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 approbations, réprobations, modes

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Narkissos

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MessageSujet: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeVen 18 Mar 2022, 13:17

... et bien qu'ils (re)connaissent le jugement-décret (dikaiôma, de la "justice", dikè etc.) du dieu -- que ceux qui pratiquent de telles choses méritent la mort -- non seulement ils les font, mais encore ils approuvent (sun-eu-dokeô) ceux qui les pratiquent. (Romains 1,32).
... Heureux qui ne se juge (krinô) pas dans ce qu'il approuve (dokimazô). (14,22).

Le rapprochement de ces deux bribes de versets est discutable: 1) c'est la même épître, mais dans des contextes et des mouvements rhétoriques très différents: a) préambule à la théorie de la "justification par la foi", dans un geste théâtral de condamnation globale des "païens", aussitôt suivi du mouvement inverse, à l'encontre des "juifs" (chap. 2); b) parénèse "pratique", sur les relations de respect mutuel des "consciences" dans l'Eglise "chrétienne" (et "judéo-païenne", du moins en principe); 2) on trouve des termes apparentés de part et d'autre, mais distincts et aux champs sémantiques extrêmement larges et divers, qui se recoupent cependant entre eux (dikaioô etc. justice-jugement-châtiment; krinô etc. jugement-critique-évaluation-condamnation; dokeô etc. preuve-épreuve-approbation-réprobation...).

Ce qui me les rappelle cependant aujourd'hui, c'est une réflexion d'"actualité", à la fois "immédiate" et intensément "médiatisée", d'un "présent" proche et lointain dans l'espace, étroit et large ou court et long dans le temps, qui n'a a priori aucun rapport avec ces textes: en quoi "l'Occident" est-il (perçu comme) menaçant, inquiétant, affolant, de points de vue aussi divers idéologiquement que celui de la Russie post-communiste de Poutine, de la Chine toujours communiste en titre, de régimes islamiques monarchiques ou républicains, etc. ? Au-delà ou en-deçà de l'évidence des rapports de force géopolitiques, militaires, diplomatiques, économiques, il me semble que le mécanisme de l'"approbation" tel qu'il s'est développé dans l'"Occident-moderne" et sa "mondialisation" y est pour beaucoup.

Ce qui me frappe a posteriori (d'un point de vue de "vieux con occidental", si l'on veut), c'est la "plasticité" croissante d'une "opinion", ou d'un "jugement" (approbations-réprobations), qui, loin d'avoir abouti à un "relativisme" ou à un "nihilisme" comme on a souvent feint de le craindre, se traduit plutôt par un conformisme mobile, de plus en plus conformiste et mobile à la fois. La facilité et la rapidité avec lesquelles "nous" changeons d'opinion sur tout et n'importe quoi, non pas individuellement mais (presque) tous en même temps, sont particulièrement sensibles sur les questions "morales" ou "sociétales"; dans un sens que d'ailleurs j'"approuve" le plus souvent -- symptôme si l'on veut: peine de mort, racisme, sexisme, homophobie, ce ne sont en tout cas pas des choses que je regrette, mais je m'étonne tout de même de la quasi-unanimité des volte-face sur tous ces sujets, où en quelques années l'"opinion" a changé du tout au tout comme un seul homme. Comme si en dépit de la gravité des questions concernées il s'agissait toujours d'une sorte de "mode" (notion occidentale et moderne s'il en est).

Que ce phénomène ait quelque chose d'affolant pour des sociétés plus "traditionnelles", d'autant qu'il les traverse déjà (clivages des villes et des campagnes, des jeunes et des vieux, des riches et des pauvres, des instruits et des ignorants, qui font aussi nos "réactionnaires" mais dans des proportions très variables), c'est cela qu'il faudrait essayer de comprendre. D'où l'intérêt, peut-être, d'une réflexion sur la portée et les enjeux d'un "geste" aussi banal que l'"approbation" (etc.).

Pour revenir à Romains 1 (conclusion d'un "catalogue de vices" typique de la rhétorique juive anti-païenne), j'ai toujours trouvé curieuse, à la limite comique, la gradation classique (non seulement... mais encore, non solum... sed etiam, ou monon... alla kai) qui rend l'"approbation" pire que la "pratique"; et, au chapitre 14, intéressante l'ambiguïté de cette béatitude ou de ce macarisme ("heureux qui..."), qui en félicitant le "fort" de sa propre "liberté" l'incite à la garder pour lui-même, et avertit aussi le "faible" du risque d'une influence qui l'amènerait à "approuver" du bout des lèvres, ne serait-ce que pour ne pas paraître "faible", ce qu'au fond il n'"approuve" pas (relire le chapitre).
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeVen 18 Mar 2022, 14:41

À la clef, Paul invite à exercer un discernement, et en conscience. Comme le dit Cullmann, l’acte de discernement est la clef de toute morale néotestamentaire C’est un vocabulaire proprement paulinien. Il désigne l’opération qui consiste à passer au feu une situation en conscience, devant un choix, pour la purifier et éclairer la décision. Ce vocabulaire est emprunté à la métallurgie, qui consiste à purifier un métal et à le libérer de ses scories par le feu. L’homme qui discerne peut alors trouver la volonté de Dieu, ce qui est bien, ce qui lui est agréable et ce qui est parfait (Rm 12,2). Cela nécessite de ne pas se conformer au monde présent, mais de se laisser transformer par le renouvellement de son intelligence (Rm 12,2). Il s’agit d’un processus, comme l’indique la construction avec préposition qui indique une finalité ou un terme εἰς τὸ δοκιμάζειν de Rm 12,2. C’est justement ce qui manquait aux hommes en Rm 1,28 (ἀδόκιμον νοῦν). Le discernement permet de choisir le bon comportement, pour conformer sa vie au bien en fuyant le mal. Alors, Paul peut dire « Tout est permis mais tout n’édifie pas », 1 Co 6,12 et 10,23 (pour la nourriture et en particulier la consommation de viandes). Le critère du discernement est l’édification mutuelle et la communion. Le discernement a un enjeu communautaire et sacramentel : les Corinthiens sont invités à s’éprouver soi-même (δοκιμαζέτω) au sujet du pain et de la coupe dans le repas du Seigneur (1 Co 11,28). Il faut discerner le corps et s’éprouver soi-même (διακρίνω, 1 Co 11,29.31), pour ne pas subir la condamnation (κρίμα, v. 29) et éviter d’être jugés (ἐκρινόμεθα, v. 31). Le Seigneur nous juge (κρινόμενοι, v. 32) pour que nous ne soyons pas condamnés avec le monde (κατακριθῶμεν, v. 32). Le jugement de Dieu pour les croyants qui discernent est plus proche du salut par amour et de la vie que d’une condamnation.     

https://www.cairn.info/revue-transversalites-2016-1-page-33.htm

Citation :
Ce qui me les rappelle cependant aujourd'hui, c'est une réflexion d'"actualité", à la fois "immédiate" et intensément "médiatisée", d'un "présent" proche et lointain dans l'espace, étroit et large ou court et long dans le temps, qui n'a a priori aucun rapport: en quoi "l'Occident" est-il (perçu comme) menaçant, inquiétant, affolant, de points de vue aussi divers idéologiquement que celui de la Russie post-communiste de Poutine, de la Chine toujours communiste en titre, de régimes islamiques monarchiques ou républicains, etc. ? Au-delà ou en-deçà de l'évidence des rapports de force géopolitiques, militaires, diplomatiques, économiques, il me semble que le mécanisme de l'"approbation" tel qu'il s'est développé dans l'"Occident-moderne" et sa "mondialisation" y est pour beaucoup.

