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| Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Jeu 10 Oct 2019, 10:58 | |
| Les contradictions de l'épître de Jacques répondent ou correspondent davantage, formellement, aux énoncés de l'épître aux Romains qu'à ceux de l'épître aux Galates (voir ici et là, note 35).
Toutefois l'opposition de l'épître de Jacques au "paulinisme" -- probablement à un paulinisme ecclésial plus tardif que celui de l'épître aux Romains, même si elle s'appuie sur les termes de cette épître fondatrice -- ne porte absolument pas sur la suprématie théorique de "l'amour" (loi "royale" pour lui aussi, cf. encore 2,13ss), mais sur sa dénégation pratique. Il faut lire attentivement le passage que tu cites dans son contexte (chap. 2), autour de la question sociale de la "partialité" qui consiste à honorer le riche et à mépriser le pauvre. La célébration de "l'amour" dans les Eglises (post-)pauliniennes aboutit paradoxalement à une morale sexuelle stricte (la condamnation de l'adultère va de soi) et à une totale indifférence à l'égard de cette "partialité" ordinaire qui se contente de reproduire telles quelles dans la communauté l'échelle de "valeurs" du "monde": les riches sont naturellement flattés, d'autant qu'ils sont les hôtes et protecteurs (patrons) de l'Eglise, même quand ils restent des oppresseurs au plan économique et social (cf. chapitre 5). Autrement dit, on réprouve l'adultère et on tolère le meurtre, notamment celui qui consiste à priver les pauvres des moyens de vivre (cf. Siracide 34,25s). Tel est le sens -- et l'ironie mordante -- de l'argument (qu'une lecture ou une réminiscence "chrétienne" distraite renverse spontanément et symptomatiquement en une logique "légaliste" qui n'est justement pas celle de "Jacques": on ne tolérerait pas le meurtre, on ne doit pas non plus tolérer l'adultère: "Jacques" écrit expressément l'inverse). |
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| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Jeu 10 Oct 2019, 11:46 | |
| "Veux-tu donc savoir, tête creuse, que la foi en dehors des œuvres est stérile ? Abraham, notre père, ne fut-il pas justifié en vertu des œuvres, pour avoir offert son fils Isaac sur l'autel ? Tu vois que la foi agissait avec ses œuvres, et que c'est en vertu de ces œuvres que la foi fut portée à son accomplissement. C'est ainsi que fut accomplie l'Ecriture qui dit : Abraham crut Dieu, et cela lui fut compté comme justice, et qu'il fut appelé ami de Dieu. Vous le voyez, c'est en vertu des œuvres que l'être humain est justifié, et non pas seulement en vertu d'une foi. Rahab la prostituée ne fut-elle pas également justifiée en vertu des œuvres, pour avoir accueilli les messagers et les avoir renvoyés par un autre chemin ? Tout comme le corps sans esprit est mort, de même la foi sans œuvres est morte." (2,20ss)
Merci Narkissos pour ces précisions et ces nuances.
Jacques appuie son raisonnement sur l'exemple d'Abraham mais pour lui, le patriarche a été justifié en vertu des œuvres et pas seulement en vertu de la foi.Jacques souligne qu’Abraham fut justifié par les œuvres (Jacques 2, 21) contredisant Galates 3, 6. La comparaison de deux textes nous montre l'opposition entre les deux épîtres :
"Vous le voyez, c'est en vertu des œuvres que l'être humain est justifié, et non pas seulement en vertu d'une foi." Ja 2,24
"Sachant que l'être humain n'est pas justifié en vertu des œuvres de la loi, mais au moyen de la foi de Jésus-Christ, nous aussi nous avons mis notre foi en Jésus-Christ, afin d'être justifiés en vertu de la foi du Christ et non pas des œuvres de la loi — car personne ne sera justifié en vertu des œuvres de la loi" Ga 2,16 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Jeu 10 Oct 2019, 13:46 | |
| Sur tous ces points, ce que contredit (ostensiblement) l'épître de Jacques est aussi dans l'épître aux Romains (chap. 3--4)... Par contre on n'y reconnaît (même à l'envers) aucune des caractéristiques par lesquelles l'épître aux Galates se distingue de l'épître aux Romains: outre les détails formels évoqués par les liens de mon post précédent, la thèse radicale d'une loi qui n'aurait jamais été (vraiment) "divine" (thèse de Galates, non de Romains) n'est même pas évoquée par Jacques, pour qui l'origine divine de la loi (fût-elle réinterprétée selon le principe directeur de l'"amour", comme dans Romains et dans les Synoptiques, ou de la "compassion") va de soi et ne fait nullement débat. Pour le dire plus (peut-être trop) simplement: si l'auteur de l'épître de Jacques avait réagi à l'épître aux Galates plutôt qu'à l'épître aux Romains, son opposition à "Paul" aurait été encore plus profonde, et son argumentation aurait dû être tout autre -- il lui aurait fallu commencer par démontrer que la loi même était bien "de Dieu". |
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| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Jeu 10 Oct 2019, 14:19 | |
| - Citation :
- Sur tous ces points, ce que contredit (ostensiblement) l'épître de Jacques est aussi dans l'épître aux Romains (chap. 3--4)... Par contre on n'y reconnaît (même à l'envers) aucune des caractéristiques par lesquelles l'épître aux Galates se distingue de l'épître aux Romains: outre les détails formels évoqués par les liens de mon post précédent, la thèse radicale d'une loi qui n'aurait jamais été (vraiment) "divine" (thèse de Galates, non de Romains) n'est même pas évoquée par Jacques, pour qui l'origine divine de la loi (fût-elle réinterprétée selon le principe directeur de l'"amour", comme dans Romains et dans les Synoptiques, ou de la "compassion") va de soi et ne fait nullement débat. Pour le dire plus (peut-être trop) simplement: si l'auteur de l'épître de Jacques avait réagi à l'épître aux Galates plutôt qu'à l'épître aux Romains, son opposition à "Paul" aurait été encore plus profonde, et son argumentation aurait dû être tout autre -- il lui aurait fallu commencer par démontrer que la loi même était bien "de Dieu".
