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 Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint

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Narkissos

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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeMar 29 Mai 2018, 14:50

Ma formule "l'Apôtre de Marcion" était plus ambiguë que je ne la pensais: je voulais dire par là que Paul était l'apôtre de référence de Marcion; mais bien sûr "Paul" précède "Marcion", c'est Marcion qui peut être dit "paulinien" ou "pauliniste" et non Paul "marcionite" (si la datation absolue de l'un et de l'autre demeure conjecturale, en dépit de tout ce qui se répète à ce sujet, leur datation relative, autrement dit l'ordre de leur succession ou leur séquence, ne fait guère de doute).

Ce qui est évident c'est qu'il y a une continuité de l'un à l'autre, à la fois théologique et textuelle. Il est difficile en revanche de dire où s'arrête le "paulinisme" et où commence le "marcionisme", difficile en tout cas sans prendre parti: du point de vue de la "grande Eglise" et de ses Pères (Justin, Irénée, Tertullien), Paul est un "apôtre" (même si on s'en méfie et qu'on tient à le "recadrer" dans l'orthodoxie rattachée aux "Douze apôtres": c'est un élément essentiel du programme des Actes), alors que Marcion est un "hérétique" censé avoir perverti l'enseignement de Paul (cf. 2 Pierre 3, sur les épîtres de Paul dont quelques-uns tordent le sens); d'une façon à peine moins polémique mais toujours du même point de vue on peut dire Marcion "hyper-" ou un "ultra-paulinien". La question se complique quand on considère que le "corpus paulinien" (à l'exception notable des Pastorales "orthodoxes", ostensiblement anti-gnostiques et anti-marcionites) s'est rassemblé et développé dans un milieu, disons, paulino-marcionite AVANT d'être canonisé et neutralisé par la grande Eglise suite au rejet du marcionisme, par un certain nombre de "corrections" textuelles sans doute mais plus encore par le cadrage général de Luc-Actes d'une part et des Pastorales d'autre part. Le procédé fut durablement efficace, puisque "Paul" sera en fait très peu cité et encore moins compris jusqu'à la Renaissance et aux Réformes -- et qu'il s'avérera alors passablement "explosif", même dans sa version "orthodoxe".
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeMar 29 Mai 2018, 16:26

À l'épreuve des faits
Une première ombre à ce tableau idyllique des débuts de l'Église est signalée dès le chapitre 5. L'auteur raconte la tromperie et la fin tragique d'Ananie et Saphire qui font semblant de partager leurs biens. Au chapitre 6, nouvelle difficulté : voici que les Hellénistes se mirent à récriminer contre les Hébreux parce que leurs veuves étaient oubliées dans le service quotidien de distribution de nourriture aux indigents. Des dissensions plus graves encore vont apparaître. Lorsque les premiers païens entrent dans la communauté, les divergences éclatent à propos de la circoncision. Les apôtres et les frères établis en Judée ont des discussions assez vives avec Pierre qui est entré chez des incirconcis notoires et a mangé avec eux (11,2); Pierre est aussi allé chez le centurion Corneille et l'a fait baptiser avec sa famille et ses amis.
Le conflit devient plus violent lorsque Paul et Barnabé reviennent de leur première mission : des fidèles issus du pharisaïsme intervinrent alors pour soutenir qu'il fallait circoncire les païens et leur imposer la loi de Moise (15,5). Il faudra une assemblée à Jérusalem pour que les apôtres et les anciens trouvent un accord et que la paix revienne dans l'Église. Aussitôt, cependant, un autre différend est raconté : Paul et Barnabé se disputent au sujet de Jean appelé Marc. Leur désaccord s'aggrava tellement qu'ils partirent chacun de leur côté (15,39). On est loin de l'idéal un seul cœur, une seule âme !

Idéal et réalité
On reste perplexe devant ces contradictions évidentes. On peut choisir de ne retenir que l'idéal... ou bien les conflits. On voit surtout que l'idéal est indiqué dès le début et, en même temps, qu'il a toujours été battu en brèche dans la réalité. Ce qui reste, incontestablement, c'est que la Parole court et se répand malgré les conflits, parfois même... grâce à eux, car ils obligent à inventer des solutions. Ce qui reste encore c'est ce qu'atteste le mot « frères », d'un bout à l'autre des Actes: de 1,15 –1es premiers disciples de Jérusalem – à 28,15 – les fidèles de Rome venus à la rencontre de Paul prisonnier.
Comme pour tant de groupes plus tard, chrétiens ou non, l'idéal de la vie fraternelle joue dans les Actes à la manière d'une utopie qui inspire, incite à créer et ne cesse de critiquer la réalité vécue, étant en même temps un but toujours à atteindre. Ce qui est réalisé à certains moments privilégiés, en certains lieux, comme sans doute aux débuts de l'Église, témoigne que ce n'est pas seulement un rêve.
https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/200114.html
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeMar 29 Mai 2018, 17:12

La comparaison des Actes et de l'épître aux Galates (à mon sens et au risque de réveiller le malentendu que je viens d'essayer de dissiper, le plus "marcionite" des écrits "pauliniens") fait aussi apparaître la façon dont les Actes travestissent la nature des conflits, en les personnalisant et donc en les "désidéologisant", si je puis dire (ce qui n'exclut pas que Galates les travestisse dans un sens opposé; la différence n'en est pas moins sensible): dans Galates il y a bien conflit entre Paul et Barnabé (2,13), mais ce n'est pas un différend personnel, c'est un désaccord "idéologique", à la fois théorique et pratique: renoncer à la communion (de table) entre juifs et non-juifs, pour "Barnabé" c'est un compromis diplomatique acceptable, pour "Paul" c'est la négation même de son évangile. Dans les Actes, d'une part la position paulinienne est assumée par "Pierre" (alors que son équivalent "Céphas" s'y oppose, au moins objectivement, dans Galates où il apparaît comme l'occasion, sinon la cause du problème, v. 11ss), d'autre part le conflit entre "Paul" et "Barnabé" n'a plus rien d'idéologique et porte sur une simple affaire de personne (Marc, Marcion ? Le rapprochement est d'autant plus tentant que notre évangile "selon Marc" paraît beaucoup plus "marcionite" que l'évangile "selon Luc" tel qu'il nous est parvenu dans sa version "orthodoxe", associée aux Actes, alors même que Marcion se réclamait, d'après ses détracteurs, d'un évangile "selon Luc" qui devait être passablement différent du nôtre).

De même le conflit entre "Hébreux" et "Hellénistes" au chapitre 6 ramène à un simple problème pratique (distribution de nourriture) une divergence idéologique beaucoup plus profonde et beaucoup plus complexe, dont le discours violemment anti-temple et anti-rituel d'Etienne (du groupe des sept "Hellénistes", chap. 7) peut donner une petite idée (étrangement, quand tous les chrétiens sont dispersés à la suite de la persécution déclenchée par l'affaire d'Etienne, les "apôtres" restent tranquillement à Jérusalem, 8,1ss).
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeMer 30 Mai 2018, 14:08

Citation :
Le récit, en gros, fonctionne comme un "Babel à l'envers", qui donne le coup d'envoi de la "mission" conduisant de Jérusalem à Rome. Il permet de rapporter l'Eglise universelle à une source unique (par "explosion" ou "big bang", si l'on peut dire).

La montée vers la capitale de l'Empire, dont les Juifs ont été chassés sur ordre du prince, s'inscrit, quelles qu'en soient les conditions, dans une double démarche d'occupation des lieux politiques et de distanciation des Juifs. Elle commence en fait dès le moment où Paul à Jérusalem s'affirme citoyen romain : «On allait étendre Paul pour le fouetter, quand il dit au centurion de service : «un citoyen romain qui n'a même pas été jugé, avez-vous le droit de lui appliquer le fouet ?» A ces mots, le centurion alla mettre le tribun au courant : «Qu'allais-tu faire ! L'homme est citoyen romain. Le tribun revint donc demander à Paul : «Dis-moi, tu es vraiment citoyen romain ? - Oui, dit Paul» . Le tribun reprit : «Moi j'ai dû payer la forte somme pour acquérir ce droit - Et moi, dit Paul, je le tiens de naissance ». Ceux qui allaient le mettre à la question le laissèrent donc immédiatement.
Quant au tribun, il avait pris peur en découvrant que c'était un citoyen romain qu'il gardait enchaîné» (22, 25-29). Ce dialogue dévoile bien la portée juridico-politique de l'enjeu que constitue le champ religieux, et particulièrement les formes de diffusion du christianisme. C'est une part importante du statut du paulinisme hors et dans l'Eglise. L'opposition entre la citoyenneté acquise à prix d'argent du tribun et celle de Paul reçue par la naissance prend valeur de symbole. Elle dilate les capacités de diffusion du christianisme aux limites ouvertes de la citoyenneté romaine. La comparution de Paul devant le Sanhédrin, faisant jouer une juridiction locale, déplace l'objet du débat, mais en même temps en rappelle toute la complexité, lorsque Paul annonce : «Je suis pharisien, fils de pharisien»(23, 6-11).

