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| La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean | |
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Auteur | Message |
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Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Sam 25 Avr 2020, 10:53 | |
| "Là-dessus, les pharisiens lui dirent : C'est toi qui te rends témoignage à toi-même, ton témoignage n'est pas vrai. Jésus leur répondit : Même si c'est moi qui me rends témoignage à moi-même, mon témoignage est vrai, car je sais d'où je suis venu et où je vais ; vous, vous ne savez ni d'où je viens ni où je vais. Vous, vous jugez selon la chair ; moi, je ne juge personne. Et si, moi, je jugeais, mon jugement serait vrai, car je ne suis pas seul : il y a moi et le Père qui m'a envoyé. Dans votre loi, il est écrit que le témoignage de deux hommes est vrai. Moi, je me rends témoignage à moi-même, et le Père qui m'a envoyé me rend témoignage. Ils lui dirent donc : Où est ton Père ? Jésus répondit : Vous ne connaissez ni moi, ni mon Père. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père" (Jean 8,13-19)
En lisant l'article de COBB, qui affirmait : "Si les croyants peuvent reconnaître la vérité et la pratiquer, c’est parce qu’ils ont leur origine dans la vérité", cela m'a fait penser au texte ci-dessus, ou Jésus indique que son témoignage est "vrai" : "car je sais d'où je suis venu et où je vais". Jésus ajoute : "mon jugement serait vrai, car je ne suis pas seul" , le Fils n'a jamais quitté son origine dans le Père. La TOB traduit comme suit : "mon témoignage est recevable" et "mon jugement est conforme à la vérité". |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Sam 25 Avr 2020, 11:22 | |
| Comme souvent dans le quatrième évangile, en particulier dans les dialogues ou les monologues qui supposent, même très marginalement, des interlocuteurs ou des auditeurs (Nicodème, la Samaritaine, etc.), le texte joue du double sens et du malentendu. Au "premier degré" c'est en effet une notion juridique et judiciaire qui est invoquée, de la loi juive comme du droit romain, il faut plus d'un témoignage pour qu' un témoignage soit "vrai" <=> "recevable" (évidemment, deux, trois témoins ou davantage peuvent mentir et se tromper, comme un seul peut dire vrai, mais là n'est pas la question du tribunal qui ne peut tenir compte d'un témoignage que dans la mesure où il y en a plusieurs, et concordants). Toutefois ce qui est visé (tout aussi évidemment pour le lecteur ou l'auditeur de l'évangile) c'est un autre genre de "témoignage", tout autre et pourtant structurellement semblable, une auto-attestation de la "vérité" divine qui requiert aussi à sa manière unité et différence, accord polyphonique si l'on veut; d'où, au gré des passages et des rédactions, différentes manières de compter ou de ne pas compter les "témoins" (moi, le Père, l'esprit, la communauté, Jean-Baptiste, le disciple bien-aimé, la loi, l'Ecriture, les adversaires même, etc.; nous en avons souvent parlé ailleurs, p. ex. ici, à partir du 3.6.2016; ou encore là) -- on retrouve au fond la même "logique" dans le début du Prologue: Dieu et le logos, ça fait deux comme ça fait un, mais ça ne fait pas l'un sans l'autre, et ça ne fait pas "vérité" sans les deux ni sans l'un. (On peut rappeler une fois de plus la formule de Jaspers: la vérité commence à deux.) |
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| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Dim 26 Avr 2020, 10:45 | |
| Ce texte met en évidence l'impossibilité du témoignage pour soi, ainsi Jésus dit Pilate : "C’est toi qui dis que je suis roi" (18,37) ; en Jean 7,18 il affirme :
"Celui qui parle de sa propre initiative cherche sa propre gloire ; mais celui qui cherche la gloire de celui qui l'a envoyé est vrai, et il n'y a pas d'injustice en lui"
et en Jean 5,31-35 :
"Si c'est moi qui me rends témoignage à moi-même, mon témoignage n'est pas vrai. C'est un autre qui me rend témoignage, et je sais que le témoignage qu'il me rend est vrai. C'est vous qui avez envoyé des messagers à Jean, et il a rendu témoignage à la vérité. Quant à moi, ce n'est pas d'un homme que je reçois le témoignage ; mais je dis cela pour que, vous, vous soyez sauvés. Celui-là était la lampe qui brûle et qui brille, et vous avez bien voulu vous réjouir un moment à sa lumière. Moi, j'ai un témoignage plus grand que celui de Jean ; en effet, les œuvres que le Père m'a données à accomplir, ces œuvres mêmes, que je fais, me rendent témoignage, attestant que le Père m'a envoyé. Et le Père qui m'a envoyé m'a lui-même rendu témoignage. Vous n'avez jamais entendu sa voix ni vu son visage, et sa parole ne demeure pas en vous, puisque vous ne croyez pas celui qu'il a envoyé. Vous sondez les Ecritures, parce que, vous, vous pensez avoir en elles la vie éternelle ; or ce sont elles-mêmes qui me rendent témoignage. Et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie ! "
