| | Exorcisme et Démons | |
| | |
Auteur | Message |
---|
free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Sam 20 Mar 2021, 22:49 | |
| Jésus pourtant a chassé le diable ?
Il ne faut pas confondre le diable et les démons possesseurs. Le diable est la figure de la séduction. Il est brillant (pensez à l’étymologie du mot Lucifer : ''porteur de lumière''). Véritable anti-logos, il connaît et cite les Écritures. Il suggère des choses qui semblent logiques. C’est le cas lors des tentations de Jésus. C’est le cas avec le serpent des origines qui est diabolique et non démoniaque. Jésus le vainc en faisant référence au Père. En ce qui concerne les démons, Jésus les chasse, mais ne pratique pas d’exorcisme dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui, avec conjuration et lutte contre les démons. Les Évangiles montrent la force tranquille de Jésus sur les puissances du mal. Notons par ailleurs que le verbe ''exorciser'' se trouve deux fois seulement dans les Évangiles. En Marc 5,7, le possédé ''adjure'' (verbe horkizô) Jésus pour qu’il ne le tourmente pas et les démons implorent Jésus pour pouvoir sortir de l’homme et se réfugier dans un troupeau de cochons : c’est un anti-exorcisme ! En Matthieu 26,63 le Grand Prêtre ''adjure'' (verbe exhorkizô) Jésus de dire s’il est le Christ, le fils de Dieu. Puis il se comporte comme un possédé en gesticulant et en déchirant ses habits. Les Évangiles ne manquent pas d’humour… qualité totalement absente dans la démonologie d’aujourd’hui ! https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/310.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Sam 20 Mar 2021, 23:01 | |
| @lct:
Le soufflé ("Q") n'est pas retombé pour tout le monde, loin de là: il est d'ailleurs symptomatique que, des deux grandes "théories des sources" élaborées par la "critique savante" au XIXe siècle, celle qui concerne l'AT (la théorie documentaire du Pentateuque, J-E-D-P), après avoir été maintes fois remaniée et compliquée, se soit presque complètement effondrée dans le dernier quart du XXe siècle, du moins en Europe (elle est toujours vivace dans certains milieux universitaires américains), alors que celle qui porte sur le NT (la théorie des deux sources principales des Synoptiques, Marc + Q) a été beaucoup moins remise en question (et plutôt moins en Europe qu'en Amérique). Cela tient sans doute à pas mal de choses: les problèmes textuels et littéraires de la Torah et des Synoptiques sont bien sûr complètement différents, la "théorie des sources" synoptiques avait été plus largement acceptée parce qu'elle gênait moins les conservateurs, etc.; mais il y a aussi, je crois, une tendance générale des biblistes, en grande majorité chrétiens, à se montrer nettement moins audacieux sur le NT que sur l'AT, et à répéter des schémas traditionnels (même s'il s'agit en l'occurrence de traditions modernes) plutôt qu'à reposer les questions à nouveaux frais. Prudence et paresse vont souvent de pair.
---
Pour revenir à nos moutons (démons, cochons), il faut peut-être rappeler que dans les traditions dites "intertestamentaires" et notamment "hénochiennes" (1 Hénoch, Jubilés, etc.) l'origine des "esprits impurs" est associée aux développements des récits du déluge: il ne s'agit pas des "fils de dieu" (anges, veilleurs, etc.) déchus et emprisonnés (aussi dans Jude et 2 Pierre) mais des "esprits" (comme nous dirions les "âmes") de leur descendance divino-humaine (Nephilim, géants), qui auraient été en partie laissés libres pour tourmenter ou châtier les humains -- ce qui peut expliquer en partie l'association aux tombeaux (il y a quelque chose du "revenant" dans ces "esprits"-là) et l'histoire de la noyade en Marc 5//, bien que dans les traditions hénochiennes les géants ne meurent pas forcément par l'eau. De même, le rapport des "esprits impurs" aux "régions arides" que suppose Matthieu 12,43ss// est traditionnel: les rares "démons" de l'AT sont associés au désert et aux ruines (Isaïe 13,21; 34,14; cf. les "djinns" ou "génies" des légendes arabes). Enfin, l'identification suggérée par les Synoptiques entre le "prince des démons" alias "Belzéboul/t" (d'une déformation d'un Baal-zeboul qui n'a rien de "démoniaque") et le "diable" (Satan, Béliar/l, Mastéma, Samaël, Satanaël, etc.) est probablement secondaire: comme on l'a indiqué plus haut, "diable" et "démons" ne sont pas à confondre, celui-là relève surtout de la "théo-logie", en particulier de la "théodicée", de la nécessité théorique de dédouaner "Dieu" du "mal"; ceux-ci relèvent du "phénomène" et de la "pratique" exorciste populaire associée aux guérisons miraculeuses; ils ne sont pas du même monde, si l'on peut dire, et ils n'ont pas non plus la même "fonction": comme on sait, le "diable" a évolué du rôle du satan procureur de Yahvé (Job, Zacharie) à celui d'ennemi de Dieu et/ou de tentateur des hommes, tandis que les "démons" sont surtout pour ces derniers cause de souffrance et éventuellement instruments de châtiment divin -- ce qui rejoint le post de free arrivé entre-temps (revoir éventuellement ceci sur l'ensemble du sujet). |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Lun 22 Mar 2021, 11:05 | |
| Jésus parle — et cela étonne à première vue — souvent des démons ; qui plus est, il leur parle lorsqu’il effectue ses exorcismes. Mais son but est principalement thérapeutique. Son comportement apparaît en cela sur-tout « humanitaire », tout en étant marqué par une préoccupation théologique. Car c’est au nom du règne de Dieu qui vient qu’il s’oppose dans le même élan à la maladie et au Mal, aux facteurs pathogènes et au péché. Ce sont à ses yeux deux forces d’opposition au salut annoncé et apporté ; il ne les confond nullement, mais il ne les sépare pas non plus au niveau de son action. Souvent il apporte en même temps le pardon de Dieu et la délivrance d’un mal physique, psychique ou d’ordre social]. Mais il s’écarte délibérément d’une tradition religieuse qui rend le malade, l’opprimé ou encore ses ascendants moralement responsables du mal subi (cf. Jn 9, 3). On peut supposer en vertu de plusieurs indices que si le Nazaréen a repris à son compte les figures conjointes du diable et des démons, telles qu’elles existaient dans la piété juive de son temps, il l’a fait dans l’optique d’un salut intégral, donc apportant la santé aussi bien que la sainteté sous l’égide de la « nouvelle création ». Plus le salut est en marche, plus l’association du Mal et des maux doit être rompue, plus la mythologie de Satan et de ses « collaborateurs », les démons, réduite. La « démythisation » entreprise par Jésus est essentiellement opérationelle et non théorique ou linguistique. Un signe de ce processus de réduction eschatologique du « Diable et de ses anges » est rapporté en Lc 10, 18 : « Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair ». Cette parole visionnaire est prononcée à un moment où les disciples remportent leurs premiers succès antidémoniaques en rendant la santé à des malades. Mais l’opposition au Royaume et donc au salut intégral ne cesse pas pour autant. Elle continue au sein de la communauté et s’en prend même à la foi de Simon Pierre et à celle des autres disciples (cf. Lc 22, 31). Cette indication équivaut à un aveu de fragilité de l’Église primitive au niveau même de son gouvernement apostolique. L’association de Pierre avec le Malin s’exprime aussi en Mt 16,23 : « Passe derrière moi, Satan, tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes ». https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2001-4-page-511.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Lun 22 Mar 2021, 12:11 | |
| En matière (si l'on peut dire) d'"esprits" ou de "démons", "Jésus" ne dit et ne fait pas du tout les mêmes choses d'un évangile à l'autre, et un théologien catholique européen pétri de "sciences humaines" n'en parle pas non plus comme un pasteur pentecôtiste latino-américain (p. ex.): sur un tel sujet, les différences sociales et culturelles sont déterminantes, c'est une affaire de "milieu" encore plus que de lieu ou d'époque, et entre ceux qui "y croient" et ceux qui "n'y croient pas" il n'y a guère de dialogue possible qu'un dialogue de sourds, quelles que soient les précautions diplomatiques qu'on y met de part et d'autre -- c'est ce sur quoi j'avais cru bon d'insister en introduction de mon article (lien ci-dessus): malgré tous ses efforts, une "dissertation savante" sur une croyance et une pratique "populaires" n'atteindra jamais son "sujet", elle ne peut que le remarquer en marquant les limites de sa "situation" et son "point de vue" propres. Cela ne sert probablement pas à grand-chose, mais c'est moins violent que le rapport frontal de l'"inquisition" (savante et exclusivement masculine) à la "sorcellerie" (populaire et majoritairement féminine) hérité de la fin du moyen-âge, dont l'université moderne garde toujours quelque chose, même quand elle se fait plus condescendante.