Il apparaît alors comme un lieu-carrefour par l'accumulation de ses appartenances et statuts, par son histoire familiale et par la sienne propre, structurée par l'illumination du chemin de Damas. Il est la preuve tangible de l'ouverture possible et réalisée, de l'universalisme achevé. C'est pourquoi il ne peut échouer. C'est dans cette logique qu'il faut aborder le bricolage lucanien de sa fin, pour attester la «prise» de Rome.

https://www.persee.fr/docAsPDF/dha_0755-7256_1981_num_7_1_1434.pdf
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeMer 30 Mai 2018, 19:03

Outre le problème de datation sur lequel je ne reviens pas, cet article "historique" reste prisonnier du schéma général du récit des Actes, autrement dit de "l'histoire sainte": Jésus -> les apôtres, Jérusalem -> Rome => expansion d'un christianisme initialement défini en Palestine (Galilée + Judée) aux grandes villes de l'empire et à la capitale. C'est un bon exemple du cercle vicieux renforcé par la séparation des "disciplines": l'exégèse biblique (essentiellement confessionnelle) et l'histoire ("profane") se renforcent mutuellement dans la répétition non critique d'un "consensus", parce que chacune doit emprunter une partie de ses "données" à l'autre sans disposer de la compétence nécessaire pour les remettre en question.

La troisième partie (sur le "bricolage idéologique", à la fois politique et théologique) me semble cependant tout à fait pertinente -- elle ne le serait que davantage dans un contexte de la première moitié du IIe siècle (entre autres parce que la tendance générale au "syncrétisme", avec la multiplication des cultes à mystères orientaux plus ou moins imprégnés de philosophie populaire, sur laquelle "surfe" le christianisme en évitant de les attaquer de front parce qu'il relève de la même "catégorie", ne fait que s'accentuer jusqu'au IVe siècle).

Au passage, la mention de l'expulsion des juifs de Rome sous Claude (Actes 18,2; cf. Suétone, Claudius xxv: en raison de troubles impulsore Chresto, "à l'instigation de Chrestus"; pour Dion Cassius, LX,vi,6s, l'expulsion n'a justement pas eu lieu) n'a guère d'incidence sur le récit des Actes du point de vue de la "conquête" (chrétienne) de Rome, puisqu'il y a bel et bien des Juifs à Rome quand Paul y arrive (28,17ss) -- fait plus étrange, ceux-ci semblent n'avoir aucune connaissance directe du christianisme, alors qu'il y a là aussi des "chrétiens". Par contre, comme l'auteur ne manque pas une occasion de désigner les juifs comme fauteurs de troubles au regard du pouvoir romain, ce rappel vrai ou faux s'insère tout naturellement dans son propos.
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeJeu 31 Mai 2018, 12:06

Les premiers chrétiens : du Temple aux maisons

De Jérusalem à Rome

Le Livre des Actes s’ouvre non dans le Temple, mais sur Mont des Oliviers. Et il se clôt dans la maison romaine où Paul est en garde à vue. Or, déjà, à la Pentecôte, l’Esprit a été reçu par les apôtres dans une maison (Ac 2,2). Comme dans l’Évangile, une grande part du récit des Actes se passe dans ces endroits familiers où se font les échanges et se réunissent les communautés qui y rompent le pain. Mais le Temple reste le lieu des prières. Le salut s'y manifeste : au "Nom de Jésus" Pierre et Jean y guérissent un infirme (Ac 3,1-10). La Passion s'y continue car ils y sont arrêtés (Ac 4,1-3). Il reste le lieu des rassemblements de pèlerinage, des sacrifices, et – qui sait ? – celui de la Présence divine. Arrêté à son tour, Paul dira haut et fort qu'il n'a jamais commis de délit contre le Temple (Ac 25,Cool. Cependant, au fur et à mesure que la mission se développe loin de Jérusalem, les maisons assument le rôle de lieu de rassemblement des croyants. D'autant que les synagogues, canal privilégié de la prédication, deviennent de plus en plus hostiles aux chrétiens. Jusqu'à ce qu'apparaissent ces "maisons de prière" dont on trouve les traces à Rome dès le IIe siècle.

L'universel et le quotidien

Cette orientation, véritable marque de fabrique du christianisme naissant, inscrit celui-ci dans l’universel. Autant le Temple est le théâtre de rendez-vous exceptionnels, autant la maison est le lieu de l’ordinaire des jours, fait de repas, de rencontres, de vie commune et transmise. C’est cet ancrage dans le quotidien qui rend la maison universelle. Qui, en effet, ne vit dans une maison ? Au fur et à mesure de l’expansion de la mission au sein de l'empire, la dimension humaine de la maison est mise en valeur. Ce n'est pas seulement un bâtiment, c'est est aussi un ensemble de personnes, famille et domestiques, affranchis ou esclaves : "Elle reçut le baptême, elle et sa maison" dit Luc à propos de Lydie, commerçante à Philippes (Ac 16,15). Communauté et maison vont maintenant de pair. Pour Luc, le Temple de Jérusalem reste lié à la Passion de Jésus, les synagogues à la prédication – du moins au début – mais les maisons sont bien les lieux où souffle l’Esprit.

https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1380.html
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeJeu 31 Mai 2018, 12:33

Ce que cet article, et les Actes, passent allègrement sous silence, c'est l'implication sociale ou socio-économique de ce "christianisme de maisons" (attesté dès les épîtres pauliniennes, bien avant la mise en scène du temple et des synagogues dans les Actes): les maisons concernées sont forcément celles des (relativement) riches, capables d'accueillir une "assemblée" même modeste, conformément au modèle du "clientélisme" romain (la "maison" du "patron" représente, y compris juridiquement jusqu'à un certain point, non seulement sa "famille" au sens réduit où nous l'entendons, mais ses esclaves, ses affranchis, ses obligés, ses "clients"). Dans un tel christianisme les riches sont naturellement nécessaires et dominants (d'où les critiques de l'épître de Jacques, et la nécessité pour le protocatholicisme de sortir de ce système, avec des lieux de culte et d'abord une hiérarchie autonomes -- où "l'évêque" se distingue du "maître de maison").
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeVen 01 Juin 2018, 11:43

"Moi, je vous baptise d'eau, mais il vient celui qui est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de délier la lanière de ses sandales. Lui, il vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu" (Lc 3,16).

"Jean a bien donné le baptême d'eau, mais vous, c'est dans l'Esprit Saint que vous serez baptisés d'ici quelques jours" (Ac 1,5).

Concernant  le jour de la Pentecôte on peut affirmer qu'il y a eu un grand baptême dans l'Esprit Saint, d'ailleurs  Pierre déclare à propos de Jésus : "Exalté par la droite de Dieu, il a reçu du Père l'Esprit Saint promis et il l'a répandu" (Ac 2,33).

 Lorsque Paul arrive à Éphèse, il demande aux disciples : "Avez-vous reçu l'Esprit Saint quand vous êtes devenus croyants ? - Mais, lui répondirent-ils, nous n'avons même pas entendu parler d'Esprit Saint." Suite à cette réponse, le récit précise concernant ces disciples :  "ils reçurent le baptême pour le nom du Seigneur Jésus. Paul leur imposa les mains, et l'Esprit saint vint sur eux" (Ac 19, 1-7)
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeVen 01 Juin 2018, 12:30

L'association de l'eau et de l'"esprit" (qui se distingue évidemment du souffle ou du vent "physiques", sans jamais perdre tout à fait cette référence concrète ou "élémentaire") remonte très loin: on l'a rencontrée plus haut dans Ezéchiel 36, on la retrouve notamment, ritualisée, à Qoumrân. Elle fait partie du "fonds commun" judéo-chrétien, mais chaque (type de) christianisme, chaque texte du NT, l'utilise à sa façon. Ce qui me paraît caractériser Luc-Actes, c'est une certaine systématisation qui joue à la fois d'une "norme" et d'écarts par rapport à celle-ci. La norme est fixée depuis le paulinisme au moins (cf. Romains 6): le "baptême d'eau" EST "baptême d'Esprit" (ce sont les deux faces du même signe, le "signifiant" et le "signifié" si l'on veut); dans la logique du "mystère" (mustèrion-mysterium/sacramentum), le rite d'initiation chrétien donne accès à l'Esprit dans le corps du Christ ressuscité. Par nécessité narrative, le récit évangélique (Marc, Matthieu) distinguait déjà (avant Luc) un baptême d'eau (associé à Jean-Baptiste) et un baptême d'esprit et/ou de feu (associé à Jésus, mais qu'on ne "voyait" jamais arriver: dans le récit lui-même ça restait une parole, promesse ou menace), dans une perspective eschatologique: "l'eau" avait tout plus un rôle préparatoire (conformément au rôle de précurseur assigné à Jean-Baptiste), "l'esprit" et/ou "le feu" désignait en revanche la réalité ultime sous un aspect critique (salut/perdition, épreuve-jugement débouchant sur l'un ou l'autre, etc.). Dans la perspective clairement "ecclésiastique" et (pseudo-)"historique" de Luc-Actes, les choses s'ordonnent naturellement: l'eau sans esprit marque l'époque d'avant la Pentecôte; à la Pentecôte ceux qui n'avaient eu que l'eau (les 12 ou les 120) reçoivent directement l'esprit, les nouveaux convertis (3000, etc.) reçoivent simultanément l'une et l'autre: c'est désormais la règle. Mais cette règle souffre ensuite des exceptions qui ont toujours un sens narratif et stratégique: on a de nouveau l'eau sans ou avant l'esprit au chapitre 8, pour les Samaritains: il faut la présence des apôtres pour valider la première extension de "l'Eglise" au-delà du "judaïsme" stricto sensu; puis pour Corneille au chapitre 10 c'est le contraire: l'esprit avant l'eau, qui détermine Pierre à franchir le pas décisif de l'ouverture totale aux "païens"; au chapitre 19, les disciples de Jean-Baptiste doivent recevoir un nouveau baptême d'eau (contrairement au "premier service" de la Pentecôte) pour recevoir l'esprit: il s'agit cette fois de récupérer (narrativement) dans l'Eglise l'intégralité du mouvement "baptiste" en déniant toute valeur au "baptême de Jean" au-delà de sa période de validité qui est censée avoir pris fin à la Pentecôte. Tout en conférant finalement et discrètement à Paul sa pleine qualité d'apôtre (ce coup-ci, ça marche sans la présence d'un des Douze).

