semble s'opposer à l'expression : "Qui pratique la justice est juste". Quel sens a le "péché" dans les écrits johannique ? Ceux qui sont nés de Dieu sont-ils immunisés contre le péché ?

L'origine des hommes et leur filiation (fils de Dieu ou du Diable)  déterminent leur nature pècheresse ou pas.
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Narkissos

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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeVen 05 Avr 2019, 14:47

C'est à mon avis plus paradoxal qu'ambigu.

L'usage johannique du dualisme est subtil, et surtout dynamique: ses antithèses apparemment massives, par exemple "les enfants de Dieu et les enfants du diable", sont d'allure symétrique et "essentialiste", mais elles visent moins à opposer des individus et a fortiori des "catégories", des "groupes" ou des "classes" d'individus qu'à constituer des "types" qui divisent, au contraire, le prétendu "in-dividu"; il distingue aussi en "nous", c'est-à-dire en chacun, "ce(lui) qui est né de Dieu" et (donc) "ne peut pécher" d'autre chose; que "nous" (globalement, et in-dividuellement) ne soyons pas sans "péché", c'est parfaitement clair dès 1,8ss.

Ce texte mériterait une traduction beaucoup plus serrée: "découvrir" -> "savoir" <=> "connaître"; "être manifesté" = "paraître"; "commettre" -> "faire" (comme "Jean" dit aussi "faire la vérité", ici "faire [la] justice"); "iniquité" = anomia, "sans-loi", "hors-loi" (cf. ci-dessous); et surtout "ne pèche plus" -> "ne pèche pas" (et passim; contresens majeur, car si nous "péchons", "ce[lui] qui -- en "nous" -- est né de Dieu"  n'a jamais péché, il ne peut pécher); etc.

(Je pense que nous avons déjà évoqué tout ça ailleurs, j'y reviendrai volontiers plus tard mais pour le moment je suis obligé de faire bref parce que je dois bientôt partir...)
...
(Changement de programme, je ne pars plus...)

Voyez quel amour nous a donné le père, pour que nous soyons appelés enfants de dieu, et nous le sommes; c'est pourquoi le monde ne nous connaît pas, parce qu'il ne l'a pas (= jamais) su (<=> connu, sc. le père). Bien-aimés, maintenant nous sommes enfants de dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté; nous savons que s'il vient à être manifesté (cf. ici, 20.2.2019) nous lui serons semblables, car nous le verrons tel qu'il est; et quiconque a cette espérance en (sur) lui se purifie comme celui-là est pur.
Quiconque fait le péché fait aussi l'anomie -- le péché, c'est l'anomie; nous savons que celui-là a été manifesté pour ôter les péchés, et qu'il n'y a pas en lui de péché. Quiconque demeure en lui ne pèche pas; quiconque pèche ne l'a ni vu ni connu.
Enfants, que personne ne vous égare: celui qui fait la justice est juste, comme celui-là est juste; celui qui fait le péché est du diable, car le diable pèche dès le commencement; pour cela le fils du dieu a été manifesté, pour délier (= défaire, détruire) les œuvres du diable. Quiconque est né du dieu ne fait pas de péché, car sa semence (celle du dieu) demeure en lui, et il (ou elle) ne peut pas pécher, parce qu'il (ou elle) est né(e) du dieu; en cela les enfants du dieu et les enfants du diable sont manifestes: quiconque ne fait pas justice n'est pas du dieu, comme celui qui n'aime pas son frère.


La Première de Jean n'envisage pas du tout le "péché" d'un point de vue individuel et chronologique -- avant untel, Mme Y ou M. X, péchait, après il ou elle ne pèche plus (pour ne rien dire du distinguo jéhoviste entre péché "exceptionnel" et "habituel", qui est tout aussi hors-sujet). Elle met précisément en question l'unité et la continuité, autrement dit l'individualité, l'indivision ou l'identité du soi-disant "individu" ou "sujet": qui ou qu'est-ce qui agit ou parle en "toi" ? Selon que tu "pèches" ou que tu "aimes", ce n'est pas le même. A cet égard, la question rejoint la distinction paulinienne de la "chair" et de l'"Esprit": de "l'Esprit" paulinien aussi on pourrait dire qu'il ne pèche jamais, il serait absurde de dire qu'il ne pèche plus -- le croyant qui "pèche", en tant qu'il "pèche", est tout simplement sous l'empire de "la chair". Mais l'expression johannique se laisse moins facilement réduire à un dualisme anthropologique ou sotériologique statique (comme s'il s'agissait de "parties" de "soi", opposées mais par là même semblables): à chaque fois chacun se détermine intégralement, ou comme "enfant de Dieu" ou comme "enfant du diable" -- selon la logique trans-temporelle d'une "vie éternelle" qui se joue au présent (c'est tout ou rien maintenant ou jamais, il n'est pas question de "somme" ni de "moyenne", ni de "balance" ou de "bilan" futur; de purification, c'est tout autre chose).

Accessoirement par rapport à cette "logique" d'ensemble qui peut surprendre, mais est assez claire à la lecture du texte (à condition du moins que la traduction ne le ruine pas !), il reste un détail relativement obscur sur l'"iniquité" ou "anomie" du v. 4 (le mot n'apparaît qu'ici dans le corpus johannique); l'explication est probablement moins à chercher dans le sens ou l'étymologie du mot (non-loi, sans-loi, hors-loi: la "loi", nomos, n'est pas un "terme-clé" du johannisme, ni en bonne part comme chez Matthieu ou Jacques ni en mauvaise part comme chez Paul) que dans son usage "eschatologique" général. Comme le quatrième évangile, surtout dans sa seconde partie (en particulier chap. 14 et suivants), l'auteur de la Première épître exploite d'une façon originale le vocabulaire eschatologique commun (avènement ou parousie, ici "manifestation" ou épiphanie, etc.). Or l'anomia dans le discours eschatologique ordinaire, juif ou chrétien, c'est la désignation par excellence du "mal" qui est censé croître et culminer au temps de la fin (Matthieu 24,12; cf. 7,23; 13,41), parfois personnifié comme dans 2 Thessaloniciens 2 dans la ligne de la "diabolisation" d'Antiochos IV en Daniel (l"homme de l'anomie", qui rejoint la figure apocalyptique de l'"antéchrist" dont l'auteur de l'épître se sert aussi, 2,18.23; 4,3; cf. 2 Jean 7). Dire que "le péché c'est l'anomie", c'est donc mettre en principe tout "péché" et spécialement celui dont on parle, qui va être élucidé comme "haine" ou "manque d'amour" (voir la suite), en rapport direct avec le "pire" imaginé et imaginable -- de même la référence au "diable" du moindre "manque d'amour". C'est donc une hyperdramatisation du "péché", qui ne peut trouver d'issue que dans l'"amour" (ou d'une façon ou d'une autre par un retour au "cercle" des signifiants positifs, "aimer" <=> "croire" <=> "voir" <=> "obéir" ou "garder les commandements", etc.; cf. ici).
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeMar 09 Avr 2019, 10:16