Le Fils en action qui accomplit les œuvres du Père reçoit l'attestation que son témoignage est "vrai", si les interlocuteurs de Jésus avaient cru en lui comme envoyé de Dieu, ils auraient pu voir et entendre le "vrai", à savoir Dieu, à travers le Fils. La "vérité" johannique correspond au dévoilement de Dieu par le visage du Fils. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Dim 26 Avr 2020, 11:33 | |
| Toute "vérité" implique un jeu infiniment complexe de différence, à commencer par celle du mot et de la chose, du signifiant, du signifié et du référent, et ainsi de suite: la plus plate "identité (tauto-)logique", x = x, doit se dédoubler, se multiplier, se différer le temps de l'énonciation ou l'espace de l'écriture, différencier un premier x d'un second ne serait-ce que pour dire, par un troisième signe qui les met en relation, que c'est le même. Quand il y va de l'"identité" d'une "personne", de la naissance à la mort ou du matin au soir, il faut sauter à pieds joints et les yeux fermés par-dessus des abîmes de différences pour dire que c'est la même, ce qu'on fait pourtant tous les jours quand on la reconnaît et qu'on l'appelle par son nom. Quand on considère que ladite "personne" est elle-même un jeu de relations, que "nous" comme tant d'"autres" sommes impliqués en elle et inversement, ça ne s'arrange pas. De tous les textes du NT, le quatrième évangile est sans doute celui qui exprime le mieux et le plus constamment "Dieu" comme un tel jeu de relation infini, qui implique aussi bien "Père", "Fils", que "nous" ou "le monde". |
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| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Dim 26 Avr 2020, 11:54 | |
| "J'ai à votre sujet beaucoup à dire et à juger ; mais celui qui m'a envoyé est vrai, et moi, je dis au monde ce que j'ai entendu de lui. Ils ne surent pas qu'il leur parlait du Père" (8,26-27)
En quel sens Dieu est "vrai", est-ce dans le sens d'"authentique" ou l'expression de la réalité du divin ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Dim 26 Avr 2020, 12:30 | |
| On peut sans doute varier les traductions (vrai, véritable, véridique, etc.), mais à mon avis c'est plutôt à contresens de l'usage que les textes johanniques eux-mêmes font des (quasi-)synonymes (lexicalement apparentés ou non), dont il jouent ici et là mais sans les arrêter dans des distinctions précises et encore moins dans des oppositions tranchées -- conformément à la dynamique ou à la mobilité générale qui les caractérise.
Ici c'est l'adjectif alèthès, le plus "simple" de la série si l'on veut (aussi 3,33; 4,18; 5,31s; 7,18; 8,13s.16s; 10,41; 19,35; 21,24; 1 Jean 2,8.27; 3 Jean 12; comparer alèthinos, Jean 1,9; 4,23.37; 6,32; 7,28; 15,1; 17,3; 19,35; 1 Jean 2,8 [la deuxième fois]; 5,20; l'adverbe alèthôs, "vraiment", Jean 1,47; 4,42; 6,14.55; 7,26.40; 8,31; 17,8; 1 Jean 2,5; et bien sûr le substantif alètheia, "vérité", Jean 1,14.17; 3,21; 4,23s; 5,33; 8,32.40.44ss; 14,6.17; 15,26; 16,7.13; 17,17.19; 18,37s; 1 Jean 1,6.8; 2,4.21; 3,18s; 4,6; 5,6; 2 Jean 1ss; 3 Jean 1ss.8.12 -- le "thème" est omniprésent, sinon central). En l'occurrence (8,26) on peut comprendre aussi bien "vrai" que "véritable" ou "véridique", à supposer qu'on entende encore quelque nuance entre ces adjectifs: qui est, dit et fait la "vérité". Plutôt que de préciser des "sens" distincts pour aboutir à un choix artificiel et arbitraire entre eux, mieux vaut, je crois, les laisser résonner tous ensemble dans l'effet rythmique de la récurrence du mot (et des mots de la même famille) d'un contexte à l'autre. Par contre, les "traduire" par des vocables d'une autre famille annule cet effet de répétition et ne va pas sans distorsion de sens, tout au moins pour qui a l'oreille tant soit peu étymologique: "authentique" renvoie à l'identité ou à l'ipséité du "même" (autos = ipse, [ego]met-ipse -> "même"), "réalité" à la "chose" (res), ce qui n'est plus tout à fait le "vrai" (bien que le verus latin ne soit pas non plus l'alèthès grec, et que l''emeth hébraïque, le wahr allemand ou le true anglais disent encore un peu autre chose). |
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| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Lun 27 Avr 2020, 09:42 | |
| "Vous, vous êtes de votre père, le diable, et vous voulez faire les désirs de votre père. Lui, il était homicide dès le commencement ; il ne se tenait pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il dit le mensonge, il parle de ce qui lui est propre, car il est à la fois le menteur et son père. Et moi, parce que je dis la vérité, vous ne me croyez pas. Qui de vous me confondra en matière de péché ? Si je dis la vérité, pourquoi, vous, ne me croyez-vous pas ? Celui qui est de Dieu entend les paroles de Dieu. Si, vous, vous n'entendez pas, c'est parce que vous n'êtes pas de Dieu" (Jean 8,44-47).
