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| Jésus est-il mort sur une croix ? | |
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Auteur | Message |
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free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Mer 20 Avr 2016, 14:41 | |
| Parmi ces pratiques, celles dont l'antiquité est la moins contestable, c'est le Signe de la croix. Les témoignages abondent sur ce fait. Il suffit de citer ici celui de Tertullien (208 ?) : « En cheminant, en entrant, en sortant, en nous habillant, en nous chaussant, en entrant au bain, en nous mettant à table, en allumant les lumières, en nous couchant au lit, en toutes nos actions et mouvements, nous nous imprimons au front le signe de la croix. Que si tu réclames obstinément une loi tirée de l'Ecriture pour ces disciplines et usages ou autres du même genre, tu n'en trouveras aucune; mais on t'indiquera la tradition, qui en est l'auteur; la coutume, qui les confirme ; la foi, qui les observe (De Corona militis, III). » |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Mer 20 Avr 2016, 17:58 | |
| Un pinailleur objectera qu'ici le mot crux est absent des meilleurs manuscrits: frontem signaculo [crucis] terimus. Ça reste quand même à mon sens, et sans préjudice de la forme exacte de la crux, le référent le plus vraisemblable du "petit signe" (signaculum). Sinon quoi ?
Pour moi un intérêt majeur de ce genre de texte, c'est d'offrir un tableau vivant du christianisme ancien (du début du IIIe siècle en Afrique du Nord, en l'occurrence) comme "religion" populaire, avec ses symboles et ses rites, y compris domestiques et corporels, non exempts de "superstition" sans doute. Précisément ce qu'on perd de vue à ne considérer que des textes "théologiques" d'un œil "théologien", moderne et de tradition protestante de surcroît.
Or c'est bien ce qui me semble faire tout l'intérêt du "symbole" en général, et de celui-ci en particulier: qu'on puisse l'utiliser quotidiennement de manière "superficielle", "superstitieuse" ou "magique", "eudémonique" ou "apotropaïque" comme diraient les historiens des religions (c.-à-d. pour s'assurer un avantage concret et immédiat, comme "porte-bonheur", ou pour écarter un danger ou une influence maléfique); et lui (re-)découvrir néanmoins, un beau jour ou à tout moment, à la lumière d'un enseignement et/ou d'une expérience, un sens plus profond et en partie opposé: comme signe de la souffrance et de la mort, du mal et de la malédiction par quoi passent, nécessairement, le "salut" et la "vie". A vouloir éliminer cette ambiguïté constitutive du symbole, "rassembleur" à ce prix d'une "communauté" disparate mais aussi de vies disparates (car personne ne se tient toute sa vie à la hauteur de l'interprétation "pure", si tant est qu'il y en ait une), on élimine le symbole même, ainsi que le rassemblement, la commun(icat)ion et les passages (d'un niveau d'interprétation à l'autre) que seul le symbole ambigu rend possibles. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Jeu 21 Avr 2016, 10:43 | |
| - Citation :
- Pour moi un intérêt majeur de ce genre de texte, c'est d'offrir un tableau vivant du christianisme ancien (du début du IIIe siècle en Afrique du Nord, en l'occurrence) comme "religion" populaire, avec ses symboles et ses rites, y compris domestiques et corporels, non exempts de "superstition" sans doute. Précisément ce qu'on perd de vue à ne considérer que des textes "théologiques" d'un œil "théologien", moderne et de tradition protestante de surcroît.
Cette citation indique clairement que certains "réclames obstinément une loi tirée de l'Ecriture pour ces disciplines et usages ou autres du même genre, tu n'en trouveras aucune; mais on t'indiquera la tradition, qui en est l'auteur; la coutume, qui les confirme ; la foi, qui les observe".Elle met en évidence qu'a toutes "écritures saintes" viennent se greffer une "tradition", une "coutume" et des suprestition.. Je me souviens du pouvoir quasi magique attribué à la prononciation du vocable "Jéhovah" en cas de manifestation démoniaque, chez les TdJ. L'apparition d'une "tradition" me parait inéluctable.Narkissos, que penses-tu de l'analyse suivante :"Le geste de tracer un signe de croix sur le front est un des rites chrétiens les plus antiques. Utilisé lors du baptême, ou tracé usuellement en symbole de protection, il se réfère à une prophétie du livre d'Ézéchiel (9:4-6) : « Passe par le milieu de la ville, et marque d'un tav le front des hommes ». Les 144 000 élus mentionnés dans l'Apocalypse portent également au front un signe marquant leur consécration à Dieu, probablement en référence au signe tav d’Ézéchie"https://fr.wikipedia.org/wiki/Croix_(christianisme)
Dernière édition par free le Ven 09 Sep 2016, 12:53, édité 1 fois |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Jeu 21 Avr 2016, 16:30 | |
| Tout dépend le sens de la référence.
