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 La preuve (!)

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Narkissos

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MessageSujet: La preuve (!)   La preuve (!) Icon_minitimeLun 19 Jan 2015, 00:20

[Aujourd'hui ce sera un chapitre, le premier de la Première épître (dite) de Pierre, que je cite -- une fois n'est pas coutume -- selon la NBS:]

Pierre, apôtre de Jésus-Christ, à ceux qui ont été choisis et qui vivent en étrangers dans la dispersion — dans le Pont, en Galatie, en Cappadoce, en Asie et en Bithynie — tels qu'ils ont été désignés d'avance par Dieu, le Père, dans la consécration de l'Esprit, pour l'obéissance et l'aspersion du sang de Jésus-Christ : Que la grâce et la paix vous soient multipliées !
Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui, selon sa grande compassion, nous a fait naître de nouveau, par la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, pour une espérance vivante, pour un héritage impérissable, sans souillure, inaltérable, qui vous est réservé dans les cieux, à vous qui êtes gardés par la puissance de Dieu, au moyen de la foi, pour un salut prêt à être révélé dans les derniers temps.
Ainsi vous êtes transportés d'allégresse, quoique vous soyez maintenant, pour un peu de temps, puisqu'il le faut, attristés par diverses épreuves, afin que la qualité éprouvée de votre foi — bien plus précieuse que l'or périssable, quoique éprouvé par le feu — se trouve être un sujet de louange, de gloire et d'honneur à la révélation de Jésus-Christ.
Vous ne l'avez pas vu, mais vous l'aimez. Maintenant même vous ne le voyez pas, mais vous mettez votre foi en lui et vous êtes transportés d'une joie indicible et glorieuse, tandis que vous obtenez le salut comme aboutissement de votre foi.
Ce salut, les prophètes qui ont parlé de la grâce qui vous était destinée en ont fait l'objet de leurs recherches et de leurs investigations. Ils se sont appliqués à découvrir quelle époque et quelles circonstances désignait l'Esprit du Christ qui était en eux, Esprit qui, d'avance, attestait les souffrances du Christ et la gloire qui s'ensuivrait.
Il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux-mêmes, mais pour vous, qu'ils étaient ministres de ces choses, qui maintenant vous ont été annoncées par l'entremise de ceux qui vous ont communiqué la bonne nouvelle, avec l'Esprit saint envoyé du ciel ; c'est en ces mêmes choses que les anges désirent plonger leurs regards.
Aussi mobilisez vos facultés mentales, soyez sobres, mettez toute votre espérance dans la grâce apportée par la révélation de Jésus-Christ. Comme des enfants obéissants, ne vous conformez pas aux désirs que vous aviez auparavant, dans votre ignorance ; mais, de même que celui qui vous a appelés est saint, vous aussi devenez saints dans toute votre conduite, puisqu'il est écrit : Vous serez saints, car, moi, je suis saint. Et si vous invoquez comme Père celui qui, impartialement, juge chacun selon ses œuvres, conduisez-vous avec crainte pendant le temps de votre exil.
Vous savez en effet que ce n'est pas par des choses périssables — argent ou or — que vous avez été rédimés de votre conduite futile, celle que vous teniez de vos pères, mais par le sang précieux du Christ, comme par celui d'un agneau sans défaut et sans tache.
Il a été désigné d'avance, avant la fondation du monde,
et il s'est manifesté à la fin des temps,
à cause de vous
qui, par lui, mettez votre foi en Dieu,
celui qui l'a réveillé d'entre les morts et lui a donné la gloire
— de sorte que votre foi et votre espérance sont en Dieu.
Comme vous vous êtes purifiés, par l'obéissance à la vérité, en vue d'une affection fraternelle sans hypocrisie, aimez-vous les uns les autres avec ferveur, d'un cœur pur. Vous êtes en effet nés de nouveau, non pas d'une semence périssable, mais d'une semence impérissable, par la parole vivante et permanente de Dieu ; car
tout être qui vit est comme l'herbe,
toute sa gloire comme la fleur de l'herbe ;
l'herbe se dessèche et la fleur tombe,
mais la parole du Seigneur demeure pour toujours. Cette parole, c'est la bonne nouvelle qui vous a été annoncée.


