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| Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur | |
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Auteur | Message |
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free
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| Sujet: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Jeu 31 Mar 2022, 15:36 | |
| "Jéhu détruisit le Baal, il le fit disparaître d'Israël, mais il ne s'écarta pas des péchés que Jéroboam, fils de Nebath, avait fait commettre à Israël — les taurillons d'or qui étaient à Beth-El et à Dan. Le SEIGNEUR dit à Jéhu : Parce que tu as bien agi, en faisant ce qui me convenait, parce que tu as agi envers la maison d'Achab exactement comme je le voulais, tes fils seront assis sur le trône d'Israël jusqu'à la quatrième génération. Toutefois, Jéhu ne veilla pas à suivre de tout son cœur la loi du SEIGNEUR, le Dieu d'Israël ; il ne s'écarta pas des péchés que Jéroboam avait fait commettre à Israël" (2 R 10,29-31)
Ce texte semble traversé par des contradictions, nous retrouvons un Roi, Jéhu, dont il est dit qu'il a bien agi en faisant ce qui convenait Dieu et dans le même temps, l'auteur affirme "il ne s'écarta pas des péchés que Jéroboam". Dieu lui promet que ses fils "seront assis sur le trône d'Israël jusqu'à la quatrième génération" et dans le même temps, le texte précise et rappelle : "Jéhu ne veilla pas à suivre de tout son cœur la loi du SEIGNEUR".
Pourtant Jéhu est élu par Dieu, puis oint par un prophète et acclamé par Israël :
"Elisée, le prophète, appela l'un des prophètes et lui dit : Passe une ceinture à tes reins, prends cette fiole d'huile et va à Ramoth de Galaad. Là, tu iras voir Jéhu, fils de Josaphat, fils de Nimshi. Tu le feras lever du milieu de ses frères et tu le conduiras dans une pièce retirée. Tu prendras la fiole d'huile que tu verseras sur sa tête, et tu diras : « Ainsi parle le SEIGNEUR : Je te confère l'onction pour que tu sois roi sur Israël ! » Puis tu ouvriras la porte et tu t'enfuiras sans attendre. Le jeune homme, le jeune prophète, partit pour Ramoth de Galaad. Quand il arriva, les chefs de l'armée étaient installés. Il dit : Chef, j'ai une parole pour toi. Jéhu dit : Pour lequel de nous tous ? Il répondit : Pour toi, chef. Jéhu entra dans la maison, et le jeune homme versa l'huile sur sa tête, en lui disant : Ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu d'Israël : Je te confère l'onction pour que tu sois roi sur le peuple du SEIGNEUR, sur Israël. Tu abattras la maison d'Achab, ton seigneur ; ainsi je vengerai le sang de mes serviteurs, les prophètes, et le sang de tous les serviteurs du SEIGNEUR ; je le ferai payer à Jézabel. Toute la maison d'Achab disparaîtra ; je retrancherai de chez Achab tout mâle, l'esclave comme l'homme libre en Israël, et je rendrai la maison d'Achab semblable à la maison de Jéroboam, fils de Nebath, et à la maison de Basha, fils d'Ahiya. Les chiens mangeront Jézabel dans la parcelle de Jizréel, et il n'y aura personne pour l'ensevelir. Puis il ouvrit la porte et s'enfuit. Lorsque Jéhu sortit pour rejoindre les hommes de son seigneur, on lui demanda : Tout va bien ? Pourquoi ce fou est-il venu te voir ? Jéhu leur répondit : Vous connaissez bien l'homme et ses propos. Mais ils répliquèrent : C'est faux ! Raconte-nous, s'il te plaît ! Il dit : Il m'a parlé de telle et telle manière ; il a dit : « Ainsi parle le SEIGNEUR : Je te confère l'onction pour que tu sois roi sur Israël ! » Alors chacun d'eux se hâta de prendre son vêtement et de le placer sous Jéhu, en haut des marches ; ils sonnèrent de la trompe et dirent : Jéhu est roi !" (2 R 9,1-13) |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Jeu 31 Mar 2022, 16:18 | |
| Le(s) "péché(s) de Jéroboam", pour la rédaction dominante (dite "deutéronomiste") des Rois, c'est pour ainsi dire le "péché par défaut" du royaume d'Israël (c.-à-d. le royaume du Nord, le seul "réel" ou le seul qui compte du point de vue de l'"histoire réelle", jusqu'à la prise de Samarie par les Assyriens à la fin du VIIIe s. av. J-C., qui seule permet l'émergence d'un "royaume de Juda" de quelque ampleur autour de Jérusalem). Dans l'"histoire sainte" de Samuel-Rois cela se traduit par le "schisme" (Roboam/Jéroboam) après le règne idéal de Salomon (néanmoins critiqué sur la fin, ce qui explique la suite) et par le culte des "veaux/taurillons d'or" à Dan et à Béthel (aux limites nord et sud d'Israël, celle-ci préservant artificiellement l'idée d'une continuité "légitime" d'un royaume "davidique" de Juda à Jérusalem, encore plus au sud, sur toute la période): l'ensemble (schisme + veaux d'or, 1 Rois 11ss) constitue le(s) "péché(s) de Jéroboam", inséparable(s) de l'existence même d'Israël (= royaume du Nord) jusqu'à sa chute, quelle que soit la dynastie concernée, dont par définition aucun "roi d'Israël" ne saurait être innocent (même celui qui renverse la "maison de Jéroboam" participe au "péché de Jéroboam", 1 Rois 15,34; cf. 16,2ss.19.26.31; 21,22; 22,52; 2 Rois 3,3; 9,9; 10,29ss; 13,2.6.11; 14.24; 15.9.18.24.28; 17,21s).
En réalité c'est Omri, père d'Achab, qui a fondé le royaume d'Israël à Samarie vers le début du IXe siècle, en s'alliant aux Phéniciens (d'où Jézabel fille du prêtre de Tyr, et la priorité donnée au culte du Baal phénicien rival de Yahvé, malgré les analogies évidentes entre Yahvé et Baal). Par rapport à cette première dynastie ("maison d'Omri" attestée hors de la Bible, cf. p. ex. ici), le récit des Rois fait apparaître Jéhu comme un usurpateur providentiel (oint de Yahvé par l'émissaire d'Elisée; je ne reviens pas sur l'ambivalence "prophétisme / folie" dont nous avons parlé ailleurs, et qui trouve déjà beaucoup d'illustrations dans le cycle de Saül, en 1 Samuel). Pour rappel, ce qui de Jéhu est jugé "positif" dans les Rois, à savoir le renversement de la dynastie d'Omri-Achab-Jézabel-Joram (avec Achazia-Athalie en correspondants judéens) et le motif religieux qui l'accompagne et le justifie (Yahvé vs. Baal), reste "négatif" dans Osée (1,4): c'est un crime dont sa dynastie (usurpatrice) devra rendre des comptes. Les Chroniques, qui d'une façon générale s'intéressent très peu au royaume du Nord (= Israël), sont beaucoup moins élogieuses sur Jéhu, elles se contentent de dire que Yahvé l'a oint pour punir la maison d'Achab (2 Chroniques 22,7, la suite ménageant d'ailleurs une sorte de rédemption posthume pour Achazia, l'allié judéen tué par Jéhu, en tant que petit-fils du "bon roi" Josaphat). Il est vrai qu'en dehors de l'idéologie strictement exclusiviste du Deutéronome, qui rejette violemment toute alliance du yahvisme judéen avec quoi que ce soit dans la droite ligne d'Esdras-Néhémie, il est difficile de trouver le Jéhu des Rois "sympathique" (mais celui-ci n'a probablement pas grand rapport avec l'histoire réelle, cf. l'"obélisque noir" de Salmanasar qui le présente comme "fils d'Omri" et vassal de l'Assyrie, s'il se réfère au même personnage).
