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| La Sagesse | |
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| Sujet: La Sagesse Mar 15 Juin 2021, 15:45 | |
| Histoire théologique de la sagesse israélite; 5 étapes:
1. Sagesse traditionnelle ou sagesse classique Cette première forme présuppose que Dieu a créé un monde équilibré où chaque action est rémunérée par une récompense, bonne ou mauvaise selon le cas. Datation: grosso modo des origines d'Israël à l'Exil (= âge d'or) Livres bibliques : Proverbes 10-29*
2. Sagesse traditionnelle théologisée Dans la première phase, il n'y a pas de différence entre la sagesse d'Israël et la sagesse des nations. Dieu n'a pas de rôle actif dans le monde, qui peut fonctionner sans lui. Dans la seconde phase, on introduit Dieu dans le discours; c'est lui qui donne la récompense. Datation : grosso modo entre 6e et 4e siècles Livres bibliques : Pr 10-29*; éléments sapientiaux dans le Pentateuque et les Prophètes
3. Sagesse problématisée Dans la réalité, il y a des méchants qui réussissent et des justes qui souffrent. Donc mise en question de toute la tradition sapientiale. Datation : 5e siècle, époque perse Livre biblique : Job
4. Sagesse critique L'homme ne peut pas connaître ni le monde ni Dieu. Cette sagesse critique et sceptique présuppose la philosophie internationale hellénistique. Datation : 3e siècle, époque hellénistique (ptolémaïque) Livre biblique : Qohélet
5. Sagesse traditionnelle pieuse et nationaliste Cette sagesse est l'oeuvre d'orthodoxes religieux. Ils lient la sagesse et la Tora ainsi que la sagesse et l'histoire nationale du peuple d'Israël. Le vrai sage est un intellectuel pieux, qui étudie et interprète la Tora. Datation : 2e ? 1er siècles, époque hellénistique (séleucide) Livres bibliques : Pr 1-9; Siracide, Sagesse de Salomon et Baruch (deutérocanoniques)
La Sagesse au Proche-Orient ancien
Les premières attestations écrites de la sagesse, en Mésopotamie et Egypte, sont des listes qui énumèrent soit des contenus du monde, soit des comportements humains. Les deux disciplines et centres d'intérêt de la sagesse sont (et seront toujours) la cosmologie et l'éthique. Les sages sont des gens de l'entourage du roi, des professeurs de l'école du palais et du temple, éduquant les princes et les cadres chargés de la gestion de l'État. La sagesse comme littérature a été produite par une cette élite politique et intellectuelle. La sagesse est liée à líEtat et au pouvoir, en ce sens que la croyance en un monde stable, socialement et politiquement, est nécessaire au maintien de l'État, dont le roi est alors le garant et le responsable. Il y a une relation d'interdépendance entre l'écriture et la sagesse. On observe en effet que la sagesse est née au 3e millénaire en Mésopotamie et en Egypte, dans ces deux civilisations qui ont inventé l'écriture. L'apprentissage de l'écriture a été conçu comme un apprentissage des éléments du monde, car l'enseignement des signes est déjà un inventaire du monde. http://www.unige.ch/theologie/distance/cours/ats3/lecon6/lecon6.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Sagesse Mer 16 Juin 2021, 00:57 | |
| Beaucoup d'affirmations gratuites, contestables, et surtout irréfléchies dans ce document. Dans la mesure où une " sagesse israélite" précède (de plusieurs siècles) le "monothéisme", elle ne risque pas de parler de "Dieu" au sens où l'entend un "monothéisme", et elle ne se distingue effectivement guère de ses voisines ("polythéistes"): la sagesse est largement interethnique et interculturelle, comme en témoignent aussi bien ses emprunts littéraires (à l'Egypte ou à la Mésopotamie) que ses figures emblématiques (Job, Agour ou Lemouel situés a priori hors "Israël", Salomon réputé ouvert à toutes les cultures, l'historiographie deutéronomiste le lui reproche assez). Son problème n'est quasiment jamais la "création (initiale) du monde" (les mythes cosmogoniques n'ont pas grand-chose de "sapiential"), mais bien l'intelligence théorique et pratique d'un "ordre du monde" qui implique une certaine notion de "rétribution" ( justice, mesure, équilibre, cf. la ma'at égyptienne ou les dikè et nemesis grecques), foncièrement supérieure aux dieux, comme la "nécessité" et le "destin" qui vont de pair; elle n'en connaît pas moins depuis toujours les "accidents" ou les "contradictions" de cet ordre (cf. p. ex. le Ludlul bel nemeqi mésopotamien, qui est un peu un "Job sans Dieu", mais non point "athée"), lesquels en réalité ne contreviennent pas à l'ordre mais le compliquent (que "l'ordre du monde" ne soit pas évident pour tout le monde, c'est l'objet ou la matière mêmes d'une " sagesse" qui requiert des dispositions, une éducation, un apprentissage, un exercice). Bien entendu, le passage au "monothéisme" et ses suites vont considérablement modifier le "contenu" de la " sagesse" et en particulier la compréhension, et de la "rétribution" et de ses "accidents": non seulement parce qu'un seul "dieu" éclipse les autres mais surtout parce qu'il vient à se confondre avec tout ce qui précède ou surplombe les dieux, la "justice" autant que le "chaos primordial", qui ont d'ailleurs un air de famille (cf. l' apeiron d'Anaximandre); mais cela affecte plutôt moins la " sagesse" que d'autres "genres littéraires" (narratifs, législatifs, liturgiques, "prophétiques"). En tout cas on ne peut pas faire comme si la " sagesse israélite" commençait avec le "monothéisme"; on ne peut même pas dire ça de la " sagesse biblique" puisqu'une bonne partie des collections anciennes (Proverbes 10--29) est antérieure -- même dans la "couverture" des Proverbes (1--9; 31) globalement postérieure, une formule comme celle de 9,10 trahit son origine "polythéiste" (crainte de Yahvé =.connaissance des saints = des dieux); d'autre part la fameuse "personnification" (féminine) de la Sagesse est une quasi-divinisation, comparable à celle de la ma'at égyptienne ou de la dikè grecque: c'est encore une sorte de polythéisme qui resurgit dans le monothéisme par la littérature sapientiale (comme il resurgit dans de tout autres "genres", avec l'angélologie ou la démonologie des textes dits "apocalyptiques" p. ex.). |
| | | free
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| Sujet: Re: La Sagesse Mer 16 Juin 2021, 11:51 | |
| - Citation :
- Son problème n'est quasiment jamais la "création (initiale) du monde" (les mythes cosmogoniques n'ont pas grand-chose de "sapiential"), mais bien l'intelligence pratique d'un "ordre du monde" qui implique une certaine notion de "rétribution" (justice, mesure, équilibre, cf. la ma'at égyptienne ou les dikè et nemesis grecques), au fond supérieure aux dieux, comme la "nécessité" et le "destin" qui vont de pair; elle n'en connaît pas moins depuis toujours les "accidents" ou les "contradictions" de l'ordre (cf. p. ex. le Ludlul bel nemeqi mésopotamien, qui est un peu un "Job sans Dieu", mais non point "athée"), qui en réalité ne contreviennent pas à l'ordre mais le compliquent (que "l'ordre du monde" ne soit pas évident pour tout le monde, c'est l'objet ou la matière même d'une "sagesse").