Ce qui m'avait frappé il y a fort longtemps dans ce texte -- je me suis abstenu de le faire ressortir graphiquement ci-dessus pour éviter qu'on le (re-)lise en diagonale -- c'est une certaine préséance du "Christ" par rapport à "Dieu", dans ce qu'il est convenu du moins d'appeler en philosophie classique "l'ordre de la connaissance" (ordo cognoscendi), supposé contraire à "l'ordre de l'être" (ordo essendi). En termes plus simples et plus banals, c'est par le "Christ" seul qu'on connaît "Dieu": il est l'unique fondement (l'image de la pierre angulaire suivra) de toute "connaissance de Dieu". L'idée n'est certes pas nouvelle, elle domine notamment les textes "johanniques" qui semblent avoir indirectement influencé la Première de Pierre via l'épître aux Ephésiens. Mais elle trouve ici une expression discrètement originale.

Le "Christ" dont il est question n'est pas limité au personnage ("terrestre", sinon "historique") de Jésus : c'est déjà son Esprit qui inspire les Prophètes (de l'AT), il est désigné dès avant la fondation du monde (= Ephésiens), sa "résurrection" lui survit et sa "révélation" (apocalypse) est encore à venir. Les destinataires de l'épître, du reste, ne l'ont jamais vu, mais l'aiment, et c'est ainsi, par lui, qu'ils croient en Dieu. Même les "anges" sont situés à l'extérieur de ce cercle de la révélation (de "Dieu" en "Christ" aux "élus") et n'en bénéficient qu'au second rang (idée également dérivée de l'épître aux Ephésiens).

Ce qui m'a d'abord impressionné dans ce type de pensée (vers la fin de ma période TdJ), c'est naturellement l'importance absolue accordée au Christ, sans commune mesure avec le rôle secondaire, subalterne, accessoire, instrumental où le confinait la dogmatique jéhoviste; et l'insistance sur une relation immédiate à ce Christ, sans médiation institutionnelle ou doctrinale. Un peu plus tard, c'est par contraste à une certaine apologétique chrétienne (en particulier face à l'athéisme) qu'elle m'est apparue particulièrement pertinente: à quoi bon, en effet, s'évertuer à concocter des "preuves" générales (rationnelles, philosophiques, scientifiques, historiques) et généralement foireuses d'une "existence de Dieu" par rapport à laquelle la foi en Jésus-Christ apparaîtrait comme une croyance supplémentaire et à ce titre encore discutable, à démontrer à son tour par d'autres médiations (notamment de "l'inerrance" et de "l'inspiration" de la Bible chrétienne) qui devraient elles-mêmes être "démontrées", quand l'amour du Christ se donne d'emblée comme l'unique raison, pour un chrétien, de croire en "Dieu" ?
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MessageSujet: Re: La preuve (!)   La preuve (!) Icon_minitimeMar 20 Jan 2015, 13:08

Citation :
Le "Christ" dont il est question n'est pas limité au personnage ("terrestre", sinon "historique") de Jésus : c'est déjà son Esprit qui inspire les Prophètes (de l'AT), il est désigné dès avant la fondation du monde (= Ephésiens), sa "résurrection" lui survit et sa "révélation" (apocalypse) est encore à venir. Les destinataires de l'épître, du reste, ne l'ont jamais vu, mais l'aiment, et c'est ainsi, par lui, qu'ils croient en Dieu. Même les "anges" sont situés à l'extérieur de ce cercle de la révélation (de "Dieu" en "Christ" aux "élus") et n'en bénéficient qu'au second rang (idée également dérivée de l'épître aux Ephésiens).

Ce qui m'a d'abord impressionné dans ce type de pensée (vers la fin de ma période TdJ), c'est naturellement l'importance absolue accordée au Christ, sans commune mesure avec le rôle secondaire, subalterne, accessoire, instrumental où le confinait la dogmatique jéhoviste; et l'insistance sur une relation immédiate à ce Christ, sans médiation institutionnelle ou doctrinale.

Merci Narkissos  d'avoir porté à notre connaissance ce très interessant texte.

Pour l'auteur, ce "Christ" est-il (ou était-il), une sorte de Logos de Dieu ?

L'amour que ces croyants éprouve pour ce "Christ" qu'ils n'ont jamais vu, est un amour mystique.
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MessageSujet: Re: La preuve (!)   La preuve (!) Icon_minitimeMar 20 Jan 2015, 14:11

free a écrit:
Pour l'auteur, ce "Christ" est-il (ou était-il), une sorte de Logos de Dieu ?

