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| Le livre des Juges | |
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Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre des Juges Mar 23 Juin 2020, 23:42 | |
| Du fait de l'insertion du vieux poème dans un récit en prose qui ne lui correspond qu'approximativement -- ou plutôt de la construction du récit en prose en partie d'après le poème -- le personnage de Deborah paraît au moins triple: il y a la prophétesse qui rend l'oracle sous son arbre sacré reliant ciel et terre (je pense à l'image que Pasolini donne de la Pythie de Delphes dans Edipo Re, Oedipe roi; et à tous les "arbres verts" des "hauts lieux", c.-à-d. des sanctuaires pré-deutéronomistes associés ou non à la prophétie et à la prostitution sacrée), le juge plutôt royal qui rend la justice et arbitre les litiges de ses sujets en temps de paix (de Salomon à saint Louis), et puis la guerrière (façon Jeanne d'Arc, ou Anath dont on a parlé plus haut à propos de Shamgar, curieusement évoqué dans le poème comme contemporain, et sans aucun rapport avec son rôle de "cow-boy" précédent, armé d'un aiguillon à boeufs, 5,6). C'est du moins ce que constaterait une exégèse critique moderne, mais c'est peut-être moins intéressant que ce qu'en tirait la lecture rabbinique médiévale (cf. ton article); soit dit en passant, lapidoth, compris comme "torches" ou "flammes" et non comme nom propre, serait un féminin pluriel, assez insolite pour un nom d'homme, ce qui donne une certaine prise grammaticale au midrash; quoique en 7,16.20; 15,5 (contexte guerrier) et ailleurs lapid soit masculin (pluriel lapidim). |
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| Sujet: Re: Le livre des Juges Mer 24 Juin 2020, 13:14 | |
| Le récit de Gédéon se distingue par le fait que sa réponse à l'appel de Dieu est extrêmement hésitante et il lui faudra plusieurs signes pour s'engager. Un autre point a attiré mon attention, en Juges 6,32 ; Gédéon reçoit le nom de "Yeroub-Baal". Notes : Juges 6:32 :
Yeroub-Baal (Baal défendra, verbe qui apparaît trois fois au v. 31 ; mais le nom pourrait aussi signifier Baal est grand ou Baal rend grand) ; cf. 7.1 ; 9.1. En 2S 11.21 le nom apparaît sous la forme Yeroub-Bésheth, où le mot traduit par honte est substitué par mépris au nom du Baal. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre des Juges Mer 24 Juin 2020, 14:21 | |
| Comme on l'a déjà suggéré plus haut, il y a probablement une fusion rédactionnelle et narrative entre deux noms, deux personnages et deux récits distincts (Gédéon ET Yeroubbaal); ça ne s'arrêtera pas là puisque le Coran va transférer en partie l'histoire du défi au dieu du père à Abraham.
Yeroubbaal est évidemment un nom théophore, qui par définition invoque une divinité (Baal en l'occurrence) pour attirer sur la personne (ou le lieu) qui le porte la bienveillance ou le secours de la divinité en question -- en aucun cas pour l'insulter ou la provoquer. L'idéologie deutéronomiste, yahvisme monolâtrique et anti-baaliste, superpose par le récit une interprétation négative à un nom positif: au lieu d'une invocation, on a un défi à Baal. Mais tout cela va être renversé par un autre stade de l'anti-baalisme qui ne supportera même plus l'emploi du nom Baal et le transformera en bosheth, la honte (cf. aussi Meribbaal / Mephibosheth), annulant ainsi la stratégie précédente. |
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| Sujet: Re: Le livre des Juges Mer 24 Juin 2020, 16:12 | |
| À ce stade, le choix entre l’anarchie et l’État est plutôt simple. Malgré la violence et la faim, il ne fait aucun doute que la servitude en Égypte est bien pire que tout ce qu’ont connu les patriarches en Canaan. Pour cette raison, c’est à une situation de liberté anarchique – et non d’assujettissement sous le joug d’un roi – que les Enfants d’Israël espèrent revenir en Canaan. C’est cet espoir que Gédéon exprime à merveille après la défaite des Midianites : - Citation :
- Ni moi ni mon fils ne vous gouvernerons : Dieu seul doit régner sur vous Juges VIII, 23