Le portrait de l'homme avisé met en évidence ce que nous pourrions appeler les «valeurs de passivité». La sagesse est faite d'écoute, d'obéissance, d'humilité, de maîtrise de soi, de prudence, et non de créativité, de développement de la liberté. Au contraire, s'abandonner à son instinct ou à ses sentiments, considérer sa propre valeur, c'est se laisser entraîner dans le désordre. On devine derrière tout cela la conviction qu'il existe un ordre des choses, fait d'harmonie et de justice. Cet ordre est hiérarchique: YHWH impose sa volonté au roi, qui commande à son tour au pays, de même que le père commande à son fils. Comme l'ensemble de la littérature de sagesse proche-orientale, les proverbes israélites anciens sont le reflet et le soutien d'un ordre social rigide et autoritaire. Le programme du sage est double: d'une part, il lui faut accéder à la connaissance de l'ordre du monde par les leçons reçues des maîtres, l'intelligence, l'observation, le bon sens et l'honnêteté intellectuelle; d'autre part, il doit conformer sa vie à cet ordre, par sa justice, sa droiture, son travail, sa générosité et son refus de la violence. En face du sage se trouvent à la fois l'insensé, c'est-à-dire celui qui ne voit pas l'ordre de l'univers, et le méchant, c'est-à-dire celui dont la vie n'y correspond pas. À vrai dire, folie et méchanceté ne doivent pas être séparées, mais qualifient ensemble l'attitude du non-sage ... ... Ces proverbes, qui reposent sur l'expérience, ne s'adressent pas à la conscience morale, mais ils disent les conséquences naturelles de diverses conduites: ceci mène à la réussite, cela à l'échec. Il s'agit moins de vivre selon sa conscience ou de répondre à l'appel de YHWH que d'agir intelligemment afin d'arriver au bonheur personnel. Dès lors, celui qui veut atteindre les postes les plus en vue doit se faire humble et soumis, ne se faire remarquer que par son travail assidu. En définitive, ces proverbes ne développent pas une morale du don de soi, de l'effacement devant les autres ou de la pauvreté du cœur; au contraire, ils disent par quels détours obligés, par quelles patiences on peut devenir vraiment riche et puissant. Car tel est bien l'horizon de ces proverbes: faire carrière, réussir «dans la vie». https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_2004_num_35_4_3399 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Sagesse Mer 16 Juin 2021, 12:47 | |
| Excellent article (d'un excellent auteur), qui mérite d'être bien lu parce qu'il donne, en particulier sur le "corps" des Proverbes (10--29, à l'exception de 22,17--24 qui forme un ensemble à part, très probablement inspiré d'un texte égyptien, l'"Instruction d'Aménémopé"), des clés d'analyse extrêmement précieuses pour l'intelligence de ce "recueil" qui à première vue ressemble à un énorme bric-à-brac: non seulement pour distinguer les sentences plus ou moins anciennes ou récentes, mais surtout pour comprendre ce qui les caractérise -- donc une certaine évolution de la "sagesse", de la "pratique" à la "théorie", d'une certaine indifférence, non à la "religion" en général mais aux "particularismes religieux", vers une "sagesse" de plus en plus marquée confessionnellement par la "monolâtrie", sinon par le "monothéisme", mais aussi moins "pratique" ou "réaliste"; et surtout le rapport entre les unes et les autres au fil des rédactions (comment de nouvelles sentences réagissent aux anciennes, les "corrigent", les "éclairent" dans un sens et les "obscurcissent" dans un autre; etc.). |
| | | free
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| Sujet: Re: La Sagesse Mer 16 Juin 2021, 14:37 | |
| "Un lion qui gronde, un ours déchaîné, tel est le méchant qui gouverne un peuple pauvre. Un chef dépourvu d'intelligence multiplie les actes d'oppression ; celui qui déteste le gain illicite prolonge ses jours" (Prov 28,15-16). "Quand les justes se multiplient, le peuple se réjouit ; quand le méchant gouverne, le peuple gémit ... Un roi affermit son pays par l'équité ; un souverain avide de prélèvements le rase".( Prov 29,2-4) Les Proverbes 28-29 contestent le pouvoir politique mal exercé et les chefs politique qui parviennent à leurs fins par l'oppression des pauvres (28,3), le mépris du droit (28,5) ou le recours à l'usure (28, , qui corrompent les honnêtes gens (28,10) et finissent par croire que leur succès prouve leur sagesse (28,1 1). |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Sagesse Mer 16 Juin 2021, 15:37 | |
| De ce côté-là on n'est (déjà) pas très loin de Qohéleth (chap. 7ss)...
La "sagesse" (hokhma, sophia) est un "genre", une "discipline" ou un "domaine", comme la "philo-sophie" qui s'y rattache expressément sans être tout à fait la même chose. Il ne faut pas en attendre une unité de "contenu" ou de "résultat", comme on en attendrait d'une "science" au sens moderne du mot: on compte bien que tous les manuels de physique ou de chimie soient d'accord entre eux sur l'essentiel, mais on ne demanderait jamais cela à tous les livres de philosophie, ni même d'économie politique, encore moins à tous les romans. Il y a au moins autant de "sagesses" que de "sages", peut-être davantage parce que la sagesse se plaît à la contradiction (comme l'illustre Proverbes 26,4s que Vermeylen rappelle en conclusion). Mais il y a aussi des sagesses catégorielles, une sagesse paysanne, artisanale ou marchande, administrative, politique ou militaire, des sagesses de "riches" et des sagesses de "pauvres"... Il n'est généralement pas très difficile, à partir du contenu d'une sentence, de deviner "d'où elle parle" -- de quelle époque, de quel lieu ou de quel milieu, de quel site ou point de vue.
