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| La parousia | |
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Auteur | Message |
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SARAI-ESTELLE
Nombre de messages : 132 Age : 70 Date d'inscription : 15/02/2010
| Sujet: La parousia Mar 25 Oct 2011, 21:28 | |
| Merci de me dire où je peux trouver sur ce forum des renseignements sur LA PAROUSIA, ou présence du Christ ?? Ce sujet a t-il été développé ?? Le mot PAROUSIA existe t-il réellement dans l'AT en grec ?? Merci Saraï-Estelle |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: La parousia Mar 25 Oct 2011, 22:05 | |
| Le mot parousia apparaît bien en Mat-24.3 παρονσίας |
| | | VANVDA
Nombre de messages : 1610 Date d'inscription : 09/05/2008
| Sujet: Re: La parousia Mar 25 Oct 2011, 23:02 | |
| - Citation :
- Le mot PAROUSIA existe t-il réellement dans l'AT en grec ??
Tu voulais dire dans le NT, j'imagine. Oui, le mot " parousia" se trouve dans le NT (en Mat, comme le dit LCT, mais aussi dans des lettres de Paul ou de Pierre), et non, rien n'indique nulle part qu'il soit question d'une "présence" (longue et invisible) mais évoque bien plutôt un "avènement". Désolé d'être si laconique, mais en ce moment, je suis sur-occupé... |
| | | le chapelier toqué
Nombre de messages : 2607 Age : 77 Date d'inscription : 31/08/2010
| Sujet: Re: La parousia Mar 25 Oct 2011, 23:21 | |
| Pour compléter le message de BB, certains dictionnaires bibliques laissent entendre que parousia indique une venue, par exemple pour un roi ou un personnage important. Le contexte des évangiles ne permet pas de conclure à une présence messianique durant une période donnée, mais laisse entendre une venue bien visible. (Je parle dans le contexte de la Bible et non selon mes convictions, bien entendu)
Si les Témoins de Jéhovah ne sont pas les seuls à utiliser le mot parousia pour le terme présence, ils constituent la religion qui emploient avec le plus de vigueur ce terme dans ce sens et surtout s'attachent à cette traduction sans vouloir accepter qu'il puisse y avoir une autre compréhension possible. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La parousia Mer 26 Oct 2011, 00:56 | |
| Je serais surpris qu'on n'en ait jamais parlé, mais si on en a parlé je ne saurais pas dire où. Dans les évangiles, c'est en effet une exclusivité de Matthieu (également 24,37.39). Mais on le retrouve aussi, au sens plus ou moins "spécialisé" d'avènement du Christ, en 1 Corinthiens 15,23; 1 Thessaloniciens 2,19; 3,13; 4,15; 5,23; 2 Thessaloniciens 2,1.8s (à noter une "parousie" symétrique de celle du Christ pour le mystérieux "impie" effectivement décrit comme une sorte d''anti-christ"); Jacques 5,7s; 2 Pierre 1,16; 3,4.12; 1 Jean 2,28. Toutefois il est aussi employé chez Paul au sens banal (l'"arrivée" ou la "présence" de quelqu'un d'autre): 1 Corinthiens 16,17 (Stéphanas); 2 Corinthiens 7,6s (Tite); 10,10; Philippiens 1,26; 2,12 (Paul). On a donc l'impression que c'est progressivement que le mot devient un "terme technique" de l'Eglise pour le "retour glorieux du Christ". Je pense aussi que la référence de Saraï-Estelle à l'AT grec était une faute de frappe, mais à tout hasard j'ai regardé: on retrouve parousia dans les textes tardifs de la LXX, en Judith 10,18 ("l'arrivée" de Judith); 2 Maccabées 8,12 ("l'arrivée" de l'armée ennemie); 15,21 (la "présence" des troupes qui font face à Judas Maccabée); 3 Maccabées 3,27 (la "présence" des troupes égyptiennes à Jérusalem). En deux mots, je pense qu'il est assez vain de se battre avec les TdJ sur ce point à coups de dictionnaire: parousia peut, selon le contexte, se traduire par "présence" ou par "arrivée". Seul le contexte permet de savoir, au cas par cas, s'il s'agit d'un "état" ou d'un "événement". Or tous les emplois "eschatologiques" du terme pointent vers un "événement", le plus souvent soudain et imprévisible (relire Matthieu 24,36ss). D'une certaine façon, la Watchtower fournit elle-même la démonstration pratique de l'inanité de sa thèse, car quand on interprète la "parousie" comme une "période" qui a déjà commencé, on se place ipso facto en dehors du champ de signification des textes (comme on l'a vu à propos de "l'esclave fidèle et avisé", bien que Matthieu 24,45ss n'emploie pas le mot parousia: si le retour du maître est encore à venir, la parabole fonctionne comme une mise en garde à l'adresse des détenteurs d'autorité; s'il a déjà eu lieu, elle devient, au contraire, une prophétie validant inconditionnellement une autorité: rien que cette perversion du sens suffirait à montrer que la prémisse est fausse).
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| | | SARAI-ESTELLE
Nombre de messages : 132 Age : 70 Date d'inscription : 15/02/2010
| Sujet: merci Mer 26 Oct 2011, 03:44 | |
| merci pour ces précisions.. Elles seront utiles pour une amie en route pour une possible douloureuse sortie de l'organisation!!! Tout est si difficile quand on commence " à voir " !! Bonsoir ! Saraï-Estelle |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La parousia Mer 26 Oct 2011, 11:45 | |
| La notion de "présence invisible" a été un moyen très efficace d'effacer les echecs de prédictions de la WT ... ce n'est pas la prédiction qui s'est révélée fausse mais notre façon de l'attendre .... 1914 (intinialement la parouise correspondait à 1874) était une date fiable et valide mais nous nous sommes trompés sur le type de retour.
La WT avance l'idée qu'en Mt 24:37-39 la parousia du Fils de l’homme est mise en parallèle avec les “ jours de Noé ”, ce qui montre à l’évidence que ce mot signifie bien “ présence ”.
Mais au verset 36, Jésus commence par nous prévenir que nul ne connaît « ce jour-là et cette heure-là ». Il serait donc logique de penser qu’il anticipe sur ce qui va suivre. Il va donc illustrer ce qu’il vient d’affirmer, en prenant l’histoire de Noé. Et en effet, la « parousia » du Fils de l’homme sera comme furent les jours (l’époque) de Noé car personne ne savait quand viendrait le déluge. Ce dernier doit donc être mis en parallèle avec le déluge qui est venu soudainement, sans que personne ne s’y attende. Et les versets 40 à 41 confirment parfaitement cette lecture. S’il s’était agit de la présence invisible du Christ, en quel sens l’un « sera pris et l’autre abandonné » ?
v 40 "Alors deux hommes seront aux champs : l'un est pris, l'autre laissé"
v 41 "deux femmes en train de moudre ; l'une est prise, l'autre laissée."
Et quand est-il de la mise en garde du verset 42 ?
v 42 "Veillez donc, parce que vous ne savez pas quel jour va venir votre Maître."
Ces versets n’ont logiquement de sens que s’il s’agit d’un évènement soudain et imprévisible, une « parousia » qui correspond à « l’avènement » du Seigneur.
Luc 17 :20-37 nous apporte une précision supplementaire :
"Les Pharisiens lui ayant demandé quand viendrait le Royaume de Dieu, il leur répondit : " La venue du Royaume de Dieu ne se laisse pas observer"
En Luc 17 est un peu plus détaillé que Mathieu car Jésus prend également comme référence les jours de Lot. On ne peut nier que Jésus parle dans ces deux évangiles du même évènement. Il faut donc comprendre que la venue du Royaume de Dieu correspond à la venue du Fils de l’homme, et donc, à la « parousia » dont il parle en Mathieu 24.
L’expression « ainsi sera la présence du Fils de l’homme. » en Mat. 24 :39 correspond à Luc 17 :30 qui dit : « De même en sera-t-il le jour où le Fils de l’homme doit être révélé. ».