Une lecture superficielle m'avait laissé penser que Jacques avait été écrit en contrepoint de l'épitres aux Galates, merci pour ces précisions pertinentes."Tous ceux en effet qui relèvent des œuvres de la loi sont sous la malédiction, car il est écrit : Maudit soit quiconque ne persévère pas en tout ce qui est écrit dans le livre de la loi, pour le faire ! Et que personne ne soit justifié devant Dieu par la loi, c'est évident, puisque celui qui est juste en vertu de la foi vivra. Or la loi ne relève pas de la foi ; mais elle dit : Celui qui fera ces choses vivra par elles. Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi en devenant malédiction pour nous — car il est écrit : Maudit soit quiconque est pendu au bois — afin que, pour les non-Juifs, la bénédiction d'Abraham soit en Jésus-Christ et que, par la foi, nous recevions l'Esprit promis." (3,10-14)Le v10 me semble assez obscur voir contradictoire. En effet Paul dans un premier temps affirme que ceux qui relèvent des "œuvres de la Loi" sont sous la malédiction, alors que dans la deuxième partie, il soutient, du moins en apparence, exactement le contraire : ceux qui ne pratiquent pas toute la Loi sont sous la malédiction. Ensuite au v11, il devient plus affirmatif, peu importe qui obéit ou n’obéit pas à la Loi puisque elle ne justifie personne. Le v 12 est vraiment déroutant (dans ce contexte) puisqu'il souligne l'idée que l’homme qui pratiquera les préceptes de la Loi, vivra. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Jeu 10 Oct 2019, 17:19 | |
| Dans la mesure où les thèses de l'épître aux Romains auxquelles réagit l'épître de Jacques sont également présentes, sous une forme plus "radicale" encore, dans l'épître aux Galates, il y a bien aussi (et a fortiori) une opposition "objective" entre Jacques et Galates...
On pourrait essayer de paraphraser Galates 3,10ss pour en développer un peu la "logique" complexe, et surtout compacte: en posant le "faire" (les oeuvres de la loi) comme condition du "vivre", la loi piège ses sujets dans un cycle de malédiction, puisque, d'après le Deutéronome (27,26; 28,58; 30,10), qui ne "fait" pas tout est maudit (prémisse majeure qui pourrait appeler, mais n'implique pas, la mineure tacite: personne ne fait tout); mais c'est de toute façon une impasse, puisque, d'après Habacuc 2,4, la vie du juste procède de la foi, et que la loi ment déjà en faisant dépendre le "vivre" du "faire" (d'après Lévitique 18,5). Autrement dit, quand bien même quelqu'un accomplirait parfaitement la loi et pourrait ainsi prétendre à "vivre" par elle, il n'en serait pas "justifié" et n'en "vivrait" pas pour autant. Le Christ, qui correspond au principe de la justification par la foi, porte sur la croix la malédiction de la loi (d'après Deutéronome 21,23; 27,26; on ne dit donc pas de lui qu'il accomplit la loi par le faire: il n'en vit pas, il en meurt !) pour en libérer les siens et les ramener à l'économie de la foi en la promesse-évangile (epaggelia-euaggelion). |
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| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Ven 11 Oct 2019, 11:24 | |
| Si nous résumons l'idéologie du Paul de l'épitre aux Galates concernant la "loi", celui-ci procède à une dégradation de la valeur et de la validité de la "loi", elle est venue 430 plus tard qu’Abraham (Ga 3,17), Promulguée par les anges par la main d’un médiateur » (Ga 3,20), la loi est un production directe de Dieu et elle "n’a pas le pouvoir de faire vivre" (Ga 3,21). Celle du « faire » (qualifiant et éthique a priori non impossible et de toute manière indispensable pour quiconque veut être circoncis). Celle du Christ qui libère de la logique du faire, « malédiction » conduisant à la mort. Car la Loi n’a pas été donnée pour faire vivre (3,21), elle fait surgir les transgressions (3,19). La loi n'est donc pas une source de liberté puisqu'elle place le croyants sous la nécessité du "faire" qui est une malédiction or la foi libère le croyant de cette obligation impossible a atteindre.
Je suppose que le Judaïsme de l'époque n'avait pas le même point de vu, puisqu'Abraham est l'exemple à suivre par rapport à son obéissance au commandement de la circoncision et à sa fidélité dans le récit du sacrifice d'Isaac. Je me demande pourquoi Paul mène une telle "croisade" contre la circoncision, peut être que les juifs de son époque y voit marqueurs d’identité. D'ailleurs en Rm 4,10, avec beaucoup plus de finesse (moins frontal) qu'en Galates, Paul fait observer qu'Abraham a été justifié par la foi avant la circoncision :
"Ce bonheur n'est-il que pour les circoncis, ou également pour les incirconcis ? En effet, nous disons : Pour Abraham la foi fut comptée comme justice. Comment donc était-il lorsqu'elle lui fut comptée ? Etait-il circoncis ou incirconcis ? Il n'était pas circoncis, mais incirconcis. Il reçut le signe de la circoncision comme sceau de la justice qu'il avait obtenue par la foi quand il était incirconcis. Il est ainsi le père de tous ceux qui croient, tout en étant incirconcis, pour que la justice leur soit comptée à eux aussi. Il est également le père des circoncis — non pas de ceux qui relèvent seulement de la circoncision, mais de ceux qui marchent sur les traces de la foi qu'avait Abraham, notre père, quand il était incirconcis." (Rm 4,9ss)
Une question me vient à l'esprit : Peut-on faire un rapprochement entre la "liberté" de l'épître aux Galates et "la liberté glorieuse des enfants de Dieu" de l'épître aux Romains ? |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Ven 11 Oct 2019, 14:43 | |
| (Je soupçonne dans l'excellent résumé de ton premier paragraphe l'omission accidentelle d'une négation décisive: "la loi n'est pas une production directe de Dieu".)