Ce qui nuit le plus à mon sens à la "sagesse biblique", je l'ai souvent dit mais je le répète, c'est justement d'être "biblique", et par là promue dans l'imaginaire de la plupart des lecteurs au statut de "parole religieuse", voire de "parole de Dieu", parole absolue et définitive de l'Absolu en personne: on n'a plus affaire à des remarques humaines et relatives, situées, énoncées à partir d'un "point de vue" donné. Le moindre observation de "bon sens", même originellement dotée d'une bonne dose d'humour, se retrouve aussitôt surdéterminée d'un caractère "moral" et "sacral", et on entend "salut" et "perdition" éternels là où il n'était question que d'avantages et d'inconvénients, de "bonheur" ou de "malheur" plus ou moins grands, plus ou moins probables, et dans tous les cas provisoires. Ce malentendu m'a longtemps fait détester les Proverbes, en tout cas certains d'entre eux, il était inévitable dans la mesure où je les entendais comme une parole de Dieu, surtout relayée par la voix d'une autorité familiale ou religieuse. |
| | | free
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| Sujet: Re: La Sagesse Jeu 17 Juin 2021, 11:06 | |
| Ce Livre des Proverbes est particulièrement important pour notre propos, la Sagesse y étant déjà personnifiée et confrontée à la Folie d'une manière très efficace. Dès le premier chapitre, la Sagesse fait entendre sa voix dans les rues et aux portes de la ville pour mettre en garde les insensés :
"Jusques à quand, sots, aimerez-vous la sottise, Les moqueurs se complairont-ils dans la raillerie, Et les insensés haïront-ils la science ?" (1,22)
La Sagesse apparaît comme le but suprême de toute aspiration humaine; elle conduit à la vie, tandis que les insensés ne peuvent attendre que la mort et la ruine :
"Car l'égarement des sots les tue, Et l'insouciance des insensés les perd". (1,32)
La Sagesse personnifiée s'attribue elle-même les plus hautes vertus spirituelles et morales :
"Moi, la Sagesse, j'ai pour amie la Prudence, Je possède une science réfléchie". (8,12) "Je marche dans le chemin de la justice, Au milieu du sentier de l'équité". (8,20)
Au 9 e chapitre, le « banquet de la Folie » est confronté au « banquet de la Sagesse ». Ici également, la folie apparaît personnifiée, comme au xvi siècle dans l' Éloge de la Folie d'Érasme et dans le Débat de Folie et ď Amour de Louise Labé. Le Livre des Proverbes cependant présente la Folie comme nettement négative :
"Dame Folie est agitée, Une sotte qui ne sait rien". (9,13)
Elle s'installe à la porte de sa maison pour inviter les passants : « Que le simple entre ici! » (9,16). A l'opposé du festin auquel la Sagesse convie « ceux qui manquent de sens », afin qu'ils participent à la sapientia, ce festin auquel Dame Folie convie les insensés a « l'attrait du fruit défendu ».
A côté de cette conception tout à fait négative de la folie, et de cette exaltation de la sagesse, nous trouvons dans l'Ancien Testament d'autres oppositions entre la sagesse et la folie, notamment dans le Livre de V Ecclésiaste (L 'Ecclésiaste, 1, 16-17; 2, 3; 2, 12-16; 7, 5; 7, 25; 9, 17; 10, 1-3; 10, 12-14).
Une conception négative de la « sagesse de ce monde » trouve à plusieurs reprises sa résonance chez les prophètes Isaïe et Jérémie, qui condamnent les Sages présomptueux :
"Malheur à ceux qui sont sages à leurs propres yeux, Et avisés à leur propre sens !" (Is. 5,21) "Les sages, consternés et pris, Seront couverts de confusion. Ils ont rejeté la parole du Seigneur ; Quelle sagesse auraient-ils alors ?" (Jér. 8,9)
https://www.persee.fr/doc/caief_0571-5865_1978_num_30_1_1166 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Sagesse Jeu 17 Juin 2021, 12:12 | |
| Très bon article (sur les moralistes des XVIe et XVIIe siècles, je précise parce que ce n'est pas évident dans l'extrait que tu reproduis): il faut le parcourir au moins pour les citations, qui sont souvent délicieuses (La Rochefoucauld m'avait marqué depuis le lycée, c'est un des rares auteurs que j'avais lus, appréciés et retenus avant ma période de quasi-illettrisme jéhoviste, et que j'ai donc pu me rappeler, et même citer à l'occasion, pendant celle-ci). Comme on l'a déjà montré ailleurs, la " sagesse", ses synonymes partiels et ses analogues successifs (connaissance, intelligence, discernement, esprit, raison, science etc.) sont à chaque fois définis et déterminés par leurs "contraires", de sorte qu'en matière "biblique" la traduction des antonymes revêt une importance cruciale: en français contemporain il n'y a quasiment plus aucun rapport entre le vocabulaire de la "folie" (démence, délire, déraison, maladie mentale, psychose, etc.) et celui de la "bêtise" (sottise, stupidité, inintelligence, imbécillité, crétinisme, idiotie, connerie, même si une partie de ce lexique est aussi d'origine "pathologique"). Les deux "choses" que nous distinguons se confondent encore dans la langue humaniste et "classique" -- la moria d'Erasme n'est que la latinisation de la môria grecque de 1 Corinthiens, qui est plutôt "bêtise" que "folie", malgré la tradition des bibles françaises; mais très vite la "folie" ambivalente (non seulement comme folie-sottise, mais aussi sous les formes potentiellement "utiles" de la folie sacrée, divine, prophétique, amoureuse, etc., selon une tradition qui remonte aussi bien à la Bible qu'à Platon) cède la place à une opposition "raison/déraison" qui neutralise en principe toute complémentarité, tout dialogue ou toute dialectique entre les deux termes (cf. là-dessus l' Histoire de la folie de Foucault) -- le "romantisme" en reviendra. Pour revenir aux Proverbes, la "personnification" de la folie-bêtise en 9,13ss est tentante (c'est le cas de le dire), pour la symétrie qu'elle offre à celle de la Sagesse, mais elle est tout de même moins évidente en hébreu que "Dame Folie" ou "Dame Bêtise" en français, ou que la " Sagesse" clairement personnifiée (sinon divinisée) depuis le chapitre 8: 'eshet kesilouth, "femme de stupidité", cela peut aussi s'entendre comme "une femme stupide" (cf. LXX gunè aphrôn): auquel cas il n'y aurait pas de personnification du tout, mais un "type" de "la femme adultère" (aussi appelée "étrangère", etc.; cf. 2,16ss; 5,3ss; 6,24ss; 7,5ss). Soit dit en passant, on peut avoir le même genre d'hésitation sur la "femme sage" du chapitre 31, à l'autre bout de la "couverture" du livre: une femme (épouse) exemplaire, ou une autre personnification de la Sagesse ? |
| | | free
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| Sujet: Re: La Sagesse Jeu 17 Juin 2021, 15:05 | |
| Mais la sagesse, d'où vient-elle ? Où est donc le lieu de l'intelligence ? Elle est soustraite aux regards de tout être vivant, elle est cachée aux oiseaux du ciel. Le monde des disparus et la mort disent : « Nous en avons entendu parler ! » C'est Dieu qui en comprend le chemin, c'est lui qui en connaît le lieu ; car c'est lui qui regarde jusqu'aux extrémités de la terre ; il voit tout sous le ciel. Quand il détermina le poids du vent et qu'il fixa la mesure des eaux, quand il donna une prescription à la pluie, une route à l'éclair et aux coups de tonnerre, alors il la vit et la conta, il en posa les fondements et l'examina à fond. Puis il dit à l'être humain : « La crainte du Seigneur, voilà la sagesse ! S'écarter du mal, c'est là l'intelligence ! » (Job 28,20ss)