J'insistais sur la discrétion (on pourrait dire aussi l'humilité ou la la modestie) de l'épître de Pierre par rapport à des modèles théologiquement plus marquants et plus remarqués (le prologue de Jean, les hymnes ou développements solennels de Colossiens-Ephésiens, l'introduction de l'épître aux Hébreux, pour en rester à la christologie du logos). A sa façon (plus discrète, donc) l'épître de Pierre me semble en effet dire à peu près la même chose, mais chez elle ça n'a pas l'air d'une proclamation liturgique ni d'une définition dogmatique: ce qui est dit à la fin de la parole (logos) vivante et permanente de Dieu (v. 23ss) correspond bien à tout ce qui a été dit du Christ, mais cela n'est que suggéré, légèrement, comme en retrait, sans donner l'impression de "faire de la théologie".

Citation :
L'amour que ces croyants éprouve pour ce "Christ" qu'ils n'ont jamais vu, est un amour mystique.

On peut certainement le qualifier ainsi, mais il est à noter (discrétion, modestie toujours) que "Pierre" ne le fait pas. C'est de l'amour, tout bêtement, affectivement. Et c'est en fin de compte (tel est le point que je voulais montrer, pour qui ne l'aurait encore pas vu) la seule raison qu'il donne d'être "croyant-en-Dieu", selon le v. 21.

(Sur cette question de discrétion-modestie, cf. http://oudenologia.over-blog.com/article-article-sans-titre-120957627.html )
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MessageSujet: Re: La preuve (!)   La preuve (!) Icon_minitimeLun 14 Aoû 2023, 18:24

Citation :
Le "Christ" dont il est question n'est pas limité au personnage ("terrestre", sinon "historique") de Jésus : c'est déjà son Esprit qui inspire les Prophètes (de l'AT), il est désigné dès avant la fondation du monde (= Ephésiens), sa "résurrection" lui survit et sa "révélation" (apocalypse) est encore à venir. Les destinataires de l'épître, du reste, ne l'ont jamais vu, mais l'aiment, et c'est ainsi, par lui, qu'ils croient en Dieu. Même les "anges" sont situés à l'extérieur de ce cercle de la révélation (de "Dieu" en "Christ" aux "élus") et n'en bénéficient qu'au second rang (idée également dérivée de l'épître aux Ephésiens).

Les destinataires de l'épître étaient connu du Christ et ils étaient, à l'époque des prophètes, l'objet de son attention, comme s'ils existaient déjà et étaient en relation avec lui. L'amour qu'ils éprouvent vis-à-vis du Christ les dépasse, peut-être l'instar de l'évangle de Jean ont-ils oublié leur origine divine.
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MessageSujet: Re: La preuve (!)   La preuve (!) Icon_minitimeLun 14 Aoû 2023, 18:54

Le déploiement d'anachronisme ("Jésus-Christ" avant et après "Jésus-Christ", "nous" avant et après "nous", etc.) peut toujours être "expliqué" au ras des pâquerettes (sur le mode de l'intention, du projet, de la projection, de la prévision, de la prédiction, de la préfiguration, de la prolepse, de l'accomplissement ou de la réminiscence), en termes "philosophiques" (de l'idée intelligible à la réalité sensible, de la puissance à l'acte, de la cause à l'effet) ou "religieux" (de la préexistence à l'apothéose, à la résurrection ou à la réincarnation) et provisoirement neutralisé (explained away, comme dit si bien l'anglais: on l'explique pour s'en débarrasser), tant par les explications dites "rationnelles" que par les()dites "irrationnelles". Mais on en revient tôt ou tard à une dé-(con-)struction des "identités" ("Jésus", "nous", et même "Dieu") dans un fleuve de différence infinie où rien ni personne n'est jamais identique à lui-même, où il n'y a pas de "soi" ni d'"autre" qui tienne, sans pourtant jamais aboutir à une l'immobilité d'une in-différence. Ce qui peut aussi bien se nommer "Dieu", à condition de ne pas y voir une "identité".

