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 Le jugement dernier dans le nouveau testament

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le chapelier toqué

le chapelier toqué


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MessageSujet: Re: Le jugement dernier dans le nouveau testament   Le jugement dernier dans le nouveau testament - Page 2 Icon_minitimeMar 22 Oct 2024, 13:05

Je me suis longtemps demandé si la notion de jugement dernier ne s'appliquait pas à chaque individu à titre personnel. Ainsi le jugement pourrait concerner la vie de la naissance à la mort et comme le préconise Bouddha nos actes bons ou mauvais, positifs ou négatifs constitueraient une sorte d'acte de constatation à propos de notre manière de vivre. Il n'y aurait pas lieu d'attendre une "catastrophe" globale avant l'arrivée d'un juge supérieur réunissant tous les humains afin de les passer au "tamis".
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Narkissos

Narkissos


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MessageSujet: Re: Le jugement dernier dans le nouveau testament   Le jugement dernier dans le nouveau testament - Page 2 Icon_minitimeMar 22 Oct 2024, 13:25

@ free

C'est assez amusant de comparer tes deux "textes du jour", tous deux catholiques, mais d'orientation quasiment opposée: le premier (quoique second dans le temps, Gervais 2018), dogmatique, invoquant Benoît XVI, et le second (ou premier Fossion, 2016), pastoral, invoquant François...

Fossion insiste avec raison sur l'aspect "parabole" de Matthieu 25,31ss, mais à l'exclusion de l'aspect "prophétie-prédiction" qui existe quand même et fausse un peu la comparaison avec les autres "paraboles", lesquelles se laissent moins facilement interpréter comme des "prédictions". Toutefois il ne voit pas ce qui dans le texte même déjoue le côté "prédiction". Par exemple, comme on l'a souvent remarqué, le fait que dans le texte les jugés ne savaient pas sur quels critères ils seraient jugés met ipso facto les lecteurs ou auditeurs hors jeu: eux, ils savent désormais, ils ne peuvent dès lors plus être dans la situation décrite dans le texte, ni du bon ni du mauvais côté. La prédiction échoue dès lors qu'elle est énoncée et entendue. C'est un peu comme dans La beauté du diable de René Clair: Méphistophélès annonce à Faust son avenir jusqu'à sa mort, et dès le premier pas prévu dans le programme, Faust se détourne du miroir et de l'avenir qui lui était annoncé. Pour prendre un exemple plus "biblique", c'est aussi la "prophétie de malheur" qui est faite pour ne pas s'accomplir, dès lors qu'elle est entendue et qu'on en tient compte (repentance, conversion, changement de conduite; cf. p. ex. Jérémie 18).

D'autre part, l'auteur ne prend pas en compte l'aporie dont on a parlé précédemment, à savoir que le "jugement" de Matthieu 25,31ss n'est guère exploitable dans le sens d'un jugement "individuel" qui totaliserait, sans balance ni bilan, ni différence ni moyenne, la "vie" de chaque "individu" à partir d'un seul type d'action ou d'omission. Si tout acte de bonté doit être récompensé, toute omission (et non seulement toute mauvaise action) punie, alors le jugement même d'un "individu" ou d'une "vie" dans sa durée devient impossible, car il ou elle tomberait forcément des deux côtés à la fois -- de même que dans le Coran les bonnes actions d'un méchant doivent être récompensées, et les mauvaises actions d'un juste ou d'un fidèle punies: c'est plus facile à dire qu'à concevoir comme un jugement unique sur une seule et même "personne", individu-indivisible. Mais le revers de la médaille, si l'on peut dire, c'est que cette réflexion supplémentaire (un tour de plus ou de trop) annule aussi bien le "bon" côté que le "mauvais": la "récompense" devient aussi impensable que le "châtiment".

@ lct:

