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| christianisme, mariage, procréation et sexualité | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Jeu 09 Avr 2015, 00:29 | |
| Il me semble que nous avons tous vécu là, des plus "progressistes" aux plus "réactionnaires", un "basculement de paradigme" (paradigm shift) aussi soudain qu'irrésistible. Et même si l'occasion et le sujet m'en paraissent toujours plutôt futiles, c'est une expérience (de "langage" et de "société") assez exceptionnelle (toutes les générations n'en ont pas connu d'aussi spectaculaire) pour être intéressante, à observer et à méditer.
Symptôme : ce que j'en écrivais il y a moins de trois ans ( http://oudenologia.over-blog.com/article-gay-marions-nous-112449705.html ), je ne l'écrirais déjà plus aujourd'hui. Non que j'aie changé d'avis sur la question, mais ça ne me paraît même plus valoir la peine d'en parler, de cette façon-là du moins. |
| | | free
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Jeu 09 Avr 2015, 11:20 | |
| - Citation :
- Du côté chrétien, on peut regretter que le traditionalisme catholique ne remonte pas plus loin que le moyen-âge dans sa préoccupation de fidélité à l'héritage, qu'il ne s'aventure pas jusqu'à ce christianisme primitif polymorphe dont les "valeurs familiales" étaient bien le moindre souci, quand il ne s'inscrivait pas radicalement contre elles, dans ses versions "ascétiques" comme dans ses versions "libertines"; dont il ne faudrait surtout pas perdre de vue qu'elles étaient aussi spirituelles les unes que les autres. Il y perdrait des certitudes, il y gagnerait en créativité et peut-être en pertinence.
Le mariage et la famille n'ont pas toujours été les institutions sacrés de la religion chrétienne mais je comprends la réaction d'un croyant qui a le sentiment que l'on bafoue les "valeurs familiales" traditionnelles qui existent en France depuis des décennies. D'un autres côté, comme tu le soulignes, ces "valeures familiales" sont mouvantes selon les époques, même au sein de l'histoire du christianisme, tous changent ... Il n'y a que le changement qui ne change pas. Le sujet reste sensible et aurait demandé plus de psychologie et de pédagogie. Un ami homosexuel m'a exprimé son opposition au mariage pour TOUS, il ne voulais pas connaitre toutes les vissicitudes des couples hétéros. Je pense que ce débat pose la question suivante aux religions (chrétienne, musulmane et juive), l'homosexuel est-il un croyant comme un autre ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Jeu 09 Avr 2015, 23:18 | |
| - free a écrit:
- Un ami homosexuel m'a exprimé son opposition au mariage pour TOUS, il ne voulais pas connaitre toutes les vissicitudes des couples hétéros.
Le "mariage pour tous" n'est tout de même pas obligatoire, sauf dans sa version grolandaise... http://www.hodiho.fr/2013/05/le-mariage-homosexuel-au-groland.html - Citation :
- Je pense que ce débat pose la question suivante aux religions (chrétienne, musulmane et juive), l'homosexuel est-il un croyant comme un autre ?
Je crois aussi que c'est désormais en ces termes que la question se pose, en Occident du moins. Du fait de ce "basculement de paradigme", il y a tout un discours "homophobe" qui était encore possible il y a seulement dix ans et qui ne l'est plus guère, même dans les religions les plus "fermées". Les TdJ par exemple continueront certainement de proscrire (et de "punir") les pratiques homosexuelles, mais ils ne pourront plus en parler "officiellement" comme ils l'ont fait par le passé. Dans le reste du monde, par contre, c'est une autre affaire. (Le film Brüno de Larry Charles avec Sacha Baron Cohen, malgré son côté "trash" qui incommodera les âmes sensibles, est très intéressant entre autres sous ce rapport, avec ses "expériences" in vivo souvent périlleuses dans plusieurs communautés américaines -- où les choses ont probablement déjà changé depuis 2009 -- et au Proche-Orient.) |
| | | free
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Ven 10 Avr 2015, 13:03 | |
| - Citation :
- Je crois aussi que c'est désormais en ces termes que la question se pose, en Occident du moins. Du fait de ce "basculement de paradigme", il y a tout un discours "homophobe" qui était encore possible il y a seulement dix ans et qui ne l'est plus guère, même dans les religions les plus "fermées". Les TdJ par exemple continueront certainement de proscrire (et de "punir") les pratiques homosexuelles, mais ils ne pourront plus en parler "officiellement" comme ils l'ont fait par le passé. Dans le reste du monde, par contre, c'est une autre affaire.
