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| YHWH, Israël, les nations et le salut. | |
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free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: YHWH, Israël, les nations et le salut. Jeu 18 Fév 2021, 13:15 | |
| Le termes "nations" et "peuples" sont souvent utilisés dans les Psaumes dans des contextes différents, d'une part ils sont assimilés à des "ennemis" et d'autre part comme bénéficiant du salut. Par exemple il y a un très beau Psaume (67) qui traduit une pensée universaliste :"Que Dieu nous accorde sa grâce et qu'il nous bénisse, qu'il fasse briller sur nous sa face ! Afin que l'on connaisse ta voie sur la terre, ton salut parmi toutes les nations ! Les peuples te célèbrent, ô Dieu, tous les peuples te célèbrent. Les nations se réjouissent, elles poussent des cris de joie ; car tu juges les peuples avec droiture, tu conduis les nations sur la terre. Les peuples te célèbrent, ô Dieu, tous les peuples te célèbrent. La terre donne ses produits ; Dieu, notre Dieu, nous bénit. Dieu nous bénit, et toutes les extrémités de la terre le craignent".c. Chant de bénédictionÀ la vue de ces bénédictions dont le Dieu d'Israël a comblé son peuple (7a) et de celles dont il ne manquera pas de le favoriser (2), toutes les nations païennes connaîtront la manière (3 a) dont Dieu sauve son peuple (3b) et ils le craindront jusqu'aux extrémités de la terre (. Ils pourront alors unir leur voix à celle du peuple élu pour rendre grâces au Dieu unique qui montre ainsi comment il juge et conduit tous les peuples de la terre avec droiture (4-6). À la bénédiction que Dieu fait descendre sur son peuple répondra celle de toutes les nations rassemblées dans une unique louange.a. Le chœur de l'ensemble des nations (4-6)Le caractère spécifique de la partie centrale (4-6) par rapport au reste du psaume est qu'il n'est plus de distinction entre Israël et les autres nations. Tous sont réunis dans la même action de grâce (4.6), dans une seule jubilation et un unique chant (5abc), adressés au Dieu unique qui les juge et les conduit tous avec droiture sur l'ensemble de la terre (5d-h). «Tous» (4b.6b) sont tournés ensemble vers le seul «Dieu» (4a.6a)28. Cependant, il faut bien voir que cette unité de tous les peuples dans la même foi n'est pas encore réalisée: tous les verbes des propositions principales sont des inaccomplis, ce sont des souhaits, pour un avenir qui n'est pas encore réalisé. En outre, il ne faudrait pas négliger le fait que ce vœu insistant est une prière adressée par Israël à son Dieu. Au moment où elle est prononcée, cette supplication n'est pas encore sur les lèvres de l'ensemble de toutes les nations, mais sort de la seule bouche de l'unique peuple de Dieu. https://www.nrt.be/fr/articles/le-psaume-67-je-ferai-de-toi-la-lumiere-des-nations-325D'autres textes expriment une relation conflictuelle entre Yhwh et les nations. Les nations sont représentées comme étant potentiellement menaçantes :"Pourquoi les nations s'agitent-elles ? Pourquoi les peuples grondent-ils en vain ? Les rois de la terre se postent, les princes se liguent ensemble contre le SEIGNEUR et contre l'homme qui a reçu son onction : Brisons leurs liens, secouons leurs chaînes ! Il rit, celui qui habite le ciel, le Seigneur se moque d'eux.Il leur parle dans sa colère, dans sa fureur il les épouvante :C'est moi qui ai investi mon roi sur Sion, ma montagne sacrée !Je vais proclamer le décret du SEIGNEUR ; il m'a dit : Tu es mon fils ! C'est moi qui t'ai engendré aujourd'hui.Demande-moi et je te donnerai les nations comme patrimoine, comme propriété les extrémités de la terre ;tu les briseras avec un sceptre de fer. Comme une poterie tu les mettras en pièces" (Ps 2) |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Jeu 18 Fév 2021, 21:19 | |
| Très intéressante étude de R. Meynet (pour parodier une citation de sinistre mémoire, quand j'entends le mot structure, j'ai tendance à sortir mon revolver, mais là je le rengaine volontiers: c'est exceptionnellement clair et convaincant).
Tout ce vocabulaire des "nations"-"païens"-"gentils"-"non-Juifs", goyim en hébreu, ethnè en grec, gentes en latin, est compliqué de multiples manières par son développement, en grande partie post- et extra-"biblique", sans même parler de la confusion avec l'Etat-nation moderne. Au départ il faut bien entendre la "nation" dans son sens "ethnique" (en grec ethnos au singulier, ethnè au pluriel), comme un synonyme de "peuple" également entendu au sens "ethnique" (si on ne dit pas "peuple" c'est pour distinguer formellement goy et ses traductions traditionnelles de plusieurs synonymes approximatifs, `am, laos, dèmos, populus, etc.), sans connotation politique ni religieuse nécessaire: que la "nation-peuple" en question soit politiquement indépendante ou non, que sa religion se distingue ou non de celles de ses voisin(e)s; c'est encore la différence linguistique qui lui est le plus souvent attachée, même si elle n'est que dialectale, c'est avant tout la langue qui fait la "nation" ou le "peuple". De ce point de vue Israël ou les Juifs-Judéens constituent un goy, un ethnos, une gens, une "nation" ou un "peuple" comme un(e) autre. Tout se complique, déjà dans le corpus "biblique", quand les goyim-ethnè se mettent à désigner exclusivement les autres, et se chargent en outre de connotations péjoratives: nations-ethnies éventuellement perçues comme hostiles ou ennemies en fonction de telle ou telle situation politique (alliances, traités ou ligues, rapports de suzeraineté-vassalité, guerre, invasion, occupation, empire, exil, diaspora); nations "païennes" au sens religieux uniquement dans la mesure où le locuteur considère sa propre "religion" comme unique, supérieure, différente de toutes les autres et incompatible avec elles -- alors seulement les "nations" deviennent un terme négatif comme "païens", qui finit par englober indistinctement toute autre "nation", un peu comme les "barbares" pour les Grecs. En hébreu post-biblique, de plus, l'appellation s'individualise, puisqu'un "goy" au singulier n'est plus une "nation" ou "ethnie" définie, mais n'importe quel individu non juif; dans le grec du NT, ethnè reste généralement collectif, mais ce ne sont pas les mêmes ensembles qui sont visés selon que la référence de l'opposition est juive ou chrétienne: les "païens" ça peut être les "non-Juifs", y compris les (pagano-)"chrétiens" (ainsi dans les premières épîtres pauliniennes), ou bien seulement les "non-chrétiens" (à partir des deutéro-pauliniennes et tout ce qui s'ensuit, 1 Pierre p. ex.).
Ajoutons à cela que les mêmes expressions, ou des expressions similaires, peuvent signifier des choses extrêmement différentes d'un contexte à l'autre, voire d'une lecture ou d'une rédaction à l'autre du même texte, a fortiori d'une traduction à l'autre. On l'a vu à propos de la bénédiction d'Abraham: "toutes les nations se béniront en ton nom", ça peut être 1) "tu seras un exemple proverbial de bonheur auquel tous les peuples se référeront dans leurs formules de bénédiction", auquel cas ça ne parle que d'Abraham et de sa descendance et ça ne dit strictement rien du sort des nations; OU BIEN 2) toutes les nations seront effectivement bénies = tireront des bienfaits par ton nom = par toi, par ta descendance, etc. -- et là encore il y aura plus d'une façon de penser comment (efficacité "magique" de la bénédiction sans condition, ou condition au contraire, d'association ou de soumission à Israël, de conversion au judaïsme ou au christianisme, et ainsi de suite). De même, le discours sur les "nations" qu'on peut trouver dans les Psaumes ou un certain nombre d'oracles prophétiques, quand il n'est pas franchement hostile, peut s'interpréter très différemment: soumission (y compris violente et forcée) des "nations" à Israël/Juda, conversion-prosélytisme, bienfaits en retour d'une certaine bienveillance à l'égard d'Israël, jusqu'à un "universalisme" où les nations sont bénies comme Israël, voire à sa place...