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La parousia Mer 26 Oct 2011, 17:05 | |
| http://tjrecherches.chez.com/gentile4.htm (etc.). La "parousie invisible" de la Watchtower reproduit un schéma fréquent dans le protestantisme "sectaire" du XIXe s., et tout particulièrement dans l'adventisme depuis 1844 au moins (Miller). Les avantages de ce schéma sont nombreux, d'un point de vue "sectaire": outre qu'il permet de recycler (indéfiniment, pour autant que le public marche) en "commencements de la fin" les dates de "fin du monde" périmées, comme le relevait free, il permet aussi d'introduire une rupture entre le "présent", singularisé comme "temps de la fin", et la longue histoire du christianisme, de ses dogmes et de ses interprétations; à ce titre il se combine admirablement avec la doctrine (dont nous avons davantage parlé) de "l'apostasie de l'Eglise post-apostolique", qu'on retrouve aussi dans le dispensationalisme darbyste. Au "temps de la fin" on renoue avec les "origines", en sautant par-dessus une longue parenthèse inutile ou carrément négative; et cela autorise et justifie une certaine "originalité" de doctrine et d'interprétation, ce qui tombe à pic. Cerise sur le gâteau: cette perspective dégage les textes de ce que j'appelais leur "champ de signification" et les rend disponibles pour les interprétations les plus "folles". L'interprétation créatrice des sectaires trouve dans ce recadrage non seulement son "droit" mais sa "matière". Dans la grande majorité des textes du NT, le retour-du-Christ-en-gloire (qu'on l'appelle "parousie", "venue" ou "arrivée", peu importe) constitue littéralement la fin de l'histoire (aussi au sens narratif, de récit racontable). Ce que l'imaginaire apocalyptique peut décrire "après" (p. ex. fin du monde, résurrection universelle, jugement dernier, monde nouveau dans l'Apocalypse de Jean) n'est pas une simple "suite", en ce sens qu'il y a rupture absolue entre l'"avant" et l'"après". Les "acteurs" du présent, qui sont aussi les destinataires des textes, deviennent au-delà purement passifs. Le retour du Christ marque pour leur potentiel d'action une limite, un horizon absolu. Quand le Christ (re-)vient, "les jeux sont faits, rien ne va plus". C'est face à cet horizon -- parce que le Christ n'est pas encore revenu -- que toutes les paraboles de la vigilance, par exemple, constituent leur sens obvie. Si maintenant on décrète que le Christ est déjà revenu (invisiblement), alors ces textes perdent l'évidence de leur sens obvie et deviennent disponibles pour les interprétations les plus délirantes. Chaque secte peut se placer au centre de son "temps de la fin", et revendiquer pour elle seule l'autorité des Ecritures, dégagées de tout garde-fous herméneutique. Aucune objection contextuelle ne l'atteint, puisque sa prémisse c'est justement qu'on n'est plus dans le contexte qui a produit les Ecritures. A cet égard il me semble très significatif que Russell soit entré dans le jeu adventiste en acceptant d'emblée une date de parousie-commencement-de-la-fin en amont ou au début de son "ministère" (1874), plutôt que de recourir à ce schéma après l'échec d'une de ses prédictions à lui. Il a bien vu (au moins inconsciemment) les avantages qu'il y avait à se présenter d'entrée de jeu comme l'homme d'un temps-de-la-fin déjà commencé. Paradoxalement, je crois que ce qui brise le plus efficacement ce cercle (vicieux ou vertueux selon le point de vue) ce sont les textes du NT qui font un peu la même chose, c.-à-d. ceux qui d'une manière ou d'une autre anticipent ou actualisent la parousie; je pense à des textes comme Jean 14 (je m'en vais et je |re-]viens à vous -- maintenant) ou aux deutéro-pauliniennes (Colossiens-Ephésiens, le Christ est déjà "intronisé" à la droite du Père, vous êtes déjà ressuscités et glorifiés en lui), ou encore à la conclusion de Matthieu: "Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde". Car même si cette "présence"-là n'annule pas la perspective d'une "fin du monde" (tout en la repoussant sine die), elle rend dérisoire, par redondance, toute autre "parousie" ultérieure qui aurait exactement les mêmes caractéristiques -- invisible au monde, perceptible aux seuls élus.
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| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La parousia Mer 26 Oct 2011, 18:33 | |
| - Citation :
- Paradoxalement, je crois que ce qui brise le plus efficacement ce cercle (vicieux ou vertueux selon le point de vue) ce sont les textes du NT qui font un peu la même chose, c.-à-d. ceux qui d'une manière ou d'une autre anticipent ou actualisent la parousie; je pense à des textes comme Jean 14 (je m'en vais et je |re-]viens à vous -- maintenant) ou aux deutéro-pauliniennes (Colossiens-Ephésiens, le Christ est déjà "intronisé" à la droite du Père, vous êtes déjà ressuscités et glorifiés en lui), ou encore à la conclusion de Matthieu: "Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde". Car même si cette "présence"-là n'annule pas la perspective d'une "fin du monde" (tout en la repoussant sine die), elle rend dérisoire, par redondance, toute autre "parousie" ultérieure qui aurait exactement les mêmes caractéristiques -- invisible au monde, perceptible aux seuls élus
Encore un texte révélateur : "Oui, maintenant, demeurez en lui, petits enfants, pour que, s'il venait à paraître, nous ayons pleine assurance, et non point la honte de nous trouver loin de lui à son Avènement." 1 Jean 2,28 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La parousia Mer 26 Oct 2011, 20:44 | |
| En effet: là où une "présence invisible", actuelle, mais aussi "spirituelle", "intérieure" (au croyant ou à la communauté), est en jeu -- il faut toutefois noter que pour cela le NT n'emploie jamais le mot parousia -- la "parousie" à venir équivaut dès lors à une "épiphanie" ou une "apocalypse", c.-à-d. à la manifestation ou révélation, visible à tous, de la "réalité" dont vivent déjà, invisiblement, les croyants. En 1 Jean 2,28, la "présence présente" est marquée par le verbe "demeurer" (le fameux menein johannique de "l'in-habitation", mutuelle et symétrique -- demeurer en lui comme il demeure en nous), la manifestation-parousie future à la fois par "s'il venait à paraître/se manifester" (éan phanerôthè, avec une intéressante nuance d'éventualité) et par "à son avènement" (en tè parousia autou). "Parousie" et "manifestation" deviennent pratiquement synonymes: deux désignations interchangeables de "l'horizon" dernier. Cette continuité de la "présence invisible" (présente) à la parousie-manifestation-révélation visible (future) est un des traits les plus remarquables de la Première de Jean. Voir, tout de suite après, 3,2s: "Bien-aimés, maintenant nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons ne s'est pas encore manifesté (oupô ephanerôthè) mais nous savons que, quel que soit le moment de sa manifestation (éan phanerôthè), nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est. Quiconque a cette espérance en lui se purifie, comme lui est pur." A rapprocher entre autres, dans les deutéro-pauliniennes, de Colossiens 3,1ss: "Si donc vous vous êtes réveillés (= vous êtes ressuscités) avec le Christ, cherchez les choses d'en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu. Pensez à ce qui est en haut, et non pas à ce qui est sur la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ, votre vie, se manifestera (phanerôthè), alors vous aussi vous vous manifesterez (phanerôthèsesthe) avec lui, dans la gloire." La même "logique" est déjà présente, de façon moins thématique et plus métaphorique, dans 1 Thessaloniciens 5, avec un jeu subtil sur la polysémie du "jour" (jour-lumière opposé aux ténèbres de la nuit, jour-temps du jugement à venir comme un voleur... dans la nuit): le jour-qui-vient ne surprendra que ceux qui sont dans la nuit, vous êtes déjà dans la lumière et dans le jour (qui ne saurait être foncièrement autre chose que le jour-qui-vient). Cette identité de ce qui est déjà là, caché, et de ce qui doit apparaître "manifestement" à la fin, c'est l'essence même d'une anticipation mystique de l'eschatologie qui, de fait, relativise considérablement l'importance de cette dernière, si elle ne la nie pas; et c'est à côté de cela que passent systématiquement ceux pour qui l'eschatologie n'est que matière à calculs et à scénarios futuristes, reliés à l'interprétation d'un "présent" compris platement comme "actualité", le tout fonctionnant indépendamment de CE (ou CELUI) qui est "attendu". Chacun ses goûts, bien sûr, mais il faut quand même remarquer que la tonalité de la "religion" qui en découle est très différente selon le cas: une attente purement "futuriste", "événementielle", "extérieure" de "l'apocalypse" (au sens courant du terme) joue sur l'angoisse (mais aussi sur le désir) de l'irruption d'un "grand inconnu", d'un "tout-autre". En revanche, dans la mesure où ce qui est attendu est la manifestation-révélation de ce(lui) qui est déjà là, le familier et l'intime de l'expérience spirituelle présente, la crainte s'apaise (mais aussi le désir): le tout-autre est tout-autre qu'un autre. Le rapport inverse entre cette perspective (l'identité de l'ultime et du familier) et la crainte est explicite dans la Première de Jean, autour du thème de "l'assurance" (parrèsia) corrélée à l'expérience présente de l'amour, de l'Esprit, de la foi, au rythme d'une dialectique plus berçante (ça me fait penser à du Fauré) que logiquement contraignante: (3,18ss) "A cela nous saurons que nous sommes de la vérité, et nous apaiserons notre coeur devant lui; car si notre coeur nous condamne, Dieu est plus grand que notre coeur et il connaît tout. Bien-aimés, si notre coeur ne nous condamne pas, nous avons de l'assurance auprès de Dieu." (4,12ss) "Personne n'a jamais vu Dieu. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour est accompli en nous. A ceci nous savons que nous demeurons en lui, comme lui en nous: c'est qu'il nous a donné de son Esprit. Et nous, nous avons vu et nous témoignons que le Père a envoyé le Fils comme sauveur du monde. Celui qui reconnaît que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, comme lui en Dieu. Et nous, nous connaissons l'amour que Dieu a pour nous, et nous l'avons cru. Dieu est amour; celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. C'est en cela que l'amour est accompli parmi nous, pour que nous ayons de l'assurance au jour du jugement: tel il est, lui, tels nous sommes aussi dans ce monde. Il n'y a pas de crainte dans l'amour, mais l'amour accompli bannit la crainte, car la crainte suppose un châtiment, et celui qui craint n'est pas accompli dans l'amour." (Remarque aigre-douce et très personnelle: ces derniers textes restent à jamais liés dans mon esprit aux publications de la Watchtower qui me les ont fait découvrir pour la première fois, dans la "fenêtre bénie" de la seconde moitié des années 70, entre le fiasco de 1975 et la reprise en main consécutive à l'éviction de Raymond Franz et aliorum en 79-80, un temps de grâce et d'exception où elle a semblé s'intéresser, dans le NT, à autre chose que ses dadas habituels. Cf. p. ex. la citation de 1 Jn 3,19ss dans la TdG du 1er août 1977.)