Cette portion du texte m'intrigue : "il ne se tenait pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il dit le mensonge, il parle de ce qui lui est propre", elle laisse entendre que le diable n'a jamais eu de "vérité" en lui, donc que le diable n'a jamais était en communion avec Dieu ou qu'il avait sa propre "réalité" ou une réalité parallèle, en miroir. D'autre part, le texte semble sous-entendre que seuls, ceux qui sont issus de la "vérité" peuvent entendre, percevoir, comprendre et reconnaitre la "vérité", se reconnaitre dans cette "vérité", ou ils puissent leur origine. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Lun 27 Avr 2020, 10:25 | |
| C'est en effet un dualisme radical, qui veut que deux "principes" opposés (ici la vérité et le mensonge, l'erreur, le non-vrai; ailleurs la lumière et les ténèbres, l'amour et la haine, le bien et le mal, l'être et le non-être, etc.) ne soient pas dérivés l'un de l'autre ni rapportés l'un à l'autre, mais que chacun soit à lui-même sa propre origine et sa propre essence, son propre principe et son propre fond, sa propre "racine" (d'où "radical") autonome et irréductible. L'idée est dans un sens immémoriale, mais elle a surtout été systématisée par le dualisme perse et a profondément marqué le judaïsme du Second Temple -- moins le monothéisme absolu du deutéro-Isaïe qui y réagit plutôt (Yhwh cause unique de tous les contraires) que le développement ultérieur de l'angélologie et de la démonologie symétriques (Satan, diable, etc.), avec l'eschatologie qui en découle, dans les derniers textes de l'AT, le pharisaïsme et les textes "sectaires" ("esséniens" ou pas) de Qoumrân et d'ailleurs, à l'époque hellénistique et romaine. Toutefois le johannisme n'est pas de nature à se laisser enfermer dans une symétrie statique, il en joue de façon dynamique comme de toutes les notions traditionnelles qu'il emprunte. Et plus les oppositions paraissent radicales entre un pôle "positif" et un pôle "négatif" (dieu et diable mais aussi ciel et terre, en-haut et en-bas, esprit et chair, élus fils du Père et "le monde", "les Juifs", etc., toutes oppositions qui se ressemblent sans se superposer exactement, d'où déjà un effet de "bougé" de l'une à l'autre), mieux elles rentrent dans le mouvement général, la danse des mots et des concepts, chorégraphie ou cinématographie à la fois plus légère et plus profonde qu'une dialectique des opposés. Voir aussi ici. |
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Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Lun 27 Avr 2020, 11:58 | |
| "Celui qui l'a vu en a témoigné, et son témoignage est vrai ; lui, il sait qu'il dit vrai, pour que vous aussi vous croyiez" Jean 19,35
Notes : Jean 19:35 lui : litt. celui-là, démonstratif souvent utilisé par Jn, en particulier (mais pas exclusivement) pour désigner Dieu, le Christ ou l’Esprit (ainsi en 3.28,30 ; 7.11 ; 9.28 ; 1Jn 2.6 ; 3.3,5,7,16 ; 4.17) ; il désigne le disciple que Jésus aimait en 13.25n ; 21.7,23 ; cf. Jn 5.31s ; 8.13s ; 3Jn 12.
La signification de la vérité dans le témoignage, c'est de convaincre, mais la question que je pose est la suivante : c'est de convaincre de quoi ? Celui qui entend le témoignage de croire en quoi ? Doit-il reconnaitre l'origine commune du Fils, de la vérité et se souvenir de sa propre origine ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Lun 27 Avr 2020, 12:32 | |
| S'il faut définir le "contenu" de la "vérité", l'"objet" de la "foi" ou de la "connaissance" (johanniques), ta définition ("reconnaitre l'origine commune du Fils, de la vérité et se souvenir de sa propre origine") me paraît excellente, en tout cas meilleure que beaucoup d'autres, comme synthèse ou résumé de ce qu'on peut effectivement comprendre et retenir de la lecture des textes.
Mais le faut-il ? Force est de reconnaître qu'une telle définition (synthèse, résumé) ne figure nulle part telle quelle dans les textes. Leur méthode, sinon leur stratégie, est au contraire de laisser le "contenu" ou l'"objet" vague, mouvant, flou ou imprécis, soit en l'énonçant de façon variable, soit en ne l'énonçant pas du tout, comme en 19,35 ("croire" sans complément d'objet direct ou indirect, quoi, en ou à quoi ou qui). Un implicite qu'on peut toujours expliciter en suppléant n'importe quel complément trouvé ailleurs (dans les textes johanniques, dans le NT en général ou dans un catéchisme), sauf qu'il y manquera précisément le manque et l'imprécis, le tacite ou l'implicite de la formule qui en constitue peut-être (je dis bien peut-être) l'essentiel, pour que le texte joue comme il joue et qu'on puisse éventuellement en proposer une "synthèse" provisoire, mais ensuite revenir au texte qui n'offrant pas une telle synthèse la remettra en jeu.
