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| La Prière sacerdotale - Jean 17 | |
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| Sujet: La Prière sacerdotale - Jean 17 Lun 11 Mai 2020, 18:42 | |
| "Après avoir parlé ainsi, Jésus leva les yeux au ciel et dit : Père, l'heure est venue. Glorifie ton Fils, pour que le Fils te glorifie, et que, comme tu lui as donné pouvoir sur tous, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. — Or la vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ" (17,1-3).
Le verbe "donner" se rencontre 17 fois dans ce chapitre, c'est dire, son importance où s’exprime, intensément, la relation du Fils au Père. Le Père a donné au Fils "pouvoir sur tous" et donner la vie éternelle à tous, ce "tous" interroge, désigne-t-il l(ensemble de l'humanité ou uniquement les disciples ?
Le célèbre v3, fait allusion à la connaissance de Dieu et l'envoyé, donc de connaitre leur véritable nature et les liens intimes qui les unissent au point que les disciples puissent y reconnaitre leur origine.
c’est qu’ils te connaissent : le même verbe est aussi traduit par savoir dans la suite (v. 7s,23,25) ; 14.6-9 ; cf. 4.14,36 ; 6.27 ; 12.25 ; 1Jn 3.1s ; 5.13,20 ; voir aussi Jr 24.7 ; 31.31-34 ; Ez 36.25-28 ; Sagesse 15.3 : « Savoir qui tu es (Dieu) conduit à la justice parfaite et reconnaître ta souveraineté est la racine de l’immortalité. »
Envisageons le cas inverse. En va-t-il de même dans le cas ou l'on évoque manifestement une éternité réalisée ? Le cas le plus massif est celui de l'Evangile de Jean, en particulier dans le discours d'adieu. Celui-ci affirme en effet avec clarté :
"0r la vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ" (Jn 17, 1-3 TOB).
Quelle meilleure définition de l'éternité comme plénitude dans le présent que cette phrase? L'éternité n'est pas un état futur, c'est une connaissance qui peut s'acquérir dans le présent. Bien entendu, ii ne faut pas se méprendre sur le sens de se connaitre. II ne s'agit ici ni d'un simple savoir comme le comprendront les gnostiques, ni de la vision béatifique après la mort comme l'interprèteront les théologiens médiévaux. II faut revenir au sens biblique de connaitre, qui est de « faire l'expérience». La vie éternelle, c'est donc d'expérimenter la communion avec Dieu et avec Jésus Christ. En effet, la précision de la connaissance du "seul Dieu » et de son « envoyé » défend de penser a une connaissance abstraite, comme pourrait l'être réel le de la divinité en général : Il s'agit bien d'expérimenter une relation, et non de thésauriser un savoir. https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal%3A179494/datastream/PDF_01/view
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| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mar 12 Mai 2020, 01:05 | |
| Sur le thème de l'article de Burnet, voir ici et là. Je suis toujours consterné quand je vois un exégète réputé instruit, sérieux et honnête traiter "les gnostiques" en épouvantail comme le premier prédicateur venu. J'y vois une facilité et une lâcheté: on n'ose plus dire trop de mal des "pharisiens", de peur d'être taxé d'antisémitisme; mais des "gnostiques" qui sont de vieux perdants de l'histoire, honnis tant par "le judaïsme" (phariséo-rabbinique) que par la "grande Eglise" et ses héritiers catholiques et protestants, on peut tout dire sans crainte de réaction, puisqu'ils n'ont pas d'"ayants-droit" crédibles. Il suffit pourtant de lire les textes gnostiques, qui sont aujourd'hui facilement accessibles, pour se rendre compte que leur "connaissance" ( gnôsis) est tout sauf un "simple savoir", qu'il implique précisément une "expérience", "spirituelle" s'il en est. Et que le