C'est tellement vrai que la Watchtower a fourni aux TdJ les réponses aux éventuelles questions auxquelles ils pourraient être confrontées : - Citation :
- Si on vous dit : “ Que penses-tu de l’homosexualité ? ”
Vous pourriez répondre : “ Je n’ai rien contre les homosexuels, mais je n’approuve pas leur choix de vie. ” Si on vous dit : “ Ton point de vue ne favorise-t-il pas les préjugés contre les homosexuels ? ” Vous pourriez répondre : “ Pas du tout. Bien que je n’approuve pas leurs pratiques, je ne rejette pas les individus en tant que tels. ” ✔ Vous pourriez ajouter : “ Prenons un exemple. J’ai aussi décidé de ne pas fumer. En fait, l’idée même de fumer me répugne. Mais suppose que toi, tu fumes, donc que tu voies les choses autrement. Je ne jugerais pas ton choix, tout comme je suis sûr que tu ne jugerais pas mon choix. Tu es d’accord ? Pour nos différences d’opinion sur l’homosexualité, c’est pareil. ”
Si on vous dit : “ Un homosexuel ne peut pas changer d’orientation sexuelle, il est né comme ça. ” Vous pourriez répondre : “ La Bible ne parle pas de l’aspect biologique de l’homosexualité, bien qu’elle admette que certains traits soient très enracinés (2 Corinthiens 10:4, 5). Même si certains sont attirés par les individus de leur sexe, elle dit aux chrétiens de fuir les relations homosexuelles. ”
http://www.jw.org/fr/publications/revues/g201012/point-de-vue-bible-sur-homosexualite/ Quand j'étais TdJ et ancien, j'avais été surpris par les nombreux TdJ qui venaient confesser leurs tendances homosexuelles et qui recherchaient désespéremment de l'aide. Ils avaient beaucoup de peine à l'accepter maisa dans le même temps ils avaient conscience que l'homosexualité faisait partie de leur être, ce qui occasionnait beaucoup de souffrance. Je pense que les discours qui traitaient de l'homosexualité comme d'une pathologie dont on pouvait guérir par la prière et la méditation, étaient assez dévastateurs. Le TdJ homosexuel intériorise un dégoût de lui-mêmes qui engendre beaucoup de souffrances. ( Pour « tuer » les mauvais désirs, qui mènent à des actes mauvais, vous devez maîtriser vos pensées. En nourrissant régulièrement votre esprit de pensées pures, vous arriverez plus facilement à chasser vos mauvais désirs. http://www.jw.org/fr/la-bible-et-vous/questions-bibliques/homosexualite-point-de-vue-biblique/) Pour une personne qui appartient à un mouvement chrétien comme les TdJ ou évangélique, ne se trouve pas confronté devant le choix entre homosexualité et hétérosexualité, mais entre une relation homosexuelle et l'abstinence totale. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Ven 10 Avr 2015, 15:52 | |
| Il faut vraiment voir, dans Brüno, les interviews des "gay converters", ces pasteurs évangéliques américains spécialisés dans la "rectification des homosexuels" (straightening the gay !) et dont l'homosexualité refoulée est manifeste... c'est à la fois drôle et pathétique. |
| | | free
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Ven 10 Avr 2015, 17:44 | |
| - Narkissos a écrit:
- Il faut vraiment voir, dans Brüno, les interviews des "gay converters", ces pasteurs évangéliques américains spécialisés dans la "rectification des homosexuels" (straightening the gay !) et dont l'homosexualité refoulée est manifeste... c'est à la fois drôle et pathétique.
https://www.youtube.com/watch?v=LazrAzBP_0I |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Ven 10 Avr 2015, 19:10 | |
| @ free: je ne connaissais pas celle-là, qui n'a pas été retenue dans le film (lequel est d'ailleurs accessible en entier, mais sans sous-titres, à partir de la même page You-tube). |
| | | free
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Mar 14 Avr 2015, 18:13 | |
| - Citation :
- Il est vrai que les désirs homosexuels peuvent être fortement ancrés. Mais soyez sûr que des mauvais désirs même très enracinés ne sont pas insurmontables (1 Corinthiens 9:27 ; Éphésiens 4:22-24). En fin de compte, c’est vous qui maîtrisez votre façon de vivre (Matthieu 7:13, 14 ; Romains 12:1, 2). Et puis, même si certains prétendent le contraire, vous pouvez apprendre à maîtriser vos pulsions, ou tout au moins vous retenir de passer à l’acte.