Quant à l’idée d’une immanence de la Sagesse au monde, qui affleure en Jb 28,23-27, elle n’apparaît, clairement exprimée, qu’à partir de Si 1,9 : « Dieu l’a répandue sur toutes ses œuvres », mais elle est fortement soulignée dans la Sophia de Salomon :
Bien qu’étant seule, elle peut tout, demeurant en elle-même, elle renouvelle l’univers (Sg 7,27)
Elle s’étend avec force d’un bout du monde à l’autre et elle gouverne (dioikeî) l’univers pour son bien (Sg 8,1)
https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-theologique-2007-2-page-189.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Sagesse Jeu 17 Juin 2021, 16:12 | |
| Article intéressant, dont il y aurait beaucoup à dire, et auquel il y aurait sans doute aussi pas mal à redire, à commencer par le commencement: subordonner d'emblée "la sagesse biblique" à un récit d'allure "historique", qu'il s'agisse d'"histoire sainte", d'"histoire du salut" ou d'"histoire" tout court, pour la rapporter à l'idée (tardive) d'un "dessein", d'un "projet", voire d'un "plan" du "Dieu" unique, créateur et rédempteur ou sauveur, donc lui-même "historique", c'est une pétition de principe, et un anachronisme flagrant par rapport aux compréhensions les plus anciennes de la "sagesse": celles-ci, en effet, ne la situent nullement dans une "histoire" au sens où nous l'entendons, mais dans un monde (kosmos, ciel-terre-enfers, etc.) présumé stable, constant ou cyclique, comme principe même de sa stabilité, avec ce que ça implique d'équilibre ou de mesure et de correction des "accidents", déséquilibres ou démesures (ma'at, dikè, nemesis etc.; mais aussi karma, samsâra, tao etc.). Contrairement à ce qui se répète ad nauseam, cette différence entre "monde" con(si)stant, autorégulateur, et "histoire" a priori ouverte à n'importe quel avenir, n'est pas simplement entre "judéo-christianisme" et "paganisme", ni entre Antiquité et modernité, mais elle traverse aussi bien "la Bible" comme l'hellénisme (où le concept d'"histoire" est grosso modo contemporain de celui de "philosophie", comme révisions de perspectives mythiques, épiques ou tragiques plus anciennes).
Moyennant quoi on pourrait avoir une tout autre lecture de Job 28, beaucoup plus proche en fait du "mythe" platonicien du "démiurge". Il n'est pas dit en effet que "Dieu" ait créé "la Sagesse" (la chose est plus discutable en Proverbes 8, avec l'ambiguïté bien connue du verbe qnh, Yahvé m'a "engendrée" OU "acquise"), mais seulement qu'il l'a vue (vue, énoncée, décrite ou racontée, affermie et approfondie ou creusée, selon le sens des verbes du v. 27) à la création du monde -- comme le démiurge platonicien contemple les "idées" éternelles, et foncièrement intemporelles, pour créer un monde sensible et viable. Même avec un "dieu unique", la "sagesse" reste indépendante du "divin", voire supérieure et transcendante, elle s'impose en quelque sorte à lui comme une nécessité dès qu'il s'agit de faire quelque chose, dans le temps par définition, soit pour la première fois, le cas échéant, au moment de faire le monde: on repensera à Leibniz et à son concept de "monde possible" ou "compossible", qui contraint d'une certaine manière la "toute-puissance" d'une pure "volonté" créatrice: même le tout-puissant ne pourrait pas faire n'importe quoi, la "sagesse" serait structurellement antagoniste à la pure "volonté" ou "liberté", tel un "principe de réalité" qui n'est "créé" ni "voulu" par personne (pour parler comme Freud) -- et ce qu'on la situe "en Dieu" ou "hors de Dieu".
Evidemment un "monothéisme" cohérent ne pourra pas se contenter longtemps d'une telle "indépendance" ou "transcendance" de la "sagesse", pour que "Dieu" soit "Dieu" il faudra bien que la "sagesse" même lui soit soumise d'une façon ou d'une autre. Mais les problèmes "logiques" n'en disparaîtront pas pour autant, ils ressortiront (p. ex. dans la doctrine trinitaire, où la "sagesse" resurgit tantôt en logos masculin, Fils, tantôt en "esprit" féminin comme la rouah ou neutre comme le pneuma). |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La Sagesse Lun 21 Juin 2021, 10:24 | |
| Admettons toutefois que, suivant le consensus actuel, l’Enseignement d’Aménémopé soit l’écrit le plus ancien, et disqualifions même l’hypothèse d’une source plus ancienne (par manque de preuve). Le livre des Proverbes, à partir du chapitre 18, et notamment des chapitres 22 à 24, sans être un simple plagiat, reprend indéniablement de nombreux passages de l’Enseignement d’Aménémopé. Entre autres, cette section biblique, tout comme l’écrit égyptien :
Commence par une exhortation à écouter, à entende les proverbes et à les conserver avec soi (Pr 22:17-18; Amen III, 9-10),
Garantit le bénéfice apporté par l’écoute de ces paroles (Pr 18-19, 21; Amen III, 11-16).
Avertit de ne pas voler les pauvres (Pr 22.22-23; Amen IV, 4-5), ni de se lier d’amitié avec des gens colériques (Pr 22.24; Amen XI, 13-14), ni de retirer des balises de terrain (Pr 22.28, 23.10-11; Amen VII, 12-19, VIII, 9-10), ni de courir après les richesses (Pr 23.4-5; Amen IX, 14-X,5), ni de parler aux gens déraisonnables (Pr 23.9; Amen XXII, 11-12).
Indique comment se comporter lorsqu’on mange en présence d’un roi ou d’un magistrat (Pr 23.1-3; Amen XIII, 13-18).
https://www.visiomundus.fr/2017/06/19/des-emprunts-egyptiens-dans-la-bible/ |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La Sagesse Lun 21 Juin 2021, 11:10 | |
| Il ne semble pas y avoir grand-chose en ligne et en français sur l'Instruction d'Aménémopé: en anglais, par contre, la documentation est abondante (on peut commencer ici, et suivre les liens -- ou chercher "Amenemope" sans accent -- pour trouver des traductions au moins partielles du texte).
L'apologétique douce de ton article est presque touchante par sa naïveté, mais à mon sens il n'y a rien à "défendre" parce que rien n'est "attaqué". Qu'il y ait des "influences" verbales ou thématiques, écrites ou orales, ou des "coïncidences", ça ne change pas grand-chose, surtout dans le domaine de la "sagesse" qui revendique ouvertement son universalité (interethnique, interculturelle) et son autonomie de méthode (observation, réflexion, analyse, raisonnement, tradition, enseignement et apprentissage) par rapport à toute "révélation" particulière (notamment "prophétique"). A la limite, ce qui devrait être plus embarrassant pour les fondamentalistes, s'ils y réfléchissaient un peu, c'est que le "Dieu" unique et exclusif de la "révélation particulière", juive ou chrétienne, réputé transcendant et infiniment supérieur à toute "pensée humaine", "inspire" des généralités (voire des banalités) comme celles qu'on lit dans les Proverbes (entre autres).