Narkissos,

Je ne saisis pas pleinement ton raisonnement ... le mécanisme de l'"approbation" pousserait la Russie,  la Chine et  les régimes islamiques monarchiques ou républicains a adopter une attitude commune qui percevrait l'occident comme menaçante mais sans réelles raisons ??? 

Citation :
La facilité et la rapidité avec lesquelles "nous" changeons d'opinion sur tout et n'importe quoi, non pas individuellement mais (presque) tous en même temps, est particulièrement sensible dans les questions "morales" ou "sociétales"; dans un sens que d'ailleurs j'"approuve" le plus souvent -- symptôme si l'on veut: peine de mort, racisme, sexisme, homophobie, ce ne sont en tout cas pas des choses que je regrette, mais je m'étonne tout de même de la quasi-unanimité des volte-face sur tous ces sujets, où en quelques années l'"opinion" a changé comme un seul homme. Comme si en dépit de la gravité des questions concernées il s'agissait toujours d'une sorte de "mode".

Cette volte-face rapide et commune, tu l'as perçoit dans quel sens ... homophobie > acceptation de l'homosexualité ; racisme > antiracisme ; acceptation de la peine de mort > interdiction de la peine de mort ???
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeVen 18 Mar 2022, 16:29

(Sur l'article cité: "Je est un autre", Raimbault et Rimbaud même combat, mais c'est bien Paul qui a lancé la mode de l'alibi-quiproquo permanent qui *le* justifie ou *l'*acquitte -- mais qui au juste ? -- comme n'importe qui: ce n'est pas *lui* qui juge quand *il* juge, etc. Voir ici, ou . Ou encore ou , car au fond c'est la même intuition d'une faille ou d'un défaut essentiel du "sujet", d'un trou à la place du "je", qui rend possibles des énoncés tels que "je suis mort", "un autre -- le péché ou la chair, le Christ ou l'esprit -- vit en moi", "je ne suis rien", "je suis juif pour les juifs et grec pour les grecs", "il n'y a plus ni juif ni grec, ni homme ni femme", "nous sommes un seul corps", etc.)

free a écrit:
le mécanisme de l'"approbation" pousserait la Russie,  la Chine et  les régimes islamiques monarchiques ou républicains a adopter une attitude commune qui percevrait l'occident comme menaçante mais sans réelles raisons ???

Quand j'écris "Au-delà ou en-deçà de l'évidence des rapports de force géopolitiques, militaires, diplomatiques, économiques, il me semble que..." je ne dis justement pas "sans réelles raisons". Des "raisons" il y en a plein, de bonnes et de moins bonnes et diverses selon les cas, je me contente d'en pointer une qui n'est pas celle dont on parle le plus et qui me semble néanmoins importante.

Citation :
Cette volte-face rapide et commune, tu l'as perçoit dans quel sens ... homophobie -> acceptation de l'homosexualité ; racisme -> antiracisme ; acceptation de la peine de mort -> interdiction de la peine de mort ???

Oui, par exemple, et je répète que ce sont des changements que globalement j'"approuve", je les souhaitais même avant qu'ils se produisent, suivant une attitude majoritaire dans ma "génération" (ceux qui étaient jeunes dans les années 1960-70; en quoi j'étais et suis encore largement "conformiste"), mais non majoritaire alors dans l'ensemble de la population. Ce qui me paraît fascinant et digne de réflexion, ce sont les basculements d'ensemble de l'opinion, toutes générations confondues ou presque et de plus en plus rapides, sur ce genre de questions (p. ex. le "mariage pour tous", qui est passé en quelques années, voire en quelques mois, du statut de plaisanterie -- y compris aux yeux de beaucoup d'homosexuels -- à celui d'évidence quasi universelle). Et de nature à inquiéter des peuples et des cultures dont l'enracinement traditionnel est plus fort, mais qui sont déjà affectés par leur propre partage, entre leurs "traditions" quelles qu'elles soient et la partie citadine, occidentalisée, jeune et plus ou moins instruite, "branchée" ou "connectée" de leur population.

Il faudrait d'ailleurs insister sur la différence des cultures et des histoires, sujet par sujet: la Russie n'est guère gênée par l'abolition de la peine de mort ni par l'autorisation de l'avortement, qui sont plus anciennes chez elle que chez nous -- il en va tout autrement, au moins sur le deuxième point, de pays de tradition catholique comme la Pologne ou la Hongrie (qui pourtant font partie de l'Union européenne). Par contre, notre (tout nouveau) rapport à la sexualité (LGBTQI etc., de l'indifférence des sexes-genres à celle des orientations sexuelles et du passage d'un sexe à l'autre) reste problématique à peu près partout (pays de tradition catholique, orthodoxe, islamique, indienne, etc.).

Un détail m'a frappé dans les récits d'actualité (notamment ceux du "Monde" qui, dans sa "bobonne conscience" sans faille, raconte tout ça sans l'ombre d'une interrogation critique): l'Ukraine était devenue, paraît-il, un "paradis" de la GPA pour les couples (pas exclusivement mais en bonne partie homosexuels, et de toute façon "aisés") des pays d'Europe où ladite GPA reste interdite, du moins sur le papier. Qu'un tel monnayage des corps (des femmes et des enfants) ait de quoi choquer profondément des consciences "traditionnelles", y compris quand leur "tradition" est en partie "religieuse" et en partie "communiste", ça ne me paraît pas très difficile à comprendre...

Quant au rapport avec la "mode", il me semble également assez clair, et il engage aussi (notre idée et notre pratique de) la "démocratie": nous adoptons des "opinions" (politiques, morales, etc.) comme nous achetons tel ou tel type de vêtements, d'alimentation, de loisirs, en grande partie parce qu'ils nous rendent "populaires" ou "acceptables" dans tel ou tel "milieu" (milieu lui-même "délocalisé", voire "mondialisé", par les "réseaux sociaux"). C'est "in" ou c'est "out", comme disait le culotté (en plus d'un sens) Brüno de Sacha Baron Cohen, voilà qui constitue en dernière analyse le critère décisif de l'"approbation" ou de la "réprobation", sans égard pour les dégâts que ça provoque...
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeLun 21 Mar 2022, 12:33

Citation :
Oui, par exemple, et je répète que ce sont des changements que globalement j'"approuve", je les souhaitais même avant qu'ils se produisent, suivant une attitude majoritaire dans ma "génération" (ceux qui étaient jeunes dans les années 1960-70; en quoi j'étais et suis encore largement "conformiste"), mais non majoritaire alors dans l'ensemble de la population. Ce qui me paraît fascinant et digne de réflexion, ce sont les basculements d'ensemble de l'opinion, toutes générations confondues ou presque et de plus en plus rapides, sur ce genre de questions (p. ex. le "mariage pour tous", qui est passé en quelques années, voire en quelques mois, du statut de plaisanterie -- y compris aux yeux de beaucoup d'homosexuels -- à celui d'évidence quasi universelle). Et de nature à inquiéter des peuples et des cultures dont l'enracinement traditionnel est plus fort, mais qui sont déjà affectés par leur propre partage, entre leurs "traditions" quelles qu'elles soient et la partie citadine, occidentalisée, jeune et plus ou moins instruite, "branchée" ou "connectée" de leur population.