Un "Dieu" voudrait-il "créer" des "êtres" distincts et séparés de lui-même -- pourquoi (diable) le voudrait-il ? -- qu'il n'y arriverait pas, il se retrouverait fatalement en eux et eux en lui... structure "johannique" en effet, mais aussi paulinienne (tout en tout/s) ou gnostique (plérôme).

Tout ce qui nous arrive (au sens strict et néanmoins métonymique du terme), ce qui nous atteint, ce qui nous touche, nous émeut, nous affecte sans qu'on l'ait prévu ni vu venir, exemplairement "l'amour", d'où cela nous arrive-t-il ? D'un passé en-deçà de toute mémoire, d'un à-venir au-delà de tout horizon, d'un ailleurs hors de toute perspective, plus haut que le ciel, plus profond que l'océan, ou seulement de l'autre côté du tournant de la rue (comme dirait Pessoa) ? Questions idiotes sans doute, qui ne peuvent recevoir que des réponses encore plus idiotes, mais autour desquelles les métaphores s'affolent et se précipitent irrépressiblement dans tous les sens.
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MessageSujet: Re: La preuve (!)   La preuve (!) Icon_minitimeMar 15 Aoû 2023, 08:19

Obscurité et clarification : l’interprétation des Écritures selon les Épîtres pétriniennes
Samuel Bénétreau

Les prophètes ont été aux prises avec la relative obscurité de leurs propres écrits. Cette thèse originale (le texte le plus proche est Lc 10,24 : « 
Beaucoup de prophètes ont voulu voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu ») s’accompagne d’une mise en valeur de l’ardeur de la recherche ; bien qu’habités par l’Esprit et pressentant toute la valeur de ce qu’ils communiquaient (la grâce !), ils ne parvenaient pas à en saisir toute la portée, en dépit de leurs efforts persévérants, comme l’indiquent les imparfaits exedzètèsan, exèraunèsan et le participe présent eraunôntes, « scrutant » (cf. Jn 5,39 : même verbe pour l’investigation des Écritures par les Juifs) . Il leur fut révélé, est-il précisé, que ce n’était pas pour eux-mêmes « qu’ils étaient ministres de ces choses ». Peut-on déduire de ce passage que la parole des prophètes était obscure ? Pour eux, en une certaine mesure, mais pas vraiment en elle-même. Car « ces choses » (tauta) sont précisément celles qui sont annoncées par « les porteurs de la bonne nouvelle ». Ce passage préserve la qualité du message prophétique, même si la compréhension de celui-ci en était autrefois incomplète. La thèse est hardie, celle d’une identité du message prophétique et du message apostolique. Dans les deux cas, il s’agit de « la grâce qui vous était destinée », « des souffrances du Christ et des gloires qui s’ensuivraient », de « ces choses » qui, maintenant, sont annoncées. En un sens, le message du salut dans le Christ mort et ressuscité (souffrances et gloires) était déjà présent dans la parole prophétique. La différence qui, pour ce qui concerne les destinataires de l’Épître, explique l’accès sans réserve à ces richesses est le nun (« maintenant »), le maintenant de « la grâce apportée par la révélation de Jésus-Christ » (1,13b), auquel s’ajoute l’action illuminatrice de l’Esprit Saint « envoyé du ciel » (1,12). L’on pourrait être tenté de limiter le rôle de l’Esprit à la qualification des diffuseurs de l’Évangile et à l’autorité de leur parole mais, puisque le contexte est celui de l’acquisition de nouvelles clartés, il y a de bonnes raisons de penser aussi à l’illumination du cœur des auditeurs. Pierre Prigent le note : « Le Saint Esprit révèle clairement l’Évangile qui était caché au creux des prophéties ».

Cette section pourrait donner l’impression d’un corps étranger au contexte. Après l’exaltation de la richesse de l’Évangile du Christ au début de la lettre (1,3-9), cette attention accordée aux prophètes surprend, d’autant qu’elle est suivie d’un autre exposé sur la « révélation de Jésus-Christ » et sur ses conséquences (13-21). Le lien est toutefois assuré par l’introduction « ce salut », et par le thème d’une prophétie devenant Évangile. Toutefois, une clarification était nécessaire : le salut prend corps dans la personne et l’œuvre du Christ, auxquels des hommes choisis et soutenus par l’Esprit portent désormais témoignage ; c’est « la vraie grâce de Dieu » dans laquelle les destinataires se tiennent (5,12).

https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2018-1-page-1.htm
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MessageSujet: Re: La preuve (!)   La preuve (!) Icon_minitimeMar 15 Aoû 2023, 10:30

Sur cet article, qui a bénéficié (?) chez nous de discussions un peu plus suivies que d'habitude, voir ici et là (28.1.2020).