Que le christianisme ancien se soit référé à Ezéchiel pour justifier a posteriori la croix de Jésus et l'utilisation de la croix comme signe corporel (en particulier sur le front), c'est un fait amplement documenté (cf. p. ex. ici). Cela ne signifie évidemment pas (du moins pour une "raison moderne") que le texte d'Ezéchiel "annonce" en aucune façon la croix chrétienne. (Mais il faut bien être conscient que ladite "raison moderne" annule du même coup toutes les prétendues "prophéties messianiques" tirées plus ou moins hors contexte de l'AT.)
Ezéchiel 9 utilise le mot hébreu tâw (tw en écriture consonantique) qui est à la fois le nom de la lettre "T", écrite "X" en paléo-hébreu ("+" en phénicien), et le nom commun qui désigne une "marque" (la croix, X ou +, étant pour ainsi dire le signe graphique "par défaut", celui qu'on utilise encore spontanément quand on coche les cases d'un formulaire). Au v. 4 on trouve aussi le verbe dérivé twh (htwyt tw, litt. tu marqueras [d']une marque). Le nom se retrouve en Job 31,35 (voici ma marque, ma signature, mon taw) et le verbe, à une autre forme, en 1 Samuel 21,14 (David qui se fait passer pour fou dessine des marques sur les montants des portes).
En Ezéchiel 9 la Septante traduit tw par sèmeion, "signe" -- c'est dire qu'elle prend tw au sens générique de "marque" et n'attache aucune importance à la forme éventuelle du signe. Pour retrouver celle-ci derrière le texte grec, il fallait une connaissance et du texte hébreu et de l'alphabet paléo-hébreu; cette connaissance existait assurément au tournant de l'ère chrétienne, cf. l'usage du paléo-hébreu dans certaines transcriptions du tétragramme, mais elle était le fait de cercles "savants" et restreints. En revanche, une fois faite, la découverte allait être doublement féconde en milieu chrétien, puisqu'elle correspondait non seulement à la croix du Christ, mais (encore mieux) à son initiale grecque: X = Kh de Khristos.
En ce qui concerne l'Apocalypse, il n'est pas question de "signe" mais de "sceau" et de "nom(s)" (voir ce que j'ai dit ailleurs de la "valse des noms" dans ce livre) sur le front des 144.000 ou des "élus". L'allusion à Ezéchiel reste vraisemblable dans la mesure où il s'agit d'un signe graphique, corporel et salvateur, mais l'accent ne porte pas (en tout cas pas immédiatement) sur sa forme. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Ven 22 Avr 2016, 15:23 | |
| - Citation :
- Pour en rester au corpus paulinien, il est aussi intéressant de suivre la trajectoire de ce thème de Corinthiens à Romains (p. ex. chap. 6): entre autres déplacements, la perspective "eschatologique" de la résurrection future associée à la participation à la croix du Christ, sans s'effacer tout à fait (cf. chap. 8 ), cède de plus en plus le pas à un discours au présent: c'est dès maintenant, en tant que "baptisés" dans la mort du Christ, crucifiés dans ou avec le Crucifié, que "nous" participons à/de la vie nouvelle de l'Esprit (ou) du Ressuscité.
Ce point essentiel échappe à la quasi-totalité des TdJ (je ne fais qu' apprehender les "bords" du sujet). " Pour ma part, mes frères, lorsque je suis venu chez vous, ce n'est pas avec une supériorité de langage ou de sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu. Car j'ai jugé bon, parmi vous, de ne rien savoir d'autre que Jésus-Christ — Jésus-Christ crucifié. Moi-même, j'étais chez vous dans un état de faiblesse, de crainte et de grand tremblement ; ma parole et ma proclamation n'avaient rien des discours persuasifs de la sagesse ; c'était une démonstration d'Esprit, de puissance, 5pour que votre foi ne soit pas en la sagesse des humains, mais en la puissance de Dieu." 1 Cor 2, 1-5 Il n'y a pas de rationnalité humaine dans l'approche de l'apôtre Paul, il parle du " mystère de Dieu" qui se fonde sur le paradoxe de la "croix". C'est le Christ qui vit dans le croyant, ce qui présuppose que le croyant a été crucifié en Christ : " Je suis crucifié avec le Christ : ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi" (Gal 2,19-20). Être mort avec le Christ implique une mort et une ressurection (Rm 6, 1-14 " Nous savons qu'en nous l'homme ancien a été crucifié avec lui (...) Or si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui"). |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Ven 22 Avr 2016, 16:04 | |
| [On objectera (toujours le même pinailleur ?) qu'une raison (une logique, une sagesse) "paradoxale" est tout aussi "rationnelle" et "humaine" qu'une autre... Après, c'est peut-être une question de goût: il me semble que je n'aurais pas pu vivre, ou survivre, sans ce type de pensée, qui pourtant répugne à d'autres. La diversité de l'Ecriture permet à chacun d'y trouver ce qu'il aime, mais l'oblige aussi à y côtoyer et à y reconnaître ce qu'il n'aime pas. L'attitude la plus sage consisterait sans doute à prendre ce dont on a besoin sans dégrader le reste -- d'autant qu'on en aura peut-être besoin un jour.] |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Ven 22 Avr 2016, 17:05 | |
| - Citation :
- Après, c'est peut-être une question de goût: il me semble que je n'aurais pas pu vivre, ou survivre, sans ce type de pensée, qui pourtant répugne à d'autres.
