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| ascensions | |
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Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: ascensions Jeu 13 Mai 2021, 14:08 | |
| Le jeudi de l'Ascension, quarante jours après le dimanche de Pâques et dix jours avant le dimanche de Pentecôte, nous vient, bien sûr, de la chronologie des Actes, chapitre 1 -- je ne dis pas de Luc-Actes puisqu'il y a sur ce point précis un gros accroc dans la transition, Luc 24,50ss. Au-delà de l'"histoire" (sainte) et du calendrier, l'idée d'ascension rassemble un faisceau de réminiscences assez dense et complexe, que nous avons souvent évoquées (p. ex. ici) mais dont on peut quand même rappeler sommairement les principales pour l'occasion: - les ascensions ou enlèvements au ciel d'Hénoch et d'Elie, pour ainsi dire à la place de leur mort, à la fin de leur vie racontée -- ce qui n'exclut pas un "retour", ainsi pour Elie dès Malachie, et s'étend, dans les traditions extra-bibliques, à d'autres personnages (en particulier Moïse); - les ascensions de Moïse et bien d'autres (Elie encore, David, Salomon et une foule de "pèlerins" anonymes) sur une montagne sacrée pour y rencontrer Yahvé (Horeb-Sinaï, Jérusalem-Sion-Moriah, mais aussi Garizim, Hermon, Tsaphôn, etc.; jusqu'aux prières ou aux sermons de Jésus sur la montagne, ou à la Transfiguration); - l'élévation du "juste" ou du "martyr" après sa mort, en plus ou à la place d'une "résurrection" corporelle (exemplairement la Sagesse); une partie du vocabulaire de la "ré-surrection" ( qwm-anistèmi-anastasis) étant lui-même "ascendant", sinon "ascensionnel" (se lever, se re-lever): croyances tardives, de l'époque hellénistique et romaine, mais qui rejoignent des expressions très anciennes, "baalistes" entre autres (cf. encore le lien ci-dessus); - les ascensions "apocalyptiques" de divers personnages, dont pas mal des susmentionnés, qui montent au ciel, physiquement, en rêve ou en vision (dans le corps ou hors du corps, comme dirait Paul en 2 Corinthiens) pour y recevoir une ré-vélation ( apo-kalupsis) visuelle, souvent assortie d'une interprétation orale; le tout étant naturellement destiné aux "fidèles" sur terre, par la médiation de l'écriture. De tout cela le schéma (simili-, pseudo-)"historique", chronologique et linéaire des Actes ne fait à première vue pas grand-chose, si ce n'est de marquer un changement d'"époque" (du judaïsme au christianisme, pour le dire vite); mais ce changement c'est déjà tout l'évangile (de Luc dans le dispositif Luc-Actes) qui l'opère, depuis Jean-Baptiste: l'Ascension n'en serait que le dernier moment "négatif", avant la Pentecôte qui est comme la première page de la nouvelle ère; à cet égard elle (l'Ascension) fait autant écho à la Passion qu'à la Résurrection: partir c'est mourir encore un peu, le Ressuscité n'est pas là pour rester, immédiatement disponible; il faut que "Jésus" disparaisse pour que "le Saint-Esprit" et "les apôtres", autrement dit "l'Eglise", viennent occuper durablement le devant de la scène, pour un dernier ou avant-dernier acte interminable, comme tout présent d'écriture: des "derniers jours" de durée indéfinie mais tout de même bornés par l'horizon du retour: celui qui est parti reviendra comme il est parti (1,11), entre-temps il est au ciel comme en réserve (3,20s; cf. ici, 19.10.2009) -- n'apparaissant plus ensuite qu'à Etienne mourant (7,55ss) ou se faisant au moins entendre de Saul-Paul (audition et/ou vision aveuglante, selon les différentes versions du même récit dans le même livre, chap. 9; 22; 26). Le principal trait "christologique" relativement "original" des Actes, c'est peut-être que dans les discours (tous orateurs confondus) les titres de "Christ", de "Seigneur", de "Sauveur" ou de "Fils de Dieu", mais aussi de "serviteur", de "prophète", de "juge", de "chef" et j'en passe, sont régulièrement associés à la "résurrection" (grâce en particulier à des "jeux de mots" qui fonctionnent mieux en grec qu'en français, p. ex. "susciter / ressusciter" pour "lever" ou "éveiller") -- "résurrection" qui tend alors à se confondre avec l'"ascension" à la faveur des références bibliques, notamment aux Psaumes 2 (engendrement du fils) et 110 (session à la droite de Dieu): cf. p. ex. 2,22-36; 3,12-26; 4,10ss; 5,30ss; 7,37ss; 10,38ss; 13,16-41; 17,31. Bien entendu, le thème de l'ascension (élévation, enlèvement, etc.) ne se limite pas à l'usage qu'en font les Actes: il y en a beaucoup d'autres échos dans le NT (Synoptiques, Jean, le "corpus paulinien" différemment dans Thessaloniciens, Colossiens-Ephésiens ou les Pastorales, l'épître aux Hébreux ou l'Apocalypse) qui ne se réfèrent généralement pas au modèle des Actes, bien qu'en raison du succès de ce dernier (devenu calendrier, liturgique puis profane) nous soyons quasiment obligés d'y voir un rapport, fût-ce de divergence ou de contradiction -- le plus singulier étant peut-être la fusion de tous les thèmes autour de la croix dans le quatrième évangile ("élevé de la terre" = "crucifié" = "glorifié"). Ce thème est par ailleurs indissociable de tous les schémas ascensionnels qui se répliquent depuis les mythologies les plus anciennes qui opposent toujours un (ou plusieurs) ciel(s) à une terre et à un (ou des) monde(s) souterrain(s) (enfers, abîme-océan, etc.), jusqu'aux conceptions modernes du "progrès" en tout genre, en passant par la "philosophie" de Platon à Hegel (au moins): "l'ascension" nous l'avons dans la peau... (monter, descendre, descendre, monter...). |
| | | le chapelier toqué
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| Sujet: Re: ascensions Ven 14 Mai 2021, 21:11 | |
| - Narkissos a écrit:
- Le jeudi de l'Ascension, quarante jours après le dimanche de Pâques et dix jours avant le dimanche de Pentecôte, nous vient, bien sûr, de la chronologie des Actes, chapitre 1 -- je ne dis pas de Luc-Actes puisqu'il y a sur ce point précis un gros accroc dans la transition, Luc 24,50ss.