La théologie des Actes peut paraître très "plate" quand on la compare à celles de "Paul" ou de "Jean": c'est qu'elle est dominée par un schéma à la fois chronologique (les grandes périodes du grand récit) et institutionnel (donner à "l'Eglise" une apparence d'unité et de développement globalement linéaire et harmonieux). A sa façon elle est très efficace, puisqu'elle a réussi à imposer son schéma à tous les "catéchismes" qui, depuis, récitent grosso modo la même "histoire sainte". Son succès historique, dans tous les sens du terme, tient bien sûr à d'autres facteurs: le récit des Actes présente "l'Eglise" comme une "œuvre divine", l'esprit et les "miracles" qui lui sont associés servant précisément à marquer sa divinité jusque dans ses côtés terrifiants (Ananias et Saphire, Simon le Mage, Elymas, etc.); mais aussi providentielle à tout point de vue "humain", répondant parfaitement aux besoins religieux, intellectuels et politiques de l'empire, caressant le pouvoir romain dans le sens du poil. Pour parler comme le Brüno de Sacha Baron Cohen, le christianisme c'est in, le paganisme et surtout le judaïsme traditionnels c'est out.
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeDim 10 Juin 2018, 13:42

Narkissos a écrit:
Dans la perspective clairement "ecclésiastique" et (pseudo-)"historique" de Luc-Actes, les choses s'ordonnent naturellement: l'eau sans esprit marque l'époque d'avant la Pentecôte; à la Pentecôte ceux qui n'avaient eu que l'eau (les 12 ou les 120) reçoivent directement l'esprit, les nouveaux convertis (3000, etc.) reçoivent simultanément l'une et l'autre: c'est désormais la règle. Mais cette règle souffre ensuite des exceptions qui ont toujours un sens narratif et stratégique: on a de nouveau l'eau sans ou avant l'esprit au chapitre 8, pour les Samaritains: il faut la présence des apôtres pour valider la première extension de "l'Eglise" au-delà du "judaïsme" stricto sensu; puis pour Corneille au chapitre 10 c'est le contraire: l'esprit avant l'eau, qui détermine Pierre à franchir le pas décisif de l'ouverture totale aux "païens"; au chapitre 19, les disciples de Jean-Baptiste doivent recevoir un nouveau baptême d'eau (contrairement au "premier service" de la Pentecôte) pour recevoir l'esprit: il s'agit cette fois de récupérer (narrativement) dans l'Eglise l'intégralité du mouvement "baptiste" en déniant toute valeur au "baptême de Jean" au-delà de sa période de validité qui est censée avoir pris fin à la Pentecôte. Tout en conférant finalement et discrètement à Paul sa pleine qualité d'apôtre (ce coup-ci, ça marche sans la présence d'un des Douze).

J'apprécie cet éclairage notamment à propos du baptême de Jean.
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeDim 10 Juin 2018, 16:50

Ce dont témoignent aussi malgré eux les évangiles et les Actes, c'est que le mouvement "baptiste" en général et "johanni(s)te" (> "Jean-Baptiste") en particulier ne se laisse nullement réduire au rôle de "précurseur" (du christianisme) qu'ils tentent par ailleurs de lui assigner. Il y a toujours des "disciples de Jean" hors du groupe de "Jésus" ou des "apôtres", dont les pratiques au moins (jeûne, purifications) diffèrent (Marc 2,18//), Jean lui-même dans sa prison doute de Jésus (Matthieu 11,1ss//), etc. Cf. aussi Apollos d'Alexandrie (Actes 18,24ss) rattaché (à tort ou à raison) au "baptême de Jean" comme les "johannites" d'Ephèse, en Asie Mineure (19,1ss) -- très loin donc, géographiquement et culturellement, de la zone d'actitivité attribuée à Jean-Baptiste ou de Qoumrân (Jourdain, mer Morte), et sans passer par une "Pentecôte"; et les "mandéens" qui ont survécu (difficilement) en Mésopotamie jusqu'à nos jours (avec bien sûr des influences chrétiennes et islamiques entre-temps), pour qui "Jean" est le vrai prophète et "Jésus" le faux...
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeLun 11 Juin 2018, 10:52

D’autres témoins des rites de l’initiation en usage au ier siècle déroutent eux aussi les théologies du baptême et de la confirmation. Il y a par exemple les chapitres 7 à 15 de la Didachè. Ce document, contemporain du livre des Actes, originaire de la région Syrie-Palestine, compile diverses instructions sur la vie des communautés chrétiennes. On situe sa rédaction finale vers la fin du ier siècle au plus tard. Mais il renferme des éléments plus anciens, que la critique moderne date entre 50 et 90 ap. J.-C. Parmi eux, une instruction liturgique relative au baptême (Didachè VII, 1-37) soulève un problème que W. Rordorf avait résumé en 1972 par ces mots : « Ce qui frappe le plus, c’est l’absence de l’imposition des mains et de la mention du don de l’Esprit Saint au moment du baptême8 ». Pourtant, la Didachè connaît l’Esprit puisqu’elle n’hésite pas à faire quelques recommandations sur les prophètes (X, 7 ; XI, 3-12 ; XIII, 1-7).

https://journals.openedition.org/rsr/2461
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeLun 11 Juin 2018, 12:11

Le mélange de critique textuelle, d'analyse littéraire, de naïveté historique et de diplomatie œcuménique est assez déroutant au premier abord, mais pour qui arrive à s'y retrouver il y a là des choses intéressantes.

L'association du baptême et de l'esprit (non seulement de l'eau et du souffle, mais aussi de la régularité du rite prescrit, fixé, standardisé, etc., et de la liberté, de l'imprévisibilité, de la spontanéité du mouvement, du phénomène ou de l'événement divin, ni "commandable" ni "maîtrisable") est par excellence paradoxale ou contradictoire (mariage de la carpe et du lapin, etc.). C'est dire que chaque fois que le paradoxe ou la contradiction formelle ne sont plus ressentis comme tels dans le "sacrement" lui-même -- il n'y a peut-être que les théologiens pour les ressentir "comme tels" -- on les recherche, le cas échéant, en-dehors de lui et d'une manière ou d'une autre contre lui: dans une "expérience" distincte du baptême (d'eau), avant (comme dans la "conversion" évangélique) ou après (comme dans le pentecôtisme) celui-ci: condition préalable d'un baptême valide dans le baptisme (moderne) p. ex., validation ultérieure ou contre-signature du baptême dans le pentecôtisme. Dans les christianismes primitifs (entre autres), "l'imposition des mains" est en effet un symptôme parmi d'autres de cette nécessité de distinguer "l'eau" et "l'esprit" -- non sans retomber dans le malentendu qu'on cherche à éviter en faisant de "l'esprit" un autre rite, au lieu d'y voir l'autre du rite (son "signifié", si l'on veut).
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeLun 11 Juin 2018, 15:08

Un récit fondateur ?
Il n'est donc pas étonnant que le baptême ait son aboutissement dans une « théophanie ». À travers la reconnaissance solennelle, par la voix divine, de Jésus comme « le Fils » et la descente de l’Esprit, le récit ne vise pas seulement à marquer l’importance de ce moment comme investiture messianique, mais aussi, semble-t-il, à fonder déjà le baptême chrétien. Le mouvement, bien souligné par Marc, de Jésus qui « remonte » de l'eau pour recevoir aussitôt l'Esprit pourrait évoquer le rite pratiqué par les communautés chrétiennes.

Si cette hypothèse est exacte, cela revient à dire qu’un tel récit aurait pu jouer par rapport au baptême chrétien un rôle analogue à celui de la dernière Cène par rapport à l’eucharistie de l’Église.