http://m.wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/102007051 La Watchtower enseigne que l'on peut combattre de "mauvais désirs", réduisant l'oreintation sexuelle d'une personne à une mauvaise tendance. Elle propose d'appliquer 1 Cor 9,27 afin de ne pas pas céder : " Au contraire, je malmène mon corps ( mon corps, je le bourre de coups - TMN) , je le traite comme un esclave, de peur qu'après avoir fait la proclamation pour les autres, je ne sois moi-même disqualifié" |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Mar 14 Avr 2015, 20:16 | |
| Deux remarques très générales pour mettre la chose en perspective: - le discours de la Watch sur ce genre de sujet se comprend mieux quand on le replace dans le contexte d'une société (américaine) où, de fait, ce type de discours est nettement plus répandu que chez nous -- même s'il tend là-bas aussi, sur le sujet précis de l'homosexualité, à se marginaliser rapidement depuis quelques années; - je ne suis pas sûr que ce type de discours soit totalement évitable nulle part: là où subsiste ou se renforce un interdit, de nature "morale" et/ou "sacrale" (les deux aspects de l'interdit se mêlant presque toujours dans la pratique), comme on l'a vu simultanément sur la "pédophilie", une morale même "laïque", "profane", "séculière", "humaniste", finit tôt ou tard par dire sensiblement la même chose en dépit de son inefficacité, pour la seule raison qu'il n'y a guère autre chose à dire; qu'on voie dans la "tendance" incriminée une "orientation", un "désir" ou une "perversion", l'énoncé de l'interdiction est incontournable même si on le sait pertinemment insuffisant. Pour revenir aux textes, il est vrai que le propos "ascétique" de 1 Corinthiens 9,27 (qui prolonge une comparaison "athlétique" entamée dès le v. 24) paraît déconnecté de tout rapport au "mystère" christique (l'auteur reviendra cependant très vite sur ce terrain dans la suite, cf. le chapitre 10). Mais c'est plutôt l'exception dans les textes "pauliniens" (au sens large), où le plus souvent l'exhortation morale s'appuie explicitement sur la "mystique" (avec ses cotés "mystère" et "sacrement", "mythe" et "rite") de la croix: il s'agit alors moins de "combattre" ou de "réprimer" que de (faire) mourir (le "corps", la "chair", les "membres", le "péché", le "monde") dans le mouvement même de la mort-et-résurrection du Christ (cf. 2 Corinthiens 5,14s; Romains 6,1-11; 7,1-8; 8,10-14; Galates 2,19ss; 5,24; 6,14; Colossiens 2,12s.20; 3,3; Ephésiens 2,1ss; 5,14; 2 Timothée 2,11). Qu'est-ce que ça change en pratique ? Peut-être pas grand-chose, et ce serait sans importance du point de vue du "mystère", surtout quand il s'agit d'un "mystère" de "grâce" qui n'attend pas (même a posteriori) d'autre justification que celle de la "foi". On pourrait dire que le chrétien à la mode paulinienne ne se sent pas tout seul, livré à ses propres forces face à un "commandement" et à une "tentation" qui contradictoirement le dépassent; mais on pourrait en dire autant de n'importe quel "théiste moral" sincère (juif, musulman, ou "chrétien-légaliste" façon TdJ p. ex.), dans la mesure où lui aussi croit à un secours divin susceptible de l'aider à observer le commandement et à surmonter la tentation. L'articulation plus ou moins subtile de l'exhortation morale au "mystère" (dans un sens, tout est accompli "en Christ", dans un autre tout est toujours à faire) peut constituer pour certains une aide "psychologique" supplémentaire jusqu'à un certain point, mais comme tout pasteur le sait bien cela n'évite ni le sentiment d'échec, ni le découragement. Un surcroît d'efficacité se trouve peut-être au point où le "mystère" rencontre une sorte de "méthode" qui pour sa part se passe très bien de "mystère" et de christologie, comme celle de l'évangile selon Matthieu: entre le "mourir-en-Christ" paulinien et la "non-résistance au mal" du Sermon sur la montagne, texte pourtant aussi anti-paulinien que possible, il y a en effet comme une étrange coïncidence (qu'on y lise une "alliance objective", une "affinité secrète" ou un pur hasard), qui n'est pas dépourvue de vertu paradoxale, ne serait-ce que par sa façon de prendre à contrepied toutes les métaphores du (vain) "combat". [N.B.: ce qui précède se rapporte plutôt, je m'en aperçois après coup, à une autre discussion en cours sur la relation entre "mythe" et "morale": https://etrechretien.1fr1.net/t956p15-le-mythe-jehoviste-de-la-transformation-de-la-personnalite-par-l-evangile#16820 ] |
| | | free
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Mer 15 Avr 2015, 15:20 | |
| Il faut rappeler le fait que le Proche Orient ancien ne connaît pas le concept abstrait d'homosexualité comme décrivant une orientation sexuelle (mais aussi sentimentale) opposée à l'hétérosexualité. Le terme d'homosexuel, d'homosexualité est un terme forgé à la fin du XIXe siècle par un médecin autrichien.
Selon plusieurs sociologues, l'idée que les hommes et femmes vivant dans une société peuvent être répartis entre hétérosexuels et homosexuels est donc une invention moderne.
L'idée qu'il s'agit là de deux orientations, identités opposées, incompatibles l'une avec l'autre a été d'ailleurs mise en question par les fameux rapports Kinsey des années 1950 selon lesquels 37 % de la population masculine américaine avait eu au moins une expérience homosexuelle et que 4 % étaient exclusivement homosexuels. Ces rapports mirent en question l'idée de normalité sexuelle et suggèrent l'hypothèse d'une homosexualité ou de bisexualité graduée. L'opposition hétérosexuel - homosexuel est sans doute trop simpliste.