Des sentiments identiques sont puissamment exprimés par Jotham, le fils de Gédéon, après la mort de son père, et par Samuel, le plus grand des juges, qui ne cesse d’invectiver contre la création d’un État permanent [21].[21] Juges IX, 7-15 ; I Samuel VIII, 10-20. Voir en particulier I Samuel XII, 1-25, versets dans lesquels Samuel présente une interprétation de l’histoire contraire à celle que privilégie le récit lui-même. Selon le livre de Samuel, les juges Gédéon, Jephté et Samuel sont énumérés d’un trait comme « vous ayant soustraits au pouvoir de vos ennemis d’alentour, et vous avez recouvré la sécurité » (XII, 11).Mais malgré les preuves narratives de la sympathie pour le rêve d’un ordre anarchique, son verdict n’est pas en faveur de l’anarchie, mais en faveur de l’État. Et la raison en est simple : l’anarchie ne fonctionne pas comme on aurait pu l’espérer. En fait, tout le livre des Juges est un long réquisitoire contre l’anarchie, véritable pivot autour duquel tourne l’enseignement politique de la Bible hébraïque.Le livre des Juges décrit la période qui suivit la conquête de Canaan par les Enfants d’Israël sous la direction de Josué. Cette conquête est décrite comme étant – en un sens – une sorte d’idéal : les Enfants d’Israël agissent pratiquement comme s’ils étaient un seul homme, presque d’un seul cœur, dans leur effort commun pour conquérir la terre et la purifier des abominables coutumes de ses habitants [22] Voir notamment Josué, I, 16-18 ; XXIV, 16-21, 31. Mais les hommes, semble-t-il, ne peuvent maintenir indéfiniment ce degré d’unité délibérée « et une autre génération lui succéda qui ne connaissait point l’Éternel, ni ce qu’il avait fait pour Israël [23] Juges II, 7, 10. En fait le thème de la transmission de la sagesse peut être considéré comme l’une des questions politiques les plus urgentes posées par le récit biblique. https://www.cairn.info/revue-pardes-2006-1-page-15.htm#re23no23 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre des Juges Mer 24 Juin 2020, 17:57 | |
| Un livre, que ce soit celui des Juges ou l'ensemble de la Bible hébraïque, sans parler des Bibles chrétiennes, ne se réduit pas à un "message", politique ou autre, quand même il comporte beaucoup de "messages", certains plus "importants" que d'autres par la place qu'ils y occupent: le "deutéronomisme" peut ainsi être dit "dominant" parce qu'il régit les introductions, les transitions et les conclusions rédactionnelles de nombreux textes, produisant cet effet de "grande histoire" et de "morale", de "sens" ou de "philosophie" de l'histoire, l'"histoire sainte" que retiennent les catéchismes. Mais cet effet peut être à tout instant subverti par la "petite histoire", comme la fable de Yotam ou le réquisitoire antimonarchique de Samuel qui peuvent s'avérer plus puissants dans leur singularité que la "morale de l'histoire" répétée inlassablement, et par là même lassante. Mieux, on pourrait se demander si l'idéologie deutéronomiste qui organise superficiellement l'ensemble est elle-même si cohérente que devrait l'être une idéologie, si elle ne se laisse pas gagner malgré elle par la diversité des textes qu'elle rassemble, au point de ne plus savoir au juste ce qu'elle voudrait dire. Elle est peut-être "monarchiste" en principe, mais elle dit tellement de mal des rois qu'on peut se demander ce qu'il en reste: David est le modèle du roi selon le coeur de Yahvé, mais lui-même n'est pas irréprochable, et l'histoire de la monarchie israélite puis judéenne finit en catastrophe; l'espoir qui reste du côté de Joïakîn en exil à la fin des Rois est hors de proportion avec les promesses faites à David... Ce qu'on verrait plutôt apparaître dans cette historiographie, à contresens même de son idéologie principale, c'est l'avènement d'une écriture, voire d'une littérature qui à la différence d'un système théologique, philosophique ou politique ne donne vraiment raison ni tort à personne; tout en donnant, inégalement certes mais effectivement, la parole à tout le monde. |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre des Juges Jeu 25 Juin 2020, 10:42 | |
| Gédéon a 70 fils de ses différentes épouses1 et un fils naturel, Abimelech, de sa servante et concubine de Sichem. À sa mort, les enfants d'Israël se détournent de Dieu et rendent un culte à Baal.
Abimelech se rend à Sichem et convainc les frères de sa mère de le choisir pour roi plutôt que d'être gouvernés par les 70 fils légitimes de Gédéon4. Les oncles répètent ces paroles aux habitants de Sichem qui se laissent convaincre à leur tour. Abimelech reçoit 70 sicles d'argent qui lui permettent de recruter des mercenaires afin de tuer les 70 fils de Gédéon6. Seul Jotham, plus jeune fils de Gédéon, échappe au massacre7. Abimelech est proclamé roi par les habitants de Sichem et Jotham le maudit lui et les Sichémites, et prend la fuite pour Beer.
