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| Hébreux 10,5ss | |
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Auteur | Message |
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Narkissos
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| Sujet: Hébreux 10,5ss Lun 10 Juil 2017, 13:25 | |
| C'est pourquoi (=> voir ce qui précède, toujours sur le mode simili-platonicien de l'épître aux Hébreux: les sacrifices du temple n'étaient que des "ombres") , en entrant dans le monde (cf. 1,6) , il dit (présent) : "De sacrifice et d'offrande tu n'as pas voulu, c'est un corps que tu m'as préparé; aux holocaustes (littéralement tout-brûlés) et aux [sacrifices-]concernant-le-péché tu n'as pas pris plaisir. Alors j'ai dit: Voici, je suis venu -- dans le rouleau du livre il est écrit me concernant -- pour faire, ô dieu, ta volonté." En disant plus haut "de sacrifice et d'offrande", "d'holocaustes et de [sacrifices-]concernant-le-péché", (que) "tu n'en as pas voulu et tu n'y as pas pris plaisir" -- lesquels sont offerts selon la loi -- il a dit (parfait, une fois pour toutes) alors: "Voici, je suis venu pour faire ta volonté": il enlève le premier pour que tienne (ou: pour établir) le second; c'est dans (ou: par) cette volonté que nous sommes consacrés (ou: sanctifiés) par l'offrande du corps de Jésus-Christ, une fois pour toutes. Quiconque a eu la curiosité de vérifier in loco la citation du psaume 40 (ici traduite entre guillemets) aura remarqué au moins une différence (il y en a d'autres): celle qui porte sur le mot-clé "corps" ( sôma en grec), au centre de "l'exégèse" qu'en fait l'épître aux Hébreux. De "corps", en effet, il n'y en a tout simplement pas dans l'hébreu du psaume; et probablement pas non plus dans le grec de la Septante (Ps 39): les principaux témoins chrétiens de celle-ci ( Vaticanus, Sinaïticus, Alexandrinus), au IVe siècle et au-delà, ont sans doute "harmonisé" le texte grec du psaume avec celui de l'épître (qui d'ailleurs n'en est pas vraiment une). A la place du "corps" il y avait des "oreilles" ( 'znym en hébreu, ôtia en grec, leçon attestée en latin par le Psautier gallican et retenue par Rahlfs comme leçon "originale" de la Septante), "ouvertes" ou plus littéralement "tranchées" ( krt) selon l'hébreu (la formule peut rappeler la "conclusion", en hébreu le "trancher" de l'alliance, krt bryt, mais aussi la métaphore de la "circoncision des oreilles" qui concurrence celle du "cœur"); "préparées", déjà, selon le grec. Bref, l'écoute, c.-à-d. l'obéissance, plutôt que le sacrifice (cf. 1 Samuel 15,22 etc.). Tout se passe comme si l'exégèse d'Hébreux ( eis-égèse en l'occurrence, reading into the text) introduisait dans le texte qu'elle cite et commente l'élément décisif de sa démonstration -- le "corps", son "mot-clé" à elle. Il n'en apparaît que plus clairement que le "sacrifice" opposé aux "sacrifices" (etc.) est un anti-sacrifice, bien qu'il se consomme ou s'accomplisse expressément par la mort. Sa "supériorité" n'est pas seulement celle d'un sacrifice humain, estimé "supérieur" comme tel aux sacrifices animaux mais foncièrement de même nature (sacrificielle, victimaire) que ceux-ci. C'est un corps vivant et parlant qui s'offre de lui-même pour faire la volonté divine, antithèse de tout sacrifice uniquement subi par la victime -- notamment, selon le vocabulaire technique du Pentateuque grec: 1) des "holocaustes" qui représentent la destruction totale de la victime par le feu, en portant à sa limite un certain concept de sacrifice, réputé d'autant plus symboliquement efficace qu'il perd toute "utilité" humaine, sociale, etc., à commencer par le repas de "communion": personne, sinon le feu et/ou la divinité, ne le consomme; mais aussi 2) des [sacrifices-]"concernant-le-péché" qui sont censés, comme leur appellation usuelle l'indique, "servir" à quelque chose (expiation ou purification préalable à la "communion"). Difficile de ne pas songer, malgré tout ce qui différencie les deux textes, au "sacrifice" à la fois "vivant" et "logique" ( zousè/logikè) de Romains 12,1ss où l'on retrouve un vocabulaire analogue ( sôma, corps, thusia, sacrifice, hagios, saint-sacré, euarestos, agréable). Voir aussi, autour d'un autre passage de l'épître aux Hébreux, le premier lien ci-dessus (discussion du 27.10.2015, p. 2), où nous avons remarqué que le langage sacrificiel de l'"expiation/propitiation" servait un thème classique de la "philosophie" -- comment s'affranchir de la crainte de la mort; ici, le motif dominant du corps offert à la "volonté" divine rejoint celui de la "liberté" devant la mort. Le second lien interroge l'idée d'"entrée dans le monde", habituellement identifiée à "l'incarnation" de Jésus-Christ -- ce qui n'est peut-être pas faux, bien qu'ici le locuteur ne soit pas nommé, si l'on ne réduit pas celle-ci à la "conception" ou à la "naissance" supposées de l'individu Jésus (voire à son "baptême", dans la version TdJ), mais à son assomption "anthropologique" et "transhistorique" de toute "l'humanité": "Jésus-Christ" accomplissant et représentant "une fois pour toutes" la destinée de "l'homme". Ce que "prêche" ce texte est, au fond, tout simple: se rendre disponible à la volonté divine (le Notre Père ne dit pas autre chose, et le psaume 40 non plus). Jusqu'à la mort incluse, qui signe ou contresigne la totalité du don ( toute sa vie, tout son corps). Ce n'est pas un "sacrifice", et pourtant le "sacrifice" en dit quelque chose -- comme une ombre. |
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Ven 22 Sep 2017, 16:26 | |
| Dans ce texte, deux expressions m'interpellent, 1) en entrant dans le monde et 2) tu m'as formé un corps.
1) Comme le précise Narkissos, cela renvoie à HE 1,6 : "quand il introduit le premier-né dans le monde". A quel évènement correspond cette irruption introduction dans le monde ? (L'évangile de Jean, précise que "La Parole est devenue chair").
2) Cette expression fait-elle allusion à la "création" du Fils ? (En posant cette question, j'ai le sentiment de dire une grosse bêtise). |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Ven 22 Sep 2017, 17:33 | |
| Tout cela est incompréhensible (ou compréhensible n'importe comment, au gré de l'arbitraire d'une interprétation péremptoire) tant qu'on ne rentre pas dans le jeu du rapport du "temps" (du "monde") à l'"éternité", dont on parlait de l'autre côté.On peut bien, dans le seul contexte du chapitre 10, identifier "l'entrée dans le monde" à une "incarnation", et faire coïncider celle-ci, dans une plus vaste intertextualité, avec la "résurrection" de Jésus (association privilégiée du Psaume 2, "tu es mon fils, je t'ai engendré aujourd'hui", p. ex. dans les Actes), ou avec sa "transfiguration" ou son "baptême" (autres occurrences de la même citation dans les Synoptiques), ou avec sa naissance ou sa conception (d'après les évangiles de l'enfance, Matthieu et Luc). Ça peut fonctionner dans la perspective d'une "histoire sainte", mais pas vraiment dans l'épître aux Hébreux: non seulement parce que celle-ci ne dit pas un mot de tous ces "événements", mais surtout parce qu'elle dit expressément (1,6) que "l'événement" en question a déjà eu lieu à nouveau ( palin) bien plus tôt, en introduisant la citation du Psaume (97,7 = 96,7 dans la Septante, qui l'attribue à David, "quand sa terre fut soumise / établie" selon la superscription); on pourrait donc aussi bien répondre "à l'époque de David", mais déjà alors "à nouveau" ! Et remonter de là à Melchisédeq, puis à Adam-image-de-Dieu comme la Sagesse ou le logos (bien relire 1,1ss; chez Philon aussi le "premier-né" c'est tantôt Adam et tantôt le logos). L'entrée du Premier-né dans le monde est aussi vieille que le monde, et même plus vieille que lui, si absurde que ça paraisse, parce que c'est un "événement éternel" (pure contradiction logique) qui dans le temps n'en finit pas de se re-produire. Une fois pour toutes, une fois dans l'éternité pour autant de fois qu'on voudra dans le temps. (Et, soit dit en passant, ça vaut aussi pour le Prologue de Jean, malgré la différence des théologies et de leurs infrastructures philosophiques: "le verbe devint chair" ne dit pas foncièrement autre chose que "il était dans le monde".) On peut noter que l'épître aux Hébreux évite soigneusement (plus soigneusement que l'épître aux Colossiens, avec sa formule ambiguë de "premier-né de la création") de parler de "création" du Fils. Le Fils, comme son nom l'indique, est "engendré" avant tout "temps" (toujours le même paradoxe) et toute "création" (1,1ss) -- et en même temps, si l'on peut dire, "aujourd'hui" ! Certes, il ne faut pas forcer dans cette différence verbale toutes les antithèses des débats ultérieurs (autour du marcionisme, des gnosticismes ou de l'arianisme), mais elles y sont en germe. Et là encore ça n'est compréhensible qu'à partir d'un concept d'"éternité" en rapport théorique avec tout moment du "temps", mais toujours pratiquement accessible "aujourd'hui". |
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Lun 25 Sep 2017, 10:38 | |
| - Citation :
- il enlève le premier pour que tienne (ou: pour établir) le second; c'est dans (ou: par) cette volonté que nous sommes consacrés (ou: sanctifiés) par l'offrande du corps de Jésus-Christ, une fois pour toutes.