Cette ascension est-elle la même que celle mentionnée dans le 1er chapitre du livre des Actes versets 9ss ? Je reconnais que je ne m'étais jamais posé cette question auparavant. Décidément tu ne cesses, Narkissos , d'ouvrir des portes que je n'avais pas remarquée. Mais peut-être l'ascension de Luc chap. 24 est-elle un rajout maladroit à cet évangile. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: ascensions Sam 15 Mai 2021, 00:51 | |
| L'hypothèse du "rajout maladroit" paraît en effet plausible, d'autant que les manuscrits varient (tous, p. ex., ne comportent pas la mention de l'enlèvement au ciel au v. 51b, mais cela peut aussi s'expliquer par une volonté d'éliminer la contradiction flagrante avec les Actes): les dernières rédactions de Luc, avant 24,50ss, semblent par ailleurs bien "programmées" pour s'emmancher aux Actes (suppression de la promesse d'apparition en Galilée, selon Marc et Matthieu, retour à Jérusalem des pèlerins d'Emmaüs, ordre de rester dans la ville en 24,49: cela correspond au moins au scénario de la Pentecôte des Actes, où tout -- l'histoire de l'Eglise -- doit partir de Jérusalem, et non de Galilée). Toutefois le premier chapitre des Actes présente aussi d'importants problèmes textuels et narratifs; l'indication des "quarante jours" n'est que dans l'introduction du livre (1,3), non dans le récit de l'ascension proprement dit (1,9ss). D'autre part, il faut rappeler que malgré les introductions-dédicaces (à Théophile) qui unissent formellement Luc et les Actes, ces deux livres sont de fait séparés dans la plupart des recueils connus (par Jean dans le Vaticanus et l'Alexandrinus comme dans les bibles ultérieures, par Jean et l'ensemble des épîtres "pauliniennes", dans un ordre différent, dans le Sinaïticus, par Marc dans le Codex de Bèze, etc.), ce qui pourrait expliquer qu'on ait voulu fournir à Luc une conclusion autonome, par une ascension le jour de Pâques (quoique assez tard dans la soirée, vu ce qui précède) en contradiction formelle avec Actes 1 (dont on a pu oublier l'indication chronologique au moment du rajout). On peut enfin remarquer que le verbe de Luc 24,51b, ana-pherô (porter en haut), ne correspond pas au vocabulaire des Actes (ep-airô et hupo-lambanô; on ne trouve pas non plus ana-pherô ailleurs chez Luc), mais à celui de la Transfiguration selon Marc 9,2 // Matthieu 17,1 (Jésus emmène Pierre, Jacques et Jean sur la montagne).
Pour rappel, il n'y a d'"ascension" (au ciel) ni dans le Marc "authentique" où on ne trouve même pas d'apparition du ressuscité (il y a en revanche une ascension, après plusieurs apparitions, dans la "finale longue" beaucoup plus tardive, 16,19, ana-lambanô), ni dans Matthieu où la dernière apparition se situe "sur une montagne", mais en Galilée (conformément aux annonces de Marc 14,28; 16,7 // Matthieu 26,32; 28,7.10, supprimées par Luc), ni bien sûr chez Jean qui en revanche joue beaucoup avec l'idée d'ascension-élévation (6,62; cf. 1,51; 3,13s; 8,28; 12,32ss; 20,17 etc.).
L'idée d'ascension est de toute façon assez naturelle (comme on dit, si elle n'existait pas il faudrait l'inventer): dès lors que "Dieu" est "au ciel" et que le "ciel" est "en haut" (il le reste opiniâtrement en dépit de toutes les cosmologies "savantes", anciennes ou modernes), on ne peut guère s'approcher de lui, aller ou retourner vers lui qu'en montant. En ce qui concerne le Christ, à tous les modèles et références "bibliques" et connexes évoqués dans le post initial (notamment l'association habituelle des Psaumes 2 et 110, Fils engendré aujourd'hui / assis à la droite de Dieu, association proto-chrétienne sans doute antérieure à tout texte néotestamentaire) il faut ajouter au moins la figure eschatologique de Daniel 7, le personnage "comme-un-fils-d'homme sur les nuées du ciel", qui va se confondre avec la figure d'Hénoch dans la littérature "hénochienne" (le "Fils de l'homme" des paraboles d'Hénoch et des évangiles). Il paraît donc assez "logique" de penser et de dire que "Jésus monte au ciel" d'une manière ou d'une autre, mais l'originalité de l'"Ascension" des Actes réside précisément dans la manière (le texte même y insiste, tropos "manière" au v. 11): distincte de la mort et de la résurrection, visible et spectaculaire pour un groupe restreint (apôtres témoins), outre les détails comme la nuée qui renvoie aussi bien à la Transfiguration qu'à Daniel 7. La Pentecôte des Actes est à cet égard beaucoup plus originale dans sa conception.
L'Ascension prendrait aussi une signification particulière du point de vue de la "christologie" (par ailleurs assez vague, inconstante sinon inconsistante) de l'ensemble Luc-Actes, si l'on considère que son "Jésus" ne vient pas du "ciel" -- contrairement aux modèles pauliniens ou johannique, rien ne suggère en effet une "pré-existence" céleste ou une "incarnation"; les traits "antidocétiques" de Luc iraient plutôt en sens inverse (omission de la marche sur la mer, insistance sur la résurrection corporelle, ce n'est pas un "esprit"). C'est sur ce fond qu'il faudrait apprécier la remarque que je faisais dans mon premier post (§ 3), à savoir que dans les Actes les titres (Christ, Seigneur, Fils de Dieu, etc.) sont généralement associés à la résurrection et à l'ascension (session à la droite de Dieu) plutôt qu'à la "vie de Jésus" (avant sa mort); significativement, le centurion de la Passion selon Luc ne reconnaît pas en Jésus "le fils de Dieu" ni "un fils de dieu", mais "un juste". Il s'ensuivrait que celui qui monte au ciel n'y retourne pas: on est plus proche du modèle gréco-romain de l'"apothéose" post mortem d'un "mortel" (qui, dans le cas d'un crucifié supposé hors-la-loi du point de vue du droit romain auquel les Actes tiennent beaucoup, serait aussi une "justification" divine et publique -- à ne pas confondre, bien sûr, avec le sens "paulinien" de la "justification"). |
| | | free
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| Sujet: Re: ascensions Lun 17 Mai 2021, 10:51 | |
| Ascension et enseignement
Le récit de Luc est assez étonnant. Au début, d’un repas Jésus recommande à ses apôtres de ne pas quitter Jérusalem et d’y attendre le baptême dans l’Esprit Saint (Ac 1,4-5.. Puis, brutalement, après avoir donné ses dernières instructions à ses apôtres, Jésus disparaît « dans la nuée » (Ac 1,9). Jésus et les apôtres sont donc dehors à ce moment. Et l'on apprend enfin que cela s’est passé au mont des Oliviers (Ac 1,12).
On voit bien que Luc a surtout voulu mettre en lumière la continuité qu’on peut facilement observer entre l'enseignement de Jésus, la mission qu'il donne aux siens et son Ascension finale. Tout cela avant le don de l’Esprit Saint lors de la Pentecôte.
Dans les Actes, Luc a préféré étaler dans le temps sur quarante jours (Ac 1,3) ces événements de la résurrection de Jésus puis de son Ascension. Mais lui-même n'était pas dupe de son procédé pédagogique puisqu'il peut, sans problème, situer le même événement le soir de Paques, dans son évangile (Lc 24,50-53).