Tout cela ne fait pas beaucoup avancer l'exégèse du psaume 67, mais d'une part je trouve celle de Meynet excellente et je ne vois rien à y redire ni à y ajouter (mais ça va peut-être venir), d'autre part je pense qu'il n'est pas inutile de refaire le tour du problème que pose le mot même de "nations" avant de considérer ce que tel ou tel texte en dit. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Ven 19 Fév 2021, 10:39 | |
| - Citation :
- Tout cela ne fait pas beaucoup avancer l'exégèse du psaume 67, mais d'une part je trouve celle de Meynet excellente et je ne vois rien à y redire ni à y ajouter (mais ça va peut-être venir), d'autre part je pense qu'il n'est pas inutile de refaire le tour du problème que pose le mot même de "nations" avant de considérer ce que tel ou tel texte en dit.
Merci Narkissos pour toutes ces précisions ... Le Ps 67 est très beau et effectivement l'analyse de Meynet est éclairante. Les Psaumes hostiles aux nations mettent en valeur le privilège de l'élection d’Israël, comme le Psaume 33 (10-12) ou l'opposition de Dieu aux nations est la conséquence de son attachement à Israël : " Le SEIGNEUR déjoue les projets des nations, il contrecarre les pensées des peuples ; les projets du SEIGNEUR tiennent pour toujours, et les pensées de son cœur, de génération en génération. Heureuse la nation qui a le SEIGNEUR (YHWH) pour Dieu, le peuple qu'il s'est choisi pour patrimoine !" Le Ps 44,3-4 rappelle l'agir de Dieu en faveur de son peuple : " De ta main tu as dépossédé des nations pour les planter, tu as frappé des peuples pour leur permettre de s'étendre. Car ce n'est pas avec leur épée qu'ils ont pris possession du pays, ce n'est pas leur bras qui les a sauvés ; mais c'est ta main droite, c'est ton bras, c'est la lumière de ta face, parce que tu leur étais favorable". Dans un premier temps, le Psaume 44 rappelle ce qui a été entendu des générations précédentes, ce que les pères ont raconté de leur expérience de l'agir divin. Le Dieu auquel il s'adresse est aussi l'objet à la fois de ce que les pères ont transmis et de l'anamnèse du groupe qui s'y exprime à la première personne du pluriel. Le psaume ne se contente pas d'affirmer que les pères ont raconté ; il annonce en tout premier lieu que la communauté qui fait mémoire a entendu de ses oreilles, de sorte que l'insistance porte sur la réception du message transmis. Si la perspective de la transmission de génération en génération joue un rôle important dans la tradition deutéronomiste (cf. Ex 13,14 ; Dt 6,20-25 ; 31,10-13 ; Ps 78,3-4) et dans la littérature de sagesse, Ps 44,2 n'inscrit pas toutefois la récitation historique dans un tel processus : la visée de cette mémoire du passé n'est pas de communiquer aux générations suivantes mais de placer ELOHIM face aux bienfaits autrefois accordés, à une relation passée où il agissait en faveur de son peuple.Le texte insiste d'abord sur l'agir divin aux profits des pères dans un temps révolu : il s'agit de l'oeuvre que ELOHIM a faite « en leur temps, au temps d'autrefois ». De ces oeuvres divines, le psaume ne retient que le don de la terre : pour les implanter, de ta main, tu as dépossédé des nations, et pour les déployer tu as malmené des peuples (v. 3). La référence au don de la terre s'exprime par deux actions négatives : déposséder )ירש( les nations et maltraiter )רעע( les peuples, et, deux actions positives : implanter )נטע( et déployer )שלח( les pères. Le verbe ,ירש dont c'est la seule occurrence au hifil dans les psaumes, est utilisé avec les mêmes sujet et complément dans la tradition deutéronomiste qui se réfère au don de la terre 4 . Quant au verbe רעע il n'est utilisé que dans ce psaume avec Dieu pour sujet et des peuples pour complément ; l'expression en son entier est en parallèle à tu as dépossédé des nations. En ce qui concerne les actions positives, le premier verbe )נטע ( a Dieu pour sujet et le peuple pour objet en Ex 15,17 ; Jr 2,21 ; 11,17 et en Jr 24,6 ; 32,41, sous forme de promesse du retour d'exil. Le second )שלח( est d'un usage fréquent mais n'apparaît pas ailleurs avec un sens semblable à celui du psaume. Il est certes possible de comprendre, comme le fait la LXX, que Dieu a maltraité les peuples et les a renvoyés. Mais le parallélisme des versets dans le TM invite plutôt à comprendre que Dieu a planté et déployé Israël. Ps 44,4 précise que la conquête de la terre n'est pas le fruit d'actions humaines mais oeuvre divine. Le verbe ירש du v. 3 réapparaît au qal et dans un stique qui a pour but d'accentuer le fait que ce n'est pas le peuple qui, par son épée, a possédé le pays.https://www.academia.edu/15888936/_Une_v%C3%A9rit%C3%A9_en_d%C3%A9bat_le_Psaume_44_dans_La_th%C3%A9ologie_et_le_travail_de_la_foi_M%C3%A9langes_offerts_%C3%A0_Henri_J%C3%A9r%C3%B4me_Gagey_Paris_Salvator_2015_pp_217_227?auto=download |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Ven 19 Fév 2021, 13:10 | |
| N.B.: Dans le psaume 33,10ss c'est bien goy, au pluriel au v. 10 (le "conseil" ou les "projets" des goyim) et au singulier au v. 12 (bienheureux le goy): Israël est a priori un goy comme un autre, même s'il s'estime particulièrement "bienheureux" ou "béni" par son dieu tutélaire (les autres évidemment peuvent en dire autant), et les (autres) goyim ne sont pas distingués comme "païens". A priori toujours, puisque la connotation péjorative des goyim-"nations" va forcément s'insinuer dans la lecture, sans que le texte même ne change, à mesure de l'évolution "religieuse" d'Israël et du judaïsme (monolâtrie -> monothéisme): avoir pour dieu un dieu comme les autres, ou le meilleur et le plus fort, ou finalement le seul, cela affecte nécessairement le regard qu'on porte sur les autres et leur(s) dieu(x).