On sait en effet que le récit de la Cène nous est livré, dans les synoptiques et en 1 Co 11, selon une version déjà polie par l’usage liturgique des premières communautés. Il a été véritablement structurant pour l’eucharistie chrétienne, puisque celle-ci s’est articulée autour des quatre verbes qui y décrivent l’action du Seigneur : « prendre » (cf. la présentation des dons) ; « prononcer la bénédiction » (cf. la prière eucharistique) ; « rompre » (cf. la fraction du pain) ; « donner » (cf. la communion). Récit fondateur donc, récit instituant, récit « de l’institution », précisément...

Certes, le récit du baptême de Jésus n’a jamais été aussi structurant pour la pratique baptismale que celui de la Cène pour l’eucharistie : Paul ne s’y réfère jamais, par exemple. Mais sa portée pourrait être analogue. Les Églises orientales ont fondé la pratique du baptême chrétien beaucoup plus sur ce récit que sur l'ordre du Ressuscité selon Mt 28. En baptisant (comme en faisant l’eucharistie), il s’agit moins d’obéir à un ordre que de refaire symboliquement (''sacramentellement'') l’itinéraire pascal du Maître. On doit comprendre en ce sens l’allusion faite par Jésus à son ''baptême'' dans sa propre mort : Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ou être baptisés du baptême dont je vais être baptisé ? (Mc 10,38).

Tout comme le récit de la Cène, même si c'est à un moindre degré, le récit du baptême de Jésus est « fondateur ». Il fonde en racontant. Cela rappelle que la théologie chrétienne est fondamentalement narrative. Elle l’est parce que la Vérité qu’elle confesse n’est pas une idée – fût-elle la plus sublime idée de Dieu – mais Quelqu’un, et que ce Quelqu’un, confessé comme « Christ de Dieu », n’est pas le fruit d’une projection mythique, mais une réalité historique ; une réalité que l’on ne peut atteindre qu’en la racontant
https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/476.html
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeLun 11 Juin 2018, 16:02

Comme quoi la théologie a aussi son "irréel du passé" (ce qu'elle aurait pu être si elle n'était pas devenue ce qu'elle est)...

C'est précisément la prépondérance du schéma chronologique de Luc-Actes qui empêche les évangiles de fonctionner selon ce qui était probablement leur intention première, à savoir comme une mise en récit ("mythique", sous apparence d'"histoire") du "mystère" chrétien. A cause de la suite (les Actes), l'"histoire de Jésus" est elle-même reléguée à la place du "précurseur", d'"avant-propos" du "christianisme proprement dit" qui commence vraiment à la Pentecôte. De fait on ne voit plus le "baptême de Jésus" comme un baptême chrétien, on comprend encore moins l'importance centrale de la Transfiguration entre baptême et mort-résurrection, la fin de l'évangile ne renvoie plus à son début dans un schème cyclique (cf. le renvoi "en Galilée" chez Marc, de la fin au début), dès lors qu'il y a une suite et que c'est elle qui compte.
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeLun 11 Juin 2018, 23:34

Pourrait-on argumenter que Paul en écrivant ses lettres pastorales a fixé les bases du christianisme et détourné volontairement ou non le regard du croyant de Jésus?

Jésus dans les récits qui nous sont donnés par le biais des évangiles semble vouloir réformer le point de vue de ses disciples à défaut de pouvoir le faire du culte des Israélites. Il les encourage a mieux pratiquer ce qu'ils lisent dans la loi ou entendent lire au temple afin de se montrer à l'image de leur Père céleste.

Alors que Paul construit toute une théologie en partant de Jésus et interprétant la loi [comme le font par ailleurs les auteurs des évangiles] pour démontrer que Jésus et le Christ tant attendu sont une seule et même personne.
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeMar 12 Juin 2018, 01:17

(Je présume qu'en parlant de "lettres pastorales" tu ne penses pas à ce qu'on appelle habituellement de ce nom, à savoir les seules épîtres -- très tardives -- à Timothée et à Tite, mais à l'ensemble des écrits attribués à Paul: Romains, Corinthiens, etc.; dans le cas contraire tu me corrigeras.)

C'est un scénario très populaire (le gentil Jésus et le méchant Paul), mais pour ma part je n'en crois pas un mot. Parce que 1) les premières épîtres de Paul (Corinthiens, Romains...) sont manifestement très antérieures aux récits évangéliques, qui les présupposent, que ceux-ci reflètent une théologie partiellement similaire (Marc) ou diamétralement opposée au paulinisme (Matthieu); 2) ces épîtres témoignent de l'existence (à Corinthe, à Rome, etc.) d'un "culte de Jésus-Christ" qu'elles n'ont pas inventé, qui donc leur préexiste en tant que tel; 3) "Jésus" n'y apparaît nullement comme un "maître" humain, il n'y a pas la moindre référence à son "enseignement", ni à ses "actes", hormis sa mort et sa résurrection; les destinataires de Paul (dont on connaît par ailleurs les nombreuses questions, objections, divergences, surtout dans la correspondance corinthienne) ne s'y réfèrent pas davantage que lui; 4) Paul n'y "démontre" jamais que "Jésus" est le "Christ", le "Seigneur", ou le "Fils de Dieu": cela ne fait aucunement débat, c'est au contraire  la croyance préalable de ses destinataires, le "fonds commun" ou le "terrain d'entente" sur lequel il fonde et construit les originalités ou les innovations de sa doctrine particulière; mais le "fondement" précisément, la foi en Jésus-Christ, Fils de Dieu et Seigneur, est déjà établi et ne fait pas discussion: ça n'a rien de spécifiquement "paulinien".

Le lecteur du Nouveau Testament, en revanche, découvre "Jésus" (dans les évangiles), son enseignement, ses miracles, AVANT de lire "Paul". Il lit les textes dans un ordre contraire à celui de leur écriture, et cet ordre paraît en outre confirmé par le schéma de Luc-Actes, qui nous montre Paul arrivant assez longtemps APRÊS "Jésus" et "les Douze". Du coup c'est la doctrine paulinienne qui apparaît comme une innovation suspecte -- quitte à expurger les évangiles de tout ce qui lui ressemble.

Le schéma d'un Jésus "simplement humain", glorifié ou déifié malgré lui après sa mort pour devenir la figure centrale d'un culte qui trahissait plus ou moins son enseignement, s'inscrivait à merveille dans le pathos naturaliste du XIXe siècle; l'examen des textes du NT suggère exactement l'inverse: il y a un culte de "Jésus-Christ", crucifié et ressuscité, Fils de Dieu, Seigneur, bien avant qu'on se préoccupe de lui écrire une "biographie" humaine en lui attribuant des paroles et des actes, une naissance, etc.
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeVen 03 Juin 2022, 13:53

Je ramène ce fil à son sujet comme le calendrier m'y ramène, pour y ajouter quelques notes disparates:

- Nous avons évoqué récemment (31.5.2022) Sophonie 3,9s comme texte (peut-être plus nettement) "anti-Babel": il est remarquable -- si l'on peut dire, s'agissant d'une absence -- qu'Actes 2 n'y fasse aucune allusion, d'autant qu'il cite longuement Joël (dans le même ensemble des "Douze prophètes"; il est vrai que les citations du NT semblent plus souvent tirées d'anthologies que de "livres" ou de corpus complets, mais dans le cas de Luc-Actes c'est plutôt moins évident qu'ailleurs). Comme on l'a vu plus haut (p. ex. 24.5.2018), le récit de la Pentecôte est au moins aussi "parallèle" (dans le sens "centrifuge" de la dispersion, dissémination, explosion) que "symétrique" (dans le sens "centripète" de la compréhension mutuelle et de l'accord universel, sinon du retour à une "langue unique") à celui de Babel.

- Les Actes conçoivent "l'Eglise" sur le modèle de "l'empire" qui est son cadre historique et géographique (empire romain bien sûr, mais la tradition "impériale" passe aussi par Babel = Babylone, identifiée à Rome dans de nombreux textes "apocalyptiques" juifs et parfois chrétiens, comme l'Apocalypse dite de Jean): on ne peut même pas parler de contre-modèle, tant les Actes sont ostensiblement, voire obséquieusement pro-romains (au contraire de l'Apocalypse), quelle que soit la part de stratégie ou de diplomatie apologétique(s) dans cette posture. L'Eglise unique et universelle se déploie dans l'espace littéralement "œcuménique" de l'empire (de la fameuse oïkoumenè ou "terre habitée", cf. le "recensement" de Luc 2 // Actes 5,37), le mouvement centrifuge devient centripète en changeant de centre: de Jérusalem, centre du "judaïsme dépassé" selon le schéma historico-chronologique de Luc-Actes, à Rome, le centre impérial du présent et de l'avenir politiques. La "relève" progressive de l'empire ("païen") par l'Eglise (catholique = universelle), quelques siècles plus tard, ne fera que réaliser au-delà de toute espérance le schéma des Actes, où un Eusèbe proche de Constantin se retrouvera comme un poisson dans l'eau. Mais la généalogie qui court des Actes à l'Histoire de l'Eglise n'est qu'un segment remarquable d'une parenté plus longue et plus profonde: le monothéisme juif qui avait pris la relève de la monarchie judéenne sous les empires néo-babylonien et perse se retrouvait dans l'Eglise sous une forme historicisée, différenciée et hiérarchisée qui offrait un modèle idéologique idéal pour un empire universel.