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| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La parousia Lun 13 Mai 2024, 11:29 | |
| Chapitre I. La Venue du Seigneur Charles Perrot p. 17-50
47. Le septième point est plus délicat à établir. Des communautés surtout judéo-chrétiennes ont cru au retour proprement dit du Christ sur la terre, lors du rétablissement du peuple messianique. L’ancien scénario judéo-chrétien, rappelé surtout dans 1 Th 4, 13-17, parlait bien de la descente du Seigneur qui vient chercher le peuple de Dieu ; les croyants, morts et vivants réunis, montent alors à la rencontre du Seigneur. Mais il n’est pas directement question ici d’un retour du Christ sur terre. Une telle pensée a néanmoins été acceptée par des judéo-chrétiens, dans le cadre de l’espérance messianique juive, elle-même inspirée des Prophètes d’Israël. Luc réagit encore sur ce point : « Est-ce le temps où tu vas rétablir le Royaume pour Israël ? » (Ac 1, 6). L’auteur de l’Epître aux Hébreux paraît pourtant attendre ce retour sur terre : « (Le Christ) apparaîtra une seconde fois » (He 9, 28). Plus encore, dans le cadre de la chronologie messianique juive, l’auteur de l’Apocalypse mentionne expressément le Milléninm : » (les justes) revinrent à la vie et régnèrent avec le Christ pendant mille ans. » (Ap 20, 2)16. Ce règne, précédé des persécutions et des fléaux de toutes sortes, sera accompagné de l’assaut final de Gog et Magog (20, 7-15) ; ensuite seulement viendront les cieux nouveaux et la nouvelle terre. Comme on le voit, « la première résurrection » dont parle l’Apocalypse (Ap 20, 5) correspond exactement à celle mentionnée dans 1 Th 4, 15 et 1 Co 15, 23. L’auteur de l’Apocalypse, dans le désir d’harmoniser ces diverses traditions a donc construit un super-scénario avec une première résurrection pour les croyants, puis au terme des mille ans la résurrection des autres morts (Ap 20, 20). La tradition chrétienne postérieure ne l’a guère suivi sur cette voie du Millénarisme, du moins après saint Augustin qui « spiritualise » la première résurrection en question. Au reste, une telle « spiritualisation » est déjà à l’œuvre dans les écrits canoniques, comme nous allons le dire dans :
48 Le huitième point, enfin. Les communautés helléno-chrétiennes, surtout, ont pour une large part « déconnecté » en quelque sorte la manifestation du Seigneur d’un temps à venir où elle s’inscrivait jusque-là, pour l’exprimer d’abord sur le registre de l’intériorité de la vie chrétienne personnelle ou de la vie ecclésiale, dans le « déjà-là » de l’Esprit Saint. On parle alors facilement d’eschatologie réalisée pour dire la mutation en question (malgré la contrariété des termes ici utilisés. Bref, il s’opère un certain changement du regard visant le présent plus que l’avenir (suivant l’axe horizontal ou temporel) et touchant les cieux plus que la terre (suivant l’axe vertical ou spatial). Ces tendances s’expriment, il est vrai, à des degrés très divers, allant de la pensée équilibrée d’un Paul ou d’un Luc à une présentation johannique où l’espérance semble parfois absorbée par le présent du salut.
49 Ainsi Paul s’attache-t-il déjà à montrer la nouveauté eschatologique chrétienne maintenant à l’œuvre dans la vie du croyant. L’Esprit vit en lui, et le salut est une réalité actuelle. Plus encore, dans la Seconde Lettre aux Corinthiens, l’Apôtre parle de la « transformation » chrétienne, au sens précis donné plus haut à ce mot : « Nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, de gloire en gloire. » (2 Co 3, 18). Le chrétien, comme Moïse autrefois et comme Jésus lors de sa Transfiguration, a lui aussi anticipé d’une certaine manière la transformation finale. L’Esprit situe déjà le croyant au sommet du Sinaï. Une telle transformation proleptique est ici d’autant plus remarquable à relever que l’Apôtre voudra exprimer peu après la réalité de la résurrection du croyant, mais justement sans utiliser le vocabulaire résurrectionnel hérité de la tradition judéo-chrétienne : dans 2 Co 5, 1-10, il n’est plus question que de « revêtir le Christ ». Paul cherche à l’évidence un vocabulaire nouveau susceptible de faire passer le message de la tradition dans la langue des Nations.
https://books.openedition.org/pusl/7473?lang=fr |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La parousia Lun 13 Mai 2024, 11:55 | |
| Cette tentative d'établir une "taxonomie" et de retracer une "généalogie" (historique) des proto-christianismes et de leurs croyances (toujours en forme d'arborescence à partir d'une source ou d'un tronc présumé unique) était bien dans l'esprit de son temps (1983); le procédé même me semble aujourd'hui largement dépassé, sans avoir jamais vraiment atteint son objectif (sinon, peut-être et provisoirement, dans la tête de chaque théoricien et de ses disciples immédiats)...
Nous avons discuté des textes évoqués ici dans plusieurs autres fils, qu'on retrouvera plus ou moins aisément à leur place. La plus grosse énormité de ton extrait, à mes yeux, c'est bien celle que tu soulignes sur l'épître aux Hébreux: il n'y est certainement pas question de "retour sur terre", ce qui serait tout à fait contraire à sa perspective (médio-platonicienne) où même les "cieux" finissent par disparaître comme image (encore relative et provisoire) de l'éternité... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La parousia Lun 13 Mai 2024, 14:19 | |
| Chapitre V . Le retour du Christ dans l’économie de la foi chrétienneb. L’incarnation : le Christ Alpha Si le Christ est le dernier, c’est-à-dire la révélation définitive de Dieu et l’accomplissement ultime du salut pour les hommes, s’il est assumé en Dieu comme son propre égal du côté de sa propre fin qui est aussi celui de notre avenir, c’est qu’il participe à l’être même de Dieu. Il participe donc à la prérogative divine qui, selon les Ecritures, fait que Dieu est à la fois le premier et le dernier, selon la parole d’Is 44, 6 reprise dans l’Apocalypse : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant » (1, . Ou encore : « Je suis l’Apha et l’Oméga, le Principe et la fin » (21, 6). Il est remarquable que ces mêmes paroles soient dites dans le même livre de Dieu et du Christ : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, le Premier et le Dernier, le commencement et la fin » (Ap 22, 13 ; cf. 1, 17 ; 2, . L’épître aux Hébreux dit quelque chose de voisin en présentant Jésus comme celui qui est l’initiateur de notre foi et celui qui la mène à son accomplissement (Hé 12, 2) ; dans cet ordre aussi il est le premier et le dernier. Ces textes tirent avec une logique admirable la conséquence de l’égalité du Christ avec Dieu : s’il est sur le même plan d’être que le Père, alors il enserre lui aussi tous les temps dans sa transcendance absolue, pour lui aussi être le dernier et le premier sont identiquement la même chose, lui aussi rassemble ces deux instances du temps dans son éternel présent. Et pourtant la distinction des deux termes garde valeur non seulement pour nous qui sommes dans le temps, mais pour Dieu lui-même dans son rapport à nous. Le Christ est pour nous « celui qui vient », équivalence du Dernier, et « celui qui était », équivalence du Premier. Car, à l’instar de Dieu lui-même, il est sans cesse engagé dans un mouvement qui le porte vers l’homme. De même que Dieu cherchait Adam au paradis (« — Adam où est-tu ? », Gen 3, 9), de même qu’il se faisait constamment proche de son peuple (Dt 4, 7), de même il lui rend visite en son Fils : celui qui est venu reste celui qui doit venir : « Viens, Seigneur Jésus », (Ap 22, 20). En Jésus Dieu se révèle comme l’avenir de l’homme. c. Les trois instances du temps Le Christ embrasse et « récapitule » en lui les trois instances du temps, le passé, le présent et l’avenir, comme la formule répétée dans l’Apocalypse le suggère. Mais ce triple rapport se diversifie pour nous en raison même du temps qui passe et de la situation concrète de notre durée par rapport à l’événement fondateur : 1. En un premier sens le passé, c’est l’origine, où le Christ exerce son rôle créateur ; le présent, c’est l’événement décisif de Jésus de Nazareth, mort et ressuscité, fait Christ et Seigneur, Verbe fait chair, événement qui constitue le centre de l’histoire, puisqu’il est l’anticipation du définitif signifié dans le cours du temps ; le futur, c’est la fin des temps, le retour du Christ, sa Parousie. Ces trois références structurent l’histoire des hommes pour en faire une histoire du salut. Elles lui donnent sens et l’orientent. 2. Mais ces trois instants organisent une division dans la durée, en même temps qu’ils posent un rapport différent de Dieu et du Christ à l’histoire. Le rapport originel de création demeure coextensif à l’histoire du monde. L’événement de Jésus-Christ, centre des temps, est l’objet d’une longue préparation, d’une attente et d’une promesse dans l’Ancien Testament. Il est la polarité de toute l’action de Dieu et de son Verbe dans l’avant de la venue du Christ. Mais aussi il demeure présent dans l’après de cette venue à travers la vie et la célébration sacramentelle de l’Eglise. Il introduit une durée spécifique qui lui appartient comme telle, puisque l’annonce du Christ à toutes les nations est un élément du kérygme46. Mais cette durée est à son tour polarisée par l’attente eschatologique du retour du Christ, dont la résurrection est à la fois l’anticipation, la prophétie et la promesse. Ces trois instants ne sont donc pas seulement trois points de l’histoire, à partir d’eux se dévident trois fils qui forment la tresse constitutive de l’histoire du salut. 3. Dans cet horizon du temps global peut être analysée avec plus de précision la situation actuelle de l’Eglise, située entre la résurrection et la parousie. Pour elle l’événement décisif prend figure de passé, car il est inscrit dans la durée des temps de manière historiquement repérable. Mais il demeure aussi un présent : il est le don reçu dans l’annonce de la Parole et la célébration des sacrements, principalement du baptême et de l’eucharistie. Il est enfin un avenir, puisque l’Eglise chemine avec le Christ vers la patrie céleste. Mais il y a plus : le présent de l’Eglise est tissé de la communication/communion en lui du passé et de l’avenir. Nous avons développé ce paradoxe à propos du mémorial eucharistique. C’est pourquoi ce présent est orienté : il vient d’un passé et conduit à un avenir. Si l’Eglise n’était pas tournée vers l’avenir, elle renierait le passé de l’événement qui la suscite. Ses célébrations ne seraient plus des anticipations, dans la fidélité au caractère eschatologique de la résurrection de Jésus. Sa vie deviendrait une récupération de la fin des temps promise dans l’immanence, et donc sa négation. On ne peut prétendre, dans l’aujourd’hui de l’Eglise, que l’eschatologie soit complètement réalisée, puisque le cours du temps demeure et que la face de ce monde n’est pas changée. Mais l’attente du retour du Christ ne saurait non plus empêcher l’Eglise de vivre au milieu du monde des hommes. Le retour du Christ ne peut habiter valablement la foi de l’Eglise que s’il est vécu à la fois comme ce qui est déjà-là et comme ce qui doit arriver. Chaque jour le Christ déjà venu vient vers nous de la fin des temps ; mais cette venue doit se conclure le jour où il nous aura conduit à cette fin des temps. https://books.openedition.org/pusl/7485?lang=fr |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La parousia Lun 13 Mai 2024, 15:27 | |