Tout ce qu'on qualifie d'"expérience" tant soit peu marquante, individuelle ou collective, heureuse ou malheureuse, réelle ou feinte, religieuse, spirituelle, affective, amoureuse, intellectuelle, sensuelle, etc., requiert pour se dire davantage qu'elle n'est, plus de temps et d'espace qu'elle n'en occupe et même qu'il n'y en a ou qu'on ne peut en imaginer. Poésie explosive par nature, quand même elle s'exprime ici de façon relativement discrète par rapport à ses modèles (notamment deutéro-pauliniens, Ephésiens surtout; cf. le début de ce fil).

"Dieu" est ici le nom de cet en-deçà et au-delà de toute expérience, nécessaire cependant pour que l'expérience se dise; "le Christ" celui du passage d'ici à là, d'un côté hors expérience (pas vu) et touchant pourtant l'expérience (par l'amour et la foi qu'il suscite).

On retrouverait d'ailleurs presque tout cela dans le seul mot d'"expérience", qui renvoie par le latin au grec (peri, peras, peira, peirazô etc.) où il y va de la limite (frontière, etc.) et de l'espace qu'elle délimite (pays, région, contrée, territoire, domaine) mais aussi de l'"épreuve" (cf. peirasmos, v. 6) qui consiste à parcourir et à explorer un espace ou une "situation" d'un bout à l'autre, jusqu'à la limite (cf. empirisme et l'allemand er-fahren), d'en "faire le tour" comme on dit aussi, ce qui ne va jamais sans un certain débord, dépassement ou transgression de la limite, ne serait-ce que pour en rapporter quelque chose (ex-).
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MessageSujet: Re: La preuve (!)   La preuve (!) Icon_minitimeMer 16 Aoû 2023, 09:34

De même encore, en 1 Pierre 1,10-12 — phrase embrouillée au possible! — il paraît possible de comprendre que les prophètes de l’ancien Israël sont bien les porte-parole de l’Esprit du Christ qui « témoignait en eux au sujet des souffrances du Christ et des gloires conséquentes ». Or, cette fois encore, le charisme de l’interprétation est énoncé, non pour rendre compte de l’origine de la parole prophétique , mais pour affirmer sa pertinence en tant qu’elle touche l’événement de salut en Christ, lequel fait aussi l’objet d’une proclamation exercée par les prophètes chrétiens, qui eux-mêmes annoncent l’évangile « dans » ou « par »—les manuscrits autorisent les deux lectures—« l’Esprit Saint qui a été envoyé du ciel, lui devant qui les anges désirent se prosterner ». Citons rapidement la fin du texte (verset 11), dans une traduction aussi littérale que possible :

« Il leur fut révélé — aux prophètes de l’Ancien Testament — que le service qu’ils rendaient—litt : la diaconie—n’était pas pour eux-mêmes mais pour vous, puisqu’ils [annonçaient] ce qui de nos jours vous a été annoncé par ceux qui vous ont évangélisés, dans/par l’Esprit Saint envoyé du ciel, lui devant qui les anges désirent se prosterner  Shocked ».

On le voit, l’inspiration est double : elle atteint aussi bien les missionnaires chrétiens de la première génération, donc le Nouveau Testament en son stade embryonnaire, que les prophètes de l’Ancien Testament. Dans les deux cas, l’inspiration n’est rien d’autre que l’accompagnement par l’Esprit, reconnaissable à la conjonction de l’un et l’autre Testaments, en quelque sorte réunis ou articulés dans la proclamation—a priori ou a posteriori — du commun événement central, le mystère pascal de Jésus, littéralement : « les souffrances du Christ et les gloires conséquentes ».

https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2005-4-page-497.htm
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MessageSujet: Re: La preuve (!)   La preuve (!) Icon_minitimeMer 16 Aoû 2023, 11:29

Excellente réflexion sur un sujet qui nous a aussi pas mal occupés depuis le début de ce forum (cf. p. ex. ici), le rapport complexe entre les notions de "canonicité" et d'"inspiration" qui sont le moins pensées par ceux qui les invoquent le plus (fondamentalistes, intégristes, sectaires, conservateurs etc.).