En Psaume 44,3, le sens du dernier verbe (šlh = envoyer) reste à mon sens ambigu: on peut sans doute comprendre "déployer" (les pères -> Israël) dans la suite de "planter" comme le fait Sophie Ramond, mais aussi "renvoyer" (les autres peuples) comme le comprend la Septante. L'intérêt principal de l'article (et du psaume) n'est toutefois pas là, mais bien dans le contraste entre le malheur "national" présent et les triomphes du lointain passé attribués aux exploits de Yahvé (cf. p. ex. Isaïe 63--64, que nous avons souvent commenté sous ce rapport: pourquoi c'était mieux avant, pourquoi les miracles c'est toujours autrefois), qui n'est pas expliqué par une infidélité (comme le voudrait la logique, deutéronomiste ou subséquente, de la "rétribution"). A cet égard on est plus près de Job (hormis le caractère individuel et censément "non-juif" de la plainte de Job), et à vrai dire c'est le cas de plusieurs psaumes (le critère décisif étant la présence ou l'absence de "repentance": ici il n'y en a aucune, c'est exactement le contraire, une "protestation d'innocence"). |
| | | free
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Mer 24 Fév 2021, 10:23 | |
| "Pourquoi les nations diraient-elles : Où est leur Dieu ? Qu'elle soit connue parmi les nations, sous nos yeux, la vengeance du sang de tes serviteurs, qui a été répandu !" (79,10) ET "pour exercer la vengeance sur les nations, des châtiments parmi les peuples" (149,7)
Dans ces textes, les nations sont le sujet d’un désir de vengeance, les auteurs ne semblent pas désirer un rapprochement mais une séparation très nette entre Israël et les nations avec la volonté de préserver la "pureté" ethnique Israël, dans la même pensée que les livres d’Esdras et Néhémie :
Les Juifs et leurs voisins à l'époque perse, hellénistique et romaine Uriel Rappaport, Sylvie Cohen
Concernant les rapports avec les voisins l'influence Esdras et de Néhémie ne fut pas des moindres même si au début du moins elle fut plus psychologique qu'institutionnelle. Cette conception des voisins considérés comme des peuples abominables Esdras 9, 1, 14) vautrés dans impureté ... par les impuretés des peuples du pays et par leurs abominations dont ils ont empli d'un bout à l'autre dans leur impureté 9, 11) influa nécessairement sur les sentiments des Juifs envers leurs voisins non-Juifs et sur les rapports qu'une partie des Juifs de Judée tout le moins entretenait avec ces voisins Les sources historiques mettent clairement en lumière la différence existant entre attitude des Juifs vis-à-vis de leurs voisins et des étrangers et celle qui avait cours dans les autres peuples. https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1996_num_51_5_410900#ahess_0395-2649_1996_num_51_5_T1_0961_0000
Comment caractériser au mieux ce modèle identitaire sous-jacent à l’historiographie judéenne tardive ? Commençons par évoquer les livres d’Esdras et Néhémie dont le souci premier est un renouveau religieux total à Jérusalem et en Judée (Esd 1-2), suivi en son aspect unificateur par le rétablissement concret et physique de l’habitation et de l’installation à Jérusalem et en Judée (Esd 3-6), et pour finir, par l’établissement et l’affermissement de la communauté judéenne qualifiée de « semence sainte » (Esd 7-10). De manière assez curieuse cependant, le regard porté sur « l’autre lointain » (c’est-à-dire le pouvoir perse) reste dans l’ensemble positif ; seul le « proche » est rejeté. En quoi les livres d’Esdras et Néhémie s’apparentent au modèle deutéronomique, notamment la distinction posée dans la loi de la guerre entre « toutes les villes qui sont très éloignées de toi » et « les villes de ces nations-ci que le SEIGNEUR ton Dieu te donne comme patrimoine » (Dt 20, 10-18). https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2015-1-page-69.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Mer 24 Fév 2021, 11:07 | |
| Pour rappel:
1) l'historiographie "biblique" antérieure et sous-jacente à celle des Chroniques (Samuel-Rois) est elle-même en grande partie postexilique et donc d'"époque perse"; bien sûr ladite "époque perse" est longue (plus de deux siècles, de Cyrus à Alexandre) et laisse toute sa place à une progression (irrégulière et inégale selon les milieux) des "motifs perses" en tout genre, historiographiques, littéraires mais aussi théologiques (dualisme, angélologie, démonologie, eschatologie...): le judaïsme ne sera jamais aussi "perse" qu'après l'époque perse, aux époques hellénistique et romaine;
2) l'identitarisme juif (c.-à-d judéen dans un premier temps, à partir de la refondation de la communauté de retour d'exil à Jérusalem) s'oppose avant tout à d'autres "Israélites", ceux qui ne sont jamais partis en exil: c'est sur eux que pèsent au premier chef toutes les accusations d'impureté, ethnique, linguistique et religieuse; ce sont eux "le(s) peuple(s) du/des pays" constamment vilipendés, ce qui contribue à la constitution de la double figure symétrique des "Samaritains" (comme adversaires-concurrents contemporains) et des "Cananéens" (projetés dans le passé, sur la légende fondatrice de la "conquête");
3) la règle qui veut sue le pire ennemi soit toujours le plus proche ne se limite malheureusement pas à l'historiographie juive ou judéenne, mais celle-ci l'illustre à merveille et, du fait même de son succès ultérieur et involontaire (reprise de "l'Ancien Testament" par le christianisme), a joué un rôle fondateur de tous les identitarismes pour les millénaires à venir; comme on l'a vu ailleurs, les théoriciens racialistes du nazisme se sont expressément inspirés du modèle d'Esdras-Néhémie, et ils se sont fait un plaisir de l'invoquer face à la communauté judéo-allemande (pour commencer), d'autant qu'au sein de celle-ci elle trouvait un écho inespéré dans le "sionisme" (qui s'inspirait sans doute plus des Maccabées que d'Esdras-Néhémie, mais il y avait tout de même là une certaine continuité)... |
| | | free
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Mer 24 Fév 2021, 13:52 | |
| "Chantez pour le SEIGNEUR un chant nouveau ! Chante pour le SEIGNEUR, terre entière ! Chantez pour le SEIGNEUR, bénissez son nom, annoncez jour après jour la bonne nouvelle de son salut ! Dites parmi les nations sa gloire, racontez parmi tous les peuples ses actes étonnants ! Car le SEIGNEUR est grand et digne de toute louange : il est redoutable, plus que tous les dieux ... Dites parmi les nations : C'est le SEIGNEUR (YHWH) qui est roi ! — Ainsi le monde est ferme, il ne vacille pas. —Il juge les peuples avec droiture". (Ps 96,1-10)
Les nations reconnaissent la royauté de Yhwh, et sont invitées à bénéficier du salut , ces nations sont témoins de la justice de Yhwh ("Le SEIGNEUR a fait connaître son salut, il a dévoilé sa justice sous les yeux des nations" - Ps 98,2) et du salut dont bénéficie Israël :
"Alors notre bouche était pleine de rires, et notre langue poussait des cris de joie ; alors on disait parmi les nations : Le SEIGNEUR a fait pour eux de grandes choses !" (Ps 126, 2).
Ces psaumes déploient une idéologie non ethnique et ou les nations bénéficient de l’action universelle de Yhwh. L’expression "parmi les nations" est une expression qui peut se référer à la situation de la diaspora. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Mer 24 Fév 2021, 17:11 | |
| Le psaume 96 me semble plus clairement "universaliste" (dans la ligne du 67) que le 126, où les "nations" ne sont que spectatrices et admiratives de la restauration de Jérusalem, sans qu'un lien quelconque de celles-ci à Yahvé soit jamais évoqué. De même la situation de diaspora est plus apparente au 96 qu'au 126 où ce qui se dit "parmi les nations" n'est que le discours des "nations" elles-mêmes sur une tierce "nation" ("eux", 3e personne du pluriel). --- Je n'avais eu le temps, ce matin, que de survoler les articles de Rappaport et d'Abadie que tu nous avais proposés; maintenant que j'ai pu les parcourir plus tranquillement, je tiens à dire qu'ils sont extrêmement instructifs: pour le premier, sur le rapport différencié de la communauté judéenne à ses voisins -- au IVe siècle (à l'époque de Néhémie et d'Esdras, dont le rapport chronologique est probablement contraire à celui qu'on imagine en général: Néhémie avant Esdras) il n'y a pas que (la) Samarie au Nord, il y a aussi "Edom" au sud (même si le référent bouge, de l'Edom antérieur à l'Idumée gréco-romaine, sur le plan géographique autant qu'ethnique ou religieux), les "Ashdodites" à l'ouest (dans une relation également complexe avec les "Philistins" pré-exiliques) et les "Ammonites" à l'est (Tobie au nom bien "yahwiste" dans Esdras-Néhémie): tout ce monde-là se considère