| On est toujours en 1983, mais dans une perspective plus "systématique" (Sesboüé) qu'exégétique (Perrot): laquelle des deux vieillit le mieux, ou le plus mal ? Du point de vue du NT le "Christ alpha" (sans référence à Teilhard, qui avait tout de même popularisé la formule ou plutôt son antithèse, le "point oméga", dans son eschatologie ou sa téléologie christique, évolutionniste et concordiste) ce ne serait pas du tout le Jésus "terrestre", mais bien le Fils éternel, le logos du "commencement", le Premier-né, l'arch-ange ou l'"Adam" originel, image de Dieu, comme chez Philon; jusque dans les textes tardifs du NT (Hébreux, Actes), le "Jésus terrestre" appartient à la fin des temps, aux derniers jours, même si le temps qui le sépare de la "parousie" future se distend (de "nous les vivants qui survivons jusqu'à la parousie", 1 Corinthiens 15 // 1 Thessaloniciens 4, ou "la génération qui ne passera pas", Marc 13//, jusqu'à la dissolution de cette perspective dans Luc-Actes, les deutéro-pauliniennes, les Pastorales ou 2 Pierre qui se reconnaissent à mots couverts d'énième génération). Il faut des siècles, ou plutôt des millénaires de "christianisme", pour que le "Jésus terrestre" en vienne à se penser sérieusement au milieu de l'histoire -- c'est plus plausible à la fin du moyen-âge qu'à l'époque patristique. Aujourd'hui en revanche ça nous paraît évident, surtout avec un calendrier chrétien (avant et après J.-C.), que "Jésus-Christ" soit "au milieu", même si l'"après" est toujours loin d'égaler l'"avant", a fortiori si l'on y inclut une "préhistoire"... Si on revient au sens (premier ?) de la "pré(s)ence", pour la par-ousie, entre une présence passée de plus en plus lointaine et une présence future, qui ne paraît pas pour autant de plus en plus proche, ce sont bien les interprétations présentes, mystiques ou sacramentelles, spirituelles ou gnostiques, de la "présence" qui correspondent le mieux à sa définition... Soit ce qui se dessine, dans le NT, de l'épître aux Romains aux deutéro-pauliniennes ou dans le "johannisme". Ou même dans l'ultime conclusion de Matthieu, "je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde". On retrouve par là le rapport du présent temporel à la présence ou proximité spatiale, que j'évoquais sur l'autre fil: plus le Christ est ressenti comme proche, présent, avec nous, voire en nous et nous en lui selon la double inclusion notamment johannique, moins paraît important le rapport au passé et à l'avenir, et quant à l'avenir sous l'angle du désir et de la crainte. Si l'on peut encore désirer une "parousie", c'est sous l'angle de la révélation ( apokalupsis, apocalypse) ou de la manifestation ( epiphaneia, épiphanie) à l'extérieur, aux autres ou au monde, de ce que nous sommes et avons déjà; et il n'y a plus lieu de la craindre, si ce qu'on attend est déjà là, en nous et nous en lui, pleinement connu comme tel (thème de 1 Jean en particulier, 2,28; cf. 3,2s.18ss; 4,16ss; et supra 26.10.2011 !). |
| | | free
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| Sujet: Re: La parousia Mar 14 Mai 2024, 12:34 | |
| L’attente chrétienne de la Parousie Abbé Joël Spronck
IV – L’attente de la Parousie dans le christianisme
Par l’Incarnation et la Pâque du Fils de Dieu, le Règne eschatologique de Dieu a fait irruption dans notre histoire ; l’ère messianique du salut et de la grâce est désormais inaugurée : « Le temps est accompli, le Règne de Dieu s’est approché ». Une réalité nouvelle est là ; la victoire sur la mort est irréversiblement acquise ; l’Esprit-Saint a été répandu dans les cœurs (cf. Rm 5,5) et il ne cesse de constituer l’Église, « germe et commencement du Royaume » (LG 5). En un mot, nous sommes dans les « derniers temps ». L’exégète R. Schnackenburg explique :
Le temps de l’accomplissement eschatologique est là, et le Royaume de Dieu en gloire est proche ; tous deux sont des faits par rapport auxquels on ne saurait revenir en arrière ; depuis la venue de Jésus, ils correspondent à une « situation » fermement établie. Ce qui continue à partir de là à se réaliser prend place, certes, à l’intérieur de la réalité spatio-temporelle de ce monde, les hommes en font l’expérience dans l’histoire, dans le « cours » du temps. Mais cela n’en demeure pas moins entièrement sous le signe ineffaçable de la réalité salvifique inaugurée par Jésus.
En même temps, il faut pouvoir affirmer que le Règne de Dieu demeure une réalité encore future, en ce sens qu’il n’est pas encore pleinement manifeste. Le mal, tant physique que moral, continue à défigurer nos existences et notre monde. Certes, il nous incombe de le combattre activement, et, dans la mesure de nos possibilités, de faire reculer l’injustice, la haine, la souffrance, la mort. La gloire de Dieu et de ses enfants demeure provisoirement voilée et différée : elle attend encore d’être pleinement révélée (cf. Rm 8,18s. ; Col 3,1-4 ; 1 Jn 3,2 ; etc.).
Ainsi donc, l’eschatologie chrétienne est traversée par une tension, par une flèche (A. Gesché). Le salut est une réalité à la fois présente et future, le Royaume est « déjà-là et pas encore » . S. Paul a tenté d’illustrer ce paradoxe qui caractérisait l’entre-temps de l’Église en comparant le temps présent à un « enfantement » (Rm 8,22), ou encore à une « aurore » (cf. Rm 13,11-12) : si nous possédons déjà l’Esprit, nous n’en avons encore que les « prémices » (Rm 8,23) et les « arrhes » (2 Co 1,22 ; 5,5 ; Ep 1,14). L’accomplissement du salut est inchoatif : il est déjà donné, mais l’attente de son achèvement persiste en son sein. Cette attente ardente trouve un écho dans la demande du Notre Père (« que ton règne vienne ! »), et dans le vibrant « Maranatha ! » des premiers chrétiens.
À ce stade-ci, une question de fond ne peut manquer de surgir : pourquoi Dieu a-t-il choisi de sauver le monde en deux « étapes » ? Pourquoi la première parousie du Messie n’a-t-elle pas signé immédiatement la fin du cours de l’histoire du salut et l’instauration plénière et visible du Royaume, en conformité avec l’attente messianique juive ? Quelle est la signification théologique de cet intervalle ecclésial (Zwischenzeit) ? Pourquoi ce délai de la gloire eschatologique qui s’accompagne en contrepartie d’un ultime sursis pour les puissances du mal, alors que la victoire pascale a déjà été remportée ? En un mot, pourquoi l’accomplissement du salut en Jésus-Christ comporte-t-il en lui-même, structurellement, la nécessité d’une attente ?
La question de la justification du délai de la Parousie est complexe. Elle est inséparable d’une réflexion sur la toute-puissance de Dieu et sur son apparent « silence » devant le mal. À ce propos, nous voudrions suggérer une piste herméneutique, à la lumière de ce que nous avons dit sur la messianité de Jésus.
À la différence de tous les messies politiques, Jésus est un Messie humble et discret, qui refuse tout agir fracassant. Il vainc le péché, non par la force ou par la violence, mais par la douceur et la miséricorde. Au cours de sa Passion, il garde « le silence le plus patient », permettant ainsi aux méchants de s’amender. En un mot, la persuasion est la seule « arme », qui convienne au Fils de Dieu pour instaurer son Règne et pour venir à bout de toutes nos résistances : Dieu a envoyé son Fils chez les hommes « pour les sauver par la persuasion, non par la violence, car il n’y a pas de violence en Dieu ».
Le temps de l’Église ne trouve-t-il dès lors pas sa justification ultime dans cette manière divine de vaincre le mal ? N’est-ce pas au fond le même « silence patient », la même persuasion qui s’y manifeste ? Et pour persuader l’humanité tout entière, il faut du temps ! Autrement dit, l’intérim ecclésial est un sursis de grâce sans cesse accordé par le Seigneur longanime. En effet, intronisé Messie par la résurrection, Jésus ne change point le sens et l’exercice de sa messianité : il attend patiemment que l’humanité tout entières’ouvre au don de son amour, à la grâce du salut ; il espère la conversion du cœur de l’homme pécheur, son « oui » confiant, lequel doit bien entendu se traduire par un agir conséquent. Le Règne de Dieu ne s’impose pas par la force : déjà donné, il incombe maintenant à tout homme de l’accueillir sans plus attendre. « Dieu t’a créé sans toi, mais il ne te sauvera pas sans toi ». Telle est d’ailleurs en substance l’argumentaire de l’auteur de la Seconde lettre de Pierre (écrite probablement dans les années 125) :
Dans les derniers jours viendront des sceptiques moqueurs menés par leurs passions personnelles qui diront : « Où en est la promesse de son avènement [parousia] ? Car depuis que les pères sont morts, tout demeure dans le même état qu’au début de la création. » […] Il y a une chose en tout cas, mes amis, que vous ne devez pas oublier : pour le Seigneur un seul jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard, mais il fait preuve de patience envers vous, ne voulant pas que quelques-uns périssent mais que tous parviennent à la conversion. […] C’est pourquoi, mes amis, dans cette attente, faites effort pour qu’il vous trouve dans la paix, nets et irréprochables. Et dites-vous bien que la longue patience du Seigneur, c’est votre salut !
Dans cette optique, on comprend que le prétendu « retard » de la Parousie doit être imputé non pas à Dieu, mais aux hommes : c’est la lenteur de la réponse de l’humanité qui, d’une certaine manière, « paralyse » la manifestation plénière du Royaume.