Pour revenir à l'"anachronisme" dont je parlais plus haut, je soulignerais que ce qu'on appelle le "temps" (khronos) est sous-jacent et coextensif à tous les "problèmes" et "questions" que nous évoquons ici et ailleurs, bien qu'il soit rarement thématisé en tant que tel. Dans "l'écriture" évidemment (c'est d'une réflexion sur l'écriture que partait la pensée derridienne, éminemment temporelle, de la différance): temps de la rédaction, a fortiori de multiples rédactions et réécritures successives, des copies et des traductions, de la lecture à l'écoute, de la mémorisation à la récitation, de la citation à l'allusion, à la réminiscence ou au commentaire, tout cela joue sur des siècles et des millénaires où le "sens" maintes fois se perd et se retrouve, toujours différent. C'est dans et par le temps qu'il y a de l'"obscurité" et de la "clarification", comme disait Bénétreau, de l'"interprétation" qui permet à des cultures et à des époques très différentes de s'"approprier" (provisoirement) des textes anciens, produits par d'autres cultures et d'autres époques; et qu'il se forme aussi des "canons" délimitant un jeu d'intertextualité, qui lui-même dépend du temps social d'une "religion", de générations d'habitude, balisant des parcours individuels qui eux-mêmes prennent du temps (catéchisme, liturgie, initiation, pratique), où se construisent ou se détruisent, changent de toute façon, un "amour" ou une "foi" dits "personnels": "l'expérience" prend du temps, à "vivre", à "méditer", à "digérer", à "communiquer" pour autant que ce soit possible ou que ça ait un sens.  

Sur les points que tu soulignes:

Il y a en effet une hésitation textuelle au v. 12 (présence ou absence de la préposition en avec le datif pneumati), mais outre qu'elle est indécidable (en ce sens qu'on ne peut que la "décider", la trancher "arbitrairement", ce qui est vrai en général de toute décision mais particulièrement ici parce qu'en l'espèce les deux leçons sont bien attestées) elle ne serait guère décisive: dans le grec "biblique" (depuis la Septante) la préposition peut être utilisée dans un sens très lâche, sous l'influence plus ou moins lointaine de l'hébreu b- (dans, par, etc.); et le datif sans préposition est lui-même susceptible d'être analysé dans de nombreux "sens" (dans, par, etc.: local, instrumental, modal, intentionnel) qui sont généralement plus précis dans les dictionnaires que dans l'usage, requérant de l'exégète des choix arbitraires là où le lecteur ou l'auditeur ordinaire ne se pose aucune question et ne fait aucun choix, mais entend seulement un rapport (à l'Esprit) assez vague, flou, peu défini, qu'il n'y a aucune raison de préciser.

Par contre il y a bien un gros contresens dans la fin de la phrase: ce n'est pas devant l'"Esprit" que les anges "se prostern(erai)ent", mais devant "les choses" (ha, neutre pluriel) "annoncées-évangélisées" (jeu de mots sur an-aggelô, eu-aggelô et aggeloi pour les "anges") dans la première partie du verset. Et le verbe parakuptô ne signifie pas "se prosterner", rendre hommage ou adorer dans un sens religieux ou social, comme proskuneô, mais simplement se baisser pour regarder (cf. Luc 24,12; Jean 20,5.11), et par extension regarder attentivement, "plonger ses regards", même sans se baisser, comme en Jacques 1,25.
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MessageSujet: Re: La preuve (!)   La preuve (!) Icon_minitimeMer 16 Aoû 2023, 12:05

Citation :
Ce qui m'a d'abord impressionné dans ce type de pensée (vers la fin de ma période TdJ), c'est naturellement l'importance absolue accordée au Christ, sans commune mesure avec le rôle secondaire, subalterne, accessoire, instrumental où le confinait la dogmatique jéhoviste; et l'insistance sur une relation immédiate à ce Christ, sans médiation institutionnelle ou doctrinale.


"Ils se sont appliqués à découvrir quelle époque et quelles circonstances désignait l'Esprit du Christ qui était en eux, Esprit qui, d'avance, attestait les souffrances du Christ et la gloire qui s'ensuivrait" (1 Pi 1,11 - NBS).