naturellement "israélite" au sens large, aux plans ethnique et religieux (c'est aussi la carte des parentés et des alliances d'Abraham dans la Genèse) et se sent concerné par la restauration de Jérusalem et du temple, c'est le parti de Néhémie et d'Esdras qui les repousse; pour le second (article), sur l'ensemble de l'historiographie des Chroniques et sa relation à l'historiographie perse, qui a aussi influencé (tout autrement) l'historiographie grecque. On peut y revenir plus en détail, ici ou ailleurs. En tout cas, on ne rappellera jamais assez que chaque fois que nous lisons un texte "biblique" (qu'il s'agisse d'Esdras-Néhémie, des Chroniques, de Samuel-Rois, de tel ou tel psaume, ou de tel ou tel "prophète"), nous avons affaire à un "point de vue" -- quelquefois à plusieurs, jamais à tous. Le fait que de son aveu même l'exclusivisme "judéo-judéen" d'Esdras-Néhémie, lui-même de provenance "étrangère" (babylonienne ou perse), se heurte non seulement à ceux qu'il qualifie d'"étrangers" (quoi qu'ils ne le soient nullement à leurs propres yeux) mais aussi à une aristocratie, à une prêtrise et à un prophétisme judéens est à cet égard des plus significatifs. --- Le mot le plus problématique dans ton titre est certainement celui de " salut" (on en a beaucoup parlé ailleurs, mais cela aussi mérite quelques rappels): si l'on part du concept chrétien qui a formé l'usage de notre mot, c'est-à-dire un " salut" individuel et éternel, au "ciel", dans un "au-delà" ou un "autre monde", on est à peu près sûr de ne rien comprendre à l'usage du même mot dans la traduction de la quasi-totalité des textes de l'AT (et même de comprendre de travers la plupart des textes du NT): à partir d'une telle définition, la question de l'"universalisme" est celle de l'éternisation heureuse de la totalité des individus humains ou assimilés, sans exception (et la question des exceptions devient alors cruciale, qu'il s'agisse de "Judas" ou du "diable" chez les Pères de l'Eglise). Ce n'est quasiment jamais la perspective des textes de l'AT qui envisagent au mieux un "bonheur" collectif, humain et terrestre, aussi idéal que flou, comme la fin d'une histoire qui "finit bien" pour tout le monde (mais tout le monde c'est toujours des "peuples", Israël et "les nations" le cas échéant). Là où émerge une idée plus "spirituelle" du " salut" au-delà de la mort, comme on l'a vu dans d'autres psaumes, la perspective est au contraire strictement individuelle, d'un orant qui parle à la première personne (tu me prendras, etc.) et ne se soucie nullement de l'avenir (historique jusqu'à l'horizon indéfini de la "bonne fin") des peuples ou du monde. Ces deux perspectives ne se rencontreront que très tard, à l'époque hellénistique et romaine -- là où on peut commencer à parler de "religions de salut" (individuel), ce qui vaut aussi bien pour le christianisme que pour le pharisaïsme ou les "mystères" païens. Mais sur cette base nouvelle la question de l'"universalisme" se re-posera tout autrement (nous seulement, les élus, ou tous les individus à la fin), et dans un second temps (dans le christianisme c'est typiquement le débat sur l'apocatastase, à partir d'Origène). |
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Jeu 25 Fév 2021, 10:40 | |
| Le Psaume 60 (59) est un peu déconcertant car il comporte bien des noms étrangers qui nous déroutent (Soukkôt, Galaad…). Une fois cette difficulté surmontée cependant, cette prière nous saisit par sa beauté dramatique. C’est une lamentation après une défaite, et chacun de nous se trouve un jour dans cette situation : un affaissement après l’échec, puis une prière qui amorce une remontée. Nous présentons ici la version française de la liturgie des heures.3 Dieu, tu nous as rejetés, brisés; tu étais en colère, reviens-nous! 4 Tu as secoué, disloqué le pays; répare ses brèches : il s’effondre.5 Tu mets à dure épreuve ton peuple, tu nous fais boire un vin de vertige. 6 Tu as donné un étendard à tes fidèles, était-ce pour qu’ils fuient devant l’arc?7 Que tes bien-aimés soient libérés; sauve-les par ta droite, réponds-nous!8 Dans le sanctuaire, Dieu a parlé : « Je triomphe! Je partage Sichem, je divise la vallée de Soukkôt.9« À moi Galaad, à moi Manassé! Éphraïm est le casque de ma tête, Juda, mon bâton de commandement.10 « Moab est le bassin où je me lave; sur Édom, je pose le talon. Crieras-tu victoire sur moi, Philistie? »11 Qui me conduira dans la Ville-forte, qui me mènera jusqu’en Édom, 12 sinon toi, Dieu, qui nous rejettes et ne sors plus avec nos armées?13 Porte-nous secours dans l’épreuve : néant, le salut qui vient des hommes! 14 Avec Dieu nous ferons des prouesses, et lui piétinera nos oppresseurs !Les premiers versets font une constatation. Les ennemis qui viennent presque toujours du Nord ont triomphé. Le pays est ruiné et même l’étendard (verset 6) mènerait l’armée dans un repli vers le Sud. Le Psalmiste lance un cri vers Dieu en faveur des combattants : « Sauve-les! » (verset 7) Quoi de mieux quand les choses vont mal que d’évoquer de meilleurs jours! Une voix dans le temple résume les victoires du passé en assumant le rôle de Dieu : « Je triomphe! » (verset Au temps de Josué, c’était succès sur succès : Sichem, Soukkôt, qui sont au centre de la Palestine, puis Galaad, Manassé au Nord-Est. Moab est un territoire vassal à l’est de la mer Morte. Moab est comparé à un esclave qui lave les pieds de son maître en signe de soumission. « Moab est le bassin où je me lave. » (verset 10) La tribu d’Éphraïm et celle de Juda ont été les chefs à réussite dans la conquête. « Éphraïm est le casque de ma tête, Juda, mon bâton de commandement. » (verset 9). http://www.interbible.org/interBible/cithare/psaumes/2006/psa_061006.htm |
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Jeu 25 Fév 2021, 11:19 | |
| Comme quoi, dans les Psaumes, il n'y a pas que l'individuel qui se prête à ré-appropriation infinie: les récriminations d'un peuple vaincu peuvent aussi servir à l'expression du ressentiment d'un catholicisme en déconfiture... (cf. la suite de l'article).
En tout cas ce qui est rêvé ici, aussi bien sur le mode de la nostalgie de la "conquête" ou de l'"empire" présumés (le "grand Israël" associé autant à David-Salomon qu'à Josué dans l'historiographie dominante) que sur celui de l'espoir, in extremis, d'improbables victoires à venir, est aux antipodes de tout "universalisme"; non seulement parce qu'il reste dans la perspective d'une domination politico-militaire d'Israël, au passé ou au futur imaginaires contrastant avec la réalité présente, mais encore parce qu'il se borne aux "nations" voisines -- ou plus exactement à leurs territoires, car en fait les peuples concernés n'y jouent aucun rôle, ils seraient aussi bien éliminés (ce qui n'est évidemment pas le cas de tous les textes des Psaumes et des Prophètes, même ceux qui conditionnent un "salut" des "nations" à une suprématie d'Israël). |
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Ven 26 Fév 2021, 13:36 | |
| De nombreux psaumes soulignent et célèbrent, la beauté, la centralité et l'invulnérabilité de Jérusalem (Ps 2 ; 46 ; 48 ...) .. U extrait :
Le nom de Jérusalem apparaît 17 fois dans les Psaumes, et 38 fois revient son nom poétique, Sion, la colline où David décida d’établir sa ville. Des poèmes entiers sont même appelés “ Psaumes de Sion ” : les Ps 46, 48, 76, 84, 87 et 122. On peut encore y Joindre les “ Psaumes des Montées ”, les cantiques des pèlerins en marche vers Jérusalem, les Ps 120 à 134.
Une résidence choisie
“ Le Seigneur a fait choix de Sion, elle est le séjour qu’il désire ”, dit le Ps 132. Ainsi la décision de David, confirmée par Salomon, est prise à son compte par Dieu. C’est là qu’il “ bâtit son sanctuaire pareil aux cimes ” (Ps 78,69). Aussi librement qu’il a élu la tribu de Juda (le quatrième fils de Jacob), puis David (le plus jeune des fils de Jessé), le Seigneur a choisi “ la montagne de Sion qu’il aime ”. “ En Juda Dieu s'est fait connaître... À Salem II a fixé sa tente ” (Ps 76,2-3). C’est donc là qu’il faut le chercher : “ Dieu qui es en Sion... Jusqu’à toi qui entends la prière, tout être de chair peut venir ” (Ps 65,2). Non seulement les fidèles de ce Dieu sont invités à se tourner vers le lieu où il réside, mais c’est leur patrimoine et “ ceux qui aiment son nom y feront leur demeure ” avec lui (Ps 69,37). C’est un amour passionné que chante sur tous les tons l'extraordinaire Ps 84 : “ Puisqu’un jour dans tes parvis en vaut plus de mille, j’ai choisi : plutôt rester au seuil de la maison de mon Dieu que de loger sous les tentes des infidèles ”. Au choix premier de Dieu répond le choix de ses fidèles.