A cela s'ajoute qu'il existe dans différentes civilisations des pratiques sexuelles qui entrent difficilement dans l'opposition moderne entre hétérosexuel et homosexuel. Ainsi O. Halperin pose la question suivante : Est-ce que le « pédéraste », c'est-à-dire l'adulte grec, marié, qui de temps en temps va pénétrer un adolescent a la même sexualité que le mâle indien américain appelé « berdache » qui dès son adolescence a été élevé comme une femme et qui a été marié à un homme dans une cérémonie publique ? (Hundred years of homosexuality, p. 46). Ou encore ce dernier a-t-il la même sexualité qu'un guerrier d'une tribu de la Nouvelle Guinée qui, entre 8 et 15 ans, a quotidiennement des rapports sexuels avec d'autres adolescents avant d'être marié et de devenir « hétérosexuel » ?
Est-ce que ces cas correspondent à la définition moderne d'un homosexuel ? Le contact et l'attirance vers des partenaires du même sexe peut donc se manifester de manière fort différente selon les conventions culturelles et religieuses en vigueur.
http://www.evangile-et-liberte.net/elements/numeros/163/cahier.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Jeu 16 Avr 2015, 10:13 | |
| Excellent dossier, en particulier (côté "biblique") la contribution de Thomas Römer (je n'ai quand même pas pu m'empêcher de sourire en notant qu'après sa critique impitoyable des anachronismes moraux en matière de lecture biblique, il définissait le "viol", dans le cas de Sodome et Gomorrhe, comme "une sexualité sans relation qui réduit l'autre à l'état d'objet pour satisfaire son propre désir", ce qui relève d'un concept et d'une définition typiquement "modernes" et par conséquent anachroniques... comme quoi il est toujours plus facile de voir les anachronismes des autres que les siens !) Cf. https://etrechretien.1fr1.net/t439p30-une-seule-chair où se sont dites (en 2010) des choses assez similaires. |
| | | free
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Ven 17 Avr 2015, 17:14 | |
| Plusieurs auteurs extérieurs au mouvement, dont James Penton et Tony Wills, ont relaté dans leurs ouvrages l'interdiction de l'homosexualitéchez les témoins de Jéhovah. L'un d'entre eux, le sociologue Andrew Holden, qui a mené plusieurs études sur ce mouvement religieux a évoqué la polémique que cette question suscite. Il a déclaré : - Citation :
- « J'ai assisté à plusieurs réunions à la salle du Royaume dans lesquelles l'homosexualité était présentée comme une perversion anormale. (...) J'ai écouté un discours de 45 minutes sur la question de savoir si les homosexuels sont 'nés ainsi' ou si leur conduite sexuelle est apprise. (...) Des références ont été données sur la nature très répandue de l'homosexualité, mais utilisées seulement dans le but de renforcer les propres enseignements de l'organisation, à savoir que le monde est devenu sans honte mauvais. (...) Il pourrait être très difficile pour quelqu'un ayant une orientation gay de rester Témoin sans se sentir profondément blessé dans son identité personnelle, non moins parce que la Société Watchtoweréchoue pour ce qui est de faire la distinction entre la condition homosexuelle et la pratique homosexuelle. (...) [Un] couple [de fidèles] croyait qu'une fois qu'un homosexuel a fait personnellement un vœu de célibat et s'est converti à la Société Watchtower, son orientation homosexuelle disparaîtrait. À ce jour, cette question apparaît comme étant une source de confusion parmi les Témoins. »
http://fr.wikipedia.org/wiki/Homosexualit%C3%A9_chez_les_T%C3%A9moins_de_J%C3%A9hovah
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| | | free
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Mer 05 Aoû 2015, 15:58 | |
| Certains livres de la Bible developpe l'idée que la volonté de Dieu était l’élément nécessaire pour qu’il y ait conception lors d’une relation sexuelle.
"L'homme eut des relations avec Eve, sa femme ; elle fut enceinte et mit au monde Caïn. Elle dit : J'ai produit un homme avec le SEIGNEUR" - Gen 4,1
"Booz prit Ruth et elle devint sa femme ; il alla avec elle. Le SEIGNEUR donna à Ruth de concevoir, et elle mit au monde un fils" - Rt 4,13
"Le SEIGNEUR vit que Léa n'était pas aimée, et il la rendit féconde, tandis que Rachel était stérile. 32Léa fut enceinte. Elle mit au monde un fils, qu'elle appela du nom de Ruben ... " - Gen 29,31-32
"Alors Dieu se souvint de Rachel ; il l'entendit et la rendit féconde.Elle fut enceinte et mit au monde un fils. Elle dit : Dieu a enlevé mon déshonneur. Elle l'appela du nom de Joseph (« Ajouté »), en disant : Que le SEIGNEUR m'ajoute un autre fils !" - Gen 30, 22-23
Dans certains de ces textes, les femmes tombent enceintes grâce à Dieu sans mention explicite de l’homme dans la relation sexuelle. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Mer 05 Aoû 2015, 18:27 | |
| Si des ethnologues d'une autre planète ou d'un autre siècle analysaient de la même façon les énoncés de nos faire-part de naissance, où "l'acte sexuel" est rarement désigné en termes explicites comme cause de la conception, ils pourraient en tirer des conclusions tout aussi aberrantes sur nos croyances...