J'avoue que le discours de Paul sur la crox est totalement étranger et incompréhensible ou en d'autres termes, , la parole de la croix est folie. Je pense que mon passage chez les TdJ me rend encore plus hermétique à ce type de pensée, même si j'essaie de le comprendre. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Ven 22 Avr 2016, 18:52 | |
| C'est bien possible, mais je témoigne (c'est à peu près tout ce qu'on peut faire en matière de goût et d'expérience) de la possibilité d'un effet contraire: parce que j'avais été saturé de dualisme exclusif, sans le moindre soupçon de dialectique ni de paradoxe (la vérité OU l'erreur, le bien OU le mal, la vie OU la mort, entre l'un et l'autre il n'y aurait qu'à "choisir"), la découverte, dans le Livre tant ressassé, de tout autres "économies des opposés" (la théologie paulinienne de la croix étant à cet égard la plus évidente, mais pas la seule, qu'on songe aux "premiers-derniers" des évangiles) m'est apparue comme une véritable révélation -- que j'ai probablement ressentie plus intensément que quelqu'un qui en aurait été nourri depuis son enfance.
C'est d'ailleurs, à mon sens, un des problèmes majeurs de ce genre de théologie: si elle suscite volontiers l'émerveillement (au moins dans son sens étymologique d'étonnement), la fascination, voire la conversion (de l'"esprit" ou du "cœur", je ne parle pas nécessairement de "changement de religion"), elle vieillit mal, parce qu'elle ne peut pas du tout vieillir. Transmise de génération en génération, elle se transmet sans se transmettre, car elle ne constitue pas un programme d'éducation: même le plus "chrétien" des parents n'enseigne pas la faiblesse, la sottise, l'échec, la mort à ses enfants; il ne souhaite pas les voir "derniers" et encore moins "crucifiés". Si cela s'enseigne quand même aux enfants, c'est avec le détour de l'hypocrisie ou du mystère, comme une parole à ne surtout pas prendre trop au sérieux ou à la lettre (Kierkegaard dit très justement que le christianisme enseigné dans toute sa rigueur à un enfant le briserait), jusqu'au jour où on en a éventuellement besoin (et alors on comprend ce qu'on a répété toute sa vie sans le comprendre -- il était littéralement vital de ne pas le comprendre avant). [L'image botanique et presque biblique qui me vient après coup à l'esprit, c'est celle de la graine dont la germination est retardée par sa coque dure, jusqu'au moment opportun.]
Cela rejoint l'ambiguïté du symbole dont on parlait précédemment: la religion populaire prend pour un moyen de protection contre le mal (le malheur concret) ce qui, pour la théologie et la mystique, signifie au contraire l'acceptation du pire (toujours au sens concret). Ce n'est même pas un contresens (ou alors un double contresens) puisque, dans les deux cas, il y va d'un "salut" et d'une "vie" -- pas les mêmes, certes, et dans un sens opposés: mais de l'un à l'autre il y a quand même passage (comme en contrebande).
Du reste, le double sens est inscrit par les textes dans le symbole lui-même, cf. notamment Jean 3: le Fils de l'homme est élevé sur la croix comme le serpent dans le désert (en référence à Nombres 21). Le remède est le poison, le poison est le remède (pharmakon) -- ce n'est pas pour rien qu'on retrouve sensiblement la même image sur toutes les pharmacies (que ce soit le caducée d'Esculape plutôt que le bâton de Moïse ou la croix du Christ ne change pas grand-chose à l'affaire).
On n'en finirait pas de cette mise en abyme du "signe de contradiction".
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| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Mer 27 Avr 2016, 16:23 | |
| A la questions : "Pourquoi les Témoins de Jéhovah n’utilisent pas la croix dans leur culte ?", la WT apporte la réponse suivante : - Citation :
- "On note avec intérêt que Jésus a dit : « Par là tous sauront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour entre vous » (Jean 13:34, 35). Jésus montrait que ce qui caractériserait ses vrais disciples, ce serait l’amour qui peut aller jusqu’au sacrifice de soi, et non pas la croix ni tout autre objet de vénération."
https://www.jw.org/fr/temoins-de-jehovah/faq/croix-culte/ Le critère de l'amour (en réalité Jean précise "entre vous", ce qui limite la porté du critèe) avancé par la WT, exclut toutes autre marques distinctives proposées par n'importe quelle religion, y compris la prédication et l'assistance à des réunions, le refus des transfusions sanguines, qui ne sont jamais citées comme des marques distinctives des disciples de Jésus.