Je partage ton analyse, d'ailleurs j'avais compris les manifestations anti-mariages pour tous venant d'une (aussi) d'une population déphasée et désorientée, même si j'approuve le "mariage pour tous", du moins, il ne me dérange pas et je reconnais ce droit aux homosexuels. Je dirais néanmoins qu'il y a une seule chose qui ne change pas, c'est le changement, la nouveauté c'est la "rapidité" de ces "bouleversements". J'en profite pour souligner une bizarrerie, en Iran l'homosexualité est "honnie et réprimée" alors que l'ayatollah Khomeini avait publié une fatwa (décret religieux ayant valeur de loi) en faveur des personnes désirant changer de sexe (transgenre). Ce qui fait que l'Iran est un pays qui pratique fréquemment ce type d'intervention et où les transsexuels sont bien traités. 

https://www.francetvinfo.fr/monde/iran/en-iran-il-vaut-mieux-etre-transgenre-qu-homosexuel_3068327.html

Le phénomène que tu décrits et sa rapidité rencontrent quand même des résistance (racisme et homophobie), l'antiracisme ne me semble pas être aussi in ou branché que cela, dans un pays qui bascule nettement vers l'extrême droite notamment sur la question de l'islam, de surcroit, il faut faire attention au processus du "balancier", le changement inverse peut se produire avec une grande rapidité, le racisme redevenant à la "mode" et une attitude acceptée. 

Le terme dokimazô met en évidence la nécessité de vérifier, d'apprécier (au sens d'évaluer) et d'approuver (au sens d'éprouver) une idée, un courant de pensée avant de l'adopter. Le croyant doit examiner et mettre à l'épreuve les choses, les sentiments, les personnes et soi-même. 


"Ce n'est pas un ordre que je vous donne ; je dis cela pour éprouver, par l'empressement des autres, la sincérité de votre amour" (2 co 8,Cool.  
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeLun 21 Mar 2022, 13:34

Il se trouve que je connais bien le "mariage temporaire" ou sigheh iranien: on me l'a "vendu" jadis comme une façon de contourner l'interdit pour un non-musulman d'épouser une musulmane (le contraire est autorisé) et de valider ainsi, en Iran, un mariage français (civil) -- je me suis aperçu après coup qu'il n'en était rien, puisque l'acte officiel supposait aussi dans ce cas une conversion à l'islam, mais le mollah complice (moyennant finance) avait su garder ce détail implicite. Dans l'usage commun, le sigheh fonctionne plutôt comme une extension de la polygamie, acceptée en principe mais de plus en plus réprouvée en fait dans la société "occidentalisée" (concrètement, il faut être plutôt riche pour être polygame, mais comme les femmes de milieux aisés, le plus souvent instruites, résistent à la polygamie ça devient, de fait, extrêmement rare). Quant à la "transsexualité" reconnue, elle ne l'est que comme seule issue légale à l'homosexualité, ce qui peut difficilement passer pour un avantage aux yeux de l'Occident (la grande majorité des homosexuels ne la désirent pas). Soit dit en passant, c'est un comble dans une tradition persane qui a longtemps accordé une place très positive à l'homosexualité, comme la culture grecque et jusque sous l'islam (cf. la tradition érotique, poétique et mystique du shahed bazi, où l'"amant" est le reflet de la divinité).

Les "réactions" occidentales, je veux dire celles de nos "réactionnaires" quelle que soit leur importance numérique, doivent être analysées sociologiquement: d'une part l'islamophobie et l'homophobie ne se recouvrent pas (il y a une homophobie islamique et une islamophobie LGBT qui s'opposent et ne sont pas négligeables, même si elles ne se rencontrent guère), d'autre part le vote d'extrême-droite (qui peut combiner ou non les deux motifs) est caractéristique d'une partie de la population (plutôt âgée, relativement pauvre, peu instruite, rurale ou provinciale, etc.), et tout cela complique les lignes de front ou de faille entre les "approbations" et les "réprobations" au sein d'un même "pays" (c'est assurément le cas partout, mais dans des proportions et avec des intensités très différentes dans un pays de tradition catholique, protestante, orthodoxe, musulmane, indienne, etc.). Pour le dire d'une façon un peu simpliste, il y a moins de différence entre les citadins de Paris et de Téhéran qu'entre eux et ce qui est au-delà de leurs périphériques respectifs...

Le verbe dokimazô ("éprouver" ou "examiner" pour évaluer, estimer, apprécier, donc "approuver" ou "réprouver") est en effet au cœur de la question, et son emploi est surtout "paulinien" (au sens large): 1 Corinthiens 3,13; 11,28; 16,3; 2 Corinthiens 8,8.22; 13,5; Romains 1,28; 2,18; 12,2; 14,22; Galates 6,4; Philippiens 1,10; 1 Thessaloniciens 2,4; 5,21; Ephésiens 5,10; 1 Timothée 3,10 (en-dehors du "corpus paulinien" toujours au sens large, seulement Luc 12,56; 14,19;  Hébreux 3,9; 1 Pierre 1,7; 1 Jean 4,1). Il y va comme en toute "sagesse" de l'expérience d'une situation, d'une capacité d'observation et d'analyse, d'évaluation des enjeux et des conséquences d'une décision -- bref, d'une délibération qui se joue aujourd'hui quasi intégralement sur un terrain "médiatique" et gagne les "consciences" individuelles par propagation mimétique.
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeMar 22 Mar 2022, 13:47

Le sens qui émerge donc de la sixième demande, si l’on s’en tient là, est le suivant : « fais que nous n’entrions pas dans l’attitude qui consiste à T’exaspérer ». Néanmoins, dans d’autres passages du Nouveau Testament, il a sans méprise possible le sens de « mise à l’épreuve ». Il s’agit d’une épreuve qui purifie, rend plus fort : « Tenez pour une joie suprême, mes frères, d’être en butte à toutes sortes d’épreuves (peirasmois). Vous le savez : bien éprouvée (dokimion), votre foi produit la constance » (Jacques 1, 2-3). Dans ce passage, l’Apôtre associe explicitement la valeur de peirazô à celle de dokimazô, qui signifie proprement « affiner un métal par le feu » : « l’œuvre de chacun doit se révéler dans le feu, et c’est ce feu qui en éprouvera la qualité (dokimasei) » (1 Corinthiens 3, 13). La métaphore est bien choisie : le fourneau élimine les scories du métal précieux, mais ne chauffe pas assez pour faire bouillir même ce dernier. Les auteurs du Nouveau Testament, cependant, ne font que reprendre cette valeur assignée à nsy / peirazô par le Livre de l’Exode : « Moïse dit au peuple : ’Ne craignez pas. C’est pour vous mettre à l’épreuve que Dieu est venu, pour que sa crainte vous demeure présente et que vous ne péchiez pas’ » (Exode 20, 20).

Saint Paul est bien conscient de la polysémie du mot peirasmos et il lui arrive de jouer de l’opposition des différents sens :


« Ne tentons pas non plus le Seigneur, comme le firent certains d’entre eux ; et ils périrent par les serpents. […] Aucune tentation ne vous est survenue, qui passât la mesure humaine. Dieu est fidèle ; il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; mais avec la tentation, il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter » (1 Corinthiens 10, 9,13).