Abimelech ne gouverne que trois ans, de -1236 à -1233. Dieu provoque des dissensions entre Abimelech et son peuple, punissant ainsi le roi du meurtre de ses demi-frères et les Sichémites de leur manque de loyauté envers la maison de Gédéon. Chassé par les Sichémites, Abimelech reprend la ville et la détruit. Il poursuit sa route vers Tébetz. Désireux d'asseoir son pouvoir, il assiège la ville. En s'approchant de la forteresse, Abimelech reçoit sur la tête une lourde pierre lancée d'une tour par une femme. Grièvement blessé, Abimelech demande à son écuyer de l'achever afin qu'on ne puisse pas dire qu'il a été tué par une femme. Ainsi s'accomplit la malédiction de Jotham. Cet épisode traduit la versatilité du peuple d'Israël avant l'avènement d'un roi unique. https://fr.wikipedia.org/wiki/Abimelech_(juge) |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre des Juges Jeu 25 Juin 2020, 11:51 | |
| Le nom d'Abimélek est à lui seul tout un programme de monarchie héréditaire et dynastique, puisqu'il conjoint le père ('b) et le roi (mlk), peu importe comment on interprète précisément sa construction (mon père est roi, le roi est mon père, le père est roi, le roi est père, le père du roi, etc., avec ou sans référence divine pour l'un ou l'autre terme, cf. "Moloch"). C'est aussi dans la Genèse (chap. 20ss) le nom du vis-à-vis royal récurrent d'Abra(ha)m et d'Isaac dans des situations analogues à l'exil et/ou à la diaspora, à telle enseigne que le lecteur se demande s'il a affaire au même personnage ou à un homologue, autrement dit à un nom personnel ou à un titre traité comme tel, à l'instar de "Pharaon". A noter que le nom de Gédéon n'apparaît pas du tout dans Juges 9, c'est à "Jérubbaal" (Yeroub-Baal, etc.) qu'Abimélek est constamment rapporté (cf. ce qu'on a dit plus haut de l'identification superficielle entre Gédéon et Jérubbaal, etc., comme fusion rédactionnelle probable de deux traditions distinctes). D'autre part les correspondances narratives avec l'ensemble des "Premiers Prophètes" (Josué--Rois) sont multiples: nous avons déjà évoqué Athalie et Joas en 2 Rois 11ss, mais il y a aussi Adoni-Bézeq de Juges 1 et ses 70 vassaux mutilés et humiliés, qui peut renvoyer lui-même à l'Adoni-Cédeq de Jérusalem en Josué, au Melchi-Cédeq de la Genèse et aux 70 fils d'El de la mythologie cananéenne qui se répercute aussi dans la tradition des 70 fils d'Israël à la transition de la Genèse et de l'Exode, de la fable de Jotam à la "parabole" de Nathan en 2 Samuel 11s (la mort d'Abimélek ressemble aussi à celle d'Urie, outre celle de Sisera en Juges 4--5) ou à la fable de 2 Rois 14,9 dans la bouche d'un autre Joas, et ainsi de suite...
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A propos de Sisera, j'ai oublié de noter plus haut la fin du cantique de Deborah, chef-d'oeuvre de cruauté qui complique encore le tableau féminin de l'ensemble (Déborah prophétesse, juge et guerrière comme Anath, Yaël séductrice et assassine, cette fois la mère de Sisera attendant le retour du fils avec ses servantes, en comptant les captives réduites à des sexes, etc.). |
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| Sujet: Re: Le livre des Juges Lun 29 Juin 2020, 14:50 | |
| "Après Abimélek, Tola, fils de Poua, fils de Dodo, homme d'Issacar, se leva pour sauver Israël ; il habitait à Shamir, dans la région montagneuse d'Ephraïm. Il fut juge en Israël pendant vingt-trois ans ; puis il mourut et il fut enseveli à Shamir. Après lui se leva Yaïr, le Galaadite, qui fut juge en Israël pendant vingt-deux ans. Il avait trente fils, qui montaient trente ânons et possédaient trente villes ; jusqu'à ce jour celles-ci sont appelées Douars de Yaïr, dans le Galaad. Puis Yaïr mourut et il fut enseveli à Qamôn" (10,1-5).
Le livre tire son nom Shophetim du verbe shaphat ''juger '' au sens de '' prendre une décision '' (3,10; 4,4; 10,2.3; 12,7.8.9; 12,11.11; 12.13-14; 15,20; 16,31). Le participe forme le titre shophet '' juge '' (2,16.17.18.19 - jamais ailleurs) qui désigne moins un homme apte à rendre la justice qu'un chef habilité à '' décider '', à conduire les destinées d'un clan, d'une tribu voire d'un ensemble tribal. L'origine du terme est probablement cananéenne, et on le retrouve aussi en Moab (Am 2,3). Le livre présente une succession de douze juges, que l'on répartit traditionnellement en deux groupes.