Plus généralement, le jugement du livre des Rois sur les rois (plus ou moins) bons ou mauvais les rapporte toujours à des références-types, celui (négatif) de Jéroboam surplombant toute l'histoire d'Israël (royaume du Nord), y compris pour le "bon" Jéhu, avec des écarts vers le "pire" comme pour la famille d'Achab; en Juda c'est bien sûr David qui est le modèle positif auquel peu de rois se mesurent (Asa 1 Rois 15,11 [+ Josaphat 22,41ss], Ezéchias 2 Rois 18,3, Josias 22,2; cf. a contrario 1 Rois 15,3ss; 2 Rois 14,3; 16,2), avec des contre-modèles comme Manassé (2 Rois 21, cf. v. 20), qui en vient à surplomber toute la fin du royaume malgré le "bon" Josias (cf. 23,26). Pour rappel, la "rétribution" dans les Rois n'est pas strictement individuelle, comme elle le deviendra dans les Chroniques, le châtiment s'étend à trois ou quatre générations selon le Décalogue (Exode 20 // Deutéronome 5); ce qui explique l'effet transgénérationnel du "péché de Manassé" jusqu'à l'exil, mais se retourne aussi dans le cas de Jéhu qui est "récompensé" jusqu'à la quatrième génération (Zacharie assassiné par Shalloum, cf. 2 Rois 10,30ss; 15,8-12).
Au passage, Jéhu est présenté comme "fils de Josaphat" (et petit-fils de Nimshi, mais ailleurs fils de Nimshi) en 2 Rois 9,2.14: il y a peut-être eu intention (toutefois neutralisée par le reste de la généalogie) de le rattacher à Juda et à un "bon" roi (Josaphat fils d'Asa, dépeint comme contemporain et allié plus ou moins réticent de la dynastie d'Omri, Achab, Joram, cf. notamment 1 Rois 22 et 2 Rois 3). De même le Jéroboam placé artificiellement au début du royaume d'Israël (en révolté contre Roboam après la mort de Salomon, 1 Rois 11ss) peut être un "doublon" (anticipé ou proleptique) du Jéroboam (II) qui arrive plus bas dans la liste (2 Rois 13,13; 14,16ss).
(Revoir éventuellement ceci.) |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Ven 01 Avr 2022, 11:27 | |
| - Citation :
- Pour rappel, ce qui de Jéhu est jugé "positif" dans les Rois, à savoir le renversement de la dynastie d'Omri-Achab-Jézabel-Joram (avec Achazia-Athalie en correspondants judéens) et le motif religieux qui l'accompagne et le justifie (Yahvé vs. Baal), reste "négatif" dans Osée (1,4): c'est un crime dont sa dynastie (usurpatrice) devra rendre des comptes. Les Chroniques, qui d'une façon générale s'intéressent très peu au royaume du Nord (= Israël), sont beaucoup moins élogieuses sur Jéhu, elles se contentent de dire que Yahvé l'a oint pour punir la maison d'Achab (2 Chroniques 22,7, la suite ménageant d'ailleurs une sorte de rédemption posthume pour Achazia, l'allié judéen tué par Jéhu, en tant que petit-fils du "bon roi" Josaphat). Il est vrai qu'en dehors de l'idéologie strictement exclusiviste du Deutéronome, qui rejette violemment toute alliance du yahvisme judéen avec quoi que ce soit dans la droite ligne d'Esdras-Néhémie, il est difficile de trouver le Jéhu des Rois "sympathique" (mais celui-ci n'a probablement pas grand rapport avec l'histoire réelle, cf. l'"obélisque noir" de Salmanasar qui le présente comme "fils d'Omri" et vassal de l'Assyrie, s'il se réfère au même personnage).
"Le SEIGNEUR lui dit : Appelle-le du nom de Jizréel ; car encore un peu de temps et je ferai rendre des comptes à la maison de Jéhu pour le sang de Jizréel : je mettrai fin à la royauté de la maison d'Israël" (Os 1,4).
A. Alt remarque qu'Osée déplore l'intronisation de rois sans l'assentiment de Yahwé (8 4), qu'il n'a aucun sens de la continuité dynastique puisque, selon 1 4 ss., Yahwé n'hésitera pas à détruire la maison de Jéhu, donc Osée est attaché à l'idéal de la royauté «charismatique », opposé un peu rigidement par Alt aux conceptions dynastiques de la monarchie judéenne fondée sur l'alliance davidique. Au contraire, J. Pedersen affirme qu'Osée s'élève seulement contre la monarchie éphraïmite, il la regarde dans sa totalité comme illégitime, car seule la lignée de David est autorisée à gouverner le peuple de Yahwé. Si Osée est le porte-parole de l'idéal judéen, dont il rappelle la portée pan-israélite, on se heurte à un grave problème de critique textuelle : à la suite de Wellhausen, on tient pour des interpolations «judéennes » les versets d'Osée annonçant la réunion des deux royaumes (ainsi 2 2), et, d'une manière générale, tous les passages mettant en cause Juda ou contrebalançant les annonces de malheur par des promesses de bonheur 1β.
Dès le chapitre 1, Osée se prononce sans équivoque sur la maison de Jéhu qui avait donné au royaume du Nord ses dernières heures de gloire sous le long règne de Jéroboam II. Le nom symbolique de Yizréel donné par le prophète à son fils aîné annonce la fin de cette dynastie :
"Appelle le Yizréel car, encore un peu de temps, et je vengerai le sang de Yizréel sur la maison de Jéhu et je mettrai fin à la royauté de la maison d'Israël" (v. 4).
Le nom de Yizréel évoque le massacre des Omrides qui marque l'avènement de la dynastie de Jéhu (II Rois ΙΟ). On ne manque pas de souligner qu'Osée n'a aucun égard pour le zèle yahviste qui animait Jéhu (II Rois 10 i6), ni pour son investiture par le prophète Élisée (II Rois 9 1-4). Comment justifier cette différence de perspective ? Osée, dit-on, aurait approuvé dans son principe la révolution de Jéhu, mais lui reprocherait de n'être pas allé jusqu'au bout en laissant se perpétuer le culte des veaux (comparer II Rois 10 29) 22. Ou bien la condamnation du prophète ne porterait pas sur le fondateur de la dynastie, mais sur ses successeurs qui auraient déçu les espoirs mis en eux par les cercles prophétiques. C'est oublier que le «sang de Yizréel » renvoie uniquement, dans le passé, à l'acte sanguinaire dont Jéhu a assumé la responsabilité et non à un motif cultuel quelconque. C'est pourquoi, plusieurs exégètes estiment qu'Osée juge l'événement selon sa seule conscience, hors de toute tradition reçue dans son milieu, et n'admet plus que la fin justifie les moyens 24. Son attitude serait ainsi voisine de celle d'Amos stigmatisant dans les premiers chapitres de son livre des crimes de droit commun perpétrés dans différentes nations. Il semble certain, en tout état de cause, qu'Osée ne partage pas l'idéologie «charismatique » définie par Alt pour la monarchie éphraïmite : à travers les restrictions deutéronomistes des livres des Rois, nous percevons que Jéhu est apparu aux yahvistes du Nord comme un élu de Dieu conduisant une guerre sainte ; dans Osée, l'événement de Yizréel est un forfait pur et simple, dont toute la descendance de Jéhu porte le poids.
