Brochure : "Reviens à Jéhovah" - Qui est le Berger de nos âmes ?

Très intéressant (je n'ai jamais lu intégralement A la recherche de la liberté chrétienne, bien que j'en aie traduit un morceau...).

Tout ce débat ("éthique" vs. "activité") remonte en fait très loin à la Watchtower: c'est Rutherford qui le premier a décidé de balayer le thème russelliste (et plus généralement "adventiste" et "chrétien") du "développement du 'caractère' = 'personnalité'" pour lui substituer l'activité de propagande ("advertise", "annoncer", aussi au sens de "publicité")...

Citation :

Très intéressant (je n'ai jamais lu intégralement A la recherche de la liberté chrétienne, bien que j'en aie traduit un morceau...).

Raymond Franz analyse la Bible avec la conviction qu'elle st la parole de Dieu mais ses commentaires sur le mode de fonctionnement de la Watch sont intéressants :

"Il est vrai aussi que le chrétien ne fait pas ses belles œuvres "juste pour plaire aux hommes." Mais qu'est-ce qui fait que d'habitude on se sente poussé, comme sous la contrainte, de plaire aux hommes? N'est-ce pas la pression, appliquée sous diverses formes – la pression des autres, la pression fondée sur un système de récompense, la pression provenant de la crainte d'être considéré comme ayant échoué d'atteindre les attentes demandées ? Puisque cette pression est à la racine du problème de 'plaire aux hommes', pourquoi l'élimination de la référence "à la pression" dans la version originale ?
Quand cette partie a été discutée, le membre de Collège central Jaracz a recommandé ce changement, en disant qu'il pensait que cette "pression peut être une bonne chose." Et pendant des décennies l'organisation a appliqué la pression sur ses membres, la pression pour se livrer aux activités spécifiques de l'organisation et être à la hauteur des normes humaines mises en place par l'organisation, avec pour ainsi dire aucune considération pour savoir si la conscience individuelle du membre le pousse à faire ainsi ou non. Un moyen remarquable pour exercer pareille pression a été l'utilisation du "rapport du service du champs" que l'on s'attend à ce que chaque Témoin remplisse chaque mois (énumérant les différentes activités de l'œuvre de porte en porte), pour être rendu à la congrégation et enregistré sur la "fiche d'activité", celle-ci étant examinée par les anciens et lors des visites "des surveillants de circonscription."

La "pression" est une composante nécessaire ou inévitable de toute relation et de toute construction sociale (pas une famille, pas un couple, pas une amitié qui n'y échappe dans la durée), elle ne varie que quantitativement, en "plus" ou en "moins", et encore l'effet que l'on vise n'est pas toujours celui qu'on atteint. Il y a des associations conçues dans un esprit "libertaire" (sans hiérarchie, sans règle, sans contrainte) qui virent à la "secte", et des institutions lourdement hiérarchisées, qui ont pu être en un temps oppressantes et répressives mais où l'on respire aujourd'hui plutôt plus librement qu'ailleurs...

Mais c'est toujours un rapport de force (architectonique), dans lequel la "faiblesse", c.-à-d. la force moindre, compte aussi. Celui qui "craque", qui cesse de répondre à l'attrait de la carotte et à la peur du bâton, remet l'ensemble du "système" en question: le système peut toujours ignorer la question jusqu'à ce qu'il ne le puisse plus, quand ça craque de partout...

Point actualité n° 2 du Collège central (2024)

https://www.jw.org/fr/biblioth%C3%A8que/videos/#fr/mediaitems/LatestVideos/docid-1112024005_1_VIDEO

Si on ne veut pas s'infliger la vue de la totalité de la vidéo, notons qu'à partir de la minute 13,10 ; nous y apprenons que le CC à décider qu'il serait possible de saluer à la salle du royaume les "exclus" qui y viendraient, ce qui pourrait diminuer le sentiment d'humiliation possiblement ressenti pat un "exclut" (Le port de la veste et de la cravate ne sera plus une obligation pour les hommes et les femmes pourront également porter un pantalon en prédication et aux réunions). Un nouveau vent (dans l'esprit Raymond FRANZ) souffle au sein de la Watch, certes pas de grandes révolutions mais une volonté de tourner la page de la rigidité de F.FRANZ, une autre époque, une nouvelle génération et la vision des choses changent, ce qui prouvent que la personnalité des dirigeants jouent un rôle majeur dans la façon d'appréhender les règles en matière de discipline religieuse ou autres.

Ô putaing...

Le vent de miséricorde et de tolérance se fait sentir jusque sur la barbiche du présentateur et le format qui permet désormais d'accélérer jusqu'à deux fois la lecture, sans parler de l'appendice pantalonnesque qui ridiculiserarit, si besoin était, tout ce qui précède... Il épargne quand même, Dieu merci, les "apostats".