Au verset 9, le mot perirazô a le sens de « tenter Dieu » ; au verset 13, au passif, il prend la signification d’ « être éprouvé par Dieu, affiné dans les souffrances ». Dans ce passage, mieux qu’aucun autre, on voit que les deux significations du mot sont mises en miroir : aux provocations qu’il reçoit de la part des hommes, le Seigneur répond par des épreuves qui sont destinées à les purifier.

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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeMar 22 Mar 2022, 14:49

Lien. Voir ici pour tout ce qui concerne l'"épreuve-tentation" (peirasmos) du Notre Père (entre autres; peirazô etc.), ainsi que sur le quasi-synonyme dokimazô (etc., 14.12.2016).

Il y aurait beaucoup à dire et à redire sur cet article qui aborde des problèmes linguistiques complexes mais tend plutôt à les obscurcir qu'à les éclairer, faute de les poser clairement pour commencer; en partie parce qu'il s'en tient, comme il arrive souvent sur ces sujets, à un double langage (académique, scientifique d'une part, ecclésiastique, pastoral, "édifiant" d'autre part): la question de l'origine "sémitique" (hébraïque ou araméenne) du "Notre Père" est complètement distincte de son attribution à "Jésus", l'auteur l'admet entre les lignes mais il faut déjà l'avoir compris pour le comprendre.

Pour en rester à notre sujet avec lequel l'"épreuve-tentation" n'a qu'un rapport marginal, mais pas tout à fait nul (c'est la part d'ex-périence ou d'ex-périmentation de l'"épreuve-examen" qui conduit à l'"approbation" ou à la "réprobation"), il faut rappeler que le "Notre Père" se situe aux antipodes d'un "héroïsme" spirituel ou moral: l'"épreuve" il n'en veut pas, il n'en attend ni "approbation" finale, ni "purification" préalable ou médiatrice, il ne demande -- modestement -- qu'à être délivré du mauvais, qu'on l'entende au sens impersonnel (le mal) ou personnel (le Malin, le diable, le tentateur-probateur). Et si cela a un quelconque rapport avec l'approbation ou la réprobation que nous portons sur les choses ou sur les gens, il irait plutôt dans le sens du non-jugement (cf. 7,1ss et ) ou, en termes plus "philosophiques", de la "suspension (epokhè) du jugement", aussi bien moral qu'intellectuel.
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeMar 22 Mar 2022, 17:05

Notes : Romains 14:22
1Co 10.25-27 ; 11.31. – La foi que tu as : certains mss portent tu as une foi ; ici, comme aux v. 1,23, le terme correspondant à foi peut être entendu dans un sens restreint par rapport à son usage habituel : non pas la foi chrétienne en général, mais une conviction relative à un comportement donné (manger ou ne pas manger tel aliment, etc. ; cf. v. 2n,14). Cependant cette conviction se rattache évidemment à la foi, au sens plus général, telle que chaque chrétien l’interprète. – ne se juge pas (cf. v. 23n) lui-même en exerçant son discernement : autre traduction ne se condamne pas lui-même par (litt. dans) ce qu’il approuve ; un terme apparenté à celui qui est ici rendu par exercer son discernement (ou approuver) a été traduit par apprécier au v. 18 ; le même verbe a été traduit par juger bon en 1.28n, discerner en 2.18 ; 12.2. Ici on peut comprendre : Heureux celui qui n’a pas de problème de conscience au sujet de son propre comportement ; ou, peut-être : Heureux celui qui ne se condamne pas (en troublant les faibles) là où lui-même n’a pas de doute au sujet de son propre comportement.

https://lire.la-bible.net/76/detail-traduction/chapitres/verset/Romains/14/22/TOB


Rm 12, 1-2, contrepartie positive de Rm 1, 18-3, 20

Tout d’abord, bien que les correspondances textuelles avec Rm 12, 1-2 se concentrent principalement en Rm 1-2, je considère que Rm 12, 1-2 répond de façon positive à toute la partie plus négative de la première moitié de la première partie de la lettre, soit Rm 1, 18-3, 20, avant le tournant décisif de Rm 3,21. 

Il est remarquable que Rm 12, 1-2 reprenne au positif les éléments vécus de façon négative en Rm 1, 18-3, 20 : les corps qui mènent au déshonneur (Rm 1, 24) deviennent des corps offerts en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu (Rm 12, 1) ; le culte rendu à la création (Rm 1, 25) est remplacé par un culte de l’ordre du logos, qui fait appel à la parole et à la raison (Rm 12, 1), l’intelligence déréglée (Rm 1, 28) se modifie par le renouvellement de l’intelligence permettant de discerner réellement la volonté de Dieu (Rm 12, 2), celle que croyait connaître le « Juif » apostrophé par l’argumentation de Rm 2, 18.

Cette reprise, au positif, des mêmes termes (sôma,« corps » : Rm 1, 24 /12, 1 ; latreia, « culte » : Rm 1, 25 /12, 1 ; nous, « intelligence » : Rm 1, 28 /12, 2 ; dokimazô, « discerner » : Rm 2, 18 /12, 2 ; thelêma, « volonté » : Rm 2, 18 /12, 2) est le témoin d’une intrigue discursive qui veut provoquer un changement de compréhension de soi chez le lecteur dont les implications sont concrètes – « corporelles » pourrait-on dire. Des comportements sont dénoncés (Rm 1, 18-3, 20), des solutions radicalement alternatives à ces comportements sont proposées (Rm 12, 1-2). Le croyant doit passer du monde du péché et de l’incrédulité au monde de la grâce et de la fidélité. Mais comment ce changement de compréhension de soi-même peut-il advenir ?

https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2010-4-page-499.htm
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeMar 22 Mar 2022, 18:50

L'hypothèse structurelle est stimulante; elle gagnerait peut-être à s'étendre, au-delà de la "jonction" de 12,1ss (sur laquelle on pourra aussi relire ce fil), à l'ensemble de la section "parénétique" (chap. 12--14 au moins -- dont 14,22 que je "rapprochais" justement du chap. 1).

Comme la diversité des traductions (existantes, possibles et légitimes) conduit fatalement à la confusion du vocabulaire, je rappelle (cf. post initial) que "discerner" peut correspondre à (au moins) deux familles de termes bien distinctes en grec: 1) celle de krinô, "juger" (d'où "critique", "critère", "crime", "crise", etc., dont nous avons abondamment parlé ici; je constate d'ailleurs, trop tard, que j'y avais déjà fait, il n'y a pas si longtemps, 13.7.2021, le "rapprochement" qui a servi de pré[-]texte au présent fil), d'où en particulier diakrinô et diakrisis, qui correspondent parfois à "discerner" ou "discernement"; 2) celle de dokeô, doxa, dokimazô etc., avec l'idée d'épreuve, de preuve ou de probation au sens d'examen (évaluation, estimation, appréciation) d'où approbation ou réprobation. Bien entendu les textes combinent à loisir les deux familles de termes et il est quasiment impossible de les reconnaître à partir d'une traduction qui ne peut pas maintenir entre elles une différenciation constante.