Dernière édition par free le Jeu 28 Avr 2016, 09:53, édité 1 fois |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Mer 27 Avr 2016, 20:29 | |
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Mer 19 Juin 2019, 14:59 | |
| Une parenthèse récente (13.6.2019, dernier paragraphe) me ramène à ce fil dont je constate avec plaisir, en le parcourant, qu'il est plus intéressant que son titre ne le laissait craindre. Je me contenterai d'y ajouter quelques remarques en vrac: - Selon la chronologie généralement admise -- et surtout, ce qui est beaucoup plus significatif, selon une chronologie relative et plausible (on ne peut pas dater absolument les textes du NT, mais on peut quand même en ordonner certains les uns par rapport aux autres, d'après leur contenu, dans une séquence avant-après) -- les toutes premières mentions écrites de la croix sont pauliniennes et se trouvent dans la correspondance corinthienne (sous réserve de son propre développement rédactionnel). - La croix apparaît d'emblée (1 Corinthiens 1--2) comme une marque distinctive de l'"évangile" paulinien (qui n'est pas encore celui de l'épître aux Romains: l'antithèse de la foi et de la loi, par exemple, en est totalement absente), non seulement par opposition à des Juifs et des Grecs supposés extérieurs à la nébuleuse (proto-)chrétienne (par-delà les destinataires, le réseau de communautés avec lesquelles ils sont en relation plus ou moins "fraternelle", en "communion", y compris en Judée si du moins la stratégie paulinienne de la "collecte" fonctionne), mais aussi par rapport à d'autres prédications reçues dans ce "milieu", prédications qu'on devine par contraste centrées sur la "puissance" (proto-christianismes miraculeux ou charismatiques) et/ou la "sagesse" (proto-christianismes sapientiaux ou gnostiques), peut-être associées respectivement aux noms de Céphas (à ne pas identifier trop hâtivement à "Pierre") et d'Apollos. A contrario, la croix ne figure pas dans le chapitre 15 (bien que celui-ci porte les traces d'une rédaction longue et compliquée, notamment dans la liste des "apparitions"), où Paul se réfère au "fonds commun" proto-chrétien, ce qu'il aurait lui-même reçu et transmis (la "tradition" qui ne lui est donc pas propre, qu'il n'a pas "inventée" ou, si l'on préfère, qui ne résulte pas d'une "révélation" personnelle et originale): là le Christ est (simplement) " mort (non: crucifié), enseveli et ressuscité selon les Ecritures" (ce qui pose d'autres problèmes, scripturaires justement, mais passons... nous en avons assez parlé ailleurs). - C'est dire que dès le départ (paulinien) la croix fonctionne bien comme un "symbole" (cf. supra), à quoi les textes vont prêter du sens, différents sens dont on peut suivre l'évolution et la ramification dans le corpus épistolaire qui en découle plus ou moins directement: dans un ordre vraisemblable encore, voir 1 Corinthiens 1,13--2,8; 2 Corinthiens 13,4; Romains 6,6; Philippiens 2,8; 3,18; Galates 2,19; 3,1; 5,11.24; 6,12ss; Colossiens 1,20; 2,14; Ephésiens 2,16; 1 Pierre 2,24; voir aussi, pour rassembler toutes les occurrences hors des évangiles, Actes 2,23.36; 4,10 (la croix n'apparaît que dans les discours de "Pierre"); Hébreux 6,6; Apocalypse 11,8. C'est à la fois beaucoup et très peu par rapport à la déclaration d'intention initiale de 1 Corinthiens 1--2: dès l'épître aux Romains, par exemple, la croix se fait discrète, avant (?) de reparaître ( spectaculairement dans l'épître aux Galates) sous des éclairages fort différents d'un texte à l'autre. - Dans les évangiles enfin, il faut distinguer les récits de la Passion où la croix est naturellement omniprésente, puisque c'est le propos, de ce qui les précède: chez Marc Jésus a annoncé sa mort, non sa crucifixion (8,31; il annoncera bien sa crucifixion chez Matthieu, 20,19; 26,2, mais elle n'y sera pas exclusive, cf. 23,34: d'autres "justes", sages, scribes ou prophètes, ont été et seront crucifiés -- outre que dans les quatre récits évangéliques de la Passion la crucifixion est collective: il y a toujours d'autres crucifiés, pour des motifs divers -- et même un "repenti" chez Luc); la seule croix annoncée (ou plutôt prescrite) chez Marc est celle du disciple, celui qui suit Jésus et qui doit prendre sa propre croix, non celle de Jésus (v. 34) -- à comparer dans le récit de la Passion avec la tradition de Simon de Cyrène (Marc 15,21//), ostensiblement contredite par le quatrième évangile (Jean 19,17, "portant lui-même sa croix"). - Si dans le NT la croix est "symbolique" ou "signifiante" de part en part, ses significations ou interprétations sont extrêmement diverses, comme le montre l'ensemble des références précitées: de l' incognito du "Seigneur de gloire" qui trompe et défait ainsi les puissances cosmiques (de 1 Corinthiens à Colossiens-Ephésiens p. ex.), on passe à des thématiques sensiblement différentes, comme le martyre subi par le juste (Actes), l'humiliation volontaire (Philippiens), le renoncement à soi (Marc 8 ), mourir à la chair, au péché, au monde ou à la loi ("Paul" à partir de Romains), voire la malédiction (Galates). Tous ces "sens" avérés de la croix reposent cependant sur un même dénominateur commun qui correspond à sa réalité concrète et banale, pénale et sociale à la fois: le supplice effectivement perçu comme le plus infâmant à l'époque romaine (là-dessus M. Hengel a presque tout dit), qui sert donc d'antithèse absolue au "divin" (même quand le symbole se renverse, notamment chez Jean qui à partir du mouvement le plus concret de la mise en croix, en fait une "élévation" au-dessus de la terre et une "glorification" paradoxales). |