Tant mieux tant mieux...

On retrouve en effet quelque chose de l'esprit d'un Raymond Franz et du "Collège central" de la seconde moitié des années 1970, avec cinquante ans de retard; mais je ne suis pas sûr qu'entre-temps l'obsession "judiciaire" ou "disciplinaire" (en v.f.) ait été le fait de F.W. Franz: celui-ci était sans doute obsédé par la doctrine, d'autant que c'est essentiellement lui qui la bricolait, mais peut-être moins par la "morale" qui générait la plupart des exclusions (ou excommunications). Que l'"apostasie" continue à se distinguer de toutes les autres causes d'exclusion, cela prolongerait plutôt l'héritage de F.W. Franz.

Je n'ai cependant pas l'impression que tout ce déploiement de nouveauté changera grand-chose: la majorité des exclus, qui ne l'ont pas été originellement pour désaccord doctrinal, ont eu le temps depuis, d'une part de se faire affectivement à leur situation, d'autre part de prendre leurs distances avec la doctrine, surtout avec Internet, de sorte qu'il est improbable que la carotte d'une réintégration suffise à leur faire de nouveau avaler des couleuvres (sous forme de "cours biblique") -- d'autant que les couleuvres ont pas mal grossi dans l'intervalle (p. ex. la "génération de 1914", bien moins crédible dans sa version actuelle qu'elle pouvait le paraître cinquante ans plus tôt).

Ce qui m'a le plus étonné dans cette vidéo c'est la barbe du présentateur. Mais alors le ton guimauve du lecteur francophone était presque insupportable....

Ne plus imposer le port de la veste et de la cravate aux hommes, le port d'une jupe, d'une robe aux femmes qui ne vont pas au podium est sans doute une adaptation pour ne pas être une révolution. Je me rappelle lorsque j'allais, enfant, le dimanche à l'église et qu'il fallait faire bien attention à ne pas abimer nos vêtements. Lorsque cela a été terminé personne ne s'en est plaint. Bien sûr cela ne s'est pas fait d'un seul coup mais petit à petit. Adolescent il m'arrivait encore de porter les "beaux habits".

En v.o. ici.

Je découvre par la même occasion que ledit Mark Sanderson est entré au Collège central en 2012 (sans barbe).

A mon avis, le costard-cravate correspondait moins à l'"habit du dimanche" des campagnes ou des villes de province, qui était plutôt un habit de fête, qu'au look ordinaire des jours ouvrés pour le businessman ou le salesman, homme d'affaires, représentant ou commis voyageur américain, du grand patron au dernier des sous-fifres à col blanc, imité dans le monde entier depuis les années 1950... Toujours est-il que ça a survécu à son contexte initial et qu'au lieu d'être un moyen de passer inaperçu c'est devenu un signe de reconnaissance (pas autant que chez les missionnaires mormons, mais presque).

Même sans barbe, ça change du look Collège central (âge, sexe, race ou l'euphémisme qu'on voudra)...

(Cela n'a plus grand-chose à voir avec le sujet de ce fil, mais il me semble surtout "culotté" de la part des TdJ de revendiquer rétrospectivement une "objection de conscience" qu'ils refusaient à l'époque de référence, et encore bien après les années 1980 si je ne m'abuse -- je doute que les choses aient été différentes en Espagne sur ce point précis.)

PEUT-​ON ADRESSER LA PAROLE À CELUI QUI EST EXCLU OU QUI S’EST RETIRÉ?

21 Soutenir la justice de Dieu et l’exclusion signifie-​t-​il qu’un chrétien ne devrait pas adresser du tout la parole à un exclu ni même le saluer? Certains se sont posé la question, compte tenu du conseil de Jésus d’aimer nos ennemis et de ne pas ‘saluer que nos frères’. — Mat. 5:43-47.

22 Dans sa grande sagesse, Dieu n’a pas essayé de prévoir toutes les situations possibles. Nous avons donc besoin de saisir le sens de ce que Jéhovah dit sur la façon de traiter les exclus, pour pouvoir ensuite soutenir son point de vue. Voici ce que Dieu nous explique sous la plume de l’apôtre Jean:

“Quiconque va de l’avant et ne demeure pas dans l’enseignement du Christ n’a pas Dieu. (...) Si quelqu’un vient à vous sans apporter cet enseignement, ne le recevez pas chez vous et ne lui dites pas de salut. Car celui qui lui dit un salut s’associe à ses œuvres méchantes.” — II Jean 9-11.