Pour en rester aux passages de l'épître aux Romains évoqués jusqu'ici, en leur donnant un peu plus de contexte:
- 1,28ss: ... comme ils n'ont pas jugé bon (éprouvé-examiné-approuvé, dokimazô) d'avoir (garder) le dieu en re-connaissance (epi-gnôsis), le dieu les a livrés à un esprit-intellect (noûs) réprouvé-désapprouvé (adokimon) (...) ils approuvent (sun-eu-dokeô) ceux qui les pratiquent.
- 2,18: ... tu éprouves-examines (dokimazô) les différences (c.-à-d., au sens casuistique, distingues les enjeux, définis les priorités, tranches les conflits, etc.)...
- 12,2: ... pour éprouver (dokimazô) quelle est la volonté du dieu...
- 14,22s: heureux qui ne se juge pas (krinô, déjà v. 3, 4, 5, 10; cf. 2,1.3.12.16.27; 3.4.6.7) par ce qu'il approuve (dokimazô); mais/or celui qui doute (ou hésite, autre sens de dia-krinô, cf. 4,20), s'il mange, est condamné (kata-krinô, cf. 2,1; 8,3.34)... cf. diakrisis au sens de débat ou discussion v. 1, kata-krima = "condamnation" 5,16.18; 8,1, etc. (j'en oublie sûrement).
Avec la meilleure volonté du monde, on ne peut pas reproduire en français toutes les différences et les correspondances lexicales du grec, mais ça n'a pas beaucoup d'importance pour la lecture, et pour le reste il faut des notes.

Si on retourne de ce genre de détail à une perspective d'ensemble (structurelle), il est assez naturel de trouver une certaine symétrie entre la première partie (1,16--3,20) et la parénèse (chap. 12ss), de part et d'autre de l'exposé théorique central (3,21--11): il fallait de grandes condamnations globales et catégoriques (sweeping, dirait l'anglais, c'est bien un effet de "balayage", un coup dans un sens et un coup dans l'autre, aussi dans un sens catégoriel: condamnation des "païens" d'abord, des juifs ensuite, de tous enfin) pour arriver à poser la thèse simili-juridique de la justification par la foi et la théorie "mystique" du salut qui s'ensuit (vie nouvelle, vie du ressuscité); mais il faut ensuite revenir autant sur les grandes négations préliminaires, qui donnent l'impression d'une incapacité morale universelle et absolue, que sur les grandes affirmations centrales qui suggèrent au contraire une "mécanique du salut" quasi automatique, pour arriver à des considérations "pratiques" et nécessairement "raisonnables" (logikos), modérées ou pondérées (sophrôsunè etc.), un modus vivendi opératoire, viable et donc nuancé, des règles ou des principes de vie concrète qui ne peuvent pas fonctionner sur le mode du "tout ou rien".

En ce qui concerne notre thème (approbations, réprobations, tout cela peut se résumer dans le mot doxa que nous connaissons bien au sens d'"opinion", quoique le NT lui-même ne l'emploie guère dans ce sens-là: c'est plutôt la "gloire" et ses connotations lumineuses, encore que ce sens dérive lui-même de l'"approbation"), l'épître aux Romains qui s'affiche comme la plus "occidentale" et qui a été effectivement déterminante pour l'Occident, en passant notamment par saint Augustin et Luther, aurait de quoi l'interroger et nous interroger: elle nous assène d'abord que nos "opinions" ("jugements", "approbations", "réprobations" etc.) ne valent rien, pour nous mettre en face d'un "mystère" de révolution existentielle et radicale (mort et vie), et considérer enfin la formation individuelle et communautaire des "opinions" dans le cadre de ce "mystère" avec une extrême prudence, aux antipodes de la "discussion", du "débat d'idées", de la "propagande" et des jeux d'"influence" des uns sur les autres, dans un respect des "opinions" diverses qui n'implique aucunement de leur donner raison (c'est tout l'objet du chap. 14, qui passe aussi par "nul ne vit ni ne meurt pour soi-même", a fortiori personne ne "pense", ne "juge", n'"opine" pour soi-même, v. 7ss).
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeMer 23 Mar 2022, 16:37

FAUT-IL GARDER SECRÈTES LES CONVICTIONS QUI RISQUENT DE HEURTER LES FRÈRES ?
Une lecture de Romains 14, 22a

Dans les chapitres 14 et 15 de l’épître aux Romains Paul invite les « forts » et les « faibles » dans la foi au respect de l’autre et à l’accueil mutuel. Ne pas mépriser, ne pas juger les frères, c’est rester dans la ligne de l’amour du Christ et c’est assurer la nécessaire cohésion de l’Église. A côté d’exhortations qui s’appliquent à l’ensemble des croyants, certaines recommandations visent l’un ou l’autre des deux groupes. C’est aux « forts », qui ont trouvé dans leur adhésion au Christ une liberté leur permettant de consommer toutes les nourritures disponibles dans la création bonne, que l’apôtre adresse ces paroles : La foi (ou la conviction) que tu as, garde-la pour toi devant Dieu (traduction la plus courante de 14, 22a). Faut-il y voir une incitation à ne pas rendre publique, afin de ne pas scandaliser les frères, une « audace » de la foi jugée inacceptable par des chrétiens encore fortement marqués par les règles et les habitudes du judaïsme (aliments purs ou impurs, jours sacrés) ? La traduction que nous venons de mentionner suggérera aisément au lecteur une interprétation de ce type, même si les termes n’y obligent pas véritablement. « Garder une conviction » peut vouloir dire simplement y rester attaché, sans décider dans un sens ou dans un autre de la question d’une éventuelle publicité. Mais les précisions « pour toi » et « devant Dieu » portent à penser qu’il s’agit d’une affaire privée, sans obligation à l’égard des tiers.

Des modernes discernent la même intention chez Paul. C.E.B. Cranfield, après avoir précisé que (...) a, dans ce passage, le sens particulier de conviction que la foi permet de faire telle ou telle chose, déclare : « Il n’est pas nécessaire d’exprimer extérieurement la liberté intérieure pour en jouir : on peut en jouir dans sa propre vie intérieure – un secret connu seulement de soi-même et de Dieu. Et si un frère “faible” doit être heurté par une expression extérieure de la liberté, il faut se contenter d’en faire l’expérience intérieure, dont Dieu est le seul témoin ». Pour cet auteur, cette légitimation du secret est un des arguments à retenir pour refuser ici à (...) le sens de base, habituel chez Paul, de confiance en Dieu et d’adhésion à l’Évangile du Christ, fides qua : Paul n’exhorterait certainement pas à garder secrète une telle foi.

La question est posée, elle mérite examen : que demande exactement Paul aux « forts » de son temps ? Faut-il conclure qu’il est juste de cultiver un jardin secret où les convictions « neuves » et « dérangeantes » restent à l’abri, ne subissant pas la mise à l’épreuve du dialogue et de la confrontation ? Avant d’étudier la déclaration de Paul en la situant dans son contexte, nous effectuons un survol des traductions courantes et un examen des commentaires : quel accueil est réservé à Rm 14, 22a ?

(...)