Cela tient sans doute en grande partie à la nature du "johannisme" qui est un christianisme moins "dogmatique" que beaucoup d'autres, y compris les gnosticismes ultérieurs pressés de se définir contre les dogmatismes "orthodoxes". Mais aussi à la nature même de l'écriture qui, jusque dans les "confessions de foi" les plus verrouillées, dit toujours plus, moins et autre chose que ce qu'elles "veulent dire". |
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| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Lun 27 Avr 2020, 13:19 | |
| "Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l'heure vient — c'est maintenant — où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car tels sont les adorateurs que le Père cherche. Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et en vérité." Jean 4, 22-24
On retrouve dans ce texte des formules qui interrogent, "les vrais adorateurs" ; comment se définit un un "vari" adorateurs ?
C’est sans doute ici qu’il convient de placer l’affirmation de Jn 4.23-24 : les adorateurs que Dieu recherche sont ceux qui l’adorent « en Esprit et en vérité ». L’Esprit est à comprendre comme l’instrument de cette adoration (il faudrait donc traduire « l’adorer par l’Esprit »); la « vérité », elle, désigne avant tout le fait d’adorer Dieu en ayant une connaissance véritable de qui il est, en rapport avec la révélation donnée en Christ. http://flte.fr/wp-content/uploads/2016/08/ThEv2013-2-Verite_ds_Jean.pdf
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| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Lun 27 Avr 2020, 16:02 | |
| - Citation :
- comment se définit un un "vari" adorateurs ?
Comme ceci ? L'inconvénient du "vrai" en français, surtout en épithète précédant le nom, c'est sa banalité (un vrai crétin, etc.). Cela dit, l'inversion ou la variation de l'adjectif (les adorateurs vrais, les véritables adorateurs, etc.) sont à mon sens des remèdes pires que le mal: le lexique, la syntaxe et le style des textes johanniques sont extrêmement simples et gagnent à le rester en traduction. En l'occurrence, les "vrais adorateurs" s'opposent aux Samaritains et aux Juifs (qui, s'ils sont de "faux adorateurs", ce que le texte ne dit pas, ne le seraient pas exactement de la même manière), mais surtout, la suite explique en quoi ils sont "vrais", par l'association de "l'esprit" à "la vérité" (par deux fois) qui rend, dans ce cas, pas partout ni en général, les deux termes équivalents. Sauf difficulté particulière, mais ici à mon sens il n'y en a aucune, mieux vaut lire le texte sans trop l'interrompre pour lui poser des questions qu'il ne pose pas, suivre le rythme de ses mots et de ses phrases, qui sont généralement simples, pour éprouver leur effet. (Ce n'est évidemment pas le cas d'une culture de "citation" pour lequel "Jean 4,23-24" constitue un ensemble clos auquel on peut faire dire tout ce qu'on veut.) |
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| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Lun 27 Avr 2020, 16:17 | |
| "J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter maintenant. Quand il viendra, lui, l'Esprit de la vérité, il vous conduira dans toute la vérité ; car il ne parlera pas de sa propre initiative, mais il dira tout ce qu'il entendra et il vous annoncera ce qui est à venir. Lui me glorifiera, parce qu'il prendra de ce qui est à moi pour vous l'annoncer. Tout ce qu'a le Père est à moi ; c'est pourquoi j'ai dit qu'il prendra de ce qui est à moi pour vous l'annoncer" (Jean 16,12-15).
Présent sur terre en tant qu'homme, Jésus aurait effectué une "révélation" partielle de la "vérité", seul "l'Esprit de vérité" conduira les disciples "dans toute la vérité", dans la totalité ou plénitude de la "vérité". Bien sûr le texte impose des questions : à quoi correspond ces éléments de la vérité que les disciples ne pouvaient pas porter ? La réintégration du Fils dans le sein du Père est-il la condition incontournable pour permettre une connaissance complète de la "vérité" ? Notons que cette "vérité" que l'Esprit annoncera, enseignera et rappellera, n’est autre que la "vérité" qu’il entendra lui-même de Jésus, et qu’il ne fera donc que répéter, apparemment d'une manière plus complète, l'Esprit étant (peut-être) le Fils réintégré au sein du Père, ainsi l'"Esprit de vérité" serait le Fils dans sa condition de "Dieu", ce qu'implique cette affirmation : "Tout ce qu'a le Père est à moi". |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Lun 27 Avr 2020, 17:09 | |
| On est ici dans une section beaucoup plus tardive du quatrième évangile, après la première conclusion du chapitre 12, dans le troisième développement discursif, entre autres sur le "paraclet" identifié (après coup) à "l'esprit de (la) vérité" (cf. 14,15ss; 15,26), selon une formule typiquement "qoumranienne" (ce qu'on n'aurait évidemment pas pu deviner avant les découvertes des années 1940 et les études subséquentes); cf. surtout l'opposition dualiste "esprit de vérité / esprit de l'erreur (ou de l'égarement)" en 1 Jean 4,6 qui correspond formellement à la Règle de Qoumrân (où les deux "esprits" en question sont aussi appelés des "anges", chose un peu perturbante pour la théologie orthodoxe qui avait rangé le "Saint-Esprit" et les "anges" dans des catégories complètement séparées, l'une "intra-divine" et "incréée", l'autre "extérieure" et "créée").