Joie de la terre
La ville de Dieu est admirable. Elle brille de la splendeur même de celui qui y habite : “ De Sion, beauté parfaite, Dieu resplendit ” (Ps 50,2). Elle éclipse toutes les autres cités des dieux. Il n’est, pour s’en convaincre, que de regarder ses remparts, de dénombrer ses palais. En un mot, “ belle et altière, elle réjouit toute la terre ” (Ps 48). Jérusalem mérite d’être louée parce que “ bien bâtie, ville d’un seul tenant ” (Ps 122,3) et c’est une joie immense que de s’y rendre. Plus encore, “ là le Seigneur a décidé de bénir; c’est la vie pour toujours ” dit le Ps 133. Comme un refrain dans la prière revient le souhait : “ Que le seigneur te bénisse depuis Sion ”. Aux “ récits de gloire ” que l’on peut faire sur la ville de Dieu, le Ps 87 associe la vie surabondante qui y trouve ses sources, non seulement pour les Israélites, mais pour tous les humains : “ On peut dire de Sion : en elle tout homme est né ”. Étonnante attestation d’une vocation universelle déjà perçue par le psalmiste : la ville comblée par Dieu est le berceau de la foi pour l’humanité entière.
Citadelle inébranlable
Belle et ouverte, Jérusalem est aussi une citadelle sûre. Dieu l’affermit pour toujours (Ps 48,9). Des montagnes l’entourent, mais surtout le Seigneur “ entoure son peuple, dès maintenant et pour toujours ”. Lui, le refuge, le Fort, le Rocher, est toujours au milieu d’elle, Tout puissant, secours constamment offert (Ps 46 et 125). Comment serait-elle ébranlée ? Pourtant, se plaint un autre psalmiste, il est arrivé que les nations envahissent ce patrimoine, qu’elles souillent le Temple saint et mettent en ruines Jérusalem (Ps 79,1). Dieu aurait-il oublié sa promesse ? Non, il continue à veiller. Alors la supplication se fait plus ardente aux Jours de malheur et la confiance ne défaille pas : “ Tu te lèveras par amour pour Sion... Le Seigneur rebâtira Sion et deviendra visible dans sa gloire ” (Ps 102). Alors la ville sera encore plus glorieuse et vivante : “ Il a renforcé les verrous de tes portes, il a chez toi béni tes fils; lui qui donne la paix à ton territoire, il te rassasie de fleur de froment ” (Ps 147,13-14). https://www.bible-service.net/extranet/current/pages/1590.html |
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Ven 26 Fév 2021, 13:59 | |
| Tout cela laisse aujourd'hui un goût plutôt amer, qui pour être anachronique n'est peut-être pas très éloigné de sa saveur d'origine -- voir ou revoir l'article d'U. Rappaport (supra 24.2.2021), lui-même israélien, sur les enjeux politico-religieux de "Jérusalem" à l'époque perse et au-delà.
(Je ne suis allé qu'une fois à Jérusalem, dans un "voyage d'études" qui n'était pas exactement un "pèlerinage", mais je suppose qu'un certain nombre de "pèlerins", juifs, chrétiens ou musulmans, ont pu éprouver un sentiment analogue, et probablement encore plus troublant pour eux: l'étonnement de ne rien ressentir, ou très peu, dans un lieu préalablement surchargé de sentiments en tout genre -- autre effet du "phénomène saturé" dont on parlait il y a peu sur un tout autre sujet. Les meilleurs souvenirs que j'en garde sont des endroits qui n'avaient rien de religieux, comme les marchés arabes de la Vieille ville -- ou, tout à fait ailleurs, de la Galilée ou du Néguev, des sites archéologiques comme Tell Dan ou Qoumrân, la synagogue de Tibériade...)
Pour un regard (plus ou moins) positif sur les "nations" dans les Psaumes, on peut aussi noter 22,28s; 47,7ss; 66,8; 68,32s; 72,8ss; 86,9; 87 (celui-ci aussi intéressant qu'énigmatique); 102,22s; 117; 148,11. |
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Lun 01 Mar 2021, 10:10 | |
| - Citation :
- Pour un regard (plus ou moins) positif sur les "nations" dans les Psaumes, on peut aussi noter 22,28s; 47,7ss; 66,8; 68,32s; 72,8ss; 86,9; 87; 102,22s; 117; 148,11.
" Ainsi parle le SEIGNEUR : Veillez à l'équité, agissez selon la justice ; car mon salut est près d'arriver, ma justice est sur le point de se dévoiler. Heureux l'homme qui fait cela, l'être humain qui s'y tient, observant le sabbat, pour ne pas le profaner, et gardant sa main de toute action mauvaise ! Que l'étranger qui s'attache au SEIGNEUR ne dise pas : Le SEIGNEUR me séparera de son peuple ! Que l'eunuque ne dise pas : Je suis un arbre sec ! Car voici ce que dit le SEIGNEUR aux eunuques qui observent mes sabbats, qui choisissent ce à quoi je prends plaisir et qui demeurent fermes dans mon alliance : Je leur donnerai dans ma maison et dans mes murs un monument et un nom meilleurs que des fils et des filles ; je leur donnerai un nom pour toujours, il ne sera jamais retranché.Quant aux étrangers qui s'attacheront au SEIGNEUR afin d'officier pour lui, qui aimeront le nom du SEIGNEUR au point de devenir ses serviteurs, tous ceux qui observeront le sabbat en se gardant de le profaner, et qui demeureront fermes dans mon alliance, je les amènerai dans ma montagne sacrée et je les réjouirai dans ma maison de prière ; leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel ; car ma maison sera appelée« Maison de prière pour tous les peuples ». (Es 56,1ss). Es 56 souligne que le culte de Yhwh n'est plus réservé exclusivement à Israël mais à tous ceux qui gardent le droit et pratique la justice. Les v3-8 décrivent Yhwh comme celui qui rassemble toutes nations autour d'un culte unique. L'étranger qui observe la sabbat et la loi ne sera pas rejeté (56,3). En Es 60, non seulement l'universalité est fortement présente mais elle est liée à la "fin", Jérusalem deviendra la lumière du monde entier, les rois et les nations vont se diriger vers elle (60,3). Tous les peuples affluent et se rassembleront dans la ville de Dieu (60,4). En Es 60, exprime l'universalité du culte. Néanmoins, il faut noter que cette situation est la conséquence du fait que les "nations/oppresseurs deviennent le serviteurs d'Israël (60,14) : " Lève-toi, brille : ta lumière arrive, la gloire du SEIGNEUR se lève sur toi. Certes, les ténèbres couvrent la terre et une obscurité épaisse recouvre les peuples ; mais sur toi le SEIGNEUR se lève, sur toi sa gloire apparaît. Des nations marcheront à ta lumière et des rois à la clarté de ton aurore". (Es 60,1-3). |
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Lun 01 Mar 2021, 10:53 | |
| L'"universalisme" ethnique (pourvu qu'on n'y introduise pas la notion anachronique de " salut" éternel et individuel, cf. supra 24.2.2021) est en effet beaucoup plus clair dans les textes tardifs du livre d'Isaïe -- non seulement dans lesdits "trito-" (56ss; cf. également 61 et 66) et "deutéro-" (40--55, cf. notamment 42,1ss; 49,6ss.22; 51,4s; 55,5ss), aussi dans les développements secondaires du "proto-": 2,1ss; 8,23; 11,10ss; 12,4ss; 14,1s; 19,18ss; 25,3ss. Rappaport ( ibidem, p. 965s) soulignait d'ailleurs que le parti "exclusiviste" d'Esdras-Néhémie rencontrait une vive opposition dans le milieu "prophétique" (Néhémie 6), qui pourrait se rattacher à cette tendance "universaliste" perceptible dans les rédactions d'Isaïe et d'autres "Prophètes". Isaïe 56 suggère cependant une sorte de "conversion" individuelle (comme le récit de Naaman dans le cycle d'Elisée, 2 Rois, ou le livre de Ruth) qui va avoir des effets importants dans le judaïsme ultérieur, en se complexifiant avec la distinction des "prosélytes" à part entière (circoncis s'ils sont mâles) et des "sympathisants" ou "craignant-Dieu" (le cas de l'eunuque exclu pour motif rituel, selon la Torah, mais acceptable selon une vision plus large de la "religion", fournit déjà un germe, ou une prise à cette différenciation future). La "conversion" individuelle entraînant aussi une sorte de " salut" individuel (sur la forme particulière, mémorielle, nominale et monumentale, que lui donne Isaïe 56, voir ici) qui dans un premier temps ne se confond pas avec le sort collectif des "nations" en général (p. ex. chap. 60), même si tout cela va forcément converger par la suite dans une "religion de salut". |
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Mar 02 Mar 2021, 11:43 | |
| Michée 4,1-5
Il adviendra à la fin des jours, le mont de la maison de Yhwh sera établi au sommet des montagnes lui sera élevé au-dessus des collines. Des peuples afflueront sur lui. 2 Des nations nombreuses iront et diront: «Allons, montons vers le mont de Yhwh et vers la maison du Dieu de Jacob. Il nous enseignera ses chemins et nous irons sur ses routes. Car de Sion sortira la Loi et de Jérusalem la parole de Yhwh». 3 Il jugera entre des peuples nombreux, il jugera des nations puissantes, jusqu'au loin. Ils broieront leurs épées en socs, leurs lances en serpes. Ils n'élèveront plus l'épée nation contre nation, ils n'apprendront plus la guerre. 4 Ils demeureront chacun sous sa vigne et sous son figuier, et il n'y aura personne d'effrayant. Car la bouche de Yhwh Seba'ot a parlé. 5 Certes tous les peuples iront chacun au nom de son dieu, et nous, nous irons au nom de Yhwh notre Dieu à tout jamais.