23 L’apôtre qui donna ce sage avertissement était très proche de Jésus et savait bien ce que celui-ci avait dit concernant les salutations. Il savait aussi que la salutation courante à cette époque était “Paix”. À la différence d’un “ennemi” personnel ou d’un homme haut placé qui combat les chrétiens, l’individu qui a été exclu ou qui s’est retiré, et qui essaie maintenant de répandre ou de justifier ses vues apostates, ou encore celui qui persiste dans sa conduite impie, n’est pas le genre de personne à laquelle il faut souhaiter la “paix”. (I Tim. 2:1, 2.) Nous savons tous par expérience qu’un simple “bonjour” peut constituer le premier pas vers une conversation et peut-être vers une amitié. Voulons-​nous faire ce premier pas avec une personne exclue?

https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1981688

Le CC actuel a tourné la page de cette TdG de 1981 qui était le résultat de l'affaire Raymond FRANZ.

Sauf que, si j'ai bien compris la dernière communication (barbue) de M. Sanderson, les "apostats" sont toujours exclus de la relative ouverture, puisque seuls concernés par 2 Jean 9ss, contrairement aux "exclus-excommuniés" en général.

Cela me rappelle que lors de mon exclusion je n'avais pas manqué de souligner -- y compris dans ma lettre d'appel puisque je me suis payé le luxe et le ridicule d'un appel -- l'aberration du texte-motif, 2 Jean 9ss précisément: tout ce qu'on avait pu me reprocher c'était de ne plus (vouloir, pouvoir) aller au-delà de l'enseignement du Christ, sur les différentes doctrines "spécifiques" de la Watch (les deux espérances, 1914, l'"esclave fidèle et avisé" qui n'était pas encore le "Collège central" mais ça revenait déjà au même, etc.). Or cela s'intitulait justement "aller au-delà de l'enseignement du Christ", ce qui était tout de même un comble... Outre que, devenu alors "johannique" jusqu'au bout des ongles, je me trouvais par ce biais exclu par nul autre que mon cher "Jean". (Que le "bien-aimé" ait pu énoncer des injonctions si peu aimables, cela restait encore à penser.)

En tout cas cela m'aura appris à rire, bien que j'aie toujours eu le goût de rire. A rire même des choses les plus bêtes et les plus tristes, et ce n'étaient pas les dernières...

---

Pour rappel, il y a pas mal de variantes textuelles dans 2 Jean 9ss: au lieu de pro-agô (que la TMN 2018 traduit par "aller au-delà", les éditions précédentes "aller de l'avant", mais qui a d'abord un sens transitif, conduire ou mener qqn ou qqch vers l'avant, aller au-devant de qqn ou qqch, le devancer, le précéder ou au contraire aller à sa rencontre, au "propre" ou au "figuré": cf. Matthieu 2,9; 14,22; 21,9.31; 26,32; 28,7; Marc 6,45; 10,32; 11,9; 14,28; 16,7; Luc 18,39; Actes 12,6; 16,30; 25,26; 1 Timothée 1,18; 5,24; Hébreux 7,18), d'autres manuscrits ont para-bainô, "transgresser" (là encore, au "propre" ou au "figuré", passer une limite, passer outre); au lieu de didakhè, "doctrine" ou "enseignement" (cf. Jean 7,16s; 18,19), d'autres lisent agapè, "l'amour" (cf. 1 Jean 4,16 etc.) -- avec ou sans le complément "du Christ", qui peut être aussi remplacé par un possessif, "son enseignement" ou "son amour". Etc.

Toujours est-il que, d'après la suite, le texte se réfère principalement à des "enseignants" (maîtres, docteurs), plus ou moins itinérants (apôtres = envoyés, émissaires, missionnaires: qui vient chez vous), et la question est celle de leur réception, de la reconnaissance et de l'accueil plus ou moins officiels de leur parole dans "l'Eglise" ou la communauté (eis oikian, dans la maison = chez vous, c'est encore le lieu de réunion plutôt que le domicile privé de n'importe qui). Cf. 3 Jean où la situation se retourne (arroseur arrosé) et ce sont les envoyés de "l'ancien" qui sont rejetés par d'autres "Eglises", lesquelles semblent par ailleurs tout à fait "orthodoxes", comme celle de Diotrèphe qui se comporte comme un bon "évêque-épiscope" à la façon des Pastorales en rejetant des "hérétiques" potentiels.

Ce qu'on peut donc le plus reprocher à la Watch, dans l'usage précis qu'elle fait de ce texte, c'est d'appliquer à n'importe quel désaccord doctrinal personnel ce qui concerne l'enseignement public de la communauté, et donc de traiter en "faux docteurs" des gens qui ne prétendent nullement à enseigner. Avec un peu de recul évidemment, c'est toute l'histoire doctrinale de la Watch, et des mouvements adventistes et autres qui la précèdent, qui se caractérise par un "aller de l'avant" et le revendique, pour se distinguer d'un "enseignement du Christ" ou d'un "christianisme" au sens le plus large, commun et ordinaire, trop large, trop commun et trop ordinaire pour elle... Tout se retourne.