| | | free
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| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Lun 24 Juin 2019, 09:25 | |
| Échec de la sagesse humaine
La première étape met en crise toutes les prétentions humaines à la sagesse pour leur opposer la croix. Le verset 21 offre une expression condensée de l’échec de la sagesse : « puisque plongé dans la sagesse de Dieu, le monde n’a pas reconnu Dieu grâce à la sagesse de Dieu... ». Ni les œuvres de la création, ni la raison accordée à l’être humain lui-même n’ont conduit les hommes à reconnaître Dieu créateur ; ils n’ont su, dit la Lettre aux Romains, ni le glorifier ni lui rendre grâce ! Au contraire, les hommes ont fait des œuvres la création et de leur propre sagesse un objet d’idolâtrie sur lequel ils ont refermé la main. Aussi la sagesse des hommes affolée de son propre pouvoir s’est-elle recourbée sur elle-même et s’est-elle affaissée. Dès lors, Dieu a choisi l’antithèse, l’opposé absolu de la sagesse, « la folie de la proclamation » qui appelle les hommes à la foi : « c’est par la folie de la proclamation que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient ». Folie qui renvoie dos-à-dos toutes les grandes traditions philosophiques et religieuses que l’humanité avait jusqu’alors parcourues : « Puisque les Juifs demandent des signes et les Grecs recherchent une sagesse... ». Les Grecs et les Juifs, dans la bouche du juif Paul, sont les deux parties constitutives de l’humanité. Or, les uns sont en quête de sagesse : la recherche de la connaissance et de la vérité occupe la philosophie grecque depuis des siècles, la raison y cherche une maîtrise du monde ; les autres réclament des signes : les Juifs attendent que la puissance de Dieu qui s’est manifestée jadis dans un acte spectaculaire de délivrance « à main forte et à bras étendu » se déploie à nouveau dans une intervention décisive, sauvant le peuple élu que distinguent les marques dans la chair. « Eh bien nous, nous proclamons un Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les Grecs ». Toutes les tentatives humaines pour s’assurer un pouvoir sur le monde et sur l’être humain, les tentations symétriques et opposées que sont pour les uns la recherche d’une sagesse supérieure qui sauve, pour les autres la certitude d’une élection qui les sépare pour leur donner la terre, tout cela revient à mettre la main sur Dieu et sur l’avenir de l’humanité. Tout cela, dit Paul, Dieu le balaie au nom d’une folie qui est celle de la croix et qu’il est chargé de proclamer. https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/200227.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Lun 24 Juin 2019, 10:31 | |
| On voit bien ici le problème de méthode: "expliquer" 1 Corinthiens par l'épître aux Romains (où comme on l'a remarqué plus haut la croix brille par son absence, à l'exception de l'emploi figuré ou "symbolique" du verbe su[n]stauroô, passif, "être crucifié avec", en 6,6, cf. Galates 2,20; et, dans un sens littéral au contraire, Marc 15,32//Matthieu 27,44; Jean 19,32) ou aux Galates (où le "symbole" de la croix est à nouveau exploité mais dans un tout autre sens, notamment avec le motif de la "malédiction" absent de 1 Corinthiens), c'est ne rien expliquer du tout.
On notera toutefois à la fin de l'article un rappel bienvenu, à savoir que la "folie" de 1 Corinthiens 1--2 est plutôt "sottise" ou "stupidité", môria vs. mania (nous en avons souvent parlé). |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Jeu 15 Juil 2021, 13:05 | |
| Je repensais à ce thème (ou à ce "motif", la croix "signe polysémique", aussi au sens "graphique" du "signe" ou du "motif", générant et disséminant toute sorte de "sens" -- du sèma grec au semen latin, du "signe" et de la "signification" à la "semence" -- pas tout à fait n'importe comment cependant puisqu'on peut toujours y retracer des "généalogies", même si elles se recoupent à tous les étages et rendent arbitraire ou artificielle toute "lignée" monolinéaire), qui me reconduit à ce fil de discussion fort riche, où tout ou presque a déjà été dit: raison de plus, une fois encore, pour bien le relire avant d'y ajouter quoi que ce soit, ce que je me suis efforcé de faire sans être sûr de l'avoir assez bien fait.