Pour le lecteur du NT il n'est pas difficile de remarquer qu'à l'égard de l'exorcisme "brut" de Marc tous les autres évangiles prennent leurs distances, des distances différentes et dans des directions différentes: les gestes et les formules "magiques" s'effacent chez Matthieu au profit d'une "parole" souveraine, les exorcismes se confondent avec les guérisons dans une perspective de commisération condescendante dans Luc-Actes (ce qui a contribué au succès de la tradition qui fait de l'auteur un médecin, en l'appelant Luc d'après une notice de Colossiens; le rédacteur en tout cas affiche son "éducation"), tout cela est ignoré ou traité avec ironie dans le quatrième évangile... je ne suis pas certain d'ailleurs que Marc soit à lire au "premier degré", mais au moins à ce "degré"-là il joue mieux le jeu. |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Lun 22 Mar 2021, 12:36 | |
| "Jésus lui répond : C'est celui pour qui je tremperai moi-même le morceau et à qui je le donnerai. Il trempe le morceau, le prend et le donne à Judas, fils de Simon l'Iscariote. C'est alors, après le morceau, que le Satan entra en lui. Jésus lui dit : Ce que tu fais, fais-le vite" (Jean 13,26-27).
"Alors Satan entra en Judas, celui qu'on appelle Iscariote et qui était du nombre des Douze" (Luc 22,3).
Ces textes laissent à penser que Judas est possédé par Satan, ce qui impliquerait, dans une certaine mesure, une culpabilité moindre (ce n'est pas lui qui agissait mais Satan qui avait pris possession de son corps). Un possédé est-il responsable de ses actes ou est-il une marionnette ? ("Pendant le dîner, alors que le diable a déjà mis au cœur de Judas, fils de Simon Iscariote, de le livrer" - Jean 13,2)
En Jean 6,70 il est affirmé : "Jésus leur répondit : N'est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous, les Douze ? Pourtant l'un de vous est un diable".
Un extrait :
Une « logique du mal » Un élément commun du récit de la trahison est la référence à Satan ou au diable. Jean écrit : « Alors que déjà le diable avait inspiré à Judas Iscariote l’intention de le livrer » (Jn 13, 1), « après la bouchée, Satan entra en lui » (Jn 13, 27). « Quand Judas eut pris la bouchée, il sortit aussitôt. Il faisait nuit » (Jn 13, 30). Pourquoi cette précision de Jean ? Afin de marquer que Judas appartient au royaume des ténèbres, ce qui a une dimension non pas morale (il s’agirait de souligner la noirceur de l’âme de Judas), mais strictement théologique. En effet, l’écrit johannique considère que Jésus est venu établir le Royaume de Dieu : sa mission ne concerne pas seulement le salut de quelques âmes mais consiste à instaurer une nouvelle ère « dans la joie, la paix et la présence de Dieu », ce que les Pères de l’Église appellent la communion des saints. Celle-ci est due à l’interaction des éléments qui constituent un corps, le « Christ total », selon l’expression patristique.
Le règne de Dieu s’oppose à la « puissance des ténèbres », à la force de celui que Jean appelle « le Prince de ce monde », expression qui désigne une solidarité inverse de celle qu’instaure la venue du Christ ; cette image est du reste présente lorsque Jésus dit, lors de son arrestation : « C’est votre heure et la puissance des ténèbres » (Lc 22, 53). Cette puissance est celle de Satan, nom hébreu qui dit l’adversaire, l’ennemi, la puissance de la haine et de la destruction. On l’appelle aussi diable, nom grec qui signifie le diviseur, celui qui sépare, met en pièces et rend la vie anarchique. Une même logique du mal est ainsi à l’œuvre à l’intérieur même du récit qui conduit au salut du monde.
Ainsi, la mise à l’épreuve de Judas lors de la Cène peut être interprétée par rapport au sacrifice qui y a été solennellement inauguré. Au don partiel de la bouchée par le Christ à Judas, don alimentaire à consommer devant tous les disciples, répond le « don » entier (au sens où l’on « donne » quelqu’un) de Judas – don alimentaire également dans une certaine mesure, puisque, par le miracle de la transsubstantiation, c’est le corps même du Christ qui va être consommé et sacrifié pendant la Cène. Désigné par un morceau de la nourriture des apôtres, Judas a livré le Christ tout entier à la « convivialité universelle des fidèles ». On voit là comment le dépassement du plan alimentaire – autrement dit, substantiel – préfigure le mystère eucharistique : à ceci près que, pour Judas consommant sa bouchée, ce n’est pas le corps du Christ qu’il consomme et avec lequel il s’identifie (au contraire des onze autres apôtres), mais avec son contraire, avec le diable. En prenant ainsi la bouchée offerte par Jésus, Judas a ouvert la bouche et, par cette béance, fait entrer le diable en lui : d’une certaine manière, Judas légitime la parole du Christ par le fait même de sa trahison. À ce titre, Jean montre bien le double effet immédiat de cette absorption : « Satan entre [en lui] ; Judas sort [de la pièce]. »
Ainsi, Jésus lui donne-t-il le mal en ce sens qu’il détache de son corps un condensé de celui-ci – ce qui fait que son corps reste désormais totalement pur, et peut être donné comme eucharistie « pour les siècles des siècles » –, Judas ayant assumé d’incorporer, et donc d’incarner, la partie « mauvaise » de ce corps. Il y a peut-être là comme une cérémonie de clivage au sens kleinien du terme : Jésus scinde en deux son ambivalence, sa dualité pulsionnelle, confie à un disciple consentant la partie mauvaise, et assume la « bonne » (« Dieu est amour »), assomption qui, en l’occurrence, conduit malgré tout l’ « agneau de Dieu » à l’autel du sacrifice. https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2008-4-page-955.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Lun 22 Mar 2021, 14:07 | |
| En mélangeant les quatre évangiles et en saupoudrant de psychanalyse, on peut leur faire dire beaucoup de choses. Mais ce qu'on ne trouvera guère dans la Bible, tous testaments et livres confondus, c'est le concept même du "mal" qui sert de réceptacle à tout ce bric-à-brac et lui donne un semblant d'unité: LE Mal substantivé avec article défini, avec ou sans majuscule, l'abstraction commode qui réunirait le diable, les démons, le péché de la tradition judéo-chrétienne avec tous les torts causés ou subis d'un point de vue "moral", rationaliste ou humaniste, ce "mal" passé de la théologie médiévale à la modernité, en particulier par Kant et son "mal radical", n'apparaît nulle part tel quel dans les textes "bibliques" (sauf à prendre poneros pour un neutre, dans le Notre Père p. ex.: "le mauvais", entendu comme "le mal" plutôt que comme "le Malin", mais ce n'est pas la lecture la plus vraisemblable), bien que nous croyions en avoir besoin pour les traduire ou les trahir.
En ce qui concerne le quatrième évangile (qui ne comporte aucun exorcisme, où le seul "démoniaque" serait Jésus lui-même d'après le jugement de la foule, équivalent d'ailleurs à la "folie", cf. 7,20; 8,28ss; 10,20s), la référence au "diable" ou à "Satan" est construite de façon fort contradictoire: le diabolos en 6,70 (un des Douze EST [un] "diable", sans article, indéfini ou attribut) intervient en réponse à la "confession" de Simon Pierre (comme le "derrière moi Satan" des Synoptiques, qui s'adresse à Pierre, Marc 8,27ss//); c'est seulement le narrateur ou le glossateur du v. 71 qui l'applique à Judas fils de Simon (!) Iscariote; le "diable" n'apparaît ensuite qu'en 8,44, comme "Père" des "juifs" (cf. 1 Jean 3,8ss), puis en 13,2 en rapport avec Judas toujours fils de Simon Iscariote (il n'EST pas Judas, il lui met la "livraison" ou trahison au coeur); enfin seulement "(le) Satan" (qui n'apparaît nulle part ailleurs) entre en Judas dans une parodie de la Cène (13,27) qui est aussi une scène de simili-possession ("Satan" est ici traité comme un vulgaire "démon" qui entre dans quelqu'un, à la façon des "esprits impurs" de Marc). Je ne saurais dire quelle "leçon" en tirer, mais il faut être attentif à tous ces détails avant de (ne pas) les mélanger à d'autres énoncés sur "le diable", "Satan", "les démons" et a fortiori "le mal"... |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Lun 22 Mar 2021, 16:09 | |
| "Jean lui dit : Maître, nous avons vu un homme qui chasse les démons par ton nom et nous avons cherché à l'en empêcher, parce qu'il ne nous suivait pas. Jésus répondit : Ne l'en empêchez pas, car il n'y a personne qui puisse parler en mal de moi tout de suite après avoir fait un miracle en mon nom. En effet, celui qui n'est pas contre nous est pour nous" (Mc 9,38-40).
