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 Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien

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MessageSujet: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeLun 28 Juin 2021, 11:32

"Les disciples de Jean et les pharisiens jeûnaient. On vient lui dire : Pourquoi tes disciples à toi ne jeûnent-ils pas, alors que les disciples de Jean et les disciples des pharisiens jeûnent ? Jésus répondit : Les amis du marié peuvent-ils jeûner pendant que le marié est avec eux ? Aussi longtemps qu'ils ont le marié avec eux, ils ne peuvent jeûner. Les jours viendront où le marié leur sera enlevé ; alors ils jeûneront, en ce jour-là. Personne ne coud un morceau de drap neuf sur un vieil habit ; autrement la pièce tire sur le vêtement, le neuf sur le vieux, et il en résulte une déchirure pire. Et personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement le vin fait éclater les outres, et le vin et les outres sont perdus ; à vin nouveau, outres neuves ! " (Mc 2,18-22).


"Alors les disciples de Jean viennent lui demander : Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas, alors que nous et les pharisiens nous jeûnons souvent ? Jésus leur répondit : Les amis du marié peuvent-ils être en deuil tant que le marié est avec eux ? Les jours viendront où le marié leur sera enlevé ; alors ils jeûneront. Personne ne raccommode un vieux vêtement avec un morceau de drap neuf, car la pièce tire sur le vêtement et il en résulte une déchirure pire. On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement les outres éclatent, le vin se répand et les outres sont perdues ; on met le vin nouveau dans des outres neuves, et l'ensemble se conserve" (Mt 9,14-17).

"Ils lui dirent : Les disciples de Jean, comme ceux des pharisiens, jeûnent fréquemment et font des prières, alors que les tiens mangent et boivent. Jésus leur dit : Pouvez-vous faire jeûner les amis du marié pendant que le marié est avec eux ? Les jours viendront où le marié leur sera enlevé ; alors ils jeûneront, en ces jours-là. Il leur disait aussi une parabole : Personne ne déchire une pièce sur un habit neuf pour raccommoder un vieil habit ; autrement, il aura déchiré l'habit neuf et la pièce qu'il en aura prise ne sera pas assortie au vieux. Et personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement le vin nouveau fait éclater les outres, il se répand, et les outres sont perdues ; il faut mettre le vin nouveau dans des outres neuves ! Et personne, après avoir bu du vin vieux, n'en veut du nouveau, car il dit : Le vieux est bon !" (Luc 5,33-39).

Première remarque (je n'ai pas trop le temps), concernant cette polémique sur le jeûne, le récit n’oppose pas Jésus et les pharisiens, mais d’une manière assez étonnante, il oppose les disciples de Jésus avec ceux de Jean (chez Matthieu). Et la remarque ne vise pas l’interprétation de la Loi ou des grands principes doctrinaux, mais une simple question de repas : Pourquoi, alors que nous et les pharisiens, nous jeûnons, tes disciples ne jeûnent-ils pas ?


Dernière édition par free le Lun 28 Juin 2021, 14:27, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeLun 28 Juin 2021, 13:04

J'avais jadis tenté de lancer une discussion sur ce "thème" (de la nouveauté), sans succès -- d'autant que l'unique réponse, d'Hérode, a disparu entre-temps.

En ce qui concerne cette péricope synoptique, il faut rappeler d'abord que l'adjectif "nouveau" traduit plusieurs termes grecs différents, kainos qui est de loin le plus utilisé "théologiquement" dans le NT (nouvelle alliance ou nouveau testament, homme nouveau, vie nouvelle, commandement nouveau, etc.), neos qui signifie aussi "jeune", ici pour le "vin nouveau", mais qui est également susceptible d'emplois "théologiques" comme kainos (1 Corinthiens 5,7; Colossiens 3,10; Hébreux 12,24), et a-gnaphos qui est encore plus technique et de forme négative ou "privative" (a-, comme dans "a-thée"), pour la pièce de tissu "écru" ou "non apprêté, non blanchi, non lavé, non teint, non travaillé", etc. (cf. gnapheus pour le "foulon", "blanchisseur", "teinturier" ou "lavandier" en Marc 9,1). Soit, en Marc 2,21s: "Personne ne coud une pièce de tissu écru (etc., agnaphos) sur un vêtement vieux-ancien (palaios, d'où tous nos mots savants en "paléo-"), sinon le complément-plénitude (plèrôma) l'emporte, le nouveau (kainos (emporte) l'ancien (palaios), et la déchirure (skhisma, d'où "schisme") devient pire. Et personne ne met du vin nouveau-jeune (neos) dans des outres vieilles-anciennes (palaios), sinon le vin fait éclater les outres, et le vin et les outres sont perdus (apollumi, verbe de la "perte" et de la "perdition"); non, le vin nouveau-jeune (neos) dans les outres nouvelles-neuves (kainos)". (Matthieu et Luc simplifient diversement la formulation de Marc, on peut y revenir dans le détail mais pour le moment c'est peut-être assez compliqué comme ça.)

En rapport avec ta question, on peut remarquer ceci:
1) Dans le texte (vraisemblablement premier) de Marc comme dans Matthieu et Luc, les "pharisiens" sont bien mentionnés avec les "disciples de Jean"(-Baptiste); c'est seulement l'interlocuteur qui change (indéfini en Marc: on peut à la rigueur comprendre "les disciples de Jean ET les disciples des pharisiens", OU "scribes et pharisiens" d'après ce qui précède; "les disciples de Jean" seulement en Matthieu; indéfini en Luc ou seulement "scribes et pharisiens", d'après ce qui précède).
2) En Marc (sans compter les variantes tardives qui l'harmonisent avec Matthieu et/ou Luc), c'est la seule référence au jeûne; en Matthieu au contraire le jeûne est évoqué positivement (4,2; 6,16ss), chez Luc aussi (2,37; de façon plus ambiguë en 18,12). Tout porte à croire que le "milieu" de Marc n'est guère porté sur la pratique du jeûne (cf. aussi la réduction à "ce jour-là", au singulier, jour de la mort ou du retrait de l'époux-marié, cf. 14,7, vs. le pluriel de Matthieu et Luc), celui de Matthieu et éventuellement celui de Luc (surtout si l'on prend en considération les Actes, 13,2s; 14,23) bien davantage.

L'économie de l'"ancien" et du "nouveau" varie aussi d'un évangile à l'autre: en Marc le "nouveau"-kainos qualifie positivement l'enseignement de Jésus (1,27), l'alliance-testament et le vin nouveau (kainos et non neos cette fois) du royaume (14,24s), l'"ancien" en revanche n'est jamais valorisé comme tel; en Matthieu au contraire l'enseignement de Jésus n'est pas qualifié de "nouveau", et le "nouveau" et l'"ancien" sont valorisés ensemble en 13,52 (où l'on voit souvent une "signature matthéenne", celle d'un "auteur-scribe" ou d'une "école" de scribes chrétiens: cf. aussi la mention favorable de 23,34, et celle plus ambivalente de 8,19; Matthieu omet pourtant la référence plutôt élogieuse de Marc 12,28ss).

On trouve peut-être un lointain écho de cette péricope dans Jean 3,29, qui attribue à Jean(-Baptiste) le rôle d'"ami de l'époux-marié". Le regroupement du logion 47 de Thomas est peut-être plus intéressant: "Un homme ne peut pas monter deux chevaux ni bander deux arcs; un serviteur ne peut pas servir deux maîtres, sans quoi il honorera l'un et méprisera l'autre. Personne ne boit du vin vieux et ne désire aussitôt boire du nouveau (cf. Luc). On ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres, de peur que celles-ci n'éclatent; on ne met pas non plus de vin vieux dans une outre neuve, de peur qu'elle ne l'abîme. On ne met pas une vieille pièce sur un vêtement neuf, elle se déchirerait."

Comme on sait, le terme plèrôma (employé par Marc et Matthieu, mais évité par Luc) va prendre une importance considérable dans les textes "gnostiques" (déjà, dans le NT, les textes johanniques et deutéro-pauliniens, Colossiens-Ephésiens). Il ne faut sans doute pas trop projeter l'idée théologique de "plénitude" sur Marc, puisque le sens obvie du texte (le "concret" de la "parabole") est avant tout "technique" (la pièce-complément qui rend l'habit "complet"), mais la résonance fonctionne quand même, d'autant que le mot revient en 8,20 pour les "paniers pleins" de la "multiplication des pains" (sans parallèle cette fois).