Il me semble toutefois possible d'y insérer quelques réflexions supplémentaires, par exemple sur ce qui se passe entre la Première épître aux Corinthiens (surtout aux chap. 1--2, selon toute vraisemblance la première trace écrite de "la croix" qui nous soit parvenue dans le NT; même si l'on juge 1 Thessaloniciens antérieure, ce dont personnellement je doute, il n'y est pas question de "croix" ni de "crucifixion"; bien entendu, en amont de l'écrit il y a toujours une "tradition", orale ou écrite mais pour nous intraçable, quoi qu'on pense des références "autobiographiques" du texte -- sur la venue et la prédication de "Paul" à Corinthe notamment) et l'épître aux Romains p. ex. (où la "croix" s'efface devant d'autres "thèmes" sans rapport évident, comme l'antithèse de la "loi" et de la "foi"). Cf. supra 19.6.2019, § 3-5.
En 1 Corinthiens 1--2 donc, le caractère "infamant" de la croix paraît central, quoiqu'il reste implicite (les connotations sociales du supplice, habituellement réservé à ce que d'aucuns appellent la "racaille", allaient de soi pour l'auteur et les destinataires mais ne vont plus de soi pour nous, surtout après deux millénaires d'exaltation de "la croix"; il est néanmoins quelquefois explicite, exemplairement dans l'hymne de Philippiens 2), et il engage a priori des conséquences qui sont aussi bien "sociales" et "politiques" que "théologiques" ou "cosmologiques": les paradoxes théoriques (sagesse / folie-sottise, puissance / faiblesse) sont intimement liés à la condition sociale des destinataires (beaucoup de "gens de peu", 1,26ss, y compris d'esclaves, cf. 7,21ss; 12,13, le plus souvent démunis et peu instruits; peu de "puissants", riches et/ou savants, mais il y en a et à une place déjà décisive, notamment les "maîtres de maison" qui rendent possible l'organisation concrète d'une "communauté"; cf. 1,11.16 -- sans compter le chap. 16 qui est probablement postérieur; mais c'est peut-être déjà le cas de la parenthèse de 1,16, cf. 16,15). Avec les "princes (arkhontes de ce monde" au chapitre 2, c'est tout un ordre théo-cosmo-socio-politique que la croix tourne en ridicule dans l'image du dieu (seigneur de gloire) crucifié.
En Romains au contraire, la "croix" disparaît presque, comme on l'a vu; à moins qu'elle ne se change justement en théorie, et pas n'importe laquelle, celle qui paraît désormais centrale: dans un sens, c'est bien la puissance "subversive" de la croix qui se trouve canalisée, d'"explosive" tout azimut, vers le seul renversement du principe de la "loi" (nomos) au profit de la "foi", expressément déconnecté de toute implication "politique" (cf. chap. 13) ou sociale: même le rapport "maître-esclave" n'est plus utilisé que dans un sens métaphorique ou métonymique, théologique et théorique (chap. 6--8 ). De remise en cause de l'ordre social, il ne sera plus jamais question dans le paulinisme, sinon au plan de la théorie ("ni libre ni esclave, ni homme ni femme", Galates, cela laisse intactes les relations d'autorité pratiques, par exemple dans les "tables domestiques" des deutéro-pauliniennes) -- c'est bien ce que lui reprochera l'épître de Jacques, mais sans la moindre référence à la croix. |
| | | free
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| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Mar 20 Juil 2021, 13:37 | |
| Après ce premier passage où Paul distingue parfaitement « foi au Christ » et « foi du Christ », en voici un second, tout aussi important, où la foi du Christ est mise en relation avec la Croix :
Ga 2,19-20 : « Je suis crucifié avec le Christ; et ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi; et ma vie présente dans la chair, je la vis dans une foi, celle du Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi »
Les trois propositions de ce passage sont reliées entre elles par une particule de liaison (dè) qui en fait un ensemble dont tous les éléments sont interdépendants. Le fait de vivre « dans la foi du Fils de Dieu » est donc à mettre en relation avec le fait d’être « crucifié avec le Christ ». La croix devient ainsi le « lieu » de la « foi du Christ», lieu où elle arrive à sa perfection (cf. He 12,2) et où, surtout, elle est offerte à tous les baptisés. Loin de n’être plus qu’un « simple croyant », le Christ devient ainsi l’unique Croyant qui soit digne de Dieu et qui soit en outre capable d’inviter l’humanité tout entière à se réunir dans sa foi. Que pour Paul « foi » et « croix » soient structurellement connexes, cela peut se prouver en rapprochant trois versets qui ont en commun le verbe « évangéliser », verbe dont le complément direct désigne, en grec, le contenu du message et non pas son destinataire. – Ga 1,16 : Dieu « daigna révéler en moi son Fils pour que je l’évangélise parmi les nations ». – Ga 1,23 : dans les Églises de Judée, « on entendait dire que le persécuteur de naguère évangélisait maintenant la foi qu’alors il voulait détruire ». – I Co 1,17 : « Le Christ ne m’a pas envoyé baptiser mais évangéliser, et cela, sans la sagesse du langage, pour que ne soit pas réduite à néant la croix du Christ ». « Évangéliser » le « Fils de Dieu », la « foi » et la « croix » : tel est l’unique « Évangile » de Paul. Il peut ne parler que de la croix (I Co 2,2) parce qu’à ses yeux, la « foi » qui s’y révèle apporte au monde la « guérison » à la manière du « soleil de justice » qu’annonçait le prophète Malachie.