Remarquons que cette notation de 40 jours porte surtout sur la durée de l'enseignement de Jésus à ses apôtres. Dans la Bible et la tradition juive, ce nombre – 40 – désigne souvent le temps d'une révélation comme l’indique clairement, par exemple, les 40 jours de Moïse au Sinaï (Ex 24,18) ou d'Élie à l’Horeb (1 R 19,. « Quarante », c'est le temps de la vision et de la préparation par le jeûne. On peut penser que Luc a également voulu établir un parallèle entre Jésus et son Église : comme lui-même s'était préparé à sa mission par les 40 jours dans le désert lors de ses tentations (Lc 4,1-2), de même à son tour il prépare son Église par ces 40 jours où il les entretient du Royaume de Dieu.
L’achèvement du mystère pascal
L'Ascension est également, dans les Actes, l’achèvement du mystère pascal : par deux fois les anges reprennent le verbe qui scande l'évangile de Luc, celui de « monter ». Tout au long de l’évangile de Luc, Jésus « monte » vers Jérusalem, vers son « enlèvement » (Lc 9,51), c'est-à-dire vers sa mort et son exaltation. Les anges sont ainsi chargés d'attester que Jésus est bien arrivé au terme de sa montée : il est dans la gloire du Père.
Le récit des Actes est donc résolument tourné vers l'avenir : si Jésus cesse avec ses disciples un certain type de présence, ce n'est pas pour les laisser orphelins, mais pour être présent avec eux d'une façon plus spirituelle. Par son Esprit, il continuera désormais à les animer pour qu'ils achèvent sa mission qu'il lisait lui-même dans les Écritures : « Qu'on prêche en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem » (Lc 24, 45-47). https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/200287.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: ascensions Lun 17 Mai 2021, 11:55 | |
| On admirera le raisonnement circulaire, ou la pétition de principe: SI en effet on postule pour tous les textes un seul et même "auteur", identique et égal à lui-même, autrement dit constant d'un texte à l'autre, ALORS s'*il* se contredit *il* le fait forcément exprès, *il* "n'est pas dupe" (de quoi au juste le serait-il ?), *il* a ses raisons et il n'y a plus qu'à les deviner pour savoir ce qu'*il* "veut dire". On pourrait s'étonner qu'une exégèse fonctionne encore comme ça au XXIe siècle, après tout ce qu'on a "déconstruit" au XXe des notions d'"auteur" et d'"intention", si elle n'était qu'exégèse -- mais elle est toujours autre chose, sermon ou catéchisme "édifiant", qui s'estime en devoir de préserver la "croyance naïve" en "l'histoire sainte" dont elle vit (au moins au sens économique du terme) même quand elle n'en croit plus un mot...
Ironie de l'"histoire", cette "croyance naïve à l'histoire sainte", cette réduction de la "foi chrétienne" à la croyance en une série d'"événements" passés, c'est en grande partie l'effet de l'ensemble Luc-Actes, tout autant que la cause de son succès. On peut certes comprendre la "foi chrétienne" autrement, en plus, mais à condition de la comprendre aussi et d'abord comme ça -- et de ne jamais la remettre en question sous ce rapport, si du moins l'on veut rester dans une "Eglise": il faut (faire semblant d')accepter son "histoire" telle qu'elle se la raconte.
Je me demande au passage où les auteurs (de l'article) voient un "repas" en Actes 1,4ss, créant ainsi une contradiction supplémentaire dans le récit même des Actes (dedans-dehors): c'est probablement une surinterprétation du verbe sunalizô au v. 4, ou le choix d'une autre variante textuelle -- mais dans les deux cas ça ne s'impose pas.
Pour information, Luc 9,51 utilise pour l'"enlèvement" le substantif ana-lèmpsis (hapax legomenon, seule occurrence dans le NT) qui correspond au verbe ana-lambanô des Actes (1,2.11.22 etc.); noter l'emploi analogue et également unique dans Luc-Actes d'exodos, "exode", au v. 31 (de Luc 9).
Dernière édition par Narkissos le Lun 17 Mai 2021, 12:17, édité 1 fois |
| | | le chapelier toqué
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| Sujet: Re: ascensions Lun 17 Mai 2021, 12:06 | |
| - Narkissos a écrit:
- On pourrait s'étonner qu'une exégèse fonctionne encore comme ça au XXIe siècle, après tout ce qu'on a "déconstruit" au XXe des notions d'"auteur" et d'"intention", si elle n'était qu'exégèse -- mais elle est toujours autre chose, sermon ou catéchisme "édifiant", qui s'estime en devoir de préserver la "croyance naïve" en "l'histoire sainte" dont elle vit (au moins au sens économique du terme) même quand elle n'en croit plus un mot...
L'exégèse du XXe siècle qui a déconstruit certaines notions sera toujours considérée comme la seule valable dans quelques 10, 20, cent ans ? Les exégètes pour autant qu'il en reste à ce moment là penseront peut-être de façon différente et c'est ce qui rend intéressant la recherche incessante et les dialogues qui se tiennent sur ce forum. Rien n'est permanent (n'est-ce pas une pensée bouddhiste ? ) |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: ascensions Lun 17 Mai 2021, 12:39 | |
| Elle n'a jamais été "considérée comme la seule valable", si elle l'avait été elle ne le serait déjà plus, à preuve l'article que nous sommes en train de commenter...
Il y a quand même la continuité longue d'une tendance exégétique (voire de L'ex-égèse si on l'oppose à une "eis-égèse" consistant à introduire dans le texte ce qu'on veut y trouver, read into comme dit l'anglais): les diverses "déconstructions" du XXe (qu'on ne dit déjà plus "postmodernes") s'inscrivent aussi dans le prolongement d'une "critique" moderne (textuelle, historique, littéraire) que l'on peut faire remonter du XIXe à la fin du moyen-âge; et même à l'Antiquité la plus lointaine, si tant est qu'on s'est toujours douté qu'un "savoir-lire" supposait une certaine "ascèse" intellectuelle: se débarrasser autant que possible de ce qu'on croit savoir pour lire effectivement ce qui est écrit, pour écouter ce qu'un texte "dit" avant de se demander ce qu'il "veut dire". Cette nécessité-là se fera toujours entendre, même de peu de lecteurs, tant qu'il y en aura pour vouloir lire.