Sous peine donc de rendre vaine la longue patience du Seigneur et de décevoir son grand espoir eschatologique de sauver tous les hommes, convertissons-nous donc sans tarder ! Toute l’activité pastorale qui occupe le temps de l’Église trouve d’ailleurs là son sens ultime. L’annonce inlassable de l’Évangile et la célébration des sacrements veulent susciter notre réponse de foi et d’amour, et ainsi, en élargissant notre cœur et en y creusant notre désir de Dieu, « hâter » la venue des « cieux nouveaux et de la terre nouvelle » (cf. 2 P 3,12-13 ; Ac 3,19-21). Teilhard de Chardin écrivait en ce sens : « le Seigneur ne viendra vite que si nous l’attendons beaucoup. C’est une accumulation de désirs qui doit faire éclater la Parousie ».
https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-theologique-2009-3-page-546.htm
Une analyse croyante, résolument positive et harmonisante. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La parousia Mar 14 Mai 2024, 13:15 | |
| - free a écrit:
- Une analyse croyante, résolument positive et harmonisante.
Certes, mais je préfère de loin un tel texte qui s'annonce "édifiant" et qui s'avère prudent et bien documenté -- c'est le cas -- à tel autre qui se prétend "scientifique" et ne fait en réalité que réciter son catéchisme en écartant toutes les questions et objections sérieuses: c'est malheureusement le plus fréquent en ce qui concerne le NT. Une interprétation catholique, "magistérielle", de la question ne peut guère que prolonger (indéfiniment) la ou les lignes "proto-catholiques" qui se dessinent déjà nettement dans les textes les plus tardifs du NT (Ephésiens, Pastorales, Luc-Actes, 1 et 2 Pierre...), et qui se prolongent en toute logique chez les Pères de l'Eglise et dans la théologie médiévale. En principe, le ridicule d'une telle position devrait croître de siècle en siècle, mais en pratique une sorte de sommet ou de plafond est atteint(e) relativement tôt, comme en témoignent les "moqueurs" de 2 Pierre, auxquels on peut se référer impunément ensuite de génération en génération. Ce qui paraissait déjà ridicule au milieu du IIe siècle (p. ex.) ne le paraît pas vraiment plus deux millénaires après, et le bénéfice apologétique de la pseudo-prophétie, au contraire, ne fait que croître: si les esprits simples pouvaient être impressionnés, au IIe siècle, qu'un contemporain de "Jésus" ("Pierre") ait annoncé les "moqueurs des derniers jours", leurs contemporains à eux, ils peuvent l'être d'autant plus, au XXIe siècle ou n'importe quand, de les voir annoncés des millénaires à l'avance dans "la Bible". --- Aux références indiquées au début de ce fil (25.10.2011) pour le substantif par-ousia, il faudrait ajouter (mieux vaut tard que jamais, la formule convient aussi au sujet, même si jamais n'arrive jamais !) celles du verbe par-eimi (être présent, être là), qui sont le plus souvent anodines: Matthieu 26,50; Luc 13,1; Jean 7,6; 11,28; Actes 10,21.33; 12,20; 17,6; 24,19; 1 Corinthiens 5,3; 2 Corinthiens 10,2.11; 11,9; 13,2.10; Galates 4,18.20; Colossiens 1,6; Hébreux 12,11; 13,5; 2 Pierre 1,9.12. A première vue seules celles de l'évangile selon Jean (qui n'utilise pas le substantif, contrairement à la Première épître) sont susceptibles d'une allusion "eschatologique", distanciée et ironique comme à son habitude. Celles de "Paul" sont plus connues pour l'opposition de la présence et de l'absence (locales) qui s'articule à celle du corps et de l'esprit (absent de corps mais présent d'esprit, etc.)... Je rappelle au passage, bien que cela concerne plutôt l'autre fil, que la notion de "présence" est (littéralement) essentielle à Heidegger, du Da(-)sein qui identifie l'"existence" (sens habituel du terme) à un "être-(le-)là", à l' an-wesen (etc.) qui signifie être-présent, (se) présenter, entrer ou faire entrer en présence, à telle enseigne que certains traducteurs français (si l'on peut encore dire) ont traduit le mot allemand par le grec parousia... |
| | | free
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| Sujet: Re: La parousia Mer 15 Mai 2024, 10:53 | |
| Retenir la fin Interprétation politique du katêchon à partir de la phénoménologie de la donation Paul Colrat Retenir la parousie Au niveau eschatologique, le « retenant » retient la Parousie. La parousie signifie à la fois la venue et la présence. Il n’y a entre la venue et la présence nulle contradiction si on pense la présence sur le mode de ce qui vient, c’est-à-dire de l’événement. En tant qu’événement, le Retour est et n’est pas, il (est) l’Événement, il vient. Or c’est précisément parce que le Retour vient qu’il faut – logique de l’événement – simultanément penser ce qui empêche qu’il vienne totalement. Si le Seigneur est ressuscité, néanmoins le jour (hê hêmera, 2,2), c’est-à-dire la manifestation, du Seigneur n’est pas encore venu. On a là un décalage entre la donation et la manifestation, typique des phénomènes analysés par la phénoménologie de la donation, qui permet de bien comprendre la différence entre la phénoménologie de la donation et l’ontologie de la puissance. La fin des temps n’est pas potentielle, au sens où il resterait à l’actualiser ; dire que la fin du monde est donnée mais qu’elle n’est pas reçue ne signifie pas qu’elle est en puissance. Le don qui ne se manifeste pas n’est pas la puissance non-actualisée. La fin est déjà effective, elle produit déjà des effets. La phénoménologie de la donation se distingue de l’ontologie de la puissance car la fin est effective mais elle est retenue. La rétention n’empêche pas l’effectivité, elle empêche la manifestation ; or une chose invisible peut être effective. La fin a eu lieu, elle s’est donnée, mais elle n’est pas encore manifestée – il faut pour cela une apocalypse. L’apocalypse est la déclosion de ce que le katêchon retient, la fin des temps. Ce qui veut dire que l’apocalypse n’est pas la fin des temps, mais sa manifestation. Dans la deuxième Épître aux Thessaloniciens, saint Paul complexifie, sans la nier, l’idée que la Résurrection du Christ implique la fin des temps. Il s’agit de montrer que si la fin des temps est donnée, elle n’est pourtant pas totalement reçue. D’abord, il rappelle que l’étape d’avant la Parousie est l’Apostasie. Avant l’apocalypse doit se produire une autre « apocalypse», celle de « l’Homme impie, l’Être perdu » (2, 3). Saint Paul décrit l’impiété en utilisant un thème privilégié de la phénoménologie de la donation : l’impiété n’est pas seulement une négation de Dieu, elle est plus fondamentalement une idolâtrie», celle de « l’Homme impie, l’Être perdu » (2, 3). Saint Paul décrit l’impiété en utilisant un thème privilégié de la phénoménologie de la donation : l’impiété n’est pas seulement une négation de Dieu, elle est plus fondamentalement une idolâtrie « celui qui s’oppose, c’est-à-dire celui qui s’élève au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu ou reçoit un culte, allant jusqu’à s’asseoir en personne dans le sanctuaire de Dieu, se désignant lui-même comme étant Dieu. » L’Impie est décrit par la logique de l’idole, qui est ce qui recouvre la chose de son image même. En l’occurrence, il est ce qui remplace ou prétend remplacer Dieu lui-même. Or cette puissance qui remplace Dieu est elle-même cachée. C’est une fois manifestée que se produira l’Apocalypse. Parce que quelque chose empêche l’apocalypse de la puissance idolâtrique, l’Apocalypse ne se produit pas. Cette première apocalypse est empêchée par le katêchon. « Aujourd’hui vous voyez le retenant, jusqu’à ce que [l’Impie] se manifeste au moment opportun pour lui » (2, 6). Cette phrase est en apparence contradictoire : saint Paul dit à la fois aux Thessaloniciens qu’ils voient le « retenant », et que l’Impiété ne s’est pas manifestée ; ils voient donc ce qui retient sans voir ce qui est retenu. En retenant la première apocalypse, celle de l’Impiété, le retenant retient la parousie. C’est en effet au moment où se produit cette « apocalypse » de l’Impiété (2, , que le Seigneur le [ l’Impie] « destitue par la manifestation de sa présence – katargêsei tê epiphaneiâ tês parousias autou ». L’ « apocalypse » de l’Impiété provoque l’Apocalypse. Alors que le mystère de l’impiété est à l’œuvre (energeitai), une fois que le katêchon sera écarté (2, 7), alors la Présence-Venue du Seigneur la désamorcera. La simple présence du Seigneur destitue le mystère d’impiété, précisément parce qu’il consiste essentiellement à recouvrir la présence du Seigneur. D’ici là, le katêchon est ce qui rend absent, il est une puissance d’abstention. Il suspend à la fois la manifestation de l’anomos et la parousia du Seigneur ; en ce sens il est neutre. Ainsi la structure eschatologique n’est pas une simple structure à deux temps. Au-delà de la structure binaire – Apostasie, puis Parousie – il faut distinguer plusieurs acteurs dans le drame eschatologique : l’Impie, le katêchon, et le Seigneur. Le katêchon retient deux « apocalypses », d’abord celle de l’Impie, ensuite celle du Seigneur. Cette rétention est phénoménologique, dans le sens où ce qui est retenu n’est pas leur action – saint Paul prend la peine de préciser que l’Impiété est à l’œuvre – c’est leur manifestation. L’Impiété et le Seigneur sont là, ils sont donnés, mais ils ne sont pas encore manifestes. Le drame eschatologique se joue ensuite selon deux vitesses : la rapidité de l’instant, du kairos, et la lenteur du katêchon. La temporalité historique est une temporalité retenue ; si elle était une musique elle serait jouée ritardando. Alors que la temporalité de la fin est une temporalité de l’instant, dans laquelle tout est joué d’un coup, comme un accord final. Le paradoxe ici est que l’accord final a déjà été donné, ce qui est joué n’en est que la prolongation, ce qui laisse le temps de l’entendre. L’Histoire donne à entendre à retardement l’accord final des temps, sonné par la Résurrection. Le « retenant » n’est ni l’Église ni l’Empire, mais le monde, qui n’est pas « l’ici-bas » en général comme dans les lectures gnostiques, mais la puissance de suspension de la donation à l’œuvre ici-bas – auquel l’ici-bas ne se réduit pas. Il est la totalité qui recouvre le rythme propre de la Création. Il est, dans les termes de La reprise du donné, d’abord la totalité des objets et des étants qui recouvre la totalité intotalisable qu’est la Création, mais aussi toute totalité qui recouvre l’intotalisable. Il est l’effort – cosmique – de rétention de la Création, mais aussi toutes les captations de la donation. Le retenant c’est tout ce qui empêche les apocalypses, c’est-à-dire les manifestations tant de l’idolâtrie que de la présence de Dieu. C’est la raison pour laquelle si on veut identifier un acteur politique correspondant au katêchon, on ne saurait chercher telle ou telle figure historique, mais un schéma politique fondamental : la totalisation de l’intotalisable, c’est-à-dire le dispositif de captation de la donation. Or ce dispositif de captation de la donation est actif dans des configurations politiques très différentes. https://www.cairn.info/revue-communio-2017-1-page-73.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La parousia Mer 15 Mai 2024, 12:06 | |