- Six d'entre eux (Shamgar, Tola, Yaïr, Ibçan, Élôn et Abdôn) n'ont droit qu'à une courte notice, centrée sur une fonction de gouvernement. C'est surtout leur appartenance tribale qui est indiquée (sauf pour Shamgar, pour des raisons que nous dirons plus loin). On les appelle parfois '' petits Juges '' https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/544.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre des Juges Lun 29 Juin 2020, 15:28 | |
| A noter qu'en hébreu autrement qu'en français "fils de Dodo" fait sourire, car à la lettre il signifierait "fils de son oncle" (paternel, ce qui pourrait toujours se référer à une paternité léviratique mais à l'encontre de l'intention de celle-ci, du moins selon la Torah; dwd évoquant par ailleurs l'"amour" au sens le plus sexuel du terme, cf. "David"). Bref, c'est un code -- sinon un gag -- généalogique récurrent, même si son sens est difficile à préciser (il y a d'autres façons de dire "de père inconnu", cf. Jephté). Toujours est-il que dans le corpus biblique on a plusieurs "fils de Dodo" (2 Samuel 23,9.24 // 1 Chroniques 11) mais jamais aucun "Dodo" comme nom propre. |
| | | free
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| Sujet: Re: Le livre des Juges Mar 30 Juin 2020, 12:23 | |
| D’abord, le récit pose un problème par son thème même : un sacrifice humain en faveur du Dieu d’Israël, de Yhwh, ne semble pas du tout correspondre aux pratiques rituelles du monothéisme tardif. Beaucoup d’exégètes modernes y voient une lecture aberrante qui se trouve un peu par défaut au sein des textes saints de la Bible. Ils lui attribuent un sens moral en accusant Jephté d’un caractère ambigu. Le contexte du récit pose déjà un problème : Jephté est considéré par beaucoup d’exégètes comme un homme ignorant ou même impie. Il est présenté comme un parvenu rejeté par Israël (Jg 11, 1-3), convoqué par le peuple à un moment de crise (11, 5-6) afin d’obtenir la grande chance de sa vie (11, 11), bref, un juge moins sérieux que les autres . Le récit est inséré dans un contexte de récits de batailles qui mentionnent comme adversaires différents peuples voisins (Jg 11, Ammonites ; Jg 12, Ephraïmites). Il semble interrompre cet ensemble, ce qui suggère à certains exégètes l’hypothèse qu’il appartient à un autre cycle de récits qui auraient été ajoutés plus tard à cet ensemble. Les versets qui nous préoccupent feraient partie d’un dernier remaniement rédactionnel . Cette opération littéraire expliquerait aussi comment Jephté a pu être désigné comme juge modèle en 1 S 12, 11. Il faudrait en conclure que le récit du sacrifice a été inséré assez tardivement dans la composition deutéronomiste , à laquelle appartiennent le récit du juge Jephté (sans 11, 29-40) et son évaluation en 1 S 12. https://www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses-2006-1-page-81.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre des Juges Mar 30 Juin 2020, 15:52 | |
| Sur le thème des sacrifices humains, voir ici. Il est tout de même heureux, si l'on peut dire en cette occurrence tragique, que la comparaison des traditions et littératures anciennes, hébraïques ou "bibliques" et grecques ou "païennes" (cf. supra Samson / Héraklès-Hercule), soit envisagée aujourd'hui avec plus de sérénité qu'au siècle dernier (XXe), où elle se heurtait le plus souvent à une dénégation massive de l'exégèse "sérieuse" -- attitude d'autant plus absurde que les deux littératures, si différentes fussent-elles, dérivaient en grande partie d'un fond mythologique et narratif commun, bien en amont de leurs confluences ultérieures qui n'ont pas forcément attendu l'hellénisation générale consécutive aux conquêtes d'Alexandre. Par coïncidence, je relisais il y a peu, du siècle précédent (XIXe), Crainte et tremblement de Kierkegaard, qui pour son époque n'avait pourtant rien d'un "critique", et pour qui la comparaison des "sacrifices" d'Isaac, de la fille de Jephté, d'Iphigénie et d'Antigone allait de soi (le cas d'Abraham se différenciant à ses yeux de tous les autres, aussi bien du "biblique" Jephté que des "païennes", par le caractère absolument singulier du commandement divin, irréductible à aucune "logique" générale, que ce soit la loi privée de la famille ou du clan ou celle, publique, de la cité: le sacrifice de la fille de Jephté correspondait malgré tout à une loi générale, "éthique" au sens kierkegaardien, l'obligation d'accomplir le voeu lié à la victoire collective, et comparable en cela au point de vue de Créon ou d'Agamemnon). Qu'il soit plus ancien ou plus récent que son cadre "deutéronomique", le récit le met en tout cas en difficulté, puisqu'il fait ressortir le conflit entre l'interdit du sacrifice humain et l'obligation de s'acquitter d'un voeu, également absolus en principe, donc rigoureusement dépourvu (le conflit) de "solution" d'ordre casuistique, au moins dans la lettre de la Torah. |
| | | free
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| Sujet: Re: Le livre des Juges Mer 01 Juil 2020, 10:46 | |
| Le récit de Jephté est particulier, en effet même si on retrouve le schéma classique, "Les Israélites firent encore ce qui déplaisait au SEIGNEUR (YHWH)" (10,6) ; ce qui explique la colère du Seigneur et le fait qu'Israël crie vers son Dieu, néanmoins Dieu refuse désormais de sauver les Israélites, il est à bout :
"Le SEIGNEUR dit aux Israélites : Des Egyptiens, des Amorites, des Ammonites, des Philistins, les Sidoniens, Amalec et Maôn vous ont opprimés. Lorsque vous avez crié vers moi, ne vous ai-je pas sauvés de leur main ? Mais vous, vous m'avez abandonné et vous avez servi d'autres dieux. C'est pourquoi je ne vous sauverai plus. Allez ! Criez vers les dieux que vous avez choisis ! Qu'ils vous sauvent au temps de votre détresse !" (10,11-14)
Même la pitié que manifeste Dieu en (10,16) se traduit pas dans les actes, par l'envoi d'un sauveur. Lorsque les ennemis ammonites se rassemblent en Galaad, les habitants solliciter l’aide de Jephté, apparemment Dieu n'est pas intervenu dans ce choix et n'a pas guidé les évènements. Autre paradoxe, la victoire de Jephté ne sera pas suivie d’une période de paix, comme c'était le cas auparavant avec les autres juges : "Jephté rassembla tous les hommes de Galaad pour faire la guerre à Ephraïm. Les hommes de Galaad battirent Ephraïm" (12,4).