Au-delà, bien sûr, même les textes ne sont pas "permanents", ils s'effacent et se corrompent de mille façons -- raison de plus à mon avis pour les lire comme on peut et tant qu'on peut. |
| | | free
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| Sujet: Re: ascensions Lun 17 Mai 2021, 13:13 | |
| - Citation :
- L'Ascension prendrait aussi une signification particulière du point de vue de la "christologie" (par ailleurs assez vague, inconstante sinon inconsistante) de l'ensemble Luc-Actes, si l'on considère que son "Jésus" ne vient pas du "ciel" -- contrairement aux modèles pauliniens ou johannique, rien ne suggère en effet une "pré-existence" céleste ou une "incarnation"; les traits "antidocétiques" de Luc iraient plutôt en sens inverse (omission de la marche sur la mer, insistance sur la résurrection corporelle, ce n'est pas un "esprit"). C'est sur ce fond qu'il faudrait apprécier la remarque que je faisais dans mon premier post (§ 3), à savoir que dans les Actes les titres (Christ, Seigneur, Fils de Dieu, etc.) sont généralement associés à la résurrection et à l'ascension (session à la droite de Dieu) plutôt qu'à la "vie de Jésus" (avant sa mort); significativement, le centurion de la Passion selon Luc ne reconnaît pas en Jésus "le fils de Dieu" ni "un fils de dieu", mais "un juste". Il s'ensuivrait que celui qui monte au ciel n'y retourne pas: on est plus proche du modèle gréco-romain de l'"apothéose" post mortem d'un "mortel" (qui, dans le cas d'un crucifié supposé hors-la-loi du point de vue du droit romain auquel les Actes tiennent beaucoup, serait aussi une "justification" divine et publique -- à ne pas confondre, bien sûr, avec le sens "paulinien" de la "justification").
Merci Narkissos pour ce commentaire qui me permet de découvrir une particularité de Luc qui m'était inconnue.Pour le livre des Actes, cette adoption filiale avait eu lieu au moment de la Pâques, comme il apparaît en Ac 13, 33 : "Dieu l'a pleinement accomplie pour nous, leurs enfants, en relevant Jésus, selon ce qui est écrit au Psaume deuxième : Tu es mon Fils, c'est moi qui t'ai engendré aujourd'hui". Il serait devenu vraiment le Messie et le Fils de Dieu au matin de Pâques Ac 2, 36 : "Que toute la maison d'Israël le sache donc bien : Dieu l'a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié !" |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: ascensions Lun 17 Mai 2021, 13:58 | |
| Il n'est pas étonnant que ça passe inaperçu, puisque c'est une absence (silence, omission, manque, lacune) qu'on tend spontanément à "combler" par des éléments d'autres textes (ou du catéchisme). Je me souviens encore -- c'est dire que ça m'a marqué -- de la première fois où j'en ai lu la remarque, incidemment, dans un commentaire (j'ai oublié lequel, par contre: Fitzmyer, Conzelmann, Bovon ?): pas de pré-existence chez Luc, ça m'a d'abord paru énorme avant qu'en réfléchissant je constate que c'était juste. Même la formulation alambiquée de la "naissance virginale" (c'est pourquoi aussi ce qui naîtra sera appelé saint, fils de Dieu), quel que soit son rapport rédactionnel avec le reste de l'évangile, évite l'idée de pré-existence au point où elle s'en rapproche le plus.
Evidemment, cette christologie "adoptianiste" (le sauveur sauvé, Jésus "simple homme" ou presque, adopté comme "Fils de Dieu" après sa mort, et n'étant auparavant dit tel que par prolepse ou anticipation) avait tout pour plaire à la mentalité "historiciste" ou "évolutionniste" de la fin du XIXe siècle. Comme de surcroît on la trouvait dans les discours des Actes, et associée par ailleurs à des "judéo-christianismes" plus ou moins antipauliniens, il était tentant d'en faire le "kérygme primitif", le premier "message chrétien" que "Paul" ou "Jean" auraient ensuite développé ou perverti pour faire de "Jésus" un sauveur céleste, incarné ou ayant simplement pris une apparence humaine (docétisme) -- encore que, dans les Actes, le même type de christologie se retrouvât indifféremment dans la bouche de Pierre ou de Paul (ou d'Etienne, entre autres; cf. les références dans le post initial).
Pour le dire autrement, il y a une allergie structurelle de l'histoire à une christologie "haute" ou "descendante", qui relève par essence du "mythe" (le Fils de Dieu venu du ciel, ça commence au ciel et non dans une "histoire" terrestre): ce qui peut passer pour "historique", aussi bien aux yeux des "croyants" que des "incroyants" quoique de deux points de vue opposés, c'est au contraire une christologie "basse" et "ascendante" (une "ascension" peut en cacher une autre): l'homme qui devient dieu ou même Dieu, cela se laisse raconter, le point de départ semble "historique", que le point d'arrivée soit considéré comme article de foi ou légende. Ce n'est sans doute pas par hasard que le grand continuateur des Actes, Eusèbe de Césarée, penchait vers l'arianisme...
Par ailleurs, si les Actes séparent chronologiquement la résurrection de l'ascension, ils ne les opposent pas quant au sens: de la ré-surrection-relèvement à l'ascension-élévation "à la droite de Dieu", c'est le même mouvement ascendant qui se poursuit, et les titres christologiques sont rattachés à l'ensemble, quel que soit le moment évoqué ici ou là: c'est bien la séquence résurrection-ascension qui est évoquée en Actes 2,32ss p. ex. |
| | | free
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| Sujet: Re: ascensions Lun 17 Mai 2021, 15:29 | |
| Retour à la ville
Luc (auteur des Actes) raconte que Jésus est élevé vers le Ciel et qu'on ne peut plus le voir. Aussitôt après sa disparition, arrivent deux hommes vêtus de blanc (ils évoquent donc des anges, sans toutefois qu'on nous dise expressément qu'ils le sont). À ceux qui entouraient Jésus et ont assisté à son départ, ils demandent : « pourquoi restez-vous à regarder au Ciel? ». Les disciples s'en retournent alors vers Jérusalem, entrent dans la ville. Ils ne s'installent pas en dehors de la cité, loin d'elle, ils vont y demeurer, en parcourir les rues, loger dans ses maisons et vivre au milieu de ses habitants,
Pourquoi prêter une attention particulière à ce dénouement qui peut paraître à première vue assez terne ? Ne nous fait-il pas sortir de l'extraordinaire, du sublime pour en revenir au quotidien, au banal, à l'insignifiant ? Après un moment intense, celui de l'ascension, les disciples auraient vécu un temps un peu vide de transition, en attendant qu'arrive un autre moment fort, celui de la Pentecôte. En fait, les versets qui terminent le récit de l'ascension me semblent avoir beaucoup d'importance et d'intérêt parce qu'ils détournent les disciples d'une attitude ou d'un comportement qui aurait bien pu les séduire.
En effet, les religieux, les spirituels ont toujours envie de rompre avec le monde, de s'en isoler le plus possible, de se tenir à l'écart, pour que rien ne vienne les déranger dans leurs exercices pieux, ni troubler leurs moments de contemplation et de méditation. Ils désirent oublier la terre dure et pénible et souhaitent ne s'occuper que du Ciel autrement exaltant. Ils veulent se détourner du matériel et du temporel pour s'adonner entièrement au spirituel et à l'éternel. L'Église tend à oublier qu'elle est « missionnaire » (qu'elle a une mission pour le monde) et à se replier sur elle même, en privilégiant le communautaire, le liturgique et la piété intime.