Dernière édition par Narkissos le Lun 28 Juin 2021, 14:58, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeLun 28 Juin 2021, 14:53

"Et personne, après avoir bu du vin vieux, n'en veut du nouveau, car il dit : Le vieux est bon !" (Luc 5,39)

Notes : Luc 5:39
Ce v. est absent de quelques mss. – n’en veut : certains mss ajoutent aussitôt (après). – bon ou meilleur. Cf. Mt 11.30n ; voir aussi Jn 2.10 ; Siracide 9.10 : « Ne délaisse pas un vieil ami, car un ami de fraîche date ne le vaut pas. Vin nouveau, ami nouveau ; quand il aura vieilli, tu le boiras avec joie. » Evangile selon Thomas 47 : « Personne ne boit du vin vieux et n’a aussitôt envie de boire du vin nouveau. Et on ne verse pas du vin nouveau dans de vieilles outres, de peur qu’elles n’éclatent ; et le vin vieux, on ne le verse pas dans une outre neuve, de peur qu’elle ne le gâte. On ne coud pas une vieille pièce sur un vêtement neuf, parce qu’il se produirait une déchirure » (cf. Mt 6.24n).

[37]
On prolongera ce paragraphe en rappelant la parabole « du vieux et du neuf » chez l’évangéliste Luc (5, 36-39). On en retient surtout l’adage qu’il ne faut pas mettre du vin nouveau dans de vieilles outres (5, 37) ! Le vin jeune symbolise l’inattendu, ce qui est encore intact et qu’on ne connaît pas encore. Ce vin ne peut être goûté que par des personnes prêtes à la nouveauté. Et pourtant, paradoxalement, la finale de cette parabole demeure énigmatique : « Et personne, ayant bu du vieux vin, ne veut du nouveau. On dit en effet : le vieux est meilleur » (5, 39). Si tout le monde sait bien que le bon vin est celui qui a vieilli, que peut bien apporter cette allocution finale ? L’ancien symbolise la première alliance conclue avec le peuple d’Israël qui a reçu les commandements, donnant aux croyants sécurité et tranquillité. La liberté promue par le nouveau, au contraire, fait peur, même aux disciples du Christ. Cette parabole met donc en tension l’ancien et le nouveau, révélant, sans confusion, leur apport respectif. R. Meynet, « Le vin de la nouvelle alliance. La parabole du vieux et du neuf (Lc 5, 36-39) dans son contexte », Gregorianum 86 (2005), 5-27, 22-23 ; F. Bovon, L’évangile selon saint Luc (1,1–9,50) (CNTN 3a), Genève, 1991, 255-256. Voir aussi la parabole de la pièce neuve et du vieux vêtement (Mc 2, 21-22) ou encore les propos de l’apôtre Paul dans lesquels il oppose le vieux levain et la pâte nouvelle (1 Co 5, 7-Cool.

https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2016-3-page-35.htm?try_download=1
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeLun 28 Juin 2021, 19:09

En tout cas Luc 5,39 (selon les manuscrits qui le comportent) n'a de correspondance que chez Thomas.

Dans la "théologie de l'histoire" de Luc-Actes, comme dans tous les catéchismes qui en découlent, l'antithèse ancien/nouveau se confond naturellement avec l'opposition du judaïsme (présumé ancien) et du christianisme (présumé nouveau). Cette interprétation a toutefois le défaut de très mal vieillir, par son aspect chronologique précisément: aujourd'hui notre "Nouveau Testament" est de beaucoup plus ancien qu'on ne pouvait imaginer l'"Ancien" lors de la rédaction du "Nouveau" (cf. l'autre fil). Du seul point de vue exégétique, il me semble assez imprudent de la plaquer telle quelle sur l'évangile (dit) de Luc, qui a probablement eu une (pré-)histoire assez complexe avant son couplage avec les Actes; et a fortiori sur des logia particuliers dont on voit bien, en particulier grâce à Thomas, que leurs associations, et par conséquent leurs lectures, ont varié considérablement.

Quant au lexique, Luc emploie kainos pour le vêtement (au lieu du "terme technique" agnaphos de Marc et Matthieu), ce qui accentue l'absurdité du propos (il s'agirait d'abîmer un vêtement neuf pour en rapiécer un vieux, c'est explicite en 36b, ça n'était nullement suggéré chez Marc ni chez Matthieu où il n'était question que d'étoffe ou de tissu "écru", non d'un vêtement neuf), et neos pour le vin (37ss), ce qui est naturel en grec (vin nouveau = jeune, on dirait aussi "vert" en français -- ou en portugais, cf. le fameux vinho verde qui peut être blanc, rouge ou rosé). On peut sans doute prendre le v. 39 en mauvaise part: celui qui a goûté l'ancien ne veut pas du nouveau, sous-entendu: il a tort, car le nouveau est aussi le meilleur (cf. Jean 2,10 dans un tout autre contexte, le dernier contre le premier servi); mais en fait rien n'impose cette lecture, d'autant que le "bon" (ou "meilleur") traduit khrèstos, dont on a souvent remarqué les jeux de mots avec khristos (Christ); cf. p. ex. 6,35.

Plus généralement, l'interprétation de l'image ou de la "parabole" (seul Luc l'appelle ainsi, 36a; il s'agit en fait d'une série de maximes de type sapiential et quasi proverbial, comme une bonne partie du matériau des discours synoptiques) se partage et se ramifie, selon que le lecteur présuppose que SEUL le "nouveau" OU l'"ancien" a de la valeur, OU que l'un en a PLUS que l'autre, OU BIEN que LES DEUX en ont mais à la condition expresse de ne pas être mélangés -- soit: tout ou rien, plus ou moins, ou simple différence qualitative sans hiérarchie de valeur. Moyennant quoi chacun peut voir le "bon", ou le "meilleur" (le cas échéant), où il veut: supériorité de "l'Eglise" sur "la Synagogue" dans la perspective de Luc-Actes, d'un christianisme qui observe la Loi sur celui qui l'abolit (ce serait plutôt le point de vue de Matthieu, contre Paul), d'un christianisme "myst(ér)ique" ou "gnostique" sur un christianisme "légaliste" ou "ecclésiastique" perçu comme "judaïsant" et mis sur le même plan que le judaïsme pharisien (ce pourrait être le point de vue de Marc ou d'un proto-Luc marcionite), etc.: les diverses rédactions reflètent l'ambiguïté fondamentale du propos, mais elles ne la tranchent guère dans un sens ou dans l'autre, tout au moins par leur contexte immédiat.
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMar 29 Juin 2021, 11:21

Le Nouveau Testament montre seulement que dans le Christ en effet, une création nouvelle a été déjà inaugurée, celle-là même qu’annonçaient des oracles prophétiques. Cela vaut d’abord pour l’homme renouvelé intérieurement par le baptême à l’image de son Créateur (Col 3, 10) devenu dans le Christ « nouvelle créature » (Ga 6, 13) ; en lui, l’être ancien a disparu, un être nouveau est là (2 Cor 5, 17). Cela vaut aussi pour l’univers ; car le dessein de Dieu est de ramener toutes choses sous un seul chef, le Christ (Ep 1, 10).

Le Christ, ayant en lui la plénitude de l’Esprit (Mc 1, 10 ; Lc 4, 1), le communique aux autres hommes pour les renouveler intérieurement et faire d’eux une nouvelle créature. La perspective que P. Auvray dégage sur l’avenir de cette création nouvelle est importante, car elle permet à la fois de saisir le fondement même de la mission poétique et sa tâche.

En effet, la nouvelle création, inaugurée à la Pentecôte, n’a pas encore atteint son achèvement. L’homme recréé intérieurement gémit dans l’attente de la rédemption de son corps au jour de la résurrection (Rm 8, 23). La création entière, elle aussi, actuellement assujettie à la vanité, aspire à être libérée de la servitude de la corruption pour accéder à la liberté de la gloire des enfants de Dieu (Rm 8, 18) . C’est vers ce terme que l’histoire chemine vers les cieux nouveaux et cette terre nouvelle dont l’Apocalypse donne une évocation saisissante : « Le premier ciel et la première terre ont disparu. Alors celui qui siège sur le trône déclare : « Voici que je fais toutes choses à neuf » (Ap 21, 8-9).

Dans ce passage du livre de l’Apocalypse, l’adjectif kainos peut se traduire par nouveau, désignant ce qui vient de se produire, ce qui est récent. Il indique également quelque chose d’inattendu, d’extraordinaire. Il s’agit donc d’une nouveauté radicale et définitive et non d’un simple réaménagement superficiel, un retour cyclique. En somme kainos désigne une nouveauté qualitative.

On le voit, la promesse de Dieu, que donne saint Jean dans le passage de l’Apocalypse à son peuple secoué par les persécutions, n’est pas seulement celle de son soutien mais surtout celle d’une création d’une humanité radicalement neuve, complètement renouvelée.

Cette nouveauté interpelle la responsabilité des croyants. Elle est sans doute œuvre de Dieu mais elle appelle une collaboration de l’homme. Elle se construit dans le va-et-vient entre ciel et terre. Le Kainos est alors lieu de créativité complice entre Dieu et l’homme. Ce Kainos devient une histoire de tension entre le présent et l’avenir, entre l’histoire de Dieu et celle des hommes.

https://www.cairn.info/revue-transversalites-2009-3-page-135.htm
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMar 29 Juin 2021, 12:28

Très beau texte théologique (ça arrive), qui rejoint en partie le genre de considérations que j'avais à l'esprit dans l'autre fil.