Citation :
La Première de Jean n'envisage pas du tout le "péché" d'un point de vue individuel et chronologique -- avant untel, Mme Y ou M. X, péchait, après il ou elle ne pèche plus (pour ne rien dire du distinguo jéhoviste entre péché "exceptionnel" et "habituel", qui est tout aussi hors-sujet). Elle met précisément en question l'unité et la continuité, autrement dit l'individualité, l'indivision ou l'identité du soi-disant "individu" ou "sujet": qui ou qu'est-ce qui agit ou parle en "toi" ? Selon que tu "pèches" ou que tu "aimes", ce n'est pas le même. A cet égard, la question rejoint la distinction paulinienne de la "chair" et de l'"Esprit": de "l'Esprit" paulinien aussi on pourrait dire qu'il ne pèche jamais, il serait absurde de dire qu'il ne pèche plus -- le croyant qui "pèche", en tant qu'il "pèche", est tout simplement sous l'empire de "la chair". Mais l'expression johannique se laisse moins facilement réduire à un dualisme anthropologique ou sotériologique statique (comme s'il s'agissait de "parties" de "soi", opposées mais par là même semblables): à chaque fois chacun se détermine intégralement, ou comme "enfant de Dieu" ou comme "enfant du diable" -- selon la logique trans-temporelle d'une "vie éternelle" qui se joue au présent (c'est tout ou rien maintenant ou jamais, il n'est pas question de "somme" ni de "moyenne", ni de "balance" ou de "bilan" futur; de purification, c'est tout autre chose).


Merci Narkissos pour cette explication.

Ce texte n'est pas une exhortation des croyants à la pratique d'une morale particulière vertus ou la fuite des péchés, mais la manifestation d'une réalité  spirituelle profonde qu'ils portent en eux (ils sont enfants de Dieu), et dont l'auteur indique les manifestations visibles : pas en lui de péché,  celui qui fait la justice est juste, lui se purifie comme celui-là est pur ...

"Quiconque est né du dieu ne fait pas de péché, car sa semence (celle du dieu) demeure en lui" ; le texte fait allusion d'une manière paradoxale à la "semence" de Dieu qui est dans les croyants. Cette "semence" ne garantie-t-elle un statut permanent d'"enfants de Dieu" et la certitude de cette espérance ?  
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeMar 09 Avr 2019, 11:19

Un "statut" (surtout "permanent") est par définition "statique": c'est l'essence comprise comme prédicat plus ou moins tautologique et constant d'un sujet: constat d'ipséité, d'identité, de quiddité, de nature, d'espèce, de genre, de catégorie, de condition, d'état etc., on est toujours ce qu'on est, même si l'on est ceci ou cela plus ou moins profondément ou longtemps (plus longtemps "homme" qu'"enrhumé" p. ex.; ce que l'espagnol ou le portugais distinguent avec ser et estar); qu'on l'applique à un "individu" réputé identique à lui-même de la naissance à la mort en dépit de toute évidence contraire, ou à une "collectivité" qui ne fait que reproduire le même modèle d'individualité fictive (personne morale) sur un groupe supposé transcender l'individualité biologique. En tout état de cause ce qu'on appelle identité n'est que la relative continuité d'un corps, d'un nom, d'une mémoire, d'une habitude, d'une tradition ou d'une écriture.

Il ne fait pas de doute que le johannisme, comme la quasi-totalité des "religions" et/ou "philosophies" qui s'entremêlent de plus en plus à l'époque romaine, est perpétuellement confronté à la question du "salut individuel", rivée pour sa part à un concept d'identité indépassable. La question ultime de ce point de vue, ce sera toujours qui est "sauvé", est-ce que moi, je le serai ou pas, etc. Le johannisme fait tout ce qu'il peut pour détourner cette question (à la lettre idiote, c.-à-d. incapable de dépasser l'horizon de "soi", du "propre" ou du "même" idios) vers une essentialité dynamique et relationnelle: il utilise le dualisme symétrique (dieu-diable) pour briser la clôture du "sujet" ou "individu" et l'ouvrir à l'infini dans des directions opposées, il déjoue aussitôt la symétrie en insistant sur l'œuvre constante et déterminante du "bon autre" en "soi" (le Père, le Fils, l'esprit-pneuma, la semence-sperma, l'onction-khrisma, etc.). Mais le lecteur qui ne démord pas de sa problématique individualiste et futuriste reviendra toujours avec sa question à lui: c'est bien joli, mais est-ce que moi je serai "sauvé" ? -- à l'égard de laquelle les "réponses" johanniques paraîtront toujours "ambiguës", puisque justement elles n'y répondent pas. (Et, pour une fois, ce n'est pas parce que la question serait anachronique, c'est certainement l'une des plus "actuelles" de son temps; c'est délibérément que le johannisme s'en détourne comme il la détourne, et fait tout son possible pour en détourner ses lecteurs -- mais à l'impossible nul n'est tenu.)
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeMar 09 Avr 2019, 13:52

le péché ne se situe pas sur un plan moral ; il se définit radicalement comme la non-foi à l’égard de l’envoyé de Dieu. En finale de Jn 8, l’auteur johannique déploie le motif de l’esclavage du péché et aboutit à une définition du péché comme un contre-projet : au lieu de devenir enfant de Dieu, ceux qui refusent de croire se caractérisent comme les « enfants du diable » (Jn 8,38.41.44). L’opposition accentue la liberté des disciples et l’esclavage de ceux qui refusent de croire.

Par ailleurs, dans un contexte de polémique juridique, le narrateur johannique fait ressortir les prétentions divines du Jésus johannique, le Fils de Dieu, l’Envoyé, celui qui est sans péché (8,46 ; 7,18). L’absence de péché n’est pas une qualité morale, mais une expression de la vérité de Dieu révélée en son Fils (p. 203). Appuyées sur l’argumentation juridique développée en Jn 8, ces affirmations servent de tremplin aux analyses de deux passages des discours d’adieux (Jn 15,22-25 ; 16,8-11). Les dits sur le Paraclet (notamment 15,26 et 16,8-11) montrent comment la polémique juridique avec le monde se poursuit. Les rôles semblent inversés, mais Jésus n’est l’accusé que sur la scène extérieure ; il est en vérité « le Juge », et l’action postpascale du Paraclet en prolonge les effets. Jn 15, 18-16a insiste sur la haine du monde contre le Christ et contre les siens ; les deux horizons se confondent, le temps de Jésus et le temps de la communauté johannique. Le péché se définit par le refus de croire en Jésus l’envoyé de Dieu.

La notion johannique du péché n’est ni nomiste, ni moraliste ; elle ne se définit pas par rapport à la Loi, mais par rapport à la christologie. C’est le motif de la polémique juridique contre le monde qui permet de comprendre l’élaboration théologique de cette conception johannique du péché.

https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2005-2-page-291.htm?try_download=1
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeMar 09 Avr 2019, 14:56

Excellent résumé (lire au moins l'intégralité de la recension n° 13, sur l'ouvrage de Metzner).