Bien entendu, du point de vue de la "critique" historico-littéraire, ce qui est significatif c'est la concentration des correspondances avec Aménémopé dans une section particulière du livre des Proverbes (22,17--24). Celles qu'on trouve ailleurs peuvent être des coïncidences, celles-là aussi à la rigueur mais c'est statistiquement moins probable.
On peut encore remarquer, beaucoup plus généralement, qu'en dépit de la géographie les influences égyptiennes (cf. aussi, dans un "genre" plus liturgique que sapiential, le psaume 104 et l'hymne à Aton-Atum) sont nettement plus rares dans les textes "bibliques" que les influences mésopotamiennes. Cela tient naturellement à des raisons historiques et linguistiques: les références égyptiennes, quoique projetées sur un passé lointain (le "roman" de Joseph et l'Exode, voire déjà le voyage d'Abram en Egypte), sont en fait récentes, témoins de relations culturelles qui se nouent surtout après l'exil à Babylone (cf. Jérémie et la fuite en Egypte, début d'une longue et importante diaspora judéenne en Egypte pendant toute l'époque perse et hellénistique, d'Eléphantine à Alexandrie), à la faveur de "langues internationales" comme l'araméen puis le grec qui favorisent la traduction des textes et des idées dans tous les sens. |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La Sagesse Lun 21 Juin 2021, 16:35 | |
| - Citation :
- A la limite, ce qui devrait être plus embarrassant pour les fondamentalistes, s'ils y réfléchissaient un peu, c'est que le "Dieu" unique et exclusif de la "révélation particulière", juive ou chrétienne, réputé transcendant et infiniment supérieur à toute "pensée humaine", "inspire" des généralités (voire des banalités) comme celles qu'on lit dans les Proverbes (entre autres).
Certains textes de l'AT reconnaissent l'universalité de la sagesse : "Qui ne te craindrait, roi des nations ? Cela t'est dû, car parmi tous les sages des nations et dans tous leurs royaumes nul n'est semblable à toi" (Jér 10,7). L'AT reconnait la sagesse de différents peuples :Assyrie (Es 10,13), Babylone (Es 47,10), Édom (Jr 49,7), Égypte (Es 19,12). Les auteurs de l'AT avaient conscience que la sagesse faisait l’objet d'une quête commune. Certains proverbes expriment une sagesse populaire. D'autres proverbes peuvent exprimer deux déclarations antinomiques : " Ne réponds pas à l'homme stupide selon son imbécillité, de peur de lui ressembler toi-même. Réponds à l'homme stupide selon son imbécillité, de peur qu'il ne se croie sage" (Prov 26,4-5). Dans ce cas précis, nous avons à faire à une sagesse empirique et pragmatique. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La Sagesse Lun 21 Juin 2021, 17:12 | |
| 1. Remarque quand même que dans les textes "prophétiques" (Isaïe, Jérémie etc.), la " sagesse" -- qu'elle soit d'Israël, de Juda ou des (autres) "nations" -- est le plus souvent dévaluée, par rapport à la "révélation prophétique" précisément. Son "universalité" est bien reconnue, mais en mauvaise part. Ce que disent les Prophètes, les écrits qui portent ce nom, c'est que toute la sagesse du monde, Israël ou Juda compris, ne vaut pas une parole de Yahvé énoncée sur le mode prophétique, celui de l'"inspiration" directe (même si pour les écrivains cette "inspiration" est un artifice littéraire). Au contraire, quand les textes sapientiaux se réfèrent explicitement ou non à des sages "étrangers" (Job, Agour), où à Salomon accueillant et capitalisant toute la sagesse du monde, c'est en bonne part qu'ils entendent cette référence "universelle". 2. En ce qui concerne Proverbes 26,4s, c'est peut-être "empirique et pragmatique", mais c'est surtout ostensiblement paradoxal: pour s'imaginer que le rédacteur est assez stupide pour juxtaposer deux "proverbes" formellement contradictoires sans le faire exprès, il faudrait être encore plus stupide que lui (mais ça s'est trouvé, hélas ! dans l'histoire de la "critique biblique")... |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La Sagesse Mar 22 Juin 2021, 11:43 | |
| La Sagesse personnifiée dans le judaïsme ancien et dans les premières christologies
La Bible hébraïque comporte deux livres où la sagesse est personnifiée, c’est-à-dire qu’elle se comporte comme une personne. Il s’agit de Jb 28 et Pr 8,22-31. Dans la Bible chrétienne, on trouve également Si 24, Ba 3,9-4,4 et Sg 7-9. En regardant du côté des pseudépigraphes de l’Ancien Testament, on observe une attestation dans l’Apocalypse d’Enoch (1 En 42). Et elle apparaît même dans le Nouveau Testament (Lc 11,49-51) Cette personnification pose question : Est-elle ancienne et témoin d’un temps où YHWH possédait une parèdre (i.e. une divinité féminine à ses côtés) ou bien date-t-elle de l’époque hellénistique étant alors une réponse aux cultes d’Isis ou bien à la philosophie grecque. D’autre part, quelle est la fonction de cette personnification dans les textes bibliques, et dans la vie religieuse juive. En particulier quel est son rapport à la Torah ? au Temple ? au monothéisme ? Quelle influence cette personnification a-t-elle eue sur les premiers chrétiens pour comprendre le mystère de Jésus-Christ ? Ainsi, c’est la Sagesse qui est le dénominateur commun entre Jean-Baptiste et Jésus (Lc 7,33-35). D’autre part, le logos du Prologue de Jean ou bien le Fils, connu du seul Père, n’ont-ils pas dans les évangiles le même rapport à Dieu que la Sagesse personnifiée ? Certaines paroles de Jésus (cf. Lc 11,28-30) ne sont-elles pas le signe que Jésus est présenté comme la Sagesse personnifiée. Dans ce cas la christologie dite « haute » ne serait pas aussi récente qu’on le pense mais pourrait remonter aux tout premiers temps du christianisme. D’autre part, la thèse récente de Boyarin fait de la Sagesse personnifiée le point d’achoppement provoquant la réelle division entre Juifs et chrétiens. https://centresevres.com/evenement/la-sagesse-personnifiee-dans-le-judaisme-ancien-et-dans-les-premieres-christologies/ |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La Sagesse Mar 22 Juin 2021, 14:06 | |
| Excellentes questions.