"Quelques exorcistes ambulants, des Juifs, entreprirent de prononcer sur ceux qui avaient des esprits mauvais le nom du Seigneur Jésus, en disant : Je vous conjure par Jésus, celui que Paul proclame ! Il y avait sept fils d'un certain Scéva, un des grands prêtres juifs, qui faisaient cela. L'esprit mauvais leur répondit : Jésus, je le connais, et je sais bien qui est Paul ; mais vous, qui êtes-vous ? Et l'homme dans lequel était l'esprit mauvais se jeta sur eux, prit l'avantage et les battit tous avec une telle force qu'ils s'enfuirent de cette maison nus et blessés. Cela fut connu de tous ceux qui habitaient Ephèse, Juifs et Grecs ; la crainte s'empara d'eux tous, et le nom du Seigneur Jésus était magnifié" (Act 19,13-17)
Dans les deux textes de individus pratiquent l'exorcisme au nom de Jésus, chez Marc Jésus accepte que des personnes qui ne le suivant pas puissent utiliser son nom pour chasser des démons mais en Actes les sept fils de Scéva sont battus et violentés par l'homme qui était possédé. L'esprit mauvais semble punir les sept fils de Scéva d'avoir usurpé une fonction d'exorciste au nom du Seigneur Jésus à laquelle ils n'avaient pas droit. Ironiquement, l'esprit mauvais accepte d'être chassé uniquement par les personnes autorisées et dument mandatées. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Lun 22 Mar 2021, 16:56 | |
| Matthieu omet l'épisode de Marc 9,38ss, Luc l'abrège et le modifie considérablement (selon les leçons habituellement retenues, il ne nous suivait pas -> il ne suit pas avec nous; abandon de l'argument ironique intermédiaire, "car personne ne va dire du mal de moi après avoir fait un miracle en mon nom"; contre/pour nous -> vous). Du point de vue de l'ensemble Luc-Actes, dominé par le schéma (pseudo-)"historique" (au sens de l'"histoire sainte" ou "du salut") et chronologique, on peut comprendre que ce qui "marchait" avant ne "marche" plus après, comme pour le "baptême de Jean" dans la péricope précédente (Actes 19,1ss), bien que ce ne soit probablement pas cette perspective-là qui a présidé aux premières rédactions de "Luc". Dans les Actes, l'épisode rappelle d'une part le "sommaire" des miracles de Pierre, 5,12-16, d'autre part les autres "imposteurs" (Simon au chap. 8 par rapport à Pierre, Bar-Jésus / Elymas au chap. 13 par rapport à Paul). C'est bien l'habilitation par "les apôtres" et "l'Eglise" qui est le critère déterminant, contrairement au texte évangélique (surtout dans sa version marcienne). |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Mar 23 Mar 2021, 12:25 | |
| 16 Dans le traité talmudique Sanhédrin, la magie démonologique, interdite aux membres de la communauté par le décret promulgué dans le Deutéronome (18 :10-12), n’est pas retenue au nombre des formes les plus graves de sorcellerie, passibles de condamnation à mort par lapidation. Les rites magiques ne sont pas considérés comme des actions criminelles en tant que telles, et l’interdiction concerne plutôt ceux qui se sont souillés par des comportements blasphématoires ou idolâtres, ainsi que les sorcières. Ce qui est en question est moins l’essence de la magie que la nature du mage. Les pratiques magiques et exorcistes deviennent acceptables dès lors qu’elles sont exercées par des figures estimables et dignes du fait de leur respect des commandements et de la Loi. La rédaction et la diffusion de formules et amulettes pour éloigner les esprits sont recommandées dans les sources rabbiniques, à partir du moment où elles sont composées et préparées par des « experts » : elles ne doivent donc pas être considérées comme l’expression d’une marginalité ou d’une hétérodoxie par rapport à la culture dominante. Les membres du tribunal rabbinique ont le droit d’étudier la magie dans le but de pouvoir distinguer les arts magiques licites et illicites ; de plus, des personnages faisant autorité dans les récits talmudiques (·Hanina Ben Dosa, Shimon Ben Yokhai, etc.) sont impliqués personnellement dans la pratique d’exorcismes et de miracles.
50 Pour terminer, je souhaite présenter deux exemples de fragments de la Genizah conservés à la Bodleian Library d’Oxford qui n’ont pas encore reçu une attention particulière. Le premier est le manuscrit Heb. 61, ff. 40-4182, qui porte un long rituel pour lutter contre les démons et les esprits malfaisants, mais dont l’objectif n’est pas indiqué de manière explicite : le fragment pourrait être autant l’introduction à un traité de démonologie qu’un texte d’instruction à l’intention des mages, une propédeutique en vue de l’acquisition de pouvoirs surnaturels et exorcistes.
51 Les premières lignes commencent par une référence à l’origine céleste des démons et à la nécessité d’en connaître la descendance et les noms personnels pour pouvoir en prendre le contrôle :
Si tu veux avoir du pouvoir sur shedim et ru·hin bishin [des esprits malins] et sur les douze familles qui descendirent du ciel à l’époque de Satan leur père, tu apprendras ce livre entièrement, ainsi que leurs noms et les noms de leurs familles et de tous leurs genres.
52 Le rituel décrit un déroulement complexe, précédé de certaines opérations préliminaires : le mage doit se rendre dans un lieu inhabité, « en montagne, ou dans un champ, ou dans une maison isolée » – tous lieux que le Talmud signale comme plus exposés au risque d’agressions démoniaques – afin de préparer l’espace du rite en le purifiant pendant deux jours consécutifs par des fumigations. Il prescrit en outre de dessiner devant la porte un cercle pourvu de quatre ouvertures permettant l’accès aux « quatre esprits du monde », et d’inscrire à l’intérieur d’un cadre (dont une représentation graphique est donnée sur le manuscrit) une liste de noms magiques. On reconnaît, dans ce passage, les instructions données pour la construction d’un grand talisman-amulette, censé attirer vers le mage les pouvoirs et énergies nécessaires à l’accomplissement du rite. Celui-ci consiste à prononcer une longue formule de conjuration qui combine deux sources littéraires : une adaptation du texte de Isaïe 40 : 12, et un hymne liturgique ressemblant à ceux signalés dans les textes antidémoniaques analysés plus haut, où sont chantées les louanges au « Nom de Dieu » et l’immensité de son pouvoir capable de renverser l’ordre cosmique, les forces naturelles, célestes et infernales :
Au nom de HW HW IH IH, roche des mondes : l’effroi qu’il suscite répand la crainte dans le monde entier et la peur qu’il génère a fait trembler la terre et ses habitants et la crainte qu’il fait naître a fait trembler le désert et l’obscurité profonde de l’Abadon. https://journals.openedition.org/rhr/8115 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Mar 23 Mar 2021, 13:09 | |
| Excellent article, qui complète très utilement nos liens antérieurs et montre que sur ce genre de sujet une approche "transversale" est nettement plus instructive qu'une spécialisation qui se cantonne à une religion, une culture, une langue ou un corpus, puisque aussi bien au niveau des croyances et des pratiques "populaires" que de la "sagesse savante" (ou pré-scientifique) le "savoir" et le "savoir-faire" communiquent.