On ne peut évidemment pas ramener "le judaïsme de l'époque" à un seul "point de vue": si l'adhésion de principe à la Torah est assez unanime (en tout cas plus qu'aux Prophètes et aux Ecrits quant au corpus scripturaire, aussi plus qu'au Temple comme symbole fédérateur de l'ethnos juif), c'est sous la réserve essentielle de son interprétation qui est, de fait, d'une grande diversité (d'Alexandrie à Antioche, de Samarie à Qoumrân, de l'aristocratie sadducéenne de Jérusalem aux synagogues pharisiennes de la diaspora on interprète la même Torah tout autrement). Dans la mesure où le paulinisme de Romains et Galates s'inscrit dans l'interprétation du même corpus, la Torah-livre ou Ecriture, on peut tout à fait le lire comme un point de vue "juif" parmi d'autres dans un "débat intra-judaïque" au sens le plus large; mais il faut aussitôt préciser que ce point de vue apparaît alors très isolé: à ma connaissance, il n'y a guère d'autre position "juive" où le principe même de la Torah comme loi (nomos) soit remis en cause de façon si radicale.
Quant à la "stratégie" de l'épître aux Galates, tout dépend comment on date le texte et quel scénario on imagine pour lui donner un sens. On peut, certes, prendre à la lettre son propre récit: à un stade relativement précoce du christianisme, des "judéo-chrétiens" auraient essayé de faire des "pagano-chrétiens" des Eglises pauliniennes des prosélytes juifs à part entière, en leur imposant la circoncision comme condition sine qua non d'une communion avec eux: Paul marquerait du coup la différence de "son évangile" de façon brutale, avant de l'exposer de façon plus apaisée et nuancée dans l'épître aux Romains hors de tout conflit concret -- c'est grosso modo ce que maintient le consensus actuel, du moins chez les exégètes francophones. Mais on peut aussi (j'y incline depuis quelque temps) situer l'épître aux Galates beaucoup plus loin (= tard) sur la ligne qui conduit de l'épître aux Romains au marcionisme du IIe siècle, dont Galates paraît nettement plus proche. Dans ce cas l'ensemble du récit et de ses acteurs (Paul, Céphas, Jacques, Barnabé) seraient fictifs, l'enjeu réel étant dès lors l'interprétation du christianisme paulinien lui-même, soit dans un schème ecclésiastique (néo-)légaliste (caricaturé dès lors comme "judaïsant"), soit au contraire dans le sens (proto-)marcionite d'une nouveauté radicale, en s'écartant de toute ressemblance avec le judaïsme (lequel a aussi évolué entre-temps dans un sens "pharisien").
Difficile de ne pas évoquer ici les retombées de ce choix historico-exégétique sur le problème bien connu des analogies et des contradictions entre le récit de Galates 1--2 et celui des Actes (notamment chap. 15): dans la première hypothèse (Galates "authentique", et surtout précoce), on suppose que Paul raconte pour l'essentiel une histoire vraie (de son point de vue naturellement) et que les Actes, beaucoup plus tard, la déforment; dans la seconde (Galates tardif et fictif), les deux histoires se construisent l'une contre l'autre, de deux points de vue opposés (pour le dire vite, proto-catholique pour les Actes et proto-marcionite dans Galates), sans que l'une soit plus "vraie" que l'autre...
Sur ta dernière question, le thème de la "liberté" est aussi présent en Romains (6,18ss; 7,3; 8,2s) qu'en Galates (2,4; 4,22ss; 5,1ss). Par contre la dimension "cosmique" qui en apparaît dans le développement de Romains 8 (et tout spécialement au v. 21) est tout à fait absente de Galates -- elle sera au contraire développée dans la forme du "mystère" par les épîtres "deutéro-pauliniennes", et de façon encore divergente en Colossiens (plutôt proto-marcionite) et en Ephésiens (plutôt proto-catholique). Le paulinisme "évolue", mais sur plusieurs "lignes" à la fois.
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Je reviens un peu sur la question de l'"impraticabilité de la loi", parce que c'est une simplification commode, et par conséquent fréquente, surtout dans le protestantisme, de la pensée paulinienne: du fait du péché personne ne peut accomplir (= observer parfaitement ou intégralement) la loi. A la lettre, "Paul" ne dit jamais ça, et encore moins dans Galates que dans Romains: à vrai dire cette question n'a aucune importance pour lui, dans la mesure où le principe de "justification" et de "vie" n'est précisément pas et n'a jamais été la loi. La foi n'est pas un plan B destiné à pallier l'échec d'un plan A, c'est au contraire le plan de salut initial et unique. La doctrine russello-jéhoviste, au passage, présente une variante encore plus aberrante de cette explication qui aboutit à un total contresens par rapport à Paul : le Christ, "homme parfait", aurait été le seul à accomplir effectivement et complètement la loi (on ne saura jamais comment) et en aurait obtenu une "justice" et un droit de "vivre" qu'il pouvait dès lors conférer à d'autres -- ce qui revient alors à faire de la loi l'ultime instance justifiante et vivifiante, CONTRAIREMENT à Paul (cette fois dans Romains comme dans Galates). |
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| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Lun 14 Oct 2019, 10:52 | |
| - Citation :
- Je reviens un peu sur la question de l'"impraticabilité de la loi", parce que c'est une simplification commode, et par conséquent fréquente, surtout dans le protestantisme, de la pensée paulinienne: du fait du péché personne ne peut accomplir (= observer parfaitement ou intégralement) la loi. A la lettre, "Paul" ne dit jamais ça, et encore moins dans Galates que dans Romains: à vrai dire cette question n'a aucune importance pour lui, dans la mesure où le principe de "justification" et de "vie" n'est précisément pas et n'a jamais été la loi. La foi n'est pas un plan B destiné à pallier l'échec d'un plan A, c'est au contraire le plan de salut initial et unique. La doctrine russello-jéhoviste, au passage, présente une variante encore plus aberrante de cette explication qui aboutit à un total contresens par rapport à Paul : le Christ, "homme parfait", aurait été le seul à accomplir effectivement et complètement la loi (on ne saura jamais comment) et en aurait obtenu une "justice" et un droit de "vivre" qu'il pouvait dès lors conférer à d'autres -- ce qui revient alors à faire de la loi l'ultime instance justifiante et vivifiante, CONTRAIREMENT à Paul (cette fois dans Romains comme dans Galates).