Dans toutes les langues le langage de la sexualité est (particulièrement) indirect, oblique, détourné, allusif, figuré, métaphorique, métonymique, euphémistique (même quand il se veut "cru" ou "vulgaire", l'usage ne fait guère que renverser la fonction ou la connotation des euphémismes, cf. "baiser" en français contemporain), ce qui ne l'empêche d'ailleurs jamais de se faire comprendre (fût-ce à demi-mot). En hébreu, du reste, il le serait plutôt moins qu'en français (pour prendre un seul exemple, la formule que la NBS traduit pudiquement "aller avec", avec l'homme comme sujet et la femme comme complément, pourrait se traduire plus littéralement "venir / entrer en / chez").
La question du rôle de la divinité est distincte, mais je pense qu'on fait généralement fausse route (par anachronisme "rationaliste" ou "scientiste") quand on l'interprète de façon exclusive des "causes" humaines, naturelles, physiques, biologiques, etc. (sur le mode: si c'est "Dieu" ce n'est pas "l'homme", etc.). Là où elle est évoquée, la "causalité" divine se superpose à toutes les (autres) "causes", sans les annuler pour autant. Dans un sens, tout ce qui arrive, sans exception, peut être dit arriver par la volonté des dieux, et ça n'empêche nullement qu'on puisse aussi le décrire et l'expliquer de façon tout à fait "naturelle", sans la moindre référence aux dieux. Le "surnaturel", si l'on veut l'appeler ainsi, englobe la "nature" sans être "contre nature". Le "miracle" même (p. ex. dans les cas de stérilité mentionnés ci-dessus) est plutôt compris comme un événement (littéralement) extra-ordinaire, c.-à-d. rare et remarquable, qui attire particulièrement l'attention (comme un "signe") sur l'aspect divin de l'histoire, que comme véritable rupture d'un "ordre naturel". Bien sûr, cela qui me paraît valoir pour la plupart des "miracles" de la Bible hébraïque (si fantaisistes qu'ils puissent nous paraître, à nous) vaut déjà un peu moins pour ceux du N.T. grec, qui joue davantage du paradoxe conceptuel (Dieu fait, à la lettre, l'impossible). Entre les conceptions "miraculeuses" des femmes stériles de l'AT et la conception "virginale" de Jésus, malgré tout ce qu'elles ont en commun d'un point de vue thématique et littéraire, il y a une vraie différence, qui ne tient pas au degré d'invraisemblance ou à l'impossibilité "scientifiques" des "événements" (considérations évidemment anachroniques) mais à la perspective théo-cosmologique des textes: dans le premier cas on a affaire à un dieu qui agit de manière tantôt quotidienne et discrète, tantôt exceptionnelle et spectaculaire, dans son monde; dans le second (ou du moins dans une de ses lectures possibles), à un dieu qui subvertit l'ordre même d'un monde dont il se dissocie, du coup, radicalement. |
| | | free
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Jeu 20 Aoû 2015, 15:11 | |
| "Ton désir se portera vers ton mari, et lui, il te dominera" Gn 3,16
On éprouve beaucoup de difficulté à établir si ce texte est un jugement divin ou la conséquence de la désobéissance. Il est étonnant que ce texte n'affirme pas que la femme deviendrai l'objet de désir de l'homme, c'est le désir de la femme qui se portera vers son mari. Ce texte annonce que la femme sera aliéné à son mari ?
Dans le livre des Cantiques,le désir unilatéral de la femme vers l'homme est équilibré :
"Je suis à mon bien-aimé, et son désir se porte vers moi" Ct 7,11 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Jeu 20 Aoû 2015, 16:42 | |
| - free a écrit:
- On éprouve beaucoup de difficulté à établir si ce texte est un jugement divin ou la conséquence de la désobéissance.
Cette phrase en forme d'alternative (c'est l'un OU l'autre) illustre bien le sempiternel problème de l'anachronisme où nous nous débattons: pour NOUS, un "jugement" (au sens de châtiment, divin ou autre) est tout autre chose qu'une "conséquence" (naturelle). Il n'en va pas forcément ainsi dans les textes où la même "chose" peut être décrite de deux points de vue différents ("divin" et "humain", pour faire vite; voir supra). - Citation :
- Il est étonnant que ce texte n'affirme pas que la femme deviendrai l'objet de désir de l'homme, c'est le désir de la femme qui se portera vers son mari.