A mon avis, la principale difficulté est de bien interpréter les phénomènes de "résurgence" (métaphore hydrographique, des cours d'eau qui disparaissent à un certain point et réapparaissent un peu plus bas, avec des effets apparents de continuité et de discontinuité, qui sont aussi de profondeur et de surface), qu'on retrouve dans toutes les "histoires" (histoire des religions, des croyances, des idées, etc.). On peut rétrospectivement "reconnaître" dans la Sagesse personnifiée (et quasi divinisée) une "résurgence" de la parèdre de Yahvé, de Baal ou de 'El (Ashéra, Athirat, Anat, Athtart etc.; mais aussi bien, comme on l'a vu, de la ma'at égyptienne, divinisée comme la dikè grecque avec de tout autres "fonctions"), tout comme dans le duo Ancien des Jours / Fils de l'homme de Daniel (et par extension dans tous les rapports Père / Fils) une résurgence du duo El / Baal, et de beaucoup d'autres. A condition d'une part de ne pas s'imaginer une quelconque "conscience" de ces correspondances chez les "auteurs" ou lecteurs-auditeurs des textes, et surtout de ne pas en conclure à une "identité" (et donc à un "devenir") des figures divines ou semi-divines qu'on "rapproche" ainsi. A cet égard, le point de vue "diachronique" ou "généalogique" qui raconte une "histoire" ou une "évolution" est trompeur, par la part même de vérité qu'il recèle; et il doit être corrigé, ou compensé, par une approche "synchronique" également mais autrement fausse, celle qui considère chaque "structure" ou "système" d'une époque, d'un lieu ou d'un milieu donnés comme un ensemble clos, en faisant abstraction de son devenir, comme s'il venait de nulle part et n'allait nulle part (ce qui n'est évidemment pas le cas). Ainsi pour les langues, qui fournissent d'ailleurs ce double paradigme: soit on les étudie comme des "systèmes" sans "histoire", du point de vue de la grammaire ou du vocabulaire, de la sémantique et de la stylistique, soit on les considère dans leur "évolution", mais on ne peut pas faire les deux à la fois. Autrement dit, autant de similitudes et de parentés qu'on puisse relever entre un état de la croyance et de la pensée et un autre, on ne peut les comprendre qu'en les examinant séparément.
La Sagesse (du livre) de la Sagesse n'est déjà plus celle du Siracide ou de Baruch, qui n'est déjà plus celle (de la couverture) des Proverbes ou de Job 28; le logos-Fils de Philon ou celui du NT est encore à chaque fois autre chose; même si les affinités sont évidentes, chaque texte ne peut être compris et analysé qu'en fonction de son propre contexte, en oubliant autant que faire se peut les comparaisons intertextuelles et/ou en les remettant à plus tard. Et bien sûr la "raison" du XVIIIe siècle et la "science" du XIXe ne sont pas non plus la "sagesse" antique, bien qu'elles conservent avec celle-ci des traits de parenté manifestes.
Il s'ensuit a fortiori que nous nous illusionnerions complètement si nous nous imaginions penser ou croire "comme dans la Bible" -- non seulement à cause des différences internes à "la Bible", mais par tout ce qui en sépare le type de pensée ou de croyance qui nous sont accessibles, à nous, quand bien même nous ne lirions qu'elle. Avec les mêmes mots, même transcrits ou traduits mot-à-mot, nous entendrons toujours autre chose. Ce qui n'empêche nullement que des textes anciens nous "inspirent" -- ils le font de toute façon, que nous le voulions ou non, dans la mesure où nous les lisons. |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La Sagesse Mar 22 Juin 2021, 15:39 | |
| LA LITTÉRATURE SAPIENTIELLE DANS L'ÉCONOMIE DE LA RÉVÉLATION BIBLIQUE
Les écrits bibliques de sagesse constituent un Corpus ferme: Proverbes, Job, Qohelet, Siracide, la Sagesse (grecque). Connu depuis longtemps, ce corpus tend à s'élargir en mordant sur certaines autres parties de la Bible, le Pentateuque, les livres historiques, les écrits de type liturgique, prophétique ou apocalyptique : l'histoire de Joseph, le récit de la succession de David, le livre de Daniel et un certain nombre de psaumes 10. Mais l'on passe trop facilement sans doute de l'idée d'un corpus littéraire à celle d'un milieu ou d'un cercle fermé, formant une sorte de monde à part et dont nos textes seraient le produit, S'ils ont pu souvent se confondre, avant l'exil, avec l'équipe administrative en place (Is 3, 2; 29,14; Jer 18, 18 etc.), les sages n'ont jamais constitué une caste, un groupe social défini et distinct, à ]a manière des écoles philosophiques du monde gréco-romain, ni même des docteurs de la loi du monde juif post-maccabéen. Ils s'adressent, dans leurs écrits, à tous les enfants d'Israël, quel que soit le milieu auquel ils appartiennent: ils ne visent qu'à former de bons fils, de vrais Israélites attachés à leurs traditions antiques, faisant la joie de leurs parents et de leur peuple.
Il n'en est pas moins vrai que cette littérature possède un style bien particulier et une façon toute spéciale de voir les choses ; par là elle se distingue du reste de la Bible. Il est du reste notable que ce qu'il y a de plus caractéristique dans cette différenciation se présente sous forme négative : « It is striking fact that this literature is almost totally silent about the key events of Israel's history : The promise to the patriarchs Moses and the Sinai Corvenant, the conquest of Palestine». L'auteur signale cependant l'exception représentée par le Siracide (ch. 44-50) et la Sagesse grecque (ch. 11-19), deux écrits où la Sagesse finit par être confondue avec l'économie de la Torah. Il fait par ailleurs remarquer que ce silence autour de l'histoire du salut est sans doute la cause de la désaffection du public chrétien pour cette partie de la littérature inspirée.
Que signifie toutefois pareil silence ? S'agit-il d'une prise de position négative délibérée, d'une attitude de contestation par rapport au point de vue traditionnel ? Faut-il admettre, comme beaucoup le voudraient, que la littérature sapientielle se meut d'emblée sur un plan universel, faisant fi des traditions nationales particulières ? Empruntant aux peuples voisins son mode d'investigation. intellectuelle, et bien des données qui lui serviront de solution, la Sagesse ne semble guère s'intéresser aux problèmes spécifiques d'Israël, en tant que peuple de l'Alliance. L'idée de salut, corrélative à celle de peuple de l'Alliance, restera donc tout naturellement hors de ses perspectives.
Bien qu'il soit communément reçu, pareil jugement nous paraît fondé sur des conclusions hâtives. Il repose en dernière analyse sur des erreurs d'optique. La Sagesse biblique peut bien se servir d'étrangers comme porte-parole, que ce soit dans le livre des Proverbes ou dans celui de Job, elle ne s'adresse en fait, clans l'un et l'autre cas, qu'à des Israélites. La pointe d'actualité du message, dans le temps et l'espace, se trouve comme voilée par un universalisme factice, à la manière dont la mythologie et l'histoire de l'Antiquité masquaient le milieu de cour d'Élizabeth ou du roi Louis qui constituait le véritable cadre des drames shakespeariens et cornéliens. La Sagesse ne représente pas une méthode d'investigation de la réalité, internationale ment neutre à la manière de nos sciences actuelles de la nature. Elle se réfère toujours à des traditions particulières transmises de père en fils. Il n'y a pas de sagesse en soi, mais une sagesse égyptienne, une sagesse bantoue, une sagesse malgache et, pour ce qui est de la Bible, une sagesse d'Israël. C'est la Sagesse d'Israël que révèlent les collections grandes ou petites du livre des Proverbes, cette Sagesse qui fait elle-même sa publicité dans les deux premiers chapitres d'introduction, pour lesquels il n'est point d'autre auteur à chercher, que l'éditeur même de l'ensemble de l'œuvre.