- L'empire est par définition confronté à la diversité des langues et à des problèmes de traduction et d'interprétation, qui passent généralement par la médiation d'une lingua franca au moins régionale, partagée (comme "seconde langue") par des locuteurs de différents idiomes qui ne se comprendraient pas directement entre eux dans leurs "langues maternelles": c'est déjà l'araméen requis (quoique court-circuité) dans le dialogue de 2 Rois 18//, entre les émissaires de Sennachérib et d'Ezéchias, et qui fonctionnera aussi sous les empires néo-babylonien et perse; à l'époque hellénistique, depuis Alexandre, c'était la langue grecque "commune", koinè, mais l'araméen/syriaque persistait à l'est; sous l'empire romain le latin ne prendra que progressivement la relève à l'ouest; cf. l'"anglais international" aujourd'hui, même si "notre empire" n'a plus de limite et de moins en moins de centre.

- C'est le Christ "suspendu" depuis l'Ascension du chapitre 1 qui joue un rôle analogue à celui de l'empereur -- le titre kurios, "Seigneur", maran en araméen, dominus en latin, s'applique(nt) à l'un comme à l'autre; mais d'une part c'est le rôle d'un empereur divinisé (apothéose), normalement après sa mort, donc "idéal", "symbolique", paradoxalement omniprésent en tant que présent nulle part (même le César vivant est aussi invisible pour la plupart de ses sujets que le Christ pour les siens, d'où le développement du "culte impérial" qui le divinise et le représente de son vivant, mais surtout in absentia, d'autant plus qu'on est loin de Rome: cf. exemplairement l'Asie Mineure de l'Apocalypse); cette analogie ne prend cependant pas dans Luc-Actes la forme d'une concurrence, contrairement à ce qui se passe à l'évidence dans l'Apocalypse et peut-être plus discrètement dans d'autres textes du NT (p. ex. Matthieu, où le titre de "fils de dieu" sous la forme theou huios semble répliquer les formules du culte impérial).

- Cette absence du "Seigneur" donne lieu à toute sorte de médiations et de représentations -- elle leur fait de la place et elle les requiert: d'abord celle, idéale et symbolique aussi, mais plus dynamique, susceptible de mobilité et/ou d'omniprésence effective, de l'"esprit" (pneuma); que le "don de l'esprit" remplace le "don de la loi" à la Pentecôte, comme on l'a vu plus haut, cela privilégierait le modèle littéraire de Joël ou d'Ezéchiel (11,19; 36,26s) par rapport à celui de Jérémie (31, nouvelle alliance avec des lois écrites dans les cœurs), mais ce serait aussi politiquement important parce que ça ne crée pas de conflit avec le droit romain, que Luc-Actes exploite à fond contre les juridictions particulières et réputées partiales de l'ethnos juif (appel de Paul à César et tout le voyage judiciaire qui s'ensuit jusqu'à Rome; c'est aussi une "réhabilitation" rétrospective du Crucifié au regard du droit romain: si Jésus avait pu faire comme Paul, il n'aurait jamais été condamné, il ne l'a été que parce que le pouvoir romain représenté par Pilate a cédé malgré lui à la pression juive, thème récurrent de la narration judiciaire des Actes qui distingue les "bons" représentants de Rome des plus ou moins "corrompus", cf. 12,3; 14,1ss; 18,14; 24,27; 25,9; sans préjudice du "plan divin" surplombant toute l'histoire, fatalité convertie en providence).

- Le signe principal de l'esprit, sous l'épiphénomène extatique du "parler en langue(s)" ou de la "prophétie", c'est la "communion" (koinônia, ambiguë puisque koinos signifie aussi l'"impur", cf. 10,14.28; 11,8 -- jusque dans la koinè qui est langue "commune" et langue "impure" par rapport au grec classique; "communion" illustrée en bonne part par le "communisme" de l'Eglise initiale et idéale de Jérusalem, 2,42ss; 4,32 etc.) qui se traduit surtout par l'unanimité (homothumadon etc., "même sentiment"): tout le monde est d'accord dans l'Eglise, du moins sur l'essentiel (les litiges, p. ex. entre Paul et Barnabé, deviennent accessoires): ce leitmotiv des Actes est autant une "cause" ou une "condition" de l'"esprit" que son "effet" (cf. 1,14; 2,1, les disciples déjà rassemblés dans un même lieu avant la "Pentecôte"; plus loin 2,46; 4,24; 5,12; 8,6; 15,25); toutes les médiations et représentations "concrètes", humaines, sociales, hiérarchiques qui accompagnent et contrôlent la transmission de l'"esprit" (notamment par l'imposition des mains, des "Douze" aux autres "apôtres", "prophètes", "anciens", etc.) sont ainsi en principe subordonnées à l'"esprit" qu'elles "canalisent" en pratique.

- L'"universalité" de l'Eglise est donc à la fois "spirituelle" et "institutionnelle", le "miracle de l'esprit" fonde l'institution qui le dispense et le contrôle. En ce sens les "pentecôtismes" qui "renouvellent l'expérience" initiale et fondatrice s'inscrivent à contresens du projet des Actes, où d'ailleurs les phénomènes "charismatiques" (glossolalie, prophétie) se font de plus en plus rares et anecdotiques au fil du récit. Mais ils en vérifient aussi le schéma, jusque dans les nouvelles Eglises qui en résultent (à l'encontre de l'Eglise unique-universelle) et deviennent de nouvelles institutions médiatrices de l'"esprit", qu'elles doivent à leur tour "contrôler" à mesure qu'elles le "dispensent", sans y arriver tout à fait -- le premier "renouveau charismatique" connu dans la grande Eglise, ou la première "rechute" selon le point de vue, ce sera le "montanisme", dès le IIe siècle.

- On songe au contrepoint johannique (dont le montanisme s'inspirera aussi, notamment pour le "Paraclet"), "l'esprit souffle où il veut" (Jean 3), qui dégage "l'esprit" de "l"institution", mais aussi du "phénomène" extatique ou miraculeux, tout en rappelant son sens "concret" si l'on peut dire, souffle, vent, etc., mobile ou dynamique comme l'eau ("vive") à la fois évocatrice et distincte du "baptême". Et à ce qu'on appelle un peu abusivement la "pentecôte johannique" en Jean 20,22ss (abusivement par rapport au temps et au mode, au "quand" et au "comment" de la Pentecôte des Actes, mais c'en est bien une parodie, qui ramène encore l'"esprit" au "concret" du "souffle" -- de Jésus); ou encore à la parenthèse de 7,39, commentaire interprétatif de l'"eau" par l'"esprit" futur (glose "orthodoxe" peut-être, mais tellement outrée qu'elle déjouerait son propos, comme l'ajout "eucharistique" de 6,51ss: à l'évidence de l'ensemble du texte, de l'"esprit" il y en a toujours, et singulièrement en "Dieu" qui "est esprit", 4,23s, ou en "Jésus" chez qui l'esprit demeure, depuis 1,32s).

- Sans refaire ici les nombreuses discussions consacrées à "l'esprit", avec ou sans référence à la Pentecôte des Actes, on peut remarquer que le mot (d'"esprit") devient, de fait, l'enjeu principal du christianisme; fait d'autant plus remarquable que c'est en quelque sorte un signifiant sans signifié ni référent repérable et désignable, sans concept ni idée ni image, d'autant qu'il se détache de son sens "concret" (souffle ou vent déjà invisibles, mais encore indirectement perceptibles, comme phénomènes ou événements temporels plutôt que "choses"); au-delà comme en-deçà de la "médiation" ("moyen" de révélation, de communication, de salut, de sanctification, etc.), c'est l'essence ou la substance mêmes du divin, ce qu'était le "sacré" ou le "saint" dans l'AT ou le Proche-Orient ancien, qdš en hébreu ou en araméen comme dans d'autres langues sémitiques: the stuff that gods are made of, pour parodier la dernière réplique quasi shakespearienne du Faucon maltais (avec dreams au lieu de gods, déjà dans La Tempête). Ainsi la formule "esprit saint" ("esprit de sainteté" selon le sémitisme, p. ex. Romains 1,4) ou "Saint-Esprit", du trito-Isaïe au NT en passant par Qoumrân, combine deux expressions de l'"essence divine" (opposée aux "esprits impurs", où le pluriel compte autant que l'épithète, dans les Synoptiques).