Les références du "Nouveau Testament" à la "nouveauté" puisent abondamment dans l'"Ancien Testament", en particulier dans la littérature "prophétique"; mais elles lui donnent aussi un tour tout à fait "nouveau", "qualitatif" en effet, on pourrait préciser "axiologique" puisqu'il y va d'un "jugement de valeur" (bon ou mauvais, meilleur ou pire), qui se superpose au sens chronologique obvie et le subvertit sans l'abolir: le nouveau vient toujours après l'ancien, mais il est aussi, paradoxalement, le plus ancien, le plus originaire ou archi-originaire, l'éternel d'"avant" toute histoire. On retrouverait sans doute des traits similaires dans la plupart des "cultes à mystères" de l'époque romaine, qui sont à la fois des religions "nouvelles", récentes, tout en se réclamant de traditions ancestrales et de mythes immémoriaux; mais le trait est plus marqué dans le christianisme en général, parce que celui-ci s'inscrit d'une part dans une "histoire" récente (un "Sauveur" présumé quasi contemporain, non plus situé dans le temps lointain du "mythe", surtout à partir de la rédaction des évangiles) et d'autre part dans une "eschatologie" (ce qui vient en dernier est aussi LE dernier, d'où signe de la "fin des temps" ou des "derniers jours", du passage de l'âge-monde "ancien" ou "présent" à l'âge-monde "nouveau" ou "à venir", selon l'eschatologie pharisienne notamment). Bien entendu, c'est la part "chronologique" de ce discours qui va le plus mal vieillir, pour ne laisser subsister, entre deux résurgences d'eschatologie futuriste et imminente, qu'une notion purement "qualitative" et quasiment intemporelle du "nouveau", contrairement à son sens naturel. C'est une lapalissade de dire que la distinction ou l'opposition du "nouveau" et de l'"ancien" est de part en part temporelle, comme toute notion d'"événement", et que tout supplément qualitatif en dépend (pour qu'il y ait du "nouveau" bon ou mauvais, meilleur ou pire, il faut déjà qu'il arrive ou qu'il puisse arriver quelque chose, donc qu'il y ait ce qu'on appelle du "temps").

Dans la tradition "biblique", mais pas seulement "biblique", tout cela est intimement lié à la notion de "création", qui est non seulement ktisis mais poièsis (d'où "poésie") en grec, dès le premier verset de la Septante. Et là aussi toutes les oppositions superficielles s'effondrent dès qu'on gratte un peu: une "nouvelle création" n'est opposable à une "ancienne" (ou "première") que dans la mesure où elle se pense aussi comme "création", donc comme l'"ancienne", qui n'a jamais été pensée comme "initiale" qu'en étant aussi pensée comme "continue" (les dieux qui font le monde "au commencement" sont aussi ceux qui font tout ce qui arrive au jour le jour, bon an mal an, autrement dit son "histoire"; au plan de l'"histoire des religions" ils sont même d'abord ceux qui agissent au quotidien, avant qu'on songe à inventer une "création" initiale du "monde"). Cf. encore ici.

Mais dans "la Bible" il y a aussi le (ou la) sobre Qohéleth, le "sadducéen" (avant la lettre ou pas), réfractaire à toute "nouveauté", notamment eschatologique (pharisienne ou autre): rien de nouveau sous le soleil.
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMar 29 Juin 2021, 14:52

"Avez-vous compris tout cela ? — Oui, répondirent-ils. Il leur dit : C'est pourquoi tout scribe instruit du règne des cieux est semblable à un maître de maison qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes" (Mt 13,51-52). 

instruit : autre traduction devenu disciple.

Ce texte est intrigant et interroge. Par exemple, pourquoi Matthieu fait-il allusion à ce scribe/disciple ? Qui se cache réellement sous cette figure ? Quelles sont les nouvelles choses et les anciennes qu’il fait sortir de son trésor ? Comment expliquer alors chez Matthieu cette contradiction entre ce qu’il dit sur le vin nouveau et les outres neuves et la parabole du scribe devenu disciple ? 

Alors que Matthieu préconise une séparation entre L'Eglise (outres neuves) et la synagogue juive (vielles outres), il ne saurait être question toutefois pour lui de rejeter l’héritage juif contenu dans les Écritures hébraïques.
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMar 29 Juin 2021, 15:54

Cf. supra mon premier post, § 4, et en particulier (Matthieu) 23,34.

Il y aurait "contradiction" SI (et seulement si) l'on présupposait que Matthieu (9) interprète la série de logia de Marc 2 dans le sens d'une opposition "judéo-chrétienne" (christianisme-Eglise = nouveau vs. judaïsme-synagogue = ancien), mais rien n'indique que ce soit le cas. Déjà, comme on l'a vu (même post, § 3, 2°), parce que contrairement à Marc Matthieu accorde une réelle valeur au jeûne, comme aussi la Didakhè qui présente beaucoup d'analogies avec Matthieu. Ensuite, même s'il modifie peu le texte de Marc, Matthieu peut parfaitement le comprendre tout autrement, dans un sens qui n'implique aucune supériorité du "nouveau" sur l'"ancien" mais indique simplement que les deux ne doivent pas être inconsidérément mélangés. Ce que 13,52 ne ferait que préciser, en montrant qu'il faut la sagesse du scribe ("judéo-chrétien", si l'on veut), pour combiner les deux sans ruiner l'un ni l'autre.

Le paradoxe de l'"antijudaïsme juif" de Matthieu se desserre un peu dans un sens, se complique aussi dans un autre, quand on considère que son "judaïsme" de référence est plus large que le "pharisaïsme", qui domine effectivement les synagogues après la destruction du temple (70). Les "pharisiens" sont accusés de tous les maux (chap. 23 notamment), la "nation" (ethnos) même en fait les frais (chap. 21), mais la Torah en ressort intacte (chap. 5). Tout cela reste néanmoins "théorique", car l'adversaire réel, pratique, concret, celui à qui la plupart des rédactions de Matthieu ont effectivement affaire, c'est le "pagano-christianisme" marqué par la doctrine paulinienne et post-paulinienne, qui leur semble n'avoir aucun égard pour l'"ancien". C'est un combat perdu d'avance, mais qui va quand même se poursuivre dans les "judéo-christianismes antipauliniens" au IIe siècle et au-delà (cf. les pseudo-Clémentines), à l'intérieur ou à la marge d'une "grande Eglise" en voie de détermination: puisque ces "judéo-christianismes", le plus souvent, n'ont de fait plus aucun rapport avec le "judaïsme" (pharisien) contemporain qui les a exclus avant l'Eglise, celui-ci n'est plus pour eux qu'un épouvantail imaginaire sur lequel ils peuvent "taper" à loisir, tout en réservant leurs attaques les plus pertinentes, mais aussi les plus subtiles, au (post-)paulinisme qui est leur vrai rival dans l'Eglise. La "synthèse ecclésiastique" du IIe siècle leur donnera en partie raison sur la forme, en répudiant le marcionisme et en accueillant l'évangile selon Matthieu comme "premier évangile", tout en leur refusant l'essentiel: la Torah sera bel et bien considérée comme "dépassée", "accomplie" et "abolie", et de ce point de vue l'interprétation de "Matthieu" sera soumise à celle de "Paul".

D'un autre côté, c'est bien dans le corpus paulinien qu'on trouve la pensée la plus "originale", en plus d'un sens, de la "nouveauté" chrétienne, telle qu'elle se développe depuis la correspondance corinthienne (surtout 2 Corinthiens 3--5, "midrash" sur l'Exode et la "nouvelle alliance" de Jérémie qui aboutit à la proclamation absolue de 5,17; mais déjà 1 Corinthiens 5,7, cf. aussi le premier et dernier Adam au chap. 15), en Romains-Galates (mort et vie nouvelle), ou dans les deutéro-pauliniennes (Colossiens-Ephésiens, homme ancien / homme nouveau). Riche et diverse, on le voit, "originale" non seulement parce qu'elle est paradoxalement plus "ancienne", au moins dans l'écriture, que celle des évangiles, qui y répondent chacun à sa façon; mais aussi parce qu'elle anticipe dans une certaine mesure le problème de son propre "vieillissement", notamment avec l'idée de renouvellement (ana-kainoô etc., de 2 Corinthiens 4,16 aux deutéro-pauliniennes, Colossiens 3,10 etc., en passant par ici).