Pas tant que ça, puisqu'il s'agit ici du "châtiment" de la femme; le tour de l'homme va venir (v. 17ss), où il sera question de travail pénible et de mort, toutes choses qui concernent pourtant aussi la femme, mais qui ne sont pas mentionnées dans son "châtiment" à elle. Il ne faut pas perdre de vue la règle structurelle (et structurante) qui vaut pour tous les "récits d'origine" (et dont nous avons souvent parlé): quel que soit leur point de départ (la situation initiale) et leur cheminement narratif (les péripéties), leur point d'arrivée (la conclusion, l'état final) est d'avance fixé, puisqu'il doit correspondre à la " réalité" telle qu'elle est communément connue et comprise à la fois par les "auteurs" et les "destinataires" (lecteurs-auditeurs contemporains). Cette conclusion est extrêmement intéressante pour les lecteurs décalés que nous sommes, puisqu'elle nous montre comment ceux-là (les "auteurs" et les "destinataires") percevaient et comprenaient leur "réalité"; et à partir de là (en retraçant l'histoire à partir de sa fin) l'ensemble du récit révèle à son tour, dans une certaine mesure, quel jugement ils portaient sur cette "réalité". En l'espèce: que l'homme soit mortel, qu'il doive "gagner sa vie" par un travail pénible, que la femme soit soumise à l'homme, qu'elle ait des accouchements douloureux (et nombreux !), c'est la "réalité" (de l'époque), tout simplement; mais c'est une réalité qui était perçue comme mauvaise puisqu'elle résulte (narrativement) d'un "châtiment", alors que la différence sexuelle ou le travail de la terre en soi n'étaient pas perçus comme (aussi) "mauvais", puisqu'ils remontent (toujours narrativement) en-deçà de l'élément pertubateur (la "désobéissance"). Voilà à mon sens le genre de leçon (historique, socio-psychologique, mais aussi "théologique") qu'on peut tirer assez légitimement du texte. Mais quand on veut aller plus loin, d'une manière ou d'une autre, on s'égare: par exemple en déviant le récit de son cours nécessaire, quand on se demande "ce qu'il serait arrivé si la désobéissance n'avait pas eu lieu" (elle DOIT avoir lieu puisque le récit DOIT aboutir à la "réalité" connue des destinataires !), ou encore en érigeant son aboutissement en norme intemporelle (si on estime que la femme DOIT être soumise à son mari, avoir des grossesses nombreuses et douloureuses, on en déduira qu'il FAUT -- aujourd'hui -- être contre l'égalité des sexes, la contraception et l'analgésie !). Là où notre "réalité" diffère tant soit peu de celle que présuppose le texte, le texte n'a tout simplement rien à en dire (reste -- heureusement ? -- la mort qui n'a pas fini d'être "actuelle"). |
| | | free
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Jeu 17 Nov 2016, 16:31 | |
| Lorsqu'un un ange annonce à Sarah qu’elle sera enceinte, voici sa réaction : " Sara se mit à rire en elle-même et dit : « Tout usée comme je suis, pourrais-je encore jouir ? Et mon maître est si vieux ! » (Gn 18,12 TOB)
Le fait qu’un personnage féminin parle du plaisir sexuel me semble être un cas singulier dans la Bible. Sarah semble également faire un lien entre jouissance et le fait de devenir enceinte, la sexualité ne se limite pas à la conception d'une enfant. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Ven 18 Nov 2016, 01:30 | |
| Le Cantique des cantiques (du début à la fin) me paraît encore plus explicite (et l'idée de fécondité n'y intervient pas du tout). En fait, je crois que si on cherchait bien on trouverait beaucoup d'exemples du même "thème" (souvent en mauvaise part, certes, du "désir" asservissant de la femme pour l'homme dans la malédiction de Genèse 3 aux multiples portraits à charge, quelquefois très "crus", de la femme étrangère, adultère, prostituée, au sens "propre" ou "figuré", mais pas seulement: la relation d'Israël ou de Jérusalem à Yahvé est aussi dépeinte favorablement avec le vocabulaire du désir et du plaisir féminins -- non sans "fantasmes masculins" à ce sujet évidemment, et dans les deux cas). On peut tout reprocher à l'Ancien Testament, mais sûrement pas la pruderie...
Genèse 18,12 fait partie d'une série de "jeux de mots" sur le nom d'Isaac = yçhq = rire (Sara rit, çhq), qui ont parfois une connotation érotique (ainsi quand Isaac "rit", s'amuse, joue avec Rébecca, même verbe, 26,8ss). Je note au passage que le mot hébreu traduit en 18,12 par "plaisir" ou "jouissance" (`dnh) rappelle l'"Eden", et même -- pure coïncidence semble-t-il -- le mot grec pour "plaisir", hèdonè... mais la Septante, déjà plus prude, ne profite pas de cette coïncidence phonétique, et passe sous silence le "plaisir" de Sara, se contentant de lui faire dire: oupô men moi gegonen heôs tou nun, "cela (la maternité, non le plaisir) ne m'est pas arrivé jusqu'à maintenant"... la "réserve" en la matière est (judéo-)hellénistique et non spécifiquement chrétienne. |
| | | free
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Mar 07 Mar 2017, 13:55 | |
| Les religions monothéistes encouragent souvent une certaine pruderie, pudibonderie et une certaine réserve, à l'égard de tout ce qui touche à l'amour et à la sexualité. En lisant la Bible, nous sommes surpris de constater que certains de ses auteurs ne s'encombraient d'une telle réserve. Par exemple Ézéchiel raconte une histoire symbolique au sujet de deux sœurs : Ohola représente le royaume de Samarie et Oholiba, celui de Jérusalem. Voici comment est relatée l’histoire d’Oholiba :
"Elle multiplia ses débauches, souvenir des jours de sa jeunesse quand elle se prostituait en Egypte. Elle montra sa sensualité avec leurs débauchés : leur membre est un membre d’âne, leur éjaculation celle du cheval. Tu es revenue à l’impudicité de ta jeunesse, quand les Egyptiens pressaient tes seins, caressant ta poitrine virginale" Eze 23,19-21
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| | | Narkissos
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Mar 07 Mar 2017, 14:24 | |
| Ezéchiel est assurément un "cas" -- champion biblique toutes catégories de la violence "graphique" comme on dit en anglais, non seulement pornographique mais aussi scatographique, hématographique (du sperme, du sang, de la pisse et de la merde...). C'est d'autant plus remarquable que ce livre apparaît par ailleurs comme une sorte de laboratoire ou de prototype de la Torah, en particulier des textes "sacerdotaux" (le personnage d'Ezéchiel étant présenté comme un prêtre).