Narkissos, Merci infiniment pour ces éclaircissements. L'épitre aux hébreux insiste beaucoup sur la nécessité de l'offrande du corps de Jésus-Christ. A l'inverse de l'apôtre Paul, l'auteur de fait pas référence à un péché originel qui nécessiterait une offrande. Qu'est ce qui a constitué un "obstacle" à l'accès à Dieu ? L'épitre aux hébreux n'explique pas (il me semble) la cause de la nature pécheresse de l'homme. Selon l'épitre aux hébreux, est ce le plan de Dieu, d'avoir prévu une humanité pécheresse et la solution , en préparant un corps au Fils ? En un mot, Dieu aurait d'abord fait le brouillon (le régime de la loi) et ensuite le modèle parfait (la nouvelle économie) ? He 2,8 : " tu as tout mis sous ses pieds. En lui soumettant tout, en effet, il n'a rien laissé qui ne lui soit soumis. Maintenant, certes, nous ne voyons pas encore que tout lui soit soumis" Autre solution, Dieu a créé 2 réalités ou 2 perceptions, une céleste, ou le Fils domine sur tout et une autre terrestre, ou cette réalité n'est pas perceptible. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Lun 25 Sep 2017, 12:20 | |
| La notion de "péché originel" ne se précise de toute façon qu'avec saint Augustin: on peut certes à partir de là la rétro(pro)jeter sur tous les textes antérieurs; mais si on essaie au contraire de s'en dégager pour laisser les textes dire ce qu'ils disent, au lieu de leur faire dire ce que nous croyons savoir (ex-égèse et non eis-égèse), force est de reconnaître qu'il n'y a rien de bien clair dans le NT, y compris chez "Paul", sur "l'origine du péché". Pour rappel: dans cette affaire, la "crise gnostique" du IIe siècle est décisive. Après, il y a une nette distinction entre une position "gnostique" qui attribue le mal à la "chair", à la "matière", à la "création" mêmes, comme à l'œuvre ratée d'une divinité secondaire qui n'est en tout cas pas le "Père" de Jésus-Christ; et une position "orthodoxe" qui, voulant sauver l'unicité de "Dieu" créateur et rédempteur, doit absolument dissocier le "péché" de la "création". Avant (donc dans les textes du NT) la question ne se pose pas, en tout cas pas dans ces termes, même si l'on peut discerner des tendances vers l'une ou l'autre des positions à venir (du johannisme vers la gnose, du paulinisme vers le marcionisme qui combine des éléments gnostiques et mystériques, de Luc, des Actes et surtout des Pastorales vers l'orthodoxie). Pour ce qui est de l'épître aux Hébreux, comme je le disais ailleurs (22.9.17 11h35), son "platonisme" la met un peu à part, et de la "gnose" et du "mystère". L'essentiel de sa différence réside dans cette superposition (non pas unique ni exceptionnelle en soi mais beaucoup plus systématique qu'ailleurs, bien qu'elle n'arrive pas elle-même à la cohérence d'un "système parfait") de deux "plans", d'un ciel identifié à l'éternité immuable et d'une terre identifiée au temps des "événements". Ce système empêche toute explication "linéaire" de l'histoire (du genre, Dieu fait la loi d'abord et le christianisme ensuite, comme un progrès du "moins bien" au "mieux"). Car le "bon", le "parfait" est de toute éternité au ciel, et ce qui arrive sur terre n'en est que l'ombre ou la copie plus ou moins ressemblante, plus ou moins exacte et plus ou moins trompeuse à la fois. Entre les sacrifices de la loi et le "sacrifice du Christ" il y a "progrès", mais seulement dans ce sens que celui-ci reflète mieux la réalité éternelle que ceux-là, et surtout parce qu'il permet d' accéder à la réalité éternelle (repenser au mythe de la caverne de la République: il y a progrès des ombres de la caverne à la réalité des corps exposés au soleil, mais ce progrès n'est lui-même que l'ombre d'un autre progrès auquel il est censé conduire, des choses sensibles aux idées intelligibles, à la lumière d'un autre "soleil" dont le "soleil" de l'allégorie n'est lui-même qu'une réplique). Pour l'épître aux Hébreux, le "péché" que la loi mettait en évidence, et dont le Christ délivre, est en dernière analyse indissociable du "temps" et du "monde" dont on ne "sort" qu'en accédant à l'éternel. Une "rémission des péchés" comprise dans le seul temps du monde (me voilà pardonné de ce que j'ai commis avant, mais risquant à nouveau de pécher à l'avenir, cf. 6,5ss) est encore une ombre trompeuse, si l'on n'y saisit pas l'accès à l'éternel qui est, ipso facto, la (seule vraie) sortie du "péché". De ce point de vue, il y a une véritable affinité avec la perspective "gnostique" (c'est le "monde" même qui est le "péché", on ne sort pas de l'un sans sortir de l'autre), mais aussi une vraie différence (le "monde" et son "histoire" sont aussi le théâtre d'ombres où l'éternel se révèle vraiment, fût-ce de manière toujours équivoque). De ce point de vue, on pourrait dire que l'épître aux Hébreux est un écrit chrétien qui relativise le christianisme lui-même en tant que "religion" (corpus doctrinal et pratique) historique: il y a une façon d'"être chrétien" qui ne sort pas du monde et du temps des "ombres", et qu'il s'agit de dépasser (c'est le mouvement très clair du chapitre 6) pour accéder à "l'éternel". |
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Jeu 19 Avr 2018, 10:28 | |
| - Citation :
- Il n'en apparaît que plus clairement que le "sacrifice" opposé aux "sacrifices" (etc.) est un anti-sacrifice, bien qu'il se consomme ou s'accomplisse expressément par la mort. Sa "supériorité" n'est pas seulement celle d'un sacrifice humain, estimé "supérieur" comme tel aux sacrifices animaux mais foncièrement de même nature (sacrificielle, victimaire) que ceux-ci. C'est un corps vivant et parlant qui s'offre de lui-même pour faire la volonté divine, antithèse de tout sacrifice uniquement subi par la victime -- notamment, selon le vocabulaire technique du Pentateuque grec: 1) des "holocaustes" qui représentent la destruction totale de la victime par le feu, en portant à sa limite un certain concept de sacrifice, réputé d'autant plus symboliquement efficace qu'il perd toute "utilité" humaine, sociale, etc., à commencer par le repas de "communion": personne, sinon le feu et/ou la divinité, ne le consomme; mais aussi 2) des [sacrifices-]"concernant-le-péché" qui sont censés, comme leur appellation usuelle l'indique, "servir" à quelque chose (expiation ou purification préalable à la "communion"). Difficile de ne pas songer, malgré tout ce qui différencie les deux textes, au "sacrifice" à la fois "vivant" et "logique" (zousè/logikè) de Romains 12,1ss où l'on retrouve un vocabulaire analogue (sôma, corps, thusia, sacrifice, hagios, saint-sacré, euarestos, agréable).