- Cette convergence diverge à nouveau par l'évolution de l'"esprit" dans les langues modernes, chrétiennes et post-chrétiennes, du tour "intellectuel" et à l'occasion facétieux de "l'esprit" français (qui se confond avec noûs, mens ou mind, mais équivaut aussi au wit anglais ou au Witz allemand, dans le "mot d'esprit"), au tour spectral autrement marqué dans les langues germaniques (Geist - ghost, Heilige Geist / Holy Ghost pour "Saint-Esprit"). Ce qui signifie la "vie" signifie aussi l'intelligence, la sagesse ou la connaissance (opposées à la "vie" dans le récit de l'Eden, mais associées à elle dans de nombreux autres textes sapientiaux), et la mort, le mort ou le revenant. Outre l'aspect éthylique ("spiritueux", sens plus fréquent de spirit en anglais) qui n'est d'ailleurs pas absent de la Pentecôte des Actes (2,13ss; cf. Ephésiens 5,18 ).

- Le motif de l'"esprit créateur", popularisé par un célèbre chant grégorien souvent associé à la Pentecôte, ne peut s'appuyer que sur de rares "(pré-)textes bibliques": l'occurrence de rouah/pneuma au début du premier récit de création hésite entre un sens (pré-)cosmologique (le vent ou le souffle du ou des dieux sur l'abîme ou océan primordial) et un sens théologique ou pneumatologique, secondaire mais inévitable; à part ça "esprit" et "création" ne sont qu'exceptionnellement rapprochés, au sens "propre" ou "figuré" et plutôt du côté du "vivant", dans la perspective d'une "création" continue ou renouvelée (p. ex. Isaïe 42,5; Psaumes 51,12; 104,30). Dans le NT l'"esprit" se rapporterait plutôt à la "nouvelle création" qui en plus d'un sens "relève" la "première", l'achève ou l'accomplit, la présume, l'assume et la subsume, la supprime en la dépassant selon toutes les ambiguïtés de l'Aufhebung hegelienne (cf. Romains 8,23 etc.).
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeMar 07 Juin 2022, 11:14

De Babel à Pentecôte

A l'opposé, une communication ouverte et féconde peut emprunter des voies non-verbales. C'est le cas, par exemple, de ce que l'on pourrait appeler le langage universel du cœur. Quand la télévision nous montre des enfants du bout du monde qui, manifestement, meurent de maladie ou de misère, point n'est besoin pour réagir ni de connaître la langue de ces enfants ni de recourir aux services d'un interprète. Quand nous croisons deux amoureux qui échangent des confidences dans une langue exotique, nous devinons aisément la nature des sentiments qui les animent. Il dépend de chacun que le langage du cœur lui inspire, selon les circonstances, les postures, les mimiques ou les gestes propres à compléter ou à relayer le langage parlé.

Une communication non-verbale est également à l'œuvre dans le récit de la Pentecôte. « Ils furent remplis de pneuma hagion, littéralement « de souffle sacré ». Cette expression se retrouve dans un épisode de l'évangile de Jean qui se présente comme une sorte de Pentecôte anticipée. Le jour même de Pâques, Jésus vivant se manifeste aux disciples, souffle sur eux et dit : « Recevez le souffle sacré » (Jn 20,22). Le geste du Ressuscité rappelle la création de l'homme telle que la décrit le yahviste : « Le Seigneur Dieu modela l3homme avec la glaise du sol. Il insuffla dans ses narines l'haleine de vie, et l'homme devint un être vivant » (Gn 2,7). Or le grec pneuma, comme l'hébreu roûah, offre une large palette de significations. Le mot désigne d'abord le vent ou la tempête, puissances mystérieuses qui échappent à la mainmise de l'homme. Dans l'Ancien Testament, la roûah, c'est aussi la respiration, la vitalité et la vigueur des êtres animés. Enfin, roûah et pneuma peuvent avoir le sens d'esprit en tant que siège des pensées et de la volonté.

L'élan qu'a suscité la Pentecôte de Jérusalem est devenu l'âme de l'Eglise à travers son cheminement historique. Le vent violent symbolise l'irruption d'une force capable d'arracher les hommes à leur morosité frileuse. Les langues de feu engagent les disciples à transmettre de génération en génération le feu de l'amour de Dieu et du prochain que Jésus est venu apporter sur la terre (Lc 12,49).

http://lumiere-et-vie.fr/numeros/LV_281_pages_47-56.pdf
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeMar 07 Juin 2022, 11:46

(J'ai rajouté une dernière note à la série précédente.)

Formellement, Genèse 2,7 est un très mauvais exemple, puisqu'en hébreu c'est neshama et non rouah, en grec pnoè et non pneuma, et même dans le latin de la Vulgate, spiraculum et non spiritus: de la rédaction "originale" aux traductions, un écart est marqué et généralement préservé par rapport au vocabulaire habituel de l'"esprit", sans préjudice de ses interprétations (on peut ainsi s'imaginer que ce qui est donné à l'"homme" est "plus" que ce qui est donné au reste de la "création", comme le font généralement les traditions juives ou chrétiennes; ou au contraire que ça n'en est qu'une partie; en 7,22 neshama s'applique aussi aux animaux).

En Actes 2,2, le "vent" traduit pnoè et non pneuma, ce qui, malgré l'évidente parenté des deux termes, marque aussi un écart entre le "phénomène" atmosphérique, fût-il miraculeux, et le signifiant-signifié-référent théologique, "l'esprit" (v. 4 etc.). Ce qu'au contraire les rédactions johanniques se plaisent à confondre dans leurs usages ambigus de pneuma, aussi bien au chapitre 3 (pour "vent" ET "esprit") qu'au chapitre 20 ("souffle" ET "esprit"; cf. déjà 19,30 sur la croix).
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeMar 07 Juin 2022, 15:36

La pentecôte, ce n'était pas les langues de feu…

Le signe du vent donnait donc à comprendre que le Saint-Esprit venait opérer une nouvelle naissance. Raison pour laquelle l’on parle du baptême du Saint-Esprit. « Les langues de feu » symbolisaient la parole et la nouvelle Loi. Pour comprendre ce signe, il faut se souvenir que la pentecôte était une fête juive qui, au temps des moissons, le cinquantième jour après Pâque, commémorait la promulgation de la Loi ; la Loi, ce sont les dix Paroles données par Dieu sur le mont Sinaï, mont Sinaï qui, à l’occasion, était tout en feu : « Le mont Sinaï n’était que fumée, parce que le Seigneur y était descendu dans le feu ; sa fumée monta comme la fumée d’une fournaise… Tout le peuple percevait les voix, les flamboiements, la voix du cor et la montagne fumante » (Ex 19,18 ; 20,18). Le signe des « langues de feu » faisait donc comprendre que la mission des apôtres était d’aller parler, d’aller annoncer dans la puissance du Saint-Esprit la nouvelle Loi qu’est Jésus Christ ou l’amour de Dieu manifesté en Jésus. Mais les « langues de feu » rappelaient aussi la parole qui s’était fait entendre du milieu du feu lors de l’épisode du buisson ardent et qui envoyait Moïse parler au pharaon et aux fils d’Israël pour leur annoncer leur libération prochaine comme accomplissement de la promesse faite à leurs Pères (cf. Exode 3ss). Sous ce rapport, le signe des « langues de feu » présentait la Pentecôte aussi comme l’accomplissement d’une promesse, celle faite par Dieu d’abord à travers le prophète Joël (cf. Joël 3,1-5), ensuite à travers Jean le Baptiste (cf. Mt 3,11) et enfin par Jésus Lui-même à plusieurs reprises (cf. Lc 24,49 ; Jn 14,16-17 ; 15,26 ; Ac 1,5), à savoir l’effusion du Saint-Esprit dans les temps messianiques. Le « parler en langues », grâce auquel tous les peuples, symbolisés par les nations présentes à Jérusalem ce jour-là, entendaient dans leurs langues les merveilles de Dieu, représente « l’Anti-Babel » ou « Babel à l'envers » ou mieux encore « le Plan de Dieu à l'endroit ». Tandis qu’à Babel en effet, la seule et même langue dont se servait la terre entière avait conduit à l’incompréhension et à la dispersion (cf. Genèse 11,1-9), à la Pentecôte la multiplicité des langues conduit à la compréhension et au rassemblement. En d’autres termes, pendant que dans la citadelle babélique, les fils d’Adam voulaient une unité dans l’uniformité, à la cité pentécostale, Dieu bâtit plutôt une unité dans la diversité par l’action du Saint-Esprit. C’est dire que l’unité des peuples, telle que voulue par Dieu en Jésus Christ, sera toujours une unité dans la diversité et ne pourra être que l’œuvre du Saint-Esprit. Expliquant cette œuvre d’unification du Saint-Esprit, Saint Irénée disait : « La farine sèche ne peut sans eau devenir une seule pâte, pas davantage nous tous, ne pouvions devenir un en Jésus Christ sans l’eau qui vient du ciel. » Dans sa dimension prophétique, le « parler en langues » annonçait aussi la catholicité ou l’universalité de l’Eglise naissante, à savoir que l’Eglise devait se répandre dans toutes les langues, races, peuples et nations. Mais tous ces signes n’étaient qu’annonciateurs et explicatifs du mystère de la Pentecôte, ce n’était pas encore la Pentecôte. C’est un peu comme lors de la manifestation du Seigneur à Elie sur le mont Horeb : Il y eut un vent fort et puissant qui fendait les montagnes et fracassait les rochers, mais le Seigneur n’y était pas. Après, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y eut un feu, mais le Seigneur n’y était pas (cf. 1 Rois 19). Parce que tout cela n’était qu’annonciateur de la venue du Seigneur dans la brise légère pour donner à comprendre à la fois sa grandeur et sa simplicité. Bref, la Pentecôte, ce n’était pas le « bruit venant du ciel comme le souffle d’un violent coup de vent ». La Pentecôte, ce n’était pas non plus les « langues de feu ». La Pentecôte, ce n’était même pas le « parler en langues ». La Pentecôte, c’était : « ils furent tous remplis du Saint-Esprit ».