Un autre point a attiré mon attention, dans le cadre de la négociation qu'entame Jephté avec le roi des Ammonites, celui-ci invoque un argument qui interroge et reconnait une certaine réalité et force au dieu Kemosh :
"Le SEIGNEUR, le Dieu d'Israël, a livré Sihôn et toutes ses troupes à Israël, qui les a battus. Israël a pris possession de tout le pays des Amorites qui habitaient ce pays. Ils ont pris possession de tout le territoire des Amorites, depuis l'Arnon jusqu'au Yabboq et depuis le désert jusqu'au Jourdain. Maintenant que le SEIGNEUR (YHWH), le Dieu d'Israël, a dépossédé les Amorites devant Israël, son peuple, est-ce toi qui vas le déposséder ? Ce dont Kemosh, ton dieu, te fait prendre possession, n'en prends-tu pas possession ? Et nous, nous ne resterions pas en possession de tout ce que le SEIGNEUR (YHWH), notre Dieu, a mis en notre possession ?" (11,21-24).
L'argument qu'oppose Jephté au roi Ammonites est qu'il ne peut lui rendre des territoires que Dieu a accordé à Israël, tout lui accepte les territoires que son dieu Kemosh lui attribue. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre des Juges Mer 01 Juil 2020, 11:21 | |
| Scène deutéronomiste (en plus d'un sens du mot scène) récurrente en effet: la divine fâcherie, bouderie ou grève du salut (puisque c'est comme ça je vous laisse tomber) s'affichait déjà aux chapitres 2 et 3, à la fois comme cause et conséquence d'une "conquête" inaboutie et comme programme, loi et logique de toute l'organisation du livre.
Outre l'erreur ethno-mythologique qui consiste à attribuer à Ammôn le dieu tutélaire de Moab (Kamosh, aussi connu par la fameuse stèle de Mésha), sans doute due à une (con-)fusion de plusieurs récits traditionnels en un seul (comme pour Gédéon-Jérubbaal), l'argument de 11,21ss illustre la fonction diplomatique (ici plutôt pacifique) du polythéisme (dans la ligne de Deutéronome 32,8ss, voir supra): à chaque dieu son peuple et sa terre (et les vaches seront bien gardées). Malheureusement, une traduction française tant soit peu "traditionnelle" ou "conventionnelle" ne peut le rendre qu'imparfaitement, dans la mesure où l'obligation de majuscule pour le "Dieu" d'Israël induit déjà une disparité avec les "dieux" des autres qui n'existe absolument pas dans le texte ('elohim de part et d'autre) -- on peut aussi penser au cas de Ruth (moabite): "ton dieu sera mon dieu" est le simple corollaire de "ton peuple sera mon peuple", mais "ton Dieu sera mon Dieu" devient une "conversion" au monothéisme. Bien sûr, la tradition de traduction ou de substitution du nom propre aggrave le déséquilibre (Yahvé et Kamosh sont sur le même plan, "le Seigneur" ou "l'Eternel" passe sur un autre registre). |
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| Sujet: Re: Le livre des Juges Mer 01 Juil 2020, 13:18 | |
| Le vœu de Jephté (v. 29-31)
Au point de départ, le Seigneur intervient suite à une parole de Jephté : celui-ci l’a appelé à arbitrer le contentieux territorial avec le roi ammonite qui vient de refuser de reconnaître le droit d’Israël. Son esprit investit donc Jephté pour défendre le droit du peuple à habiter la terre que le Seigneur lui a accordée, ce que le nouveau capitaine entame en lançant l’attaque dans le pays d’Ammon (v. 29). Puis il formule le vœu que l’on sait. Le fait-il sous l’impulsion de l’esprit divin ? Cela n’est pas dit, et le vœu ne suit pas immédiatement la venue de l’esprit. Mais peut-on l’exclure ? Non, sans doute. On peut néanmoins se demander pourquoi, s’il est assuré de la présence de l’esprit du Seigneur, Jephté fait encore un vœu pour garantir une victoire qui lui est acquise par cet esprit même, du moins selon l’expérience de ses prédécesseurs. D’autant plus que, peu avant, il s’est montré sûr du Seigneur (11,27).
Pourquoi donc ce manque de confiance de la part de Jephté6 ? La réponse, à mon sens, est à chercher du côté de son ambition, de son envie d’obtenir le pouvoir promis qui lui assurera la revanche sur ceux qui l’avaient banni. En tout cas, il reprend dans la formulation de son voeu un élément de ce qu’il disait aux anciens de Galaad :
11,9 “ LES FILS D’AMMON… si le Seigneur les donne devant moi, c’est moi qui serai pour vous pour chef ”
11,30 “ Si donner tu (Seigneur) donnes LES FILS D’AMMON en ma main, le sortant de ma maison… sera pour le Seigneur (en) holocauste ”
On le voit : le don de la victoire demandée au Seigneur dans le vœu est clairement lié au pouvoir qui, pour Jephté, sera le fruit de cette même victoire. C’est donc bien le pouvoir qu’il entend s’assurer, en plus de la victoire. Et c’est pour cela qu’il fait un vœu : pour être sûr de son fait, et sans doute aussi pour que les autres le sachent. Mais il y a plus. Car, aux termes du vœu, le premier acte que Jephté posera en tant que chef, c’est d’offrir un être humain en holocauste, comme s’il lui fallait alors payer une dette… En réalité, dans son vœu, Jephté promet que le premier qui sortira de sa maison à son retour sera pour le Seigneur. Et il précise la façon dont il lui appartiendra car il y aurait diverses manières d’être à Dieu : ce sera par un holocauste, c’est-à-dire à travers la mort. Ainsi, dans sa parole, Jephté s’accorde, lorsqu’il deviendra le chef, le droit de disposer de la vie de ses sujets en s’autorisant de Dieu, ou plutôt de l’idée qu’il se fait de Dieu comme celui qui légitime tout pouvoir, quel qu’il soit. Cazeaux a raison d’affirmer que “ l’immolation d’une victime humaine a pour cause l’idée où Jephté s’entretient d’accéder à la royauté, car un tel geste est le fait du roi. Il suppose une maîtrise quasi divine sur la vie et la mort ”. (À quoi Jephté sacrifie-t-il sa fille ? Lecture de Jg 11,29-40). |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Le livre des Juges Mer 01 Juil 2020, 14:02 | |
| Lien (de téléchargement).