Pour en rester au quatrième évangile, il faut peut-être relire le premier discours de la série (chap. 14) qui exprime le plus clairement l'idée générale: l'envoi de "l'autre paraclet" (sous-entendu: comme Jésus, qui est aussi appelé "paraclet" en 1 Jean 2,1s) correspond à un autre mode de présence de "Jésus" lui-même qui, retourné au Père, n'est plus "avec vous" mais, avec le Père, "en vous" (v. 17 et la suite). La révélation johannique est fondamentalement simple, unique dans son "contenu", dans sa "source" et dans ses "moyens" identiques. Il ne s'agit pas d'apprendre "des choses" et encore moins des choses "supplémentaires", même si l'évangile emprunte ce type de langage aux milieux "prophétiques" du christianisme primitif: il n'y a ni ajout ni complément mais développement de ce qui est intégralement donné dans le Christ (le Fils, le logos, etc.) -- ce que le chapitre 16 dit d'une manière un peu plus embarrassée mais encore assez nette.
Si l'on veut distinguer le thème (lexical) de la "vérité", mais sans en faire une idée autonome parce qu'elle ne l'est précisément pas, on peut remarquer ses échos plus ou moins apparents dans les trois contextes de "l'esprit de (la) vérité": 14,6, "moi, je suis (egô eimi) le chemin, la vérité, la vie", phrase très marquante même si le contexte et l'ordre privilégient le "chemin"; 15,1, "moi, je suis la vraie vigne", même si l'adjectif "vrai(e)" passe pratiquement inaperçu en français; 16,7, "moi, je vous dis la vérité". Si "la vérité" n'est pas toujours formellement identifiée à "Jésus", elle lui est toujours rattachée. |
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Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Mar 28 Avr 2020, 10:50 | |
| "Moi, je demanderai au Père de vous donner un autre défenseur pour qu'il soit avec vous pour toujours, l'Esprit de la vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu'il ne le voit pas et qu'il ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous et qu'il sera en vous." Jean 14,16-17)
"Consacre-les par la vérité : c'est ta parole qui est la vérité" (Jean 17,17)
"c'est l'Esprit qui rend témoignage, parce que l'Esprit est la vérité" (1Jean 5,6)
Dans les écrits johanniques nous retrouvons de nombreuses formules qui tentent de définir la "vérité", en Jean 17,17 : "ta parole qui est la vérité" avec une référence probable au "Logos" ; 1 Jean 5,6 : "l'Esprit est la vérité" , tous ce qui rendre dans la sphère du divin est la "vérité". En Jean 14,17, "l'Esprit de la vérité" sera en vous, en inclusion dans les disciples. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Mar 28 Avr 2020, 11:47 | |
| Je ne crois pas que ces formules tentent de définir quoi que ce soit, au contraire (cf. mon post d'hier, 27.4.2020 11 h 32): il s'agirait plutôt d'"in-définir" les mots du vocabulaire théologique ou religieux traditionnel pour les mettre en mouvement dans un jeu de relation multiple, complexe, fluide et changeant (l'image de la danse, sinon de la ronde des signifiants s'impose décidément à moi, désolé pour les répétitions) qui les rend tous équivalents et interchangeables, sans qu'aucun devienne jamais "central": vérité, esprit, parole, Dieu, Christ, Père, Fils, amour, lumière, vie, etc., tout peut être permuté (à condition, bien sûr, de ne pas les changer dans les textes qui produisent précisément cet effet-là). C'est la dynamique même des textes qui est anti-dogmatique et qui fait que toute "définition" s'y perd.