Narkissos,Je ne suis pas sûr d'avoir compris et apprécié toutes les nuances de cette très intéressante analyse, mais intuitivement, j'ai le sentiment que l'épitre aux hébreux spiritualise les sacrifices et que offrande du corps du Christ, traduit "surtout", le fait que le Christ a été déterminer à faire la volonté de Dieu, son sacrifice a été une réalité dès, son entrée dans le monde, on peu dans l'esprit d'hé 13, 16 : "Cependant, n'oubliez pas la bienfaisance et la solidarité, car c'est à de tels sacrifices que Dieu prend plaisir"Le Christ a donné son corps en sacrifice, une fois pour toute, pour que justement, il n'y ai plus de nécessité de procéder à des sacrifices et afin que la vie des croyants soit un sacrifice et qu'ils puissent dire, "Car nous avons part au Christ" (3,14). Leur propre vie devient le lieu d'exercice de son sacerdoce et ils constituent ensemble un "peuple sacerdotal" chargé de faire de leur vie un "sacrifice spirituel" (débarrassés, de l'obligation de sacrifier) :"Vous-mêmes, comme des pierres vivantes, construisez-vous pour former une maison spirituelle, un saint sacerdoce, afin d'offrir des sacrifices spirituels, agréés de Dieu, par Jésus-Christ " 1 Pi 2,5 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Ven 20 Avr 2018, 01:31 | |
| Ta vision "intuitive" me paraît fort juste dans les grandes lignes.
Dans le sillage de la destruction du temple en 70 ap. J.-C., il est bien difficile de trouver des partisans d'une continuation ou d'une restauration du système sacrificiel tel qu'il fonctionnait jusque-là ou tel qu'il était prescrit par la Torah. Pour des raisons et par des moyens différents, les pharisiens refondateurs du judaïsme sont tout aussi déterminés que la plupart des chrétiens à se passer de temple, de prêtrise et de sacrifices -- il faudra la seconde guerre juive des années 130 pour tourner définitivement la page. Ce n'est donc pas l'abandon de la pratique sacrificielle qui est en soi significatif et distinctif, mais bien le type d'argument qui le justifie.
Or il semble que le corps de l'épître aux Hébreux (sans compter a priori le chapitre 13) et la Première de Pierre prennent à cet égard des chemins divergents: là la concentration du sens du sacerdoce et du sacrifice dans l'unique don du Christ, "sans successeur", qui rend caducs la prêtrise aaronide ou lévitique, les sacrifices et le temple de Jérusalem comme l'ensemble du monde des "ombres" opposé à l'éternité, où il s'agit désormais d'accéder par la voie ouverte une fois pour toutes; ici, au contraire, un transfert et une extension du sacerdoce et des sacrifices, "spiritualisés", à l'ensemble des chrétiens -- le pharisaïsme laïc opère une semblable extension, mais sur un mode plus rituel, des devoirs des prêtres à l'ensemble du peuple (juif évidemment).
De ce point de vue, le retour de "sacrifices" (tout "métaphoriques" qu'ils soient: de louange et de charité) en Hébreux 13,15s, et déjà le rapport sacerdotal au sacrifice du Christ comme participation à "l'autel" depuis le v. 10, s'inscrivent à contresens de toute l'argumentation antérieure pour la ramener dans la ligne de 1 Pierre 2 ou de Romains 12: ce n'est pas vraiment étonnant dans ce "supplément" de type paulinien qui visait (et a un temps réussi) à donner du poids (ecclésiastique) à ce texte singulier en le faisant passer pour une épître de Paul -- au risque de le rendre tout à fait incompréhensible. L'idée que le "christianisme" consisterait simplement à remplacer, dans le temps (avant/après), un type de "sacrifice" (rituel) par un autre (liturgique et moral), tout aussi répétitif, passe complètement à côté de la logique de l'épître aux Hébreux qui opposait jusque-là globalement le temporel à l'éternel. |
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Mer 28 Sep 2022, 14:12 | |
| « Voici, je viens pour faire ta volonté » (He 10, 1-18) Le premier expose la soumission totale du Christ lorsqu’il « entre dans le monde » avec le corps que Dieu lui a donné. Le but de cette venue est « d’enlever les péchés » (He 9, 4.17-18). Cependant, le projet se heurte à une contradiction : le principe acquis du pardon des péchés repose sur les sacrifices qui « sont offerts selon la Loi » et donc demandés. Mais ils sont aussi l’objet d’une réprobation divine, comme l’exprime le Ps 40 : « Sacrifices et offrandes, ainsi que holocaustes et sacrifices-pour-les-péchés tu n’as pas voulus », et l’auteur de l’épître ajoute ce qu’on ne trouve pas dans la Septante : « Tu n’y as pas pris plaisir » (He 10, . M. Pochon se concentrera sur la première formule : Dieu n’a pas voulu de sacrifices (donc ils sont tout simplement à rejeter). Mais la contradiction demeure. Pour la résoudre, l’auteur fait appel à la treizième règle rabbinique attribuée à Rabbi Ishmael (iie siècle) : lorsque deux termes se contredisent, un troisième permet de résoudre la contradiction. Dieu ne prend pas plaisir aux sacrifices qui sont offerts, néanmoins la Loi demande des sacrifices, alors le Christ prend sur lui ce passage de l’Écriture : « “Voici, je viens pour faire ta volonté” (Ps 40, 9). Il supprime le premier régime pour établir le second » (He 10, 9). Le second régime l’emporte sans commune mesure sur le premier, mais la cohérence est sauve aux yeux de ces Juifs devenus chrétiens qui ne peuvent brader la foi des pères en la considérant comme nulle et non avenue, au profit de la nouveauté qu’ils accueillent. La notion de sacrifice, si importante pour eux, n’est pas abandonnée. Notons que ce genre de raisonnement, comme dans le cas de Melkisédeq, ne peut être reçu que par que ceux qui sont déjà persuadés de la valeur de la mort du Christ, ou disposés à la recevoir. Cela conduira à une vision du salut exprimée dans l’épître aux Hébreux qui n’a rien de commun avec un principe « donnant/donnant » du sacrifice que l’auteur, selon M. Pochon, aurait tendance à soutenir, faute de prendre en compte la totalité du Ps 40 et le message des prophètes : « L’auteur a fait un choix herméneutique différent de celui du psalmiste. […] Leurs choix dépendent de l’idée qu’ils se font de l’attente de Dieu à l’égard de l’homme ; qu’est-ce que Dieu veut ? […] La charité ou l’obéissance ? » (p. 292). Le psalmiste, quant à lui, fait preuve d’une intériorisation de la Loi divine, alors qu’on aurait dans la lettre « l’impression que le Christ se met à la disposition d’une volonté qui lui reste extérieure » (ibid.). « Charité ou obéissance ? », « une volonté qui reste extérieure » : on voit à quels choix peut conduire pareille lecture, quels rejets de l’épître cela peut inspirer. https://journals.openedition.org/rsr/10534#tocto1n3 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Mer 28 Sep 2022, 15:59 | |
| Merci de ressusciter ce fil que j'avais oublié, alors que nous parlions ces jours-ci du même sujet ("sacrifice de volonté") ici. La recension (très) critique (de Massonnet) est probablement plus intéressante que l'ouvrage (de Pochon) recensé et critiqué, mais elle me semble passer à côté de certains points sur lesquels nous sommes également revenus (depuis le 22.9.2022) dans le fil précité: si la figure du "Fils-image-de-Dieu" est d'emblée adamique (anthropique ou anthropologique, humaine, ce qui peut inclure une dimension "céleste": la "chute de l'homme" a aussi été conçue comme chute sur la terre et dans la chair, mais en l'Adam-anthrôpos originel ou archétypique [cf. l' Adam qadmôn de la Qabbale] l'humain serait céleste et le céleste humain), alors il n'y a plus lieu d'opposer "l'homme" à "Dieu", nulle part dans cette épître (et probablement pas non plus dans pas mal d'autres textes du NT, en tout cas beaucoup moins qu'on a l'habitude de le faire). On peut toujours parler de chute et de restauration, de descente et d'ascension, de terre et de ciel, de chair et d'esprit, de péché et de rédemption, mais "l'homme" et "Dieu" y sont d'entrée de jeu co-impliqués. C'est pourquoi aussi l'idée d'"incarnation", surtout si l'on entend par là une humanisation ou hominisation de "Dieu" qui lui adviendrait comme un accident, sans aucun rapport avec la "création de l'homme", me semble mal adaptée. (Voir éventuellement ceci: la réflexion sous-jacente au titre est de savoir si un texte attribué à Adam est ou non "pseudépigraphe": dans un sens il ne peut que l'être, dans un autre -- si "Adam" représente tout humain -- il ne le peut absolument pas.) Accessoirement, je trouve assez absurde de référer les textes du NT, et singulièrement l'épître aux Hébreux, à des notions de rhétorique, d'exégèse et d'interprétation rabbiniques (c.-à-d. post-pharisiennes) qui non seulement sont plus tardives, mais réagissent après coup aux pratiques hellénistiques puis chrétiennes dont elles sont largement inspirées, souvent en se contentant de mettre des mots hébreux et araméens sur des figures rhétoriques et des opérations herméneutiques qui sont foncièrement les mêmes. La tradition d'interprétation "allégorique" d'Alexandrie (notamment) peut être originellement "païenne", appliquée d'abord à la littérature grecque (Homère, etc.), un juif hellénophone comme Philon et les Pères grecs ultérieurs ne marquent à son égard aucune réserve pour l'appliquer à leurs corpus respectifs, c'est simplement pour eux la "bonne" façon de lire, dont le judaïsme pharisien s'est écarté symétriquement surtout après 70 (rejet de la Septante, etc.). |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Jeu 29 Sep 2022, 10:11 | |