https://www.google.com/search?q=Os%C3%A9e+j%C3%A9hu+th%C3%A9ologie&rlz=1C1GCEB_enFR973FR973&oq=Os%C3%A9e+j%C3%A9hu+th%C3%A9ologie&aqs=chrome..69i57.5564j0j15&sourceid=chrome&ie=UTF-8Le deuxième livre des Rois ne semble pas dépeindre un visage élogieux (à moins que cette violence soit légitime pour l'auteur) du roi Jéhu, au point ou on peut se demander s'il est vraiment un roi selon le cœur de Yahvé. Le récit nous propose un roi Jéhu qui révèle, par ses actions et par ses paroles, un penchant pour la violence, le massacre et qui n’a aucun souci de la paix : "Le guetteur qui se tenait sur la tour d’Izréel vit venir la troupe de Jéhu et dit : « Je vois une troupe. » Yoram dit : « Prends un cavalier et envoie-le à leur rencontre et qu’il dise : Est-ce la paix ? » Le cavalier partit à leur rencontre et dit : « Ainsi parle le roi : Est-ce la paix ? » Jéhu répondit : « Que t’importe la paix ? Fais demi-tour et suis-moi ! » Le guetteur annonça : « Le messager est arrivé jusqu’à eux, mais il ne revient pas. » Le roi envoya un second cavalier qui arriva jusqu’à eux et dit : « Ainsi parle le roi : Est-ce la paix ? » Jéhu répondit : « Que t’importe la paix ? Fais demi-tour et suis-moi !" (2 R 9,17-19). Le meurtre de Jézabel est particulièrement violent et sanglant, après l’avoir piétinée, Jéhu mange pendant qu’elle est en train d’être mangée par des chiens : "Jéhu était sur le point d’entrer à Izréel, quand Jézabel l’apprit. Elle se farda les yeux, orna sa tête, puis se pencha à la fenêtre. Au moment où Jéhu franchissait la porte de la ville, elle dit : « Est-ce la paix, Zimri, assassin de son maître ? » Il leva les yeux vers la fenêtre et dit : « Qui est avec moi, qui ? » Alors deux ou trois eunuques se penchèrent vers lui. Il dit : « Jetez-la en bas ! » Ils la jetèrent. Une partie du sang de Jézabel gicla contre la muraille et sur les chevaux ; Jéhu la piétina. Il entra, mangea et but, puis il dit : « Occupez-vous donc de cette maudite et ensevelissez-la, car elle est fille de roi. » Ils allèrent pour l’ensevelir, mais ne retrouvèrent que le crâne, les pieds et les paumes des mains. Ils revinrent l’annoncer à Jéhu, qui dit : « C’est bien là la parole que le SEIGNEUR avait dite par l’intermédiaire de son serviteur Elie le Tishbite : “Dans la propriété d’Izréel les chiens mangeront la chair de Jézabel, et le cadavre de Jézabel deviendra du fumier en plein champ, dans la propriété d’Izréel, en sorte qu’on ne pourra dire : ceci est Jézabel.” » (2 R 9,30-37). |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Ven 01 Avr 2022, 11:44 | |
| Lien (plus direct) à l'article (de Caquot, 1961) que tu cites. A toutes fins utiles, j'ai aussi ajouté un lien à un article de Römer (que nous avons déjà vu ailleurs, celui de Caquot sans doute aussi) à la dernière ligne de mon post précédent.
Du point de vue de la rédaction principale (disons "deutéronomiste", sous toutes réserves) des Rois, le portrait de Jéhu est élogieux, sans la moindre réserve, et sa violence légitime -- autant que celle de Josué dans le livre éponyme. C'est à d'autres points de vue (pas seulement "modernes", comme en témoigne Osée) que ce genre d'"histoire sainte" ferait difficulté.
Outre la question "morale", on retombe sur le sempiternel problème de la chronologie relative des textes, non seulement livre par livre mais quasiment phrase par phrase, en fonction des "couches rédactionnelles": si l'on attribue l'"oracle" d'Osée 1,4 tel que nous le lisons au personnage d'Osée, situé sous le règne de Jéroboam (II; cf. v. 1), c'est-à-dire peu après la chute de la dynastie de Jéhu (assassinat de Zacharie par Shalloum) selon les Rois (ce qui en ferait déjà une prophétie "après l'événement", comme le note Caquot, sauf si l'on surinterprète le v. 5 dans le sens d'une défaite militaire et donc d'une vraie prédiction inaccomplie, auquel cas c'est le synchronisme du v. 1 qui serait faux), on ne peut pas présupposer sur le Jéhu d'Osée tout ce qu'on lit de lui dans les Rois; a minima c'est le massacre des Omrides (Jizréel) qui serait en vue, mais peut-être pas aussi étendu que dans le récit des Rois. En revanche, si la référence à Jéhu est plus tardive, postérieure au récit des Rois tel que nous le lisons, alors elle s'inscrit nettement contre la perspective "morale" (ou "immorale") de celui-ci. |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Ven 01 Avr 2022, 12:19 | |
| Selon le récit biblique élie et surtout son successeur Elisée furent impliqués dans le putsch contre la maison d’Omri, mené par Jéhu qui fait de Yhwh le « baal »national du royaume d'Israël. La question demeure de savoir si c’est la première fois que Yhwh devient le dieu tutélaire de la royauté en Israël. Cela dépend pourbeaucoup de la façon dont on interprète les récits bibliques du prétendu schisme. Ce qui est attribué en 1R 12 à Jéroboam i, faut-il en réalité l’attribuer à Jéroboam ii(787-748) ou s’agit-il partiellement de récits ayant un noyau historique ? on peut aussi imaginer une concurrence entre Béthel (Yhwh) et Samarie (« baal ») jusqu’auputsch de Jéhu qui impose Yhwh comme dieu national et dieu titulaire de la royauté. Le combat du baal Yhwh contre le baal phénicien a sans doute provoqué uneinterrogation sur la manière de vénérer un baal. est-ce la manière adéquate de rendre un culte à Yhwh ?(Revoir éventuellement ceci.) "Elisée, le prophète, appela l'un des prophètes et lui dit : Passe une ceinture à tes reins, prends cette fiole d'huile et va à Ramoth de Galaad. Là, tu iras voir Jéhu, fils de Josaphat, fils de Nimshi. Tu le feras lever du milieu de ses frères et tu le conduiras dans une pièce retirée. Tu prendras la fiole d'huile que tu verseras sur sa tête, et tu diras : « Ainsi parle le SEIGNEUR : Je te confère l'onction pour que tu sois roi sur Israël ! » Puis tu ouvriras la porte et tu t'enfuiras sans attendre. Le jeune homme, le jeune prophète, partit pour Ramoth de Galaad. Quand il arriva, les chefs de l'armée étaient installés. Il dit : Chef, j'ai une parole pour toi. Jéhu dit : Pour lequel de nous tous ? Il répondit : Pour toi, chef. Jéhu entra dans la maison, et le jeune homme versa l'huile sur sa tête, en lui disant : Ainsi parle le SEIGNEUR, le Dieu d'Israël : Je te confère l'onction pour que tu sois roi sur le peuple du SEIGNEUR, sur Israël. Tu abattras la maison d'Achab, ton seigneur ; ainsi je vengerai le sang de mes serviteurs, les prophètes, et le sang de tous les serviteurs du SEIGNEUR ; je le ferai payer à Jézabel. Toute la maison d'Achab disparaîtra ; je retrancherai de chez Achab tout mâle, l'esclave comme l'homme libre en Israël, et je rendrai la maison d'Achab semblable à la maison de Jéroboam, fils de Nebath, et à la maison de Basha, fils d'Ahiya. Les chiens mangeront Jézabel dans la parcelle de Jizréel, et il n'y aura personne pour l'ensevelir. Puis il ouvrit la porte et s'enfuit. Lorsque Jéhu sortit pour rejoindre les hommes de son seigneur, on lui demanda : Tout va bien ? Pourquoi ce fou est-il venu te voir ? Jéhu leur répondit : Vous connaissez bien l'homme et ses propos. Mais ils répliquèrent : C'est faux ! Raconte-nous, s'il te plaît ! Il dit : Il m'a parlé de telle et telle manière ; il a dit : « Ainsi parle le SEIGNEUR : Je te confère l'onction pour que tu sois roi sur Israël ! » Alors chacun d'eux se hâta de prendre son vêtement et de le placer sous Jéhu, en haut des marches ; ils sonnèrent de la trompe et dirent : Jéhu est roi" (2 R 9,1-13)Notes : 2 Rois 9:11– ce fou : terme apparenté au v. 20 ; les mots hébreux correspondants sont traduits ailleurs par délire, délirer ; cf. Dt 28.28,34 ; 1S 21.15s ; Za 12.4 ; et, concernant les prophètes, en Jr 29.26 ; Os 9.7. – et ses propos : Syr a compris et sa folie.Il reste à se demander comment s’effectue la rencontre entre Jéhu et le prophète. Comment celui-ci en tant qu’élu de Dieu reconnaît ses messagers, ceux qui parlent en son nom.2 Rois 9, 11-13 : « 11 Jéhu sortit rejoindre les serviteurs de son maître. On lui dit : “Est-ce que tout va bien ? Pourquoi cet exalté est-il venu vers toi ? ” Il leur répondit : “Vous-mêmes, vous connaissez l’homme et sa rengaine.” 