N.B.: En ce qui concerne Marc, Luc (ou un proto-Luc, marcionite ou pas mais sans les Actes), et la branche "gnosticisante" d'interprétation qui s'ensuit jusqu'à Thomas au moins, il ne faut pas non plus déduire de la supériorité implicite ou explicite du "nouveau" sur l'"ancien" une volonté de supprimer ou de réprimer l'"ancien". Le "gnosticisme" se montre souvent très tolérant à l'égard des "non-gnostiques", même si cette tolérance nous paraît un tantinet "élitiste" et "condescendante": de fait l'"ésotérisme" des "pneumatiques" ou "spirituels" s'accommode très bien d'un "exotérisme" pour les "psychiques", que ce soit celui du judaïsme synagogal, du christianisme ecclésiastique relativement dévalué comme "judaïsant" (donc participant "encore" de l'"ancien"), ou d'autres "mystères païens". Rien n'est simple donc, si ce n'est dans la perspective de Luc-Actes et de l'orthodoxie subséquente, où l'on considère l'"ancien" et le "nouveau" sur un plan platement chronologique, celui-ci après celui-là: dans ce cas "le judaïsme" est purement et simplement dépassé, annulé et remplacé par "le christianisme", et il n'a plus aucune raison de perdurer (germe de tous les "antisémitismes chrétiens" à venir).
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMer 30 Juin 2021, 12:02

"On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement les outres éclatent, le vin se répand et les outres sont perdues ; on met le vin nouveau dans des outres neuves, et l'ensemble se conserve" (Mt 9,17).

On remarquera le double souci de conserver le vin et de ne pas perdre les outres. Si le vin doit être mis dans de nouvelles outres, c'est pour conserver les anciennes qui pourraient éclater à la fermentation du vin nouveau. Les anciennes outres (la loi Mosaïque), sont donc précieuses et on doit prendre soin de ne pas les détruire. 


Jean 3, 29 et le thème de l'époux dans la tradition pré-évangélique



On se rappelle la controverse qui, d'après Marc 2, 18ss. et parallèles, opposa Jésus à un groupe formé de disciples de Jean Baptiste et de Pharisiens au sujet de la pratique du jeûne. La première réponse de Jésus aux critiques lancées contre ses disciples est une question ainsi libellée : « Les invités à la noce peuvent-ils jeûner
pendant que l'époux est avec eux ? » (Marc 2, 19a, version TOB). La suite des propos de Jésus, aux versets 19b-20, fait de toute évidence allusion à la mort de Jésus et aux conséquences de cet événement pour les disciples. Il est donc très probable qu'il s'agit d'une addition postérieure à la Crucifixion et destinée à justifier une certaine pratique du jeûne dans l'Eglise chrétienne. Mais le verset 19a n'est pas nécessairement lié à ce qui suit : la présence du Royaume de Dieu parmi les hommes, telle que Jésus l'annonce (Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_cool, crée une atmosphère de fête difficilement compatible avec le jeûne, puisqu'Israël célèbre sa noce avec son divin Époux. 

Le sens premier de Marc 2, 19a pourrait donc n'être en rien christologique et ce logion pourrait d'autant plus facilement être considéré comme remontant au Jésus historique. L'identification de la figure de l'Epoux avec Jésus-Christ, telle qu'elle apparaît aux versets 19b-20, serait alors postérieure, comme nous l'avons aussi constaté à propos de Jean 3, 28-30. L'attribution à Jésus-Christ de la fonction d'époux de la communauté messianique, à la fois pendant sa vie terrestre et au moment de l'accomplissement eschatologique, aurait donc été un lieu commun de la pensée chrétienne, connu aussi bien dans le milieu d'où provient l’Évangile selon Marc que dans celui d'où est sorti le IVe Évangile. 

Nous constatons par conséquent un parallélisme significatif entre la façon dont Jean-Baptiste et Jésus utilisaient le thème des noces de Dieu et de Son peuple. La christologisation de ce thème dans les deux passages évoqués ci-dessus résulte sans doute du développement post-pascal de la christologie. L'hypothèse d'un emprunt fait par le IVe Évangile à Marc 2, 19-20 ou à l'un de ses parallèles synoptiques ne paraît donc pas nécessaire.

Par contre, il y a une parenté littéraire entre Marc 2, 19-20 et le récit des Noces de Cana (Jean 2, 1-11). Cette étrange histoire, qui marque le début du ministère public de Jésus, possède aux yeux de l'auteur du IVe Évangile une importance capitale. Il s'y agit non seulement du « commencement des signes de Jésus », qui « manifesta sa gloire », mais aussi de la première occasion où « ses disciples crurent en lui » (Jean 2, 11). C'est également là que se trouve la première allusion à l'un des thèmes les plus important du IVe Évangile, celui de « l'heure » de Jésus, qui marquera l'aboutissement du ministère terrestre du Fils de Dieu (2-4 : cf. 7, 30 ; 8, 20 ; 12, 22 ; 13, 1 ; 17, 1). En répondant à sa mère, qui lui suggérait sans doute que la noce se terminait (2, 3), Jésus assimile la durée de son ministère terrestre à celle d'une fête qui doit aller jusqu'à son terme : « Mon heure n'est pas encore venue » (2, 4). Le temps de l'Incarnation doit donc être une période de réjouissances échappant aux contraintes du temps ordinaire. Pour rendre possible ce repas de noce étalé sur quelques années, Jésus fournit aux convives le vin miraculeux et délicieux (v. 10) qui leur permettra de faire durer leur plaisir collectif. Ce don généreux passe inaperçu auprès de la plupart des invités, fait l'objet d'une interprétation grotesque de la part du « maître du repas » et suscite la foi des disciple ...



https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1995_num_69_1_3295


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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMer 30 Juin 2021, 12:53

[J'ai rajouté un (avant-dernier) paragraphe, sur la ou les "nouveautés pauliniennes", à mon post précédent.]

Sur ta première remarque, excellente, je préciserai seulement que la toute dernière proposition de Matthieu 9,17, καὶ ἀμφότεροι συντηροῦνται, "et les deux se gardent (ensemble)", est propre à Matthieu. Et ambiguë, puisque le contexte immédiat inviterait plutôt à comprendre "les deux" en référence au vin nouveau et aux outres neuves: mais le lecteur-auditeur glisse spontanément, comme tu l'as fait toi-même, de ce couple-là au principal, l'ancien et le nouveau (cette dernière lecture sera précisément confirmée en 13,52, autre exclusivité de Matthieu, qui résume à sa manière le principe directeur de l'enseignement de "son Jésus", en conclusion de la série des paraboles).

En ce qui concerne le stimulant petit article de Trocmé, je ne suis guère porté pour ma part à chercher quoi que ce soit d'"historique" sur "Jésus" ou "Jean-Baptiste" dans les évangiles, mais je suis tout à fait d'accord sur l'idée générale que l'image du Christ époux déclinée de multiples façons dans le NT (aussi dans les paraboles synoptiques, le corpus paulinien ou l'Apocalypse) dérive en grande partie de celle, prophétique et poétique, de Yahvé époux (d'Israël, de Juda, de Jérusalem, de Samarie, etc.) dans l'AT (Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, Osée, etc.) -- sans compter toutes les traditions antérieures ou extérieures aux textes "bibliques" (Yahvé-Ashéra, etc.). S'il est assez clair que dans le NT le Christ prend habituellement la place de Yahvé comme "époux" (ou marié), l'identité de l'"épouse" (ou de la mariée) est beaucoup moins claire et constante (comme celle de l'"épouse" de Yahvé d'ailleurs), et il faut sans doute se garder de projeter les définitions les plus nettes (p. ex. Christ / Eglise en Ephésiens 5) sur les textes qui l'identifient moins clairement, ou pas du tout (a fortiori dans les paraboles du mariage qui portent sur les invités et où la mariée ne joue aucun rôle). A part ça, l'aspect "dionysiaque" du Christ évangélique, et pas seulement là où il est question de vin, me paraît aussi digne de réflexion (avec ou sans Nietzsche) -- il n'est d'ailleurs pas étranger non plus aux traditions "yahvistes" de l'AT.

---

Sur l'aspect "renouvellement" (ci-dessus 29.6.2021 et le lien), je repense d'une part à ce fil, d'autre part à cette strophe bien connue des Lamentations (3,22ss, qui manque curieusement dans la Septante, du moins dans le codex Vaticanus: accident probablement dû à la fin similaire des v. 21 et 24, dans la traduction de l'hébreu ou dans la transmission du grec):

"Grâces (bontés, loyautés, hsd au pluriel) de Yahvé que nous ne soyons pas achevés,
ses compassions (rhm pluriel) ne s'épuisent pas;
elles sont nouvelles chaque matin;
ta fidélité ('mwnh) est grande.
Yahvé est mon lot, dit mon âme;
c'est pourquoi j'espère en lui."

Chose anecdotique qui mériterait pourtant réflexion, notamment sur le concept d'"inspiration", ce sont les contraintes "formelles" de la poésie "alphabétique" (encore que dans Lamentations 2--4 l'ordre ne soit pas exactement celui de l'alphabet hébreu habituel) qui guident le choix des "mots-clés", et donc des "idées" (ici il faut en début de vers[et] des mots qui commencent par un "heth", d'où hsd = grâce etc., h = nouveau, hlq = lot).