Comme le montrait l'article précédent de free (Gervais, 2018), c'est aussi ce qui se passe dans la tradition chrétienne en général (catholique d'avant les Réformes protestantes ou autres): le concept "eschatologique", même s'il subsiste en théorie (dans les confessions de foi et les catéchismes), s'identifie en pratique avec la mort de chaque "individu" qui totaliserait sa "vie" avec accès direct au paradis, à l'enfer ou au purgatoire intermédiaire, ce qui rend le "jugement dernier" associé à la "fin du monde" et à la "résurrection de la chair" pour le moins redondant. Mais le fond du problème reste le même, et peut-être aussi dans le bouddhisme traditionnel (sinon au coeur de sa doctrine): il n'y a tout simplement aucun sens à totaliser un "individu" et une "vie" qui diffère de lui ou d'elle-même du premier au dernier instant, ni donc à le "juger" globalement bon, mauvais, ou même moyen... Le jugement qui vaudrait est celui qui porterait sur chaque acte, chaque parole, chaque geste, chaque moment, chaque relation d'une "vie", ses causes, ses conséquences, ses circonstances, et de proche en proche sur toutes les "vies" dans leurs rapports mutuels et avec tout le reste (animal, végétal, minéral, technique, fiction, idée, etc.): ex-plication infinie d'un monde "fini", dont la com-plication propre, si l'on peut dire, ne se suffirait jamais à elle-même.
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MessageSujet: Re: Le jugement dernier dans le nouveau testament   Le jugement dernier dans le nouveau testament - Page 2 Icon_minitimeMar 22 Oct 2024, 14:08

Une image à deux temps. Jugement Dernier et jugement des âmes au Moyen Age
Jérôme Baschet

1 La société chrétienne médiévale s’est trouvée aux prises avec la tension née de l’affirmation simultanée de l’immortalité de l’âme et de la résurrection des corps à la Fin des temps. En découle la perspective d’un double jugement : le Jugement dernier, annoncé par Matthieu 25 et Apocalypse 20, et le jugement des âmes, qui intervient déjà au moment de la mort de chacun, dans le temps présent de l’Eglise. En fait, une double dualité est ici à l’œuvre : celle de l’âme et du corps (dont l’importance dans la doctrine et la société chrétiennes ne saurait être trop soulignée) et celle du présent et du futur1. Certes, pour chaque fidèle, le jugement de l’âme relève de cette vie future qui l’attend au lendemain de la mort, mais du point de vue de la communauté des vivants, on peut bien dire que les âmes sont jugées dans un temps qui est celui des destinées présentes de la chrétienté. Quant au Jugement dernier, il s’agit d’un futur très particulier en ce qu’il inaugure l’abolition de la temporalité et la fin de la mutabilité qui la caractérise. Plus exactement, le Jugement dernier se tient sur le seuil de l’éternité, pourrait-on dire en déplaçant une citation célèbre de Walter Benjamin. Il articule le temps des créatures et l’éternité cosmique que celles-ci viennent dès lors partager avec la divinité. C’est du reste cette articulation, hautement problématique, qui explique que ce moment inaugural de l’ordre éternel le plus absolu soit aussi l’un des événements de l’Histoire sacrée les plus bouillonnants de mouvements, de gestes et d’opérations pragmatiquement engagées dans une temporalité qui est alors sur le point de s’épuiser à tout jamais. Signalons par ailleurs que si nous parlons ici des dualités caractéristiques des représentations médiévales, celles-ci ne fonctionnent en fait que combinées à une ternarité (et ce moins par l’effet d’une médiation que par référence à un tiers externe) : ainsi, si le corps est périssable et l’âme éternelle, cette dernière n’en est pas moins soumise à la mutatio temporalis, dont parle par exemple Hugues de Saint-Victor, de sorte que seul Dieu est entièrement hors-temps, à la fois éternel et immuable2.Pour en revenir au Jugement dernier, il faut encore rappeler qu’il relève au Moyen Age d’un futur dont le maniement depuis le présent - sous l’espèce de l’attente - est particulièrement délicat et que les clercs médiévaux, à la suite d’Augustin, ont dû déployer une énergie considérable pour désamorcer les potentialités millénaristes qui pouvaient être tentées de s’attacher à l’horizon de la Fin des temps3. Du point de vue de l’institution ecclésiale, qui se heurte sur ce point à de nombreuses opinions divergentes, ce futur doit être vécu comme proche, tout en relevant d’une imminence toujours suspendue et maintenue dans l’indétermination.