https://www.researchgate.net/publication/341757333_La_pentecote_ce_n'etait_pas_les_langues_de_feu
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeMar 07 Juin 2022, 16:19

Texte intelligemment "pastoral", ce qui n'est pas fréquent -- on devine le catholicisme africain en posture délicate entre "évangélisme" ou "pentecôtisme" protestants d'une part, et islam d'autre part... En tout cas les références à l'Exode sont pertinentes: la Pentecôte était probablement déjà associée au don de la Torah (ce qu'elle n'est pas dans la Torah elle-même) à l'époque de la rédaction des Actes*. Toutefois ce que la Pentecôte des Actes donne dans ce cas à la place de la loi, ce n'est justement pas une autre loi (cf. supra 3.6.2022, 5e note), mais le jeu d'un "esprit" et d'une "institution" (l'Eglise). Il est remarquable à cet égard que la nouvelle "théophanie" (ou "pneumatophanie") ne débouche sur aucun "commandement", rien de tel qu'un "décalogue", pas même le moindre écho des enseignements supposés de Jésus (ne serait-ce que ceux de l'évangile de Luc) pour ses "disciples" posthumes. Signe sans doute qu'à ce stade le "paulinisme" a été parfaitement digéré et assimilé par la grande Eglise au point de perdre tout aspect polémique: le Christ est avant tout le crucifié ressuscité (et ainsi Seigneur), la "loi" ne fait plus débat ni enjeu; à vrai dire on n'a plus du tout besoin de loi quand on dispose d'une institution universelle "inspirée" de part en part, l'"autorité" de cette "médiation"-là est "immédiate" (cf. Ananias et Sapphire, Simon le Mage, etc.) -- du moins dans une génération "apostolique" idéale, car en fait la gestion de la "tradition" prend forcément une forme juridique et casuistique (c'est le cas chez "Paul" dès la correspondance corinthienne, avant même la thématisation de l'opposition de la "foi" à la "loi", Romains-Galates): c'est certainement encore plus le cas au moment de la rédaction des Actes, mais comme je l'ai suggéré plus haut (ibidem), il importe avant tout à ceux-ci de ne pas rendre le christianisme suspect d'entretenir une législation interne conflictuelle avec le droit romain, quitte à retourner ce soupçon contre la loi juive (cf. p. ex. 16,21; 18,12ss; 23,3.29; 25,8 ).

---
* L'association du don de la Torah à la Pentecôte (Shavou`oth, fête des "Semaines" ou des moissons) n'est formellement attestée que dans une littérature rabbinique relativement tardive (pas même dans la Mishna): Talmud Shabbath 88a, Pesahim 68b, Exode Rabba 31; non chez Philon ni Josèphe. Elle est cependant probable à l'époque de la rédaction des Actes d'après un faisceau d'indices qui associent régulièrement une fête ou un renouvellement de l'"alliance" au "troisième mois" (Chroniques, Jubilés, "Règle" de Qoumrân, etc.; cf. le tout début de ce fil). Le texte des Actes constituerait lui-même un indice important dans ce sens, même si cela met son exégèse en situation de "raisonnement circulaire" (pétition de principe) dont l'entame est forcément "empirique": on comprend effectivement "mieux" Actes 2 si l'on présuppose que la Pentecôte est associée au don de la Torah, au moins dans le judaïsme que connaissent l'auteur et les premiers destinataires des Actes, donc cela tend à confirmer que l'association existe effectivement dans le judaïsme de référence...
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeVen 12 Mai 2023, 10:44

Le Pape Jean XXIII a-t-il versé dans un rêve de ce genre lorsqu’il appelait sur l’Eglise, au début de son pontificat : « Une nouvelle Pentecôte» ?

Expression provocante, vulnérable : « Il n’y a qu’une Pentecôte », a-t-on objecté. Car les théologiens sont portés à classer la Pentecôte dans la catégorie de L’Ephapax (Heb. 7,27 ; 9,12 ; 10,10) : c’est-à-dire, ce qui ne s’est produit qu’une fois pour l’Eglise. La théologie de Jean XXIII, parfois ambiguë dans ses audaces (lorsqu’il parlait de « Pentecôte mariale », à propos de Lourdes) est ici pleinement conforme au livre des Actes des Apôtres. Car la Pentecôte (chapitre 2) n’y apparaît pas comme un phénomène unique. Selon la structure même de ce livre, elle s’est renouvelée avec des signes analogues :

a) Pour les Douze après la persécution (4, 31) :

« L’endroit où ils se trouvaient trembla ; tous alors furent remplis dus Saint-Esprit (Ne l’étaient-ils pas déjà ?) et se mirent à annoncer la Parole de Dieu avec assurance ».

b) Pour les premiers chrétiens de Samarie (8, 15) :

« Les Apôtres descendirent donc chez les samaritains et prièrent pour eux afin que l’Esprit leur fût donné. Car il n’était tombé sur aucun d’eux. Ils avaient seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors Pierre et Jean se mirent à leur imposer les mains et ils recevaient l’Esprit Saint ».

c) Pour le Centurion Corneille et sa famille, avec résurgence de la glossolalie ou parler-en-langues, le charisme le plus symboliquement significatif de la Pentecôte selon la théologie de Luc (Act 10-11). Par cinq fois, selon les Actes, l’apôtre Pierre souligne l’identité du don de la Pentecôte (Baptême de l’Esprit et charismes) avec celui qu’ont reçu ces païens :

Act 10, 48 :

« Peut-on refuser l’eau du Baptême à ceux qui ont reçu l’Esprit Saint aussi bien que nous ? »

11, 15 :

« L’Esprit Saint tomba sur eux comme il l’avait fait sur nous au commencement. »
11, 15-17 :

« Il leur a accordé les mêmes dons qu’à nous (être baptisés dans l’Esprit Saint) ».

Act 15,8 :

« Dieu leur a donné l’Esprit Saint comme à nous... sans faire la moindre différence entre eux et nous ».

15, 11 :

« Encore une fois... nous avons été sauvés exactement comme eux ».

Enfin, Luc raconte ainsi la Pentecôte des johannites d’Ephèse (Act 19, 4) :

« Ils se firent baptiser au nom du Seigneur Jésus, et quand Paul leur eût imposé les mains, l’Esprit Saint vint sur eux et ils se mirent à parler en langues et à prophétiser ».

Quitte à donner dans la naïveté, qui est de mode chez les peintres mais pas chez les théologiens, je conclurai que Jean XXIII n’a pas nourri un rêve ou une utopie, mais l’espérance programmée dans l’Ecriture même : celle d’un perpétuel renouvellement de la Pentecôte dans l’Eglise comme dans chaque vie chrétienne. Il n’attendait pas l’apparition d’une colombe, mais un phénomène organique de masse dans l’Eglise, qui avait contracté, en ces derniers siècles, quelques déviations et scléroses : statisme, juridisme, littéralisme. Ce qu’il voulait, c’est que le clos devienne ouvert, que le repli sur le passé devienne élan vers l’avenir, que la règle extérieure soit renouvelée aux sources de l’Agapè, que la lettre soit vivifiée par l’Esprit, et qu’ainsi, la convergence des libertés réveillées par les charismes prenne la relève d’un certain ordre pré-contraint.

C’est dans cette perspective que nous verrons à grands traits, de manière nécessairement panoramique, donc simplifiée : 1° les défaillances et oublis qui faisaient désirer un retour de l’Esprit ; 2° la redécouverte en cours au plan de la doctrine et de la praxis.

https://books.openedition.org/pusl/9174?lang=fr
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeVen 12 Mai 2023, 13:45

Ce texte date de 1984, mais il est intéressant par son orientation "catholique-charismatique" qui connaissait encore, à l'époque, un certain succès, profitant notamment du déclin d'autres tendances pré- et post-conciliaires, en particulier vers une théologie politique (exemplairement la "théologie de la libération" en Amérique latine), en dialogue privilégié avec le marxisme (en déclin lui aussi).