Nous plaçons dans un groupe ceux qui mettent l’accent sur le privilège de la relation entre le croyant et son Dieu, soulignant son caractère spécifique pour ne pas dire exclusif, avec insistance sur l’intériorité. C’est le cas lorsque, au lieu de « pour toi » ou « pour toi-même », on emploie la locution « par devers toi ». Là aussi, le sens pourrait être simplement « en ta possession », mais à propos d’une pensée, il est plus naturel de comprendre « au fond de son esprit ou de son cœur » (Littré), « en son for intérieur » (Bordas). Cette même nuance d’intériorité est introduite par la traduction « en toi-même », plutôt que « pour toi-même » ; ainsi Calvin (« garde-la en toi-même »), suivi par Ostervald, et la traduction liturgique Nouveau Testament et Psaumes, Brepols 1993 (« garde-la en toi devant Dieu »).

III. « GARDER SA CONVICTION »

Les versets 19 à 21 se situent sur le terrain de la vie concrète de la communauté, du manger, du boire et des jours à observer. Le verset 23 reprend cette perspective d’une communauté rassemblée pour des repas en évoquant le cas du « faible » qui « mange » malgré ses doutes. Cet encadrement très concret du verset 22 incite à penser que c’est bien la pratique qui y est aussi en jeu. Certes, ce verset s’intéresse à ce qui se passe dans l’esprit du croyant : non seulement l’emploi de (...), que nous traduisons « en ce qui te concerne », en 22a, mais aussi en 22b le « ne se condamnant pas lui-même » le démontrent. Le cadre rappelé plus haut et l’expression de 22b, qu’on peut traduire « en ce qu’il décide » montre que si Paul, dans ce verset, pense d’abord à un privilège de foi à conserver librement devant Dieu, il n’oublie pas la visée essentielle de sa parénèse, celle du débouché concret. En Rm 12, 2 (« discerner-approuver la volonté de Dieu, ce qui est bien, agréable et parfait ») le même verbe (...) a ce sens d’une approbation après examen qui régit le comportement. Le souci de Paul ne concerne pas tellement la conviction en tant que telle – il est très ouvert à ce sujet, pourvu qu’elle soit « devant Dieu » – mais l’attitude qu’elle va déterminer. La deuxième partie du verset, 22b, évoque précisément le rapport entre conviction intérieure et attitude pratique : le risque non seulement d’une tension entre les deux mais d’un jugement-condamnation intime ne doit pas être exclu. Comme l’exprime F.-J Leenhardt « le tort, c’est d’être partagé parce que l’on consent à agir contre son sentiment intime ». Quand le « fort » renonce à exercer la légitime liberté qui découle de sa foi à cause du « faible », insiste Paul, aucune condamnation ne se justifie. U. Wilckens a raison de conclure : « La liberté chrétienne ne peut pas, fondamentalement, s’exercer contre l’amour, mais au moyen de l’amour ».

https://www.persee.fr/docAsPDF/rhpr_0035-2403_2003_num_83_3_1032.pdf
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeMer 23 Mar 2022, 17:56

Intéressant, quoique la délimitation très (trop ?) stricte de l'étude limite aussi son intérêt.

Il ne fait pas de doute que le contexte de Romains 14 précise la visée du propos: il s'agit d'opinions et de comportements "controversés", comme on dit, dans le cadre même de l'"Eglise"; mais justement parce que cette précision est l'effet du (con-)texte et non du lexique, (con-)texte qui opère sensiblement de la même manière en traduction, pourvu qu'on le lise dans sa continuité, cela n'autorise absolument pas à traduire pistis autrement que par "foi" (p. ex. par "conviction", "opinion"), comme s'il s'agissait d'un "sens spécial" du mot totalement indépendant de tous ses autres usages, selon une vision hyper-cloisonnée de la "polysémie". Si on le fait on rompt le lien essentiel de l'exhortation "pratique" à la théorie centrale de l'épître, dont la pistis est assurément l'un des concepts fondamentaux, sinon LE concept fondamental. Autrement dit, on remplace et occulte par une banalité arbitraire le lieu même où l'auteur rapporte sa parénèse périphérique à son propos principal: dans les affaires de "conscience" aussi il y va de la foi qui justifie, sauve, etc., ou au contraire de l'absence ou du défaut de "foi" qui perd ou condamne. Il est d'ailleurs regrettable de ne pas souligner le rapport au v. 23b qui élargit le propos particulier en maxime générale, si terrible qu'elle puisse paraître par sa portée illimitée: "tout ce qui n'est pas de la foi est péché", c'est précisément le résumé négatif (réciproque ou contraposée) de toute la théorie centrale par laquelle la foi seule justifie et rend un "salut" possible (3,20--11).

Reste que le problème limité dont traitait ici Bénétreau n'est pas sans importance: c'est celui de l'expression (publicité, propagande, proclamation, affichage, ostentation, démonstration, argumentation, influence ou pression des uns sur les autres) que l'on confond trop souvent avec l'"opinion", qu'il se rattache à une "foi" en un sens large ou restreint, central ou périphérique. Ce n'est pas parce qu'on croit (en, à) quelque chose qu'on doit le proclamer (à cet égard il y a bien une réserve par rapport à tout ce qui lie la "foi" à la parole et à l'écoute, à la proclamation, à la confession, kèrussô, homologeô etc., p. ex. chap. 10). L'émergence d'un espace et d'un temps "privés" ("à part soi" et "devant le dieu", kata seauton... enôpion tou theou) est une "soupape de sûreté" non seulement bienvenue, mais indispensable aux relations humaines dans la diversité de(s conceptions de) "la foi" (v. 1; sur la modulation de "la foi" selon une "mesure" ou une "proportion" variable, metron, analogia, cf. déjà 12,3.6).

Malgré le changement de contexte, de l'"ecclésial" au "politique" (mais l'ekklèsia vient au christianisme de la polis grecque, même si c'est par le détour de la Septante), cela rejoint bien la question de la formation des "opinions" en un temps (le nôtre) où elles sont quasiment indissociables de leur expression instantanée (exemplairement dans les "réseaux sociaux" où l'on parle ou écrit, répète et copie, avant de "penser", si tant est qu'on prenne jamais le temps de "penser"). De ce point de vue l'ex(k-s)istence même d'un "à part soi", corrélé ou non à un "devant le dieu", apparaît plus que jamais vitale.

Plus généralement, les traces du "christianisme" -- et par celui-ci de tout ce qui le précède, aussi bien juif que grec ou romain -- restent très lisibles dans nos conceptions "modernes" et "laïques" de la démocratie, du droit ou du "vivre-ensemble": ce qui consacre le privilège de la "majorité", c'est aussi ce qui a constitué la "catholicité", l'accord du plus grand nombre sur un certain nombre de points jugés "essentiels" et d'intérêt commun -- à ceci près que la catholicité ne relevait pas seulement d'un accord "en temps réel" des vivants à un instant t, mais d'une "tradition" qui consolidait les opinions et les pratiques de génération en génération et de siècle en siècle, où les morts comptaient autant et vite davantage que les vivants, dans la perspective de la "communion des saints", communio sanctorum: cf. déjà la formule d'Ephésiens, comprendre avec tous les saints; et de la croyance en un "esprit" directeur de l'ensemble du processus, qui a trouvé sa relève moderne dans les croyances successives à la "raison", à la "science" ou au "progrès". Reste que dans un système comme dans l'autre le jeu des "opinions" collectives et particulières est analogue, équilibre subtil et précaire d'accord ou de concorde sur un présumé "essentiel" qui laisse une place au discord ou à la discorde dans le présumé "accessoire", soit tolérance, état de droit, respect de la sphère "privée", etc. C'est ce qui fait que les énoncés d'un texte comme Romains 14 s'exportent si facilement de leur contexte à toute sorte d'autres contextes: c'est déjà du "vivre-ensemble", selon la dernière expression à la mode (ou déjà passée de mode).