12 Ils lui dirent : “Tu mens ! Mets-nous au courant ! ” Il répondit : “Voici tout ce qu’il m’a dit : Ainsi parle le SEIGNEUR. Par cette onction, je te sacre roi sur Israël.’” 13 Ils se hâtèrent de prendre chacun son vêtement qu’ils mirent sous ses pieds, en haut des marches. Ils sonnèrent du cor et dirent : “Jéhu est roi ! ” »Si l’on s’arrête dans un premier temps sur la réaction des Israélites concernant la manière dont ils qualifient le prophète, on constatera qu’il est présenté comme un « exalté », un « fou ». Ce terme que l’on retrouve par exemple en Deutéronome 32, 6 ; 1 Samuel 13, 13-14 ou 2 Samuel 24, 10st employé lorsqu’il s’agit de désigner Israël, ou une personne qui n’est pas fidèle à Adonaï. On peut donc se demander s’il n’y a pas une critique envers ce prophète qui n’a pas fait ce que lui avaient demandé Élisée et Dieu. En effet, il impose à Jéhu son propre vouloir qui est de frapper la maison d’Akhab, de tuer Jézabel, alors que Dieu lui demandait tout simplement qu’il soit oint comme roi. N’y a-t-il pas un reproche envers Israël, qui ne serait plus capable de reconnaître un prophète ? Question cruciale qui remet en cause le fondement du peuple élu. Israël appartient à Dieu, mais s’il ne sait plus reconnaître l’homme de Dieu, ne perd-il pas son identité ? Cette question traverse tous les Livres des Rois.En ce qui concerne ce paragraphe, un dernier point peut être relevé : l’attitude de Jéhu. En effet le verset 11b peut être interprété comme une certaine réticence à accepter et à dévoiler son onction. Cette réserve nous oblige à questionner les motivations d’une telle décision.https://www.cairn.info/revue-communio-2017-3-page-113.htm#re1no11 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Ven 01 Avr 2022, 13:46 | |
| Lecture ingénieuse, peut-être trop -- d'ailleurs facilitée par le fait que l'auteur ne se réfère pas au texte hébreu, allant jusqu'à surinterpréter une conjonction ("donc") de la TOB -- en tout cas pleine de bonnes intentions. L'auteur, quoique catholique, me fait penser (aussi par son emploi d'"Adonaï") à la tradition rabbinique, dont l'un des soucis majeurs et constants (contrairement à l'image qu'on se fait des "pharisiens" d'après les caricatures évangéliques) a été de rendre les textes "bibliques" plus aimables ou plus supportables qu'ils ne le sont au regard d'une conscience successivement romaine, chrétienne ou moderne.
A mon sens ce souci n'était pas du tout celui des rédacteurs des Rois, on pourrait le montrer par moult critiques de détail: erreur de mettre les notices rédactionnelles plus ou moins stéréotypées qui émaillent l'ensemble du livre (1 et 2 Rois) sur le même plan que le récit particulier des cycles d'Elie, d'Elisée ou de Jéhu, pour neutraliser celui-ci par celles-là; de confondre le "péché-par-défaut" du royaume du Nord (les "veaux/taurillons d'or", voir supra, qui représentent Yahvé, déjà dans le "parallèle" de l'Exode !) avec la concurrence Yahvé-Baal, sous le même concept d'"idolâtrie"; etc. Mais on pourrait aussi le comprendre plus simplement en observant le simple effet du texte sur le lecteur moyen (même en traduction): a priori rien ne vient jeter le moindre soupçon de réprobation divine sur les massacres de Jéhu (les notices stéréotypées, qui ne valent pas plus pour Jéhu que pour un autre roi d'Israël = royaume du Nord, lui reprochent autre chose); si le lecteur est choqué c'est par rapport à une autre "morale" que celle du texte, et c'est seulement à partir d'une telle réaction qu'il peut relire le texte pour y trouver prétexte à distanciation -- et dans ce sens-là la re-lecture "ironique" proposée est effectivement ingénieuse, mais ce n'est plus de l'ex-égèse, ni même de l'analyse ("narrative"). |
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Ven 01 Avr 2022, 14:02 | |
| LES PROPHÈTES FACE AUX USURPATIONS DANS LE ROYAUME DU NORD (juste l'introduction de l'article malheureusement) par IZABELA JARUZELSKA
L’histoire deutéronomiste compte neuf prises de pouvoir dans lesquelles le nouveau souverain sur le trône d’Israël n’a pas succédé à son père. Certains chercheurs qualifient ce type de changement politique de “coup d’État”. La définition du phénomène comme “action violente par laquelle un groupe de personnes s’empare du pouvoir en dehors des règles constitutionnelles” met en évidence que l’application du terme moderne aux organismes politiques de l’antiquité est un peu anachronique. Si bien que la notion générale du titre ci-dessus semble mieux correspondre aux descriptions des renversements du pouvoir dans les Rois contenant tantôt plus, tantôt moins de détails, et dont l’unique dénominateur commun précise la première phrase de ce propos. Une certaine participation des prophètes est parfois mentionnée dans ce contexte. À la lumière de la Bible ceux-ci n’intervinrent pas dans toutes les actions politiques en question. Leur apport paraît important à l’avènement de Jéroboam I et de Jéhu. En revanche, aucun prophète n’est mentionné lors de l’arrivée d’Omri au pouvoir. L’histoire deutéronomiste ne mentionne pas l’engagement de ces hommes au cours des changements violents sur le trône vers la fin du royaume du Nord. Toutefois les oracles d’Osée contre les dirigeants d’Israël, blâmés pour les assassinats des rois et l’établissement d’un pouvoir illégitime, témoignent de la prise de position des prophètes face à ce phénomène politique. L’intérêt de cet article porte sur l’évaluation de leur rôle dans les successions irrégulières que nous allons passer en revue selon l’ordre chronologique (Jéroboam, Basha, Zimri, Jéhu) ainsi que sur l’analyse de la contribution d’Osée. La fonction des prophètes dans le contexte des usurpations ne peut être estimée qu’avec une prise en considération des sources sur leur implication dans les événements, sources dont la valeur historique n’est pas égale. Les textes que nous allons examiner appartiennent en principe, à l’exception près d’Osée, soit aux traditions prophétiques incorporées dans les Rois soit aux brefs discours dont le genre littéraire comprend la prophétie et son accomplissement, attribués au deutéronomiste daté selon certains chercheurs durant l’exil et selon N. Na'aman et d’autres du 7ème siècle av. J.-C.8 Le problème essentiel consiste donc dans le décalage qui sépare les textes des faits et dans la complexité des couches littéraires. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Ven 01 Avr 2022, 15:40 | |
| Lien (juste pour la référence bibliographique, car par là le texte lisible est encore plus réduit). Soit dit en passant, je ne sais pas si Mme Jaruzelska est parente du général Jaruzelski (en polonais les noms de famille varient selon le sexe du porteur) mais, vu le sujet, ce serait amusant.