Si l'on remettait cela dans la perspective plus large de l'évolution "biblique" du concept de péché (du "péché" comme faute ou défaut rituel, à peu près équivalent à l'"impureté" ou à la "souillure" dans les textes "sacerdotaux", à la moralisation essentiellement sociale des "Prophètes": le péché c'est le tort qu'on fait à autrui, et tout particulièrement l'oppression des pauvres, des faibles, etc.; pour aboutir, aussi bien dans la Torah que dans le NT en général, à une notion mixte ou hybride, sacro-morale), on constaterait (peut-être) que le johannisme marque un retour et une "spiritualisation" ou "sublimation" du concept sacerdotal. La morale (ou l'"éthique") prophétique a brisé le cercle du sacré, mais il faut à nouveau du "sacré" au second degré, de l'archi- ou de l'ultra-sacré (le Fils de Dieu, le révélateur) pour se dégager de la morale, et a fortiori d'une morale sacrée...

En ce qui concerne la "loi" (nomos), ce qui est très frappant par rapport au obsessions pauliniennes (contre !) ou matthéennes (pour !) c'est l'indifférence ou l'étrangeté du Christ johannique: votre loi...

[Accessoirement: je serais curieux de savoir quelle est la traduction de 1 Jean 3 que tu as citée dans le post initial de ce fil...]
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeMar 09 Avr 2019, 16:15

"quelqu’un voit son frère commettre un péché,  un péché qui ne conduit pas à la mort,  qu’il prie, et Dieu lui donnera la vie,  si vraiment le péché commis ne conduit pas à la mort.  Il existe un péché qui conduit à la mort :  ce n’est pas à propos de celui-là que je dis de prier ; toute iniquité est péché ;  mais tout péché ne conduit pas à la mort." 1 Jean 5,16-17

En plus de disposer d'un "défenseur" (2,1), les croyants qui commettent un péché peuvent obtenir la "vie" grâce à la prière de leurs frères, dans la mesure ou ils n'ont pas commis un péché qui conduit à la mort. Le texte indique que "tout péché ne conduit pas à la mort" établissant une espèce de hiérarchie ou de graduation concernant la gravité du péché.   
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeMar 09 Avr 2019, 17:20

Je suis de plus en plus intrigué par la (ou les) traduction(s) que tu cites !

Dans ton post initial l'"iniquité" c'était anomia (proprement hors-loi, 3,4), ici c'est adikia (= in-justice, hors-justice). Dans le premier cas c'était le "plus grave", ici ce serait plutôt le "moins grave" (si l'on tient à parler en termes de gravité).

Mot-à-mot, ou presque: Si quelqu'un voit son frère péchant un péché non pour la mort, il demandera et il lui donnera la vie, quant à ceux qui pèchent non pour la mort; il y a un péché pour la mort; ce n'est pas au sujet de celui-là que je dis qu'il demande; toute injustice est péché, et il y a un péché non pour la mort.

Il y a de toute évidence une référence à la tradition chrétienne générale du "péché impardonnable" (blasphème contre l'esprit dans les synoptiques, Matthieu 12,31// etc.), et une référence "intra-johannique" à la "maladie pour la mort" (Jean 11,4), marquée pour nous depuis bientôt deux siècles par son fameux usage kierkegaardien (la maladie à la mort -> le désespoir).

L'exégèse doit, autant que possible, se dégager de tout cela pour lire le texte et n'y entendre rien d'autre que ce qu'il dit, jusque dans le mouvement de ses contradictions (qu'elles soient du même auteur ou non importe peu): l'effet visé et obtenu en 5,16ss, malgré et par l'analogie de forme, semble être à peu près le contraire de 3,4: là il y avait, comme on l'a suggéré plus haut, hyperdramatisation du péché (tout péché, en l'occurrence tout manque d'amour, relève du "pire" eschatologique, l'"anomie", comme du "diable" ou de l'"antéchrist"); ici c'est au contraire une dramatisation: toute injustice est péché, mais tout péché ne relève pas du pire qui est sans remède, à tout le moins "humain" (car le texte, contrairement à ta traduction, ne dit pas que c'est "Dieu" qui donne la vie; on comprend bien plus naturellement "celui qui prie", comme en Jacques 5).
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeMer 10 Avr 2019, 10:00

Citation :
Je suis de plus en plus intrigué par la (ou les) traduction(s) que tu cites !
Dans ton post initial l'"iniquité" c'était anomia (proprement hors-loi, 3,4), ici c'est adikia (= in-justice, hors-justice). Dans le premier cas c'était le "plus grave", ici ce serait plutôt le "moins grave" (si l'on tient à parler en termes de gravité).


Dans ce cas précis, c'est la TOB. Dans mon post initial, c'est aussi la TOB.

 
Citation :
ici c'est au contraire une dramatisation: toute injustice est péché, mais tout péché ne relève pas du pire qui est sans remède, à tout le moins "humain" (car le texte, contrairement à ta traduction, ne dit pas que c'est "Dieu" qui donne la vie; on comprend bien plus naturellement "celui qui prie", comme en Jacques 5).



La NBS propose donc une meilleure traduction que la TOB :

"Si quelqu'un voit son frère commettre un péché qui ne mène pas à la mort, qu'il demande, et il lui donnera la vie ; il s'agit de ceux qui commettent un péché qui ne mène pas à la mort. Il y a un péché qui mène à la mort, ce n'est pas pour celui-là que je dis de demander. Toute injustice est péché — et il y a un péché qui ne mène pas à la mort."

L'idée que se soit la prière du croyant qui communique la vie semble gêner certains traducteurs qui insèrent "Dieu" dans le texte comme source de cette vie. (Voir la TMN 2018  https://www.jw.org/fr/publications/bible/nwt/livres/1-jean/5/  , ce qui constitue une modification par rapport à l'édition  de 1995 : "Si quelqu’un aperçoit son frère qui pèche d’un péché qui ne fait pas encourir la mort, il demandera, et il* lui donnera la vie, oui à ceux qui ne pèchent pas de telle façon qu’ils encourent la mort. Il y a un péché qui fait encourir la mort. C’est à propos de ce péché-​là que je ne lui dis pas de faire une demande." ; même si la note de renvoi précise "C.-à-d. Dieu, selon le contexte" )




Commentaire de la Bible annotée :

La prière du chré­tien pour lui-même (ver­sets 14, 15) de­vient né­ces­sai­re­ment prière pour ses frères, au moyen de la com­mu­nion in­time et vi­vante qui les unit et qui confond leurs in­té­rêts éter­nels dans un même amour.
Ainsi tout fi­dèle qui voit son frère pécher et qui l’aime, de­vien­dra son in­ter­ces­seur au­près de Dieu ; et il a ici la mi­sé­ri­cor­dieuse pro­messe qu’il ren­dra à cette âme la par­don et la vie. Il demandera et il lui donnera la vie.
Quel est le su­jet de ce der­nier verbe ? Les uns ré­pondent : Dieu, et la plu­part de nos ver­sions in­tro­duisent ce mot dans le texte. Mais il est plus na­tu­rel de don­ner aux deux verbes le même su­jet : le frère qui prie, dont il est en­core ques­tion à la fin du ver­set. Il donnera la vie à ce­lui pour qui il in­ter­cé­dera, en lui pro­cu­rant par sa prière le par­don et le se­cours de Dieu (com­pa­rer Jacques 5.15). Telle est, d’a­près l’a­pôtre, la puis­sance de la prière, qu’elle met le croyant, pour ainsi dire, en pos­ses­sion de la toute-puis­sance de Dieu. À une condi­tion tou­te­fois : c’est que le pé­cheur pour le­quel on prie ne pèche pas d’un péché à la mort. https://www.levangile.com/Bible-Annotee-1Jean-5-Note-16.htm
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeMer 10 Avr 2019, 11:08

3,1-10 NBS:

Citation :
1 Voyez quel amour le Père nous a donné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu — et nous le sommes ! Si le monde ne nous connaît pas, c'est qu'il ne l'a jamais connu.