Comme on l'a dit plus haut, la "pruderie" (etc.) est plutôt un effet de la sensibilité hellénistique tardive qui affecte dans ce sens la "bonne société" tant romaine que juive -- elle n'est pas spécifiquement "monothéiste", les textes juifs et chrétiens de cette époque en sont marqués comme d'autres, mais pas tellement plus que d'autres, et il y a des contre-exemples spectaculaires (comme l'Apocalypse qui renouvelle dans une certaine mesure la veine gore d'Ezéchiel). |
| | | free
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| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Mer 12 Avr 2017, 16:38 | |
| "Si mon cœur fut séduit par une femme, si j’ai fait le guet à la porte du voisin, que pour un autre ma femme tourne la meule, et que sur elle d’autres se couchent, car ç’aurait été une infamie, un forfait que punit mon juge. Un feu m’eut dévoré jusqu’à la perdition, ruinant tout mon fruit jusqu’à la racine." Job 31,9-12
Ce texte de Job nous fait évidemment penser aux paroles de Jésus contenues Mt 5,28 ("Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur."). Job ne s’intéresse pas tant à l’adultère qu’au désir qui y conduit et il le fait en nous dépeignant le soupirant aux aguets, dans l’attente que la femme sorte de la maison ou que le mari la quitte. Le seul fait de s’être engagé dans cette démarche est assimilé par Job à un adultère. Paradoxalement, Job estime que cette attitude mérite une punition qui correspondrait au fait qu'un autre homme couche avec sa femme. D'autres hommes feraient subir à celui qui a eu une mauvaise pensée, ce qui l'a désiré ou imaginé. Il est question aussi d'un forfait ou d'une compensation financière que devrait payer la personne adultère à la victime. Un élément intéressant, la femme n’est pas considérée comme responsable de cet adultère, la responsabilité repose uniquement sur l'homme qui a posé un regard plein de désir sur cette femme. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Mer 12 Avr 2017, 23:49 | |
| La distinction entre "la pensée" et "l'acte" (préalable à leur assimilation rhétorique: il faut qu'ils soient ordinairement différenciés pour que quelqu'un se fasse remarquer en disant que ça revient au même !) ne me semble pas si claire dans Job que dans Matthieu. La scène de l'adultère aux aguets est un topos, un "cliché" si tu préfères (cf. David et Bethsabée, Proverbes 6; 7; 9, etc.), qui suffit à évoquer l'adultère tout entier (pars pro toto, la partie pour le tout): "consommé" plutôt qu'"inabouti", si je puis dire.
Pour comprendre ce chapitre, il faut se replonger dans une manière de parler qui nous est assez inhabituelle (bien que nous l'ayons déjà évoquée sous plusieurs aspects): c'est une "protestation d'innocence" à la limite du serment et de l'ordalie, où le schème de l'auto-malédiction conditionnelle ("si j'ai fait ceci, qu'il m'arrive cela") joue un rôle central: c'est la seule façon pour un suspect (comme Job) de se disculper. Dans un sens, ce chapitre (le dernier des dialogues, avant les monologues d'Elihou et Yahvé) s'insère très logiquement dans le drame de Job (je fais ce que j'ai dit, devant Dieu je joue Dieu contre Dieu, la justice de Dieu contre l'injustice de Dieu, je prouve ainsi mon innocence en l'affirmant à mes risques et périls); mais dans un autre il en fait trop, en présentant Job comme un personnage impeccable (ainsi que dans le Prologue). Or le Job des dialogues (précédents) ne prétendait pas à l'impeccabilité absolue, il soulignait au contraire qu'un Dieu qui exigerait une telle impeccabilité, qui punirait la moindre peccadille au même titre que la faute la plus grave (point de vue des "amis"), ne serait pas juste du tout (cf. p. ex. 13,26).