Meilleure est l'analyse narrative, mieux elle illustre son propre défaut constitutif: en évacuant méthodiquement tous les éléments de comparaison extérieurs au récit (dans la littérature "biblique" ou antique en général), elle laisse celui-ci sans défense ni distance par rapport à la "subjectivité" du lecteur qui lui est encore plus étrangère que toute comparaison antique. L'autre du texte, ce n'est plus Abraham ou Iphigénie, mais la "morale" implicite du lecteur, juive, chrétienne ou humaniste, toujours moderne...
Nonobstant ce défaut, ce type d'analyse est nécessaire et indispensable, il s'impose -- il ne s'agit au fond que de lire ou d'écouter -- et l'analyse est en l'occurrence d'excellente qualité. On peut toutefois regretter que le principe d'ignorer toute intertextualité s'étende jusqu'à l'intertextualité immédiate qui est presque un contexte: si la compilation a juxtaposé Abimélek et Jephté, tous deux "fils naturels" et "ambitieux", si l'on veut, ce n'est sans doute pas un hasard, et cette comparaison-là paraît difficilement évitable. |
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| Sujet: Re: Le livre des Juges Ven 03 Juil 2020, 12:51 | |
| "La femme mit au monde un fils et elle l'appela du nom de Samson. L'enfant grandit, et le SEIGNEUR le bénit. Le souffle du SEIGNEUR commença à le travailler à Mahané-Dan, entre Tsoréa et Eshtaol" (Juges 13,24-25).
Juges 13 relate le dialogue entre l'envoyé de Dieu et la future maman (qui est stérile) de Samson. La lecture de cet échange nous fait penser à l'annonce que l'ange fait à Marie concernant la naissance miraculeuse du Fils de Dieu. Le récit rapporte des faits troublants, le messager de Dieu, qui vient voir la femme dans le champ en l’absence de son mari et contrairement au récit de conception de Samuel, il n’est pas dit que le mari connut sa femme, ce qui induit une probable naissance miraculeuse de Samson. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre des Juges Ven 03 Juil 2020, 17:08 | |
| Il y a de toute façon "naissance miraculeuse" (extra-ordinaire) et qui se prête à plus d'une lecture, non seulement dans le cas de toutes les femmes "stériles" (Hannah mais aussi Sara, Rébecca, Léa ou Rachel dans la Genèse; les hommes, bien sûr, ne sont jamais stériles), mais encore d'Eve par rapport à Caïn (fils conçu "avec Yahvé", même si "Adam connut sa femme"...) ou de la veuve d'Elisée (2 Rois 4, doublet partiel de 1 Rois 17 avec Elie), où "l'homme du dieu" ou "le prophète" joue un rôle semblable à celui de "Yahvé" ou de son "ange" ailleurs... En ce qui concerne Samson, difficile de ne pas penser à la naissance d'Héraklès avec Zeus dans le rôle de Yahvé (ou de l'"ange" au nom "merveilleux") et Amphitryon dans celui de Manoah, quelle que soit la parenté historique des traditions grecques et juives (qui peuvent aussi être de lointaines dérivations indépendantes de traditions orientales plus anciennes, comme Gilgamesh-Enkidu). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre des Juges Lun 06 Juil 2020, 10:52 | |
| L’histoire débute vraiment qu’à la fin du chapitre 13, quand l’enfant a grandi et que l’esprit de Yhwh commence "à l’agiter" (TOB) ou "à le travailler" (NBS), au point malgré un jeune âge apparent, vouloir se marier, ainsi il demande à son père de prendre la femme pour lui, "une femme d'entre les Philistins" (14, 3). Le texte précise que dans cette affaire de demande en mariage, les parents de Samson : "ne savaient pas que cela venait du SEIGNEUR ; en effet, il cherchait un prétexte contre les Philistins" (14,4). On retrouve le Dieu stratège qui pousse Samson a demandé "une femme d'entre les Philistins" en mariage enfin que celui-ci entre en contact avec les Philistins et provoque des altercations. Le chapitre 14, relate les différents exploits de Samson souvent avec comme corollaire : "le souffle du SEIGNEUR s'empara de lui", il "déchire" le lion comme un chevreau et il propose une énigme aux Philistins. Le récit nous présente un homme violent, impulsif, rusé et faible avec les femmes. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre des Juges Lun 06 Juil 2020, 11:23 | |
| Cf., du côté d'Héraklès-Hercule, le lion de Némée et Déjanire, la femme qui cause sa perte. Dans l'épopée de Gilgamesh Enkidu perd aussi sa force et son rapport aux animaux par sa relation avec l'aubergiste-prostituée, mais il y gagne la connaissance et la civilisation, autre thème qu'on peut reconnaître dans le second récit de la Genèse. Il n'y a évidemment pas "copie" d'une tradition narrative à l'autre, mais évolution et différenciation des mêmes motifs. A noter que le nom de Samson (Shimshôn) évoque la divinité solaire (Shamash), manifestement présente aussi en Israël (Beth-Shemesh), mais il n'en reste guère d'autre trace dans le récit biblique.