quatrième évangile leur est étroitement apparenté. J'en viens à la " prière sacerdotale" du chapitre 17 dont nous avons encore parlé encore tout récemment ( 29.4.2020; voir aussi le deuxième lien ci-dessus, sur le v. 3 et son "parallèle" dans la Première épître). Le v. 2 peut se traduire mot-à-mot comme suit: "... comme tu lui as donné pouvoir (autorité, droit, exousia) de toute chair ( pasès sarkos), pour que tout ( pan, neutre singulier) ce que tu lui as donné, il leur (masculin ou neutre pluriel) donne la vie éternelle". Formulation aussi ambiguë qu'alambiquée, que la suite n'élucidera, si l'on peut dire, que de façon paradoxale. Le "pouvoir" du Fils (nommé à la troisième personne, au v. 3 ce sera même "Jésus-Christ", désignation pour le moins improbable dans la bouche de... Jésus-Christ, surtout dans une " prière") est bien aussi "universel" qu'on le peut concevoir ("toute chair", c'est encore plus vaste que "tout homme"); et pourtant ceux qui lui sont "donnés", dans la suite, ce seront les disciples opposés radicalement au "monde" dans un antagonisme sans issue apparente (v. 6ss); et pourtant le "monde" même doit finir par "connaître" et par "croire" (v. 21, 23). Le moins qu'on puisse dire c'est que l'"universalisme" johannique est "dialectique" au plus haut point, il passe par une série de contradictions (ou de paradoxes) pour aboutir à cette "eschatologie sans eschatologie", "uchronique", dont on parlait ailleurs (10.5.2020): le monde est peut-être "sauvé" mais on ne saurait dire quand, où ni comment. Et cette "fin" insituable est aussi bien une "origine", ainsi dans le Prologue: le logos qui éclaire tout homme en venant au monde et en devenant "chair". |
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mar 12 Mai 2020, 09:38 | |
| " Moi, je t'ai glorifié sur la terre ; j'ai accompli l'œuvre que tu m'as donnée à faire. Et maintenant, toi, Père, glorifie-moi auprès de toi-même de la gloire que j'avais auprès de toi avant que le monde soit" (17,4-5). Le monde a vu la gloire de Dieu : le temps est venu où le Fils retrouve la gloire dont il jouissait auprès du Père avant que le monde ne fût. " J'ai manifesté ton nom aux hommes que tu m'as donnés du milieu du monde. Ils étaient à toi, et tu me les as donnés ; et ils ont gardé ta parole. Maintenant, ils savent que tout ce que tu m'as donné est issu de toi. Car je leur ai donné les paroles que tu m'as données ; ils les ont reçues ; ils ont vraiment su que je suis sorti de toi, et ils ont cru que c'est toi qui m'as envoyé" (17,6- La formule : " J’ai manifesté ton nom", ne fait pas allusion à la prononciation du nom divin mais à la "manifestation" ou incarnation de Dieu à travers la présence du Fils : " Personne n’a jamais vu Dieu ; Dieu Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a dévoilé" (1,18). Nous retrouvons le paradoxe que Narkissos a pointé, en effet, il est question : " hommes que tu m'as donnés du milieu du monde. Ils étaient à toi, et tu me les as donnés ; et ils ont gardé ta parole" et non des "disciples" ou des "élus" que tu m'as donnés. Comment les "hommes" ont-ils gardés la parole de Dieu ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mar 12 Mai 2020, 09:57 | |
| Les "hommes" ( anthrôpoi[s]) du v. 6, ce sont bien les "disciples" (appellation fréquente) ou les "élus" (= "choisis", appellation très rare dont nous avons parlé hier) -- comme on le comprend sans difficulté quand on lit l'ensemble du texte sans s'arrêter sur chaque mot. Qui sont d'une part "du Père" (au sens de l'origine, de l'appartenance, de l'essence) et "donnés" par le Père au Fils (comme son "nom", sa "gloire", sa "parole", etc.), et d'autre part "choisis-élus du milieu du monde".