Sur le verbe h au sens de "renouveler" (en 3,23 c'est l'adjectif dérivé pour "nouvelles", mais "chaque matin" suggère bien le sens de renouvellement), cf. 5,21; 1 Samuel 11,14; Isaïe 61,4; Psaumes 51,10; 103,5; 104,30; Job 10,17; 2 Chroniques 15,8; 24,4.12.
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMer 08 Juin 2022, 10:05

Déjà précédemment, j’ai fait allusion au prophète Ézéchiel. Il a lui-même vécu comme déporté (sans terre) pendant l’Exil à Babylone. C’est l’un des prophètes bibliques chez qui la question de la terre apparaît le plus centrale (Keller 1975). Il prêche que la terre est dévastée parce que le peuple a oublié la loi du Seigneur. Le territoire sacré d’Israël est devenu une « solitude désolée » (Ez 6,14 ; 33,28-29 ; 35,3.7). Mais, pendant l’Exil, le prophète promet une restauration du peuple et de la terre (Ez 38—39). Les violents, ceux qui s’appuient sur les armes, ne conquerront pas la terre (Ez 33,23-29). Le retour au pays sera une initiative de Dieu (Ez 34—37) et s’accompagnera d’une sorte de réforme nouvelle pour le partage du territoire (Ez 43 ; 48). En même temps que ces promesses concrètes, le style apocalyptique commence à se faire jour, et la terre nouvelle se confond avec le Temple nouveau et un temps d’alliance nouvelle...


https://www.erudit.org/fr/revues/theologi/2008-v16-n1-theologi2469/019183ar.pdf
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMer 08 Juin 2022, 11:31

Article intéressant, ne serait-ce que parce qu'il témoigne de la ténacité de cette "théologie de la libération" latino-américaine, proche du marxisme et constamment battue en brèche depuis les années 1980, dans l'Eglise catholique depuis Jean-Paul II et plus largement depuis l'effondrement du bloc soviétique et le triomphe concomitant du "néo-libéralisme" mondialisé (encore une forme de "nouveau" dans ce "néo-", si factice et superficielle soit-elle).

Le courage théologico-politique ne fait pas forcément bon ménage avec la rigueur de l'exégèse critique, et ça se sent aussi par un usage assez "naïf" des textes "bibliques". Pour en rester à ton extrait, je ne crois pas qu'il faille rapporter l'ensemble du (grand) livre d'Ezéchiel, dont les rédactions s'étalent probablement sur plusieurs siècles, à la "situation" du personnage d'Ezéchiel, prêtre devenu prophète en exil, même si celle-ci continue d'"inspirer" de diverses façons les rédactions ultérieures. Cela n'est pas sans effet sur l'interprétation des "prédictions" apparentes, qui visent de moins en moins un "avenir" vraisemblable mais constituent plutôt une sorte de "vision" idéale détachée de toute "réalité" -- à preuve, dans les dernières "visions" du livre, cette "terre" qu'on peut découper en bandes égales et parallèles comme si elle n'avait plus aucun relief, plutôt carte ou plan artificiel que territoire réel: l'eschatologie ne finit pas seulement l'histoire, elle aplatit aussi la géographie (idéal de nivellement qui rase les montagnes et comble les dépressions, du deutéro-Isaïe au deutéro-Zacharie)... rien de plus éloigné de la "terre" au sens concret ou naturel (autrement dit "païen" avec ce que ça implique de mythe et de rite, et d'attachement d'un "peuple" à sa terre; Gaïa c'est du "néo-païen", contradiction comprise ou non entre "néo-" et "païen").

Plus généralement et en rapport avec le thème de ce fil, on peut dire que la "nouveauté" (technique, religieuse, philosophique, politique, sociale, économique) est essentiellement une affaire urbaine et artificielle (cf. la lignée de Caïn dans la Genèse, qui associe villes et techniques, aussi bien guerrières que culturelles), et qu'elle est corollaire d'un certain oubli de la terre et du monde "naturels", relégués à la périphérie de l'"environnement" et à la fonction de "ressources" (cf. le Gestell heideggerien, parfois traduit de façon inexacte mais intéressante par la notion d'"arraisonnement" du monde). C'est aussi vrai des innovations religieuses et littéraires du judaïsme, à commencer par le monothéisme, a fortiori du pharisaïsme et du christianisme de l'époque romaine qui se développent essentiellement dans des communautés urbaines, "cosmopolites" et à divers titres "déracinées". Plus l'"ancien" paraît irrémédiablement perdu, plus l'espoir se porte sur une "nouveauté" artificielle (hors-sol comme on dit ces temps-ci), quitte à la parer d'une antiquité factice (l'eschatologie comme retour à l'archi-originaire, avant la fondation du monde).
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMer 08 Juin 2022, 12:56

"Et personne, après avoir bu du vin vieux, n'en veut du nouveau, car il dit : Le vieux est bon !" (Luc 5,39)


Même si l'auteur reconnait que le judaïsme est vieux par rapport au christianisme, il ne doit pas pour autant être aboli, car il est bon. Ceux qui ont bu vin vieux, c'est à dire les juifs, doivent respecter ses éléments traditionnels, les coutumes des ancêtres. Selon Luc 16,17, l'autorité de la loi est absolue, il faut donc la respecter : "Or il est plus facile pour le ciel et la terre de passer que pour un seul trait de lettre de la Loi de tomber" (Luc 16,17). En Actes 28,17, il est question des "coutumes de nos pères". Ces coutumes sont bonnes comme un vin vieux mais pas nécessaire pour le salut. Ce texte pose la question des coutumes des ancêtres et des traditions à défendre et à respecter. 


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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMer 08 Juin 2022, 13:36

L'interprétation des logia ou des ajouts de "Luc" est assez aléatoire, car ils peuvent répondre à des "intentions" très diverses: on peut distinguer une rédaction "antinomienne" (= anti-loi) proche de Marc (la tradition du IIe siècle associe l'évangile de Luc à Marcion), l'intégration de logia au contraire "pro-loi" (que Matthieu représente avec plus de cohérence), outre la combinaison aux Actes qui donne à l'ensemble un tour "historico-schématique" (le temps du judaïsme, le temps de l'Eglise).

De fait on peut lire l'addition de Luc 5,39 dans des sens complètement opposés: soit comme une valorisation réelle de l'ancien, sans aucune ironie (et alors on serait plutôt dans une perspective matthéenne), soit comme une explication (faussement) consternée du refus du nouveau auquel on ne veut pas goûter (sous-entendu: on a tort de ne pas vouloir y goûter)... On peut toujours "trancher", mais on retrouvera l'équivoque intacte à la prochaine lecture, et tout porte à croire qu'il en était déjà ainsi au cours des rédactions successives qui ont abouti au texte que nous connaissons (et à d'autres, si l'on tient compte de la diversité des éditions de Luc-Actes, notamment lesdites "alexandrine" et "occidentale"; d'ailleurs le Codex de Bèze ne comporte pas le v. 39).

Pendant qu'on y est, on peut remarquer que le texte habituellement retenu recèle un jeu de mots supplémentaire, puisque "bon" c'est khrèstos, quasi-homonyme de khristos (Christ) -- jeu atténué dans les manuscrits qui utilisent le comparatif, khrèstoteros = "meilleur".
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMer 08 Juin 2022, 14:37

LA PERSONNE ÂGÉE AU CROISEMENT DE L’ÉTHIQUE ET DE LA BIBLE

37. On prolongera ce paragraphe en rappelant la parabole « du vieux et du neuf » chez l’évangéliste Luc (5, 36‑39). On en retient surtout l’adage qu’il ne faut pas mettre du vin nouveau dans de vieilles outres (5, 37) ! Le vin jeune symbolise l’inattendu, ce qui est encore intact et qu’on ne connaît pas encore. Ce vin ne peut être goûté que par des personnes prêtes à la nouveauté. Et pourtant, paradoxalement, la finale de cette parabole demeure énigmatique : « Et personne, ayant bu du vieux vin, ne veut du nouveau. On dit en effet : le vieux est meilleur » (5, 39). Si tout le monde sait bien que le bon vin est celui qui a vieilli, que peut bien apporter cette allocution finale ? L’ancien symbolise la première alliance conclue avec le peuple d’Israël qui a reçu les commandements, donnant aux croyants sécurité et tranquillité. La liberté promue par le nouveau, au contraire, fait peur, même aux disciples du Christ. Cette parabole met donc en tension l’ancien et le nouveau, révélant, sans confusion, leur apport respectif. R. Meynet, « Le vin de la nouvelle alliance. La parabole du vieux et du neuf (Lc 5, 36‑39) dans son contexte », Gregorianum 86 (2005), 5‑27, 22‑23 ; F. Bovon, L’évangile selon saint Luc (1,1–9,50) (CNTN 3a), Genève, 1991, 255‑256. Voir aussi la parabole de la pièce neuve et du vieux vêtement (Mc 2, 21‑22) ou encore les propos de l’apôtre Paul dans lesquels il oppose le vieux levain et la pâte nouvelle (1 Co 5, 7‑Cool.
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMer 08 Juin 2022, 15:27

Cf. supra 28.6.2021. Je constate qu'à peu près tout ce que j'ai dit dans mon post précédent avait déjà été dit plus haut, et bien d'autres choses encore, avant et après la (même) citation de cet article: j'aurais dû relire avant de répondre, ou de ne pas répondre, mais pour ce qui est de relire ce n'est pas trop tard...
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMer 08 Juin 2022, 16:12

Narkissos a écrit:
Cf. supra 28.6.2021. Je constate qu'à peu près tout ce que j'ai dit dans mon post précédent avait déjà été dit plus haut, et bien d'autres choses encore, avant et après la (même) citation de cet article: j'aurais dû relire avant de répondre, ou de ne pas répondre, mais pour ce qui est de relire ce n'est pas trop tard...