Si, ainsi qu'on le pense généralement, la Sagesse d'Israël avait alors voulu réagir contre le particularisme de la religion de l'Alliance et présenter une vision plus universelle du salut, ouverte à tous les mortels, quelle que soit leur appartenance ethnique :
"Humains c'est vous que j'appelle je crie vers les enfants des hommes" (Pr 8,4)
on comprend mal que pareille attitude révolutionnaire ait pu s'affaisser et disparaître sans protestation ni résistance, lorsque Ben Sira en vint à identifier Sagesse ct Torah (ch. 24). Peut-on voir là un simple incident de parcours, comme le font certains, dans l'évolution de la littérature sapientielle biblique? Non seulement personne n'a élevé la voix pour contester le bien-fondé d'une telle identification; mais tout le monde a emboîté le pas, comme si la chose allait de soi. Ainsi par exemple le livre de Baruch (3,9-4,4) :
Elle (la sagesse) est le livre des préceptes de Dieu, la loi qui subsiste éternellement: quiconque la garde vivra, quiconque l'abandonne mourra. Reviens, Jacob, saisis-la, marche vers la splendeur de sa lumière; ne cède pas à autrui ta gloire, à un peuple étranger tes privilèges. Heureux sommes-nous, Israël, ce qui plaît à Dieu nous fut révélé (4, 1-4).
Tout se passe comme si, en définitive, Ben Sira n'avait fait qu'expliciter ce qui était implicite depuis le début. Cette affirmation tranquille, pleinement pacifique, qui surgit vers l'an 200, semble bien prouver que la Sagesse dont la Bible n'a cessé, depuis la parution du livre des Proverbes (ch. , d'exalter l'image n'est pas la Sagesse en soi, mais la Sagesse d'Israël prise en ce qu'elle a de plus spécifique. https://www.erudit.org/en/journals/ltp/1982-v38-n3-ltp3398/705946ar.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La Sagesse Mar 22 Juin 2021, 16:31 | |
| Il y a des remarques et des réflexions judicieuses dans ce court article de 1982, mais aussi une pétition de principe massive et, à mon sens, rédhibitoire: qu'"Israël" ait toujours compris sa "religion" comme radicalement différente de toutes les autres (sans même parler de monolâtrie, de monothéisme, ou de "salut" qui est encore autre chose, surtout quand on y entend une "eschatologie"), c'est ce que présuppose tout le raisonnement, ce qu'aussi le "grand récit biblique" (alias "histoire sainte") a longtemps réussi à faire croire, mais ce n'est nullement une "réalité historique". La conscience (judéenne ou juive plutôt qu'israélite) d'une différence essentiellement "religieuse" constitutive de l'ethnos s'est au contraire construite progressivement et inégalement à partir de l'exil, dans le "judaïsme du Second Temple" aux époques perse et hellénistique, conjointement avec l'historiographie qui la rétro-projetait sur un lointain passé (Moïse et les Patriarches): la littérature "sapientiale" reflète cette évolution comme tout le reste -- d'une "sagesse" a priori "universelle", qui malgré ses traits particuliers se reconnaissait sans difficulté chez ses voisins, indépendante ici comme là du religieux sacerdotal ou prophétique, quoique religieuse aussi à sa manière, à une sagesse expressément particulariste, finalement identifiée à la Loi de Moïse dans les écrits de l'époque hellénistique, Siracide ou Baruch; les différents milieux "sapientiaux" n'ayant aucune raison de "protester" puisqu'ils suivaient globalement le même mouvement (la preuve), la sagesse allant même jusqu'à se mêler dans les écrits tardifs à d'autres "genres littéraires" au départ complètement distincts (Torah, Psaumes, "apocalyptique"). C'est là que je vois pour ma part une "illusion d'optique", sans doute encore très répandue dans les milieux "fondamentalistes" ou assimilés, mais qu'aucun exégète sérieux, même catholique, ne soutiendrait plus telle quelle aujourd'hui.
Il reste toutefois parfaitement juste de dire que la sagesse antique, quelle qu'elle soit, n'est pas à confondre avec la "raison" ou la "science" modernes (cf. mon post précédent). Selon moi cependant ce n'est pas par l'"universalité" qu'elles se différencient, mais par le "dépassement" prétendu ou effectif du cadre "religieux". Par certains côtés, l'universalité rationnelle et scientifique de la modernité me semble bien plus prolonger un "dogmatisme" de la "révélation" judéo-chrétienne que le "pragmatisme" et l'"empirisme" de la "sagesse" antique. (Au plan philosophique, le passage de Kant à l'idéalisme allemand -- Fichte, Schelling, Hegel -- pourrait aussi s'interpréter comme passage d'une méthode de type "sapiential" à un certain "dogmatisme" logico-scientifique.) |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La Sagesse Mer 23 Juin 2021, 15:31 | |
| I. Problématique de la recherche
Les premiers traducteurs du grec en arabe avaient rendu le mot philosophia alternativement par le calque falsafa, signant l’origine étrangère de la notion, et par le mot arabe ḥikma, « sagesse », un terme coranique chargé de sens théologique. Dans le Coran, la sagesse est d’abord un attribut de Dieu au même titre que la bonté, la puissance ou la science ; elle est ensuite un don que Dieu fait descendre avec son livre, dont il qualifie les prophètes (David en II, 251 et XXXVIII, 20 ; Jésus en III, 48 ; V, 110 et XLIII, 63) et tout homme de son choix, comme Luqmān (XXXI, 12). « Le Sage » (al-ḥakīm) est l’un des « plus beaux noms » de Dieu, avec les sens de « juste » et de « savant ». Le prophète enseigne la sagesse mais Dieu seul est à proprement parler « le Sage » (II, 129). Le problème est donc le suivant : si la sagesse est un attribut éternel de Dieu, comment s’est-elle dispensée dans le temps, à des peuples, dans des langues et en des lieux différents, sans cesser d’être une ? Si Dieu est le Sage au sens absolu, quel est le statut ontologique de l’homme ayant reçu la Sagesse et comment se conjoint-il à son être historique ? Si Dieu « donne la sagesse à qui Il veut », l’a-t-il donnée à ces Grecs appelés « sages » (ḥukamā’) ou « philosophes » (falāsifa) ? La philosophie grecque peut-elle alors prendre place dans une histoire humaine et sainte de la ḥikma, justifiant ainsi son existence dans la civilisation de l’islam, mais aussi dans la pensée historiosophique et eschatologique de l’islam ?