Après cette première étape, c'est la différence principale entre les deux textes, le grand «plus» michéen des versets 4-5a – qui doit être étudiée. Ce «plus» à de quoi surprendre le lecteur sur deux points au moins. On repère aisément que le verset 5a, qui affirme que tous les peuples irons ( ) au nom de son propre dieu, vient contredire les versets 1-2 ou ses mêmes peuples sont sensés se rendre à la montagne de Yhwh pour y apprendre sa Loi. Ce demi-vers est à tel point contradictoire qu'il a le plus souvent été considéré comme une glose ou un développement tardif. A première vue, le verset 4 peut paraître mieux en accord avec ce qui précède. Or, il n'en est rien car il faut observer que le type d'espoir présent au verset 4 est très différent de ce qui précède. En effet, après la grandiose description du pèlerinage universel à Jérusalem on retombe dans la modeste attente d'une paix paysanne ou chacun vit tranquillement installé sous son figuier (4a)7. En outre, en 4b la parole de «Yhwh des armées» a une connotation menaçante – qui laisse entendre que personne ne pourra plus être effrayant – alors qu'au versets 2-3 la parole de Yhwh a un sens beaucoup plus positif puisqu'elle engendre une attitude activement pacifique des nations – destruction des armes pour faire des outils etc. On constate donc que le «plus» michéen des v.4-5a vient contredire ou au moins corriger, les affirmations des versets précédents. Les magnifiques espérances de paix cosmique et d'adoration universelle de Yhwh des v. 1-3, sont contre balancées par des perspectives plus terre-à-terre aux versets 4-5a. La paix est celle ou chacun reste chez soi et vénère son propre dieu. http://www.unige.ch/theologie/distance/cours/ats2/lecon3/michee4.pdf |
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Mar 02 Mar 2021, 12:45 | |
| Document utile -- son côté "provisoire", pour ne pas dire "brouillon", lui donne les avantages et les inconvénients de l'esquisse, ou du schéma: la clarté y gagne ce que la nuance y perd (sans parler de l'orthographe).
Pour mettre (néanmoins) les points sur les "i", on est bien là dans des textes très tardifs, de la fin de l'époque perse au moins, puisque Michée 4 présuppose globalement Isaïe 2 qui présuppose le trito-Isaïe (56--66)...
L'interprétation du "plus michéen" (v. 4s) qui quant au contenu est un "moins", très en retrait par rapport aux affirmations communes d'Isaïe 2 // Michée 4,1-3, reste cependant problématique. L'hypothèse "ironique" (cf. la fin de l'article), si séduisante qu'elle soit, me paraît assez peu probable comme "intention" d'un rédacteur, mais elle peut certainement fonctionner ainsi pour le lecteur-auditeur du texte "définitif" (en matière de grande réconciliation universelle, on se contentera d'un petit "chacun chez soi", sous sa vigne, sous son figuier et avec son ou ses dieux). Toutefois le même effet pourrait aussi bien être le résultat accidentel de la juxtaposition d'un "grandiose" récent et d'un "modeste" plus ancien (idem pour les ruptures du chapitre 5 qui servent de comparaison)... |
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Mar 02 Mar 2021, 14:21 | |
| Noms et peuples La tradition rabbinique ramène la totalité des nations au nombre de 70, qui correspond aux premiers descendants de Noé énumérés par le livre de la Genèse. 70 est aussi un chiffre à valeur symbolique, combinant le 7 et le 10, et associé à une partie de l’arbre séfirotique. On le retrouve dans le nombre des descendants de Jacob descendus en Égypte, par conséquent à l’origine du peuple hébreu (Exode, I, 5), ainsi que dans le nombre des Sages choisis pour seconder Moïse pendant la traversée du désert, anticipation biblique du Grand Sanhédrin (Nombres, XI, 16). L’analogie numérique traduit une correspondance structurelle entre l’universalité des nations et la particularité d’Israël, considéré comme leur « aîné » et leur modèle métaphysique. Le Cantique de Moïse l’établirait en ces termes : « Quand le très-Haut a fixé l’héritage des nations, quand il a séparé les enfants d’Adam, il a établi les frontières des peuples d’après le nombre des enfants d’Israël » (Deut., XXXII, . Complémentarité Dans la situation idéale, Israël réalise sa vocation. A la suite d’Abraham, déjà promis à être « une bénédiction pour toutes les familles de la terre » (Gen., XII, 3), Israël est destiné à devenir « un royaume de prêtres (cohanim) et un peuple saint » (Ex., XIX, 6) ; le Temple qu’il construit à Jérusalem sera une « maison de prière pour tous les peuples » (Isaïe, LVI, 7). Dans le système des sefirot et des noms, cette centralité est l’équivalent exact de la centralité du Tétragramme, représentant de tiférèt. De même que l’émanation divine passe par la sefira de « tiférèt » pour se communiquer aux autres sefirot, de même la bénédiction venue d’en haut passe par Israël (peuple et territoire) pour se communiquer aux autres peuples du monde. Il n’y pas là seulement analogie mais condition réciproque : pour que le système « fonctionne », il faut qu’Israël vive sur sa terre d’après la loi de la Torah. Israël reçoit alors son être du « Nom » central, tandis que les nations, à travers leurs sarim, le reçoivent des noms ou attributs périphériques. Mais si le système se détraque (par exemple lorsqu’Israël désobéit et s’éloigne du Créateur) alors l’influx céleste retenu ne se dispense qu’avec parcimonie ; et quand il se dispense, il ne passe plus par les « canaux » réguliers (souvent brisés) mais se répand « au-dehors » par des voies inattendues (VIII 174-75). https://www.cairn.info/revue-pardes-2011-1-page-97.htm |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Mar 02 Mar 2021, 23:31 | |
| La tradition qabbalistique retrouve, sans le savoir et à plus de deux millénaires d'intervalle, la vieille mythologie levantine des 70 fils d'El = dieux (70 fils d'Athirat = Ashéra, parèdre d'El, dans le Cycle de Baal d'Ougarit; on retrouve le motif des 70 fils associé à Jérubbaal-Gédéon et Abdôn dans les Juges, chap. 8--9; 12; et à Achab dans 2 Rois 10), qui était aussi sous-jacente à Deutéronome 32,8, comme le révèle sa double correction fameuse: les "fils d'El" sont devenus "anges de dieu" dans la (bien-nommée) Septante et "fils d'Israël" dans le TM. Le curieux résultat de tout cela, qui implique trop d'"intentions" successives pour être le fruit d'une "intention" particulière, fût-elle la dernière à s'exprimer, c'est qu'"Israël" réinscrit en lui-même la "signature numérique", si je puis dire, de ce qu'il exclut: le nombre des "dieux" qu'il rejette ou qu'il nie et celui des "nations" dont il se sépare se retrouve(nt) dans celui des fils de Jacob-Israël descendant en Egypte ou dans celui des "anciens" qui voient Yahvé à la conclusion de l'"alliance". Et même dans la Septante, produite par un certain judaïsme (hellénistique) et rejetée par un autre (rabbinique), qui introduit dans la légende de son propre nom(bre) et dans la quasi-totalité de ses répliques, jusqu'au NT, le flottement entre 70 (7 x 10) et 72 (6 x 12, comme les tribus): à une langue et deux unités près, deux multiplications et deux symboles différents...