C’est sur cette arrière-plan qu’il est possible d’interpréter le passage. Auparavant, il faut rendre compte d’une opposition construite pas Paul dans ce passage. D’un côté ceux qui sont (issus) de la foi (3,7 et 9), c’est-à-dire ceux qui tiennent leur identité de la foi de/en Christ. Ils sont fils d’Abraham (v. 7) héritiers de la bénédiction d’Abraham. À l’opposé, ceux qui sont (issus) des œuvres de la Loi (cf. Ga 2,16 ; 3,2.5.10 ; également Rm 3,20). L’expression ne désigne pas « les pratiquants de la Loi » (TOB) au sens large de ceux qui obéissent à l’ensemble des prescriptions de la Loi, mais désignent ceux qui, en Galatie, sont littéralement issu des « œuvres de la Loi » (Colombe : « dépendent des œuvres de la Loi ») c’est-à-dire ont accepté la marque d’identité que constitue la circoncision. On pourrait presque traduire que la circoncision est chez eux (sur eux ou en eux) une « œuvre de la Loi », elle les identifie comme appartenant au peuple de l’alliance. https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1127.htmlL'épitre aux Colossiens établit une correspondance entre baptême et circoncision, une façon habile de recycler la pratique de la circoncision, loin de la charge violente de l'épitre aux Galates.
"En lui vous avez aussi été circoncis d'une circoncision qui n'est pas faite par des mains humaines : par le dépouillement du corps de la chair, par la circoncision du Christ. Ensevelis avec lui par le baptême, vous vous êtes aussi réveillés ensemble en lui, par la foi de l'action de Dieu qui l'a réveillé d'entre les morts." Col 2,11-12
Pour l'auteur il question d'une circoncision spirituelle qui identifie les croyants comme appartenant au Christ. Face à un judaïsme qui insiste sur l’importance de la circoncision, l'auteur souligne l'idée que les croyants ont déjà reçu ce que représente la circoncision dans leur appartenance au Christ. L'expression "par le dépouillement du corps de la chair" est ambigüe, elle peut correspondre au fait que le croyant rejette son corps de chair lié au péché et procède au dépouillement de sa nature pécheresse que représente la circoncision. La circoncision spirituelle, dans la mort du Christ a un lien avec le le baptême et la résurrection spirituelle. - Citation :
- (Je soupçonne dans l'excellent résumé de ton premier paragraphe l'omission accidentelle d'une négation décisive: "la loi n'est pas une production directe de Dieu".)
Effectivement, il manque la négation. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Lun 14 Oct 2019, 14:17 | |
| N.B.: Il faut bien comprendre en effet l'usage plus ou moins elliptique de la préposition ek (ou ex) + génitif, p. ex. en Galates 3,10 hosoi ex ergôn nomou, "tous [autant qu'ils sont] ceux des oeuvres de la loi" (mais aussi ailleurs ek pisteôs, "ceux de la foi", etc.) comme marquant l'appartenance à une "économie" ou à un "régime" particulier (en l'occurrence celui des oeuvres de la loi): d'où les traductions comme "ceux qui dépendent, ou relèvent, des oeuvres de la loi". La question de savoir si ce sont des "pratiquants" effectifs ou non, partiels ou intégr(al)istes, n'entre absolument pas en ligne de compte: il s'agit simplement de savoir, sur un mode simili-juridique ou administratif, de quel "régime" on "relève". (Soit dit en passant, cela peut valoir même lorsque la préposition est sous-entendue par un simple génitif, comme dans le cas de la fameuse "foi du Christ" au sens de la "foi" qui relève du "Christ" et qui ne serait dès lors ni la "foi [personnelle] du Christ", hors-sujet, ni la "foi en/au Christ", selon l'alternative primaire du génitif subjectif ou objectif.)
Dans le cadre du paradigme que je ne partage plus (Galates authentique et précoce, je n'y reviens pas), l'article de Cuvillier est fort intéressant, notamment pour les points de contact entre IV Esdras et Paul (à savoir un relatif pessimisme à l'égard de la possibilité d'une observation effective de la Loi, bien qu'en IV Esdras la Loi reste le seul "moyen de salut").