Dernière édition par Narkissos le Mar 12 Mai 2020, 10:03, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mar 12 Mai 2020, 10:02 | |
| Le Père a donné au Fils une œuvre à accomplir. Pour cela, il lui a donné tout pouvoir. Cette œuvre a pour point de départ la glorification du Père et du Fils; ils sont comme le miroir l’un de l’autre, ils se reflètent l’un l’autre. Ce que révèle plus particulièrement Jean 17, c’est que cette glorification – qui a son point de départ dans la relation éternelle du Père et du Fils – se reflète elle-même dans la relation du Dieu Père et Fils avec ceux qui sont donnés. Cette relation est de toute éternité, elle est avant que le monde fut (v. 5). Les théologiens l’ont appelée la Trinité ad intra, c’est-à-dire le mystère intérieur de la vie trinitaire pour elle-même. Mais il y a aussi l’œuvre de la Trinité ad extra, c’est-à-dire sa relation avec la création. Il est question de celle-ci en Jean 17 et, plus particulièrement, d’une partie de l’humanité qui est appelée ici « ceux que tu m’as donnés ». On a là une définition de l’Eglise; c’est le cadeau que le Père fait au Fils et dont celui-ci va se sentir responsable jusqu’à donner sa vie. L’emploi du verbe « donner » apporte une précision à la notion d’élection: elle ne valorise en rien celui ou ceux qui en sont l’objet, l’Eglise n’est rien en elle-même, elle n’est même pas nommée en Jean 17. Ce qui est central, c’est la relation du Père et du Fils. Cette humanité anonyme n’a d’existence que parce que le Père l’a donnée au Fils et que le Fils donne à ces anonymes la parole que le Père a donnée au Fils et qu’ils ont gardée. Notre salut, c’est d’avoir été donnés au Fils par le Père. La Trinité est la source de notre salut. https://larevuereformee.net/articlerr/n218/la-theologie-de-%C2%ABdonner%C2%BB-dans-l%E2%80%99evangile-de-jean |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mar 12 Mai 2020, 10:15 | |
| Ou comment une théologie qui ne sait pas se déchausser (pour reprendre une image biblique) de ses gros sabots mots et concepts préalables (trinité, création, Eglise, etc.) pour lire un texte où ces mots et concepts ne jouent pas le moindre rôle s'avère en fait incapable de le lire... du moins sans le compliquer inutilement et rater l'essentiel, à savoir la continuité sans faille du divin, du "Père" au dernier des "disciples". |
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mar 12 Mai 2020, 13:40 | |
| Lors de la fête de l’Expiation le Grand prêtre d’Israël suivait un rituel défini tel qu’on le trouve fixé dans le Lévitique, un des cinq premiers livres de la Bible (aux chapitres 16 et 23). Les sacrifices expiatoires d’animaux sont offerts d’abord pour le Grand Prêtre lui-même, puis pour la classe sacerdotale (sa ‘maison’) et enfin pour le peuple d'Israël. Jésus reprend le même schéma. Il prie pour lui-même (Jn 17:1-5) et demande « Père, glorifie ton fils… ». Ensuite il prie pour ses apôtres « ceux que tu as tiré du monde pour me les donner (…). Je prie pour eux… Garde en ton nom ceux que tu m’as donnés… » (Jn 17 :6-19), et finalement pour le peuple, la ‘nouvelle nation’ de ceux qui croient : « Je ne prie pas pour eux seulement [les apôtres] mais pour ceux-là aussi qui grâce à leur parole croiront en moi. Que tous soient un… » (Jn 17:20-26). https://fr.wikipedia.org/wiki/Pri%C3%A8re_sacerdotale#cite_ref-2 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mar 12 Mai 2020, 15:15 | |
| Il faut décidément se méfier des titres et des étiquettes, bien qu'ils soient pratiques, ou justement parce qu'ils le sont. Ils finissent par parasiter complètement la lecture.
Ainsi l'intitulé traditionnel "prière sacerdotale", qui n'est évidemment pas dans le texte, peut inspirer d'aimables comparaisons dignes du sermon du dimanche, qui seront retenues le plus sérieusement du monde (sérieux comme un pape, c'est le cas de le dire avec Ratzinger-Benoît XVI qui n'était pas un âne mais pas non plus un exégète) par un Wikipedia francophone qui n'est pas à ça près. On en oublierait presque que dans la prétendue "prière sacerdotale" il n'y a ni prêtre, ni temple, ni sacrifice, ni victime, ni expiation, ni péché.... |
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mar 12 Mai 2020, 15:26 | |
| La prière « sacerdotale » de Jésus, qui se consacre au Père et intercède pour les siens, distingue bien les disciples présents (17,9-19) de tous les futurs croyants (17,20-26) https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/200079.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mar 12 Mai 2020, 15:52 | |
| Certes, mais ça ne justifie aucune "typologie" sacerdotale, en particulier celle qui distinguerait une classe sacerdotale (ou cléricale) d'un peuple profane (ou "laïc", de laos = peuple); même la succession des générations, selon le sens obvie du texte, n'implique aucun "privilège" de la première génération sur la deuxième ou sur la dernière, s'il y en avait une dernière: que tous soient un, à cet égard le premier n'est pas plus avancé que le dernier (comme il le serait dans une logique de médiation traditionnelle), pas moins non plus (comme dans une eschato-logi[qu]e, fût-elle sécularisée sur le mode de l'"évolution" ou du "progrès"). Puisque les liens que j'ai donnés plus haut n'ont pas l'air de fonctionner, je me permets de rappeler ici ce que j'ai écrit là (29.4.2020, 14 h 51, en réaction, déjà, au même article de Wikipedia): - Narkissos a écrit:
- Cela s'entend quand même beaucoup mieux avec "consacrer" (hagiazô, aussi 10,36) qu'avec "sanctifier", même si l'on y perd la correspondance avec le "saint" du v. 11 (hagios, aussi 6,69; les autres usages sont plus conventionnels, notamment pour l'Esprit saint, 1,33; 14,26; 20,22).