Comme on l'a déjà souvent souligné, ce qui distinguerait le plus clairement les "exorcismes de Jésus" dans les Synoptiques de la pratique ordinaire (si l'on peut dire, s'agissant de sur-naturel ou d'extra-ordinaire), c'est l'absence de toute invocation d'une divinité ou d'une puissance supérieure, autrement dit l'autorité-pouvoir (exousia) propre de "Jésus-fils-de-dieu". Le seul "exorcisme" qui ressemble à un "exorcisme" classique est ironiquement celui de l'"esprit impur" (ou des esprits impurs, s'agissant de "Légion") à l'encontre de Jésus (Marc 5,7: là, "Dieu" est bien invoqué contre un Jésus "tourmenteur" comme un démon). En ce sens le propos évangélique est "christologique", il met en évidence la puissance divine immédiate de "Jésus", mais cette originalité théologico-narrative se perd dans les "exorcismes chrétiens" et notamment ceux des Actes (puisqu'en invoquant "le nom de Jésus" on retombe précisément dans le modèle de l'exorcisme classique). On peut d'ailleurs discerner le passage de l'un à l'autre dans la nécessité de la prière (et du jeûne) quand l'exorcisme d'autorité directe ne "marche" plus, Marc 9,29//. A noter toutefois que chez Marc le dieu-exorciste qui n'a besoin d'invoquer personne recourt quand même à gestes et à des formules "magiques" (trait qui va s'estomper chez Matthieu et Luc). |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Mar 23 Mar 2021, 13:32 | |
| Les exorcismes se limitent-ils aux évangiles et au livre de Actes, sans aucune référence dans le reste du NT ? |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Mar 23 Mar 2021, 14:24 | |
| Au sens propre, si l'on peut parler de sens propre sur un tel sujet, il me semble bien -- ils se limiteraient même aux seuls évangiles synoptiques (Marc-Matthieu-Luc) et aux Actes.
Bien sûr, on peut reconnaître la figure ou l'analogie de l'exorcisme dans beaucoup d'autres expressions (p. ex. le prince du monde jeté dehors, dans Jean, le diable et ses anges chassés du ciel dans l'Apocalypse, ou même le "rejet" de telle ou telle attitude, le "dépouillement" de l'homme ancien, etc.): ce sont des "façons de parler" qui rappellent l'exorcisme (comme bien des "métaphores" de bien des langues), mais qui n'en impliquent pas la pratique "réelle" dans un milieu donné. Même dans les "charismes" de 1 Corinthiens il n'en est pas question (ce qui s'en rapprocherait le plus serait le "discernement des esprits", et c'est très en-deçà ou au-delà de l'exorcisme stricto sensu), du moins dans le texte paulinien car il a bien pu y en avoir chez les destinataires (cf. encore Matthieu 7,21ss qui vise sans doute des pratiques des Eglises pauliniennes). Vu sous cet angle, 2 Corinthiens 12 ressemblerait plutôt à un non-exorcisme, ou à un exorcisme refusé. |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Mar 23 Mar 2021, 17:11 | |
| Il faut noter également le lien avec les forces de la nature terrestre : dans la période intertestamentaire, et en particulier dans le livre d’Hénoch et celui des Jubilés, les anges sont « des esprits élémentaires » par lesquels « Dieu agit dans tous les éléments de la nature, les formations géographiques, les phénomènes météorologiques, les plantes et les êtres » ; ils sont « les chefs des phénomènes naturels ».
Cette vision des choses est déjà présente dans l’Ancien Testament : Dieu « fait des vents ses messagers (anges), des flammes de feu ses serviteurs » (Ps 104, 4) ; ou Ex 3, 2ss : l'Ange du Seigneur se manifeste à Moïse sous la forme d'une flamme de feu jaillissant d'un buisson ; le Ps 78 évoque l’histoire d’ Israël, les hauts faits de Dieu, principalement en Égypte avec les différentes plaies, puis la traversée de la mer Rouge et la période du désert avec les actes de jugement et de délivrance. Le rocher fendu d’où jaillit l’eau, la manne et les cailles, comme le feu dévorant du jugement qui frappe le peuple infidèle, sont attribués aux anges de Dieu ...
... Cette polarité ange – démon est indépassable, irréductible. Le combat de Michaël consiste en une récapitulation, dans le fait de référer l'ambivalence du réel créé invisible au Dieu créateur et rédempteur ; ce faisant, le pôle démoniaque se mue en force de créativité, alors que non récapitulé il tend à devenir une force de destructivité ; il est la source dans laquelle le pôle angélique s'alimente en la transformant, grâce à la récapitulation, en source de créativité. Le combat de Michaël consiste en un discernement des esprits, une distinction opérée parmi les esprits ; le combat de la récapitulation consiste à tout orienter vers le Christ, de telle sorte qu’il devienne le chef, la tête, de ce qui est ainsi récapitulé (cf. Ep 1,10). https://theo-psy.fr/WordPress3/wp-content/uploads/2017/06/Siegwalt-De-l’univers-visible-et-invisible.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Mar 23 Mar 2021, 23:04 | |
| La théologie dogmatique ou systématique de Siegwalt est souvent intéressante, mais ici il n'a visiblement pas (bien) lu les textes qu'il invoque: comme on l'a vu, dans Hénoch et les Jubilés les "esprits mauvais" ne sont pas des "anges" (ni des "veilleurs" ni des "princes"), même "déchus"; de même les stoikheia ou "éléments" pauliniens et/ou deutéro-pauliniens ne sont pas à confondre avec la série des puissances, trônes, autorités, pouvoirs, etc. Mais ce qui me paraît plus grave du point de vue dogmatique qui est le sien, c'est de ne pas s'attaquer au problème de fond qui est celui du dualisme, cet héritage perse (Zartosht, Zoroastre ou Zarathoustra l'original) qui a lourdement marqué le judaïsme, le christianisme et l'islam, et par là quasiment toute la modernité (ce qu'on appelle "manichéisme", aux sens propre et impropres, en dérive également): faut-il vraiment voir le monde, visible ou invisible (!), en bien et mal, en lumière et en ténèbres, en noir et blanc et en nuances de gris, ça c'est à mon sens la question la plus importante, et il me semble qu'on ne peut guère "dépasser" cette perspective qu'en se dégageant -- autant que faire se peut -- de ce cône d'incidence "biblique", "monothéiste" et "moraliste", pour retrouver en-deçà ou au-dehors l'intuition d'une polychromie non binaire, comme celle des polythéismes d'avant ou d'ailleurs où les dieux comme tous les êtres ne sont ni simplement "bons" ni simplement "mauvais", mais différents les uns des autres, tantôt antagonistes et tantôt complémentaires. Parler de construction (ou de création) et de destruction comme si la construction c'était toujours "bien" et la destruction toujours "mal", même si l'on reconnaît une certaine nécessité à l'une et à l'autre, n'est pas de nature à re-poser la question hors de ce schéma. Le modèle classique du "corps", surtout dans sa première mouture paulinienne (1 Corinthiens), unité et diversité "utile" des membres ou parties sans jugement de valeur absolue ni hiérarchie (contrairement aux deutéro-pauliniennes, Colossiens-Ephésiens, où le Christ est la "tête" et d'où provient aussi le motif de la ré-capitulation), serait bien plus prometteur à cet égard, à condition de ne pas le soumettre d'avance à un cadre dualiste en le limitant au "bon" côté du monde (Dieu, le Christ, l'Eglise encore opposables à un "monde mauvais"): des "esprits" aussi, si l'on en parle au pluriel (ce que "Paul" en 1 Corinthiens ne fait pas exactement, il y a pour lui un seul pneuma et des pneumatika), on pourrait dire qu'ils servent tous à quelque chose; ou qu'ils sont et opèrent même s'ils ne servent à rien, sur le mode de la "grâce" ( kharis, kharisma) qui déborde l'utilitaire. Cela d'ailleurs n'empêcherait pas, bien au contraire, de les "discerner" (mais dès lors pas seulement sur le critère binaire du bien et du mal absolus, plutôt du point de vue relatif et situé d'une utilité variable, plus ou moins grande ici ou là, à tel ou tel moment et de tel ou tel point de vue). Il va de soi que l'"exorcisme" ou l'"apotropaïsme" dans toute leur métonymie (qui rejoint celles de la purification, catharsis, ou de l'exclusion, ostracisme, etc.), le geste qui consiste à chasser quelque chose ou quelqu'un de "soi" (de l'évacuation la plus physiologique, expiration, vomissement, défécation, à ce que Nancy appelle l'excriture, en passant par tous les dépouillements, lavages et lustrations symboliques), est aussi "utile" et "vital" au plus haut point, pour les soi-disant "individus" comme pour les soi-disant "communautés". N'empêche que ça peut devenir une "mauvaise habitude", voire une "hantise" ou une "possession" comme une autre (le démon de l'exorcisme ?). |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Mer 24 Mar 2021, 12:08 | |
| Extraits, traduits par Jean-Baptiste Lecuit, de : Antoon VERGOTE, « Changing Figures and the Importance of Demonic Possession », dans Jacob A. Belzen (ed.), Psychohistory in Psychology of Religion : Interdisciplinary Studies, (coll. « International Series in the Psychology of Religion », 12), Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 2001, pp. 21-40 :
p. 32 : « Les Évangiles rapportent aussi une autre sorte de combat que Jésus a engagé avec le démon en l’expulsant des personnes. Manifestement, ces personnes n’étaient pas possédées par Satan lui-même. Dans les cas d’expulsion, la nature des démons est celle des démons ordinaires qui étaient objet de croyance dans la Bible aussi bien que dans beaucoup d’autres contextes religieux : des esprits mauvais causant toutes sortes de maladie, de paralysie, de surdité, ainsi que des esprits mauvais troublant mentalement les sujets qu’ils possèdent, les rendant violents, suicidaires, ou fous. À l’égard de ces possédés Jésus se comporte comme un thérapeute. […] Jésus et les témoins contemporains partageaient à l’évidence avec la culture biblique et toute la culture antique la croyance aux démons. Toutefois les puissances naturelles du soleil, de la mer et du désert n’étaient plus considérées comme des lieux mystérieux de démons quasi immanents. Le monothéisme et la croyance en la création ont démythologisé le monde. Mais partout où la nature est troublée, comme dans la maladie humaine, les gens percevaient alors une puissance plus ou moins personnifiée qui agissait de manière contraire à une création bien ordonnée.