La "Pentecôte" étant une invention des Actes qui sont eux-mêmes, à leur façon, "proto-catholiques" (relire éventuellement tout ce fil), il n'est pas étonnant qu'un certain catholicisme, même fortement changé, s'y retrouve des siècles ou des millénaires plus tard: l'Esprit de la Pentecôte et des Actes fait en effet corps avec l'institution, la grande Eglise, qu'il fonde, anime et justifie avec son histoire et ses structures, sa tradition et ses ministères-magistères, institution qui en retour circonscrit et canalise l'"opération du Saint-Esprit". Il n'y a pas l'ombre d'une remise en question de "l'Eglise" par "l'Esprit", parce qu'il n'y a pas entre ces deux concepts la moindre distance ou autonomie nécessaire à une "critique". De sorte que tout, hiérarchie, dogme, sacrements, ordres, miracles, superstitions populaires, peut en définitive être justifié par la tautologie de l'Esprit qui, conduisant l'Eglise, lui donne toujours raison (l'origine lointaine de l'"infaillibilité" est là déjà lisible): on comprend que le "renouveau charismatique" se soit en définitive montré parfaitement compatible avec les tendances les plus autoritaires, conservatrices, rigoristes, intégristes du catholicisme, et parfaitement inoffensif d'un point de vue politique (comme les Actes déjà tentaient de faire paraître le christianisme aux yeux de l'empire romain) -- si du moins on peut appeler inoffensive une religion qui, loin d'être révolutionnaire, réformiste ou progressiste, encourage au contraire tous les autoritarismes politiques, conservateurs ou réactionnaires (la fusion des électorats catholiques et évangéliques, notamment pentecôtistes, au profit de toute sorte d'extrême-droite en témoigne aujourd'hui assez clairement).
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MessageSujet: Re: Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint   Fête de la pentecôte ou de l'esprist saint - Page 2 Icon_minitimeLun 15 Mai 2023, 11:55

La portée eschatologique de l’ Ascension

Luc ne se contente pas d’évoquer une fois l’Ascension, il en fait deux récits différents. Le premier – en Lc 24, 51 – conclut l’évangile. Le second récit fait suite au prologue des Actes des Apôtres – en Ac 1, 9. Ainsi l’œuvre de Luc est séparée en deux parties par l’événement de l’Ascension, et cela lui donne une place prépondérante. 

En effet, Luc possède une lecture très personnelle de l’histoire de Salut, qu’il partage en périodes. On voit en Lc 16, 16 que le temps est divisé entre la période d’Israël (« la Loi et les prophètes ») et celle du Christ (« la bonne nouvelle du Royaume de Dieu »). C’est le personnage de Jean-Baptiste, dont l’histoire est parallèle à celle du Christ en Lc 1–3, qui fait office de transition parfaite entre les deux périodes, car il est à la fois le dernier prophète de l’ancienne Alliance et le précurseur du Christ.

L’Ascension introduit donc un nouveau partage dans la périodisation lucanienne puisqu’elle divise le temps de la nouvelle Alliance. Elle conclut la vie terrestre du Christ dans l’évangile de Lucet amorce le temps de l’Église dans les Actes des Apôtres. Les maintes discordances entre les deux récits s’expliquent par la place littéraire propre aux deux textes, et tendent à nous dire que l’Ascension n’a pas de prétention strictement historique même chez Luc, mais une forte signification théologique. Voici les dissemblances les plus apparentes :

"Il les emmena jusque vers Béthanie, puis il leva les mains et les bénit. Pendant qu'il les bénissait, il se sépara d'eux et fut enlevé au ciel. Quant à eux, après s'être prosternés devant lui, ils retournèrent à Jérusalem avec une grande joie ; ils étaient constamment dans le temple et bénissaient Dieu" (Luc 24,50-53).

"Après avoir dit cela, pendant qu'ils regardaient, il fut élevé et une nuée le déroba à leurs yeux. Et comme ils fixaient le ciel, pendant qu'il s'en allait, deux hommes en habits blancs se présentèrent à eux et dirent : Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous là à scruter le ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu aller au ciel" (Actes 1,9-11).

Cette double narration du même événement permet la continuité de l’œuvre de Luc à la manière d’un savant tuilage. La dissymétrie des détails n’appauvrit pas le mystère, mais lui donne un regain de sens. Tout au long de notre étude, nous jouerons sur ces deux faces de l’Ascension que nous proposent l’œuvre de Luc.

L’élément propre à l’évangile de Luc le plus saisissant est la joie que l’Ascension cause aux disciples (cf. 24, 52). Étant la fin d’un livre apportant la Bonne Nouvelle, l’Ascension se devait être un happy ending, une fin heureuse. Il faut constater que les disciples ne se sentent pas abandonnés, bien que le Christ « se sépara d’eux et fut emporté au ciel » (Lc 24, 51). Bien au contraire, ce départ est l’occasion d’une nouvelle relation basée sur une bénédiction réciproque. En effet, si les disciples sont « sans cesse dans le temple à bénir Dieu » (Lc 24, 53), c’est parce que le Christ s’est élevé en les bénissant (cf. v. 51). À l’image de l’évangile de Luc, c’est sur cette bonne nouvelle du Christ intercesseur que Benoît XVI achève son livre  Jésus de Nazareth : « Dans le geste des mains qui bénissent s’exprime la relation durable de Jésus avec ses disciples, avec le monde. […] Dans la foi nous savons que Jésus, en bénissant, tient ses mains étendues sur nous. Voilà la raison permanente de la joie chrétienne. »

Pour sa part, le récit des Actes des Apôtres connaît d’autres enjeux théologiques plus complexes. D’un point de vue purement littéraire, le fait de commencer un livre consacré à l’histoire des apôtres par l’Ascension du Christ n’est pas anodin. Cette absence  pousse automatiquement les apôtres sur le devant de la scène, tout en les inscrivant dans la filiation de leur maître. Ils sont, dans l’Esprit, les dignes continuateurs de la vie du Christ. Pourtant, dans cette péricope de l’Ascension (Ac 1, 6-11), les apôtres semblent encore malhabiles, si bien que Jésus et les deux hommes vêtus de blanc les corrigent (v. 7 et v. 11). En réalité, l’Ascension est enrichie de dialogues dans les Actes des Apôtres qui lui donnent des sens plus explicites que nous étudierons. On peut déjà constater que l’Ascension façonne les apôtres.

III. Ouverture du temps de l’Église

L’évangile de Luc est celui des synoptiques qui parlent le plus fréquemment de l’Esprit Saint. Après son baptême par Jean, Jésus devient comme le propriétaire de l’Esprit, car il est le seul auquel il est attribué (Lc 3, 22 ; 4, 1.14.18 ; 10, 21) mais il le promet à ses disciples (11, 13 ;12, 12), notamment à l’aube de l’Ascension (24, 49). Il annonce en Ac 1, 5 qu’il va d’ici peu étendre le baptême qu’il a reçu : « C’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici quelques jours ». Ainsi, le Christ va communiquer l’Esprit dans lequel il a agit, pour que les Apôtres vivent de sa vie.

La Pentecôte se profile progressivement derrière l’Ascension. Or, la Pentecôte est l’un des événements le plus fondateurs pour l’Église car elle en dévoile la plupart des éléments :l’inhabitation de l’Esprit Saint (Ac 2, 4), l’ouverture sur le monde et l’universalité (v. 6), la place de Pierre (v. 14), l’entrée dans l’Église par le baptême (v. 41), etc. L’Ascension est comme une nécessité pour que la Pentecôte devienne une fondation de l’Église. En cela, l’envoi de l’Esprit Saint par Jésus dans l’évangile de Jean (Jn 20, 22-23) ne prend pas la même portée ecclésiale que la Pentecôte chez Luc. Cette discordance entre Luc et Jean nous empêche d’appliquer à l’Ascension la phrase de Jésus : « C’est votre avantage que je m’en aille ; en effet si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas sur vous ; si, au contraire, je pars, je vous l’enverrai » (Jn 16, 7).

Bien qu’on ne puisse déduire aucune nécessaire causalité entre l’Ascension du Christ et la Pentecôte, il apparaît que dans le projet du Christ chez Luc il y a une succession entre les deux événements. C’est pourquoi, au cours de l’Ascension, le Christ tient un discours que l’on peut dire programmatique pour l’ensemble livre : « Mais vous allez recevoir une puissance, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, Cool. On reconnaît effectivement dans ces lignes le plan des Actes des Apôtres. Car après la Pentecôte (Ac 2), les apôtres et disciples vont exporter le kérygme dans toute la Judée (8, 1 ; 9, 31), puis en Samarie (8, 5-25) et jusqu’à Rome (28, 14) d’où la Bonne Nouvelle pourra parvenir aux extrémités de la terre. Or chez Luc, « la géographie est théologique ». Tandis que l’évangile commence et finit à Jérusalem (Lc 1, 8 ; 9, 51 ; 24, 52) pour manifester que le Christ se révèle au sein du peuple d’Israël, le livre des Actes des Apôtres narre comment l’Église est sortie de sa culture d’origine (le judaïsme) pour s’adresser à tous les hommes.

Si le récit de l’Ascension porte en lui-même ce discours programmatique ce n’est pas uniquement pour des raisons littéraires, mais pour signifier que toute l’expansion du christianisme est causée et soutenue par le Christ aux cieux.


https://www.academia.edu/19668459/La_port%C3%A9e_eschatologique_de_lAscension
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