Bien que dans cette prière dite "sacerdotale" il ne soit question ni de sacerdoce, ni de prêtre, ni de temple, ni de sacrifice, l'idée est en effet très proche de l'épître aux Hébreux où la consécration-sanctification du grand prêtre et des siens coïncide avec leur perfection-accomplissement (teleioô etc., cf. v. 4,23) et leur mort comme passage à l'éternité. Sauf qu'ici il ne s'agit pas d'éternité fixe, opposable au temps et au changement (les "ombres" platoniciennes), mais de résorption de tout "soi" autonome dans le mouvement même, à même le mouvement de la révélation, du Père à la énième génération de disciples, tous "un".
Quant au rôle de la "vérité" dans cette affaire, on a aux v. 17 et 19 deux fois la préposition en, avec l'article (et un possessif dans certains manuscrits) puis sans (l'article), ce qu'on pourrait aussi bien traduire par "en/dans la [ta] vérité" puis "en vérité" (comme en 4,23s, mais sans l'"esprit", remplacé ici par la "parole") -- quoique la traduction "par" (moyen ou manière) soit en l'occurrence tout à fait plausible. Remarquer aussi l'adjectif du v. 3 (le seul vrai dieu) et l'adverbe du v. 8 (vraiment), qui sont à peine audibles en français mais n'en font pas moins écho, un peu plus nettement en grec, aux v. 17-19. |
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mar 12 Mai 2020, 19:13 | |
| - Citation :
- Puisque les liens que j'ai donnés plus haut n'ont pas l'air de fonctionner, je me permets de rappeler ici ce que j'ai écrit là (29.4.2020, 14 h 51, en réaction, déjà, au même article de Wikipedia):
Narkissos, Tes explications sont passionnantes, intéressantes mais aussi très complexes, je n'arrive pas toujours en a apprécier chaque point et les rappels sont nécessaires, comme cette idée : Sauf qu'ici il ne s'agit pas d'éternité fixe, opposable au temps et au changement (les "ombres" platoniciennes), mais de résorption de tout "soi" autonome dans le mouvement même, à même le mouvement de la révélation, du Père à la énième génération de disciples, tous "un". Une parenthèse, tes explications sur Jean sont uniques, je n'ai rien trouver d'aussi profond et nuancé. J'ose cet extrait : 20 La menace par le monde et par le refus du monde, entièrement réelle et présente dans la conscience de la communauté (Jn 17/9.14), est transformée – par considération de l’avenir voulu et ouvert par Dieu – en espérance, selon laquelle le monde cesse d’être monde et devient à nouveau création » (353) ; [2] « Si la communauté veut rester communauté, si elle veut maintenir son unité enracinée dans l’unité entre Dieu et Jésus, alors elle doit transformer son être-un et son être-les-uns-pour-les-autres en être-pour-le-monde » (354) https://www.revue-etr.org/article/chronique-johannique-i/ |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mar 12 Mai 2020, 21:20 | |
| Je t'accorde volontiers que cette phrase (en italiques) aurait peu de chance d'être comprise sans les longues discussions que nous avons eues sur l'épître aux Hébreux et le quatrième évangile (et peut-être même avec ! ;)) : d'une part un système opposant une éternité idéale au temps du provisoire, d'autre part une danse perpétuelle de signifiants où tout reste mobile. C'était juste pour dire que même les coïncidences remarquables de mots et de concepts (en l'occurrence sanctification-consécration et perfection-accomplissement) entre les deux textes doivent être resituées dans deux types d'écriture et de pensée complètement différents.