Par ailleurs, je ne suis pas sûr que le mariage de Samson soit présenté comme inhabituellement précoce (on se marie de toute façon très "jeune" aux époques "bibliques" par rapport aux critères modernes et occidentaux); par contre, le fait que la femme reste chez ses parents et dans son clan a fait couler beaucoup d'encre chez les tenants d'une théorie matriarcale ou matrilinéaire (de même que "l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme", dans le second récit de la Genèse), sans qu'on puisse en tirer des conclusions générales (c'est un mode d'organisation matrimoniale parmi d'autres dans les sociétés antiques, pas forcément le plus ancien). |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre des Juges Lun 06 Juil 2020, 13:02 | |
| "Le messager du SEIGNEUR apparut à cette femme et lui dit : Toi qui es stérile, qui n'as pas eu d'enfant, tu vas être enceinte et tu mettras au monde un fils.
Maintenant, je te prie, prends bien garde : ne bois ni vin ni boisson alcoolisée, et ne mange rien d'impur. Car tu vas être enceinte et tu mettras au monde un fils. Le rasoir ne passera pas sur sa tête, car ce garçon sera un nazir de Dieu dès le ventre de sa mère. C'est lui qui commencera à sauver Israël de la main des Philistins" (13,3-5).
C'est par ce naziréat qu'aurait été consacré Samson en Jg 13, où il n'est jamais question de vœu mais d'une élection divine imposée. Même "agité" pat l'esprit de Yhwh, Samson commet des fautes en ne respectant pas les deux interdits du nazir énoncés en Jugeq 13, il mange le miel rendu impur à cause du cadavre (14, 9) et fait un "banquet", au cours duquel il doit probablement boire du vin (14, 10) et il se saisit une mâchoire d'âne fraîche pour vaincre les Philistins (15,15), ce qui implique l'impureté par le contact d’un cadavre.
L’auteur parvient, au terme de sa démonstration, à établir une distinction entre Nazir non votif et Nazir votif. Dans les strates les plus anciennes de l’Ancien Testament, le Nazir est d’abord non votif : il désigne un guerrier extatique, possédé de l’esprit de Yahvé, et dont la longue chevelure symbolise la puissance indomptée. Le personnage de Samson (Juges 13‑16) représente, par excellence, le Nazir non votif. Issu d’une geste pré-yahviste – Samson est étymologiquement lié au nom du dieu solaire proche-oriental Shamash – le récit de Samson fut tour à tour révisé, modifié et amplifié par les auteurs et éditeurs du texte biblique (p. 52‑55). L’origine ouest-sémitique de la geste de Samson semble très probable. Toutefois, l’auteur fait également l’hypothèse, à l’appui de parallèles relevés dans la mythologie grecque, d’une « influence pré-hellénistique », par le truchement des Philistins, à l’origine de la transmission de l’histoire de Samson chez les Hébreux. Or cette influence « pré-hellénistique » (« pré-hellénique » serait nettement plus approprié) paraît douteuse tant les canaux de transmission échappent à l’investigation scientifique. De même la comparaison avec les mythes indo-européens (p. 136‑138) n’apporte pas d’éléments nouveaux et ne nous semble pas vraiment utile à la compréhension du récit biblique de Jg 13‑16. https://www.cairn.info/revue-de-l-histoire-des-religions-2018-3-page-534.htm
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| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre des Juges Lun 06 Juil 2020, 13:56 | |
| Là encore, il y a disparité à l'intérieur même du récit des Juges entre l'introduction qui comporte une référence au nazir(éat), selon une définition plus proche du cas de Samuel (1 Samuel 1) que de la règle (ultérieure) de Nombres 6, et le corps du récit qui n'en contient aucune, si ce n'est le trait essentiel des cheveux longs qui est effectivement guerrier selon le chant de Déborah (chap. 5; cf. le nazir qui est aussi le feuillage de la vigne ou des arbres fruitiers non taillés en Lévitique 25). Il n'y a pas une seule définition du nazir, il y en a quasiment autant que de textes qui l'évoquent -- dans l'usage sacerdotal la racine nzr est prise dans un sens de "séparation", cf. p. ex. Lévitique 15,31; 22,2, qui est décisif en Nombres 6 mais absent d'autres contextes. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre des Juges Lun 06 Juil 2020, 15:18 | |
| "Voici les noms des vaillants hommes de David : Yosheb-ba-Shébeth le Tahkemonite, qui appartenait à l'élite de la garde. C'est lui, Adino l'Etsnite, qui s'attaqua à huit cents hommes, qu'il transperça en une seule fois" (2 Sa 23, "Après lui, Shamma, fils d'Agué, le Hararite. Les Philistins s'étaient rassemblés à Léhi. Il y avait là une parcelle de terre couverte de lentilles ; le peuple fuyait pour échapper aux Philistins. Shamma se tint debout au milieu de la parcelle, la reprit et battit les Philistins. Le SEIGNEUR réalisa une grande victoire" (23,11-12) "Abishaï, frère de Joab, fils de Tserouya, appartenait à l'élite de la garde. C'est lui qui brandit sa lance sur trois cents hommes qu'il transperça et qui se fit ainsi un nom parmi les trois" (23,18). On retrouve le thème du guerrier seul et à découvert au milieu de l’armée ennemie (Samson qui se saisit d'une mâchoire d’âne et abat mille hommes - 15, 14-16). Déjà Shamgar : "il battit les Philistins au nombre de six cents avec un aiguillon à bœufs" (Jg 3, 31). |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre des Juges Lun 06 Juil 2020, 16:21 | |
| Cf. supra 17.6.2020.