| Une question (qui peut paraitre saugrenue), Hé 10, fait-il allusion au sacrifice du Christ sur la croix décrit dans les évangiles |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Jeu 29 Sep 2022, 11:30 | |
| La croix fait bien partie des références explicites de l'épître aux Hébreux (12,2, stauros; cf. 6,6, ana-stauroô pour "crucifier à nouveau"). Comme ce n'est certainement pas un des tout premiers écrits du NT on peut supposer que son milieu dispose déjà d'un "récit de la Passion" assez développé (cf. les ressemblances du chap. 5 avec l'épisode synoptique de Gethsémani dont nous parlions récemment ici; outre 13,12 dans une conclusion probablement ultérieure). Mais la question du rapport ou du non-rapport du "sacrifice" à la "croix" est beaucoup plus problématique: dans la logique (médio-platonicienne) de l'épître aux Hébreux, la crucifixion, comme événement temporel, ne pourrait être que l'ombre ou l'image (fût-elle d'une qualité suréminente) d'une vérité "éternelle", qui ne vaudrait précisément que par son côté "éternel". Le texte garde des traces d'une eschatologie qui associe la figure du Messie-Christ à la "fin des temps" (1,2; 9,26), mais pour autant qu'elle ait jamais été effective dans tel ou tel proto-christianisme, elle ne peut déjà plus être prise au pied de la lettre. A cet égard l'épître aux Hébreux, grâce à son platonisme, offre une solution beaucoup plus radicale que le "retard de la parousie", puisqu'au lieu de prolonger indéfiniment la durée de la crucifixion-résurrection à la fin elle les fait coïncider: la "fin des temps" finit par se comprendre comme "sortie du temps" (dans l'éternité, par le voile de la chair, etc.; je ne reviens pas sur la "spatialisation du temps" -- et de "l'éternité" -- que ça implique, du moins dans l'expression) qui s'entend aussi bien à partir du "temps du Christ" que du "présent" (le même "aujourd'hui", "une fois pour toutes"). Ce qui rend de fait la "suite des temps" et de l'"histoire" indifférente, un peu comme dans le johannisme par d'autres moyens: un "horizon eschatologique" peut subsister indéfiniment mais il n'a plus d'importance, puisqu'on en a déjà l'essentiel. Le chapitre 10 (v. 5ss) concentre l'attention sur ce qui fait justement de la "croix", de la "Passion" et de la figure du Christ en général un "sacrifice éternel" et non seulement temporel (cf. 9,12ss): offrande de soi qui libère de la crainte de la mort (cf. chap. 2), parce que celui qui s'offre ne se réduit plus à un soi temporel, individuel, spécifique, matériel, il participe par là même de l'éternité divine (et si le fond de cette logique est "adamique" ou "anthropique", de l'Homme archétypique fils et image de Dieu, elle concerne autant le lecteur que le Christ).
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Jeu 29 Sep 2022, 11:48 | |
| " C'est pourquoi, en entrant dans le monde, il dit : Tu n'as voulu ni sacrifice, ni offrande, mais tu m'as formé un corps ; tu n'as agréé ni holocaustes, ni sacrifices pour le péché. Alors j'ai dit : Je viens — dans le livre-rouleau c'est écrit à mon sujet — pour faire, ô Dieu, ta volonté" (10,5-7). La citation du Ps 40 apparaît dans une alternance de phrases des vs 5-7, dans les sens messianiques et davidique. Cette alternance montre la dépréciation de la part de Dieu envers les différents types de sacrifices, en ne les voulant pas. Et de même, le psaume présente un personnage, dont le « corps » (v. 5 : « σῶμα / corp » apparaît ici pour la première fois dans l’épître aux Hébreux) est ajusté par Dieu, et vient accomplir sa « volonté » 41 (v. 7. « θέλημα / volonté »: première occurrence, également). Celui qui parle dans le psaume, et qui vient faire la « θέλημα τοῦ θεοῦ / volonté de Dieu », sur laquelle l’auteur veut ici insister avec force, déclare qu’il était question de lui dans le « rouleau de livre ». Ce « rouleau », comme le fait remarquer C. Spicq, vise toute l’Ecriture, dont le manuscrit, utilisé : vise toute l’Ecriture, dont le manuscrit, utilisé dans le culte synagogal, était disposé en rouleau. Or tout ce « volume » rend témoignage au Christ (Jn 5,39 ;46-47 ; Lc 24,27), comme l’argumentation biblique de l’auteur au cours de cette épître en fait foi.Le psaume est cité ici comme une retranscription de la LXX, ad sensum. Nous pouvons remarquer d’emblée une différence flagrante entre les versets du psaume hébraïque et les versets ici rapportés. La traduction du psaume hébraïque en français porte, à la place de « un corps tu ajusta pour moi », « tu m’as creusé des oreilles pour entendre » (Ps 40, 7, TOB). Grelot conclut dans un court article où il aborde la question que « c’est l’auteur de l’épître aux Hébreux qui a modifié le texte grec du Psaume en faisant de lui une prière adressée à Dieu par le Christ Jésus lui-même, dès son entrée dans le monde ». L’intention de l’auteur sera explicitée par la nouvelle occurrence du mot « σῶμα / corp » au v. 10. L’herméneutique du psaume que l’auteur entreprend aux vs 8-10 manifeste donc davantage son intention christologique. Nous sommes au cœur du développement de la section. En effet, l’auteur reprend l’énumération des sacrifices, lesquels ne sont pas voulus ni estimés bons, car ils sont portés en offrande selon la « νόμος / loi ». Une loi qui est impuissante, inefficace dans ses prescriptions cultuelles à rendre parfait. Au v. 9, il y a un tournant, marqué par le « τότε / alors » : « alors il a dit : voici, je suis-venu faire ta volonté ». Et le verset se poursuit par une formulation antithétique, déjà familière (ch. 7.8.9), qui reprend le balancement des éléments acb, et débouche à la conclusion du v. 10. Ainsi, il apparaît que « ce qui est premier » : les sacrifices offerts constamment selon la loi, sont enlevés, abolis, car l’unique oblation du corps de Jésus-Christ est en parfait accord avec la « θέλημα τοῦ θεοῦ / volonté de Dieu », en tirant de là toute son efficacité. Il établit par conséquent « ce qui est second », en menant à bonne fin notre sanctification. L’offrande du Christ correspond tout à fait aux perspectives définies dans le psaume. Elle diffère radicalement des sacrifices extérieurs du culte ancien. Jésus n’est pas allé chercher dans un troupeau une bête sans tare, qui […] ne pouvait pas constituer un instrument d’authentique médiation. Il s’est présenté lui-même : « Voici, je suis venu » ; il a offert son obéissance pleinement humaine, de cœur et de corps (He 10,9-10). A la différence des anciennes immolations d’animaux, dont Dieu ne voulait pas (Ps 39,7), une oblation de ce genre ne pouvait manquer d’être acceptée par Dieu, puisqu’elle consistait, précisément, à faire ce que Dieu voulait (Ps 39,9). Remarquons que la citation du Ps 40, qui est reprise et interprétée ici, a été coupée intentionnellement par l’auteur de l’épître au v. 9, à savoir là où on lit en grec : « faire, Dieu, ta volonté, je le voulus et la Loi au milieu de mon ventre », l’auteur ne reprend que le début du verset. Mais, tandis que le psaume semble mettre la loi et la volonté de Dieu sur le même pied d’égalité, notre auteur semble accentuer le contraste entre la loi (v. et la volonté divine (v. 9), puisque les sacrifices que Dieu n’agrée pas sont offerts selon les prescriptions de cette loi infirme. Le Christ accomplit ce qu’annonçait 1 Sm 15,22 : « L’obéissance est préférable au sacrifice, la docilité à la graisse des béliers ». Et souvenons nous que le Seigneur a été rendu parfait par son écoute obéissante (He 5,8-10), et c’est pour cela qu’il devint cause du salut éternel. Or, l’oblation du corps du Christ est faite selon la volonté divine, et non selon la loi. http://app.periodikos.com.br/article/620cedf1a9539571677d3c12/pdf/revistaphs-2-2-5.pdf |
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Jeu 29 Sep 2022, 12:35 | |
| Pour tout ce qui concerne la citation et la transformation du Psaume 40 (39LXX) en Hébreux 10,5ss, il ne serait peut-être pas inutile de relire le début de ce fil qui remonte déjà à quelques années (2017-18).