Chaque "mythologie" conjugue probablement à sa manière la particularité du peuple qui la produit, la reçoit et la porte, et l'universalité de ses "autres" telle qu'il se la représente, aussi "mythiques" l'une que l'autre -- la représentation (nomination, numération) des "autres", dieux ou nations (peuples, pays, langues) en l'occurrence, ce pourraient être aussi les animaux ou les astres, étant en un sens nécessaire et préalable à toute représentation de "soi". C'est une banalité que de le dire ainsi, du moins jusqu'à ce qu'on s'aperçoive que c'est à chaque fois autrement la même chose. |
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Mer 03 Mar 2021, 10:18 | |
| "Le SEIGNEUR (YHWH) des Armées fera pour tous les peuples, dans cette montagne, un banquet de mets succulents, un banquet de vins vieux, de mets succulents, pleins de moelle, de vins vieux, clarifiés. Dans cette montagne, il anéantira le voile qui voile tous les peuples, la couverture qui couvre toutes les nations ; il anéantira la mort pour toujours ; le Seigneur DIEU essuiera les larmes de tous les visages ; il fera disparaître de toute la terre le déshonneur de son peuple — c'est le SEIGNEUR qui parle" (Es 25,6-.Notes : Ésaïe 25:7 voile de deuil (v. 8 ; cf. 2S 15.30 ; 19.5 ; Jr 14.3s ; Est 6.12), peut-être aussi symbole d’aveuglement ou de méconnaissance de Dieu (cf. 29.10-12 ; 1R 19.13 ; Lc 2.32n ; 2Co 3.13-18).A lire les travaux récents > on a l'impression que le seul point d'exégèse discuté est l'authenticité en ce contexte de 8 a a. Selon certains il rompt une continuité entre 7 et 8 a ß, en ce sens que Dieu ne peut essuyer les larmes qu'après avoir écarté le voile qui recouvre les visages. Pour d'autres, plus nombreux, le voile du verset 7 étant un symbole de deuil, il est peu étonnant de voir annoncer aussitôt après la disparition de ce qui provoque les deuils. Le demi-hémistiche 8 a α reçoit d'ordinaire la portée la plus générale que ses mots autorisent, tandis que quelques-uns sont tentés de restreindre l'acception de la « mort » en en faisant une désignation hyperbolique du malheur. A ces questions, qui ne se situent pas au niveau premier de l'exégèse, les historiens de la religion d'Israël superposent celle de savoir si le demi-hémistiche n'a pas un substrat mythologique « cananéen » dont il prendrait, estime-t-on, le contrepied, et surtout celle de l'âge qu'on peut assigner à cette foi en une disparition de la mort. Mais ne faudrait-il pas se demander d'abord si Esaïe 25, 8 a α est réellement une leçon d'eschatologie ? La traduction reçue est-elle réellement fidèle au texte hébraïque et ne peut-on rendre autrement la phrase, quitte à la dépouiller de ce que l'on croit y voir de sublime ? Ce n'est là qu'un point particulier de ce que l'on croit y voir de sublime ? Ce n'est là qu'un point particulier dans l'examen d'une péricope célèbre, mais hérissée de difficultés que le lecteur des traductions modernes risque de ne pas entrevoir, alors que les Anciens témoignaient sur ce sujet de légitimes hésitations. https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1989_num_69_2_5015 |
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Mer 03 Mar 2021, 10:59 | |
| Exégèse "décoiffante", comme dirait quelqu'un... Elle ne semble pas avoir convaincu grand-monde depuis plus de trente ans (il y avait pourtant au moins un "fan" de Caquot au Comité de rédaction de la NBS, peu après la parution de cet article, mais je ne me souviens d'aucune discussion de ce passage dans ce sens; en tout cas l'annotation n'en aurait gardé aucune trace). La démonstration est sans doute difficile à suivre pour un non-hébraïsant, mais on peut se reporter à la traduction que Caquot propose à la fin de l'article pour comprendre de quoi il retourne -- en dépit de ses interprétations ultérieures, juives et chrétiennes, il n'y aurait originellement aucun " salut des nations" dans ce passage. C'est possible, ça se défend, ce n'est pas certain. Dans cette hypothèse, le texte serait beaucoup moins "original" qu'on ne le croit habituellement, il n'y aurait là qu'un développement plus ou moins ironique du thème "prophétique" de la "coupe" d'ivresse et de mort offerte aux "nations"; il n'y aurait pas non plus le renversement qu'on perçoit d'ordinaire de la Mort ou du dieu Môt, l'engloutisseur englouti, c'est lui (ou elle) qui, plus banalement, engloutirait tout le monde... Cela dit, il suffit d'un tour de réflexion de plus, ou de trop, pour que tout se rejoigne, dans le dos de tous les textes, de toutes les traductions et de tous les commentaires: rien de tel que la mort pour engloutir la mort, effacer les larmes et les visages... (cf. p. ex. ici ou là). |
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Jeu 04 Mar 2021, 15:23 | |
| 2.5. Les oracles contre les nations
Comme les livres de Jérémie, d'Ezékiel et d'Amos, le livre d'Esaïe (ch.13-23) comporte une longue série d'oracles contre les nations étrangères. Ces divers oracles naquirent indépendamment les uns des autres dans des circonstances variées (guerres etc...) et à des périodes allant de celle de la monarchie à après l'exil. Ils ont en outre été fréquemment réactualisés. Ces recueils de malédictions peuvent heurter la sensibilité des lecteurs croyants. Il faut pourtant leur rendre justice. Ils témoignent de la conviction que la souveraineté divine ne s'arrête pas aux frontières d'Israël, mais qu'elle s'étend sur toute la terre. Ils attestent aussi du fait que personne, si éloigné soit-il, n'est à l'abri de la justice du Dieu d'Israël.