Désolé ... J'aurai dû relire le fil  Embarassed


La nouveauté comme exigence du dialogue biblique

La mise à l'épreuve de la nouveauté théologique aura lieu pour terminer auprès des textes qui la fondent. Le choix des deux textes honore la structure dialoguée éminemment présente dans la textualité biblique (Abraham, Jacob, Samuel, Jonas, Job…), puissamment dans le moment néotestamentaire.

Lecture de Jean 4,4-42. Le dialogue avec la Samaritaine.

Le récit de la Samaritaine se présente sous la forme d'un dialogue dramatique assez élaboré, dans un cadre symbolique riche. Le principal interlocuteur de Jésus est certes la Samaritaine ; mais prennent bientôt part à la conversation les disciples et un groupe de Samaritains.

a. L'eau, la Loi et de Don.

Le puits auprès duquel Jésus, fatigué, s'assied, puits de grande profondeur, est attribué au patriarche Jacob. Les différents puits de la tradition biblique, en vertu des légendes qui s'y rattachaient, avaient été comme absorbés dans le « cycle du puits ». Ce puits n'était localisé nulle part, il avait « suivi » les patriarches Abraham, Isaac et Jacob. D'après la légende, il avait fourni à Jacob des eaux surabondantes qui montaient et jaillissaient. Le prodige s'était répété plusieurs fois au pays de Madian et devant les Israélites. La légende du puits était parfaitement connue. Aussi, le souvenir de Jacob étant fort dans la contrée de Sichem, le puits le plus important et le plus célèbre de la région ne pouvait qu'être associé à son nom. Lorsque la Samaritaine dit à Jésus : « Tu n'as même pas un seau et le puits est profond ; d'où la tiens-tu donc cette eau vive ? Serais-tu plus grand, toi que notre père Jacob qui nous a donné le puits et qui, lui-même, y a bu ainsi que ses fils et ses bêtes » (v. 12), il faut y entendre une allusion à cette légende du puits dont les eaux, après Moïse (Ex 2,15-17), avaient jailli devant Jacob.

Mais un autre plan de compréhension de cette légende était tout aussi présent dans le judaïsme biblique. Le puits figurait la Loi, ses eaux jaillissantes symbolisaient la sagesse débordante de Dieu auprès des hommes, qui donnait la connaissance et illuminait les cœurs. La loi avait été donnée pour « vivre » et faisait les délices du fidèle. Et le grand Législateur était Moïse. Jésus, fatigué, dit le texte de Jean, est assis au bord du puits, non loin de la ville vers l'heure de midi. Flavius Josèphe rapporte dans la même période d'écriture néotestamentaire l'épisode du puits de Madian de la manière suivante : Moïse s'assied au bord du puits, à peu de distance de la ville et s'y repose de sa fatigue et de ses misères ; c'était vers le milieu du jour. Les parallèles sont tellement flagrants que les versets 5 et 6 de Jean ne peuvent qu'évoquer cette fois la figure du nouveau Moïse. Aussi, lorsque la Samaritaine poursuit : « Serais-tu grand, toi que notre père Jacob qui nous a donné le puits et qui, lui-même, y a bu ainsi que ses fils et ses bêtes » (v. 12), il faut d'emblée, en saisissant l'allusion à cette légende ancienne, attendre la nouveauté de l'événement. Ces eaux, si profondes, si difficiles à atteindre, allaient jaillir à nouveau devant cet étranger Jésus.

Troisième élément d'enracinement vétérotestamentaire : depuis le désert, le puits était un don de Dieu au peuple. « De là, ils gagnèrent Beer, c'est le puits dont Yahweh avait dit à Moïse : “Rassemble le peuple et je leur donnerai de l'eau !” Alors Israël avait entonné ce chant : “Monte, puits, acclamez-le ! Puits creusé par des chefs, des nobles du peuple, avec leurs sceptres, leurs bâtons” » (livre des Nombres 21,16-18). Ainsi, Beer signifie en hébreu « puits ». Mais la suite du texte comporte une résonnance symbolique : « Du désert, ils allèrent à Mattana » (Nb 21-18), c'est?à-dire : depuis le désert ce puits est don de Dieu (Mattana-Don).

b. Le don « nouveau ».

1) Jésus s'approche ainsi du puits qui est le « Don » et dit à la femme : « Donne-moi à boire. » Pour la première génération de juifs « chrétiens », un des problèmes communautaires était le suivant : un Samaritain qui se convertit, qui reçoit le baptême, mais qui pourtant ne vient pas au Temple, est-il membre ou non de l'Église ? On entend alors les mots de stupéfaction mis dans la bouche de la Samaritaine : « Comment toi qui es Juif, tu me demandes à boire ? » (v. 9). La nouveauté se manifeste dans le retournement des mots : ici le donateur est constitué par le don qu'il reçoit.

2) Seconde nouveauté. En demandant à boire au puits de Jacob, c'est de toute la tradition biblique qu'il vient recevoir : Si, parmi ce peuple dont il se reçoit, Jésus s'adresse à une femme, c'est qu'il indique son mode même d'accueil de l'histoire : accueil du plus faible.

3) Troisième nouveauté : l'accueil paradoxal du don par le donateur est sa jouissance même. L'assoiffé qui est le donateur se réjouit de ce que les hommes ont reçu, il accueille ce que les hommes ont accueilli de Dieu.

4) S'opère alors un renversement imprévu : « Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit “donne-moi à boire” c'est toi qui aurais demandé »
(v. 10). La Samaritaine reconnaît le don qui non seulement la précède, mais génère en sa nouveauté le don qu'elle-même, d'elle-même, accorde.

https://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2014-3-page-381.htm#:~:text=La%20th%C3%A9ologie%20s'est%2C%20de,la%20nouveaut%C3%A9%20divine%20elle%2Dm%C3%AAme.
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMer 08 Juin 2022, 18:56

Sur cet article, voir ici 14.9.2021. Wink

Première remarque sur cet extrait (sur l'autre fil nous en avions cité et/ou commenté d'autres passages): en Jean 4 il n'est pas question de "nouveauté" (kainos, neos, etc.), ni d'ailleurs dans toute la première partie de l'évangile (1--12) -- c'est seulement dans la seconde (13,34) qu'apparaît un "nouveau commandement" (entolè kainè), dont la nouveauté sera d'ailleurs ostensiblement problématisée (ou dialectisée) dans les épîtres (1 Jean 2,7s: non pas nouveau mais ancien, et nouveau quand même; cf. 2 Jean 5). Outre le "tombeau neuf" du récit de la Passion (Jean 19,41, mnèmeion kainon, mais cette association même crée une sorte d'oxymore, de contradiction ou de paradoxe, puisque mnèmeion renvoie à la "mémoire" du passé, cf. "mnémotechnique" etc.). Mon sentiment serait plutôt que le "thème" de la nouveauté, comme tel(le), intéresse fort peu le "johannisme", en dépit ou à cause de son importance dans les autres textes du "Nouveau Testament". Bien sûr on peut toujours l'y retrouver, comme le lapin dans le chapeau, à condition de l'y avoir préalablement introduit: autant les références au "passé" (Jacob, nos pères, etc.) sont explicites en Jean 4, autant la "nouveauté" doit être lue entre les lignes. A mon sens c'est très logique, car le type de "connaissance" (gnôsis) qui intéresse le johannisme est un rapport du présent à l'éternel -- qu'on peut bien dire "nouveau", toujours "nouveau", mais cette nouveauté-là n'est jamais qu'un épiphénomène de la relation essentielle, qui se réfère au passé (le commencement du Prologue, Jacob ici, avant Abraham au chap. 8, etc.) plu(s)tôt qu'à l'avenir inconnu et désormais sans importance, dépouillé de tout enjeu dès lors que la relation essentielle est (re)connue -- je ne reviens pas sur l'indifférence du quatrième évangile à l'"eschatologie".

(Je n'entre pas non plus dans une critique de détail, p. ex. ici "Jacob" après "Moïse", celui-ci étant également absent de Jean 4: l'article est trop approximatif pour que ça ait le moindre intérêt; pourtant de l'intérêt il en a, mais plutôt dans son approche "philosophique" qu'"exégétique".)
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeVen 10 Juin 2022, 11:00

"Fille révoltée, jusqu'à quand iras-tu dans tous les sens ? Oui, le SEIGNEUR a inventé quelque chose de nouveau sur la terre : c'est la femme qui va chercher à attirer son mari" (Jé 31,22).