Au passage, je doute fort que le logos de 17,17 fasse référence au Prologue, quoi qu'il en soit de la chronologie de la rédaction. Le logos du Prologue est employé absolument, il n'est pas dit logos de "Dieu", ni du "Père", alors que celui-ci (17,17), d'une façon beaucoup plus "classique" par rapport à l'usage "biblique" (notamment "prophétique"), est déterminé par un possessif: ton logos, ta parole, sc. celle du "Père". (Si l'on s'intéresse à la chronologie de la rédaction, ce serait plutôt un indice que le Prologue est encore postérieur au chap. 17 -- mais non au chap. 20 qui est à peu près le seul à lui faire écho dans un stade déjà avancé de la composition, avec l'inclusion de 1,1c // 20,28.) |
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Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Mar 28 Avr 2020, 14:13 | |
| - Citation :
- Je ne crois pas que ces formules tentent de définir quoi que ce soit, au contraire (cf. mon post d'hier, 27.4.2020 11 h 32): il s'agirait plutôt d'"in-définir" les mots du vocabulaire théologique ou religieux traditionnel pour les mettre en mouvement dans un jeu de relation multiple, complexe, fluide et changeant (l'image de la danse, sinon de la ronde des signifiants s'impose décidément à moi, désolé pour les répétitions) qui les rend tous équivalents et interchangeables, sans qu'aucun devienne jamais "central": vérité, esprit, parole, Dieu, Christ, Père, Fils, amour, lumière, vie, etc., tout peut être permuté (à condition, bien sûr, de ne pas les changer dans les textes qui produisent précisément cet effet-là).
" Nous savons que quiconque est né de Dieu ne pèche pas ; mais celui qui naît de Dieu le garde, et le Mauvais ne le touche pas. Nous savons que nous sommes de Dieu, et que le monde entier gît au pouvoir du Mauvais. Mais nous savons aussi que le Fils de Dieu est venu, et qu'il nous a donné l'intelligence pour que nous connaissions celui qui est le Vrai ; et nous sommes dans le Vrai, en son Fils Jésus-Christ. C'est lui le vrai Dieu et la vie éternelle." (1 Jean 5, 18-20). Le fait que le Fils de Dieu soit venu, a permis aux disciples d'avoir l'intelligence pour connaitre celui qui est le "Vrai", la présence du Fils génère la capacité de connaitre Dieu, car il joue le rôle d'un "révélateur" mais cette intelligence est (peut-être) accordée uniquement à ceux qui sont nés de Dieu qui reconnaissance leur origine dans le "Vrai" et qui sont dès à présent dans le Vrai. Le "Vrai" se confond entre le Fils, le Père et les disciples. La formule " C'est lui le vrai Dieu" concerne autant le Fils que le Père. La venue du Fils avait donc pour but de faire connaître le "Véritable".
Dernière édition par free le Mar 28 Avr 2020, 20:16, édité 1 fois |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Mar 28 Avr 2020, 16:32 | |
| En effet. Et de là on comprend mieux la "chute", en plus d'un sens, du v. 21 (et dernier de l'épître): "(mes) enfants, gardez-vous des idoles." Si l'auteur paraît soudain retomber de sa hauteur (ou remonter de sa profondeur) théologique vers une plate et conventionnelle dénonciation de l'idolâtrie, c'est aussi pour dire que tout mot, tout nom, tout concept dé-fini, fixé, arrêté et ainsi extrait ou abstrait de ce mouvement d'ensemble, fût-ce "Dieu", "Jésus-Christ" ou "la vérité", ne serait qu'une "idole" -- ce qui est tout sauf plat ou superficiel. Voir aussi ici (sans oublier -- comme je l'ai fait, d'où la répétition -- la reprise de ce fil, sur ce point précisément, en mars 2019). --- La question de l'inclusivité ou de l'exclusivité de la "doctrine johannique", qui serait aussi celle de sa "réciproque" ou de sa "contraposée" négative dans une logique binaire, question que je devine plus que je ne la lis dans ton post (quoi de ceux qui ne seraient pas "nés de Dieu", etc.), est toujours délicate. Il me semble que toutes les théologies "positives", celles qui ont quelque chose à dire à un "public" ou à une "communauté" déterminés, ne le sont, "positives", que dans la mesure où elles négligent, voire oublient, leur négation toujours possible ou effective. C'est tout à fait manifeste dans les premiers paulinismes, qui se désintéressent ostensiblement de "ceux du dehors", quoique leur "mystère" se déploie sur un horizon "universel", eschatologique ou cosmique (de Romains à Ephésiens p. ex.). Dans le johannisme le dualisme formel joue un rôle similaire: "le monde entier gît au pouvoir du mauvais" (v. 19), mais le clivage s'approfondit jusqu'à traverser intérieurement chaque "croyant" (qui est d'une part pécheur, il mentirait s'il disait le contraire, mais qui aussi en tant que "né-engendré de Dieu" ne pèche pas et ne peut pécher). L'horizon universel n'est pas totalement absent, mais faute d'eschatologie il est suprêmement paradoxal (une eschatologie sans eschatologie): Dieu a aimé le monde qui le hait et qu'il ne faut pas aimer, le Christ est le sauveur du monde qui gît au pouvoir du mauvais, la lumière brille dans les ténèbres qui ne la comprennent pas, ceux qui sont de Dieu sont haïs par le monde qui ne le connaît pas pour que le monde sache et croie, etc. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Mar 28 Avr 2020, 20:38 | |
| Merci Narkissos pour toutes ces explications.