Toute écriture et toute lecture, toute parole et toute audition ou compréhension est anachronique -- ça l'est déjà quand je raconte ce qui m'est arrivé il y a cinq minutes, à l'échelle de "la Bible" lue au XXIe siècle l'anachronisme s'étend sur des millénaires, avec toutes les différences de langue et de culture (religieuse ou politique, entre autres) que ça implique. Il ne me paraît donc pas beaucoup plus anachronique de parler de "coup d'Etat" ou de "putsch" que d'"usurpation" ou de "succession irrégulière", de toute façon l'idée que nous nous faisons de la chose est forcément inadéquate.
Du point de vue de l'"histoire réelle", pour autant qu'on puisse la reconstituer, le cas d'Omri est foncièrement différent de tous les autres, parce qu'il fonde à la fois son royaume (Israël), sa dynastie (maison d'Omri) et sa capitale (Samarie). Il n'y a donc rien de tel qu'une "succession" dans son cas, même si son (nouveau) royaume entre en conflit avec diverses cités-Etats existantes à mesure qu'il s'étend. Ce qui donne l'illusion d'une succession (irrégulière), c'est la continuité fictive que le livre des Rois impose au "royaume d'Israël" depuis Jéroboam (Ier) -- qui, lui, aurait effectivement eu besoin d'une "prophétie" pour fonder son royaume contre celui de Salomon-Roboam, même si sa dynastie est éphémère (son fils Nadab est assassiné dès sa deuxième année de règne, selon 1 Rois 15,27ss).
Soit dit en passant, il y a déjà un "prophète Jéhu" (fils de Hanani) qui annonce-provoque-justifie une "succession irrégulière" (de Baasha par Zimri) en 1 Rois 16. |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Ven 01 Avr 2022, 16:29 | |
| A. Élection et Alliance
Parmi les sources du Deutéronomiste, il faut distinguer celles qui viennent du royaume du Nord — les cycles prophétiques d’Élie et d’Élisée, en particulier — et celles qui viennent du Sud — les récits sur David, par exemple. Il convient aussi de ne pas perdre de vue que le royaume du Sud constitue le passage obligé des traditions venues du Nord, puisque l'autonomie du royaume du Nord et apparemment sa culture et sa tradition religieuse disparaissent en 722 sous les coups d'Assur.
Deux façons distinctes, mais corrélatives, d'exprimer le dessein divin se définissent alors.
La perspective dynastique, fondée sur l'élection de David, s'enracine au Sud. De David, vers 1000, à Joakin-Jéchonias au moins, vers 550, une succession dynastique sans discontinuité prévaut à Jérusalem. Elle prend sa source dans l'investiture de David par deux hommes de Dieu, Samuel et Nathan. La notion d'élection ici est mise en évidence. David est le petit dernier de la famille de Jessé, et c'est lui qui est retenu pour être oint. Certes, il doit faire ses preuves vis-à-vis de Samuel, mais lui et sa dynastie, sa « maison » qui n'est pas le Temple, reçoivent de Samuel et de Nathan l'investiture par choix divin.
Au Nord, par contre, il n'y a pas de continuité dynastique. Jéroboam est un usurpateur. À plusieurs reprises, des prophètes doivent intervenir pour assurer la légitimité d'un souverain « fils de personne » ; ainsi Élisée pour Jéhu. Ce défaut de continuité n’empêche cependant pas que soit mise en relief la fidélité du dessein divin, négativement le plus souvent, quand Dieu intervient pour châtier les adorateurs de Baal. Ici c'est la notion bilatérale d'alliance qui paraît avoir servi de cadre « juridique » à la manifestation de la volonté divine. Les prophètes y apparaissent comme les seuls défenseurs de l'Alliance avec le Dieu d'Israël, tandis que les rois sont idolâtres sans exception.
Alors que les rois du Sud constituent le moteur, parfois défaillant, de l'histoire religieuse et même si Isaïe joue un grand rôle, les rois du Nord, eux, plus riches et puissants à coup sûr, mais aussi tentés par les dieux étrangers de Tyr et de Sidon, sont constamment sous le coup de la censure prophétique rappelant l'Alliance et les malédictions qu'elle comporte contre ceux qui la violent.
Évidemment l'historien deutéronomiste n'a pas eu beaucoup de peine à réconcilier les deux notions. Du côté de Dieu, en effet, l'Alliance, même si elle est bilatérale, comportait un choix préalable du partenaire. L'initiative de l'Alliance revenait à Dieu. Au confluent des traditions du Nord et du Sud, le Deutéronomiste eut à conjuguer élection et alliance. Et je suis tenté de lui attribuer cette phrase de l’oracle de Nathan qui ne se lit pas dans le passage correspondant des Chroniques : « S'il commet le mal, je le châtierai avec une verge d'homme et avec les coups que donnent les humains » (II Sm 7,14b ; cf. I Ch 17,13). Cette unique évocation négative dans un contexte de promesse rappelle l'alternative des bénédictions et malédictions, caractéristique du système de l'alliance.