https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2005-4-page-713.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Mer 21 Juil 2021, 10:44 | |
| La croix revient effectivement en force dans l'épître aux Galates (2,19; 3,1; 5,11.24; 6,12.14), et son rapport à la "foi du Christ" (2,16.20; 3,22; cf. p. ex. ici) est tout à fait significatif dans le cadre de cette épître; mais je me garderais pour ma part d'étendre ce "cadre" et sa "logique" si particulière à l'ensemble du corpus paulinien (et a fortiori du NT), même à l'épître aux Romains qui en est thématiquement la plus proche: comme on l'a vu, si la "foi du Christ" est bien présente dans l'épître aux Romains (3,22.26), la "croix" en revanche n'y apparaît qu'exceptionnellement et discrètement (dans un verbe composé, "être-crucifié-avec", 6,6), cédant le pas à des notions plus générales ( mort, souffrance, ensevelissement). Dans 1 Corinthiens au contraire où la "croix" était au premier plan, la "foi" n'avait pas encore le caractère d'unique principe salvateur qu'elle acquerrait dans Romains et Galates. Ce que l'épître aux Galates fait et que l'épître aux Romains ne faisait pas (je suppose toujours, contrairement à l'opinion commune, Romains avant Galates, mais ça ne change rien à la différence du propos), c'est -- entre autres choses -- d'identifier la croix du Christ à la malédiction (du dieu) de la loi: cela revient à faire de "la foi du Christ" et du Dieu-Père auquel elle se rapporte un principe salvateur radicalement étranger à "la loi" et à son "dieu" (d'où aussi la distinction qu'on chercherait en vain dans Romains, de la loi ajoutée par des "anges" et par un "médiateur" dont le "vrai Dieu", le "Dieu-un", Dieu de la "promesse", de l'"évangile" [ epaggelia-evaggelion] et de la "foi" n'aurait nul besoin); autrement dit, le "marcionisme" est en bonne voie, sur une voie certes frayée par l'épître aux Romains (selon mon hypothèse) mais avec quelques longueurs "d'avance" sur celle-ci (quelle que soit l'hypothèse chronologique). Cela changerait en tout cas la nature du paradoxe du "dieu crucifié": non plus un dieu qui viendrait se faire condamner par sa propre loi, puis justifier par la foi conformément à un principe antérieur (Abraham), pour mettre fin au régime provisoire de la loi au profit du régime pérenne de la foi (logique de l'épître aux Romains), mais un dieu inouï qui se révélerait en se faisant condamner par une loi foncièrement étrangère, quoiqu'on l'ait à tort prise pour sienne... --- Même si l'épître aux Galates n'a pas inventé la formule "la foi du Christ", elle en modifie le sens dans la mesure où "le Christ" de référence est avant tout "le Crucifié", non "le Ressuscité" (la résurrection n'est guère évoquée, de façon stéréotypée, que dans l'introduction, 1,1; ce qui en tient lieu par la suite, c'est "l'esprit" qui est indistinctement du Fils, du Père et des croyants). Il s'ensuit que "la foi" n'est plus une simple "réponse humaine" et "extérieure" au "mythe", au "mystère" ou à "l'acte divin" (aussi au sens "théâtral" ou "représentatif" du terme, cf. encore ici), elle en fait au contraire partie intégrante (etc.), à la limite elle se confond tout à fait avec lui. (C'est aussi la relève d'un thème paulinien antérieur, celui du "corps" dont l'importance décroît déjà sensiblement de 1 Corinthiens à Romains, pour ne plus se retrouver en Galates que dans les " stigmates" de l'apôtre en 6,17 -- conséquences "spectaculaires", "sensibles" ou "sensationnelles", mais aussi logiques, d'un "Christ-crucifié" en "soi", chap. 1--2.) |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Mer 29 Sep 2021, 09:51 | |
| Par dégoût, les premiers chrétiens ont adopté un symbole grec pour décrire la crucifixion - Des chercheurs ont découvert des preuves que les premiers chrétiens avaient adopté un symbole grec pour décrire la crucifixion alors que beaucoup, par répugnance, hésitaient à décrire la crucifixion de Jésus-Christ. Certains érudits pensent que cette aversion a persisté jusqu’au IVe ou Ve siècle, selon Aleteia. Larry W. Hurtado, professeur émérite de la langue du Nouveau Testament, de littérature et de théologie à l’Université d’Édimbourg, en Écosse, affirme qu’un symbole chrétien représentant la crucifixion, autre que la croix, avait été utilisé 