2 Bien-aimés, maintenant nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons ne s'est pas encore manifesté ; mais nous savons que, quel que soit le moment de sa manifestation, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est.
3 Quiconque a cette espérance en lui se purifie, comme lui est pur.

4 Quiconque fait le péché fait aussi le mal ; c'est le péché qui est le mal.
5 Or, vous le savez, il s'est manifesté, lui, pour enlever les péchés ; et il n'y a pas de péché en lui.
6 Quiconque demeure en lui ne pèche pas ; quiconque pèche ne le connaît pas, il ne l'a jamais vu.

7 Mes enfants, que personne ne vous égare. Celui qui fait la justice est juste, comme lui est juste.
8 Celui qui fait le péché est du diable, car le diable pèche dès le commencement. Si le Fils de Dieu s'est manifesté, c'est pour détruire les œuvres du diable.
9 Quiconque est né de Dieu ne fait pas de péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui ; il ne peut pas pécher, puisqu'il est né de Dieu.
10 C'est en cela que les enfants de Dieu et les enfants du diable sont manifestes : quiconque ne fait pas la justice n'est pas de Dieu, tout comme celui qui n'aime pas son frère.

La TOB, du fait de sa méthode initiale (distribution des textes entre biblistes catholiques et protestants principalement, avec très peu de coordination centrale, de surcroît assurée par des adeptes de l'"équivalence dynamique"), est naturellement inégale: parfois meilleure, mais pas régulièrement et en tout cas moins cohérente qu'une traduction "centralisée" comme la NBS. Je n'en reviens quand même pas qu'ici elle ait pu être aussi inattentive au texte (je l'ai beaucoup consultée naguère mais peu lue). Cela donne l'impression d'un pasteur qui explique, le plus "clairement" possible, ce qu'il a compris d'un texte qu'il n'a pas vraiment lu.

La proximité de 1 Jean 5,16-18 avec Jacques 5 est encore plus flagrante si on lit ce dernier texte jusqu'à la fin (v. 19s).

Le thème de la prière, incontournable dans tous les christianismes comme dans tous les judaïsmes, paraît logiquement secondaire pour le johannisme (il n'apparaît d'ailleurs que dans la seconde partie de l'Evangile, dans les discours d'adieux, à partir du chapitre 14). Il n'est pourtant pas affaibli ni éludé, mais renforcé au contraire dans son paradoxe essentiel, celui de la demande certaine (certaine de son exaucement). En soi l'idée n'a rien d'original (cf. déjà Marc 11 p. ex.), mais elle résonne tout autrement dans le contexte général de la théologie johannique (avec "Dieu" en soi et soi en "Dieu", la réciprocité générale du "les uns les autres", etc.).
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeMer 10 Avr 2019, 12:12

"Si nous disons que nous sommes en communion avec lui, et que nous marchions dans les ténèbres, nous mentons et nous ne faisons pas la vérité. Mais si nous marchons dans la lumière, comme lui-même est dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres, et le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché. Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous égarons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous. Si nous reconnaissons nos péchés, il est juste et digne de confiance : il nous pardonnera nos péchés et nous purifiera de toute injustice. Si nous disons que nous n'avons pas péché, nous faisons de lui un menteur, et sa parole n'est pas en nous." 1 Jean 1, 6ss

La première épitre de Jean est déroutante, au chapitre 5, elle affirme "Quiconque est né de Dieu ne fait pas de péché" et au chapitre 1, elle souligne la nécessité d'être "purifié" et l'idée que le croyant doit reconnaitre son état de pécheur.
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeMer 10 Avr 2019, 12:46

Déroutant, mais aussi "enroutant" ("marcher").

Il y a un jeu paradoxal et dynamique (donc temporel) avec l'"identité" ou le "sujet", individuel ou collectif, qui déjoue la pensée habituelle, c.-à-d. statique, de l'être ou de l'essence, de la "prédication logique" (S est p, S = sujet et p = prédicat).

Si l'on pense de façon statique (et a priori personne ne pense autrement), on aboutit forcément à des contradictions formelles: "Nous", "je", "moi", c'est et ce n'est pas "ce(lui) qui est né de Dieu". L'aporie logique se desserre en revanche si on lui donne du temps, si elle cesse d'être pure affirmation ou négation logique pour devenir récit: c'est tantôt le même et tantôt un autre, voilà qui est déjà plus "imaginable", à défaut d'être tout à fait "pensable". Mais l'unité, l'identité fictive de tout "sujet" s'y perd fatalement: "Nous", "moi", ce n'est jamais le même: c'est tantôt "le dieu", tantôt "le diable" comme deux principes radicalement étrangers et incommunicables (le dieu lumière sans ténèbre, le diable ténèbre sans lumière, qui "pèche dès le commencement", qui est son propre père d'après Jean 8, de ce point de vue le dualisme est absolu), et tantôt aussi ce qui mystérieusement et contre toute logique dualiste passe de l'un à l'autre (comme celui qui "se purifie", qui "vient à la lumière", etc.). Il faut lire et relire, sans déduire ni conclure, car toute synthèse par définition sort du mouvement (dynamique), autrement dit du jeu.
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeVen 04 Sep 2020, 12:25

"Que dirons-nous donc ? Demeurerions-nous dans le péché, pour que la grâce foisonne ? Jamais de la vie ! Nous qui sommes morts pour le péché, comment vivrions-nous encore en lui ? Ignorez-vous que nous tous qui avons reçu le baptême de Jésus-Christ, c'est le baptême de sa mort que nous avons reçu ? Par ce baptême de la mort, nous avons donc été ensevelis avec lui afin que, tout comme le Christ s'est réveillé d'entre les morts, par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions sous le régime nouveau de la vie. En effet, si nous avons été assimilés à lui par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable. Nous savons qu'en nous l'homme ancien a été crucifié avec lui, pour que le corps du péché soit réduit à rien et que nous ne soyons plus esclaves du péché ; car celui qui est mort est justifié, il est quitte du péché. Or si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui, sachant que le Christ réveillé d'entre les morts ne meurt plus ; la mort n'exerce plus sur lui sa maîtrise. S'il est mort, en effet, c'est pour le péché qu'il est mort, une fois pour toutes ; et s'il vit, il vit pour Dieu. Ainsi vous-mêmes, estimez-vous morts pour le péché et vivants pour Dieu, en Jésus-Christ" (Rm 6,1-11).  