https://books.openedition.org/pusl/19240?lang=fr |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Ven 01 Avr 2022, 18:18 | |
| A mon avis, la rédaction dominante de Samuel-Rois donne plutôt l'impression que Yahvé se désintéresse d'Israël (= royaume du Nord, Samarie): si la seule alliance durable est avec David (2 Samuel 7), elle ne concerne pas Jéroboam, quand bien même celui-ci reçoit de Yahvé la quasi-totalité du royaume par voie de "prophétie" (Ahiya, 1 Rois 11; la possibilité d'abord ouverte d'une alliance dynastique analogue à celle de David, quoique provisoire, se referme explicitement au chap. 14, avec l'oracle du même Ahiya à la femme de Jéroboam). A partir de là les interventions "prophétiques" en Israël font figure d'exception, ponctuelle (de Jéhu fils de Hanani pour le renversement de Baasha par Zimri, en 1 Rois 16, à Jonas -- indépendamment du livre ultérieur qui porte son nom et renvoie au même personnage -- en 2 Rois 14) ou étendue ("cycles" d'Elie, d'Elisée et de Jéhu fils de Josaphat ou de Nimshi qui se distinguent du récit principal par beaucoup d'autres traits, en particulier les communautés de "fils des prophètes", comme dans 1 Samuel, et les miracles), notamment quand un roi de Juda ("davidide") est impliqué (1 Rois 22; 2 Rois 3; à cet égard le rattachement marginal de Jéhu à Josaphat pourrait être significatif). Pour développer un peu ce que je n'ai fait jusqu'ici que suggérer, il faut souligner, dans Samuel-Rois, la coexistence et l'intrication d'au moins deux "genres littéraires" essentiellement distincts, dont n'importe quel lecteur ressent la différence, ne serait-ce que par une alternance d'ennui et d'intérêt, même s'il ne l'analyse pas clairement: d'une part 1) les "notices" succinctes et stéréotypées, semblables à ce qu'on trouve dans la plupart des annales royales de l'Antiquité (mort du roi, durée de son règne, indication sommaire de quelques événements marquants, guerres, victoires ou défaites, constructions, nom et âge du successeur à l'accession au trône, etc. -- la tradition ancienne d'écriture monumentale des cours royales expliquant en partie leur style "lapidaire": sur la pierre [ lapis, en latin] on écrit difficilement et peu); d'autre part 2) des récits plus longs et plus "vivants", dérivant du style oral et populaire (ce qui ne veut pas dire qu'il y ait une "tradition orale" derrière chaque récit de ce genre, ce style s'imite aussi par écrit dès lors que l'écriture se fait plus libre, par l'usage de techniques et de supports plus "légers", de l'alphabet au rouleau de parchemin ou de papyrus, et il est de toute façon destiné à la lecture à haute voix pour un auditoire plus large que les archives d'une cour royale), centrés sur les aventures d'un personnage (soit tout ce qu'on appelle des "cycles", histoires- stories de Samuel, de Saül, de David, d'Elie, d'Elisée ou de Jéhu, dans les Juges des principaux "juges"; et ailleurs des "épopées", de Gilgamesh à l'Odyssée, dont les récits "bibliques" se distingueraient encore par le passage de la "poésie" à la "prose", sous réserve de la pertinence de ces catégories). C'est le mélange plus ou moins organisé de ces deux "genres" (chronique historique ou fictive, mais toujours d'allure "historique", et récit plus proche du conte), dans des proportions variables, qui fait l'"originalité littéraire" de l'"historiographie biblique", à cet égard très différente des littératures plus anciennes où les deux "genres" existent séparément. Outre l'incidence de la "monolâtrie" yahviste et du "monothéisme" ultérieur qui appauvrissent considérablement la "mythologie": en régime "polythéiste" les dieux ont des "histoires" spécifiques entre eux, avec un seul dieu il n'y a rien à raconter, sauf dans l'interaction de ce dieu avec des personnages humains, historiques ou légendaires; ce qui rapproche naturellement l'"histoire" de la "légende", et les deux du "mythe", favorisant en retour la transformation mythico-légendaire de l'"histoire" (en "histoire sainte"). Quant à la question "morale" dont nous avons déjà beaucoup parlé (cf. p. ex. ici: guerres, assassinats, exécutions sommaires, massacres, génocides, réduction des prisonniers de guerre à l'esclavage y compris sexuel, etc.), elle ne concerne pas seulement les Rois (ou Samuel-Rois) ni les livres dits "historiques" ("Premiers Prophètes" selon le canon juif, depuis Josué qui commence très fort), elle s'étend aussi bien à la Torah (notamment par le Deutéronome qui programme le "génocide cananéen") ou aux Ecrits (qu'on se rappelle la fin du psaume 137). Il faut bien sûr la rapporter à la situation de l'écriture (pour la trame principale des Rois, l'exil à Babylone, cf. la conclusion, sans préjudice des réécritures et développements ultérieurs): point de vue du vaincu ou du faible, donc d'un certain ressentiment (comme dit Nietzsche en français dans le texte), parfois rancunier ou revanchard, au moins défensif jusque dans la restauration sous l'empire perse qui (re-)place Jérusalem dans la dépendance de Samarie; le peuple ( ethnos) judéen qui se targue de conquêtes impitoyables dans un passé lointain n'est guère en mesure, au présent, de dominer ni d'opprimer qui que ce soit -- mais il le sera à nouveau, dès l'époque hasmonéenne, et alors ce qui a été écrit ne sera plus sans conséquence. Toujours est-il que pour le lecteur "religieux" ou "croyant" de la Bible, juif pharisien-rabbinique postérieur aux dernières guerres judéo-romaines (66-73, 132-135) ou chrétien, c'est un embarras certain, d'autant que l'éventuelle distance critique passe par un moment d'"identification": non seulement le lecteur, surtout s'il lit ou entend les récits depuis son enfance, s'identifie naturellement aux "héros", même sanguinaires (Josué, Samson, David ou Jéhu), mais il identifie aussi son Dieu au dieu acteur, locuteur et référent de toutes leurs histoires, avant d'être éventuellement saisi d'un scrupule ou d'un doute, d'autant plus gênant qu'il s'est lui-même impliqué dans la lecture ( de l'approbation à la réprobation en passant par la honte). Je me souviens d'une discussion avec des responsables de "l'école du dimanche" dans une Eglise évangélique (modérée), quelque peu alarmés de découvrir que leurs bambins jouaient aux Israélites et aux Cananéens (ç'aurait pu être Jéhu contre les adorateurs de Baal) comme aux cow-boys et aux Indiens... L'"histoire" moderne, bien sûr, n'a pas besoin de dieux pour générer des "mythes", au sens plus large, mais tout aussi dangereux. |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Lun 04 Avr 2022, 10:55 | |
| La révolte de Jéhu, un psychodrame ?
Le récit de la révolte de Jéhu (2 Bois, IX et X) a fait l'objet de récentes et minutieuses études, dont certaines portent sur les problèmes quasi insolubles soulevés par la psychologie du héros de ce récit, Jéhu. La désinvolture manifestée par ce candidat au pouvoir à l'égard de ceux-là mêmes qui le poussaient à l'action, je veux dire les prophètes groupés autour d'Elisée ; la manière dont cette désinvolture tranche sur l'insistance que met Jéhu à s'assurer les sympathies et le concours des Réka- bites, dont on ne voit ni l'utilité, ni la fonction ni dans le mouvement d'ensemble de la révolte, ni dans ses répercussions ultérieures ; l'indépendance d'esprit, donc, de ce jeune roi sanguinaire et passionné, mais, simultanément, ses apparentes faiblesses, son besoin répété de s'appuyer sur d'autres hommes et de justifier chacun de ses actes ; enfin l'ambiguïté générale du récit dont on ne sait pas finalement s'il constitue un éloge ou une condamnation implicite de la nouvelle dynastie, s'il doit être pris au sérieux ou s'il ne trouve sa véritable signification que dans l'ironie sous-jacente à certaines de ses phases, tout cela soulève un ensemble de questions, pour lesquelles on a proposé des solutions diverses, mais qui ne sont pas trop éloignées les unes des autres.