L'étude précitée porte sur un ensemble plus large (10,1-18), ce qui permet de mieux apprécier la progression de l'argumentation. J'ai trouvé particulièrement intéressante la référence augustinienne et thomiste au "sacrifice intérieur" (p. 21s) qui permet d'établir un lien avec la suite (la nouvelle alliance et son "écriture sur le coeur", selon Jérémie 31) -- bien que précisément les termes de l'intériorité soient plutôt évacués de la citation du Psaume 40. |
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Jeu 29 Sep 2022, 13:12 | |
| On voit au verset 8 une contradiction qui est exprimée: "Dieu n’a pas voulu des sacrifices" qui sont pourtant offerts selon la loi de ce même Dieu. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Jeu 29 Sep 2022, 14:17 | |
| En l'occurrence le "pourtant" n'est pas dans le texte, même si c'est une explicitation plausible de sa logique. Ce serait faire encore un pas de plus (de trop ?) que de préciser "la loi du même Dieu" -- ou, bien sûr, le contraire: comme on sait, la question (le même dieu ou un autre) va devenir expresse et décisive vers le milieu du IIe siècle avec le marcionisme et divers gnosticismes, elle se prépare déjà dans le paulinisme et ailleurs ("dieu de cet âge-monde" dès 2 Corinthiens, écart de la "loi" à "Dieu" de Romains à Galates, si du moins on les lit dans cet ordre, avec les "anges" et le "médiateur" qui s'interposent; cf. aussi le discours d'Etienne en Actes 7 et bien sûr les textes johanniques, "votre loi", "diable / père des Juifs" et "prince de ce monde"); mais ici il n'y a formellement opposition qu'entre la "loi" ( nomos, cf. 7,5.12.16.19.28; 8,4.10; 9,19.22; 10,1.8.16.28) et la "volonté" ( thelèma, 10,7.9s.36; 13,21; cf. thelô 10,5.8, d'après la Septante du Psaume 39/40, "tu n'as pas voulu de sacrifice...") -- ce qui, je te l'accorde, n'est pas moins troublant si la loi est censée être "de Dieu" comme la volonté; le platonisme de l'auteur lui permet de s'en sortir autrement, du moins en surface: comme "ombre" la "loi" qui porte sur le matériel est temporelle, en tant que morale, mentale ou intellectuelle la "volonté" est éternelle (reste à savoir ce que pourrait signifier "vouloir" *hors du temps*, à moins que ce ne soit l'essence même du "vouloir", vouloir l'impossible, l'irréel, le contradictoire, la vie la mort, mais cela ne serait plus platonicien). Au passage, dans la portion de la Septante du Psaume 40(= 39),8 qu'a évitée la citation, c'était la "loi" ( nomos pour l'hébreu tora[h]) qui était située dans l'"intériorité" ("au milieu de mon ventre"); on retrouvera néanmoins nomos, au pluriel, dans la citation de Jérémie 31 en Hébreux 10,16 (les lois sur les coeurs). On peut noter enfin que le "plaisir" qui sert formellement de parallèle à la "volonté" traduit eudokeô (plus exactement approuver) en Hébreux 10,6.8b (aussi v. 38), mais ce verbe ne se trouve pas (non plus) dans la Septante du Psaume 40(39): au v. 7 on a aiteô = "demander", ce qui correspond au š'l de l'hébreu (tu n'as pas demandé de sacrifices...), et au v. 9, dans la portion non citée par Hébreux 10,7.9, bouleuô (cf. volo en latin et "vouloir" en français) qui est un synonyme partiel de thelô: "j'ai voulu / décidé de faire ta volonté". La notion de "plaisir", en revanche, est plus claire au v. 9 dans l'hébreu hpç.
Dernière édition par Narkissos le Jeu 29 Sep 2022, 16:09, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Jeu 29 Sep 2022, 16:04 | |
| - Citation :
- Voir aussi, autour d'un autre passage de l'épître aux Hébreux, le premier lien ci-dessus (discussion du 27.10.2015, p. 2), où nous avons remarqué que le langage sacrificiel de l'"expiation/propitiation" servait un thème classique de la "philosophie" -- comment s'affranchir de la crainte de la mort; ici, le motif dominant du corps offert à la "volonté" divine rejoint celui de la "liberté" devant la mort.
4. « Debout comme égorgé » (Ap 5,6) : le Fils de Dieu vivant sa mort en héros initiatiqueA la consécration de Jésus au temple, Syméon lut dans l’enfant un signe de contradiction (Lc 2,34). Sa croix, « scandale pour les Juifs, folie pour les païens » (1 Co 1,23), matérialisera ce destin dramatique pourtant bienheureux. L’épître aux Hébreux épilogue sur le sort impressionnant du Fils de Dieu. Obéissant, « saint, innocent, immaculé » (He 7,26), solidaire des pécheurs, abandonné à un supplice infâme, il « se trouve, à cause de la mort qu’il a soufferte, couronné de gloire et d’honneur » (He 2,9). Homme véritable, il partage à fond « le sang et la chair » (He 2,14), c’est-à-dire la condition humaine. « Aux jours de sa chair », saisi lui aussi de « crainte de la mort », il « offrit prières et supplications avec grand cri et larmes à celui qui pouvait le sauver de la mort » (He 5,7). Mais, comme « il convenait, […] à celui pour qui et par qui tout existe et qui voulait conduire à la gloire une multitude de fils, de mener à l’accomplissement par les souffrances l’initiateur de leur salut » (He 2,10), le Christ offrit son corps (He 10,5-. Et « il fut exaucé en raison de sa soumission » (He 5,7).(...)Le bref exposé christologique et l’essai de relecture initiatique thématisent l’épopée de Jésus comme un drame sacré au coeur de la vie dans la mort, dans une perspective de dépassement salvifique par le moyen d’une mort sacrificielle vécue conformément à un projet divin. La profession sacerdotale de l’épître aux Hébreux s’inscrit dans une christologie de l’exaltation où l’épreuve mortelle définit le chemin mystérieux de la gloire, d’une manière qui corrobore le projet religieux de l’homme africain appelé à vivre et à mourir dans « une volonté de conformité à ce qu’au nom du divin l’ancêtre a posé au commencement » (Sanon 1990, 46). Nous pouvons donc constater la manière dont le mystère du Christ compose avec ces traditions qui, en Afrique, posent la dialectique de la mort et de la vie sur le terrain de la relation à Dieu, fondant la mort dans la condition humaine et son possible dépassement à travers la mort sacrificielle. Aussi pouvons-nous comprendre que, procédant à la manière de l’épître aux Hébreux, la profession de foi africaine s’accompagne d’un déversement sur Jésus des noms, des titres et des symboles traditionnels qui le hissent au pinacle des héros initiatiques.https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/2011-v19-n1-theologi0443/1014186ar/ |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Jeu 29 Sep 2022, 18:40 | |
| Texte fort intéressant (ne pas manquer les notes qui rapportent des récits africains remarquables). J'ai cru un instant à une erreur d'adresse puisque nous avions ces jours-ci d'autres discussions en cours sur Apocalypse 4--5 et sur l'ensemble de l'épître aux Hébreux, mais la référence à Hébreux 10 est également pertinente. (Je n'ai pas non plus compris tout de suite que ta première citation était tirée du premier post du présent fil: le lien auquel elle renvoie, à la date du 27.10.2015, est donc celui que je viens de redonner.) Tout cela questionne peut-être moins les différences et les ressemblances entre des "religions" distinctes que la continuité même d'un sens de la "religion" d'une situation (époque, lieu, milieu) à l'autre: la tradition quelle qu'elle soit ne (se) survit que par une inventivité continuelle qui puise dans tout ce qu'elle trouve -- le "syncrétisme" est la règle et non l'exception, même si c'est plus ou moins visible en fonction de l'étendue et de la durée des "civilisations". Je repensais aux documentaires de Jean Rouch, parfois à la limite du supportable ("cruauté" dans tous les sens du terme) pour un spectateur "occidental", sur la combinaison dans des rites africains modernes et urbains de mythologies et de pratiques ancestrales et des symboles de la modernité (alors) coloniale. Ce qui distingue d'abord l'épître aux Hébreux des textes de l'AT qu'elle commente et a fortiori des pratiques rituelles qu'ils évoquent, c'est un tout autre contexte culturel (c.