Dans ce texte annonce que l'impossible est devenu possible : Israël répond (enfin) à l'amour de Yhwh. L'auteur indique que c'est la femme (Israël) qui prend l'initiative (alors qu'en Jérémie, c'est toujours Yhwh qui fait le premier pas), pourtant le texte souligne que c'est Yhwh qui invente quelque chose de nouveau, sous entendant que c'est Dieu qui agit sur Israël pour l'inciter à prendre l'initiative. Remarquons que (30,5-6), Jérémie choisit une image originale et nouvelle pour illustrer l'intensité du désastre annoncé, celle d'un homme qui enfante :

"Voici donc les paroles que le SEIGNEUR a dites à Jérémie pour Israël et pour Juda : « Voici un message du SEIGNEUR : Nous avons entendu des cris de peur : c'est une peur terrible, et non la paix. Demandez aux gens et regardez : est-ce qu'un homme peut mettre un enfant au monde ? Pourtant, je vois tous les hommes les mains sur les reins, comme une femme en train d'accoucher. Pourquoi ? Ils ont tous le visage très pâle, pourquoi donc ?" (Jé 30,4-6)

Ainsi l'affirmation Yhwh  "a inventé quelque chose de nouveau sur la terre" peut faire référence au fait que la descendance se perpétue, que le peuple poursuivra son histoire sur la terre. Placé dans le contexte de (31,15-22), l'espérance est celle-ci : Dieu fera que Rachel enfantera un nouvel Israël dans le pays. 

Illusions et salut dans la prédication prophétique de Jérémie De Joëlle Ferry
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeVen 10 Juin 2022, 12:22

Je vois bien le livre (thèse) mais je n'accède pas aux contextes de tes extraits...

Ce qui est clair en tout cas c'est que ça n'est pas clair: on a dans toute cette section de Jérémie un méli-mélo de textes hétéroclites et de rédactions successives qui rend aléatoires tout "contexte" et a fortiori tout "rapprochement" (p. ex. entre 31,22 et 30,4ss qui précède ou 31,31ss qui suit, sur l'"alliance nouvelle").

Mais ça n'empêche pas de lire et de remarquer des choses, p. ex. en 31,22 l'association du verbe br' ("inventer" = "créer", comme dans Genèse 1,1) et de la "nouveauté" (ou "chose nouvelle", hdš[h]) qui caractérise particulièrement le deutéro-Isaïe (à propos de la restauration d'Israël-Juda-Jérusalem au moins autant que d'une "création cosmique", a fortiori "initiale"; cf. 40,26.28; 41,20; 42,5; 43,1.7.15; 45,7.8.12.18; 48,7; 54,16 pour br', 41,15; 42,9s; 43,19; 48,6 pour h).

D'autre part le rapport de la femme (plus crûment "femelle", nqbh) à l'homme (gbr, qui peut être le "mari" mais plus généralement le mâle) est plus ambigu qu'il n'y paraît dans ta traduction: la femelle "entoure" le mâle (sbb, d'une racine très fréquente dans le livre de Jérémie, cf. tous les [m-]sbyb habituellement rendus par "tout autour", dans des contextes qui évoquent aussi en mauvaise part la persécution, le harcèlement du prophète ou le "siège" de la ville; cf. 1,15; 4,17; 6,3.25; 12,9; 17,26; 20,10; 21,14; 25,9; 32,44; 33,13; 46,5.14; 48,17.39; 49,5.29; 50,14s.29.32; 51,2.4.7.14.22s: c'est un tel "marqueur" lexical du livre qu'il est imité par toutes les rédactions); cela peut s'interpréter dans le sens de la "séduction", "cour" (faire la cour) ou "drague", mais aussi dans le sens de la grossesse et de la maternité (cf. Rachel) où la femme "entoure" autrement l'homme.

(Je n'ai pas trop le temps maintenant mais j'y reviendrai, car c'est un passage intéressant.)


Dernière édition par Narkissos le Ven 10 Juin 2022, 13:22, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeVen 10 Juin 2022, 13:20

Citation :
(Je n'ai pas trop le temps maintenant mais j'y reviendrai, car c'est un passage intéressant.)

Merci et avec un grand plaisir. 


L’alliance nouvelle suppose l’ancienne

En qualifiant de “nouvelle” l’alliance à venir, le prophète Jérémie ne se contente pas de prédire un énième renouvellement d’alliance, il énonce un type nouveau de relation à Yhwh sur fond de rupture avec un modèle ancien. La nouveauté ne peut donc s’affirmer sans un détour par la mémoire négative de ce qui régissait, jusque-là, les rapports entre Yhwh et Israël. Au chapitre 11, Jérémie a déjà fait mention de l’échec de l’alliance des pères dans un contexte d’idolâtrie qui n’est pas sans rappeler l’épisode du veau d’or?: «?ils sont retournés aux fautes de leurs pères qui refusèrent d’écouter mes paroles?: les voilà, eux aussi, à la suite d’autres dieux pour les servir. La maison d’Israël et la maison de Juda ont rompu mon alliance que j’avais conclue avec leurs pères.?» (Jr 11, 10). L’alliance rompue revêtait la forme d’un contrat-type imposant des obligations réciproques à chacun des partenaires. Au Sinaï, en effet, le peuple s’était formellement engagé envers Yhwh en ce sens?: «?Il (Moïse) prit le livre de l’Alliance et il en fit la lecture au peuple qui déclara?: “Tout ce que Yhwh a dit, nous le ferons et nous y obéirons.”?» (Ex 24, 7). Et le signe de l’alliance revêtait lui-même un caractère contractuel?: une aspersion de sang sur l’autel et sur le peuple (Ex 24, 1-Cool.

Ainsi, le prophète d’Anatôt met-il en présence deux types d’alliance?: une ancienne alliance (bilatérale) qu’il dénonce, une nouvelle alliance (unilatérale) qu’il dévoile. L’alliance mosaïque, qui contenait pourtant son propre renouvellement, n’a donc pas résisté au traumatisme de l’Exil. Aussi bien, la nouveauté promise par Jérémie réside dans ce passage d’un modèle à l’autre qui maintient sauve l’institution de l’alliance. C’est la raison pour laquelle le prophète relit les obligations afférentes à l’Alliance ancienne pour y déceler les signes eschatologiques d’un don nouveau.

https://www.cairn.info/revue-recherches-de-science-religieuse-2011-2-page-229.htm#re3no3
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeVen 10 Juin 2022, 15:24

Malgré son évidente importance "historique" (au sens de l'"histoire des religions": non seulement la formule de "Nouveau Testament" en provient directement, mais le concept de "nouvelle alliance" est essentiel à l'autojustification du christianisme, comme "héritier" autoproclamé d'un judaïsme qui n'est pourtant pas mort), le texte de Jérémie 31,31ss, qui (par malheur ?) est assez clair (ne pose pas d'énormes problèmes textuels, ni de traduction ni d'interprétation), n'arrange NI le judaïsme NI le christianisme (et pas davantage l'islam, pour n'oublier personne): il abroge le principe même de la "loi", c'est-à-dire l'écart ou la différance entre le commandement et son destinataire, entre l'écriture et la lecture avec toutes ses suites, écart qui rend l'obéissance "méritoire" parce qu'il rend aussi la désobéissance possible. Pour un judaïsme en particulier (post-)pharisien, cela ne peut s'entendre que d'une eschatologie où la transgression de la Torah deviendrait impossible; mais le christianisme ne s'y retrouve pas mieux, parce que la "nouvelle alliance" de Jérémie ne change ni de destinataire (Israël-Juda) ni de contenu (la Torah "programmée" dans les cœurs n'est pas dite autre que celle "de Moïse"), elle changerait seulement de "support" (de la pierre ou du parchemin au "cœur"), et de type de relation (du "médiat" à l'"immédiat"); outre que toute "expérience chrétienne" connaît aussi bien que la "juive" le décalage entre "théorie" et "pratique", qui est précisément ce que l'"alliance nouvelle" de Jérémie 31 entendait abolir...

---

Je n'ai rajouté que des références à mon post précédent, sur Jérémie 31,22. Sur ce verset on peut noter aussi que le premier adjectif, šwbbh pour "révoltée" ou "rebelle", de šwb = "retourner, revenir" (c'est aussi à l'opposé la "repentance-conversion", teshouva), fait au moins jeu de mots avec swbb pour la femelle qui "entoure" le mâle; la Septante (38,22) a un tout autre texte: "Jusqu'à quand te détourneras-tu, fille déshonorée ? -- car (le) Seigneur a créé un salut (sotèria) pour une plantation nouvelle, les hommes (anthrôpoi, en principe hommes et femmes) circuleront (peri-erkhomai, où on retrouve quelque chose du "cercle") dans le salut (ou: en sécurité)." La BHS, sans se référer à la Septante, suggère une correction du texte massorétique: "la maudite (autre vocalisation de nqbh pour "femelle", tout un programme "sexiste") devient maîtresse (gbrh au féminin)".
 