Je te suis par ailleurs très reconnaissant des nombreux textes que tu apportes, avec une pertinence croissante, dans ces disciplines que je ne fréquente plus guère mais que je retrouve toujours avec plaisir; j'y apprends beaucoup, quand j'aime je le dis (non seulement je "like" mais je tâche de dire pourquoi), quand j'aime moins aussi, mais c'est sans importance; en tout cas tu fais bien d'oser !
Les réflexions de Dietzfeldbinger (d'après cette recension) sont très intéressantes (au passage, les adjectifs "pascal" et "post-pascal" me paraissent d'autres bons exemples de terminologie parasite en exégèse, au même titre que la prière "sacerdotale", surtout pour un évangile où la notion de résurrection -- sans parler de Pâques -- est si accessoire, voire franchement superflue, comme le remarquait déjà R.E. Brown). Toutefois, si l'antagonisme radical et apparemment sans issue de la "foi" et du "monde" se renverse en "espérance pour le monde" (dans ce que j'appelais l'horizon paradoxal d'une "eschatologie uchronique", là encore c'est du charabia mais je fais référence à des discussions antérieures, et cette fois toutes récentes), il ne me paraît pas du tout évident que cette espérance implique une quelconque transformation de l'attitude des disciples: c'est seulement par leur "être-un" (soit l'"amour mutuel", "demeurer en lui", "garder ses commandements", etc., si l'on tient compte de l'ensemble des chap. 13--17) que le "monde" vient à "savoir" et à "croire". Parler d'un "être-pour-le-monde", ce "monde" qu'il ne faut toujours pas "aimer" même si l'on croit en son "salut", risque à tout le moins d'aboutir à un parfait contresens (et précisément dans le sens des "modes actuelles" à la fin du XXe siècle, auxquelles le recenseur fait allusion au terme de sa notice); en d'autres termes, si l'on cherche des mots d'ordre politiques, sociaux, humanitaires, ou même "moraux" ou "éthiques" au sens ordinaire, dans le quatrième évangile, on s'est trompé d'adresse. |
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mer 13 Mai 2020, 10:41 | |
| - Citation :
- Toutefois, si l'antagonisme radical et apparemment sans issue de la "foi" et du "monde" se renverse en "espérance pour le monde" (dans ce que j'appelais l'horizon paradoxal d'une "eschatologie uchronique", là encore c'est du charabia mais je fais référence à des discussions antérieures, et cette fois toutes récentes), il ne me paraît pas du tout évident que cette espérance implique une quelconque transformation de l'attitude des disciples: c'est seulement par leur "être-un" (soit l'"amour mutuel", "demeurer en lui", "garder ses commandements", etc., si l'on tient compte de l'ensemble des chap. 13--17) que le "monde" vient à "savoir" et à "croire". Parler d'un "être-pour-le-monde", ce "monde" qu'il ne faut toujours pas "aimer" même si l'on croit en son "salut", risque à tout le moins d'aboutir à un parfait contresens (et précisément dans le sens des "modes actuelles" à la fin du XXe siècle, auxquelles le recenseur fait allusion au terme de sa notice); en d'autres termes, si l'on cherche des mots d'ordre politiques, sociaux, humanitaires, ou même "moraux" ou "éthiques" au sens ordinaire, dans le quatrième évangile, on s'est trompé d'adresse.
" Consacre-les par la vérité : c'est ta parole qui est la vérité. Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. Et moi, je me consacre moi-même pour eux, pour qu'eux aussi soient consacrés par la vérité. Ce n'est pas seulement pour ceux-ci que je demande, mais encore pour ceux qui, par leur parole, mettront leur foi en moi, afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous, pour que le monde croie que c'est toi qui m'as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, pour qu'ils soient un comme nous, nous sommes un, — moi en eux et toi en moi — pour qu'ils soient accomplis dans l'unité et que le monde sache que c'est toi qui m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé" (Jean 17, 17-23) Narkissos, Tes explications renouvelées me permettent d'y voir plus clair (j'espère) ... " pour que le monde croie" ... " que le monde sache", c'est la manifestation de l'unité, du "un" qui va convaincre le monde et non une évangélisation qui cherche à persuader par la raison et l'argumentation. La formule : "aussi je les ai envoyés dans le monde", souligne qu'en étant dans le monde, ils peuvent manifester au yeux du monde leur unité et le "être un" qu'ils vivent avec le Père et le Fils. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mer 13 Mai 2020, 13:34 | |
| Je ne songeais même pas à l'"évangélisation", mais à tout ce qui au cours du siècle dernier et déjà du précédent a fait évoluer les grandes Eglises historiques vers des "actions-pour-le-monde", morales, sociales, politiques, humanitaires, etc. -- abandonnant précisément "l'évangélisation" aux groupes piétistes, fondamentalistes ou sectaires, qui en ont fait ce qu'on sait (mais ça leur a plutôt réussi du point de vue numérique).