"Ils s’efforçaient de découvrir la période particulière ou l’époque que l’esprit qui était en eux indiquait au sujet de Christ, car cet esprit attestait d’avance les souffrances qui attendaient Christ et la gloire qui suivrait" (1 Pi 1,11 -TMN). Note TMN 1995 : Ou : “ l’esprit de Christ qui était en eux ”.

"Cependant, vous vivez, non pas selon la chair, mais selon l’esprit, si vraiment l’esprit de Dieu habite en vous. Or, si quelqu’un n’a pas l’esprit de Christ, il n’appartient pas à Christ" (Rm 8,9 - TMN).
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MessageSujet: Re: La preuve (!)   La preuve (!) Icon_minitimeMer 16 Aoû 2023, 13:25

En effet, c'est de la part de la TMN non seulement une surtraduction caractérisée mais une interprétation grossièrement abusive, le lecteur n'ayant même plus accès dans les dernières révisions (2013 en anglais, 2018 en français) à l'"autre traduction" en note, qui donnait en fait le sens obvie du texte...

Le texte tel qu'il est ne posait pourtant pas d'énormes problèmes spécifiques à la doctrine jéhoviste, qui pouvait parfaitement l'intégrer ou le neutraliser avec ses outils habituels, en parlant de "préexistence" du Christ et de "prescience" divine par exemple, à condition de ne pas trop creuser les difficultés logiques auxquelles aboutissent très vite de tels concepts (mais ce n'est pas l'habitude de la maison). Au fond c'est toujours un problème d'"anachronisme" fondamental qui gêne la "raison" du traducteur (en l'occurrence F.W. Franz, rationaliste délirant mais rationaliste quand même à sa manière) et l'incite à aller chercher midi à quatorze heures (revanche métaphorique de l'anachronisme) pour évacuer la difficulté: dans les prophètes qui vivaient avant (Jésus-)Christ il n'y avait pas "l'esprit de Christ" mais un "esprit-qui-parlait-de-Christ" -- sens qu'aucun lecteur ou auditeur du grec n'aurait eu la moindre chance de penser mais qu'on peut toujours justifier artificiellement à partir des dictionnaires et des grammaires, comme cas (très) particulier d'un "génitif objectif" qui deviendrait prédictif... Et si la NWT/TMN traduit correctement la même expres​sion(pneuma khristou) en Romains 8,9, c'est qu'elle n'y perçoit pas d'anachronisme (les croyants de référence, à la différence des prophètes de 1 Pierre, viennent après Jésus, ressuscité, monté au ciel et ayant renvoyé l'ascenseur l'esprit, cela passe comme une lettre à la poste pour la christologie et la chronologie jéhovistes).

Il serait peut-être plus intéressant, mais on l'a souvent fait ailleurs, de s'interroger sur le mot "Christ" (khristos): a priori nom commun (adjectif verbal substantivé) signifiant "oint" (c.-à-d. huilé, graissé) en traduction de l'hébreu mashiah, ce qui n'a aucun sens religieux ni politique pour des hellénophones non juifs, il est dès les premières épîtres pauliniennes (et dans l'usage ecclésial qui les précède) un (quasi-)nom propre qui ne "signifie" plus rien (sauf par rapprochement ou confusion avec le quasi-homonyme khrèstos, "bon, utile, précieux"): nom de "personne" et de "fonction" ou de "mission" indissociables, que chaque "christologie" conçoit à sa manière. Dans la Première de Pierre en particulier dont on a déjà noté l'insistance sur la "souffrance" (paskhô, pathon, pathos, passion etc.), le "Christ" est comme par définition "souffrant", et c'est tout naturellement lui qu'on reconnaît dans les textes vétérotestamentaires évoquant la souffrance (notamment Isaïe 52--53), même s'ils ne parlent pas du tout d'"oint" (mashiah / khristos). C'est lui qu'on aime et en qui l'on croit, qu'on croit avoir toujours attendu et qu'on attend encore, tout en l'ayant re-connu sans le voir.