| Nous avons souvent parlé de 2 Thessaloniciens 2 et de son katekhon/ôn, ce ou celui qui retient, mais plutôt dans des discussions sur le thème de l'" apostasie" -- en rappelant en effet, par opposition à l'interprétation jéhoviste notamment, que la figure du "sans-loi" ( a-nomos, a-nomia) est clairement plus "politique" que "religieuse", et sûrement pas "chrétienne" (sur le modèle d'Antiochos IV qui depuis Daniel se reproduit dans toutes les images "apocalyptiques" et dualistes du "mal" opposé symétriquement au "bien" comme le diable à Dieu ou les démons aux anges, et qui devient naturellement anti/anté-christ dans un christ-ianisme -- même si le "Christ" lui-même, comme on l'a vu, a quelque chose d'un anti-christ, et d'un Antiochos par la même occasion). Colrat n'est évidemment pas bibliste, et il ne faut pas chercher de l'exégèse "sérieuse" dans son article (il faudrait commencer par différencier les textes attribués à "saint Paul" au lieu de les combiner indifféremment les uns aux autres, façon patchwork), mais sa réflexion philosophico-théologique (difficile de distinguer les deux disciplines dans la veine de Marion) n'en est pas moins intéressante. Il y a toujours de la retenue (rétention, réserve, suspens, résistance, etc.) dans le "don", mais à mon avis c'est tout aussi vrai de la "puissance" (cf. Nietzsche, Deleuze, etc.: une force ou une puissance qui ferait tout ce qu'elle peut cesserait aussitôt d'être une force ou une puissance, elle s'épuiserait, elle doit se retenir ou être retenue pour pouvoir encore) ou de l'"être" (Heidegger etc.: l'"être" aussi se retient, se retire, se refuse, et par là s'espace et se diffère, dans tous les sens de la différ ance derridienne aussi). Il y a de la physique dans la métaphysique, et on n'en a jamais fini ni avec l'une ni avec l'autre, à supposer qu'on puisse les distinguer -- ou aussi bien il n'y a pas de méta-physique, comme pour Lacan il n'y a pas de méta-langage... Le christianisme modifie certainement la perception du " temps" et de l'"histoire", aussi sous l'"aspect" du rythme et du tempo, mais pas dans un sens univoque. Il y a des effets de retard et d'accélération, qui s'illustrent également dans un autre texte tardif, 2 Pierre (patience, et cependant hâter l'"événement-avènement"). Le temps, le mouvement, l'événement, la vitesse, c'est toujours le jeu de plusieurs tendances qui se compensent, se corrigent et s'infléchissent, parce qu'elles ne jouent pas toutes dans le même sens.
Dernière édition par Narkissos le Mer 15 Mai 2024, 13:24, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: La parousia Mer 15 Mai 2024, 13:23 | |
| Heidegger, lecteur et interprète de Saint Paul
V. Note synthétique sur la constitution eschatologique du soi religieux
L'attente de la parousia est la préoccupation principale des Thessaloniciens. Et lorsque Paul leur répond que le jour du Seigneur viendra « comme un voleur dans la nuit » (1 Thessaloniciens 5,2), il leur explique en réalité que l'attente de la parousie et le souci du salut seront leur lot quotidien jusqu'à ce que le Seigneur veuille bien se manifester à eux. Subtilement, Paul déplace la question des Thessaloniciens. Il ne dit aucune date, aucune heure mais exhorte seulement les croyants à vivre-le-temps-en-chrétien. C'est cela l'essentiel. Dans son commentaire, Heidegger oppose implicitement deux conceptions radicales du temps : d'une part, le temps inauthentique, celui que l'on conçoit historiquement comme une suite d'événements à notre disposition, qui nous donne l'illusion de maîtriser l'histoire, et peut-être même de prévoir la venue de la parousie ; et d'autre part la temporalité authentique, ouverture à la parousie, temps radicalement historique (geschichtlich) s'il en est, qui nourrit la foi tout au long de l'existence et conserve l'intégrité de l'identité de l'être-chrétien. Ce temps là est souci fondamental, souci eschatologique, avec pour seul horizon le salut de l'âme et la résurrection de la chair. Heidegger assume donc cette opposition entre temps chronologique et temps kairologique. Opposition antique qui n'a pourtant de sens pour lui que dans l'accomplissement du kérygme chrétien, c'est-à-dire dans l'effectuation de la proclamation. L'eschatologie est donc ce qui détermine en grande partie l'analyse heideggerienne du soi paulinien.
Rajoutons que, dans le commentaire heideggerien, l'expérience de la parousie est notamment thématisée à travers la notion de (...) ou « tribulation », terme que Heidegger traduit par le mot Bedrängnis et que l'on peut considérer comme le premier modèle de la Bekümmerung et même comme l'ancêtre de la Sorge. Le chrétien attend la parousie dans une tribulation absolue qui est l'expression adéquate de son être-religieux. Le croyant accepte ce souci eschatologique, il l'assume dans sa foi comme l'élément central de sa vie de chrétien. En somme, il accepte d'entrer dans l'angoisse, car l'accomplissement (Vollzug) de son être-chrétien est tout entier tendu vers la parousie, laquelle n'a à son tour de sens que dans l'expérience de l'angoisse. Dans cette structure paulinienne pour le moins complexe, la souciance ou tribulation apparaît donc comme l'élément constitutif de l'ipséité facticielle chrétienne en tant qu'elle se vit et s'exécute coram Deo.
En dernier lieu, on peut revenir brièvement sur le lien constitutif établi par Paul entre (...) et (...) tel qu'il est étudié par Heidegger. Pour ce dernier, tribulation et espérance sont comme les deux piliers de l'expérience de la parousie, les deux Grundstimmungen dont la réunion engendre une féconde tension de l'existence. L'espérance a forcément à voir avec le souci de soi à l'intérieur de ce temps kairologique qui pousse le chrétien non seulement à espérer, mais aussi à être lui-même l'espérance, à l'incarner. Heidegger prévient toutefois que l'espérance n'est pas le simple envers du souci ou sa récompense. En un sens, on peut dire que souci et espérance se fondent ou se confondent à l'intérieur du temps kairologique, temporalité propre à l'attente de la parousie. En effet, dans la vie de Paul, ils ne font qu'un. L'espérance, comme nous l'avons noté pour le souci, ne relève pas non plus de la connaissance d'un Was ou d'un Wann, mais d'un Wie fondamental (1 Thessaloniciens 2,17 et 3,5). Espérance et souci engagent l'ipséité même du croyant, ils en dépendent et inversement, l'ipséité dépend du souci et de l'espérance. La souciance, toujours bien vivante dans la vie chrétienne, permet donc « une réelle appropriation de l'expérience de la vie facticielle ». Elle fait en quelque sorte office de « sagesse pratique » dont le teàoç n'est autre que le souci du salut.
https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=fzp-003%3A2011%3A58%3A%3A643 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: La parousia Mer 15 Mai 2024, 14:41 | |
| Nous avons évoqué plusieurs fois ces études du jeune Heidegger, qui était encore phénoménologue husserlien et non celui que l'on connaît (plus ou moins) depuis Sein und Zeit (1927), sur les textes chrétiens ("saint Paul", Augustin, Duns Scot, Eckhart ou saint Bernard). Elles méritent d'être lues (tout au moins celles qui sont disponibles), et l'article de Camilleri en donne un bon aperçu. Parmi les références "exégétiques" de Heidegger je m'étonne toutefois de ne pas trouver Bultmann -- qui était déjà en relation avec Heidegger au début des années 1920 et l'a certainement plus "influencé" à ce stade que Heidegger ne l'a influencé ensuite... Bien sûr, on n'en finira pas de s'étonner qu'un penseur qui a en bonne partie appris à penser sur des textes chrétiens (plus encore Kierkegaard) leur ait aussi obstinément dénié toute pertinence philosophique plus tard. En ce qui concerne la "parousie" (surtout, et différemment, 1 et 2 Thessaloniciens), il ne me semble pas que Heidegger à ce point l'ait analysée sous l'angle (au moins étymologique) de la "pré(s)ence": du point de vue du phénoménologue c'est plutôt l'à-venir, présence future et absence présente, si l'on peut dire, de l'accomplissement eschatologique qui par définition n'est pas encore là -- mais il n'a pas pu ne pas y penser quand il a développé ses propres concepts de Da(-)sein et d' an-wesen (qui correspondent formellement à par-ousia). De ce point de vue toute la philosophie heideggerienne peut aussi se penser comme une "eschatologie réalisée", qui reste cependant "historique" (au sens du geschichtlich opposé à l' historisch) ou "événementielle" ( Ereignis, événement-avènement). Pour rappel (voir p. ex. ici, à partir du 8.4.2020), dès 1 Thessaloniciens (peu importe de quand on date l'"épître", elle est au moins antérieure à 2 Thessaloniciens qui s'y réfère) le travail d'"actualisation" (intériorisation, spiritualisation) de l'eschatologie est déjà à l'oeuvre, non sur le mot parousia mais sur le mot "jour" ( hèmera): le jour futur qu'on attend (comme un voleur dans la nuit !) est déjà là pour autant qu'on appartient au jour et non à la nuit...