(De fil en aiguille, cela m'a rappelé ceci.)
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeVen 25 Mar 2022, 12:39

Le second, dokimion 11, veut dire épreuve, non dans le sens communément employé, d’adversité, ou de malheur, comme peirasmoi, mais au sens positif ; c’est l’expérience (examen), ce qui démontre une valeur ou une capacité, la mise à l’épreuve. Ce sens se retrouve dans des expressions comme l’épreuve (examen) du bac ou une épreuve sportive. Ici, il s’agit bien entendu de l’épreuve de la foi victorieuse, qui comme l’or est éprouvé par le feu. Elle dénote un croyant véritable, éprouvé, qui a fait ses preuves, expérimenté, sans être nécessairement en souffrance. Pour éviter tout malentendu, j’emploierai à l’avenir le terme d’épreuve dans ce sens strict et un peu à contre courant de nos habitudes langagières. 

11 Le mot (neutre) est rare (ici et dans 1P 1.7). Heureusement les termes de la même famille sont fréquents : dokimê (nom féminin, 6 v., 7m.), épreuve, preuve, fidélité ou valeur éprouvée, ex. : Rm 5.4 ; 2Co 8.2 ; 9.13 ; dokimazô (verbe, 21 v., 24 m.), éprouver, approuver, examiner, discerner, juger bon, ex. : Lc 12.56 ;
Rm 1.28 ; 1Co 3.13 ; Ga 6.4 ; 1P 1.7 ; 1Jn 4.1, dokimos (adjectif, 7 v., 7 m.), éprouvé (sûr), approuvé, apprécié, qui a fait ses preuves, ex. : Rm 14.18 ; 1Co 11.19 ; 2Tm 2.15 ; Jc 1.12.Cette racine a donné le terme de docimologie ou science des examens et de l’évaluation.

http://www.archivesadventistes.net/EN/BAV/DIV/Beaut%C3%A9sdeDieu11.pdf


"Il faut bien qu'il y ait aussi des dissensions entre vous, pour que ceux d'entre vous qui résistent à l'épreuve puissent se manifeste" (1 Co 11,19).


Notes : 1 Corinthiens 11:19
Il faut… : cf. 15.25,53. – des dissensions : autre traduction des partis (Ac 5.17n ; 24.5+) ; le terme grec correspondant a donné notre mot hérésie(s) (2P 2.1n) ; cf. Ga 5.20 ; Tt 3.10. – résistent à l’épreuve : autre traduction sont dignes d’approbation ; un verbe apparenté est traduit par s’examiner au v. 28 ; cf. 3.13n ; même terme en Rm 16.10 (qui a fait ses preuves) ; voir aussi Dt 13.4 ; Mt 18.7 ; 1Jn 2.19.
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeVen 25 Mar 2022, 13:27

N.B.: le premier texte (adventiste) est un commentaire de Jacques 1,2s (c'est clair si on suit le lien, mais pas dans l'extrait ci-dessus).

En 1 Corinthiens 11,19 ce n'est pas le sens du mot dokimos (éprouvé-approuvé) qui fait difficulté, mais le "ton" ou l'"esprit", plus ou moins ironique ou sarcastique, de l'ensemble de la phrase: on peut la prendre "au sérieux", comme une sorte de résignation de l'auteur, geste de mauvaise humeur non exempt de menace: il faut effectivement des "hérésies" (haireseis = partis, écoles, sectes, chapelles, clans, etc.) parmi vous, pour faire apparaître les "approuvés" (c.-à-d. ceux qui résisteront à cette tendance aux tendances, partis, etc.); ou bien, sur un ton parodique et moqueur: il (vous) faut des "hérésies" pour paraître "approuvés" (i.e. les uns par rapport aux autres, ou par contraste avec les autres).

Quoi qu'il en soit, ce texte (1 Corinthiens 11,19) est tout à fait à sa place ici, puisque la notion même de choix (haireô -> hairesis) se confond totalement avec notre concept de "liberté" (de l'électeur au consommateur): il faut pouvoir choisir -- son parti, sa religion, son mode de vie, son lieu d'habitation, ses marques alimentaires ou vestimentaires, son métier, ses loisirs, son conjoint, son orientation sexuelle ou même son sexe -- pour "être libre" ou "exister" au sens moderne. A la limite, tout ce qu'on ne peut pas choisir, de son "espèce" à sa naissance, sa famille, son "histoire", sa "culture", son "époque", jusqu'au choix qu'on a fait soi-même cinq minutes plus tôt pour autant qu'il est fait, et au "fait" et à la "vérité" en général (fake news, vérités "alternatives", post-vérité) devient intolérable. Par ailleurs, le système d'approbation-réprobation qui constitue le choix (je prends ceci, je rejette cela) se retourne en approbation et réprobation du "sujet" choisissant: je suis apprécié et valorisé par ceux qui ont fait le même choix que moi, déprécié et dévalorisé par les autres -- que je-nous déprécie/ons et dévalorise/ons symétriquement... à bien y regarder, le cercle vicieux-vertueux de l'approbation et de la réprobation (autrement dit la "connaissance" individuelle et collective du "bon" et du "mauvais", du "goût" à l'"opinion", en un mot des "valeurs") constitue tout l'horizon dans lequel nous tournons en rond, plus ou moins rond, aussi bien ou aussi mal par "anticonformisme" que par "conformisme". Seule pourrait, dirait Heidegger, interrompre ce cercle une attention à la tautologie abyssale de l'"être" dans tout ce qui est ou advient (l'événement, Ereignis), mais à condition de ne pas en faire un objet d'"approbation" ou de "réprobation" (travers fatal auquel Heidegger n'a sûrement pas été assez attentif, son approbation initiale de l'"événement nazisme" n'en étant que le symptôme le plus marquant, dans ce cas infamant à vie et au-delà).
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeLun 28 Mar 2022, 13:36

QUI SONT LES DOKIMOS ?

« Efforce-toi de te présenter devant Dieu comme un homme éprouvé, un ouvrier qui n’a  point  à  rougir,  qui  dispense  droitement la  parole  de  la  vérité  »  2 Timothée  2  :15.Le  mot  «  éprouvé  »  dans  ce  verset,  se  dit« Dokimos » en grec. Dans le monde ancien, il n’y avait pas les systèmes bancaires actuels, et toute la monnaie était en métal. Ce métal était fondu, versé dans les moules. Après démoulage il était nécessaire d’enlever les  bavures.  De  nombreuses  personnes  les rognaient  soigneusement  pour  récupérer  le métal. En un siècle, plus de quatre vingt lois ont été promulguées à Athènes pour arrêter la pratique du rognage des pièces en circulation. Il existait quelques changeurs intègres qui n’acceptaient pas de fausses monnaies et qui ne  mettaient  en  circulation  que  des  pièces au bon poids. On appelait ces hommes des « Dokimos », c’est à dire « éprouvés » ou « approuvés ».  (Donald Barhouse).Timothée était d’origine grecque et connaissait l’histoire des Dokimos, c’est pour cette raison que Paul fait un parallélisme entre les changeurs intègres que doivent être les chrétiens et les fausses doctrines représentées par les fausses monnaies.   Paul invite donc Timothée à être un Dokimos spirituel, qui s’opposera aux fausses doctrines à  l’image  des  changeurs  intègres  de  l’époque  qui  luttaient  contre  la  fausse  monnaie. De  même,  le  Seigneur  invite  chacun  de  ses enfants à rester fermement attachés à la vérité, qui est la Parole de Dieu, et à refuser tout mélange avec des enseignements contraires à la Bible. « Car nous n’avons pas de puissance contre la vérité, nous n’en avons que pour la vérité » 2 Corinthiens 13 :8. Ensemble soyons des hommes et des femmes éprouvés et approuvés de Dieu, soyons des Dokimos.