Cela rejoindrait d'ailleurs d'autres discussions récentes ou plus anciennes: le "Christ" est le "dernier dieu", la "dernière" manifestation du "divin", en plus d'un sens -- il l'est pour les "premiers chrétiens" dans un sens à la fois "passé" (le dernier venu) et "à venir" (celui qui re-vient en dernier, à la fin des temps), il le sera encore pour tous les christianismes, de la fin de l'Antiquité au moyen-âge et au-delà, alors que le passé s'éloigne de plus en plus de l'à-venir (si l'on parle du temps comme d'un espace), à-venir auquel on croit de moins en moins en général mais en quoi on se remet parfois à croire intensément, par à-coups ou accès de fièvre eschatologique... Toutefois ce "dernier dieu" était déjà un écho de celui du deutéro-Isaïe, après l'exil à Babylone, et il continue d'influencer discrètement les résurgences d'un "dieu" à (re-)venir dans la modernité post-chrétienne, que ce soit le "sur-homme" ou l'"ultra-humain" de Nietzsche ou le "dieu à venir" de Heidegger, en dépit de toutes les dénégations des intéressés. Et sous ce rapport aussi l'idée d'un Christ par qui l'on croit ou met sa confiance en Dieu (cf. post initial) est intéressante: c'est du dernier dieu, dernier venu et/ou dernier à venir, que dépend à chaque fois la possibilité même d'une foi ou d'un accès au "divin", si originel ou éternel qu'on l'imagine par ailleurs.
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MessageSujet: Re: La preuve (!)   La preuve (!) Icon_minitimeJeu 17 Aoû 2023, 10:23

"Il a été désigné d'avance, avant la fondation du monde, et il s'est manifesté à la fin des temps, à cause de vous qui, par lui, mettez votre foi en Dieu, celui qui l'a réveillé d'entre les morts et lui a donné la gloire — de sorte que votre foi et votre espérance sont en Dieu" (1 Pi 1,20-21).

La manifestation du Christ qui a été désigné "avant la fondation du monde" est une attention particulière pour les croyants, cette manifestation "dépose" la foi dans le cœur des croyants. Si ces croyants n'ont pas vu Christ ("Maintenant même vous ne le voyez pas") , cette manifestation a dû se faire dans leurs cœurs et être une expérience intérieure.
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MessageSujet: Re: La preuve (!)   La preuve (!) Icon_minitimeJeu 17 Aoû 2023, 14:10

Là encore, la Première de Pierre est très nettement marquée par l'épître aux Ephésiens (1,4 etc.), qui elle-même rassemblait déjà plusieurs traditions (pauliniennes et/ou deutéropauliniennes, johannique, etc.), dans une "synthèse" qu'on a souvent qualifiée, à mon avis avec raison, de "proto-catholique".

Ce qui est traduit par "désigné d'avance", littéralement "pré-connu" (anachronisme déjà), c'est le verbe pro-gi[g]nôskô, également employé en Romains 8,29; 11,2 (cf. sa reprise ambiguë en 2 Pierre 3,17 et, dans un sens clairement différent, "avoir connu quelqu'un avant", Actes 26,5). Il y avait déjà le substantif apparenté pro-gnôsis au verset 2 (seul autre emploi néotestamentaire Actes 2,23). L'archi-origine (avant la fondation ou le lancer du monde, pro katabolès kosmou) rejoint l'ultime (ep'eskhatou tôn khronôn, "au dernier des temps") qui est déjà passé ou du moins entamé (phanerôthentos, aoriste passif, pour "manifesté" ou "apparu"). Le "à cause de" (dia + accusatif) tend à renverser la logique, sinon la chronologie, d'autant que la préposition joue avec son emploi instrumental beaucoup plus fréquent (dia + génitif, v. 3, 5, 7, 12, 21ss etc.: le Christ s'est manifesté à cause de vous qui par lui croyez en Dieu...).

Je ne sais pas si on peut qualifier l'"expérience" d'"intérieure": elle renvoie en tout cas à un "extérieur" qui est aussi hors "expérience" -- ce n'est pas seulement "Dieu", mais aussi "le Christ", qu'on n'a pas "vu(s)", et l'"amour" comme la "foi" sont autant collectifs, ou communs, que "personnels" ou "intimes". Le seul usage du "coeur" (kardia) est au v. 22, mais en rapport avec l'amour mutuel des croyants plutôt qu'avec la relation à "Dieu" ou au "Christ" (a contrario, cf. 3,15), laquelle concerne toutefois les "âmes" (psukhè, psukhai 1,9.22; 2,11.25; 3,20; 4,19; cf. ici, notamment à partir du 24.3.2016).
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