Dernière édition par Narkissos le Mer 15 Mai 2024, 15:24, édité 2 fois |
| | | free
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| Sujet: Re: La parousia Mer 15 Mai 2024, 15:17 | |
| PRÉSENCE
Les écrits grecs profanes sont évidemment utiles pour déterminer la signification de ce terme. Toutefois, il est encore plus instructif de considérer l’usage qui en est fait dans la Bible elle-même. Ainsi, en Philippiens 2:12, Paul dit que les chrétiens de Philippes avaient obéi ‘ non seulement durant sa présence [parousiaï], mais maintenant bien plus volontiers durant son absence [apousiaï] ’. De même, en 2 Corinthiens 10:10, 11, après avoir mentionné ceux qui disaient que ‘ ses lettres avaient du poids et de la force, mais que sa présence [parousia] en personne était faible et sa parole méprisable ’, Paul ajoute : “ Qu’un tel homme tienne compte de ceci : que tels nous sommes dans notre parole, par des lettres, quand nous sommes absents [apontés], tels nous serons aussi en action quand nous serons présents [parontés]. ” (Voir aussi Ph 1:24-27). Par conséquent, il est question de la présence par opposition à l’absence, et non de l’arrivée (ou venue) par opposition au départ.
Cela explique qu’on trouve cette observation dans l’appendice de la version Emphasised Bible, par J. Rotherham (p. 271) : “ Dans cette édition, le mot parousia est uniformément rendu par ‘ présence ’ (le mot ‘ venue ’ pour représenter ce terme-là a été écarté). [...] Son sens de ‘ présence ’ est si nettement [établi] par son opposition avec ‘ absence ’ [...] qu’on se demande tout naturellement : pourquoi ne pas le traduire toujours ainsi ? ”
La parousia de Jésus n’est pas seulement une venue ponctuelle suivie d’un départ rapide, mais bien une présence qui dure un certain temps ; c’est ce qui ressort également des paroles du Christ rapportées en Matthieu 24:37-39 et en Luc 17:26-30. Dans ces textes, il compare les “ jours de Noé ” à “ la présence du Fils de l’homme ” (aux “ jours du Fils de l’homme ” dans le récit de Luc). Jésus ne limite donc pas sa comparaison à la venue du déluge, moment ultime durant les jours de Noé, bien qu’il montre que sa “ présence ” à lui, ses “ jours ”, se terminera de façon semblable. Puisque les “ jours de Noé ” durèrent un certain nombre d’années, il y a de bonnes raisons de croire que “ la présence [les “ jours ”] du Fils de l’homme ” prédite durerait aussi un certain nombre d’années et se terminerait par la destruction de ceux qui n’auraient pas prêté attention à la possibilité qu’on leur aurait offerte de rechercher la délivrance.
https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/1200003548
"De plus, aux jours du Fils de l’homme, les choses se passeront comme à l’époque de Noé : les gens mangeaient et buvaient, les hommes se mariaient, les femmes étaient données en mariage, jusqu’au jour où Noé est entré dans l’arche ; et le Déluge est venu et les a tous détruits. Ce sera aussi comme aux jours de Loth : Les gens mangeaient, ils buvaient, ils achetaient, ils vendaient, ils plantaient, ils construisaient. Mais le jour où Loth est sorti de Sodome, une pluie de feu et de soufre est tombée du ciel et les a tous détruits. Ce sera pareil le jour où le Fils de l’homme sera révélé" (Luc 17:26-30 - TMN).
"Durant la présence du Fils de l’homme, les choses se passeront comme à l’époque de Noé. Avant le Déluge, les gens mangeaient et buvaient, les hommes se mariaient et les femmes étaient données en mariage, jusqu’au jour où Noé est entré dans l’arche ; et ils n’ont pas été attentifs, jusqu’à ce que le Déluge vienne et les emporte tous. Il se passera la même chose durant la présence du Fils de l’homme" (Matthieu 24:37-39 - TMN).
La Watch semble ne pas comprendre que les textes ci-dessus désignent l'"avènement final" du Fils de l'homme exerçant un pouvoir "judiciaire", qui n'est pas à confondre avec sa présence/absence avec ses disciples. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La parousia Mer 15 Mai 2024, 16:02 | |
| N.B.: J'ai rajouté un dernier paragraphe à mon post précédent. Ce qui a manqué à la Watch depuis le début (Russell & Co.), ce n'est pas tant la connaissance académique des langues anciennes qu'une réflexion sur la langue en général, réflexion qui est en principe accessible à quiconque parle et pense, mais en réalité très mal partagée. Ce n'est pas parce que certains textes (Matthieu, 1 Corinthiens 15, 1--2 Thessaloniciens etc., cf. supra 25.10.2011) utilisent la parousia comme un terme (quasi-)technique que tous le font -- ce qui rend dérisoire d'expliquer le terme (quasi-)technique de Matthieu par Luc qui ne l'emploie jamais. Quant au sens (quasi-)technique du mot, on ne peut précisément plus l'expliquer par le sens ordinaire (présence vs. absence, soit le substantif correspondant à l'usage banal, anodin, non "technique", du verbe pareimi, être présent, être là). Quand on s'imagine que n'importe quel texte peut s'expliquer par n'importe quel autre sous prétexte qu'ils sont "bibliques", on aboutit, sans surprise, à n'importe quoi... La meilleure réfutation n'est ni exégétique, ni philologique, ni linguistique: la "parousie" sauce Watchtower dure désormais depuis 110 ans, plus elle dure et moins elle se distingue de toute l'histoire qui la précède. On peut évidemment en dire autant du christianisme en général, conçu théologiquement comme "temps de la fin", de l'Eglise et du Saint-Esprit, depuis près de 2000 ans, sans que ça ait changé sensiblement la nature ou la qualité de "l'histoire" de l'avant à l'après Jésus-Christ... Du point de vue de l'interprétation des textes, en revanche, les enjeux sont considérables, comme on l'a souvent remarqué (p. ex. au sujet de " l'esclave fidèle et avisé" de Matthieu 24): si ce qui a été toujours lu au futur (p. ex. la venue du Maître) est soudain compris au passé (1914 etc.), alors tout devient possible, y compris les revendications exorbitantes d'autorité de telle ou telle institution ("classe" devenue "collège") qui se comporte comme si elle avait déjà reçu l'aval du "Maître" eschatologique. Raison supplémentaire (outre le coup de poker de "1914" devenu miracle fondateur, ça marche toujours) pour ne pas y renoncer. Mais ce faisant, on choisit d'interpréter les textes d'un point de vue qui n'est plus celui de l'auteur ni des destinataires initiaux -- ce que toute lecture fait sans doute inconsciemment devient là une "méthode" délibérée de perversion de la lecture. P.S.: Je me suis souvenu que nous avions aussi beaucoup parlé du "retard de la parousie" (avec ou sans ce mot dans son usage "technique") dans ce fil-ci, commencé en 2018 -- soit après les deux fils consacrés au mot parousia. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La parousia Ven 17 Mai 2024, 11:05 | |
| « Pour que le jour ne vous surprenne pas comme un voleur » Temps et apocalypse Knut Backhaus,
3. Comme l’hôte à un repas : la proximité
Depuis ce qu’a fait le Christ, l’attente des fins dernières vit sous le signe d’une proximité accomplie. C’est pourquoi elle tend à se supprimer ponctuellement d’elle-même. C’est là que réside la force du message du Christ sur les fins dernières (Marc 1, 15) : le royaume de Dieu n’est ni encore accompli, ni retardé. Il est présence dans la dynamique de ce qui vient. La fine pointe des paraboles sur la semence du royaume de Dieu qui germe se situe à cet endroit : Dieu fait advenir sa royauté ici et maintenant. Dans le rayonnement exercé par Jésus, les fins dernières se réalisent déjà et ouvrent en même temps la perspective d’un accomplissement. Pour les premiers chrétiens la résurrection et l’ascension du Christ ne sont pas seulement les conditions d’une parousie imminente, mais la possibilité de vivre une proximité personnelle avec lui. La conscience que le chrétien a du temps l’entraîne dans l’espace même de Dieu.
Encore une fois, c’est dans l’Apocalypse de saint Jean que ce phénomène apparaît le plus nettement. Certes, elle développe une vision tournée vers le futur, mais l’attente de la fin est à ce point « sous tension », que cette fin jaillit comme un éclair au milieu des croyants. Dans le texte à l’Église de Laodicée, l’annonce du futur laisse transparaître la communauté réalisée dans l’instant. L’image du voleur dans la nuit se retourne en son contraire apaisé :
Voici que je me tiens à la porte et que je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi » - (Apocalypse 3, 20).
De plus, la supplication pleine de désir du verset final demandant la venue du Seigneur forme un contraste avec la présence toute puissante de Celui qui a été élevé aux cieux et qui rencontre le visionnaire, depuis le début, « les yeux dans les yeux ». Il ne s’agit pas ici d’une eschatologie « terminée », « réalisée » ou « qui concerne le futur », mais d’une eschatologie qui se réalise à nouveau ici et maintenant. Elle ne remet pas l’aujourd’hui au lendemain, mais lui donne toute sa noblesse dans la lumière de son accomplissement. La fin de l’Apocalypse de Jean devrait pouvoir être expliquée par l’intermédiaire de la célébration liturgique, sur laquelle débouchent ces cycles de visions. Cette même oscillation entre la perspective de la fin des temps et celle de la présence réelle est devenue le signe caractéristique du repas du Seigneur. Le temps ne se prolonge pas en vue de l’éternité : l’éternité pénètre dans le temps. La présence devient symbole réel de la proximité de Dieu, elle devient sacrement.