-à-d. aussi politique, économique, social, technique): la langue et la littérature grecques, l'empire romain, l'urbanisation cosmopolite et le développement d'une culture savante ou semi-savante (philosophie populaire) où les particularités religieuses, mythiques et rituelles, détachées de leurs terres et de leurs peuples respectifs, n'ont plus de sens qu'à la condition d'une traductibilité générale. Tout doit se traduire en tout et au moins en grec (ou en latin ou en syriaque selon les zones et les milieux), dans une langue commune des "idées" et du "sens" qui fait de celui-ci l'essentiel et réduit ipso facto toute pratique concrète et distinctive au non-sens. Les sacrifices des anciens temples, celui de Jérusalem comme les autres, ne sont plus tolérables que dans la mesure où ils "signifient" quelque chose qui pourrait aussi bien se signifier n'importe où et sans eux (c'est la fonction même des "mystères" qui acclimatent des traditions de toutes origines, égyptiennes ou perses, dans toutes les grandes villes de l'empire et leur font signifier à peu près la même chose, salut individuel, vie éternelle des élus-initiés d'une communauté d'élection): ce qui justifie les cultes ancestraux en les rendant intelligibles est aussi ce qui les rend superflus, cette logique auto-immune transit toute l'œuvre de Philon, et les textes hellénistiques anti-rituels (épître aux Hébreux, discours d'Etienne, Marc dans le NT) ne font que la porter à son terme -- du moins à un terme relatif car ce qui s'ensuit (p. ex. le christianisme) ne saurait manquer d'être atteint par le même retour de logique: en tant que tradition religieuse, mythique et rituelle particulière, il est lui-même subordonné à son "sens", justifié et rendu caduc par celui-ci (comme il advient aux "ombres" de l'épître aux Hébreux devant une éternité qui transcende même les "cieux", ou à celles de Platon devant la lumière intelligible qui dépasse le soleil; au-delà de l'être ou de l'étant). Reste en effet que la mort n'en finit pas de concerner chaque vivant de façon singulière -- c'est et ce n'est pourtant pas la même chose selon que le vivant en question appartient à un monde et à une société où le mythe et le rituel vont de soi (ce qui fut longtemps et presque partout la règle est aujourd'hui l'exception) ou sont au contraire une option facultative, fait de hasard ou objet d'un "choix" purement arbitraire (situation de l'empire romain dans une certaine mesure et a fortiori de la modernité urbaine et/ou connectée, même en Afrique). --- Sur les nombreuses questions que pose plus généralement la notion de "volonté", pour "Dieu" comme pour "l'homme", on pourra se reporter à ces deux fils -- surtout au premier en ce qui concerne "Dieu". |
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Ven 30 Sep 2022, 11:22 | |
| " Aux jours de sa chair il a offert, à grands cris et dans les larmes, des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et il a été exaucé en raison de sa piété. Tout Fils qu'il était, il a appris l'obéissance par ce qu'il a souffert.Une fois porté à son accomplissement, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent l'auteur d'un salut éternel, Dieu l'ayant déclaré grand prêtre selon l'ordre de Melchisédek" (5,7-9). L'oblation sacerdotale du Christ dans l'épître aux Hébreux 3. Une troisième observation mérite une attention particulière, car elle concerne ce qui est dit du Christ. Après quatre versets qui décrivent la situation de «tout grand prêtre» (5, 1-4), viennent six versets qui établissent un parallélisme entre «tout grand prêtre» et «le Christ» (5, 6-10). Un des traits de ce parallélisme porte sur l'oblation. Le verbe prosphéréin, «offrir», utilisé deux fois dans la description de «tout grand prêtre» (5, 1.3), est utilisé une troisième fois à propos du Christ. L'épître déclare que le Christ «dans les jours de sa chair, a offert des demandes et des supplications à Celui qui pouvait le sauver de la mort» (5, 7). Tout grand prêtre doit offrir... Le Christ a offert. Il n'est pas rare que ce parallélisme échappe aux traducteurs. La Bible de Jérusalem, par exemple, emploie, pour rendre le même verbe grec, deux verbes français différents («offrir» dans le cas de «tout grand prêtre»; «présenter» dans le cas du Christ); elle empêche ainsi de percevoir le rapport que l'auteur a exprimé entre l'oblation des prêtres anciens et la Passion du Christ. «Tout grand prêtre... est établi... pour offrir» (5, 1); le Christ lui aussi « a offert». La correspondance est indéniable. ... ... Et c'est bien ce que fit le Christ. La suite de la phrase de l'épître le manifeste clairement. Elle précise, en effet, que le Christ, «ayant été exaucé à cause de son profond respect» de Dieu, «apprit, par ses souffrances, l'obéissance». L'oblation sacerdotale du Christ, qui a commencé par une «offrande de demandes», s'est continuée par une adhésion à la volonté de Dieu à travers la souffrance et la mort. Selon les évangiles, la conclusion de la prière de l'agonie a été: «Non pas comme moi je veux, mais comme toi» (Mt 26, 39 par.). On voit ici que, loin d'être moins consistante que les offrandes du culte ancien, l'oblation du Christ a été plus profonde et plus totale. Car, au lieu de se limiter à des dons extérieurs, elle a pris la personne même et elle l'a prise tout entière. Une autre opposition exprimée dans l'Ancien Testament se trouve de ce fait dépassée. A Saül, qui s'était montré indocile à Dieu dans la guerre contre les Amalécites, Samuel avait déclaré: «L'obéissance vaut mieux que le meilleur sacrifice» (1 S 15, 22). Cette parole n'a aucune valeur d'objection contre le sacrifice du Christ, car ce sacrifice a été l'acte d'obéissance le plus parfait qui soit. Le Christ a été «obéissant jusqu'à mourir, jusqu'à mourir sur une croix» (Ph 2, . L'épître aux Hébreux dit plus précisément que le Christ «apprit, par ses souffrances, l'obéissance» (5, et elle ajoute qu'il a été ainsi «rendu parfait» (5, 9). En s'exprimant ainsi, l'auteur éclaire d'un jour nouveau l'oblation sacerdotale du Christ. Il montre qu'elle a produit une transformation dans le Christ lui-même. Le Christ «a appris l'obéissance» et il a été «rendu parfait». C'est là une façon très originale de concevoir le résultat de l'oblation sacerdotale. Dans les temps anciens, on se faisait des sacrifices une idée toute différente; on les concevait plutôt comme un moyen d'exercer une action sur Dieu à qui ils étaient offerts. Lorsque Dieu «respirait l'agréable odeur» des sacrifices, il était porté à se montrer favorable aux hommes. C'est ce que suggère l'Ancien Testament lorsqu'il parle, par exemple, des holocaustes offerts par Noé après la fin du déluge (Gn 8, 20-22). L'épître aux Hébreux nous propose une perspective inverse: le sacrifice, non pas comme action de l'homme sur Dieu, mais comme action de Dieu sur l'homme. Dès le ch. 2, l'auteur a fixé cette orientation en déclarant qu'il convenait que Dieu «rendît parfait par des souffrances le pionnier de (notre) salut» (2,10). Dans la Passion, l'acteur principal n'a donc pas été le Christ, mais Dieu lui-même qui a effectué la rédemption en agissant sur la nature humaine du Christ. L'oblation du Christ a consisté à s'ouvrir avec docilité à cette action divine transformante. Ainsi la nature humaine, qui portait le poids de la désobéissance ancienne, a «appris l'obéissance» et a été «rendue parfaite». A l'issue de la Passion, la nature humaine est redevenue, dans le Christ, pleinement conforme au dessein de Dieu et cette transformation a permis le plein accomplissement de la vocation de l'homme à un double point de vue: dans le rapport avec Dieu et dans le rapport avec le monde. Le Christ glorifié est entré dans l'intimité de Dieu et il a été couronné roi de l'univers. L'aspect royal de la glorification du Christ se trouve exprimé dans la première partie de l'épître, où l'auteur utilise le Ps 8. «Abaissé quelque peu au dessous des anges», Jésus a été ensuite «couronné de gloire et d'honneur, parce qu'il a souffert la mort» (He 2, 9). Dans le passage que nous analysons, l'auteur ne manque pas d'évoquer cet aspect en parlant de l'obéissance qui est due au Christ glorifié («devenu pour tout ceux qui lui obéissent principe de salut éternel»: 5, 9). Mais il insiste beaucoup plus sur le nouveau rapport du Christ avec Dieu et cela se comprend aisément, car tout le passage parle de sacerdoce (5, 1-10). «Rendu parfait» grâce à son oblation, le Christ, dit l'épître, a été «proclamé grand prêtre par Dieu» (5, 10). Cette conclusion solennelle nous révèle que la transformation subie par le Christ n'a pas été seulement une glorification royale, mais aussi et avant tout une consécration sacerdotale. L'oblation du Christ a fait de lui un grand prêtre. Elle a été un sacrifice de consécration sacerdotale. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Ven 30 Sep 2022, 12:08 | |