Dans l'épître aux Colossiens le rejet de la loi n'est pas moins violent -- même si le mot n'apparaît pas les allusions sont assez transparentes, cf. 2,14.16.20ss -- mais il est présenté d'un point de vue exclusivement pagano-chrétien (les destinataires sont des non-juifs qui n'ont jamais été soumis à la loi, mais tenus à l'écart par elle) et surtout intégré dans la perspective générale du "mystère", où l'analogie de la circoncision au baptême joue pour autant que celui-ci est considéré comme rite initiatique au sens fort, d'intégration à la mort et à la vie du corps du Christ (le corps de chair est "dépouillé", v. 11, comme l'ensemble des "puissances cosmiques", v. 15). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Lun 14 Oct 2019, 15:42 | |
| "Nous savons bien que la loi est bonne, pourvu qu'on en fasse un usage légitime ; sachant que la loi n'est pas faite pour le juste, mais pour les sans-loi et les insoumis, les impies et les pécheurs, les sacrilèges et les profanateurs, les parricides et les matricides, les meurtriers, les gens qui se livrent à l'inconduite sexuelle, les hommes qui couchent avec des hommes, les trafiquants d'esclaves, les menteurs, les parjures, et tout ce qui peut encore s'opposer à l'enseignement sain, d'après la bonne nouvelle de la gloire du Dieu bienheureux, bonne nouvelle qui m'a été confiée." 1 Tm 1,8ss
Le texte ci-dessus indique qu'un usage légitime de la loi, la rendrait "bonne". La question qui se pose est (bien évidemment) : comment définit-on un usage légitime de la loi ?
Le texte affirme que la loi a été prévu pour les "insoumis", "rebelles" et les "pécheurs" et non pour les justes. La loi n'a pas une utilité positive en étant un moyen d'améliorer les "justes" et dont l'observance permettrait de placer les croyants sous la faveur de Dieu. La loi est donc là, pour réprimer les "rebelles" ou pour aider les "pécheurs" à prendre conscience de leur éloignement de Dieu et de leur état de "pécheurs" dans l'esprit de Rm 7,7 : "Mais je n'ai connu le péché que par la loi. Ainsi, je n'aurais pas su ce qu'était le désir si la loi n'avait pas dit : Tu ne désireras pas." |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Lun 14 Oct 2019, 16:43 | |
| L'usage légitime de la loi, c'est -- encore plus clairement qu'en français qui requiert la médiation du latin lex, legis -- un simple jeu de mots: kalos ho nomos, ean tis autô nomimôs khrètai. La "bonté" de la loi était, comme on l'a vu ailleurs, une idée assez profonde dans l'épître aux Romains, où il était question d'une affinité entre une loi "spirituelle" ( pneumatikos) et "l'homme intérieur" ( ho esô anthrôpos) ou l'"intellect" ( noûs) -- toutes choses absentes de Galates où la loi était réduite au statut d'esclave tout juste bon à mener les enfants du maître tant qu'ils sont enfants. Dans 1 Timothée, cela se réduit au point de vue qu'on qualifie un peu anachroniquement de "morale bourgeoise", mais qui correspond bien à l'"installation" (partie réalisée, partie souhaitée) de l'Eglise dans la (bonne) société gréco-romaine: pas besoin de loi entre gens de bonne compagnie, mais il en faut pour maintenir l'ordre social et se prémunir de la racaille... Comment la remise en cause radicale de la loi (pas seulement de la loi juive, mais du principe même de la loi) dans le christianisme paulinien (qu'on songe, en-deçà du débat sur la loi proprement dite dans Romains et Galates, aux "tout est permis" de la correspondance corinthienne) a débouché sur une civilisation légaliste entre toutes, ça reste pour moi un sujet de perplexité; mais le tournant est déjà pris dans le "Nouveau Testament" lui-même. |
| | | free
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| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Mar 15 Oct 2019, 12:12 | |
| En ce sens, Paul parle d’une malédiction de la Loi dont le Christ nous a libérés (Ga 3,13) «pour que la bénédiction d’Abraham parvienne aux païens en Jésus Christ» (v. 14). Bref, selon Dunn, ce n’est pas la Loi en elle-même qui est contestée, mais bien l’usage qui en est fait à des fins d’identité sociale, donnant une fausse assurance et un sentiment de supériorité erronés. Paul prônerait donc le rejet des marqueurs d’identité, des rituels de séparation au profit d’un nomisme universel de l’alliance, où la structure fondamentale du judaïsme serait préservée. https://www.persee.fr/docAsPDF/thlou_0080-2654_2011_num_42_1_3912.pdf |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Mar 15 Oct 2019, 16:27 | |
| La suite de l'article de Focant critique fort justement (à mon sens) cette réduction de la problématique paulinienne aux "marqueurs d'identité". Mais toute cette affaire exégétique et herméneutique montre aussi qu'il suffit de forger une nouvelle formule, hâtivement érigée en "concept", comme "nomisme de l'alliance", pour s'imaginer avoir mis tout le monde d'accord, ou peu s'en faut -- et, partant, ne plus rien comprendre aux enjeux des textes qui, eux, restent contradictoires -- le tout, au fond, pour motif de "correction politique". A force de vouloir laver "Paul" de toute responsabilité rétrospective dans l'histoire de l'antisémitisme chrétien, on finit par le rendre illisible. |
| | | free
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| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Mar 22 Oct 2019, 13:59 | |
| La description de l’incident d’Antioche en Ga 2,11-14 véhicule d’abord un vocabulaire signifiant le conflit ouvert provoqué par Paul. Les expressions kata prosôpon (« en face » v. 11) et emprôsthen pantôn (« devant tous » v. 14) expriment la volonté de Paul de refuser l’attitude ambiguë de Pierre décrite par les termes de hupostellô (« se dérober » v. 12) et aphorizô (« se tenir à l’écart » v. 12). Ceux qui ont suivi Képhas dans cette duplicité sont, eux, décrits avec les mots de la famille d’hupokrisis (« comédie », « hypocrisie » v. 13). Ces derniers termes ne sont pas sans rappeler la situation de conflit latent décrite plus haut, de même que le rapport de pouvoir réapparaît avec les verbes phobeomai (« craindre » v. 12), sunapagomai (« être entraîné » v. 13), anagkazô (« contraindre » v. 14).