Le croyant reçoit ainsi un nouveau terrain d’expérience de la fin des temps : c’est le jour qui nous est donné ici et maintenant, le centre existentiel du temps. Juste après la demande de la venue du royaume de Dieu, Jésus nous a donné celle de notre ration de pain quotidienne. Dans le sermon sur la montagne, chaque jour qui nous est donné devient digne d’être le champ où s’accomplit le royaume de Dieu et de Sa justice (Matthieu 6, 33-34). L’Évangéliste le plus ancien, narrateur aussi simple qu’inspiré, donne par anticipation un programme que l’histoire de la littérature devrait écrire, en décrivant la mise en œuvre immédiate, après l’annonce de la venue du royaume de Dieu, de l’effet de cette venue dans l’unité narrative « d’une journée à Capharnaüm ». Si l’on connaît un seul de ses jours, on sait ce qu’une vie signifie (Voir Marc 1, 16-36).
https://www.cairn.info/revue-communio-2017-1-page-39.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: La parousia Ven 17 Mai 2024, 12:06 | |
| Malgré sa tonalité apologétique, parfaitement inutile à mon sens, cet article montre utilement comment l'"eschatologie" et l'"apocalyptique" -- qui ne sont pas à confondre -- sont des sources intarissables d'inspiration, aussi bien "historiques" qu'"existentielles" ou "psychologiques", théologiques, philosophiques ou littéraires, à condition d'être ré-interprétées. C'est surtout là-dessus que portait l' autre fil, plus "philosophique" si l'on veut, bien qu'il ne s'agisse que de différents aspects de la même "chose" -- qui est aussi " le temps". On n'a pas pour autant besoin de faire de l'eschatologie LA source originelle, première et unique, DU christianisme dans son ensemble. Comme le judaïsme de la fin du Second Temple, les proto-christianismes ont été dès l'origine partagés et traversés par des tendances "eschatologiques" et "non-eschatologiques" (ou d'"eschatologies" non "réalistes" ou "futuristes"), ainsi qu'en témoigne un examen plus différencié des textes du NT qui ne se laissent pas ordonner en une "évolution" linéaire, fût-elle arborescente. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: La parousia Ven 17 Mai 2024, 12:44 | |
| Mystère pascal et Parousie. L'importance sotériologique de la présence du Christ François-Xavier DURRWELL p. 253
5. — Saint Paul situe la parousie dans l'avenir ; il réserve le nom à la venue en son ultime manifestation. Il connaît pourtant une présence actuelle du Ressuscité et l'avènement dernier lui-même n'est pas sans rapport avec la résurrection.
Le Christ ressuscité est devenu le Kyrios du fait de sa résurrection : « Si tu professes de ta bouche que Jésus est Seigneur et si tu crois dans ton cœur que Dieu l'a ressuscité des morts... » (Rm 10, 9). Or «le titre Seigneur désigne le Christ de la parousie dans sa majesté et sa gloire » 3e. « Le Jour du Seigneur » (cf. p.ex. 1 Th 5, 2), jour de la seigneurie pascale, n'est autre que la parousie ; « le Seigneur c'est celui qui vient, celui qu'on implore Marana tha ! ». Le texte de 2 Th 2, 14 a conservé la connexion primitive entre gloire et Kyrios comme entre deux concepts eschatologiques. On a le droit d'en conclure : « Lorsque le titre Seigneur est employé à propos de la résurrection, Paul conçoit la résurrection du Christ dans le cadre de la parousie » ; « la mention de la gloire à propos de la résurrection rattache étroitement celle-ci à la parousie ». L'hymne de Ph 2 qui chante l'exaltation pascale du Christ est aussi bien la description de sa gloire parousiaque, de la soumission eschatologique à sa seigneurie (cf. aussi Ep 1, 19-23).
Il est vrai, certaines formules naïves permettraient de comprendre la parousie comme une descente sur la terre et comme un événement de pur avenir : «Vous vous êtes convertis... pour attendre des cieux son Fils... Le Seigneur descendra du ciel» (1 Th 1, 9 s.; 4, 16). Pour ces deux raisons, on pourrait croire que la parousie est, pour saint Paul, entièrement distincte de la résurrection-exaltation, qu'elle se fera même à rebours de l'exaltation.
En réalité c'est l'idée même d'exaltation qui suggère à l'Apôtre l'image d'un Christ venant des cieux à la rencontre de ses fidèles. Celui-ci ne quitte cependant pas les cieux 41, c'est « nous » qui « serons emportés sur les nuées à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur» (1 Th 4, 17). Où serons-nous avec lui ? Là où il est comme Seigneur, dans les cieux. Même dans cette description naïve, le Christ vient vers les disciples en les élevant vers lui.
La parousie n'est pas davantage un événement de pur avenir, même dans les textes cités. Le Jour surprendra les hommes comme un voleur dans la nuit, mais les fidèles déjà ne vivent plus dans les ténèbres (1 Th 5, 4 s.) : pour eux luit le Jour qu'ils attendent. Rm 13, 12 offre ce même paradoxe du Jour très proche de la parousie à la lumière duquel déjà vivent les fidèles. L'épiphanie du Christ est à la fois objet d'expérience et d'espérance : « Le Christ parmi vous, espérance de gloire» (Col 1, 27). L'Eglise sait que, dans la mort du Christ, le monde est dès maintenant dans son trépas (Ga 6, 14 ; cf. 1 Co 7, 31), que la justice eschatologique est à l'œuvre pour le salut du croyant (Rm 1, 16 s. ; 3, 24-26) et que « la colère à venir » (1 Th 1, 10) s'amasse sur qui est rebelle à la justice (Rm 2, 5).
En somme l'Apôtre dit en langage plus théologique ce qui, dans les Actes (3, 26), s'exprime par l'image de l'envoi : «Pour nous» il fut ressuscité (2 Co 5, 15) ; « pour notre justification il fut ressuscité » (Rm 4, 25) ; il est rempli de la justice de l'Esprit, afin d'être « pour nous justice de Dieu » (1 Co 1, 30). Selon Ep 1, 19-22, l'action ressuscitante de Dieu se concentre et culmine dans le don que Dieu fait du Christ à l'Eglise ; elle est à la fois exaltation et donation et présence à l'Eglise. Parce que le Christ vient aux hommes par la résurrection, l'épître aux Hébreux pourra dire (2, 9) : grâce à sa glorification « c'est pour tout homme qu'il a goûté la mort. »
II est dans la nature même du Kyrios d'être proche : « Le Seigneur est proche» (Ph 4, 5). D'être même présent : c'est un fait reconnu que les formules in Christo et Christiis m nobis concernent toujours le Christ de gloire ; l'exaltation céleste le rend présent.
La vie de l'Eglise, telle que l'Apôtre la décrit, est le signe peut-être le plus expressif du caractère parousiaque de la résurrection. Nous considérons d'ordinaire la pâque du Christ et sa parousie comme les deux pôles extrêmes de l'Eglise ; la première serait seule principe de l'Eglise et n'appartiendrait qu'au passé ; l'autre serait seule le terme où se consomme le mystère de l'Eglise. Or l'Eglise se porte avec une égale vigueur vers ces pôles de son histoire. Jusqu'au dernier jour elle monte à sa source, puisant la vie dans la pâque de son Seigneur, soumise avec lui à la même action de Dieu qui, dans la mort, le ressuscite Fils de Dieu : elle est l'Eglise, elle est et sera sauvée, parce qu'elle est, et sera en plénitude, un corps avec lui dans le partage de sa pâque. En même temps, elle aspire à la parousie, sûre d'y trouver ce même salut, cette même résurrection des morts dans la communion au Christ. Elle n'est pas distendue par cet effort vers des extrêmes apparemment opposés, elle y tend par un mouvement unique. Car unique est le salut qu'elle cherche, ce mystère de communion au Christ, dans le partage de sa pâque, par quoi elle est l'Eglise. Unique est donc le principe de son salut ; c'est en montant vers la source que l'Eglise atteint son terme : le Christ est à la fois pascal et parousiaque.
La présence actuelle du Christ dans l'Eglise et la puissance divine qui, dès aujourd'hui, vivifie l'Eglise en même temps qu'elle ressuscite le Christ, ne sont pas aux yeux de l'Apôtre une anticipation de la parousie à venir. L'Ecriture ne connaît pas d'anticipation du futur, tout comme elle ignore une reprise du passé dans le présent : l'Eglise vit le moment présent qui, pour elle, est le temps du salut (2 Co 6, 2). Elle vit aujourd'hui dans le Christ à la fois pascal et parousiaque, enracinée aujourd'hui en celui qui est son avenir, jusqu'au jour où elle sera pleinement assumée dans celui qui depuis toujours est son principe, le Christ pascal et parousiaque.
Cette unité profonde du mystère n'apparaît pas toujours à la surface des textes pauliniens. Le Christ pascal a des attaches dans le passé : dans le temps terrestre qu'il a quitté par sa mort quand Ponce Pilate était procurateur romain, dans le temps des premiers apôtres auxquels il est apparu. L'Eglise surtout est impliquée dans le temps ; elle va, en chaque fidèle, d'un début de rencontre avec le Christ pascal et parousiaque vers la plénitude de cette rencontre. L'esprit, celui de saint Paul comme le nôtre, est de ce fait porté à scinder l'unique mystère : il relègue dans le passé la mort du Christ, sa résurrection et ses apparitions, et projette la parousie dans l'avenir, parce que c'est dans l'avenir que le mystère de mort, de résurrection et d'apparition s'étendra entièrement sur l'Eglise.
https://www.nrt.be/es/articulos/mystere-pascal-et-parousie-l-importance-soteriologique-dela-presence-du-christ-1227
Dernière édition par free le Ven 17 Mai 2024, 14:19, édité 2 fois |
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