2 Entre Jugement dernier et jugement de l’âme, il serait erroné d’établir un rapport de substitution, comme l’a souvent laissé entendre l’historiographie4. Il existe sans doute une affirmation progressive du jugement de l’âme, qui fait l’objet de récits et de représentations figurées de plus en plus nombreux et élaborés. De manière plus significative encore, on peut mettre en évidence, dans le milieu des maîtres parisiens des années 1135-1155, une formalisation inédite du jugement de l’âme, qui fait son entrée dans le vocabulaire théologique, notamment chez Abélard et Robert de Melun, sous le nom même de iudicium. Il n’est certainement pas indifférent d’observer que ce phénomène se produit dans le cadre d’une clarification et d’une restructuration générales des conceptions de l’au-delà, dont la naissance du purgatoire, quelques décennies plus tard, s’avère l’aspect le plus manifeste5. Pour autant – et contrairement à ce que nos représentations contemporaines de la cohérence, et notamment de la cohérence des temps, pousseraient à supposer spontanément –, cette affirmation du jugement de l’âme (d’un jugement qui s’accomplit déjà au moment de la mort) ne se produit pas au détriment du Jugement dernier, dont le moment de plus vif essor iconographique doit être situé au XIIIe siècle et dans la dernière phase du Moyen Age. On se doit donc d’insister sur une coexistence - et même sur une affirmation simultanée - des deux jugements. On pourrait même se demander – mais il y faudrait une étude quantitative à laquelle on ne peut se livrer ici – s’il ne conviendrait pas de renverser entièrement la perspective habituellement reçue et de reconnaître que, somme toute, au XIIe siècle par exemple, moment supposé de balbutiements du jugement de l’âme et d’épanouissement du Jugement dernier, les images du premier sont probablement plus abondantes que celles du second6. Mais au-delà de l’évolution quantitative des deux thèmes, et une fois exclue l’idée qu’il y aurait entre eux une incompatibilité, la véritable question est celle du lien tissé entre ces deux jugements. Une question que les théologiens abordent explicitement, en montrant leur souci d’articuler ce qu’ils appellent parfois un duplex Adventus, un duplex iudicium.

3 On cherchera donc ici à analyser comment cette articulation des deux jugements – le duplex iudicium – peut être pensée en image. Il s’agira d’observer différentes modalités de mise en rapport de deux temporalités distinctes : le présent des âmes séparées (après la mort) et le futur du Jugement ultime (concernant tous les ressuscités). On prendra en compte trois ensembles d’images, qui pourraient donner lieu à d’amples séries, mais que l’on devra limiter à des exemples trop peu nombreux, mais suffisants toutefois pour proposer quelques réflexions sur le fonctionnement d’une image à deux temps.

https://journals.openedition.org/imagesrevues/878
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Narkissos

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MessageSujet: Re: Le jugement dernier dans le nouveau testament   Le jugement dernier dans le nouveau testament - Page 2 Icon_minitimeMar 22 Oct 2024, 15:19

Ce troisième "texte du jour" (journée faste), iconographique, illustre richement ce dont il a été question ici: comment s'imagine ou se représente, de façon forcément spatiale, visuelle, optique, graphique, théâtrale, l'aporie du "temps" même, invisible par définition et qui offre néanmoins tant d'"aspects". Parler de "feuilletage du temps", bien sûr, c'est encore du "spatial", mais ce genre d'image est indispensable pour exprimer ou montrer tant soit peu la différance à l'oeuvre dans ce qu'on appelle le "temps" sans savoir ce que c'"est", justement parce que ce n'"est" rien d'autre que l'"être" qui n'"est" rien, aucun "étant", ou bien qui "est tout" dans un sens paradoxalement "transitif" du verbe être (ce que Heidegger écrit quelquefois west, et ses traducteurs français quelquefois "este"). "Le temps" qui diffère et espace toutes choses diffère infiniment de lui-même sans jamais devenir autre, du moins UN Autre hors temps (autre spatialisation, toujours la même) et hors différance. Le temps d'un "jugement dernier" ne se distinguerait d'un temps de "la mort" (individuelle), de "la vie", de "l'histoire", du "monde", de la "personne", de l'"âme", du "sujet", des "relations", de la "communauté", de la "liturgie", de l'"Eglise", de l'"écriture", de la "lecture" ou de l'"écoute", qu'à se superposer simultanément (dans quel "temps" cette simultanéité ?) à tous les "autres"... L'"aujourd'hui" de l'écriture, de la lecture ou de l'écoute, dans leur différence même, c'est aussi bien l'"avant la fondation du monde" que le "jugement dernier" ou "la mort", la tangence constante et instantanée du "temps" et de l'"éternité", chaque fois une fois pour toutes, comme le dit aussi bien que possible, dans sa langue (médio-)platonicienne, l'épître aux Hébreux; et dans une autre langue, bien que toujours grecque, le johannisme d'un "je suis" coextensif au "monde" qu'il précède, et à quoi il "survivrait" si la notion même de "sur-vie" n'était ici trompeuse...
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