D'une certaine manière, ce recueil d'oracles constitue une bonne introduction à l' «Apocalypse d'Esaïe», dont nous allons parler. En effet, ces annonces de malheurs universels ne sont pas sans rappeler le grand thème apocalyptique du combat de Dieu contre les forces néfastes du monde. http://www.unige.ch/theologie/distance/courslibre/atesadan2009/lecon2/esaie-intro.html |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Jeu 04 Mar 2021, 16:08 | |
| C'est pour le moins sommaire, mais c'est l'occasion de rappeler que les "oracles contre les nations" constituent un "genre" beaucoup plus ancien et abondant que les "oracles pour les nations". "Genre" néanmoins hétéroclite puisqu'il regroupe des textes visant une "nation" particulière ou plusieurs, petites ou grandes, proches ou lointaines, parfois imaginaires; liés ou non à des situations politico-militaires identifiables et dans ce cas d'époques et d'idéologies très variables; éventuellement interchangeables (un oracle écrit contre une "nation" peut être réécrit contre une autre) ou "transgenres", si j'ose dire (un texte "mythique" peut devenir "ethnique" ou "géopolitique", en passant p. ex. de "Rahab" à l'Egypte, d'une divinité astrale au roi de Babylone ou du keroub-chérubin de l'Eden au roi de Tyr). Nonobstant toutes ces différences de contenu, le "genre" est bien reconnu comme tel par les rédacteurs et compilateurs des "livres prophétiques", si l'on en juge par le regroupement systématique de cette "catégorie" d'oracles (dans Isaïe mais aussi dans les autres livres, et notamment dans les deux éditions de Jérémie que reflètent différemment le texte massorétique et la Septante, où ladite "catégorie" n'est pas au même endroit mais toujours groupée selon le "genre").
Il me semble en tout cas difficile de tirer une "théologie" globale d'un ensemble aussi hétérogène, qui implique des conceptions extrêmement diverses du divin -- de la concurrence locale, ethno-géographique, des dieux tutélaires de chaque "nation" à la maîtrise universelle d'un Dieu unique sur le monde et l'histoire.
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Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Ven 05 Mar 2021, 11:53 | |
| L’élection implique une destinée à caractère initiatique, jalonnée d’épreuves, voire de tourments, tant que le peuple juif ne se hisse pas pleinement au sommet de sa vocation, qu’il ne s’ajuste pas. Il suffit de lire la litanie des malédictions en Lévitique 26 ou en Deutéronome 28 pour mesurer, avec effroi, l’envers de la médaille. Le verset de Isaïe 48, 10 est particulièrement significatif : « Je t’ai éprouvé, non comme (la fonte) de l’argent ; Je t’ai choisi (behartikha) par le creuset de l’adversité ». Il y a certes, fort heureusement des bénédictions rattachées à cette vocation, mais comme finalement il s’agit d’un programme, d’un projet eschatologique, l’élu est plus candidat à l’élection que lauréat. Ou alors, comme le disait Tristan Bernard, en 1942, avec un trait d’humour noir : « J’appartiens à ce peuple qu’on a souvent appelé élu. Élu ? Enfin, disons en ballottage… » Le livre du Deutéronome indique que Dieu placera le peuple hébreu « très haut en louange et en renommée éclatante au-dessus de toutes les nations » (Dt 26, 19). Or cette renommée qui qualifie Israël de « grande nation » (alors que tu citais un autre passage – Dt 7, 7 – rappelant qu’il est le moins nombreux d’entre les peuples !) est d’ordre spirituel et moral. La grandeur est l’expression de la sagesse dans le comportement. Et celui-ci pourra, dans cet avenir radieux, être apprécié par les autres peuples qui en seront dès lors comme les témoins : Et vous les garderez et les pratiquerez ; car ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples qui entendront tous ces statuts et diront : « Quel peuple sage et intelligent que cette grande nation ! » 7Car quelle est la grande nation qui ait Dieu près d’elle, comme l’Éternel, notre Dieu, [est près de nous], dans tout ce pour quoi nous l’invoquons ? 8 Et quelle est la grande nation qui ait des statuts et des ordonnances justes, comme toute cette loi que je mets aujourd’hui devant vous ?. — (Dt 4, 4- https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2015-3-page-369.htm |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12460 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Ven 05 Mar 2021, 13:57 | |
| Pour un "dialogue" (de sourds) qui a été joué des milliers de fois en bientôt 2000 ans, l'interprétation de ce duo est nettement supérieur à la moyenne...
On voudrait à chaque phrase crier au malentendu et ça ne sert à rien: cas exemplaire, au point d'en être le seul exemple et de ne plus être un exemple de rien d'autre, donc de ne plus être un exemple du tout, de la déconstruction impossible d'une histoire du monde (de judaïsme et d'hellénisme en romano-christianisme, en islam, en modernité et en mondialisation), dont on perçoit à chaque étape le caractère artificiel, contingent et fortuit, mais dont on ne peut pas sortir parce qu'on en fait partie intégrante, même si on n'est ni juif, ni chrétien ni musulman. La fameuse phrase de Stephen Dedalus dans l'Ulysses de Joyce, History is a nightmare from which I am trying to awake, "l'histoire est un cauchemar dont j'essaie de me réveiller", part aussi d'un dialogue "judéo-chrétien" -- avec un antisémite.
A quoi bon répéter, démontrer même (rien de plus facile pour l'"histoire des religions"), que toute cette histoire d'"élection" est un faux problème, un vaste malentendu tragicomique, quand de fait c'est elle qui nous constitue, les uns avec et contre les autres ? A l'irréel du passé et par une double négation on peut toujours se dire que dès lors qu'on parle et qu'on pense ce qu'on dit on n'aurait pas pu ne pas penser l'unité, et la différence, et le tout et la nullité du tout; qu'on aurait pu les penser de mille autres manières mais qu'il aurait encore fallu les penser d'une manière et non d'une autre, dans une certaine séquence historique, linguistique, culturelle qui eût alors été tout aussi fatale que la nôtre...
Résultat, chacun pense dans son coin son "élection", et l'"inclusion" ou l'"exclusion" de ses autres, et le "dialogue" qui s'ensuit est tissé d'équivoques, de traductions im-possibles, d'offenses réciproques et compulsives et de diplomatie approximative, avec de temps en temps des signes discrets d'intelligence d'une rive à l'autre. |
| | | free
Nombre de messages : 10102 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: YHWH, Israël, les nations et le salut. Mar 09 Mar 2021, 10:44 | |
| La bénédiction des nationsToutes les familles de la terre seront bénies en toi ". La promesse, plusieurs fois répétée dans la Genèse (12.3 ; 18.18 ; 22.18 ; 26.4 ; 28.14) est citée deux fois dans le Nouveau Testament (Ac 3.25 et Ga 3.. La traduction habituelle par le passif (seront bénies) est-elle exacte ou devrait-on lui préférer la forme réfléchie (se béniront) ? La lecture de quatre traductions françaises usuelles, la version Segond révisée (Bible à la Colombe, BC), la traduction œcuménique (TOB), la Bible en français courant (BFC) et la Bible du Semeur (BS), laisse paraître un assez large accord pour le sens passif; seules deux d'entre elles, et en deux passages seulement (Gn 22.18 et 26.4), traduisent par le réfléchi: " C'est en ta descendance que se béniront toutes les nations de la terre" (TOB, Gn 22.18), " toutes les nations de la terre se diront bénies par ta descendance »(BC). La lecture des dictionnaires hébreux et des commentaires récents montre cependant une nette préférence pour le réfléchi ...... Comme l'entité (les familles de la terre) est collective, on peut envisager que certains membres du groupe en bénissent d'autres; on peut aussi comprendre « se bénir» dans le sens « s'estimer béni », sens attesté en Dt 29.18, ou « souhaiter être béni» (cf.Es 65.16).Si l'on s'en tient à l'identité de l'intermédiaire (Abraham) et des bénéficiaires (les nations), à la nature du bien accordé (la bénédiction), les interprétations envisagées paraissent équivalentes. On observera toutefois que l'effet de la bénédiction n'est pas garanti de la même manière: si le verbe est au passif, elle est assurée (les familles de la terre seront bénies), alors qu'elle n'est que souhaitée ou supposée si le verbe est réfléchi : les familles de la terre appelleront sur elles une bénédiction (sans être assurées de la recevoir) ou s'estimeront bénies (à tort ou à raison). Comme il s'agit d'une promesse, la différence est loin d'être négligeable. Il vaut donc la peine d'étudier de plus près la question. http://flte.fr/wp-content/uploads/2015/08/FR34-Benediction_nations.pdf |
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