https://journals.openedition.org/asr/1652 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La Sagesse Mer 23 Juin 2021, 17:06 | |
| Article très instructif (en tout cas pour moi qui connais peu l'islam). Là encore, il n'est pas difficile de voir les correspondances avec les traditions et les textes "bibliques", qu'elles soient verbales (hikma / hokhma; "techniquement", falsafa est plutôt une transcription ou un emprunt du grec qu'un "calque", mais c'est un détail), thématiques ou "logiques": ainsi on retrouve bien l'antagonisme fondamental entre "sagesse" et "révélation", dont les diverses "solutions" théologiques et leurs cascades d'antagonismes subséquents sont sensiblement les mêmes (sagesse essentiellement divine OU créée ex nihilo par Dieu, donnée par Dieu aux hommes OU essentiellement humaine, susceptible OU non d'être parachevée par la révélation, etc.). |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La Sagesse Jeu 24 Juin 2021, 11:21 | |
| RÉVÉLATION ET SAGESSE
Heidegger a fait justement remarquer que le mot grec aletheia (la vérité ou le vrai) signifie originairement ce qui n’est ni caché ni voilé. Cette étymologie établit un rapport étroit entre « révélation » et « vérité ». La connaissance de la vérité représente toujours une découverte ; elle demande, en effet, qu’on aille au-delà des apparences pour atteindre une réalité qui n’est pas immédiatement perceptible.
Toutefois, dans le cas de la plupart des connaissances humaines, l’homme découvre la vérité par ses propres moyens. Il ne la reçoit pas d’un autre, il y parvient grâce à ses efforts. Il s’éclaire lui-même. Même si tout savoir résulte d’un dévoilement et implique une découverte, le plus souvent, en tout cas dans le domaine religieux, on utilise le mot « révélation » pour une lumière qui vient d’ailleurs, du dehors, d’au-delà ; on considère qu’elle communique une connaissance que les humains ne peuvent pas acquérir naturellement ni obtenir par eux-mêmes ; elle leur est donnée par quelqu’un ou quelque chose qui les dépasse, qui n’appartient pas, même s’il s’y manifeste, à leur sphère ou à leur monde.
Cet usage spécifique, particulier et restreint, explique que fréquemment on distingue les spiritualités qui se réclament d’une révélation surnaturelle ou externe de celles qui font appel à une sagesse innée et enfouie dans l’être humain.
Pour les religions dites de sagesse, le croyant ou le fidèle atteint la vérité et parvient à mener une existence juste par ses seules ressources, par sa réflexion, par sa piété, par sa discipline morale et par son action. L'être humain découvre en lui-même la voie du salut, c’est-à-dire la voie d’une vie authentique et il y marche sans avoir besoin d’une intervention ou d’une assistance surnaturelle. Si, généralement, il a recours aux conseils et à l'enseignement de « maîtres » qui l’aident et le guident, ces maîtres ne sont pas des messagers des dieux, ils sont des experts en humanité. En les écoutant et en les suivant, on devient leur égal et on apprend à s’en passer. La vérité n’est pas donnée ni communiquée du dehors, on la trouve en soi-même grâce à une initiation qui ouvre les yeux et un approfondissement qui permet de découvrir progressivement ce qu’on porte en soi et que la vie ordinaire nous cache. Pour reprendre le vocabulaire bouddhiste, on devient un « éveillé », qui s’éveille à lui-même et à sa propre vérité, ou un « éclairé » qui a allumé la lumière qui lui est propre. La religion naît et s’alimente d’une « source intérieure » et non d’apports venus d’ailleurs. De nombreuses religions orientales se rangent dans cette première catégorie, pour qui, s’il y a révélation, cette révélation ne peut être qu’intérieure. Quand les sagesses admettent un élément extérieur, cet élément appartient au monde. Ainsi Rousseau et Kant cherchent à déchiffrer la vérité divine dans la nature et dans l’intériorité, dans le ciel étoilé et dans la conscience, mais refusent catégoriquement de la chercher dans des voix, des paroles ou des écritures venues d’ailleurs ; une révélation surnaturelle, surgissant de l’extérieur dans le monde humain relève pour eux de la superstition et conduit au fanatisme.
http://andregounelle.fr/vocabulaire-theologique/la-revelation.php |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La Sagesse Ven 25 Juin 2021, 11:40 | |
| Comme le montre fort bien Gounelle, toutes les oppositions s'effondrent d'elles-mêmes: pas de "révélation" sans un minimum de " sagesse" ou d'"intelligence" réceptrice, pas non plus de " sagesse", ni même de "raison" ou de "science", qui puisse s'exercer sans ce qu'on nomme symptomatiquement un "donné", qui se présente et s'ouvre à la perception, à l'observation et à la réflexion, à l'expérience et à la manipulation, à l'analyse et à la synthèse -- qu'on appelle Dieu, la Nature, l'Être, l'Histoire, ou comme on voudra le "donateur" de ce "don", ou qu'on récuse le "don" comme une simple "façon de parler" et par voie de conséquence la figure ou l'ombre du "donateur", cela ne change pas grand-chose à ce qui (se) passe -- autrement dit au "phénomène" qui est lui-même "révélation" dans la moindre "chose", qu'on la qualifie de "sujet" ou d'"objet", d'"expérience" ou d'"événement". Il en va de même, ainsi qu'on l'a vu ailleurs, pour l'opposition du "dedans" et du "dehors". Dans le Da-sein ("être-[le-]là") heideggerien et dans la Lichtung (clairière ou éclaircie) qu'il implique, "événement" ( Ereignis) aussi bien de l'"être" que du "langage" ou de la "pensée" (cf. Parménide, c'est le même que le penser et l'être), comme dans ce que Heidegger feint d'ignorer des traditions "religieuses" ou "mystiques", du bouddhisme à la gnose ou d'Eckhart à Barth, on retrouve invariablement les mêmes problématiques, et la même aporie d'une révélation- sagesse ou d'une sagesse-révélation où les concepts mêmes de "révélation" et de " sagesse" à la fois se fondent et s'abîment. La distinction entre " sagesse" et "révélation" n'en garde pas moins une pertinence relative, ne serait-ce que pour distinguer les "méthodes" du "sage" et du "prophète" là où les textes les distinguent effectivement -- mais au fil des textes mêmes cette différence se perd comme elle est apparue, ainsi dans l'"apocalyptique" ("révélation-dévoilement") où le "prophète" et le "sage" ne font plus qu'un sans être vraiment ni l'un ni l'autre. En sens inverse, on pourrait dire qu' en-deçà de la distinction, par exemple dans la figure archaïque du prophète-voyant-devin qui est également un "sage", aussi bien au sens théorique que pratique ou technicien, du "s'y-connaître" et du "savoir-faire", " sagesse" et "révélation" ne s'opposent pas encore. |
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