Le fait d'être libéré (ou quitte) du péché apparait comme une réalité présente, cette libération est liée à la mort ou "transformation" qui implique que l'homme ancien est crucifié au moment du baptême de la mort pour laisser place au "régime nouveau de la vie" ("une vie nouvelle" TOB). Le paradoxe de la pensée de Paul réside dans le fait que le péché est vu comme une réalité dans le corps du croyant comme une loi et d'un autre côté il considère que le croyant est libéré du péché. Je ne m'attarde pas sur l'interprétation de la Watch qui voit dans ce texte l'idée qu'à la mort physique l'homme est quitte du péché et qu'il sera jugé à partir des actions qu'il accomplira dans le nouveau système de chose.
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeVen 04 Sep 2020, 13:49

Dans la formule plus concise mais ambiguë du grec (mot-à-mot: car celui qui est mort est justifié du péché -- où "est mort" doit s'entendre au sens verbal actif, si l'on peut dire, et passé, comme qui dirait *a mouru*, et non nominal ou adjectival, présent et attributif, "est [un] mort", différence inaudible en français; et surtout "du" au sens de l'ablatif, apo = from, von etc., de provenance ou de séparation, de mouvement de "sortie" du péché ou de rupture avec le péché), deux logiques hétérogènes se rejoignent et se télescopent (comme souvent dans l'épître aux Romains): l'une, juridique et judiciaire (forensique, comme on disait jadis), où "justification" s'entend au sens de l'acquittement, du non-lieu ou du classement sans suite, en l'espèce comme l'extinction de l'action judiciaire qui résulte de la mort du prévenu, en droit romain comme dans la plupart des législations; l'autre, religieuse et myst(ér)ique, mythique et rituelle, plus proche d'une "magie" que d'un quelconque droit, celle de mort et résurrection, où la mort est nécessaire à la résurrection dans toute la métonymie de ces termes, du sens "propre" à tous les sens "figurés" qu'on voudra. La combinaison de ces deux logiques qui n'ont a priori aucun rapport entre elles forme une para-logique qui n'est pas vraiment logique, mais qui permet à la rhétorique paulinienne de se dégager des impasses où l'enfermerait l'une ou l'autre logique appliquée strictement, par un effet de "saut" bien marqué notamment par l'exclamation mè genoito, ici traduite par "jamais de la vie !": on saute d'une logique à une autre quand la première devient embarrassante -- sans la réfuter le moins du monde. (Ce genre de hiatus logique qui fait toute la dynamique de l'épître, par le "jeu" verbal qu'elle rend possible, rend aussi possible, bien sûr, et surtout quand on s'en tient à un verset, des interprétations encore plus excentriques comme celle de la Watch.)
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeVen 04 Sep 2020, 15:56

Le temps qui s’étend entre la justification et le salut est celui de la sanctification : « De même que vous avez mis vos membres comme esclaves au service de l’impureté et du désordre qui conduisent à la révolte contre Dieu, mettez-les maintenant comme esclaves au service de la justice qui conduit à la sanctification » (Rm 6, 19) ; ou encore, aux mêmes Romains : « Vous portez les fruits qui conduisent à la sanctification, et leur aboutissement, c’est la vie éternelle » (Rm 6, 22). Les croyants sont d’ailleurs qualifiés par Paul de « saints » (Rm 1, 7). Cette sainteté n’est pas une qualité que l’homme obtiendrait par son comportement, ses actes — ce qui serait contraire à la pensée de Paul ; le croyant est saint par appel, par vocation, il prend place dans un peuple de saints. La sainteté qui prend corps dans ce temps qui s’étend de la justification au salut n’est pas reçue une fois pour toutes ; aussi l’apôtre adresse-t-il de multiples appels aux membres des communautés qu’il a fondées, afin qu’ils se montrent dignes de l’appel reçu.
(...)
Le croyant, libéré du péché par la mort du Christ, est entraîné à sa suite : « Car, en mourant, c’est au péché qu’il [le Christ] est mort une fois pour toutes ; vivant, c’est pour Dieu qu’il vit. De même, vous aussi : considérez que vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus Christ » (Rm 6, 10-11). Cette vie est possible depuis que « le Christ a libéré [les hommes] de la loi du péché et de la mort » (Rm 8, 2). Afin de pouvoir dire, comme Paul : « C’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20a), le croyant doit se laisser guider par l’Esprit. En effet, il ne marche pas « sous l’empire de la chair […], mais sous l’empire de l’Esprit » (Rm 8, 5). L’homme sous l’emprise de la chair est livré à ses seules forces ; bien plus, il se laisse guider par tout ce qui, en lui, le conduit à se replier sur lui-même et à refuser la vie en Christ. La mort du Christ a ouvert un temps où l’homme justifié peut, « par l’Esprit », faire mourir « ce comportement charnel » (Rm 8, 13b), et ainsi vivre en vérité. La filiation divine se manifeste par une vie conduite par l’Esprit, car les croyants ont reçu « un Esprit qui fait d’[eux] des fils adoptifs et par lequel [ils crient] : Abba, Père » (Rm 8, 15). L’Esprit fait vivre dès maintenant dans l’intimité de Dieu, car l’œuvre de Dieu, c’est de faire des croyants des fils adoptifs (Ga 4, 7). https://www.cairn.info/revue-etudes-2004-5-page-637.htm
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeVen 04 Sep 2020, 16:36

Cet article me semble un modèle de ce qu'il ne faut pas faire avec le corpus paulinien (ou n'importe quel corpus, du reste -- je trouve ça d'autant plus regrettable que l'auteur [de l'article] est capable de beaucoup mieux): partir de l'auteur-personnage (Paul) et de sa biographie supposée (d'après un mixage des morceaux "autobiographiques" des épîtres, authentiques ou non, et des Actes), puis passer de "son expérience" à "ses textes" réputés authentiques (ce qui revient forcément à les aborder sous un angle "psychologique", même s'il reste inavoué) pour en tirer une "synthèse" ou un "système" idéologique en les mélangeant tous, quitte à nuancer ensuite -- le lecteur retiendra de toute façon la synthèse ou le système, que la plupart du temps il croit déjà "connaître", non les nuances. Résultat, on ne fait que confirmer un schéma catéchétique (p. ex. "justification" d'abord, "sanctification" ensuite, "salut" ou "vie éternelle" à la fin) qui n'apparaît nulle part tel quel dans les textes et qui y serait partout contredit si on devait le présupposer. La "sanctification" ou "consécration" (hagiasmos) chez "Paul" est tantôt initiale (p. ex. 1 Corinthiens 6,9ss), tantôt finale (Romains 6), tantôt en cours -- comme la "justification", le "salut", la "vie éternelle", la "rédemption" ou la "résurrection" d'ailleurs. Bref, il n'y a pas de synthèse ni de système qui tienne et il faut lire chaque texte pour ce qu'il dit.