Deuxièmement, ni l’évangile ni les épîtres ne disent que le Père, ou « Dieu » comme désignation générale, soit lui-même la vérité. Si Christ est « la vérité » ( Jn 14.6) et si l’Esprit peut également être dit « Esprit de vérité », l’identification n’est pourtant jamais faite avec le Père37. Pourquoi? C’est, nous semble-t-il, parce que la vérité se comprend justement dans l’univers johannique comme la révélation du caractère de Dieu. Elle est, à ce titre, comme une « réalité dérivée »; elle a sa valeur dans le renvoi constant et parfait à l’être de Dieu. Sans doute ne faut-il pas trop insister là-dessus : le Fils qui est la vérité est aussi celui qui – chez Jean précisément – partageait la gloire du Père « avant que le monde fût » ( Jn 17.5). Dès le commencement il était avec le Père ( Jn 1.1-2). Mais il est peut-être significatif que là où l’identification entre le Fils et la vérité est la plus forte, ce soit justement lorsque Jésus affirme explicitement son œuvre de révélateur du Père. Ainsi, dans la perspective johannique, Dieu n’est pas, à strictement parler, la vérité. La vérité correspond plutôt à la révélation du caractère de Dieu. C’est ce que Dieu montre de lui-même aux humains. Jésus, lui, est la vérité parce que, d’une façon unique et définitive, il fait connaître aux hommes le caractère de Dieu par tout ce qu’il est et par tout ce qu’il fait. http://flte.fr/wp-content/uploads/2016/08/ThEv2013-2-Verite_ds_Jean.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Mar 28 Avr 2020, 21:24 | |
| Sans doute ne faudrait-il pas le crier trop fort dans les facultés évangéliques d'Aix-en-Provence ou de Vaux-sur-Seine, mais il est difficile en lisant cela de ne pas penser à ce que Heidegger dit de la vérité, non de la Wahreit allemande qui serait plutôt "garde" (Wahr, comme le smr hébreu, cette fois c'est à Heidegger qu'il ne faut pas le dire) mais de l'a-lètheia grecque qui est (pour lui) Un-verborgenheit, dé-voilement, dé-cèlement, dé-s-abritement, apparaître, venue à l'ouvert du caché ou de l'obscur, autrement dit ré-vélation, plutôt "avération" ou "vérification" dynamique (si l'on pouvait oublier l'usage ordinaire de "véri-fier" pour y retrouver le "faire-la-vérité" johannique ou augustinien) que "vérité" statique, immuable et intangible.
Toutefois, je ne suis pas sûr -- c'est une litote, je serais plutôt persuadé du contraire -- que dans les textes johanniques (les signifiants) "Dieu" ou "le Père" échappent à la mobilité générale. Certes le Père reste la "source" unique de tout le processus de "vérité"-révélation, mais comme c'est lui qui se révèle il est aussi bien tout au long de son cours et à l'embouchure, si l'on veut filer cette fois la métaphore du fleuve: dans le Fils et dans les disciples (les références sont trop nombreuses pour être énumérées, mais je pense, presque au hasard, à Jean 14,23: le Père lui-même, avec le Fils, vient faire sa "demeure" chez les disciples; et "Dieu est vrai" dans le même sens dynamique, 3,33, précisément en n'étant pas tout seul en lui-même, cf. Jean 17,3 // 1 Jean 5,20). |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Mer 29 Avr 2020, 11:46 | |
| - Citation :
- En effet. Et de là on comprend mieux la "chute", en plus d'un sens, du v. 21 (et dernier de l'épître): "(mes) enfants, gardez-vous des idoles." Si l'auteur paraît soudain retomber de sa hauteur (ou remonter de sa profondeur) théologique vers une plate et conventionnelle dénonciation de l'idolâtrie, c'est aussi pour dire que tout mot, tout nom, tout concept dé-fini, fixé, arrêté et ainsi extrait ou abstrait de ce mouvement d'ensemble, fût-ce "Dieu", "Jésus-Christ" ou "la vérité", ne serait qu'une "idole" -- ce qui est tout sauf plat ou superficiel. Voir aussi ici (sans oublier -- comme je l'ai fait, d'où la répétition -- la reprise de ce fil, sur ce point précisément, en mars 2019).