Le quatrième évangile est évidemment très éloigné de la notion d'évangélisation: sauf oubli de ma part il ne parle même pas d'évangile (ou bonne nouvelle), et son auto-compréhension non seulement élective mais "essentialiste" de la foi-(re)connaissance (seuls entendent la parole de Dieu ceux qui sont de Dieu et reconnaissent sa voix) le situe aux antipodes de toute idée de "propagande" et d'"argumentation". Reste que c'est quand même par la parole des disciples que chaque "génération" suivante de disciples croit, ce qui est bien une manière d'"évangélisation" même si elle ne ressemble pas du tout à ce qu'on entend ordinairement par ce terme. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mer 13 Mai 2020, 15:44 | |
| - Citation :
- Le quatrième évangile est évidemment très éloigné de la notion d'évangélisation: sauf oubli de ma part il ne parle même pas d'évangile (ou bonne nouvelle), et son auto-compréhension non seulement élective mais "essentialiste" de la foi-(re)connaissance (seuls entendent la parole de Dieu ceux qui sont de Dieu et reconnaissent sa voix) le situe aux antipodes de toute idée de "propagande" et d'"argumentation". Reste que c'est quand même par la parole des disciples que chaque "génération" suivante de disciples croit, ce qui est bien une manière d'"évangélisation" même si elle ne ressemble pas du tout à ce qu'on entend ordinairement par ce terme.
Fait significatif, l'évangile de Jean, Jésus n’utilise l’expression "Royaume de Dieu" qu’à une seule reprise, en (3,3) : " Jésus lui répondit : Amen, amen, je te le dis, si quelqu'un ne naît pas de nouveau, il ne peut voir le règne de Dieu". Ce thème, qui caractérise l’enseignement de Jésus dans les synoptiques avec son "le royaume s'est approché", disparaît-il pratiquement de son enseignement dans Jean. Notes : Jean 3:3 règne : le même mot est traduit par royaume v. 5, royauté 18.36n ; il ne revient pas ailleurs chez Jn, mais il trouve sans doute un équivalent dans l’expression vie éternelle, v. 15+ ; cf. Mt 3.2n. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Mer 13 Mai 2020, 17:35 | |
| Cela fait déjà deux ou trois reprises, c'est plutôt mieux pour une reprise qu'il n'y en ait pas qu'une. Dans les Synoptiques, le "règne-royaume-royauté" (la basileia grecque appelle en français ces trois traductions distinctes selon que le contexte la détermine comme plutôt temporelle, spatiale ou qualitative) ne "caractérise l'enseignement de Jésus" que de façon relative (c'est déjà l'enseignement du Baptiste) et artificielle (notamment dans l'introduction stéréotypée des paraboles, "le règne [etc.] de Dieu / des cieux est semblable à..." -- sinon sans bla-bla). Que les textes johanniques en offrent une sorte de "traduction" dans "la vie éternelle" (comme le suggère la note précitée de la NBS), c'est un lieu commun de l'exégèse et de la prédication, mais qui n'a rien d'évident (ne serait-ce que parce que "la vie éternelle" se trouve aussi, indépendamment du "règne" [etc.], dans les Synoptiques, Marc 10,17.30// etc.). En tout cas une telle "traduction" écarterait décisivement le "règne" (etc.) en question de toute connotation politique ou eschatologique (du moins d'une eschatologie conçue comme "fin de l'âge ou du monde" débouchant sur un "âge ou monde à venir" identifié au "royaume de Dieu"; la " vie éternelle" c'est tout autre chose qu'un "âge" ou une "époque", c'est aussi bien présent ou passé que futur, et c'est aussi plus intime et/ou plus abstrait qu'un "monde"). Sur la "connaissance" identifiée au v. 3 à "la vie éternelle", je repense à ce fil, plus "paulinien" que "johannique"; mais c'est aussi la notion de " vérité" qui se retrouve là (v. 3.8.17.19), naturellement rapportée à la "connaissance" (la vérité comme objet de savoir ou de