Un des inconvénients majeurs d'une synthèse est de rendre invisibles les mouvements des thèmes à l'intérieur du corpus -- comme si "Paul" avait toujours pensé la même chose, ne livrant qu'une partie de sa pensée supposée immuable d'un texte à l'autre: par exemple, rien qu'entre la correspondance corinthienne et l'épître aux Romains, quand la problématique de la justification par la foi opposée aux oeuvres de la loi vient sur le devant de la scène, beaucoup d'autres motifs et non des moindres passent à l'arrière-plan ou disparaissent complètement -- notamment la "croix" ou le "corps", du corps-Eglise (1 Corinthiens 12) à la résurrection corporelle (1 Corinthiens 15). Il ne s'agit pas d'en déduire un schéma évolutionniste (qui serait encore un moyen de synchroniser la diachronie en spatialisant le temps) pour valoriser tel discours au détriment des autres, soit le plus ancien parce qu'il serait le plus "original" ou le plus récent parce qu'il serait le plus "abouti"; mais on se tromperait tout autant à vouloir organiser ou articuler les divers enseignements comme des "éléments de doctrine" dans un système synchronique par définition, alors qu'ils n'ont précisément pas été pensés ensemble.

Pour revenir à mon post précédent, ce n'est pas seulement sur la "justification", le "salut", la mort et la vie, que les "logiques" (juridique et mystique) se télescopent: la notion de "péché" elle-même, comme on l'a souvent montré (cf. supra 9.4.2019 et le lien), est un amalgame qui confond une logique sacerdotale (l'impureté ou la souillure qui se purifie, se lave, demande expiation ou propitiation par voie rituelle ou sacrificielle), juridique et judiciaire (la faute ou le crime qui appelle châtiment ou vengeance), économique, financière ou commerciale (la dette à payer ou remise, la rançon du captif ou de l'esclave), et ainsi de suite. A cet égard aussi la rhétorique paulinienne joue sur tous les tableaux, passant de l'un à l'autre, peut-être le plus souvent sans même s'en rendre compte, selon les nécessités de l'argumentation.
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeMar 08 Sep 2020, 14:53

Paul et la justice de Dieu

Un premier constat terminologique doit attirer notre attention. L'expression "pardon des péchés" (ἄφεσις ἁμαρτιῶν) n'apparaît jamais — à une exception près16 — dans les épîtres pauliniennes. Il en va de même du verbe pardonner (ἀϕίημι) qui, lui aussi, n'intervient dans ce sens qu'une seule fois et encore dans le cadre d'une citation (Rm 4,7). Ce constat de carence mérite d'être interprété soigneusement, car il pourrait prêter à malentendu et masquer l'essentiel.

Une telle conclusion serait pourtant erronée. Certes, Paul recueille dans ses épîtres les très anciennes traditions voyant dans la mort du Christ un sacrifice expiatoire culminant dans le pardon des péchés. En revanche, lorsqu'il en vient à s'exprimer lui-même, il ne se sert jamais du langage sacrificiel et des représentations diverses qui lui sont liées. Nous l'avons déjà dit : il ne connaît pas le mot pardon, pas plus qu'il n'utilise le terme "péché" au pluriel. Comment faut-il comprendre ce étonnant état de fait ?

Le passage du pluriel au singulier dans l'usage du terme "péché" nous livre un premier indice. Pour l'apôtre, le péché n'est pas d'abord un manquement moral occasionnels que Dieu effacerait par miséricorde. Le péché décrit au contraire une crise fondamentale qui affecte la totalité de l'existence humaine. C’est la relation comme telle de l'homme à Dieu qui est en cause. Ou plutôt : le péché décrit la perversion de cette relation, c'est-à-dire la prétention de l'homme à l'autonomie. Que cette prétention à l'autonomie se concrétise dans la transgression de la Loi — dans cette hypothèse l'homme révolté s'attaque à la norme divine pour afficher son indépendance — ou que cette prétention à l’autonomie prenne le visage de la perfection morale — dans cette hypothèse l'homme prétend être le seul et suffisant acteur de son salut — ne change rien. L'homme revendique son autonomie par rapport à son Créateur, il se libère de toute attache et nie par là son statut de créature. Dieu cesse d'être Dieu et l'homme d'être sa créature, voilà le péché au sens paulinien.

Dans l'épître aux Galates, puis dans l'épître aux Romains, l'apôtre des Gentils emprunte une autre voie encore. La croix devient le lieu de la manifestation de la justice de Dieu21. Non pas d'une justice distributive, mais d'une justice créative. Par justice de Dieu, il faut en effet entendre l'acte par lequel Dieu déclare juste — sans aucune condition préalable — le pécheur. L'asymétrie que nous avions d’emblée mise en évidence dans la relation Dieu-homme trouve ici son expression achevée. A la croix, Dieu révèle sa justice, ce qui signifie : il rétablit la relation rompue entre l'homme et lui-même par pure grâce ; il offre au pécheur la possibilité d'être libéré de sa passion d'autojustification et de recevoir sa vie de Dieu seul ; à la croix, le Créateur offre par pur amour à l'homme révolté la possibilité de redevenir sa créature. https://books.openedition.org/pusl/18021?lang=fr


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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeMar 08 Sep 2020, 16:21

C’est là la doctrine spéciale de Paul : il n’y a pas même la pensée d’une justice de loi, acquise pour nous par un autre. Il y a expiation pour le péché dans lequel nous sommes, que nous avions commis comme étant dans le premier Adam mais, je le répète, aucune justice à lui conférée ; rien, si ce n’est la clôture de son histoire, son état de mort devant Dieu, dans lequel, en grâce, le Seigneur a pris sa place, quant au jugement qui lui était dû. « Vous êtes morts à la loi par le corps du Christ pour être à un autre, à celui qui est ressuscité d’entre les morts ». D’où il ressort que, sous la loi, il n’y avait aucune connexion entre Christ et les pécheurs. « À moins que le grain de froment ne tombe en terre et ne meure, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Nous sommes unis à Christ dans sa nouvelle position, où il est l’homme juste à la droite de Dieu, après qu’il a été mort au péché une fois, et il est vivant à Dieu. Mais si le grain de froment meurt seul, comme venu au milieu de la famille du premier Adam, la mort est écrite sur tout ce qui est d’Adam. Cela a cessé d’exister devant Dieu, si nous pouvons parler ainsi. Et lorsque l’Esprit de Dieu parle, dans toute leur étendue, des bénédictions auxquelles nous sommes appelés, il ne parle pas de nous comme d’hommes ayant vécu dans le péché, ou comme étant condamnés par la loi, ou comme ayant une vie dans laquelle ils avaient à garder la loi. L’homme était mort, complètement mort dans ses offenses et dans ses péchés ; le Juif était, non seulement un transgresseur, mais par nature un enfant de colère comme les autres. Or quel est le premier objet présenté ? Christ mort (c’est-à-dire, en grâce, placé là où nous étions), élevé au-dessus de toute principauté et puissance, et ensuite nous « vivifiés ensemble avec lui ; ressuscités ensemble et assis dans les lieux célestes en lui ». Au point de vue des conseils de Dieu, il n’y avait, si je puis m’exprimer ainsi, plus aucun homme vivant. Il y avait l’homme mort dans ses offenses et dans ses péchés, mais il y avait aussi un Christ mort qui se trouvait là ; et comme Dieu l’a ressuscité, il nous a ressuscités aussi avec lui, qui était descendu ici pour nous. Quand Dieu agit avec nous moralement, comme avec des êtres responsables, il nous voit vivant dans le péché, transgressant la loi, méprisant sa bonté.