La possession dans le christianisme contemporain
Les description et interprétation qui suivent sont fondées sur des documents confidentiels d’exorcistes nommés par l’Église, ainsi que sur une expérience clinique personnelle. […] Les symptômes peuvent en effet être terribles. Ils sont de quatre types. Somatiques […]. Affectifs […]. Éthiques […]. Religieux […]. »
p. 34 : « Parmi les possédés il y a aussi bien des hommes que des femmes, y compris de nombreuses personnes cultivées. En dehors de leurs crises de possession la plupart d’entre eux paraissent se comporter normalement. Ils ne sont pas psychotiques, comme ceux qui sont atteints de “démonopathie”. »
p. 35 : « Aux 16e et 17e siècles Avant le 19e siècle, les observateurs n’avaient pratiquement pas d’autre choix que d’interpréter les expériences de possession comme des cas de possession diabolique réelle ; l’identité spécifique de la réalité psychique n’était pas isolée et reconnue avant la fin du 19e siècle. […] Pour une interprétation psychologique d’un phénomène psychologique et religieusement signifiant tellement complexe, l’humanité dut attendre la modernité très tardive, quand les penseurs scientifiques comme Freud conçurent le psychisme comme une réalité spécifique fonctionnant selon ses propres régularités nomologiques. La reconnaissance de l’identité spécifique de la réalité psychique fut le résultat de l’application relativement récente de l’esprit scientifique à la dimension de l’être humain qui était médiatrice entre la raison, qui fonctionne selon les lois de la logique et de la grammaire, et le corps organique, qui fonction selon les lois de la biologie. Cette /35/ reconnaissance était d’autant plus difficile qu’elle impliquait la combinaison complexe de deux modes de pensée : l’interprétation du sens et l’explication par la causalité. »
p. 38 : « L’exorcisme était généralement efficace. Contrairement à ce que pensent souvent les contemporains, l’exorcisme était un rituel qui prenait beaucoup de temps, souvent plusieurs mois ou plus. […] S’agissant de la longue et difficile technique favorisant l’aveu du possédé, le psychologue suivant Freud peut y voir une forme de psychothérapie déguisée en travail de libération de l’inconscient diabolique asservissant. » https://theo-psy.fr/WordPress3/wp-content/uploads/2017/06/Extraits-traduits-de-A.-Vergote-Changing-Figures-and-the-Importance-of-Demonic-Possession.pdf |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Mer 24 Mar 2021, 12:40 | |
| J'ai ajouté un dernier paragraphe à mon post précédent.
Concernant les citations d'Antoine Vergote, qui est aussi un auteur très intéressant, le problème est toujours de traduction-trahison, impossible et nécessaire: impossible de traduire sans les trahir, dans la langue d'une époque et d'un milieu qui "n'y croient pas", les mots et les énoncés d'une époque et d'un milieu qui "y croient", de telle ou telle manière parmi une infinité de manières possibles -- et cependant il est inévitable de le faire, même sans savoir ce qu'on fait quand on le fait; de plus chacun ne peut le faire que dans sa propre langue, qui est et reste pour lui, si polyglotte soit-il, la langue absolue, la langue du sens, seule capable de dire la "vérité" de ce que pourtant il ignore. Tout au plus peut-il deviner que le processus de traduction est en principe réversible: les élucubrations psychologiques occidentales pourraient aussi se traduire (et se trahir) dans un "langage des esprits", pour nous archaïque et superstitieux, mais le seul valable et vrai pour ses locuteurs réels ou imaginaires... La seule chose dont on puisse être à peu près sûr, c'est que ça ne reviendrait jamais exactement au même. |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Mer 24 Mar 2021, 13:47 | |
| Un article long mais passionnant :
15 La conception judaïque des animaux impurs garde également la trace latente d’un démonisme étranger à la théologie créationiste. L’anthropologie structuraliste6 montre, en effet, que les animaux impurs ne le sont pas en raison d’une lubricité ou d’une saleté révulsives, mais parce qu’ils n’entrent pas dans le système classificatoire des formes animales, implicite dans la conception judaïque. Prenons un exemple : le porc a les pieds fourchus comme la vache, mais il n’est pas un ruminant. Il est donc un animal monstrueux, dérivant d’une puissance chaotique opposée à l’ordre lumineux de la création divine. En manger, c’est avoir commerce avec la puissance qui est le contraire du Créateur. L’interdit de manger des animaux impurs est analogue à l’idée, répandue ci et là dans les sociétés archaïques, que les enfants jumeaux sont nés de par une puissance étrangère au monde légal des ancêtres. On les expose hors du monde humain, à la lisière de la forêt, habitation des esprits sauvages et d’une inquiétante étrangeté.
16 L’antique représentation de puissances ténébreuses cohabite donc avec la foi monothéiste. Celle-ci évacue les rites de possession par des esprits-puissances. Seul l’Esprit divin confère des expériences extatiques, comme dans les visions prophétiques. Mais les esprits ténébreux s’insinuent en l’homme pour le tenter. Si l’homme est heureux, comme Adam ou comme Job plus tard, la révolte contre Dieu ne semble pas pouvoir naître de lui-même. Et lorsque le roi Saül est fou de rage jalouse et s’accroche à son trône en refusant de n’être roi que par la disposition divine, la Bible le dit possédé par un mauvais esprit. Elle ne conçoit pas que la folle violence du premier roi qui s’oppose à Dieu vienne de l’homme lui-même.
58 Ces faits incontestables donnent à réfléchir. Prouvent-ils pour autant la réalité de l’existence du diable et de sa causalité dans les actions qu’on lui attribue ? Mon historique des actions imputées au diable nous fait déjà douter. On peut très bien expliquer les visions de tentation diabolique comme des hallucinations chez ceux qui, croyant au diable, lui imputent leurs fortes imaginations de désir. Quant aux plaisirs fantastiques et aux sortilèges des sorcières, la théologie peut difficilement prêter au diable ces fantaisies charlatanesques. On n’a pas de peine non plus à démontrer la nature proprement hystérique des grandes crises des possédées qu’étaient Jeanne de Ferry et Jeanne des Anges. Certes, on peut toujours estimer que le diable a caché son intrusion possessive dans ces crises psychopathologiques. Autant dire qu’elles confirment seulement la croyance de ceux qui donnent à ces symptômes le sens d’une possession.
59 En est-il autrement des possédés exorcisés aujourd’hui ? Certains de ceux qui m’ont suivi jusqu’ici feront peut-être remarquer que la concentration des crises actuelles de possession sur le domaine de la foi et sur sa pratique signale l’œuvre du démon. Face à ces cas, on cite aussi les paroles de Jésus et les récits des Évangiles qui semblent confirmer sans ambiguïté le jugement que la possession diabolique existe réellement.