connaissance, qui ne sont vraiment ni savoir ni connaissance s'ils ne sont pas savoir et connaissance du vrai) et à l'"être" ou à l'" essence" (des choses ou des étants), outre l'association spécifiquement johannique de la "vérité" à la "vie", qui reste d'ailleurs mobile et non exclusive (exemplairement 14,6, dans le Christ la vérité et la vie se retrouvent avec le chemin; et ça n'empêche pas ailleurs d'autres associations, à la lumière, à la liberté, à l'amour, etc.). Tout cela n'en reste pas moins sous le signe de l'énigmatique équation parménidienne de la "pensée" (y compris "savoir", "connaissance") et de l'"être": to gar auto esti to noein te kai einai, c'est le même que le penser et l'être. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Ven 15 Mai 2020, 20:08 | |
| Aussi, Jésus prie pour eux. Et quelle intercession! En effet, des versets 6 à 24 du chapitre 17, l'évangéliste présente une longue prière ou Jésus fait mémoire des dons reçus du Père et demande des grâces pour les siens (v. 9). L'objet qu'il désire ardemment est l'unité : Père saint, garde-les en ton Nom que tu m'as donné, pour qu'ils soient un comme nous... Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'ils soient un en nous eux aussi, pour que le monde croie que tu m'as envoyé (vv. 11 et 21). L'unité ne surgit pas seulement de la bonne volonté, du dialogue, d'une dynamique de groupe ou d'une discussion harmonieuse. Elle n'est pas non plus de l'ordre d'une fusion des individus. L'unité naît de Dieu, de la puissance de l'amour réciproque du Père et du Fils, l'Esprit : moi en eux et toi en moi pour qu'ils se trouvent accomplis dans l'unité (v. 23). Cette union des croyants est le reflet de la gloire du Père en Jésus. Elle est fondée sur l'amour qui unit le Christ Jésus au Père, qui fait que l'autre est plus important que soi. L'union des croyants entre eux se traduira à son tour par l'amour concret et l'offrande de la vie. Et cette unité des disciples entre eux témoignera du mystère de l'unité du Père et du Fils. http://www.interbible.org/interBible/source/lampe/2012/lampe_120504.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La Prière sacerdotale - Jean 17 Ven 15 Mai 2020, 22:38 | |
| "Moi en eux et toi en moi", ce n'est justement pas réciproque mais transitif (A -> B -> C, non A -> B / B -> A); la réciprocité paradoxale (X en Y ET Y en X) joue un rôle considérable dans le quatrième évangile, comme on l'a souvent remarqué, mais elle est précisément ouverte aux "élus" et non close sur le seul rapport Père-Fils. C'est là qu'une théologie "orthodoxe", fondée sur le rejet de la gnose au IIe siècle, ne peut plus suivre la pensée johannique, parce qu'il lui faut maintenir une frontière absolue entre le "divin" Père et Fils et tous les autres, supposés (seulement) "créés" -- quitte à jouer du "Saint-Esprit" pour passer autrement cette frontière; de part et d'autre de la frontière il ne peut y avoir qu'analogie, "reflet" ou similitude, non unité essentielle; mais la frontière en question n'existe pas dans le johannisme: les "élus" sont du Père comme le Fils, même si c'est par lui qu'ils le sont et le savent. (Evidemment, l'hérésie arienne et ses émules ne feront qu'aggraver le contresens, en dégradant la relation Père-Fils au niveau de l'analogie présumée, sous le prétexte -- juste en soi -- que la relation Père-Fils ET la relation aux disciples est de même nature; pour lire simplement le quatrième évangile, il fallait faire exactement le contraire, inclure les disciples au moins sous un certain aspect dans le "divin", mais ce n'était déjà plus possible à une pensée qui avait intégré les choix ecclésiastiques du IIe siècle et ne pouvait plus se distinguer qu'en sens inverse.) |
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