Et, bien sûr, d'un point de vue "moderne" la femme est considérée comme "objet" et non "sujet" de droit (ou de morale) dans tous ces textes, depuis le Décalogue jusqu'au Sermon sur la Montagne: au regard du droit civil, c'est en tant que "bien d'autrui" que la femme mariée ou fiancée est "interdite" (ça ne l'empêche pas d'être lapidée le cas échéant, en vertu de la loi sacrale: outre le "vol" il y a aussi la "souillure"; mais les animaux aussi peuvent être lapidés selon la même "logique"...). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Lun 10 Fév 2020, 11:16 | |
| Le christianisme, dès son origine, a constamment hésité entre une « anthropologie angélique » de la pureté et de la sainteté, et une anthropologie de l’incarnation, de la vie et du bonheur terrestre, ou, pour le dire autrement, entre la nostalgie d’un homme-ange sans sexualité, purement spirituel, et la conviction que l’homme de chair et de sang, dans sa réalité naturelle et sexuée, a été créé et voulu par Dieu pour jouir des biens de la vie.
Écartelé entre ces deux lignes théologiques et anthropologiques, le christianisme a dû se résoudre à prôner une double éthique ou, pour le dire plus clairement, deux éthiques tout à fait contradictoires : celle de la continence et celle du mariage.
Pour les premiers chrétiens, vivre sans sexualité était une manière de manifester son impatience de vivre comme dans le Royaume des cieux dans lequel « on ne prend ni femme ni mari », car « on est comme des anges ». Autrement dit, il s’agissait d’un désir de vivre, dès ici-bas, la vie céleste et angélique dans un corps glorieux, c’est-à-dire a-sexuel et débarrassé des lourdeurs de la chair. https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2008-1-page-73.htm
Un texte me revient à l'esprit (parce que très utilisé par les TdJ), celui d'Hé 13,4 ; que l'on déjà abordé mais que j'aimerais analyser avec mes yeux d'aujourd'hui :
"Que le mariage soit honoré de tous, et le lit conjugal exempt de souillure : Dieu jugera ceux qui se livrent à l'inconduite sexuelle et à l'adultère"
L'expression : "le lit conjugal exempt de souillure" me parait floue, suffisamment pour en tirer des conclusions hâtives et puritaines. Ce texte donne le sentiment de rattacher la sexualité à la souillure, du moins une sexualité assimilée à de l'"inconduite".
Notes : Hébreux 13:4 Cf. 12.16 ; 1Co 5.13 ; 6.9-19 ; Ep 5.5. – et le lit conjugal… : c’est de toute évidence l’adultère qui est ici considéré comme une souillure. |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Lun 10 Fév 2020, 14:01 | |
| Cette ambiguïté provient de la nature même des auteurs de la Bible. D'une part ils désirent donner du poids à leurs arguments et déclarent présenter des choix et des décision provenant de Dieu lui-même, d'autre part ils ne sont que des humains ayant des désirs charnels qu'ils ne veulent pas étouffer mais vivre le mieux possible. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: christianisme, mariage, procréation et sexualité Mar 11 Fév 2020, 02:48 | |
| Sur l'"adultère" au croisement de la loi sacrale (d'où "souillure", même si le terme est ici distinct de ceux qui traduisent le plus régulièrement dans la Torah la notion d'"impureté" rituelle, laquelle du reste s'applique aussi à une sexualité parfaitement "licite" par ailleurs) et de la loi civile (atteinte à la "propriété" du mari), voir supra 28.1.2014. Pour rappel, il n'y a d'adultère au sens "biblique" (et antique en général) qu'entre un homme (marié ou non) et une femme mariée (ou fiancée) à un autre. Qu'un homme marié ait des relations avec d'autres femmes que la ou les siennes (esclaves, prostituées, veuves, etc.), pourvu qu'elles ne soient pas mariées, cela ne constitue pas un "adultère" au regard de la loi civile, même si ça peut être considéré comme répréhensible à d'autres points de vue.
D'autre part, le "bric-à-brac" d'Hébreux 13 (comme de bien des sections "parénétiques" ou "pratiques", surtout quand elles coïncident avec les fins de livre qui accumulent les ajouts successifs de copie en copie) ne fournit aucun "contexte" susceptible de préciser la portée de ce précepte et avertissement, a priori très général, et le style quasi "télégraphique" ou aphoristique, habituel aussi dans ce genre de section, ne facilite pas l'interprétation. Rien n'oblige expressément à restreindre la "souillure" à l'"adultère" (comme le suggère un peu vite la note de la NBS), mais rien ne requiert non plus de l'étendre à autre chose. Sauf oubli de ma part, 1 Corinthiens 7 (v. 3ss) est le seul texte du NT qui évoque explicitement la pratique sexuelle dans le mariage, et il ne lui impose aucune restriction, ce serait plutôt le contraire (la formulation est très proche de la notion de "devoir" conjugal).
Soit dit en passant, une remarque incidente de Houziaux au début de l'article précité (§ 6, notes 3 et 4), sur laquelle lui-même ne s'attarde pas, me semble mériter réflexion: sur ce genre de question les attitudes changent plus vite qu'on ne croit, et les générations présentes et futures, dans le sillage des revendications homosexuelles et féministes, de la remise en question du "genre" et de l'obsession du harcèlement sexuel, pourraient se trouver beaucoup plus en phase avec les "ascétismes" juifs, chrétiens ou "païens" du tournant de l'ère chrétienne que ne l'étaient celles de la "libération sexuelle" il y a un demi-siècle. |
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