60 Cet argument théologique est-il convaincant ? Tout en laissant à la théologie la tâche de se prononcer sur l’argument tiré des Évangiles, j’exprimerai néanmoins ma réticence. Les manifestations de la possession dans les textes des Évangiles correspondent aux symptômes amplement décrits actuellement par la neurologie, par la psychopathologie et par la médecine psychosomatique : crise d’agitation convulsive, folie furieuse, surdité et mutisme, paralysie, état « lunatique »... Les Évangiles utilisent d’ailleurs indifféremment les termes de « guérison » du possédé et d’« expulsion du démon ». Les mêmes types de malades font l’objet ou bien d’une guérison ou bien d’une « délivrance ». Reste que par la bouche de certains possédés les démons crient à Jésus p. ex. « Tu es le Fils de Dieu » (Lc 4, 41). Marc raconte aussi qu’en le criant « les esprits impurs... se prosternaient devant lui... ». Comment comprendre cela ? Le diable serait-il lui-même l’adorateur de Dieu ? ! On comprend encore plus facilement qu’au contact de Jésus des épileptiques et des fous furieux reconnaissent en lui une personnalité prophétique exceptionnelle et sont dérangés par lui. A moins que les rédacteurs des Évangiles n’aient mis dans la bouche de ces possédés un témoignage de valeur apologétique. S’il n’y avait pas les paroles de Jésus sur son combat avec le démon et sur le pouvoir donné à ses disciples pour chasser les démons, on n’hésiterait pas à interpréter tous ces récits sur les possédés comme l’expression d’une croyance propre à cette culture, pareille en cela aux nombreuses cultures qui imputent ces maladies ou d’autres désastres aux actions de mauvais esprits. Mais est-il obligatoire d’écouter ces paroles de Jésus à l’instar de révélations divines ? Il me semble légitime de penser que Jésus, de par la réalité de sa nature humaine, était aussi à ce point fils de sa culture qu’il en reprenait les croyances. Il ne corrigeait les conceptions de son milieu que lorsque la vérité de Dieu était en cause ; ainsi dans son refus d’attribuer la cécité de l’aveugle-né à la punition divine. https://books.openedition.org/pusl/17037?lang=fr |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Jeu 25 Mar 2021, 00:01 | |
| Nous (Occidentaux, modernes) avons tendance à rattacher les "démons" et l'"exorcisme" à "la religion" parce que c'est principalement par ce qu'il nous reste de traditions "religieuses" que nous en entendons parler, mais c'est une illusion de perspective; dans une société globalement post-chrétienne ça deviendrait même, à contresens, une affaire de "foi" (pour être "chrétien" il faudrait "croire" aux "démons" comme on "croit" en "Dieu", alors que ce genre de chose est tout à fait absent des "confessions de foi" classiques; même le "diable" qui est bien plus "théologique" que les "démons", comme on l'a dit, n'y figure généralement pas). Dans le monde antique les "esprits" n'ont pas grand-chose à voir avec la "religion", si l'on entend par là l'office des "prêtres" et des "temples" qui concernent les "dieux": on peut certes invoquer les dieux contre les "esprits" néfastes, mais comme on peut aussi les invoquer contre l'ennemi, la sécheresse, etc.; c'est un problème de la vie quotidienne, profane, communautaire ou domestique, au même titre que les "maladies" et la "médecine" qui s'y rapporte; cela relève d'un "savoir" et d'un "savoir-faire", autrement dit d'une "science" et d'une "technique", populaires ou spécialisés, qu'on peut qualifier de pré-scientifiques au regard de la "science" moderne mais n'en est pas moins du même genre; c'est le domaine d'une "sagesse" qui n'est pas spécialement "religieuse", bien qu'elle ne soit généralement pas "athée" (cf. Salomon qui connaît les "esprits" comme les animaux ou les plantes: "sciences naturelles" en somme, qui ne s'opposent même pas à un "surnaturel" comme cela se produira dans la théologie de la fin du moyen-âge).
Reste que dans la tradition chrétienne et biblique, on ne trouve de "démons" ou d'"esprits impurs" qu'en situation d'antagonisme avec "Jésus" ou les "apôtres", ce qui donne une vision très déformée du "phénomène", si l'on peut dire, et oblige la théologie ultérieure à les ranger du côté du "diable" ou du "mal" absolu dans une perspective dualiste. |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Jeu 25 Mar 2021, 12:34 | |
| Il me semble que Paul ne fait pas souvent référence aux "démons", sauf dans les épitres aux corinthiens :
"Que dis-je alors ? Que la viande sacrifiée aux idoles aurait de l'importance ? Qu'une idole aurait de l'importance ? Non, mais ce qu'on sacrifie, on le sacrifie à des démons et non à Dieu ; or je ne veux pas que vous soyez en communion avec les démons. Vous ne pouvez pas boire à la coupe du Seigneur et à la coupe des démons ; vous ne pouvez pas partager la table du Seigneur et la table des démons" (1 Co 10,19-21).
"Ne formez pas avec les non-croyants un attelage disparate. En effet, quelle association peut-il y avoir entre la justice et le mal ? Quelle communion entre la lumière et les ténèbres ? Quel accord entre le Christ et Bélial ? Quelle part, pour le croyant, avec le non-croyant ?" (2 Co 6,14-15).
Notes : 2 Corinthiens 6:151Co 10.20s ; cf. 1R 18.21. – Bélial, Béliar ou Bélian, selon les mss, est la transcription grecque d’une formule hébraïque dont le sens est incertain (sans valeur ? sans morale ? destructeur ? ; cf. Dt 13.14n ; Ps 18.5n) et qui était devenue un nom propre, pratiquement synonyme de Satan, dans les écrits de Qumrân et dans les Testaments des Douze patriarches ; voir démon, diable, Satan.
Il n'est pas question de possession mais de "participation" et d'association, donc d'actes volontaires en direction et en faveur des "démons". |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Jeu 25 Mar 2021, 12:58 | |
| En effet, c'est tout autre chose: ce qui est appelé "démons" (daimonia, diminutif de daimôn habituel dans la Septante et le NT) en 1 Corinthiens 12, dans la ligne de Lévitique 17,7; Deutéronome 32,17 (LXX daimonia); Psaume 106,37 (idem); Baruch 4,7 p. ex., et à la faveur du grec daimôn qui désigne tantôt des divinités inférieures et tantôt la divinité en général (donc tantôt équivalent à theos et tantôt distinct: "Socrate" use abondamment de cette ambiguïté dans l'Apologie en faisant valoir que s'il a un "démon" il n'est pas "athée"), ce sont les "dieux" du polythéisme, compris comme "faux dieux" par le monothéisme (cf. Actes 17,18 avec le diminutif daimonion dans le même sens, et deisi-daimôn pour "pieux", "attaché aux dieux" au v. 22): objets de culte en tout cas et non d'exorcisme... mais le fait que le même mot désigne aussi bien les "esprits impurs" des Synoptiques que des "divinités païennes" va naturellement favoriser la confusion, qui est de règle chez les Pères de l'Eglise.
Quant à Bélial (etc.), ce n'est pas un "démon" c'est "le diable" -- ce nom est en fait beaucoup plus courant que celui de "Satan" dans la littérature juive dite "intertestamentaire", c'est l'usage chrétien qui renverse la proportion (pour rappel, 2 Corinthiens 6,14ss forme un bloc insolite dans l'épître, le corpus paulinien et le NT en général, de genre "qoumranien", en rupture avec le contexte sur le "fond" comme sur la "forme": sens, ton, style, vocabulaire). |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Jeu 25 Mar 2021, 13:38 | |
| D’où vient l’efficacité apparente de l’exorcisme ?
La Bible rapporte que Jésus Christ et ses premiers disciples avaient le pouvoir de chasser les démons. Mais lorsque des imposteurs, tels que les sept fils du prêtre Scéva, essayèrent de les imiter au nom de “Jésus que Paul prêche”, qu’arriva-t-il ? Eh bien, le possédé se rua sur eux, allant jusqu’à les brutaliser et à leur arracher leurs vêtements (Actes 19:13-16). Les prétendus exorcistes ne réussissent pas tous, même en invoquant le nom de Jésus.
Jésus Christ lui-même a dit : “Beaucoup diront en ce jour-là : ‘Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas (...) expulsé des démons en ton nom (...) ?’ Et pourtant à eux je confesserai alors : Je ne vous ai jamais connus !” (Mat. 7:22, 23). Effectivement, certains médiums ont la réputation de chasser les démons. Mais il est certain que ni eux ni l’exorcisme qu’ils pratiquent n’ont l’approbation de Dieu, qui a déclaré : “Ne vous tournez pas vers les médiums.” — Lév. 19:31.