Ici, comme en Ac 15, le conflit se déclarera de manière ouverte à Antioche entre missionnaires mobiles, donc dans une situation concrète de la vie commune, plus précisément lorsqu’il s’agit de partager le même repas. Mais, contrairement à Ac 15, en Ga 2 Paul s’oppose non pas à des frères de Judée agissant sans recommandation, mais à Pierre lui-même, un des représentants de l’institution de référence. Autrement dit, Paul traite d’égal à égal avec une des colonnes de Jérusalem, ce qui n’apparaît absolument pas en Ac 15 où une structure hiérarchique est décrite et respectée. Cette égalité repose selon Ga sur deux principes : (1) Paul est « apôtre non de la part des hommes, ni par un homme, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père » (1,1, voir aussi 1,11-12) ; (2) le ministère de Paul parmi les païens a été suscité par Dieu au même titre que celui de Pierre parmi les circoncis, selon les termes mêmes de l’accord négocié à Jérusalem (2,7-10). https://journals.openedition.org/rsr/1938#tocto2n6 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Mar 22 Oct 2019, 19:11 | |
| Deux contre-histoires ne font pas une histoire -- je veux dire par là (cf. supra 11.10.2019) que s'il y a des analogies entre Actes 15 (lequel fait lui-même en partie double emploi avec les chapitres 10--11, sur le baptême de Corneille et l'introduction des "païens" en tant que tels dans "l'Eglise", sans autre condition que "l'Esprit") et Galates 2 (à quoi il faudrait également ajouter toutes les traces antérieures de "pagano-christianisme", soit tout ce qui précède l'épître aux Galates dans le corpus paulinien), il ne suffit pas de choisir entre ces textes ou de les combiner arbitrairement pour reconstruire un "événement" réel ou historique. D'autant que l'événement à reconstruire se confond avec les origines diffuses du "christianisme" comme "judaïsme pour les païens", une religion au contenu essentiellement juif pratiqué par un groupe principalement "païen" (cf. ici, 20.10.2019). Au fond, ce ne sont pas seulement les deux textes précités, mais l'ensemble du NT qui tâche de donner un sens à ce "fait" incontournable, comme on dit. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Sam 21 Déc 2019, 19:24 | |
| Avant que n'arrivât la foi, nous étions gardés enfermés (comme sous le péché, v. 22) sous (une/la) loi, en vue de la foi qui qui allait être révélée (ou dévoilée); ainsi la loi est devenue notre "pédagogue" (gardien d'enfants lui-même esclave) pour (en vue de) Christ, afin que nous fussions justifiés en vertu de la foi; la foi étant arrivée, nous ne sommes plus sous un "pédagogue"; car vous, vous êtes tous fils de dieu par la foi, en Christ Jésus. Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ; il n'est plus ni juif ni grec, ni esclave ni libre, ni mâle ni femelle; car vous, vous êtes un en Christ Jésus; si donc vous êtes de Christ, vous êtes la descendance d'Abraham, héritiers selon la promesse. Or je dis qu'aussi longtemps (eph'oson khronon) que l'héritier est enfant, il ne diffère en rien d'un esclave, alors qu'il est seigneur de tout -- mais il est sous des tuteurs et des intendants jusqu'au terme fixé par le père; de même nous aussi, quand nous étions enfants, nous étions réduits en esclavage sous les éléments du monde; mais quand la plénitude du temps (plèrôma tou khronou) est arrivée, le dieu a envoyé (au-dehors) son fils, devenu (enfant) de femme, devenu sous (une/la) loi (sujet de loi), pour racheter ceux qui sont sous (une/la) loi (sujets de loi), afin que nous recevions (en retour) l'adoption de fils. Or, parce que vous êtes fils, le dieu a envoyé (au-dehors) l'esprit de son fils, criant Abba, Père ! Ainsi tu n'es plus esclave, mais fils; et si fils, aussi héritier de par dieu... (Galates 3,23--4,7).
Joyeux Noël.