Les disciples de Jésus auraient pu, comme les gens de Qumran, s'installer dans une région désertique, loin des villes et de leur agitation. Ils auraient alors commencé et amorcé ce que l'on a souvent fait dans les époques suivantes, à savoir fonder des couvents fermés sur l'extérieur, construire des monastères entourés de murs qui les protègent. Les disciples auraient pu également se retirer dans des demeures discrètes, vivre entre eux, prier ensemble, et cultiver, comme un jardin secret, le souvenir de Jésus ; c'est peut-être, d'ailleurs, ce qu'a essayé de faire la première église de Jérusalem. S'ils avaient agi ainsi, ils seraient restés à regarder vers le Ciel, et se seraient désintéressés de la ville, de la cité, du monde.
Les hommes vêtus de blanc les orientent vers une autre voie : non pas demeurer à l'écart, sur quelque montagne sacrée pour regarder le ciel, mais descendre en ville, y parler, y agir, y témoigner. Les disciples sont devenus citoyens de Jérusalem, puis d'Antioche, d'Athènes et de Rome. Ils ont tenu des commerces, exercé l'artisanat, cultivé la terre, pratiqué l'art et la philosophie, sont entrés dans les affaires ou l'administration. On n'a d'abord pas voulu d'eux, et on les a pourchassés, persécutés, puis ils ont été admis et sont même devenus dominants. Ces diverses activités leur ont fait courir des dangers physiques et spirituels ; on risque parfois d'y perdre son âme. Mais c'est ainsi, et non en se mettant à l'abri qu'on rend témoignage au Dieu qui aime tous les êtres humains, toutes les créatures, et qui veut les sauver. L'évangile ne méprise pas le monde ; il va vers lui. Il n'ignore pas ni ne dédaigne sa culture, il y participe. http://andregounelle.fr/bible/ascension-actes-des-apotres-1.php |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: ascensions Lun 17 Mai 2021, 16:23 | |
| A cette lecture réformée, libérale et intelligente (Gounelle !) qui privilégie l'aspect "négatif" de l'Ascension (cf. post initial, § 3) on pourrait faire au moins deux objections, d'ailleurs corollaires:
1) Le Christ monté (sinon retourné) au "ciel" et à (la droite de) "Dieu", relayé sur terre par le "Saint-Esprit", ne sert plus à rien en tant que tel: au plan de "l'histoire" il n'est qu'un chaînon, un "moyen" de sa "suite", aussi "central" qu'on voudra mais passé et dépassé par cette suite même; au plan de la "théologie" il ne se différencie plus de "Dieu" ni même en "Dieu", dans aucun sens "utile" ou significatif au présent. Il n'est plus que le "nom" par lequel la divinité est désormais invoquée.
2) Il en résulte que c'est l'histoire même qui est divinisée, au ciel et surtout sur la terre, sous forme de "l'histoire de l'Eglise", ou de "l'Eglise historique" -- ce à quoi il me semble difficile d'applaudir sans réserve, surtout en tant que non-catholique et/ou non-apostolique; et d'autant moins qu'on ne souscrit pas davantage à quelque résurgence moderne d'une théologie, philosophie ou idéologie "de l'histoire", comme le "progrès" dans ses versions capitalistes ou socialistes.
Mais ce sont peut-être moins des objections que le revers de la médaille, du modèle "historique" du christianisme qui a historiquement "gagné" et sans lequel aucun christianisme, même divergent de ce modèle, n'aurait survécu... |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: ascensions Mar 18 Mai 2021, 11:02 | |
| Définition de l’Ascension : que fêtent les chrétiens ?
Située entre Pâques et la Pentecôte, l’Ascension est en lien avec ces deux événements. Quel est le sens de cette fête qui a lieu le 13 mai 2021 ? Pourquoi l’Ascension est-elle toujours célébrée un jeudi ? Explications.
Le jour de l'Ascension tombe toujours un jeudi. Pourquoi ? Parce que cette fête se célèbre quarante jours après le dimanche de Pâques, jour de la Résurrection de Jésus. Donc, faites le compte...
Ce nombre de quarante jours provient du livre des Actes des Apôtres où Luc écrit que Jésus «pendant quarante jours, était apparu aux apôtres et les avait entretenus du Royaume de Dieu» (Actes 1, 3). L’Église a retenu ce chiffre alors que pour les évangiles de Marc ou de Luc aucune mention n'est faite de ce délai de quarante jours. Bien au contraire leurs récits se gardent bien de donner le moindre délai, comme si les événements de la Résurrection de Jésus, les apparitions du Ressuscité, son ascension et le don de l'Esprit étaient une seule et même réalité ... ... Entrer dans la gloire de Dieu De toutes les façons il est inutile de chercher à connaître, malgré les précisions données dans les récits bibliques, les conditions réelles de cet événement. Ce qui, en revanche, est plus manifeste - et tel est le sens premier qui apparaît dans les récits bibliques -, c'est la signification que revêt cet événement : en montant aux Cieux, Jésus exprime ce que signifie sa résurrection d'entre les morts, à savoir entrer dans la gloire de Dieu. Tel est aussi notre avenir : entrer nous aussi dans cette gloire du Père qui nous est promise. Très rapidement, cette fête a connu une très grande importance. En France, lors du concordat signé entre Bonaparte et le pape Pie VII, l'Ascension est restée l'une des quatre fêtes d'obligation avec Noël, l'Assomption et la Toussaint. C'est-à-dire que même si ces jours ne tombent pas un dimanche, ils sont des jours chômés comme le dimanche. Aucun travail ces jours-là, mais grande fête et célébration dans les églises ! Cette obligation légale de jour chômé a été maintenue en 1905 lors de la renégociation des relations entre l’État français et l’Église catholique. C'est pourquoi, encore aujourd'hui, le jeudi de l'Ascension est férié ! https://croire.la-croix.com/Definitions/Fetes-religieuses/Ascension/Ascension-que-fetons-nous |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: ascensions Mar 18 Mai 2021, 11:59 | |
| N.B.: c'est toujours le schéma des Actes (compris dans l'ensemble Luc-Actes ou plus généralement Evangiles-Actes) qui détermine les "événements" de "l'histoire sainte", leur nom et leur distribution, quelle que soit la façon dont on interprète ensuite *leur* sens et leur relation (théo-)logique, même si l'on remet en cause leur chronologie visiblement artificielle... Privilège exorbitant de "l'histoire" (racontée) sur et dans la "théologie" même.