Les Pharisiens accusèrent faussement Jésus d’expulser les démons par Béelzébub, Satan le Diable. Par contre, ils prétendaient que c’était grâce à l’esprit saint de Dieu, sa force active, que leurs “fils” ou disciples exorcisaient les démons. Ce faisant, les Pharisiens péchaient contre l’esprit saint dont ils niaient l’action évidente lorsque Jésus chassait les démons (Mat. 12:22-32). En fait, les “fils” des Pharisiens, ainsi que ceux qui n’étaient pas disciples de Jésus, étaient enfants du Diable (Jean 8:44 ; 1 Jean 3:10). Aussi, tous les exorcismes qu’ils s’attribuaient étaient à mettre au compte de Satan. Mais, en les utilisant, Satan n’était pas divisé contre lui-même. — II Cor. 11:14.
Par ce moyen, le Diable augmente et intensifie son pouvoir et son influence sur les gens qu’il abuse. Par exemple, si un adepte d’une fausse religion exorcise un démon, n’est-il pas vraisemblable que, soulagée de son obsession, l’ancienne victime va déborder de reconnaissance ? Ne faut-il pas dès lors s’attendre à ce qu’elle, sa famille et ses amis pensent que l’exorciste possède la vraie foi en Dieu ? Ne vont-ils pas être enclins à examiner sa religion, peut-être même à l’adopter ? Dans ce cas, Satan aura remporté une victoire. Il aura réussi à tromper sa victime et à la détourner de la vraie religion, du culte que l’on rend à Jéhovah “avec l’esprit et la vérité”. — Jean 4:23, 24.
Bien sûr, pendant l’enfance de la congrégation chrétienne, Jéhovah Dieu permit souvent aux disciples de Jésus de faire des miracles par la puissance de son esprit saint. Mais ces dons miraculeux accordés par l’esprit saint ne furent plus nécessaires une fois la preuve faite que la “main de Jéhovah” était avec les disciples de Jésus Christ (Actes 11:21). Par conséquent, les dons miraculeux de l’esprit et les démonstrations inhabituelles de sa puissance appartiennent au passé. — I Cor. 13:8-13. https://wol.jw.org/fr/wol/d/r30/lp-f/101977370?q=exorcisme&p=par |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Jeu 25 Mar 2021, 14:43 | |
| Réveillez-vous ! surfait aussi sur une mode relancée en 1973 par le film de Friedkin...
A ce tarif, "le diable" est le conspirateur idéal, une conspiration à lui tout seul: pile je gagne, face tu perds, même quand je perds je gagne, comme "Dieu" en somme. Cela réduit à néant la "logique" ironique de Marc: à la question "Satan peut-il chasser Satan ?", la Watch répond "oui, bien sûr", comme les "scribes" ou les "pharisiens" qui croient que Jésus chasse les démons par Belzeboul (etc.), et elle ne se sent même pas concernée par la menace de "blasphème contre l'esprit" quand, comme eux, elle attribue au diable les exorcismes des autres (puisqu'elle n'en pratique pas, elle ne court pas non plus le risque de la contradiction relevée par Matthieu et Luc, quid des vôtres ?). Mais ça reste un sujet plus que délicat pour un TdJ qui se mettrait à lire les évangiles en tâchant d'en comprendre la logique, au lieu de se borner à citer un verset par-ci par-là.
---
Accessoirement, on ne peut qu'être saisi par l'analogie formelle de la réponse techno-scientifique moderne à une "pandémie" et les pratiques rituelles antiques ou ancestrales, d'exorcisme (chasser le mal du corps, individuel et social) ou d'apotropaïsme (écarter le mal, l'empêcher de rentrer ou de se répandre; ce qui vaut aussi pour les pratiques "sacerdotales" de purification du péché-souillure que pour le réflexe social, p. ex. l'ostracisme des lépreux): on a beau ne plus croire aux "démons", les gestes (barrières) demeurent essentiellement les mêmes, avec leur part "rationnelle" d'un type de "raison" à l'autre et le halo d'"irrationnel" qui les entoure.
Dernière édition par Narkissos le Jeu 25 Mar 2021, 16:22, édité 1 fois |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Jeu 25 Mar 2021, 16:06 | |
| - Citation :
- A ce tarif, "le diable" est le conspirateur idéal, une conspiration à lui tout seul: pile je gagne, face tu perds, même quand je perds je gagne, comme "Dieu" en somme. Cela réduit à néant la "logique" ironique de Marc: à la question "Satan peut-il chasser Satan ?", la Watch répond "oui, bien sûr", comme les "scribes" ou les "pharisiens", et ne se sent pas concernée par la menace de "blasphème" contre l'esprit quand elle attribue au diable les exorcismes des autres (comme elle n'en pratique pas, elle ne court même pas le risque de la contradiction relevée par Matthieu, quid des vôtres ?). Mais ça reste un sujet délicat pour un TdJ qui se met à lire les évangiles en tâchant d'en comprendre la logique au lieu de se borner à citer un verset par-ci par-là.
J'ai pensé exactement la même chose que toi. J'ai trouvé amusant le scénario que l'auteur imagine que le Diable pourrait mettre en œuvre, ainsi le Diable expulserait des démons afin que l’ancienne victime débordante de reconnaissance pense que l’exorciste possède la vraie foi en Dieu et l'adopte. Voilà la motivation du Diable ... Cette affirmation ne repose sur aucun texte ou exemple tiré des évangiles, elle est totalement gratuite. L'utilisation de I Cor. 13:8-13 me parait abusif et un peu passe-partout, en effet ce texte ne fait pas allusion à l'exorcisme et même du d'une manière générale à l'ensemble des miracles. Par ailleurs ce texte ne fait pas référence à "l’enfance de la congrégation chrétienne" mais à l'époque pourrons connaitre comme il sont connus.Un autre thème :L'exorcisme baptismal
L'exorcisme est introduit dans la liturgie du baptême dans la seconde moitié du IIe et au IIIe siècle de notre ère, au moment où apparaît et se développe l'initiation des catéchumènes . Cette introduction est fondée sur la démonologie du Nouveau Testament qui évoque le monde des démons, l'espace et le temps dans lesquels ils agissent, leur couleur et leur voix, leur nombre. Leur habitation d'élection est l'homme comme l'affirme l'Évangile de Matthieu dans la péricope du retour offensif de l'esprit immonde (12, 43-46). Contre la menace des démons, le Nouveau Testament présente plusieurs formes d'exorcismes par des mots, des éléments comme le feu, la fumée, les liquides, l'air, des éléments solides comme la cendre ou le sel. Différentes formes d'ascèse prennent un sens exorcistique ou apotropaïque : le renoncement aux vêtements, à l'hygiène, à la sexualité, le jeûne.
Cette dimension exorcistique n'est pas étrangère aux croyances juives et à l'Ancien Testament. En effet, les cérémonies purificatoires et les ablutions sont très importantes dans le monde juif. Au premier siècle, dans les sectes juives hétérodoxes, il n'y a pas de bains baptismaux, mais les démoniaques et les autres malades reçoivent des bains d'eau froide pendant plusieurs jours. Dans les sectes de Qumran, les bains ont une influence sur les démons et, pour celui qui en bénéficie, servent à son initiation et au combat qu'il a à mener contre le diable.
Toutes ces pratiques, diffuses à travers le texte biblique, se retrouvent au sujet de l'action du Christ qui est aussi un exorciste. La Passion peut être comprise comme un combat contre Satan et le triomphe contre lui. Les Apôtres, et ceux qui suivent le Christ, mettent au point trois procédés pour traiter avec les démons : l'expulsion, ce sont des commandements adressés au démon c'est-à-dire des exorcismes ; la renonciation, une personne consciente est capable de renoncer à une tentation du diable comme Jésus le fait dans le désert ; la répulsion, par des gestes ou des phrases qui ont une forme apotropaïque, il s'agit de protections contre le mal, au sens moral du terme. Dans les Actes des Apôtres, plusieurs récits font le lien entre la lutte contre les démons et le baptême : lorsque Philippe vient prêcher en Samarie, les foules le suivent et l'écoutent et, parmi eux, se trouvent des possédés et des paralytiques, ils sont baptisés et sont guéris (Ac. 8, 5-13) . Dans son discours devant le roi Agrippa, Paul rappelle les paroles entendues de Jésus sur la route de Damas : "je délivrerai le peuple et les nations païennes vers lesquelles je t'envoie, pour leur ouvrir les yeux, afin qu'elles reviennent des ténèbres à la lumière et de l'empire de Satan à Dieu" (Ac, 26, 16-18). Ces textes ont été interprétés comme des préfigurations de l'exorcisme baptismal et de la renonciation à Satan.