En ce qui me concerne, je m'étais bien gardé d'"enseigner" publiquement quoi que ce soit qui contredise ouvertement la doctrine de la Watch, même si ceux qui m'étaient le plus proches savaient parfaitement ce que j'en pensais. Je me contentais depuis des mois d'éviter de parler de ce que je ne croyais plus, ce qui laissait de la place à beaucoup d'autres choses intéressantes, surtout à partir de lectures bibliques: c'était un peu jouer au chat et à la souris et ça ne pouvait pas durer bien longtemps, mais en retournant du Béthel au "service de pionnier" c'était précisément un tel jeu que je voulais jouer aussi longtemps que possible en pensant qu'il en valait la peine, et c'est sûrement de toute ma vie une des périodes que je regrette le moins (ou le plus, selon ce qu'on entend par regretter). Toutefois mon "appel" motivé par l'abus de 2 Jean 9ss restait assez formel, par rapport aux critères de la Watch: dès lors qu'elle identifiait "l'enseignement du Christ" à sa doctrine à elle, je ne l'avais certes pas contredite publiquement, mais j'en étais bel et bien sorti; et même si je pouvais renoncer à tout "enseignement public",  je pouvais difficilement éviter de dire ce que je pense à ceux qui m'interrogeaient. En somme il fallait que ça finisse et le "coup de grâce" a été plutôt bienvenu, même si j'ai tenté jusqu'au bout d'en faire apparaître les contradictions.

Citation :

En ce qui me concerne, je m'étais bien gardé d'"enseigner" publiquement quoi que ce soit qui contredise ouvertement la doctrine de la Watch, même si ceux qui m'étaient le plus proches savaient parfaitement ce que j'en pensais. Je me contentais depuis des mois d'éviter de parler de ce que je ne croyais plus, ce qui laissait de la place à beaucoup d'autres choses intéressantes, surtout à partir de lectures bibliques: c'était un peu jouer au chat et à la souris et ça ne pouvait pas durer bien longtemps, mais en retournant du Béthel au "service de pionnier" c'était précisément un tel jeu que je voulais jouer aussi longtemps que possible en pensant qu'il en valait la peine, et c'est sûrement de toute ma vie une des périodes que je regrette le moins (ou le plus, selon ce qu'on entend par regretter). 

Rien n’illustre peut-être aussi clairement les incroyables exigences formulées maintenant pour une complète conformité que la lettre suivante, envoyée à tous les représentants itinérants, de Circonscription et de District, par le Bureau du Service le 1er septembre 1980

A TOUS LES SURVEILLANTS DE CIRCONSCRIPTION ET DE DISTRICT

Chers frères,

Aidez les anciens à savoir discerner entre un apostat semeur de trouble et un Chrétien qui s’affaiblit dans la foi et a des doutes. (2 Pierre 2; Jude 22,23). On doit traiter le premier avec fermeté après avoir fait des efforts prolongés pour le redresser. (2 Jean 7-10). D’autre part, quelqu’un qui est faible dans la foi doit être aidé patiemment et avec amour pour qu’il parvienne à la connaissance exacte qui affermira sa foi.

Gardez présent à l’esprit que pour qu’il soit exclu, il n’est pas nécessaire qu’un apostat diffuse des positions apostates. Comme cela est dit dans le paragraphe 2, de la page 17 de la Tour de Garde du 1 août 1980, “Le mot ‘apostasie’ vient d’un terme grec qui signifie ‘écartement’, ‘désertion’, ‘défection’, ‘rébellion’ ou ‘abandon’”. Aussi, si un Chrétien baptisé abandonne les enseignements de Jéhovah, tels que les présente l’esclave fidèle et avisé, et persiste à croire dans une autre doctrine en dépit de la réprimande biblique, alors c’est bien un apostat. On fera des efforts prolongés et miséricordieux pour l’aider à redresser sa façon de voir. Cependant, si, après que de tels efforts prolongés aient été faits pour l’aider à redresser sa façon de voir, il continue de croire dans des idées apostates et rejette ce qui a été donné au moyen de ‘la classe de l’esclave, alors, on entreprendra à son encontre l’action judiciaire qui convient.

Il ne s’agit pas pour vous ou les anciens de faire une “chasse aux sorcières”, si on peut s’exprimer ainsi, en enquêtant sur les croyances personnelles de vos frères. Mais plutôt, si quelque chose de raisonnablement substantiel dans ce domaine est porté à la connaissance des anciens, il serait approprié de conduire une enquête bienveillante et discrète afin de protéger le troupeau. Nous ne mettrons jamais assez l’accent sur la nécessité d’être prudent, discret et bienveillant dans de telles situations.— Jacques 1 :19,20.