Par rapport à cette présentation catholique élémentaire, on peut remarquer que les Actes n'insistent guère sur la destinée individuelle ou même collective des personnages ("entrer dans la gloire de Dieu", l'au-delà, le paradis, le ciel etc.): sauf oubli de ma part il n'est jamais question de rejoindre le Christ au ciel, mais que lui en revienne, à l'horizon de "l'histoire"... |
| | | le chapelier toqué
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| Sujet: Re: ascensions Mar 18 Mai 2021, 13:39 | |
| - Narkissos a écrit:
- sauf oubli de ma part il n'est jamais question de rejoindre le Christ au ciel, mais que lui en revienne, à l'horizon de "l'histoire"...
N'est-ce pas le propos de Jean 14 ss ? particulièrement le verset 3 : "Lorsque je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que vous soyez, vous aussi, là où je suis." |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: ascensions Mar 18 Mai 2021, 14:27 | |
| Je parlais des Actes.
Comme je l'avais rappelé plus haut (14.5.2021 § 2), l'évangile selon Jean, lui, joue avec à peu près tous les mots-concepts-images des christianismes primitifs, en l'occurrence celui d'ascension ou d'élévation, côté départ (mais non distinct de la mort-résurrection, puisque c'est sur la croix même que le Christ est "élevé de la terre"), et celui de parousie et de rassemblement ou enlèvement des élus, côté retour. Mais il ne fait qu'en jouer, en fait il les renverse: comparer les v. 2-3 de Jean 14 aux v. 21-23, sans oublier de relire ce qui les relie, et la suite, le "chemin" par où le discours apparemment "eschatologique" de montée au ciel (de Jésus maintenant et des disciples plus tard) se retourne en venue-présence-présente du Christ et du Père dans les siens, ici et maintenant. (Nous avons commenté ce passage ici même tant de fois que je n'y insiste pas.) |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: ascensions Mar 18 Mai 2021, 16:42 | |
| L’existence de cette période intermédiaire soulève certaines difficultés que les chrétiens « évangéliques » ont été lents à reconnaître. Pourquoi la résurrection corporelle de Jésus n’a-t-elle pas été le mot de la fin? Pourquoi était-il nécessaire que son corps soit exalté le jour de l’Ascension, et pourquoi fallait-il attendre quarante jours? Ensuite, qu’est-il advenu du corps une fois élevé? Est-il devenu esprit, ou est-il toujours présent quelque part au ciel, ou bien dans l’espace? N’aurait-il pas été préférable que Jésus reste sur terre dans son corps ressuscité et soit un témoignage vivant de son oeuvre de salut sur la croix? Pensez combien cela aurait été spectaculaire si un évangéliste avait pu produire le Christ ressuscité comme argument ultime dans sa présentation de l’Evangile! Il est vrai que ces questions ne sont pas souvent posées car, de nos jours, les chrétiens préfèrent les ignorer. Mais si nous décidons de les considérer, les problèmes sont évidents et nous contraignent à leur trouver une solution. https://larevuereformee.net/articlerr/n199/lascension |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: ascensions Mar 18 Mai 2021, 17:40 | |
| Je suis toujours déconcerté par ce type d'intelligence et de savoir (j'ai suivi et apprécié jadis une série de cours de Gerald Bray sur les "confessions de foi" et notamment le Symbole dit d'Athanase, ou Quicumque) qui paraît cohabiter avec une absence abyssale d'"esprit critique" -- à moins que la naïveté ne soit feinte: c'est peut-être plus "britannique" ou "anglo-saxon" que "latin" ou "germanique", quoique ces stéréotypes ne vaillent probablement pas cher. Toujours est-il qu'un tel discours et sa tranquillité dogmatique me paraissent insoutenables du point de vue d'un "bibliste", fût-il "évangélique", en ce qu'il ignore superbement toutes les différences entre les textes "bibliques" (du NT en l'occurrence).
"L'ascension d'un corps" (humain, fût-il ressuscité), prise au pied de la lettre, pose des problèmes insurmontables à la modernité, "croyante" ou non -- ça me rappelle la réflexion d'un gamin à qui on avait dit que son oncle décédé était monté au ciel et qui avait répliqué "c'est pas possible, il est trop gros, il va retomber"... Même si l'on y introduit l'indétermination paulinienne du "corps spirituel" (selon 1 Corinthiens 15, et plus jamais ailleurs), je ne vois guère comment penser une quelconque différence entre ce qu'on appellerait ainsi et un "esprit". Quant à la distinction protestante entre "corps mystique" du Christ plus ou moins identifié au "corps ressuscité" d'une part, à une "Eglise spirituelle" ou "idéale" d'autre part,, et l'Eglise "historique", "institution" unique ou multiple, on la chercherait en vain dans les Actes: ceux-ci ne connaissent qu'une seule "Eglise", "historique", et ne l'identifient jamais au "corps du Christ" comme le fait (diversement) le corpus paulinien, sinon de façon allusive et oblique (p. ex. à la conversion de Saül: Jésus que tu persécutes): mais là encore ce serait une "Eglise" bien réelle, et le mot de "corps" n'y jouerait aucun rôle. |
| | | free
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| Sujet: Re: ascensions Mer 19 Mai 2021, 10:59 | |
| "et dirent : Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous là à scruter le ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu aller au ciel" (Ac 1,11).
Le « de la même manière » reste ambigüe. Cette manière ne peut concerner les modalités de l’Ascension telles que la nuée par exemple. Certes, les images de la Parousie évoquent aussi la présence de nuées (Mt 24, 30 ; Ap 1, 7 ; 14, 14 ; cf. Dn 7, 13) mais toujours au pluriel, tandis que notre péricope parle de la nuée au singulier (νεφελη – Ac 1, 9). Il ne s’agit donc pas des nuées eschatologiques en Ac 1. La manière est donc à saisir dans un sens plus général. Comme l’Ascension, la Parousie sera inattendue et inaugurera une ère nouvelle. Son retour sera aussi un événement indescriptible et profondément divin qui échappe à notre entendement. Nous ne pouvons pas en dire plus, mais nous pouvons conclure avec Daniel Margerat que « paradoxalement, son retrait du monde est garantie d’un retour » et que les deux hommes vêtus de blanc nous appellent une fois de plus à ne pas nous fixer sur le comment insondable de la Parousie ...