https://docplayer.fr/56019280-Paul-invite-donc-timothee-a-etre-un-dokimos-spirituel-qui-s-opposera-aux-fausses-doctrines.html
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeLun 28 Mar 2022, 14:02

Cas d'école (buissonnière) de ce qu'il NE FAUT PAS faire en sémantique (exégèse ou lexicographie): réinscrire dans le "sens" ou la "définition" générale d'un mot les associations périphériques de son usage particulier dans tel ou tel (con-)texte. Ce n'est pas parce qu'on emploie (le cas échéant) dokimos ou dokimazô (etc.) à propos du poids des pièces de monnaie qu'il faut voir une métaphore monétaire dans tous leurs usages, puisqu'on peut également les utiliser pour toute sorte d'autres choses. Pour prendre un exemple voisin et également "concret", on emploie aussi des mots de la même famille à propos de la purification des métaux (or, argent, etc.), et alors ce n'est plus la quantité mais la qualité du métal qui est en jeu (au plan de la valeur financière, bien sûr, ça revient au même, puisqu'une quantité donnée d'or "impur" c'est moins d'or "pur"). Mais on peut aussi bien employer ce vocabulaire sans la moindre référence à quoi que ce soit de "métallurgique" ou de "monétaire", quoiqu'il y aille toujours de la métonymie de la "valeur", jusque dans l'évaluation "morale" (axiologie).

Tout au plus peut-on remarquer que le processus d'approbation (etc.: choix, décision, préférence, opinion, évaluation, estimation, appréciation...) relève toujours d'une certaine "technique", voire d'une "mécanique" complexe impliquant le jeu simultané ou successif de beaucoup de choses (facultés, perceptions, sentiments, émotions, expérience, mémoire, habitude, etc.). La question de la "raison", du "jugement", et ainsi de suite, c'est toujours "comment ça marche", comment ça fonctionne ou dysfonctionne avec tant de "paramètres" ou de "catégories": Kant est à cet égard exemplaire, mais ça se complique encore dès lors qu'un "inconscient" (quoi qu'on entende par là) s'en mêle.
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeMer 30 Mar 2022, 11:56

"Hypocrites ! vous savez discerner (dokimazo) l'aspect de la terre et du ciel; comment ne discernez-vous (dokimazo) pas ce temps-ci ?" (Luc 12 : 56).

Les juifs savent "discerner" et interpréter les signes avant-coureurs du beau temps et du mauvais temps mais ils demeurent aveugles devant les signes des temps. Le discernement des signes n'est pas uniquement une affaire d'intuition et d'intelligence mais aussi de "volonté", les juifs sont responsables de leur aveuglement, ils refusent de voir les signes. Cette cécité peut être générationnelle, dans l'air du temps, doublée d'une volonté de conformisme. Le manque de "discernement" peut également être le résultat de la volonté de penser comme tout le monde, de se conformer au courant de pensée dominant avec la volonté de se rendre aveugle pour ne pas affronter la désapprobation.
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeMer 30 Mar 2022, 12:22

Excellent exemple -- ici on est loin des métaphores "métallurgiques" ou "monétaires" évoquées précédemment, mais il s'agit quand même d'"apprécier" ou d'"évaluer" un "temps" ou une "situation", par l'observation et l'interprétation de "signes" (phénoménologie et sémiologie avant la lettre). Comparer les "parallèles" de Marc 8,11ss, qui refuse tout "signe", de Matthieu 12,38ss et 16,2s (// Luc 11,29ss)  qui partent sur le "signe de Jonas", ou de Thomas 91: "Ils lui dirent: Dis-nous qui tu es pour que nous croyions en toi. Il leur dit: Vous lisez la face (l'apparence, l'aspect) du ciel et de la terre, mais vous ne reconnaissez pas celui qui est devant/avant vous, et vous ne savez pas lire ce moment-ci."

Des énoncés identiques ou similaires peuvent, bien entendu, prendre un sens complètement différent en fonction du contexte le plus large: dans la perspective historicisante de Luc-Actes, le temps particulier devient celui de la transition du judaïsme au christianisme (de l'"histoire sainte" à l'"histoire de l'Eglise"). Dans la perspective éthique et eschatologique de Matthieu, ou dans celle, plus ou moins hellénistique et/ou gnosticisante, de Marc ou de Thomas, le "présent" n'est pas le même, c'est un présent plus ou moins "ultime" mais chaque fois présent (cf. l'"aujourd'hui" et l'"une fois pour toutes" de l'épître aux Hébreux). N'empêche que "l'évaluation" pose toujours le même (genre de) "problème".
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeMer 30 Mar 2022, 14:37

"Que chacun examine (dokimazo) ses propres œuvres, et alors il aura sujet de se glorifier pour lui seul, et non par rapport à autrui" (Galates 6 : 4).

Ce texte rejoins peut être l'idée moderne et à la mode qui consiste à s'accorder sa propre approbation après un examen bienveillant de sa propre personne tout en étant insensible à la (dés)approbation des autres (autant que faire possible).
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MessageSujet: Re: approbations, réprobations, modes   approbations, réprobations, modes Icon_minitimeMer 30 Mar 2022, 15:37

Cf. le verset précédent (3): "car si quelqu'un (tis) estime (dokeô) être quelque chose (ti) alors qu'il n'est rien (mèden), il s'illusionne (phren-apataô)". Et tous les jeux pauliniens (au sens large) sur "être quelqu'un, quelque chose ou rien", 2,6; 1 Corinthiens 1,28ss; 8,2; 13,2s; 2 Corinthiens 12,11 etc. -- voir aussi ce fil (qui mérite d'être relu au-delà du "pré-texte" paulinien).

Sur le problème de la "comparaison" dans le "jugement", on notera que le v. 4 dit à peu près le contraire de 2 Corinthiens 10,12 (cf. ci-dessus 18.3.2022 les liens aux diverses discussions sur le "jugement", paulinien ou autre, qui ont pointé plusieurs "contradictions" de ce genre). La comparaison n'est du reste qu'un des aspects de la "complexité" essentielle au jugement (évaluation, discernement, etc.), où il y va toujours de plus d'une "chose" (cf. supra 28.3.2022): comme on l'a dit (trop ?) souvent, comparaison n'est pas raison, mais il n'y a pas de raison sans comparaison; on ne saurait "évaluer" quoi que ce soit (y compris "soi-même") sans le rapporter à autre chose -- ne serait-ce qu'à une "échelle de valeur(s)" qui suppose plus d'une "valeur" ou plus d'un niveau ou degré de "valeur". Si tout se vaut il n'y a plus d'évaluation possible, même pour dire que tout se vaut, c'est le concept même de valeur qui s'effondre.
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