Merci d'avoir attiré notre attention sur ce point fascinant. " Car quiconque pratique le mal déteste la lumière ; celui-là ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dévoilées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu'il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en Dieu" (Jean 3,20-21) " Si nous disons que nous sommes en communion avec lui, et que nous marchions dans les ténèbres, nous mentons et nous ne faisons pas la vérité" (1 Jean 1,6) "Faire la vérité" ; c'est accepter d'être mis à nu, d'être vu tel que nous sommes, sans faux-semblant, c'est accepter de venir à la lumière et d'être dévoilé". Celui qui fait la vérité ne se dérobe pas, il subit dès à présent une forme de jugement et il est passé au crible en rencontrant celui qui est la vérité afin de déterminer sa véritable identité et prouver que son origine est dans la vérité, qu'il est bien né d'en haut. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Mer 29 Avr 2020, 12:25 | |
| Sur cette question du "faire-la-vérité" johannique et augustinien ("vérifier" dirait étymologiquement la même chose et sémantiquement le contraire, voir supra), il est intéressant de comparer les réactions symétriques du "calviniste" Cobb et de l'"aristotélico-thomiste" Gesché que nous avons lu ailleurs (24.4.2020): pour le premier la formule ne pose aucun problème, puisque "la vérité" est par définition seconde, dérivée, en tant que révélation (ou avération) d'un "Dieu" qui la précède; pour le second au contraire la "vérité" est première, en un sens elle précède, sinon "Dieu", du moins sa "volonté" qui doit se conformer à son "intelligence" (ce qui suppose quelque chose à comprendre, un texte ou un pré-texte à lire et à interpréter) pour "vouloir" (par exemple, créer le monde), de sorte que "faire la vérité" ne va pas de soi, non seulement pour nous, mais même pour "Dieu".
Dernière édition par Narkissos le Mer 29 Avr 2020, 12:34, édité 1 fois |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Mer 29 Avr 2020, 12:34 | |
| "Mais celui qui fait ce qui est vrai vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées comme ayant été opérées en accord avec Dieu" (TMN 1995)
"Mais celui qui fait ce qui est juste* vient à la lumière, afin qu’il soit évident que ses actions ont été accomplies en accord avec la volonté de Dieu" (TMN 2018)"mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu'il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en Dieu"(NBS)La TMN 2018 supprime toute référence à la "vérité" ou au "vrai" pour introduire le terme "juste". La TMN remplace également l'idée d'accomplir les œuvres "en" Dieu par une notion de conformité à la volonté de Dieu. - Citation :
- Sur cette question du "faire-la-vérité" johannique et augustinien ("vérifier" dirait étymologiquement la même chose et sémantiquement le contraire, voir supra), il est intéressant de comparer les réactions symétriques du "calviniste" Cobb et de l'"aristotélico-thomiste" Gesché que nous avons lu ailleurs: pour le premier la formule ne pose aucun problème, puisque "la vérité" est par définition seconde, dérivée, en tant que révélation (ou avération) d'un "Dieu" qui la précède; pour le second au contraire la "vérité" est première, en un sens elle précède, sinon "Dieu", du moins sa "volonté" qui doit se conformer à son "intelligence" (ce qui suppose quelque chose à comprendre, un texte ou un pré-texte à lire et à interpréter) pour "vouloir" (par exemple, créer le monde).
Dans l'évangile de Jean, rien ne laisse supposer qu'il ait eu "un texte ou un pré-texte à lire et à interpréter" avant que Dieu crée, l'interprétation de COBB me semble plus conforme à l'esprit de l'évangile de Jean. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Mer 29 Avr 2020, 12:46 | |
| Excellent exemple de la catastrophe qui résulte, moins de la TMN en soi que (d'un usage irréfléchi) de l'"équivalence fonctionnelle", telle que l'a intégrée la dernière révision. Le verset ou la phrase, pris(e) isolément, "veut dire" sensiblement la même chose et le dit même plus clairement. Mais tout le jeu des signifiants, le mouvement et le rythme de leur récurrence, est irrémédiablement perdu pour une lecture suivie du texte quand on remplace "vérité" par "justice" et qu'on saupoudre de "volonté" au petit bonheur la chance. (Le problème du "en", par contre, remonte aux choix spécifiques de la NWT initiale: quand on traduit en par "en union avec", "en accord avec", tout est déjà perdu et notamment l'usage spécifiquement johannique d'une réciprocité non tautologique, x en y ET y en x; l'ajout de la "volonté" n'est à cet égard qu'un progrès dans la dérive.) |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La vérité et le vrai dans l'évangile de Jean Mer 29 Avr 2020, 15:01 | |
| "Consacre-les par la vérité : c'est ta parole qui est la vérité. Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. Et moi, je me consacre moi-même pour eux, pour qu'eux aussi soient consacrés par la vérité" (Jean 17,17-19).
Consécration. Jésus prie pour que ses disciples soient ‘consacrés dans la vérité’ (Jn 17:17). Consacrer, c'est ‘rendre sacré’ c'est-à-dire séparer du profane et faire appartenir à Dieu. C’est la sanctification au sens le plus profond, Dieu seul étant ‘Saint’. Triple consécration: le Père a envoyé le Fils et l’a consacré (Jn 10:36). Jésus se « consacre lui-même [dans le sacrifice de sa mort] pour qu’ils soient eux aussi [les disciples] consacrés en vérité »(Jn 17:19). La consécration est en même temps séparation et mission : retirés du monde pour y être envoyés : « je les ai envoyés dans le monde » (Jn 17 : 18). https://fr.wikipedia.org/wiki/Pri%C3%A8re_sacerdotale |
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