[Loin derrière les récits de la Nativité selon Luc et Matthieu, et même le Prologue de Jean dont le rapport au sujet est déjà plus incertain, il arrive que Galates 4,4 soit cité pour Noël -- en général dans une traduction approximative (quand les temps furent accomplis... né d'une femme...) et surtout sans son contexte. Il est vrai que celui-ci (le contexte) est un peu compliqué pour la circonstance; il deviendrait même franchement embarrassant si l'on poursuivait la lecture, des v. 8 à 11 (du chap. 4) p. ex., car l'idée d'une célébration annuelle et saisonnière pourrait alors passer pour un total contresens. Cela aurait néanmoins le mérite de poser d'une manière particulièrement aiguë le problème du temps qui continue dans et autour d'un "christianisme" qui s'est compris d'abord, de diverses façons, comme fin du (ou des) "temps". Problème insoluble dans un sens et en plus d'un sens, qui n'en finit cependant pas d'appeler des "solutions" théologiques, philosophiques, mystiques, littéraires, narratives, poétiques, dramaturgiques, liturgiques: ce qui n'arriverait qu'une fois et ne se répéterait jamais -- le commencement, la fin, l'histoire et n'importe quel événement digne de ce nom -- voilà précisément ce qui pour arriver devrait être continuellement répété et repris, comme on dit au théâtre.] |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Ven 27 Déc 2019, 11:35 | |
| - Citation :
- mais quand la plénitude du temps (plèrôma tou khronou) est arrivée, le dieu a envoyé (au-dehors) son fils, devenu (enfant) de femme, devenu sous (une/la) loi (sujet de loi)
Dieu est éternel, c’est-à-dire hors du temps, mais il n’y est pas indifférent. Le mystère de l’Incarnation est justement la conjonction de l’éternité de Dieu avec le temps des humains. Paul écrit : Lorsque les temps furent accomplis Dieu a envoyé son Fils (Galates 4,4). Dieu tient compte du temps des humains. L’Incarnation ne s’est pas produite par hasard mais à un moment précis de l’histoire, lorsque les temps furent accomplis. Quant à savoir pourquoi Dieu a choisi cette année et ce jour, cela fait partie de son projet de salut et demeure caché dans sa Sagesse. À partir de cet instant Dieu habite l’histoire humaine; Dieu et l’être humain sont partenaires à part entière pour la réussite de l’histoire. Il est né d’une femme (v. 4). C’est la plus ancienne mention connue de la mère de Jésus. Paul avait-il déjà conscience du mystère de la naissance virginale? Le fait est qu’il ne mentionne aucune paternité humaine; le Père de Jésus est Dieu. Le Fils entre dans le monde grâce à une mère comme tous les enfants; il participe pleinement à la vie des humains. Ailleurs Paul fait aussi mention de son appartenance à la descendance de David (cf. Rm 1,3). Jésus n’est pas une sorte de demi-dieu comme en connaissait la mythologie grecque et latine ni un extra-terrestre comme se plaisent à l’imaginer certains auteurs de science-fiction. Il est sujet de la Loi de Moïse, donc un Juif inséré dans la vie de son peuple, héritier des promesses et de l’espérance d’Israël. http://www.interbible.org/interBible/cithare/celebrer/2012/b_marie_mere.html
Dernière édition par free le Jeu 02 Jan 2020, 11:47, édité 1 fois |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Ven 27 Déc 2019, 18:43 | |
| Sans revenir sur les problèmes de traduction déjà relevés ("temps" singulier ou pluriel, "né" ou "devenu"), il faut peut-être souligner (j'avais essayé de le marquer, un peu trop discrètement sans doute, par la seule transcription du grec) que la "plénitude du temps" (v. 4) est définie, en contexte, par le "temps" déjà indiqué et dé-terminé (par le père, v. 1-2) de l'état de minorité et du quasi-esclavage qui en découle -- toutes choses qui, à la lettre de l'argumentation, concernent aussi bien le fils devenu "de femme" et "sous loi" que "nous" et "vous", juifs ou "païens", donc avec ou sans rapport direct à la loi juive...
Mais il faudrait surtout compter avec l'irrésistible décalage général qui nous fait situer au milieu, ou du moins au cours du temps ou de l'histoire ce que les textes du NT, celui-ci comme tant d'autres, placent expressément à la fin. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Jeu 02 Jan 2020, 12:02 | |
| Ces métaphores sont toujours assez énigmatiques.
Cherchons un texte plus clair. Le deuxième texte qui me paraît éclairant est Galates 3,13 : “Christ nous a rachetés de la malédiction de la Loi en devenant malédiction pour nous , car il est écrit : Maudit quiconque pend au bois.”
Le troisième texte se trouve au chap. 4, vv. 4 et 5 : “Mais, quand est venu l’accomplissement du temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et assujetti à la Loi, pour payer la libération de ceux qui sont assujettis à la Loi, pour qu’il nous soit donné d’être fils adoptifs.”
On a toujours le changement des temps : “lorsque le temps arrive à son accomplissement”. Il y avait le temps ancien et le temps nouveau, le monde mauvais ancien et la création nouvelle. Et deuxièmement, ce qui caractérise le monde nouveau, c’était le fait d’être devenus enfant de Dieu, le fait d’être adoptés.
De manière très intéressante, Alain Badiou, dans son livre(6), dit : le passage du monde ancien au monde nouveau, c’est un passage du temps du père au temps des fils. On est passé d’un temps qui était le temps de la Loi, c’est-à-dire du père qui règne par la Loi, soit dans le système grec par les éléments du monde, soit dans l’Ancien Testament par la Loi juive, au temps où nous sommes des frères, des sœurs du Fils. Alors Badiou dit : le père est devenu fils et il est mort pour nous, pour nous laisser la liberté de devenir des fils.
Il y a passage de l’esclavage de la Loi (Ga 3,23-25) à un temps nouveau où nous sommes adultes, indépendants de la loi. Comment s’opère ce passage ? Par la mort de Jésus, “Christ nous a racheté” (Ga 3,13). La traduction ‘Payer pour’ (TOB,…) est une interprétation, car ici la mort de Jésus est désignée comme une malédiction, et qui maudit ? La Loi, “puisqu”il est écrit…” (Dt 21,23). L’envoi du Fils est un piège qui a été envoyé au texte ancien, à la Loi ; c’est le crucifié qui est révélé comme Fils de Dieu :
- ou bien il n’est pas vrai que Jésus est le Fils, il est un imposteur, et la Loi a raison de le condamner ; - ou bien Jésus est le Fils de Dieu, et la Loi à maudit le Fils de Dieu. La Loi s’est mise ‘échec et mat’ dans l’événement de la Croix.
Le Crucifié a été révélé à Paul comme le Ressuscité. Jésus, le Ressuscité est le Fils de Dieu, et si c’est vrai, alors on est plus sous la Loi. La mort de Jésus signifie donc la fin de la Loi. Paul vit un véritable retournement de son système de convictions, et cette révélation constitue Paul comme un sujet nouveau, l’apôtre de païens.