150 à 200 ans plus tôt que cette dernière. Pour des raisons culturelles, plusieurs chrétiens voyaient la crucifixion comme honteuse, de sorte qu’ils hésitaient à attirer l’attention sur le Christ à la croix, explique Hurtado dans un article sur le site de la Société d’archéologie biblique. Hurtado décrit alors comment un symbole connu sous le nom de staurogramme a été créé à partir des lettres grecques tau et rhô : « En grec, la langue de l’église primitive, le tau majuscule, ou Τ, ressemble à peu près à notre T. Le rhô majuscule, ou R, cependant, est écrit comme notre Ρ. Si vous superposez les deux lettres, cela ressemble à ceci : « Les premières utilisations chrétiennes de cette combinaison tau-rhô en font ce qu’on appelle un staurogramme. En grec, le verbe ‘crucifier’ est stauroō ; une ‘croix’ est un stauros. [… Cette combinaison de lettres produit] une représentation pictographique d’une figure crucifiée accrochée à une croix dans les mots grecs pour ‘crucifier’ et ‘croix’ ».Hurtado, auteur de The Earliest Christian Artifacts: Manuscripts and Christian Origins, soutient que le staurogramme est la première image chrétienne de Jésus sur la croix, mais, comme d’autres christogrammes, c’était à l’origine un symbole préchrétien. On le trouve en outre sur une pièce Herodienne datant d’une quarantaine d’année avant même la naissance de Jésus.Les lecteurs catholiques pourront quant à eux penser qu’ils reconnaissent ce symbole comme un chi-rhô qui est en réalité un autre christogramme ; ce dernier, comme son nom l’indique, est une superposition des lettres grecques chi et rhô. Avec le temps, les christogrammes sont venus à être utilisés non seulement dans des textes, mais comme des symboles indépendants du Christ ou de la foi chrétienne », écrit Hurtado. Et d’ajouter : « Cela était probablement aussi vrai pour le staurogramme tau-rhô […] mais [sa] première utilisation était une référence visuelle à la crucifixion de Jésus. En tant que tel, c’est la première représentation connue de la crucifixion de Jésus ». Le symbole a été en outre retrouvé en janvier 2014 sur le sol d’une basilique byzantine dans la région d’Ascalon en Israël. Le symbole a été en outre retrouvé en janvier 2014 sur le sol d’une basilique byzantine dans la région d’Ascalon en Israël. https://chretien.news/staurogramme-tau-rho/ |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Jésus est-il mort sur une croix ? Mer 29 Sep 2021, 11:12 | |
| Ce que Hurtado n'explique pas (du moins ici), c'est le sens dudit "staurogramme" sur la monnaie hérodienne, qui est loin d'être clair. A ce que je vois là (27.4.2014, en anglais), il y a eu au moins neuf interprétations concurrentes qui ne se réfèrent à aucune crucifixion, outre celles qui y devinent une allusion à la mort d'Antigone, rival d'Hérode investi par les Parthes, livré par celui-ci à Antoine qui l'aurait fait crucifier symboliquement et flageller avant de le mettre à mort (cf. Dion Cassius, Histoire romaine XLIX, 22, qui utilise bien le mot stauros quand la traduction française parle de poteau)...
Mais on ne se méfie jamais assez de l'erreur de perspective qui consiste à accorder le plus de crédit aux hypothèses les plus "intéressantes", en l'espèce celles qui auraient un quelconque rapport avec la "suite" de l'histoire telle que nous la lisons, chrétienne donc. En histoire le moins intéressant n'est pas le moins probable, bien au contraire, c'est bien pour ça qu'à côté de l'"histoire" il y a de la "littérature", depuis les mythes anciens jusqu'à la séparation moderne, et toute relative, des deux catégories.
Quoi qu'il en soit, la récupération chrétienne du symbole est assez naturelle, et antérieure en effet à celle du christogramme (X + P = Kh + r, khristos), à moins que le staurogramme hérodien ne soit lui-même un christogramme déformé (l'étoile sur la même pièce peut aussi être lue comme un symbole "messianique", cf. Balaam et Bar Kokhba beaucoup plus tard; mais dans ce cas le khristos = mashiah n'aurait évidemment aucun rapport avec la croix). D'autant que l'image même, par la boucle du P, peut évoquer spontanément la tête du crucifié (sans compter des analogies bien plus anciennes et répandues comme l'ankh égyptienne ou "croix ansée"). |
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