... restez-vous là à regarder vers le ciel ? » (Ac 1, 11). Ces deux questions sont comme les deux glissières de la route que l’Église se frayent sur la terre. Le Christ n’est actuellement ni mort, ni dans un ciel lointain, et les chrétiens ne doivent donc ni désespérer, ni vivre dans un mysticisme qui oublie d’habiter ce monde avec acuité, joie et discernement. 9III. Ouverture du temps de l’Église L’évangile de Luc est celui des synoptiques qui parlent le plus fréquemment de l’Esprit Saint. Après son baptême par Jean, Jésus devient comme le propriétaire de l’Esprit, car il est le seul auquel il est attribué (Lc 3, 22 ; 4, 1.14.18 ; 10, 21) mais il le promet à ses disciples (11, 13 ; 12, 12), notamment à l’aube de l’Ascension (24, 49). Il annonce en Ac 1, 5 qu’il va d’ici peu étendre le baptême qu’il a reçu : « C’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici quelques jours ». Ainsi, le Christ va communiquer l’Esprit dans lequel il a agit, pour que les Apôtres vivent de sa vie. La Pentecôte se profile progressivement derrière l’Ascension. Or, la Pentecôte est l’un des événements le plus fondateurs pour l’Église car elle en dévoile la plupart des éléments : l’inhabitation de l’Esprit Saint (Ac 2, 4), l’ouverture sur le monde et l’universalité (v. 6), la place de Pierre (v. 14), l’entrée dans l’Église par le baptême (v. 41), etc. L’Ascension est comme une nécessité pour que la Pentecôte devienne une fondation de l’Église https://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:bmhmUYDey9cJ:https://www.academia.edu/19668459/La_port%25C3%25A9e_eschatologique_de_lAscension+&cd=4&hl=fr&ct=clnk&gl=fr |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: ascensions Mer 19 Mai 2021, 11:48 | |
| L'argument du nombre (singulier ou pluriel) de néphélè (la ou les, une ou des nuées, le ou les, un ou des nuages) est d'autant plus mauvais que Luc 21,27 utilise aussi le mot au singulier (le Fils de l'homme vient dans une ou la nuée), comme Actes 1... Il serait plus intéressant de noter, du point de vue de l'ensemble Luc-Actes, que la Transfiguration (Luc 9,27) renvoie aussi à l'Annonciation (1,35, même verbe episkiazô, "ombrer" ou "couvrir d(e son) ombre").
Il est toutefois juste de dire que l'ensemble du passage dissuade de s'interroger sur la "manière" du retour autant que sur son "temps", proche ou lointain (assurément lointain vu la suite du livre): les questions "eschatologiques" ne sont posées, explicitement, que pour être écartées -- avec un succès mitigé comme on sait, puisque toutes les contradictions diverses que le NT oppose à une "eschatologie" proche ou imminente n'empêcheront jamais celle-ci de ressurgir ici ou là.
Je trouve par ailleurs que le rapport de con-séquence, sinon de "causalité" entre Ascension et Pentecôte est plutôt bien marqué par les Actes, en particulier 2,33. |
| | | free
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| Sujet: Re: ascensions Mer 19 Mai 2021, 12:34 | |
| "Mais après mon réveil, je vous précéderai en Galilée" (Mc 14,28)
"Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée : c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit" (Mc 16,7).
L'évangile de Marc, les disciples peuvent rencontrer Jésus en Galilée, il n'indique pas les modalités de cette éventuelle rencontre mais il souligne l'importance d'aller immédiatement en Galilée et de quitter, tout aussi rapidement Jérusalem. Il y a une sorte de "Galilée-centrisme".
Concernant l'évangile de Marc :
Un Évangile prolongé… Parlons tout de même de l’évangile du jour, choisi en raison de ces quelques mots qui font allusion au mystère de l’Ascension : Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. L’extrait d’aujourd’hui est tiré de ce qu’on appelle la « finale longue » de l’évangile de Marc 6,9-20, qui est un ajout tardif postérieur à l’évangile original qui se terminait sans doute en 16,8. Finissant presqu’en queue de poisson (silence apeuré des femmes venues au tombeau de Jésus, aucun récit d’apparition du Ressuscité ou de son Ascension), la fin de Marc fut jugée si abrupte que des scribes chrétiens de l’Antiquité ont jugé bon – sans doute dans un but apologétique – d’ajouter quelques versets pour harmoniser cet évangile aux trois autres qui, eux, rapportent de nombreuses manifestations du Ressuscité.
De cet exercice d’harmonisation, outre la mention d’une montée au ciel de Jésus (qui justifie le choix de cet évangile pour la fête de l’Ascension), l’extrait d’aujourd’hui relaiera l’envoi en mission universelle des disciples par le Ressuscité (versets 15 et 16) et l’assurance de sa présence à la mission de l’Église (verset 20) [4]. Certains versets (versets 17 et 18) portant sur les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants étonneront cependant pour deux raisons : d’abord parce qu’ils sont promis à tout croyant et non aux seuls Apôtres, et ensuite, parce que deux de ces cinq dons miraculeux sont inusités dans le Nouveau Testament (serpents et poison mortel). On comprend que de chasser les esprits mauvais, guérir les malades ou parler un langage nouveau (glossolalie prophétique) accompagnent la mission de l’Église depuis ses débuts, signes que la puissance de la Résurrection du Christ agit par elle. Toutefois, défier la mort, en jouant avec des serpents ou en avalant un poison – n’essayez pas cela à la maison! – a tout l’air de « numéros de cirque » oiseux, crée un effet « poudre aux yeux » ayant peu à voir avec la mission de l’Église. La prédication apologétique des 2e et 3e siècles usait, paraît-il, de ces arguments de vente « miraculeux » pour convaincre; ce qui milite encore en faveur de la thèse de l’ajout tardif de ces versets à l’évangile de Marc. http://www.interbible.org/interBible/cithare/celebrer/2021/b_ascension.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: ascensions Mer 19 Mai 2021, 15:19 | |
| Dans le Marc "authentique" (celui qui s'arrête à 16,8, d'après les manuscrits les plus anciens, mais "authentique" alors ne signifie ni "premier" ni "original", pas plus qu'il n'implique une quelconque "unité" ou "paternité" du texte), la Galilée joue un autre rôle, celui du retour au point de départ, qui "boucle" l'évangile sur lui-même en l'ouvrant, non sur une "suite" narrative, mais à sa propre re-lecture infinie. Je ne dis pas que ça corresponde à une "intention" quelconque, que ç'ait été "voulu" ou "fait exprès", mais c'est un effet indéniable du texte, néanmoins déjoué en pratique parce qu'on lit Marc dans le NT, en ayant en tête diverses "suites", aussi bien les "apparitions" des autres évangiles que les Actes. De ce point de vue les différentes "finales" ajoutées tardivement au texte de Marc ne font qu'y réinscrire ce "contexte" (néotestamentaire et traditionnel). Ce qui est tout à fait clair en revanche, c'est que "Luc" (ou du moins les dernières ou avant-dernières rédactions de l'évangile qui porte ce nom, celles qui assurent en partie sa correspondance avec les Actes) abandonne, supprime, censure délibérément ce schéma du retour en Galilée tel qu'il le trouve chez Marc (et sans doute aussi chez Matthieu, avec "apparitions" en supplément). Outre la géographie symbolique (de Jérusalem à Rome), la nécessité de "rester à Jérusalem" est en effet indispensable à la vision d'une origine unique de (l'histoire de) l'Eglise. Pour rappel, nous avons évoqué assez récemment Ephésiens 4 (cf. la suite de l'article) à partir de son "texte-source", le psaume 68. S'il s'agit bien d'une interprétation particulière de l'"ascension-élévation" du Christ "à la droite de Dieu" (cf. 1,20 et Colossiens 3,1, pour rester dans les "deutéro-pauliniennes"; mais ce ne sont que des échos parmi tant d'autres du psaume 110, champion toutes catégories des références du NT à l'AT), elle ne présuppose nullement le récit des Actes. |