On passe ainsi d’un temps ancien à un temps nouveau. “Ce n”est plus moins qui vit, mais Christ qui vit en moi” (Ga 2,20). Ce ne sont plus mes qualités (les œuvres de la Loi) qui me constituent, mais le fait que Dieu m’a aimé. https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/996.html |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Jeu 02 Jan 2020, 14:02 | |
| Nous avions déjà rencontré quelque part (apparemment pas dans ce fil*) cet article (conférence ?) de François Vouga -- passionnant, comme souvent. Le risque de l'interprétation est inévitable (il commence à la plus naïve lecture ou à la plus prudente traduction), il devient particulièrement périlleux avec des notions comme la "liberté", l'"individualité" ou l'"identité" qui à la fois paraissent universelles et intemporelles, et changent complètement d'une époque, d'un lieu et d'un milieu à l'autre. Il faudrait pouvoir penser l'"identité" à (re-)partir de "cultures" et de langues (hébreu, araméen ou grec "bibliques") qui avec "fils de" ( ben, bar, huios) disent aussi bien la "nature", la "qualité", la "catégorie", l'"espèce", le "genre" (fils de dieu, fils d'homme, fils de chien) que ce que nous appelons l'"identité" individuelle (fils d'Untel, le patronyme stricto sensu systématiquement rattaché au [pré-]nom personnel). Et (surtout dans le cadre gréco-romain qui ne recouvre qu'en partie le précédent) dans une société où la "liberté" est conçue par opposition à l'"esclavage" ou à la "servitude" comme une qualité essentielle, qui est aussi a priori affaire de "nature" et de "naissance" (on est esclave ou libre parce qu'on est fils d'esclave ou d'homme libre, bien que cela puisse changer au cours d'une vie par le jeu historique de la transaction juridico-commerciale: un homme libre peut se réduire ou être réduit en esclavage par la pauvreté ou par la guerre, un esclave peut être affranchi ou se racheter lui-même, un homme peut adopter comme fils quelqu'un qui n'est pas son fils, comme s'il l'était; mais c'est toujours la paternité supposée réelle qui sert de modèle à la "fiction légale" de l'adoption). Dans un tel contexte le rapport de l'enfant au père reste déterminant et essentiellement différé, il perdure même quand l'enfant n'est plus un enfant ou quand le père est mort (d'où les jeux néotestamentaires sur l'"alliance" comme testament, l'"héritage" et tout ce qui s'ensuit, dans Galates entre autres). Il faut aussi tenir compte du fait, plus spécifique à la pensée "paulinienne" au sens large et à Galates en particulier, que "notre" filialité est paradoxale, qu'elle soit ou non pensée sur le modèle juridique de l'"adoption" ( huio-thèsia, proprement être "posé" comme "fils"), car dans un autre sens Dieu n'a qu' un seul "fils" (unicité sur laquelle le johannisme et toute la tradition qui s'ensuit, notamment gnostique, insisteront en le disant monogenès, "unique"). C'est dans "le Fils" qu'on est ou non "fils", ou c'est lui qui l'est en "nous". A cet égard l'idée d'un Dieu qui justifie l'individu en tant qu'individu, tel individu ou tout individu, pour séduisante qu'elle soit à un esprit moderne, me paraît un anachronisme et un total contresens. *P.S.: c'était ici, 29.5.2019. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Dim 07 Juin 2020, 20:44 | |
| Une pneumatologie inséparable de la christologie. De cela j’ai parlé déjà, mais il faudrait au moins ajouter que non seulement l’Esprit et le Christ sont inséparables l’Un de l’Autre, mais dans la vie de l’Église nous avons de nouveau cette même inséparabilité du Fils et de l’Esprit. La vie de l’Église, nous l’avons vu aussi au début, est une vie de et dans l’Esprit Saint, mais l’œuvre de l’Esprit envoyé par le Père et le Fils sera de constituer jusqu’à la fin des temps l’Église en Corps du Christ dont les membres eux-mêmes sont manifestés selon l’Image fondamentale ; je vous cite ici ce texte paulinien que j’affectionne particulièrement (Galates 4, 19) : « Mes petits enfants, pour qui je souffre encore les douleurs de l’enfantement, jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous ». Les douleurs de l’enfantement, il s’agit ici véritablement de cette icône cachée du Christ selon laquelle tout homme a été créé et qui est enfouie en nous et qui est obscurcie par les scories et les impuretés et les péchés. L’œuvre maternelle de l’Esprit Saint Lui-même à l’intérieur de l’homme est de faire naître le Christ, de dégager du fond de notre être cette image du Christ, pour qu’elle devienne rayonnante, resplendissante. Ce thème de l’image du Christ est donc fondamental pour l’anthropologie et est inséparable de la pneumatologie, de l’action de l’Esprit Saint. https://books.openedition.org/pusl/16794?lang=fr |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Tu n'es plus esclave, mais fils épitre aux Galates Lun 08 Juin 2020, 00:20 | |
| Texte marquant, en effet, aussi parce que beaucoup d'images pauliniennes s'y télescopent: une certaine "paternité" apostolique (cf. 1 Corinthiens 4,14s ou Philémon 10) qui devient une "maternité" (douleurs de l'accouchement, cf. v. 27 dans la citation d'Isaïe 54, les termes apparentés de Romains 8,22 et 9,2, ou le cliché eschatologique en 1 Thessaloniciens 5,3, comme en Marc 13,8//), le vocabulaire de la forme ou de la figure ( morphè, skhèma etc., transformation, conformation, transfiguration ou configuration, 2 Corinthiens 3,18; Romains 8,29; 12,2; Philippiens 3,21 p. ex.), qui ouvre sur le thème encore plus large de l'"image de Dieu" (2 Corinthiens 4,4 etc.); il peut également rappeler, dans Galates même, "l'esprit du Fils dans les coeurs" au v. 6, "révéler en moi son Fils" en 1,16, "le Christ qui vit en moi", 2,21, le "graphisme" de la crucifixion en 3,1, ou encore les "stigmates" de 6,17. |
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