C'est la dynamique des traditions narratives: il y a des noms, des personnages et des histoires qui se répliquent, se dupliquent et se démultiplient, mais aussi se confondent; et si ça se produit avec des récits assez développés (p. ex. Juges 19 // Genèse 19), ça arrive encore plus facilement et plus souvent avec des notices brèves et plus ou moins stéréotypées, dans les généalogies et d'autres listes. Ainsi Goliath se fait tuer deux fois, et pas par le même, dans ce qui est pourtant le même "livre" (1 Samuel 17; 2 Samuel 21,19; comparer 1 Chroniques 20,5 où ce ne sera plus Goliath mais son frère). Si ça ne gêne guère le lecteur ordinaire, ça ne semble pas avoir gêné beaucoup plus les rédacteurs-compilateurs, jusqu'à un certain point -- il n'y a que les "fondamentalistes" que ça peut rendre fous, dans la mesure où ils tiennent à ce que tout jusqu'au moindre détail soit "vrai" au sens (moderne) d'"historique", c'est-à-dire aussi singulier et distinct de tout le reste... |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Le livre des Juges Mar 07 Juil 2020, 11:26 | |
| La narration de l’époque des Juges finit proprement avec l’histoire de Samson. Les deux fragments qui suivent (chapitres 17 et 18, d’une part, et chapitres 19 à 21, d’autre part) ont été ajoutés à ce livre sous forme d’appendices. Car ils ne continuent nullement l’histoire commencée ; nous pouvons reconnaître au contraire à bien des indices que les événements qui y sont racontés appartiennent aux tout premiers temps de l’époque des Juges. Le but pour lequel ces deux récits ont été placés à la fin de ce livre n’est pas seulement de caractériser par deux exemples frappants l’état religieux et moral du peuple après la mort de Josué et des Anciens qui pendant un certain temps avaient maintenu vivant l’esprit de piété avec lequel Israël était entré dans la Terre promise. À quatre reprises l’auteur a introduit dans ces récits une remarque de son propre crû, qui en est comme le refrain et qui révèle clairement sa pensée (Juges 17.6 ; Juges 18.1 ; Juges 19.1 ; Juges 21.25) : En ces jours il n’y avait point de roi en Israël, et chacun faisait ce qu’il trouvait bon. Cette caractéristique de l’état des choses à cette époque a pour but de montrer l’insuffisance des institutions antérieures en vue des nouvelles circonstances dans lesquelles le peuple était entré par la conquête, et de justifier l’établissement de la royauté. Les deux appendices forment ainsi la transition naturelle du récit de l’époque des Juges à celui du temps des Rois. https://www.levangile.com/Bible-Annotee-Juges-17.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Le livre des Juges Mar 07 Juil 2020, 12:24 | |
| Sur l'organisation du livre et notamment de ses annexes, son rapport divers et donc globalement ambigu à la monarchie, revoir éventuellement le début de ce fil.
Là encore, il ne faut pas confondre les récits eux-mêmes qui construisent des émotions et des sentiments, des sympathies et des antipathies selon leur dynamique propre (le lecteur-auditeur s'attache ou non, plus ou moins, à tel personnage plutôt qu'à tel autre, ressent tel événement comme heureux ou malheureux) et l'éventuel jugement moral, religieux ou politique du rédacteur-compilateur. Je trouve pour ma part les personnages de Michée-Mika, de sa mère et de son lévite, et même le peuple des Sidoniens plutôt "sympathiques" aux chapitres 17s; ainsi que le lévite, sa concubine, le père de celle-ci et leur hôte aux chapitres suivants. C'est un point de vue "moderne", bien sûr, mais à quelques nuances près il me semble que les récits ont toujours pu susciter les mêmes types de réaction. En-deçà comme au-delà de toute analyse, le texte fait l'effet qu'il fait, il ne se réduit pas à une "morale" ni même à une "absence de morale". |
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