C’est là la manière dont le sujet est considéré dans l’épître aux Romains. Dans les Éphésiens, c’est simplement une nouvelle création quand nous sommes morts. Pour rendre ceci un peu plus clair, il y a deux manières dont je puis traiter le sujet des relations entre Dieu et l’homme. Je puis prendre simplement les conseils de Dieu et commencer par là. C’est ce qui se trouve dans les Éphésiens. Ou bien, je puis prendre l’état actuel des hommes, comme enfants d’Adam responsables, et montrer comment la grâce répond à cet état : le résultat en étant heureusement la confirmation de l’autre, mais le point de vue est différent. Ce dernier est le point de vue de l’épître aux Romains, savoir les voies de Dieu dans son gouvernement moral, satisfaites par la grâce. Dans les Éphésiens, l’homme est présenté comme mort dans le péché. Tout est l’œuvre de Dieu du commencement à la fin. Pour accomplir en grâce ce conseil béni, on y voit Christ mort, et nous, morts dans le péché, sommes ramenés à Dieu, suivant ces conseils, avec et comme lui. Dans les Romains, l’homme est démontré mort, mourant sous les effets du péché et de sa condition morale comme être vivant et responsable, enfant du premier Adam, et cette responsabilité, celle d’un pécheur qui s’est perdu lui-même, est rencontrée par la grâce.
https://www.bibliquest.net/JND/JND-Justice_de_Dieu_CW7.htm
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeSam 31 Oct 2020, 11:01

Citation :
Le johannisme fait tout ce qu'il peut pour détourner cette question (à la lettre idiote, c.-à-d. incapable de dépasser l'horizon de "soi", du "propre" ou du "même" idios) vers une essentialité dynamique et relationnelle: il utilise le dualisme symétrique (dieu-diable) pour briser la clôture du "sujet" ou "individu" et l'ouvrir à l'infini dans des directions opposées, il déjoue aussitôt la symétrie en insistant sur l'œuvre constante et déterminante du "bon autre" en "soi" (le Père, le Fils, l'esprit-pneuma, la semence-sperma, l'onction-khrisma, etc.).

J'ai relu ce fil passionnant … Merci Narkissos pour ces explications.

"Quiconque est né de Dieu ne fait pas de péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui ; il ne peut pas pécher, puisqu'il est né de Dieu" (1 Jean 3,9).

Si, comme le consensus exégétique le veut, (atpta) désigne une «semence» divine, alors celle-ci demeure «en lui», c’est-à-dire, dans celui qui est engendré de Dieu. D’aucuns pensent que cette «semence» est la parole de Dieu. D’autres croient à une référence cryptique à l’Esprit, à la manière de l’«onction» de 2,20.27. Il s'en trouve qui voudraient combiner les deux hypothèses, de sorte que (artpta) désignerait à la fois la «parole» de Dieu et l’«Esprit» de Dieu, ces deux réalités étant à leurs yeux indivisibles. J. Beutier préfère garder l’ouverture polysémique de l’expression bien au-delà de la dualité parole / esprit, pour qu’elle signifie en général tout principe de vie émanant de Dieu et demeurant dans le croyant. Ce serait alors synonyme  de «parole», «esprit», «vision», «communion» ou «connaissance de Dieu», «vie», «onction», etc. Quant à nous, nous sommes persuadé qu’il faudrait plutôt revenir à une autre ligne d’interprétation, suggérée déjà par A.W. Argyle (1953-1954 : 62-63) en lisant le substantif (arpta) au sens de «descendance» (Jn 7,42; 8,33.37; Ap 12,17). II pourrait s’agir alors d’une désignation soit de Jésus, soit des fidèles comme «descendance» de Dieu. Nous optons pour la dernière solution. Nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une reprise parallèle de l’idée énoncée en 3,5b-6, à savoir que celui qui ne pèche pas demeure en Dieu. Nous lisons donc la proposition causale comme suit : «parce que sa (de Dieu) descendance (les fidèles) demeure en lui (Dieu)». Nous avons conservé cependant l’ambiguïté de l’expression dans la traduction française en rendant le substantif par «semence / descendance». https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/17722/Luna_Rodolfo_Felices_2004_these.pdf?sequence=1&isAllowed=y

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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeSam 31 Oct 2020, 12:15

C'est l'effet de ce que j'ai souvent appelé la danse des signifiants, si caractéristique à mon sens des textes johanniques: une sorte de ronde incessante où aucun mot n'occupe une place centrale ou, ce qui revient à peu près au même, chacun peut l'occuper tour à tour.

Il n'en est pas ainsi du corpus paulinien, et a fortiori de la dogmatique ultérieure, où "l'Esprit" (pneuma-spiritus) devient un bloc signifiant-signifié-référent central, monolithique, inamovible et indissoluble (un comble pour ce mot-là !), qui arrête toute pensée et que plus rien ne vient interroger parce qu'"on sait ce que c'est", même si on ne le sait pas. Tout le reste du vocabulaire se trouve alors réduit à l'état subalterne et à la situation périphérique de métaphore qui y renvoie, une simple "façon de parler", et de parler toujours de la même "chose": la semence, l'onction, l'eau, le vent, le feu, la lumière, la vie, ça "veut dire" l'"Esprit", quand on a dit ça on croit avoir tout dit, on ne se demande jamais ce que "veut dire" l'"esprit".

Dans les textes johanniques, l'"esprit" (pneuma) est un mot comme un autre, et par là même il retrouve toute sa richesse métonymique, sa fluidité du "propre" au "figuré" ou du "concret" au "métaphorique" (le vent, le souffle, cf. Jean 3; comme l'eau, la lumière, la vie...), au même titre que l'"onction" (khrisma, évidemment indissociable de khristos, Christ, l'Oint) ou la "semence-descendance" (sperma). Il n'y a pas plus de sens à dire que "l'onction" ou "la semence-descendance" signifient "l'esprit" que le contraire. Le sens est produit par le jeu de tous les signifiants, il ne se ramène pas à un seul.

Le point le plus important à mes yeux dans l'extrait de thèse que tu cites, ce n'est pas la traduction de sperma (semence ou descendance, peu importe du moment qu'on ne perd pas de vue que c'est l'un et l'autre: il y a un choix pour le traducteur, non pour le lecteur du texte grec qui entend la continuité de l'un à l'autre), mais l'interprétation du dernier pronom ("lui") de 3,9, effectivement ambigu: on peut comprendre "en Dieu" autant que "dans celui qui est né de Dieu", et si les deux idées sont différentes (la semence-descendance de Dieu demeure dans le fidèle, même dans le fidèle elle demeure en Dieu) elles sont parfaitement johanniques, dans la droite ligne du paradoxe de l'inclusion réciproque (X en Y et Y en X).
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeSam 31 Oct 2020, 15:58

Premièrement, Jean ne dit pas que la nouvelle nature ne peut pas pécher ; il dit que le chrétien lui-même ne peut pas pécher : « La semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher, parce qu’il est né de Dieu » (1 Jean 3.9). Celui qui ne peut pas pécher est clairement identifié comme étant celui « qui est né de Dieu » – soit, la personne elle-même.