Plus généralement, on pourrait dire que le retournement de situation qui est le paradigme même de la "nouveauté" dans tous les domaines (de l'érotisme à la théologie, ou l'inverse) est aussi la chose la plus vieille du monde, comme l'ambivalence du rapport d'un "centre" à une "périphérie" (entouré, protégé, choyé, nourri, adulé, recherché, traqué, encerclé, harcelé, persécuté, assiégé, affamé, assoiffé, étouffé) -- et pour ce qui est de la relation des genres ou des sexes, "la Bible" ne manque pas d'exemples dans tous les sens, Abraham-Sara-Hagar, Isaac-Rébecca, Jacob-Léa-Rachel-etc., Juda-Tamar, Samson-Delila, David-Mical ou David-Jonathan-Saül, et ainsi de suite. Pour le peu de "contexte" significatif qu'offre Jérémie 31, on peut imaginer Jérusalem-Juda-Israël "tournant autour" de Yahvé après beaucoup de "cour" ou de "siège" en sens contraire, ce serait aussi la logique d'Osée... je te (pour)suis, tu me fuis, je te fuis, tu me (pour)suis, c'est sans âge et c'est toujours "nouveau".

Le rapport à 30,6 est encore plus incertain, car l'image de la femme enceinte ou parturiente, notamment au sens péjoratif de la faiblesse quand elle s'applique à des hommes, est encore plus répandue (cf. 4,31; 6,24; 13,21; 22,23; 48,41; 49,22; 50,43 etc.).
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMar 14 Juin 2022, 10:49

Médiation scripturaire et identités communautaires

Sous la forme du discours d’un messager royal, le livre d’Isaïe contient encore un petit oracle de salut où le rappel du passé appelle à l’espérance dans le présent et à une attitude d’accueil face à l’inattendu que Dieu peut créer. De ce point de vue, il manifeste que le discours prophétique, en faisant se rejoindre le souvenir et le désir actuel, intime de prendre une décision « maintenant ». Au temps de l’exil à Babylone, le prophète livre une parole d’autorité comme le signale la formule : Ainsi parle le Seigneur et l’énoncé des qualités de l’envoyeur : lui qui procura en pleine mer un chemin, un sentier au cœur des eaux déchaînées, lui qui mobilisa chars et chevaux, troupes et corps d’assaut tout ensemble, sitôt couchés pour ne plus se relever, étouffés comme une mèche et éteints. Dieu est ainsi présenté comme celui qui fit une route à travers la mer pour sauver les siens de l’esclavage, mais aussi comme celui qui fit sortir chars et chevaux, autrement dit comme celui dont la souveraineté s’exerce sur les forces des ennemis de son peuple afin que sa gloire apparaisse aux yeux de tous. Dieu cependant est capable de pulvériser les ennemis ; il anéantit l’armée égyptienne comme mèche s’éteignant au contact de l’eau. Mais tout cela relève du passé et le message proprement dit est le suivant : Ne vous souvenez plus des premiers événements, ne ressassez plus les faits d’autrefois. Voici que moi je vais faire du neuf qui déjà bourgeonne ; ne le reconnaîtrez-vous pas ? Oui, je vais mettre en plein désert un chemin, dans la lande, des sentiers : les bêtes sauvages me rendront gloire, les chacals et les autruches, car je procure en plein désert de l’eau, des fleuves dans la lande, pour abreuver mon peuple, mon élu, peuple que j’ai formé pour moi et qui redira ma louange (43,16-21). Les premiers événements désignent probablement les malheurs d’Israël annoncés par les prophéties de jugement et accomplis pendant l’exil, l’œuvre de Dieu qu’il s’agit ici d’oublier ; les souvenirs d’une relation d’Israël avec Dieu marquée par le jugement ne doivent plus être ressassés. Car c’est désormais l’action future de Dieu qu’il convient de connaître.

Dieu fait en effet du neuf traçant une route dans le désert transformé en paradis ruisselant d’eau pour que le peuple revienne sur sa terre, escorté par les fauves pacifiés. Ce peuple n’est pas anonyme ; il est l’élu, le partenaire que Dieu a formé, et qui redira sa louange, comme autrefois sur la rive de la mer des Joncs (cf. E 15,1-21). La foi ne nous tourne pas vers un passé révolu. Dieu reste à jamais créateur : il fait toujours pour les siens du neuf, de l’inouï qui déjà bourgeonne ; ne le reconnaîtrez-vous pas ?

(...)

Ainsi la prophétie dévoile l’action de Dieu au sein des événements de l’histoire et la sagesse invite à la percevoir dans les non-événements qui font la trame monotone des jours quotidiens, quitte à affirmer qu’elle demeure indéchiffrable. La première privilégie la métaphore juridique de la controverse bilatérale et la seconde l’expression de l’idée de rétribution individuelle pour dire l’agir de Dieu lorsqu’il est confronté au mal humain. L’une énonce l’engagement divin en faveur de l’humanité en soulignant l’inattendu qu’il peut créer et l’autre invite à contempler son œuvre de création pour en être rendu participant.

https://www.cairn.info/revue-transversalites-2013-4-page-27.htm


Les choses anciennes 

• Les choses anciennes ne désignent pas le contenu de 16-17.
• Les «choses premières» : un terme technique.
• Opposition ancien - nouveau en Es 40-48 : 41,21-29 (22) ; 42,8-9; 43,8-13;
44,6-8 et 46,9-11; 48,1-11 (3.6).

Esaïe 48
(3) J'ai annoncé les choses premières depuis longtemps, elles sont sorties de ma bouche et je les ai fait entendre, soudain j'ai agit et elles sont advenues (…) (5) je te (les) ai annoncées depuis longtemps, je te les ai fait entendre avant qu'elles ne soient advenues afin d'éviter que tu ne dises mon idole les a faites (…).

Les choses anciennes Malheurs d'Israël

• Ne pas se souvenir du jugement d'Israël.

Esaïe 40,2 : Parlez au cœur de Jérusalem et annoncez-lui que sa corvée est remplie que son châtiment est accompli qu'elle a reçu de la main de Yhwh le double de toutes ses fautes

Es 54,4b : tu oublieras la honte de ta jeunesse et l'opprobre de ton veuvage tu ne t'en souviendras plus

Es 65,16b-17 Les souffrances premières seront oubliées, elles seront cachées à mes yeux. Ainsi me voici créant des cieux nouveaux et un terre nouvelle. Les choses premières ne seront plus rappelées

https://www.unige.ch/theologie/files/7814/0291/1207/Macchi.pdf
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MessageSujet: Re: Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien   Le neuf ou le nouveau et le vieux ou l'ancien Icon_minitimeMar 14 Juin 2022, 11:50

Sur l'article de Sophie Ramond, voir ici 16.12.2021.

Les tableaux schématiques de Macchi (présentation du genre "Power Point" accompagnant la "leçon inaugurale" ?) ne permettent évidemment pas de reconstituer tout le parcours de son raisonnement, mais du coup ils posent (trop ?) clairement la question exégétique sur Isaïe 43,16ss, sous la forme d'une alternative: les "choses premières / anciennes" (rish'onoth / qadmoniyoth) du v. 18 se réfèrent-elles aux "événements" de l'Exode qui semblent évoqués aux v. 16s (et qui, pour rappel, évoquent aussi en-deçà de cette référence [pseudo-]"historique" un fond cosmogonique, le combat du dieu créateur, Mardouk, Hadad-Baal ou Yahvé, contre l'océan primordial, Tiamat-Apsu ou Yam, Lôthan-Léviathan etc.), OU les malheurs récents d'Israël-Juda-Jérusalem, aussi compris comme jugements/châtiments de Yahvé ? Macchi opterait résolument pour la seconde interprétation, Ramond semble ne pas choisir en mentionnant successivement les deux. Pour ma part je pense aussi qu'il n'y a rien à choisir, puisque de fait le lecteur-auditeur est obligé de tout rassembler sous cette évocation du passé à "oublier": les malheurs-jugements-châtiments passés d'Israël-Juda-Jérusalem selon le contexte général (depuis le chap. 40 au moins), mais aussi les "hauts faits" salvateurs de Yahvé selon le contexte immédiat (43,16s), tout cela doit s'effacer devant l'action présente et nouvelle de Yahvé -- qui ne peut pourtant être (re-)connue comme telle (yd`, v. 19) que par référence au "passé"; un passé qu'il faudrait donc à la fois se remémorer et oublier: de toute façon l'injonction d'"oublier" ou l'interdiction de "se souvenir" est un double bind en un seul mot, comme "ne me lisez pas" ou "ne m'écoutez pas"; rien qu'en invitant quelqu'un à oublier quelque chose, on le lui rappelle (sur les paradoxes et apories de l'oubli, on peut éventuellement se promener par ici)...
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