| Sur Hébreux 5,7ss, voir ici 17.9.2022. Je n'arrive pas à voir d'où vient l'analyse que tu cites (il faudrait au moins un titre et un auteur; s'il s'agit d'un lien de téléchargement on peut le copier à partir d'un clic droit -- sur un ordinateur -- avant de l'ouvrir, et ensuite le coller ici), mais elle me semble développer utilement certains aspects du post que je viens d'indiquer. Pour rappel, les sacrifices sont "critiqués" de plusieurs points de vue différents dans les textes de l'AT (sans parler des textes qui les décrivent favorablement, les instituent, les prescrivent, les règlent de multiples manières): il y a la critique "morale" et "sociale" des Prophètes qui leur opposent la justice, la miséricorde ou la compassion (à quoi bon sacrifier si l'on est injuste, si l'on opprime les pauvres, etc. ?), il y a une critique hymnique ou poétique, notamment dans certains Psaumes (la louange, la joie, la prière est le vrai sacrifice, ça se retrouvera dans la conclusion probablement secondaire d'Hébreux, 13,15), il y a aussi une critique sacerdotale et rituelle (tel sacrifice est mauvais parce qu'il n'est pas offert selon les règles, au bon endroit, au bon moment, de la bonne façon, par la bonne personne, etc.: c'est plutôt de ça qu'il s'agirait dans le contexte de 1 Samuel 15, cf. chap. 13, en tout cas pas de "compassion" s'agissant d'Amaleq; sauf que la maxime opposant l'obéissance au sacrifice est plus générale que ce contexte) -- on sait l'importance que celle-ci va prendre dans les textes de Qoumrân, qui s'opposent au service et à la prêtrise du temple de Jérusalem mais d'un point de vue ritualiste, et considèrent les succédanés "sectaires" (ablutions, communion de table, louange communautaire) comme provisoires, en attendant la restauration (plus ou moins eschatologique) du temple. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Ven 30 Sep 2022, 12:19 | |
| - Citation :
- Je n'arrive pas à voir d'où vient l'analyse que tu cites (il faudrait au moins un titre et un auteur; s'il s'agit d'un lien de téléchargement on peut le copier à partir d'un clic droit -- sur un ordinateur -- avant de l'ouvrir, et ensuite le coller ici), mais elle me semble développer utilement certains aspects du post que je viens d'indiquer.
L'oblation sacerdotale du Christ dans l'épître aux Hébreux | DidaskaliaAlbert Vanhoyehttps://journals.ucp.pt › article › |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Ven 30 Sep 2022, 12:24 | |
| Lien de téléchargement. C'est en effet l'incontournable Vanhoye, grand initiateur de l'analyse structurelle de l'épître aux Hébreux auquel tous les commentateurs se réfèrent depuis, même s'ils ont pris leurs distances avec lui dans diverses directions.
Tout cela mérite lecture attentive, mais en attendant je rappelle que la perspective adamique ou anthropologique dont nous avons beaucoup reparlé ces jours-ci ne fait que rendre l'ensemble plus clair: si c'est comme l'"homme" archétypique que le Fils est l'image de Dieu, supérieur aux anges, alors le Christ priant, souffrant, apprenant, obéissant, mourant, est le même ("homme / fils de l'homme") abaissé "un peu" au-dessous des anges; aux jours de sa "chair" et non de son "humanité", car l'"humanité" de ce point de vue englobe tout le parcours. |
| | | free
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Ven 30 Sep 2022, 13:00 | |
| “S’EST ASSIS POUR TOUJOURS À LA DROITE DE DIEU” C’est une récurrente allusion au Ps. 110:1a (cfr. 1:3; 8:1; 12:2). La “droite de Dieu” est une métaphore anthropomorphique de la place ou position de puissance, autorité, et prééminence royales. C’est aussi la place d’intercession (cfr. Rom. 8: 34; Héb. 7:25; I Jean 2:1). http://www.freebiblecommentary.org/pdf/fre/VOL10_french.pdf Après l’accomplissement du sacrifice, le Christ ne quitte pas le sanctuaire (comme le grand prêtre d’autrefois) mais il a pris place à la droite du Père (He 10, 2), d’où il intercède éternellement pour nous. C’est pourquoi nous avons reçu le droit (parrhêsia) d’entrer dans le Saint des Saints, en passant par le chemin nouveau (He 10, 19-22) qu’est le Christ. La voie est « rouverte » (He 9, , le Christ « purifiera notre conscience des œuvres mortes pour que nous rendions un culte au Dieu vivant » (He 9, 14). Cela est transmissible, parce que le Christ a agi par amour pour chacun de nous, mais aussi dans la mesure où nous avons confiance en ce prêtre souverain. C’est pourquoi nous pouvons nous approcher de Dieu « avec un cœur sincère, dans la plénitude de la foi » (He 10, 19), puisque nous sommes précédés du Christ. En effet, il a partagé notre « sang » et notre « chair », et de ce fait « a lui-même souffert par l’épreuve », il est donc « capable de venir en aide à ceux qui sont éprouvés » (He 2, 18, également 4, 15). La médiation du Christ ne consiste pas en un rôle d’intermédiaire neutre, il cherche à « couvrir tout l’espace qui s’étend depuis le fond de la misère humaine jusqu’à la cime de la sainteté de Dieu » [20]. L’union des natures humaine et divine en Jésus permet la récapitulation de l’humanité et son introduction dans le sanctuaire divin. Dans ce sens, les sacrements procèdent de ce qui s’est passé en Lui, de cette divinisation de l’humanité. https://www.revue-resurrection.org/Du-sacrifice-au-sacrement-l |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12461 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Ven 30 Sep 2022, 15:09 | |
| Abondance de lectures ne nuit pas... - De l'article de Vanhoye, j'ai trouvé particulièrement stimulant le rapprochement de l'"esprit éternel" (9,14) avec le "feu perpétuel" d'une part, et le "sang" d'autre part (p. 22ss; sur le sang, cf. ici 23.9.2022) -- je l'avais peut-être déjà lu, mais dans ce cas je l'avais oublié... Bien sûr, le paradoxe central de l'épître réside dans le jeu de concentration-expansion temporelle qui annule, inverse, affole toutes les séquences, narratives ou logiques, procédurales ou quasi techniques, au voisinage de l'"éternité": il faut normalement qu'un prêtre soit dûment consacré, habilité, ordonné, pour offrir un sacrifice valable, et que celui-ci ait éventuellement des effets ensuite. Mais dans le cas du Christ selon Hébreux tout se confond, à la faveur du passage du temporel à l'éternel dans l'aujourd'hui / une fois pour toutes: ce qui fait du Christ un grand prêtre n'est rien d'autre que son sacrifice (offrande éternelle, essentiellement intemporelle, puisqu'elle se confond avec la génération même du Fils, mais étendue dans le temps du récit christique, au moins de la prière à la mort et à l'élévation), qui enveloppe en lui tous ses effets (futurs et passés, de la fondation à la fin du monde, "dans le temps", l'essentiel n'étant pourtant jamais "dans le temps"). - Du commentaire évangélico-américain d'Utley (dont la traduction française paraît assez approximative), il ne faut probablement pas attendre grand-chose au plan de l'intelligence générale du texte -- la dénégation compulsive du "platonisme" de l'épître aux Hébreux est en soi un symptôme éloquent, presque un aveu ou un témoignage... Mais il a l'air bien documenté et techniquement assez précis dans le détail. - Quant à l'article de P. Bernon-Bruley, il ne manque pas d'intérêt mais illustre aussi combien le détour par la dogmatique (en l'occurrence catholique), qui divise d'une part la christologie entre théologie trinitaire et incarnation (ou union hypostatique) logiquement indépendantes l'une de l'autre, d'autre part la christologie et le sacrement ecclésiastique, complique inutilement la lecture du texte -- lequel n'est certes pas simple en soi, mais ne gagne rien à ces complexités étrangères, tout au moins anachroniques, même s'il y a en partie contribué. Pour rappel, le Psaume 110 (109LXX) est de loin le texte le plus souvent cité et évoqué dans le NT (pour le "Seigneur / mon Seigneur", la "droite de Dieu", assis[e] ou debout et dans plusieurs combinaisons régulières, notamment avec Daniel 7 "sur les nuées du ciel"), mais l'épître aux Hébreux y trouve un motif original et, pour