En général, ces deux chapitres sont traités selon la méthode littéraire appliquée au récit de l'instauration de la royauté de Saül (1 Sam, VIII- XII). On veut y découvrir le témoignage historique d'un chroniqueur tardif, qui se voit obligé de travailler sur plusieurs sources contradictoires, dont il ne sait plus (certains exégètes seraient prêts à admettre qu'il ne s'agit pas d'une ignorance, mais d'une position intentionnelle, et qu'il faudrait donc supposer que de ces sources, le narrateur ne veut plus savoir) que leur contradiction même est le signe d'un conflit historique ancien mais réel, qui avait jadis divisé le peuple hébreu en partisans ou en adversaires du principe même de la proclamation de la royauté, à l'époque de Saül, et, plus tard, de la légitimité de la révolte de Jéhu et de son accession au pouvoir. De ce conflit il ne resterait, dans le récit biblique actuel, que de discrets témoignages, dont les principaux seraient précisément constitués par ces incohérences d'information et ces incompatibilités stylistiques, que le narrateur n'a pas su ou n'a pas voulu débrouiller, soit par respect de traditions anciennes qui lui paraissaient toutes dignes d'être incorporées dans le récit, soit par un souci d'apaisement entre deux thèses politiques dont le vieillissement ne justifiait plus qu'on les opposât au point de devoir sacrifier l'une à l'autre. Après tout, si le récit était rédigé au moment du déclin ou de la chute de la dynastie des Jéhuides, vers l'époque d'Osée, le narrateur pouvait estimer, à bon droit, que le pour et le contre se neutralisaient dans le jugement qu'il fallait porter sur l'avènement de Jéhu, et que le moyen littéraire le meilleur pour exprimer cette vue des choses, à distance, que permettait le recul de l'histoire, c'était précisément l'ironie légèrement désabusée qui perce sous de nombreux passages du récit.
Nous avons essayé, dès notre thèse sur Amos, d'orienter l'interprétation du récit vers une autre perspective, celle du caractère exceptionnel de Jéhu lui-même, être pétri de contradictions internes, dont toutes cependant trouvaient leur solution et leur dépassement dans une politique rigoureusement programmée, dont l'exécution subtile mais obstinée expliquait et, en quelque sorte, appelait les incohérences et les complexités du récit lui-même. Nous avons conduit l'analyse jusqu'aux phases ultérieures du règne de Jéhu, et nous avons essayé de montrer que, là aussi, les revirements et les louvoiements s'expliquaient par l'effort de réaliser à tout prix cette même politique originelle; et ce que nous appelions le jéhuisme nous apparaissait alors comme l'inéluctable rançon des obstacles imprévus que rencontrait la réalisation de ce programme politique, la conséquence de coercitions historiques auxquelles Jéhu s'efforçait d'échapper, malgré tout, afin de maintenir intacts, jusqu'au bout, les principes d'antibaalisme qui l'avaient inspiré initialement, dès le premier moment de la révolte.
https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1966_num_21_2_421368 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Lun 04 Avr 2022, 11:51 | |
| L'embarras "moral" suscite en tout cas des trésors d'ingéniosité herméneutique et dramatique -- l'interprétation est aussi théâtrale, il y va du talent de l'interprète (Neher reste passionnant plus de cinquante ans après) et de la qualité du public (plus ou moins "bon public", de l'interprétation comme du texte).
Toujours est-il que cet indéniable aspect dramatique et tragicomique (ce serait le cas de parler comme Artaud de "théâtre de la cruauté") rapproche Jéhu de nombreux autres personnages (les Juges d'abord, de la ruse d'Ehoud qui tourne l'assassinat d'Eglon en farce scatologique et grand-guignolesque, le sang et la merde, à Samson qui meurt en scène avec son public, également dans le temple d'un dieu rival; mais aussi David). On remarquera en passant que l'hypocrisie et la ruse, avec tout ce qu'elles supposent de mise en scène et de jeu, prennent la relève du miracle (pas besoin de ruse chez Josué où Yahvé donne les massacres qu'il ordonne, mais des stratagèmes en pagaille dans les Juges où Yahvé n'intervient plus que par la ruse; à cet égard aussi le cycle de Jéhu tranche avec ceux, miraculeux, d'Elie et d'Elisée auxquels il est directement lié par la rédaction des Rois).
L'association classique du théâtre à la catharsis (purification, par le spectacle et la représentation scénique, des "passions" du spectateur qui n'aurait plus besoin de les "réaliser" dans "la vie réelle") doit évidemment tout à la (ou au) Poétique d'Aristote, sans préjudice de ses développements modernes, tant psychanalytiques que dramaturgiques (Neher ne cite pas Kafka qui s'est pourtant beaucoup intéressé, avec son ami Max Brod, au théâtre juif de Prague), mais à mon sens elle pose autant de problèmes qu'elle en résout: qui est "purifié" en fin de compte, l'auteur, l'acteur, le spectateur, ou les dieux qui sortiraient eux-mêmes changés du déchaînement de la violence, inséparablement divine et humaine ?
Dernière édition par Narkissos le Lun 04 Avr 2022, 12:20, édité 1 fois |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Lun 04 Avr 2022, 12:16 | |
| RÉCHABITES
Groupe d'extrémistes réactionnaires qui, dans l'Israël ancien, de Jéhu à Jérémie, représentèrent, dans la pratique, l'idéal de la prédication prophétique la plus intransigeante. On les connaît surtout par Jérémie (XXXV) qui, pour leur fidélité au yahvisme, les cite en exemple aux Judéens, lesquels n'avaient pas suivi les préceptes de leur Dieu, lorsque, sous Joakim, Nabuchodonosor envahit la Palestine. Pour des motifs religieux, les Réchabites refusaient la vie sédentaire et restaient à l'écart de toute civilisation ou culture, même celle du sol ; ils s'abstenaient de vin et n'allaient dans les villes que pour s'y réfugier en cas de danger. Selon Jérémie (XXXV, 6), ils étaient les descendants de Jonadab, fils de Réchab. Et d'après le IIe Livre des Rois (X, 15-17), ce Jonadab prit parti pour Jéhu dans sa lutte contre les survivants baalistes de la famille d'Achab à Samarie. Cet épisode permet de situer l'origine des Réchabites vers ~ 840.
Pour des raisons sérieuses de critique, il est difficile d'admettre que les Réchabites se rattachent aux Qénites, thèse qui s'appuie sur le Ier Livre des Chroniques (II, 55 et IV, 12).
https://www.universalis.fr/encyclopedie/rechabites/ |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Lun 04 Avr 2022, 12:42 | |
| Les Récabites de Jérémie correspondent surtout à un autre thème "prophétique" important: nomadisme, désert, etc., opposé(s) à l'installation sédentaire et à tout ce qui s'ensuit (prospérité agricole, artisanale et commerciale, villes, temples, monarchie, "culture" dans tous les sens du terme); à cet égard ils ressembleraient en effet aux Qénites = Caïnites, associés au culte de Yahvé (y compris par l'histoire de Caïn dans la Genèse) comme plusieurs ethnies ou régions du sud (Sinaï, Madian, Edom) -- la suite de Genèse 4 qui prête à la lignée de Caïn "nomade malgré lui" la fondation des villes, des techniques et des arts irait plutôt en sens contraire. En tout cas, même si elles n'ont aucune valeur historique ou ethnologique, les Chroniques montrent bien qu'on a pensé à faire le rapprochement. En revanche ce thème du nomadisme ne joue aucun rôle pour le Jonadab fils de Récab associé à Jéhu dans les Rois; c'est Jérémie qui renvoie au personnage de Jonadab fils de Récab (35,6.8.10.14), sans évoquer du tout Jéhu -- d'ailleurs dans le texte massorétique le nom n'est pas strictement identique, dans les Rois c'est Yehonadab et dans Jérémie Yonadab (pendant qu'on y est, on trouve aussi un Jonadab instigateur de la ruse d'Amnon en 2 Samuel 13; et un Récab non moins rusé, opportuniste, sanguinaire et qui finit mal, en 2 Samuel 4).