| | | free
Nombre de messages : 10098 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: ascensions Jeu 20 Mai 2021, 12:04 | |
| I – Matthieu 28, 16-20 : un document et une parole
À la différence de Luc ou de la dernière version de Marc, Matthieu ne termine pas son Évangile par le récit de l’ascension, mais par des paroles de Jésus. Ce qu’il lui importe de partager, ce n’est pas que le ressuscité soit monté au ciel, mais qu’il soit présent aux côtés de ceux qui l’écoutent. Bien que, au niveau de la narration, ces paroles soient adressées aux onze disciples rassemblés, elles fonctionnent en fait comme une clef d’interprétation de l’Évangile : la promesse de Jésus aux onze est valable « jusqu’à la fin du monde ». Tous les disciples, jusqu’à la fin, sont donc concernés, y compris le lecteur. Par une sorte d’effet rétroactif, ce dernier est alors fondé à s’identifier aux disciples de Jésus dans l’ensemble du récit de Matthieu. Cette piste lui a déjà été ouverte, par exemple par les passages sur la « discipline ecclésiastique » (18, 15-18). https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2013-2-page-219.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: ascensions Jeu 20 Mai 2021, 12:41 | |
| Sur cet article, cf. ici 12.4.2021.Le "Saint-Esprit" qui va devenir, par le truchement des "apôtres" et de "l'Eglise", le principal "acteur" des Actes, si j'ose dire, et qui requiert dans cette économie la disparition de "Jésus" par l'ascension (autant pour lui laisser la place sur terre que pour rendre possible son "effusion" du ciel), joue par comparaison un rôle beaucoup plus accessoire dans Matthieu où il s'agit comme, comme dans Jacques, de faire -- ici ce que Jésus commande, autrement dit la "loi" telle qu'il l'interprète. A part ça il se borne, dans l'ultime addition, à la formule "trinitaire" et traditionnelle du baptême (au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit). |
| | | free
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| Sujet: Re: ascensions Jeu 20 Mai 2021, 14:55 | |
| Il faut approfondir encore la nature de cette diaconie de l’apostolat. Dans son discours introductif au choix de Matthias, Pierre indique une seule condition sine qua non pour avoir part à un tel ministère (outre la condition évidente d’être choisi par l’Esprit Saint). Il déclare :
Il y a des hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a marché à notre tête, à commencer par le baptême de Jean jusqu’au jour où il nous a été enlevé : il faut donc que l’un d’entre eux devienne avec nous témoin de sa résurrection. — (Ac 1,21-22)
C’est là l’unique critère nécessaire pour être agrégé aux apôtres et recevoir une part de leur diaconie de l’apostolat. Il y a, dans ce critère, une définition et une condition. La définition exprime en d’autres mots la nature de l’apostolat : c’est être témoin de la résurrection du Seigneur Jésus. La condition est plus précise : il faut avoir cheminé avec Jésus et avoir vécu dans la proximité avec lui, pendant le temps de sa présence terrestre, incluse exactement entre son baptême par Jean et son ascension (rappelée quelques versets plus haut, en 1,9-11).
Cette condition renvoie explicitement à l’évangile qui, comme le dit Luc dans l’introduction des Actes, était consacré à tout ce que Jésus avait fait et enseigné « depuis le commencement jusqu’au jour où, après avoir donné, dans l’Esprit Saint, ses instructions aux apôtres qu’il avait choisis, il fut enlevé » (Ac 1,1-2). La diaconie de l’apostolat trouve donc son origine et sa légitimité dans la proximité [16] avec la vie même du Seigneur Jésus et, précisément, avec son ministère public terrestre, inclus entre le baptême et l’ascension. Aucun détail précis de ce ministère public n’est ici rappelé, hormis les deux termes : le baptême, après lequel Jésus fut désigné comme le Fils (cf. Lc 3,22) et l’ascension (qui est plus exactement exprimée en termes d’enlèvement [17]).
Toute diaconie dans les Actes n’est-elle donc pas liée à ce ministère public de Jésus ? Toute diaconie est, mystérieusement, proximité vitale avec Jésus, notamment dans l’acte même de son enlèvement. Elle est une participation à la diaconie de l’apostolat fondamentale, celle des douze apôtres, qui est témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus toujours vivant, témoignage scellé dans son enlèvement. https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-theologique-2003-2-page-205.htm
Ce texte n'a pas un lien direct avec notre sujet mais il souligne que l'ascension a été un moment marquant de l'histoire que nous racontent les Actes. Je note également l'expression : "où il nous a été enlevé", qui indique que les disciples ont vécu cet enlèvement comme un déchirement et une séparation douloureuse. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12456 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: ascensions Jeu 20 Mai 2021, 15:44 | |
| Il suffit de recourir à des transcriptions "frangrecques" comme "diaconie" plutôt que de traduire simplement ("service") pour donner l'illusion de "termes techniques" au sens précis mais mystérieux, dont la définition donne ensuite lieu à des discussions aussi creuses qu'interminables. En principe cela vaudrait aussi pour "apôtre" et "apostolat" (= "envoyé", "émissaire", "envoi", "mission"), sauf que l'usage de ces termes-là est effectivement défini par le contexte (en tout cas dans les Actes).
La connotation affective que tu entends (à bon droit) dans la traduction "il nous a été enlevé" n'est pas (non plus) nécessairement celle du grec (ana-lambanô + apo + génitif indique simplement la provenance, pris-reçu en haut de[puis] nous), qui n'implique en soi aucun sentiment particulier -- pas plus que le contexte d'Actes 1 d'ailleurs; dans la conclusion actuelle de l'évangile de Luc (24,50ss) ce serait plutôt le sentiment contraire, l'ascension et la promesse se traduisent immédiatement en joie.
A mon sens, l'épisode du remplacement de Judas par tirage au sort, qui pose par ailleurs de gros problèmes textuels (avec la divergence entre les traditions "occidentales" et "orientales" ou "alexandrine" qui est particulièrement massive dans les Actes), a pour objectif principal de relativiser la position de Paul, de le subordonner d'avance aux Douze comme il va l'être régulièrement par la suite, de faire qu'en aucun cas il ne soit pris comme un "douzième apôtre" à l'égal des autres ou, pire, indépendant des autres. D'où aussi l'énoncé de "critères d'apostolat" -- avoir suivi Jésus durant sa vie (terrestre) -- auquel il ne répond pas. L'épisode même pourrait bien être un ajout secondaire, si l'on en juge par le "lapsus" du texte "occidental" en 2,14 (Pierre avec les dix, non onze, comme si Judas n'avait jamais été remplacé). |
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