La lettre présente une règle officielle. Ce qu’elle dit en réalité c’est que la croyance d’une personne—elle ne la diffuse pas mais y croit simplement—qui diffère des enseignements de l’organisation peut servir de fondement pour entreprendre une action judiciaire contre elle en tant qu’“apostat”!

La lettre ne dit rien qui puisse indiquer une limite entre de telles différences de croyances et les enseignements fondamentaux de la Parole de Dieu, comme par exemple la venue du Fils de Dieu en tant qu’homme, la rançon, la foi dans le sang versé de Christ comme fondement pour le salut, la résurrection ou d’autres doctrines bibliques fondamentales. Elle ne dit même pas que la personne doit obligatoirement être en désaccord avec la Bible, la Parole de Dieu. Par contre, elle est en désaccord avec “les enseignements de Jéhovah, tels que les présente l’esclave fidèle et avisé”. Cela revient à dire qu’un homme qui accepte et obéit au message écrit d’un Roi n’est pas forcément loyal; il ne l’est que s’il accepte et obéit à la compréhension que l’esclave qui transmet le message lui donne !

*****

Il est possible que cette règle soit la résultante ou ait subi l’influence d’une situation qui se développa précédemment cette année-là dans une congrégation de New York. Jon Mitchell, dont il a déjà été dit qu’il travaillait à temps partiel dans le Bureau du Service, raconte :

A peu près à cette époque (il parle du début de l’été de 1980), nous reçûmes un mémo de F. W. Franz, apparemment en réponse à une question que lui avait envoyé Harold Jackson [qui faisait partie de l’équipe du Bureau du Service].

Il semble qu’une sœur pionnier (prédicateur à plein temps) dans une congrégation espagnole pensait qu’elle ne pouvait pas en conscience enseigner que les 144.000 de Révélation 7 et 14 était un nombre littéral. Elle disait qu’elle ne faisait pas de prosélytisme ou n’affichait pas publiquement un point de vue opposé, mais elle ne voulait pas enseigner que 144.000 était un nombre littéral à ceux avec qui elle étudiait la Bible.

Apparemment, ce qu’Harold Jackson voulait savoir en posant cette question, c’était si oui ou non une telle personne devait être classée dans la catégorie des “apostats”. Le mémo confirmait qu’une telle personne devait être considérée comme un “apostat” et devait être exclue si elle n’acceptait pas d’enseigner ce que la Société lui avait appris à enseigner. Je me souviens de quelqu’un dans le Bureau du Service parlant des suites de ce cas et disant qu’elle s’était “rétractée”. J’étais stupéfait qu’une telle terminologie puisse être utilisée sans qu’on se sente honteux. (CRISE DE CONSCIENCE - Raymond FRANZ).

Je me souviens de ça, en effet. Mais de la consigne interne je n'avais pas conscience à l'époque, et je n'ai lu Raymond Franz qu'après mon exclusion. Par contre, je l'ai déjà raconté mais ça m'a marqué, la cerise sur le gâteau est arrivée pour moi comme un poisson d'avril dans la Tour de Garde du 1er avril 1986, quelques semaines avant la séquence Mémorial -> Comité(s) judiciaire(s), avec la notion formidablement perverse (double détermination, double contrainte, double bind) de "croyances basées sur les Écritures qui sont spécifiques des Témoins" (ce sont les croyances qui sont spécifiques, hein, pas les Ecritures, en v.o. ce n'est pas ambigu, "those Scriptural beliefs that are unique to Jehovah’s Witnesses" -- ce n'était déjà plus moi qui traduisais). En clair, la doctrine particulière (confessionnelle, sectaire) s'impose à l'Ecriture, bien que l'Ecriture soit censée fonder la doctrine: le raisonnement circulaire, lui, s'impose à tout le monde et si on sort du cercle on est dehors, tout simplement, pour la même raison que l'archevêque de Cantorbéry n'est pas catholique (romain), et que le pape n'est pas anglican (je n'invente rien, c'est la comparaison du texte; évidemment on se garde bien de dire que les deux compères peuvent entretenir d'excellentes relations)... et dehors, on le reste, malgré les velléités d'"ouverture" de 2024 qui excluent expressément les "apostats", même ceux qui se contenteraient de l'être dans leur tête.

C'est fou comme nous avons pu, tous autant que nous sommes, raisonner et argumenter sur des choses auxquelles, quelques réflexions plus tard (que ça ait pris dix secondes ou des dizaines d'années), nous n'aurions plus accordé qu'un sourire fatigué... C'est la vie, et c'est à ce prix exorbitant qu'elle nous aura tant soit peu intéressés.