Deuxièmement, cette proposition que « la nouvelle nature » du chrétien ne pratique pas le péché est dénuée de sens. Seule une personne qui possède une volonté propre peut pécher : une « nature » abstraite ne peut pécher ni même vouloir pécher. Cette « nature » que nous possédons n’existe pas indépendamment de notre propre personne : elle décrit plutôt qui nous sommes au plus profond de notre être.

Troisièmement, les versets 7 et 8 présentent un contraste entre « pratiquer le péché » et « pratiquer la justice ». De toute évidence, Jean ne fait pas référence à « un seul acte de justice » ; il décrit plutôt la « pratique de la justice ». De la même façon, lorsqu’il enseigne que les chrétiens ne peuvent pas pécher, il ne fait pas référence à « un seul acte de péché », mais plutôt à la « pratique du péché ».

La meilleure explication enseigne que ce « péché » fait référence à ce qui est habituel ou persistant. Jean dit littéralement que le chrétien ne peut pas « pratiquer le péché ». Au contraire, le chrétien « pratique la justice » : « Enfants, que personne ne vous égare : celui qui pratique la justice est juste, comme lui est juste » (1 Jean 3.7). https://www.reveniralevangile.com/est-ce-que-le-chretien-ne-de-nouveau-ne-peche-plus-charles-leiter/
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeSam 31 Oct 2020, 16:25

Les (ex-)TdJ ne seront pas dépaysés: c'est l'explication "évangélique" classique que la Watch n'a fait que copier...
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeSam 31 Oct 2020, 16:40

Narkissos a écrit:
Les (ex-)TdJ ne seront pas dépaysés: c'est l'explication "évangélique" classique que la Watch n'a fait que copier…


C'est exactement ce que j'ai pensé :

"Toute personne qui est née de Dieu ne pratique pas le péché, parce que la semence* de Dieu reste en elle, et cette personne ne peut pas pratiquer le péché, parce qu’elle est née de Dieu" (1 Jean 3,9 TMN)
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeSam 31 Oct 2020, 21:00

Poiein, "faire, fabriquer" (comme l'anglais make; d'où "poésie" etc.) n'est justement pas prassein ou prattein (d'où "praxis" et "pratique"): l'accent porte sur le résultat, la chose faite ou l'oeuvre produite, fût-elle aussi inhabituelle (dans les emplois typiquement johanniques, particulièrement remarqués et commentés par saint Augustin) que "la vérité", "la justice" ou "le péché"; plutôt que sur l'activité en soi et son caractère plus ou moins habituel (le métier ou l'exercice productif ou non, aussi bien celui de l'athlète qui ne fabrique rien que celui de l'artisan qui fabrique quelque chose, n'importe quel comportement indépendamment de son éventuel résultat). Toutefois, ce n'est pas sur le choix mais sur le temps du verbe que la Watch argumentait son distinguo entre péché habituel et ponctuel, d'après la théorie aspectuelle de la conjugaison que F.W. Franz avait échafaudée pour l'"inaccompli" hébreu et qu'il extrapolait en partie pour le grec: d'où la surinterprétation et la surtraduction de l'aspect duratif ou progressif des temps du groupe présent (y compris l'imparfait) dans l'ancienne NWT/TMN, largement abandonnées dans les dernières révisions sauf, et dès lors inexplicablement, dans des cas comme celui-ci. L'interprétation "évangélique" courante, identique au fond, ne présente pas en l'espèce cette justification pseudo-grammaticale, mais je ne serais pas surpris qu'elle l'utilise ici et là (comme la Watch emprunte aux "évangéliques" quand ça l'arrange, ceux-ci empruntent parfois à celle-là quand ça les arrange).

Au-delà de toute considération "technique", ce genre d'interprétation achoppe toujours sur la même contre-épreuve, qui peut se résumer par la question: si l'auteur ou le texte "voulait dire" ceci ou cela (par exemple: pécher ponctuellement ou exceptionnellement ce n'est pas grave, c'est la régularité ou l'habitude qui n'est pas acceptable), que ne l'a-t-il pas dit, tout simplement ? Dans le cas présent, cela pouvait se dire aussi facilement en grec qu'en français...

Sur le fond, un christianisme rivé sur la problématique du salut ou de la perdition strictement individuels (chacun doit être en définitive ou bien sauvé ou bien perdu, totalement l'un ou l'autre, et il faut bien alors trouver un moyen d'expliquer que les "péchés" des uns ne comptent pas comme ceux des autres) ne peut rien entendre à la subtilité du discours johannique, qui vise à la fois beaucoup plus fin et beaucoup plus large que "l'individu".
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MessageSujet: Re: Commettre le péché ou ne plus pécher    Commettre le péché ou ne plus pécher  Icon_minitimeSam 31 Oct 2020, 21:49

Citation :
Sur le fond, un christianisme rivé sur la problématique du salut ou de la perdition strictement individuels (chacun doit être en définitive ou bien sauvé ou bien perdu, totalement l'un ou l'autre, et il faut bien alors trouver un moyen d'expliquer que les "péchés" des uns ne comptent pas comme ceux des autres) ne peut rien entendre à la subtilité du discours johannique, qui vise à la fois beaucoup plus fin et beaucoup plus large que "l'individu".

Paul n'exprime-t-il pas la même subtilité et le même paradoxe en Rm 8,1-2 :

"Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ. En effet, la loi de l'Esprit de la vie en Jésus-Christ t'a libéré de la loi du péché et de la mort"

Est-ce l'homme nouveau qui est libéré du péché et qui ne subit aucune condamnation, voir le Christ qui DANS le croyant ? 

Pour saint Paul; la vie chrétienne est une vie divine, dans laquelle le fidèle s'approprie en quelque sorte la nature spirituelle divine du Christ, pour devenir un homme nouveau et atteindre la perfection. Le Christ est le « mystère central » essentiel. Par le Christ et « dans le Christ », le fidèle possède une vie nouvelle acquise par une résurrection mystique; il triomphe du péché, il possède la garantie du salut. Ainsi l'union de l'homme au Christ s'exprime par une double formule : « être dans le Christ », et « avoir ou porter le Christ en soi ». Ces deux formules' ont un sens à peu près identique. Nous les rencontrons employées indifféremment dans l'épître aux Romains, VIII, 1-2 et VIII, 9-11, à rapprocher de VI, 3,
11. Le Christ ressuscité, Seigneur, est uni au chrétien par un lien très étroit, que l'on peut appeler vital, puisque cette union est principe de vie dans l'ordre spirituel (cf. Rom. VIII, 2, 10). Ce nouvel état résulte de la « justice » reçue de Dieu; le v.10 est particulièrement significatif : « Si le Christ est en vous, l'esprit [humain sous l'action de l'Esprit divin] est vie à cause de la justice ». Ici la justice donnée par Dieu est un aspect de la grâce sanctifiante ; c 'est, dans la langue théologique, la cause formelle de la justification. https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1935_num_15_2_1652
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