elle, principal -- prêtre selon l'ordre de Melchisédek. Le thème de l'intercession ( entugkhanô, 7,25, sans aucun rapport avec la "droite de Dieu") ne vient pas du Psaume qui est plutôt vindicatif et violent, par contre il est paulinien (Romains 8,27.34; 11,2). En Hébreux 10, 12 la citation ne suggère pas directement d'intercession, bien que la soumission des ennemis (v. 13, tirée du Psaume) soit probablement interprétée dans un sens positif (sanctification-consécration / perfection-accomplissement-achèvement, hagiazô / teleioô, v. 14) puisqu'elle conduit à la citation de Jérémie 31 aux v. 15ss. La conclusion du v. 18 est à première vue étonnante: "or où il y a rémission (pardon, absolution, aphesis, proprement laisser ou laisser-aller, de même 9,22) de ceux-ci ( i.e. des péchés, d'après la citation de Jérémie), [il n'y a] plus d'offrande ( prosphora, de même v. 5.8.10.14, substantif du verbe prospherô, 5,1.3.7; 8,3s; 9,7.9.14.25.28; 10,1s.8.11s; 11,4.17; 12,7 -- soit ce que Vanhoye dans la tradition latine appelle "oblation") pour le péché ( peri hamartias, nom d'un type de sacrifice dans la Septante du Lévitique, pour l'usage "technique" de l'hébreu ht't qui a aussi le sens général de "péché", cf. v. 6, 8, et 26 au pluriel; mais cette formule rituelle consacrée est soigneusement évitée dans l'épître aux Hébreux pour l'offrande du Christ, même dans son rapport au péché)." Tout se passe comme si l'"offrande" ("dans le temps") n'avait pour fin que de conduire à un état (éternel) où l'offrande même est inutile, n'ayant plus ni lieu ni sens -- c'est-à-dire, s'agissant d'éternité: n'en ayant jamais eu. Utile dans un sens (temporel), inutile dans un autre (éternel), utile seulement pour briser la sphère de l'utilité et l'ouvrir à son autre. On peut aussi lire et relire l'introduction (1,1ss) qui est d'une densité exceptionnelle, en remarquant le peu de place qu'y tiennent le "problème" du "péché" et sa "solution" qui font l'objet de développements si élaborés dans le corps du traité: "Bien des fois et par bien des tours le dieu ayant jadis parlé aux pères dans/par les prophètes à la fin de ces jours nous a parlé dans/par un fils qu'il a établi héritier du tout et par qui aussi il a fait les âges-mondes ( aiôna), celui-ci étant l'éclat de sa gloire et l'empreinte de sa substance (en frangrec, le caractère de son hypostase), portant le tout par le dit ( rhèma) de sa puissance, ayant fait la purification des péchés s'est assis à la droite (> Psaume 110) de la grandeur dans les hauteurs, devenu d'autant supérieur aux anges qu'il a hérité d'un nom incomparable au (litt. plus différent du) leur..." et bien sûr il faudrait relire aussi la suite: ce qui le différencie d'abord des anges, c'est d'être fils-engendré-aujourd'hui, etc. En somme, le "problème" et sa "solution", le "péché" et le "sacrifice" (offrande, purification, etc.), ne sont qu'une péripétie, un moment d'un mouvement cyclique d'auto-fondation permanent ou perpétuel dont le commencement présuppose la fin et l'ensemble du parcours: le "fils" est présenté d'entrée de jeu en fonction de l'aboutissement de son périple, sa supériorité sur les anges est à la fois initiale et acquise, initiale comme acquise et acquise comme initiale, la logique tourne en rond et toute chrono-logie est mise en boucle -- du point de vue paradoxal d'une "éternité" où, strictement parlant, il n'y aurait ni le temps ni l'espace de tracer le moindre cercle, mais qui pour ainsi dire incurve et fait circuler tout autour d'elle, ou en elle, chaque représentation spatio-temporelle devant néanmoins être récusée pour les mêmes raisons. |
| | | free
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| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Lun 10 Oct 2022, 15:42 | |
| 5. La reprise de la citation de Jr 31 (38), 31-34 en He 10, 16-17
Les différences entre la citation de Jr 31(38), 31-34 en He 8,8-12 et sa reprise en He 10,16-17 sont assez importantes. Outre que l’auteur omet la plus grande partie des versets du texte-source, il remplace certains mots. Nous n’en sommes plus au même point de l’argumentation. La TOB traduit ainsi :
C’est ce que l’Esprit Saint nous atteste, lui aussi. Car après avoir dit : Voici l’alliance par laquelle je m’allierai avec eux après ces jours-là, le Seigneur a déclaré : En donnant mes lois, c’est dans leurs cœurs et dans leur pensée que je les inscrirai, et de leurs péchés et de leurs iniquités je ne me souviendrai plus. (He 10,15-17).
Cette traduction prête à discussion. Elle rend en effet le présent legei du texte originel par un passé composé : « il a déclaré ». Par ailleurs ce legei kurios est la proposition principale d’une phrase commençant par la subordonnée infinitive : méta gar to eirêkenai (après avoir dit). Ici, la pointe de l’argumentation s’est déplacée par rapport à He 8,8-12. Il y a déjà un acquis : l’instauration de l’alliance nouvelle, argumentée en He 8,1-9,28. Nous devons maintenant prendre conscience de ce que cette instauration implique. Nous sommes devant un beau cas de mutation de la pointe d’une citation en fonction d’une contextualisation nouvelle, auquel nous rend sensibles une structure grammaticale différente : ce qui, dans le texte cité, était une réflexion conclusive - « de leurs péchés et de leurs iniquités je ne me souviendrai plus » - devient, dans le texte citant, la proposition principale.
Selon Jr 31(38), 31-34, faut-il le rappeler, l’alliance nouvelle est fondée sur le pardon divin. Dieu ne se souvient plus des péchés, il les efface. Il offre ainsi à son peuple un avenir nouveau. Le TM met l’accent sur le fait que c’est grâce aux prêtres et à la fête de Kippour que Dieu pardonne et que l’alliance peut donc perdurer, malgré les manquements humains.
Or l’auteur d’Hébreux voit les choses différemment. Après avoir cité Jr 31,34, il commente aussitôt ce verset dans les termes suivants : « Là où il y a eu pardon, on ne fait plus d’offrande pour le péché » (He 10,18). Il en tire plus loin la conclusion : « Si nous péchons délibérément [...] il ne reste plus pour les péchés aucun sacrifice, mais seulement une attente terrible du jugement » (He 10,26 s, rappelant l’anathème initial de He 6,6). La recontextualisation de Jr 31(38),34 par l’épître est dure à entendre pour les destinataires mais ce qui doit les maintenir dans la foi, c’est que la Parousie est toute proche (He 10,37). Il convient de tenir bon jusque-là.
https://journals.openedition.org/rsr/2149#tocto2n5 |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12461 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Hébreux 10,5ss Lun 10 Oct 2022, 17:14 | |
| C'est plutôt dans le texte massorétique de Jérémie 33,18 (sans équivalent dans la Septante) qu'il y aurait une référence à la prêtrise et au système sacrificiel (quotidien, en général, et non au Yom [ha-]Kippour[im] ou "jour des expiations" annuel, que singularise en revanche l'épître aux Hébreux parce qu'elle voit dans l'"une fois par an" une image, ou une ombre, de son "une fois pour toutes").
La question du rapport de l'épître aux Hébreux à l'eschatologie est plus intéressante: dans un sens, une "fin du monde et/ou du/des temps" confirmerait ou illustrerait l'opposition "temps / éternité", mais de façon inutile précisément pour ceux qui ont su saisir dans le temps (aujourd'hui, une fois pour toutes) le passage à l'éternité. D'un autre côté, l'installation du christianisme en "religion durable" (telle qu'elle prévaudra en tout cas d'Augustin à Thomas d'Aquin), nécessairement dotée de médiations cultuelles répétitives (sacrements, repentance, confession, calendrier, fêtes annuelles, etc.), indiscernables au moins sous ce rapport des sacrifices de l'"ancienne alliance", semble encore plus ruineuse pour la perspective de l'épître. A tout prendre, le maintien d'un horizon eschatologique constant mais vague paraît encore la moins mauvaise solution, pour avoir encore une petite chance de faire entendre le message (qui reste en tout état de cause difficilement audible): en tant que religion remplaçant le judaïsme avec les mêmes traits temporels et répétitifs, le christianisme n'a aucun intérêt, il n'en a que comme ouverture du temps et de l'histoire vers autre chose (ci-devant l'éternité). |
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