Je ne sais pas au juste ce que la Watch ou ceux qui y sont restés espèrent encore de leurs "exclus", depuis la brochure qui a motivé ce fil en 2019 jusqu'aux condescendances théâtrales et sélectives de cette année, mais ils ne pensent visiblement pas assez que le temps passe aussi dehors et qu'il use tout, les chagrins, les regrets, les repentances, les nostalgies, les culpabilités, les peurs, les éducations, les habitudes, les conditionnements, les réflexes, les doctrines et les raisonnements à la con...

Ces appels du pied et le ton général employé soit, dans les vidéos soit, dans les articles de la Tour de Garde me rappellent ce qui s'est passé au sein des assemblées (à l'époque : des congrégations).

Comme l'on se rapprochait de l'année 1975 et un peu plus tard nous étions effectivement en 1975, le ton employé par les intervenants du haut du pupitre est devenu de plus en plus "amical". Il n'y avait pratiquement plus de menaces, de remarques désobligeantes mais plutôt des encouragements à rester au sein des "congrégations" voire d'y revenir.

Je n'ai pas vraiment de souvenir d'agressivité ou de sévérité (internes) avant 1975 -- c'était peut-être dû aux particularités de ma petite congrégation rurale, composée essentiellement de nouveaux convertis, chaleureuse, enthousiaste, convaincue et zélée, où les "anciens" n'avaient eux-mêmes que peu d'années d'ancienneté, où il n'y avait quasiment pas d'"inactifs" ni d'"exclus", personne n'éprouvant le besoin de "remonter les bretelles" à qui que ce soit (j'ignore si ça se dit en Suisse) sinon de façon (vraiment) amicale. Quand j'ai changé de congrégation, j'ai trouvé des ambiances fort différentes, mais on avait aussi changé d'"époque": c'étaient les publications qui étaient alors devenues plus douces, plus profondes aussi, avant le "serrage de vis" ou la "douche froide" (autres métaphores) de 1979-80, que j'ai, pour le coup, bien ressenti(s).

Pardonner au coupable

"Si quelqu'un a été une cause de tristesse, ce n'est pas moi qu'il a attristé, c'est vous tous — du moins en partie, pour ne rien exagérer. Il suffit pour un tel homme du blâme qui lui a été infligé par le plus grand nombre, de sorte que vous devez bien plutôt lui faire grâce et l'encourager, de peur qu'il ne soit accablé par une tristesse excessive. Je vous encourage donc à faire prévaloir l'amour envers lui ; car je vous ai écrit aussi pour savoir, à l'épreuve, si vous êtes obéissants en tout. Mais à qui vous faites grâce, moi aussi je fais grâce ; et, pour ma part, ce dont j'ai fait grâce, — si j'ai fait grâce de quoi que ce soit — c'est à cause de vous, en présence du Christ, pour ne pas laisser au Satan l'avantage sur nous, car nous n'ignorons pas ses desseins" - (2 Cor 2,5-11).

Je note que le pardon est aussi une question "stratégique" : ne pas laisser au Satan l'avantage sur nous et que le pardon ne semble pas motivé par le repentir du pécheur mais par le fait qu'il ne soit accablé par une tristesse excessive. Enfin le pardon parait être dans ce texte est synonyme de "grâce", donc une notion de "gratuité", un pardon sans contrepartie et sans procédure. 

Ma fille qui est exclue depuis plus de 10 ans a reçu un appel d'un ancien (qu'elle ne connait pas) et un message sur sa boite vocale, qui lui disait que dans le cadre des nouvelles dispositions voulues par le CC, les anciens doivent contacter les exclus afin de voir ou ils se situent par rapport à la "vérité". Ma fille est en colère car elle vit cette démarche comme une intrusion dans sa vie privée et ne comprends pas que cette démarche puisse être uniquement motivée par de "nouvelles dispositions", d'ailleurs, selon elle, l'ancien lui a laissé un message sur le mode "robot" qui applique les consignes. Les "fidèles anciens" qui se conforment aux ordres de la Watch ne se doutent pas et ne soupçonnent pas que ces démarches puissent être mal acceptées par des "exclus" qui ne demandent qu'à oublier la Watch et à ne plus entendre parler d'elle (ce qui est le cas de ma fille qui n'est pas classifiée "apostat"), ils imaginent peut-être qu'ils accordent une attention privilégiée aux exclus.

Comme on l'a souvent remarqué, le diable (Satan, etc.) est l'adversaire idéal, le complot parfait et universel à lui tout seul, parce qu'il n'a pas besoin de logique ni de cohérence -- pas non plus de "stratégie"... Autrement dit, on lui prête exactement les intentions, les ruses, les tactiques ou les stratagèmes qu'on veut. On pourrait s'étonner qu'avec ça il puisse être perdant, a fortiori qu'en fin de compte il le soit toujours, et c'est pourtant impliqué dans la même (absence ou perversion de) logique: pile je gagne, face tu perds -- soit dit en passant il y a de ça aussi dans la controverse synoptique sur Belzéboul (etc.) et la maison ou le royaume divisé.

Nous avions un peu parlé de 2 Corinthiens sur le thème de la tristesse (à partir du 14.2.2024 et à propos du chap. 7), mais c'est intéressant de noter en 2,7 la nuance intensive ou quantitative de l'abondance ou de l'excès de tristesse (perissotera lupè, qui pourrait rappeler au lecteur du NT le perilupos de Gethsémani): le moins qu'on puisse dire, c'est qu'un tel critère n'a jamais beaucoup préoccupé la Watch dans ses affaires "judiciaires" ou "disciplinaires": ce qu'un exclu ou excommunié devient, y compris émotionnellement, après son exclusion ou son excommunication, on s'en est instantanément lavé les mains en prononçant la sentence...

Pour rappel, toute la lecture jéhoviste de 2 Corinthiens, si l'on peut parler de lecture, est biaisée par le présupposé (gratuit, mais compréhensible dans une perspective "bibliciste" qui ne connaît que les textes "bibliques" et passe son temps à les combiner entre eux) que le discipliné, exclu ou excommunié est celui de 1 Corinthiens 5, pour une "faute" comprise comme platement sexuelle (même l'idée de l'"union incestueuse", qui pourrait l'être selon une "loi" -- juive -- et pas selon une autre -- gréco-romaine -- n'est pas envisagée). Le(s) contexte(s) de 2 Corinthiens ne suggère(nt) pourtant rien de tel, mais plutôt une offense contre "l'apôtre" -- ce qui correspondrait précisément, du point de vue de la Watch, à ce qu'elle appelle "apostasie", au sens de rébellion contre l'"autorité" (quasi- ou néo-)"apostolique" du "Collège central". Ironie du sort: ce qui fait l'objet d'un pardon dans le texte (de la part de "Paul" d'abord, logiquement dans cette perspective) est précisément ce qui en est exclu.

Comme tu dis, les "anciens-robots" ne se doutent généralement pas des dégâts affectifs qu'ils provoquent autant par leurs démarches télécommandées de "miséricorde" que de "discipline" -- il y a des exceptions, mais elles sont rares. A ce stade la Watch aurait tout à gagner à passer à l'"(in-)intelligence artificielle", qui saurait peut-être mieux calculer la probabilité de succès et le "rapport bénéfice-risque" de la démarche au cas par cas. Encore faudrait-il qu'elle intègre dans sa programmation d'autres paramètres que l'intérêt présumé du groupe à se débarrasser de tel membre ou de le conserver, et de le ramener ou non au bercail...

"Tous les collecteurs des taxes et les pécheurs s'approchaient de lui pour l'entendre. Les pharisiens et les scribes maugréaient : Il accueille des pécheurs et il mange avec eux !Mais il leur dit cette parabole : Quel homme d'entre vous, s'il a cent moutons et qu'il en perde un, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller après celui qui est perdu, jusqu'à ce qu'il le retrouve ? Lorsqu'il l'a retrouvé, il le met sur ses épaules, tout joyeux, et, de retour chez lui, il appelle ses amis et ses voisins pour leur dire : « Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé mon mouton, qui était perdu ! » De même, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui change radicalement que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin d'un changement radical" (Luc 15,1-7).

 Jésus commence par dire "lequel d’entre vous, s’il a cent brebis…", ce qui opère un transfert du contexte qui met chacun des auditeurs dans le rôle du berger de la parabole et chaque autorité chrétienne en charge de la gestion du "troupeau". Notons que le berger réjoui , "appelle ses amis et ses voisins pour leur dire : « Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé mon mouton, qui était perdu ! ». Jésus va plus loin. Il conclut la parabole sur le fait : "il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui change radicalement que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin d'un changement radical". Ce qui est frappant dans cette parabole, c'est voir le berger abandonner les brebis obéissantes (restées proche du berger) pour aller rechercher la "brebis perdue".

La parabole montre comment une brebis retrouvée vaut mieux que 99 restées au bercail : C'est le côté étrange de cette morale ... Peut-être pas tant que çà 

Remarques pertinentes, qui soulignent combien toutes ces métaphores pastorales, bucoliques, ovines ou grégaires changent de sens selon que l'on se place dans la situation du mouton perdu ou du troupeau gardé, du berger, du chien, du propriétaire, du boucher ou du consommateur, ou encore du loup...

Pour ma part je m'imagine plutôt les destinataires de Luc en citadins, guère plus conscients que la plupart d'entre nous du rapport entre l'image de l'agneau tremblant et attendrissant et les côtelettes ou le gigot qu'ils viennent de manger (je ne suis même pas végétarien). Quoi qu'il en soit, la persistance de telles images et de leur pouvoir affectif et effectif dans une société où chacun se flatte de ne pas être un mouton a de quoi interroger.

Indépendamment des métaphores (aussi médecin / malade), la préférence marquée des évangiles (déjà Marc et Matthieu) pour les "pécheurs" présumés (publicains = collecteurs d'impôts, prostituées, païens = non-juifs, Samaritains, etc.), est intéressante parce qu'elle prend systématiquement à contrepied les communautés qui s'en nourrissent et la transmettent: même quand le récit cible expressément les "pharisiens" ou les "juifs", cette logique ne peut pas manquer de subvertir tout ordre ecclésial ou chrétien qui suppose également un dedans et un dehors, et des hiérarchies internes. On a beau lire les évangiles toutes les semaines à l'église, on suppose toujours que les "justes" ou les "saints" sont plutôt dedans que dehors, et plutôt au centre ou à la tête de la communauté que sur ses marges -- or l'évangile viendrait toujours bousculer cette présomption, dans la mesure où il parviendrait à se faire entendre.

La Norvège contre les Témoins de Jéhovah - L'excommunication en question vol.2

En Mars 2024 les Témoins de Jéhovah ont perdu un procès en Norvège. L' impact de cette décision est plus important qu'à première vue. Découvrons ensemble comment la WatchTower contre-attaque ainsi que les nouvelles règles sur l'excommunication.

La décision de justice du Tribunal d'Oslo  est disponible sur le lien ci-dessous : https://lovdata.no/dokument/TRSIV/avg...

https://www.youtube.com/watch?v=smLyaPXvVns

Je suis heureusement surpris par la qualité de cette vidéo: chez les ex- et/ou anti-TdJ et surtout en français c'est rare...

Pour ma part je doute qu'il y ait un rapport de causalité directe de la dernière (?) décision judiciaire norvégienne aux "allègements" récents du traitement des exclus-excommuniés (même si le désormais barbu Sanderson a un nom possiblement scandinave).

Ce qui me choque le plus, par rapport au jéhovisme que j'ai connu il y a quarante ou cinquante ans, c'est qu'une organisation autrefois fière de ne vivre que de "contributions volontaires" (devenues par la suite "offrandes") et de ne rien devoir aux gouvernements du "monde de Satan", revendiquant même longtemps à ce titre de n'être pas une "religion" comme une autre, considère aujourd'hui comme une entrave à sa "liberté de culte" qu'un Etat lui retire une subvention -- c'est que j'ai raté beaucoup d'épisodes intermédiaires, alors que ceux qui les ont suivis en avalant couleuvre sur couleuvre au fil des décennies n'y trouveront rien à redire...

L'ironie (économique, financière et fiscale) c'est que les contribuables non-TdJ auront payé (presque) autant les remboursements (amendes, indemnités, etc.) des TdJ aux Etats que les subventions ou indemnités des Etats aux TdJ... Hello happy taxpayers, dirait le Droopy de Tex Avery.

Citation :

Pour ma part je doute qu'il y ait un rapport de causalité directe de la dernière (?) décision judiciaire norvégienne aux "allègements" récents du traitement des exclus-excommuniés (même si le désormais barbu Sanderson a un nom possiblement scandinave).

En ce qui me concerne, je doute que se soit une pure coïncidence, le timing concomitant des évènements ne me semble pas être un hasard. Je rappelle que le changement de la politique de la Watch concernant le "secret de la confession" (non dénonciation à la police de potentiels pédophiles) faisait suite à la perte d'un procès en suède.

Citation :

Ce qui me choque le plus, par rapport au jéhovisme que j'ai connu il y a quarante ou cinquante ans, c'est qu'une organisation autrefois fière de ne vivre que de "contributions volontaires" (devenues par la suite "offrandes") et de ne rien devoir aux gouvernements du "monde de Satan", revendiquant même longtemps à ce titre de n'être pas une "religion" comme une autre, considère aujourd'hui comme une entrave à sa "liberté de culte" qu'un Etat lui retire une subvention -- c'est que j'ai raté beaucoup d'épisodes intermédiaires, alors que ceux qui les ont suivis en avalant couleuvre sur couleuvre au fil des décennies n'y trouveront rien à redire...

Remarque très pertinentes.