L'intégration de l'exorcisme dans la pratique du baptême aux IIe et IIIe siècles est aussi motivée par le développement de la démonologie des Pères de l'Église. Pour K. Thraede, les sources nous manquent pour expliquer les raisons pour lesquelles la théorie du péché donne lieu à un exorcisme baptismal. Selon lui, on ne peut pas comme F. J. Dölger l'a essayé, expliquer ce rite comme une imitation de l'exorcisme thérapeutique et on ne peut supposer, non plus, qu'il a produit le phénomène des énergumènes qui apparaissent en même temps. Selon K. Thraede, l'exorcisme baptismal trouve son origine dans la gnose du IIe siècle et repose sur trois idées : tout d'abord l'incroyance pour les chrétiens d'alors signifie la possession, Dieu et le diable sont opposés de manière très dualiste ; ensuite, la conversion émancipe de l'emprise de Satan et du déterminisme démoniaque ; enfin cette libération est accomplie dans une liturgie, celle du baptême, qui est un rite d'initiation et non un exorcisme en tant que tel. Clément d'Alexandrie (150-212) affirme : "Nous n'expulsons pas les démons, mais nous diminuons le péché". Le dualisme du mouvement des gnostiques au IIe siècle rend l'exorcisme baptismal essentiel. Les historiens l'interprètent alors de manière différente, il est vu comme un "processus naturel qui sort de l'individu" ou comme un "exorcisme magique" selon que l'on insiste sur la profondeur de la conversion qu'il implique ou que l'on souligne plutôt sa dimension spectaculaire et quasiment païenne. http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.2004.chave-mahir_f&part=184217 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12270 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Jeu 25 Mar 2021, 16:44 | |
| Soit dit en passant, du point de vue pharisien on pouvait penser exactement la même chose: que les exorcismes et autres miracles "chrétiens" induisaient leurs bénéficiaires en erreur (cf. aussi Jean 9, pour l'attribution à un "démon" de la guérison de l'aveugle)... ce qui revient à dire que la valeur "probante" des miracles en faveur de tel ou tel thaumaturge, religion ou doctrine est logiquement nulle, elle ne convainc que les convaincus, ceux qui croient d'avance que le thaumaturge (l'exorciste en l'occurrence) est du côté de "Dieu" ou de la "vérité"; c'est précisément cette pétition de principe (tauto-)logique que l'argument de Marc devrait entamer, en y inscrivant au moins un doute -- mais de toute évidence ça ne fonctionne pas vraiment.
Comme on l'a signalé plus haut, il n'y a pas d'"exorcismes" dans les "charismes" évoqués en 1 Corinthiens 12--14, ce qui s'en rapprocherait le plus serait le "discernement des esprits" et ce n'est pas la même chose.
Il est regrettable que l'auteur de la thèse que tu cites connaisse si mal le NT (qu'il cite en latin); on peut espérer qu'il a mieux étudié l'époque patristique et médiévale, mais cela n'engage guère à la confiance et demanderait vérification de toutes ses citations, surtout des "sources" dites "premières"... |
| | | free
Nombre de messages : 9921 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons Jeu 25 Mar 2021, 17:43 | |
| - Citation :
- Comme on l'a signalé plus haut, il n'y a pas d'"exorcismes" dans les "charismes" évoqués en 1 Corinthiens 12--14, ce qui s'en rapprocherait le plus serait le "discernement des esprits" et ce n'est pas la même chose.
Le discernement spirituel dans le christianisme ancien Hermas s’interroge en effet sur la façon de reconnaître l’ange de justice par rapport à celui de l’iniquité, « car les deux habitent avec moi ». Il énonce ainsi de façon explicite le problème présent in nuce chez l’apôtre des gentils : les « esprits » ne se distinguent pas aisément. Il faut par ailleurs retenir, dans le texte du Pasteur, deux éléments de nouveauté destinés à revenir par la suite. Tout d’abord, ce qui se configure comme un don de l’Esprit chez Paul prend ici l’allure d’une technique fondée sur l’analyse psychologique, où les émotions suscitées par la manifestation des esprits permettent de distinguer ces derniers (calme = divin ; agitation = démoniaque). En deuxième lieu, nous assistons chez Hermas (et surtout dans la relecture de celui-ci par Origène) à la soudure du thème paulinien des esprits/inspirations dans la communauté avec celui, plus ancien, des deux voies du salut et de la damnation (et des deux esprits qui président à celles-ci) : des textes de Qumran (Règle de la communauté 3,13-4,26) aux théologiens du christianisme, la transmission de ce thème dualiste (Moreschini et Norelli 2000, 162, Attridge 2000, 204) s’avère lourde de conséquences pour le développement de la doctrine du discernement. Cette nouvelle articulation, en superposant la dichotomie salut/damnation au problème de la distinction des esprits, fait monter les enjeux. À la question du discernement se lie maintenant celle du salut.Ce n’est certainement pas un hasard si Origène, qui cite Hermas, semble soucieux de réaffirmer les prérogatives du libre arbitre (Marty 1958 ; Bertrand 2003a, 970-971) face à l’importance que prend l’influence des puissances spirituelles sur la destinée de l’âme (Sur les principes 3,2,4). Plus tard, Jean Cassien en arrivera à considérer cet exercitium cordis comme le propre du libre arbitre (Alciati 2009, 67). Insister sur l’impossibilité d’une connaissance pleine de la vérité — en l’espèce la nature réelle d’une inspiration ou de l’esprit qui la transmet — risque de subordonner la capacité du choix moral qui découlerait de cette connaissance à une révélation supérieure : on se rapproche dangereusement de la gnose, où justement le rôle du libre arbitre est plutôt effacé (Pétrement 1947, 3 ; Puech 1965). Et pourtant Origène maintient la pertinence du discernement dans la décision entre bien et mal (et donc au salut qui en résulte) sans délaisser la conception charismatique de cette capacité, ce qui la fait dépendre d’une initiative de la grâce. Il est donc impossible de discerner sans l’assistance de l’Esprit de Dieu (Homélies sur l’Exode 3,2). Ainsi, bien que formellement libre, l’arbitre humain risque, dans sa condition de déficience cognitive, de se retrouver sans défense face aux artifices des démons. Se profile ici, contre les puissances adverses, une guerre où triomphe non pas la volonté mais l’intelligence. D’autre part, cette faculté de distinction — bien qu’attisée par la grâce — doit aussi être affinée par l’exercice, ce qui relève de l’agir humain. Telle est la conclusion qu’Origène tire de la lecture de l’Épître au Hébreux (5,14), qu’il commente à plusieurs reprises (Commentaire sur saint Jean 6,267 ; Contre Celse 3, 53.60 ; 4,50 ; 6,13) : « Mais la nourriture solide est pour les hommes faits, pour ceux dont le jugement est exercé par l’usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal ( ) ». Apparaît donc la notion d’une progression, un cheminement vers la perfection spirituelle qui est le fruit d’une purification (Monaci 2009, 16-18). Et, cette portion humaine du discernement se fonde sur une méthode tirée (Fr. 1Co 12,3-47 : Jenkins 1907-1909) de la Première Épître de Jean (4,1-3 : « Éprouver les esprits, pour voir s’ils sont de Dieu ») : c’est la « », l’examen par la mise à l’épreuve (ce qui évoque sans doute le thème évangélique de l’observation a posteriori des fruits dérivant des inspirations). Il est intéressant de noter que même l’inspiration du prédicateur doit être éprouvée par ses auditeurs (Homélies sur Ézéchiel 2,2). C’est un détail essentiel, qui autorise une application élargie du discernement, où toute source d’influence exercée sur une personne doit être passée au crible par cette dernière, et ce, qu’il s’agisse des « esprits » ou des autorités religieuses. Il est aisé de saisir les raisons de l’oubli dans lequel tombera par la suite cette lecture du don spirituel, du moment qu’elle remet à chaque croyant — soit hors du monopole institutionnel — le soin de jauger ses « esprits » (ainsi que ceux de ses maîtres) et affirme par ce fait même la responsabilité individuelle du salut. https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/2014-v22-n2-theologi02419/1035687ar.pdf |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Exorcisme et Démons | |
| |
| | | | Exorcisme et Démons | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |