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| Le sentiment d'appartenance, les gens du "dehors" et les Témoin de Jéhovah | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le sentiment d'appartenance, les gens du "dehors" et les Témoin de Jéhovah Ven 16 Avr 2021, 20:39 | |
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| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le sentiment d'appartenance, les gens du "dehors" et les Témoin de Jéhovah Sam 17 Avr 2021, 10:40 | |
| Bertrand met en évidence des points intéressants, notamment l'idée que la vie puisse paraitre "fade" après la sortie d'une communauté de croyants très investis ET la perte irréversible d'une vie communautaire, sauf à adhérer à une autre communauté. J'ai apprécié également l'idée qu'il faille ne pas prendre trop au sérieux ses idées et réfléchir au lien affectif qui nous lie à nos croyances. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le sentiment d'appartenance, les gens du "dehors" et les Témoin de Jéhovah Sam 17 Avr 2021, 11:45 | |
| Il y a sans doute autant d'"après" qu'il y a eu d'"avant(s)" et de "pendant(s)": c'est fascinant et troublant, comme toutes les formes plus ou moins tortueuses, mais toujours singulières, du devenir -- formes des arbres ou des nuages, des corps et des visages, des montagnes ou des vagues, des rivières ou des constellations. Tout ce qui est étonnant s'explique, mais ce qui s'explique n'en reste pas moins étonnant. D'un côté il paraît on ne peut plus "normal" qu'une certaine "marginalité" tende vers une certaine "normalisation", un "déséquilibre" vers un "équilibre", plus ou moins stable et durable selon sa provenance, sa dynamique ou son inertie (c'est la même chose)... J'étais perplexe hier soir, je le suis toujours ce matin mais davantage porté à la "suspension du jugement": il n'y a aucun sens à "juger", en "bien" ou en "mal", un devenir ou son récit tel qu'il se raconte, d'autant qu'il n'a pas fini de se jouer, de s'écrire et de se relire. C'est aussi la limite du "modèle", en ce qu'aucune forme ne peut servir de "modèle" à aucune autre, quand bien même toutes les formes interagissent et s'influencent mutuellement en permanence, par attraction comme par répulsion.
L'intérêt du "méta-", de la prise de distance réflexive ou analytique, est indéniable mais relatif par définition, s'exerçant à chaque fois à partir d'un certain "point de vue" qu'il déplace; par rapport à tel type de croyance ou d'opinion, de pensée ou de comportement -- mais cette prise de distance tend naturellement à s'instituer ou à se constituer en position absolue, en bien-penser conventionnel et normatif (ce qui convient, c'est ce qu'il faut, en un mot le logos ou la Raison, le bon sens commun sinon à tous, à la majorité) qui s'auto-conforte en censurant tout ce qui s'en écarte (soit ce que Baubérot appelait, en parlant justement des sectes malgré la connotation politique de la formule, un "totalitarisme d'extrême-centre")... Or ce bien-penser, par définition, n'autorise aucune prise de distance par rapport à lui-même, si bien qu'à la limite il annule son propre processus (Derrida parlerait d'auto-immunité), sinon par une certaine "folie" (déraison, déséquilibre, pathologie, excès, défaut, transgression, perversion, crime, etc.).
Il me semble a posteriori qu'après le jéhovisme je suis devenu, sans le vouloir et sans m'en rendre compte, trop "bien-pensant" en plus d'un sens du terme; non pas "trop" par rapport à quelque norme externe, mais par rapport à mon parcours et à ma provenance, à ma "logique" ou à ma "dynamique" particulière, et que ça s'est naturellement "corrigé" ou "compensé" (d'autres diraient "détérioré") par la suite... je n'en tire aucune conclusion, pas même pour "moi" d'autant que ça n'est pas tout à fait fini, encore moins pour les autres qui répondent à d'autres "logiques" ou d'autres "dynamiques". Je me garderais peut-être à l'avenir, si j'étais sage mais je ne le suis pas tellement, de dire "bon" ou "mauvais" tel ou tel devenir quand au fond je n'en sais rien, ça ne me regarde pas et ça n'a peut-être aucun sens. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le sentiment d'appartenance, les gens du "dehors" et les Témoin de Jéhovah Sam 17 Avr 2021, 21:32 | |
| - Citation :
- Il me semble a posteriori qu'après le jéhovisme je suis devenu, sans le vouloir et sans m'en rendre compte, trop "bien-pensant" en plus d'un sens du terme; non pas "trop" par rapport à quelque norme externe, mais par rapport à mon parcours et à ma provenance, à ma "logique" ou à ma "dynamique" particulière, et que ça s'est naturellement "corrigé" ou "compensé" (d'autres diraient "détérioré") par la suite...
Narkissos … Pourrais-tu donner un exemple de ce trop "bien-pensant" ou nous expliquer comme cela s'est manifesté d'une manière pratique dans ta vie (Merci) ? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le sentiment d'appartenance, les gens du "dehors" et les Témoin de Jéhovah Sam 17 Avr 2021, 23:28 | |
| Je vais te décevoir, ça ne va pas être "pratique" du tout, puisque je parle de "pensée" (ici au sens le plus lâche et banal du terme: idées, opinions, croyances et leurs "expressions", engagements, prises de position, etc.) -- par exemple, puisqu'il faut des exemples, dans deux domaines auxquels je me suis très inégalement intéressé après ma sortie des TdJ, la théologie (beaucoup) et la politique (peu, mais un peu quand même): je me suis rendu compte, au bout d'un certain temps, que le fonctionnement de ma "raison" autant que le dialogue avec des gens de tous bords me conduisaient naturellement à un certain "centrisme" (modération, pondération, etc.), voire à un "conformisme" qui au fond ne me convenaient guère. D'un côté j'étais pour ainsi dire vacciné à vie contre toutes les logiques "dogmatiques" qui fleurissent aux extrêmes, auxquelles il m'était désormais impossible d'"adhérer"; de l'autre j'avais quand même plus de sympathie, affective, pour la radicalité de ces "extrêmes" que pour la modération du "centre", non moins dogmatique à sa façon, où je me trouvais ramené bon gré mal gré...
Quand je me suis retrouvé dans une faculté de théologie "évangélique", je me suis très vite démarqué de tout ce qui la caractérisait comme telle, mais je l'ai fait dans des termes assez ambigus, prudents ou "diplomatiques", non par crainte du "clash" (que j'avais anticipé avant même d'y aller et qui, après l'expérience jéhoviste, ne m'impressionnait plus beaucoup), mais parce que je n'avais vraiment pas envie de heurter inutilement les gens, que j'aimais bien. Mais à force de me situer par rapport à ce seul vis-à-vis -- pas vraiment dedans, mais pas vraiment dehors non plus, sûrement pas "pour" mais pas franchement "contre" -- j'ai aussi donné lieu à des malentendus dont je n'étais même pas conscient. C'est une éminence de ce milieu qui me l'a fait remarquer en me disant un jour que j'avais une "théologie de centre-droit" -- sur un "échiquier" ou un "spectre" simili-politique où il se situait, bien entendu, à droite, sinon à l'extrême-droite. Il l'entendait de façon amicale (ça voulait dire que sans être "des siens", ou "des leurs", je n'étais pas très loin), mais je l'ai reçu comme une véritable claque: à force de modération et de diplomatie je n'avais pas du tout réussi à me faire comprendre, je ne m'étais pas "exprimé", je n'avais pas même pu penser tout ce que j'estimais avoir à penser...
Sur le plan politique, quoique ça soit chez moi nettement plus accessoire, c'est un peu pareil: et par réaction au sectarisme passé et par assimilation à l'air du temps et au "milieu" que je fréquentais, j'ai donné une image de "centre-gauche" (pour le coup), "bien-pensante" comme on dit couramment: humaniste, démocrate, raisonnable, tolérante, modérée, consensuelle, alors qu'un certain "radicalisme" continuait au fond de me travailler qui pouvait et en un sens devait remettre beaucoup de tout cela en question.
Il y a sans doute eu des conséquences plus "pratiques": dans la décision de me marier quelques années plus tard, au lieu de laisser une relation suivre plus simplement son cours, il y a probablement eu une part de conformisme insuffisamment réfléchie -- même si ce n'était plus dans un milieu religieux, c'était encore, d'une certaine façon, par rapport à ses codes...
Bref: c'est un autre parcours et une autre dynamique, mais je pense qu'avec le temps je suis devenu beaucoup moins "raisonnable" que je ne l'ai paru dans mes premières années d'après-jéhovisme; plus seul aussi, mais je ne le regrette pas, et je ne regrette pas non plus ce passage par la "raison", ni par le "sectarisme" qui l'a précédé. Si je suis quelque chose je suis tout cela, dans l'ordre où les choses se sont présentées et se sont succédé, si fortuit ou accidentel soit-il. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le sentiment d'appartenance, les gens du "dehors" et les Témoin de Jéhovah Dim 18 Avr 2021, 11:05 | |
| En ce qui me concerne, j'étais un jeune idéaliste lorsque je suis devenu TdJ mais la radicalité des la Watch je l'ai vécu d'une manière contrainte et forcée comme le prix à payer pour bénéficier de la communauté idéale et du paradis, c'était le passage obligé. Aujourd'hui, je fuis comme la peste, toutes formes de radicalités, religieuses ou politiques. Cela peut me donner un aspect transparent, lisse et sans consistance dans le mesure ou sur de nombreux sujets, je ne suis ni pour, ni contre … Je suis assez consensuel dans la mesure ou je n'ai aucune vérité à défendre, je me retrouve dans ce "centrisme" (modération, pondération) que tu décrivais. Cela ne signifie pas que je n'ai pas des positions assez tranchées, par exemple je rejette viscéralement les idées d'extrême-droite et je suis allergique au dogmatisme religieux. Par contre je ne sais pas si je suis "raisonnable" … je ne le pense pas mais je suis pas prêt à être "plus seul aussi", j'ai besoin des autres, de mes amis, de ma famille … |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le sentiment d'appartenance, les gens du "dehors" et les Témoin de Jéhovah Dim 18 Avr 2021, 11:53 | |
| Comme je le disais plus haut, je crois (pas dogmatiquement, bien sûr, qui veut encore être dogmatique ? -- mais assez fermement quand même) qu'aucune trajectoire ne peut servir de "modèle" à une autre, alors même que chacune est affectée par toutes les autres (du moins celles qui l'entourent) et les affecte en retour. Il y a aussi dans chacune une "logique" ou une "dynamique" propre qui se traduit par une certaine continuité, de la provenance à la destination éventuelle, même si cette continuité passe par des ruptures et des variations de large amplitude. "Mon jéhovisme" n'était pas exactement le tien, je n'ai pas subi sa "radicalité" ni sa "marginalité", c'était au contraire ce que je recherchais, assez consciemment, à l'adolescence. Comme je l'ai souvent dit, sans fierté particulière mais sans honte non plus, j'étais plus "pionnier" que "Témoin de Jéhovah", et plutôt rebuté par la relative sécurité qu'offrait le cadre institutionnel et social de l'"organisation", qui me semblait aller à l'encontre d'un idéal de "foi" encore plus précaire. Autrement dit l'"appartenance" comptait peu pour moi, la "conviction" un peu plus (elle n'allait cependant pas de soi, d'où mon premier "aller-retour" presque imperceptible vers 14-15 ans), le "mode de vie" (non celui de l'adepte, mais du "militant" engagé à fond) bien davantage. Mais en même temps c'était l'occasion rêvée pour échapper à une socialisation ordinaire (études, profession, carrière, famille, avenir) dont je ne voulais assurément pas, sans avoir à ce stade la force ou le courage d'assumer seul un destin tout à fait différent... en un sens l'exclusion parachevait ce mouvement, mais la nouvelle socialisation (toujours relative) qui s'ensuivait naturellement -- je ne la cherchais pas, mais je ne croyais pas non plus devoir y résister -- le contrariait ou le compromettait à nouveau... De là, sans doute, le fait que mon "témoignage" personnel sur le jéhovisme vienne à contresens de celui de la plupart des autres ex-TdJ (je n'y suis pas venu, je n'y suis pas resté, je ne l'ai pas quitté pour les mêmes "raisons"), bien que nous nous retrouvions facilement sur la "critique objective" ou la "déconstruction" du "machin" (doctrine, pratique, organisation). En ce qui me concerne je parlerais d'un long apprentissage de la différence, qui est passé par des phases successives d'assimilation plus ou moins "conformiste" et de dissociation plus ou moins "radicale" dans différents "milieux". En somme le "solitaire-solidaire" du Jonas de Camus, qui m'avait marqué assez tôt, me convient plutôt bien, mais même si on l'est foncièrement on ne le devient pas en un jour; (vraiment) "intégré", "équilibré", "raisonnable" non plus, je suppose, mais je ne le saurai probablement jamais, et ça ne me manque pas. (C'est à peu près ce que j'avais tenté d'exprimer ici, par le détour du rapport à un texte biblique qui pour moi n'a rien d'accessoire.) |
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