Dernière édition par Narkissos le Lun 04 Avr 2022, 13:58, édité 1 fois |
| | | free
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Lun 04 Avr 2022, 13:57 | |
| Comme nous l'avons vu, aucun roi du Nord n'est évalué positivement puisqu'ils servent tous Yhwh hors de Jérusalem, en particulier à Béthel. Par cette conduite, tous ces rois continuent de commettre "le péché de Jéroboam". Pourtant un changement intéressant se produit dans les formules d'évaluation. Les successeurs de Jéroboam de Nadab à Yoram, le dernier Omride, sont fondamentalement appréciés de la même façon : Ils imitent Jéroboam et/ou ses fautes, provoquant ainsi la colère de Yhwh. A partir de Jéhu jusqu'à Péqah, la même formule caractérise chaque roi : "il ne s'écarta pas des péchés que Jéroboam, fils de Nebath, avait fait commettre à Israël" (2 roi 15,24). Le dernier roi, Osée, "Il fit ce qui déplaisait au SEIGNEUR, non pas toutefois comme les rois d'Israël qui l'avaient précédé" (2 R 17,2). Les Dtr voulaient donc faire une différence entre les premiers neufs rois et les neufs suivants. Les premiers, spécialement les Omrides sont les pires ; dans l'HD la plupart d'entre eux sont la cible d'oracles d'annihilations ; la série qui commence avec Jéhu est un peu meilleure, probablement à cause de l'éradication de la dynastie des Omri par Jéhu. Le dernier roi Osée, n'est pas explicitement accusé d'avoir continué de commettre les péchés de Jéroboam ; dans le commentaire conclusif sur la fin d'Israël, tous les Israelites sont dits avoir "suivi tous les péchés que Jéroboam avait commis ; ils ne s'en sont pas écartés" (2 R 17,22).
Lien. |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Lun 04 Avr 2022, 14:44 | |
| Lien très précieux (pour ce que GoogleBooks en laisse apparaître). On remarquera dans la suite immédiate de ta citation quelques hypothèses intéressantes de Römer, par exemple sur le dernier de la liste (Osée), "moins pire" que ses prédécesseurs, comme si la révolte contre le suzerain assyrien, bien que (ou parce que ?) catastrophique, compensait en partie ce qui précède (à cet égard le Yaua de l'Obélisque noir de Salmanasar, qui paie le tribut à l'Assyrie, aurait beaucoup moins plu au rédacteur [deutéronomiste] que son Jéhu à lui...). |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Lun 04 Avr 2022, 16:43 | |
| L'Héritage cananéen dans le livre du prophète Osée
Tout le monde est d'accord pour voir dans le message du prophète Osée une des réactions les plus fermes contre la canaanisation de la religion d'Israël et une des tentatives les plus achevées de purification et d'approfondissement de la religion ancestrale ; il n'est donc pas étonnant de trouver dans son livre un certain nombre d'indications sur les cultes cananéens qui, ajoutées à ce que nous apprennent les sources archéologiques et littéraires de Canaan lui-même, nous permettent d'avoir une représentation plus nette des rites de fécondité qui en constituaient l'élément essentiel. Mais à la différence du Deutéronomiste qui prononce sur les cultes étrangers une condamnation globale et stéréotypique (cf. Deut. 12 2), Osée trouve à partir de ces rites l'occasion de formuler et de préciser sa propre pensée. La religion cananéenne avait la vie dure, et plusieurs tentatives ont été nécessaires pour arriver à l'extirper ou du moins à la neutraliser. Avant le grand mouvement représenté par le Deutéronome, nous avons dans le royaume du Nord au moins trois mouvements de réaction anticananéenne : au milieu du ix siècle, Elie prend occasion d'une sécheresse particulièrement éprouvante pour montrer la caducité du rythme saisonnier de la religion cananéenne et pour attribuer à Yahweh le pouvoir de donner la pluie, activité que beaucoup d'Israélites lui contestaient. En dépossédant ainsi Baal d'un de ses attributs essentiels au profit de Yahweh, Elie avait porté un très sérieux coup au prestige de Baal et contribué à l'élaboration d'une théologie de la création qui eût pleinement droit de cité au sein de la religion d'Israël. Le mouvement provoqué par Elie était demeuré dans l'immédiat isolé et n'avait pas gagné les milieux officiels : il en a été autrement du mouvement de réaction suscité par l'avènement de Jéhu ; l'antibaalisme de Jéhu systématiquement organisé était devenu affaire d'état et principe de gouvernement ; il lui manquait cependant une base spirituelle de sorte qu'il resta de surface et n'empêcha pas le peuple de pratiquer une sorte de syncrétisme : « Jéhu fit disparaître Baal d'Israël ; cependant il ne s'éloigna pas des péchés de Jéroboam fils de Nébat par lesquels il avait fait pécher Israël, les veaux d'or de Béthel et de Dan » (2. Rois 10 28-29), verset significatif qui prouve que si le baalisme avait disparu officiellement il n'en continuait pas moins à miner par l'intérieur la religion d'Israël. La réforme de Jéhu avait été soutenue par les Rékabites qui préconisaient une rupture avec le présent et un retour radical au passé : Revenez à la culture et au genre de vie sédentaire et tout ira bien, supprimez le nom de Baal et votre religion sera vraie. Osée use d'une méthode différente : pour lui la sédentarisation n'est nullement une infidélité, elle est dans la ligne du mouvement de l'histoire ; le temps du désert n'a pas été uniquement une période sans nuages puisque dès Baal Péor les Israélites ont succombé à la tentation du paganisme. A ses yeux la religion n'est pas dépendante d'un genre de vie particulier ; lorsqu'elle est communion avec Dieu, la situation extérieure, les régimes politiques ou économiques ne sauraient ni la susciter, ni l'empêcher. Etre sincèrement yahviste au sein d'une civilisation agricole, tel est le programme que se propose Osée ; mais pour cela il ne recourt ni à la violence d'Elie, ni aux principes réformateurs des Rékabites et des Jéhuides ; il procède selon une méthode que nous pourrions appeler homéopathique puisqu'elle consiste à assumer le mal pour le guérir. Osée descend dans l'arène du baalisme, il se salit littéralement les mains en engageant sa propre personne. Sans entrer ici dans le détail des problèmes soulevés par le mariage d'Osée, disons simplement que l'expérience personnelle du prophète a eu une influence décisive sur son message, encore que le partage entre ce qui est expérience réelle et symbolisme soit parfois difficile à faire ; il semble d'ailleurs qu'à l'heure actuelle on s'oriente dans le sens d'une interprétation «fluide » qui réduirait l'opposition entre partisans de l'interprétation réaliste et de l'interprétation allégorique grâce à l'explication rituelle de l'infidélité de l'épouse du prophète : la prostitution dont Gomer s'est rendue coupable est d'ordre sacré, soit qu'elle ait passé par un rite unique d'initiation, soit qu'elle ait fait partie du personnel sacré d'un sanctuaire. Derrière cette pratique de la prostitution sacrée, se cachait un mythe qu'elle était chargée d'actualiser et dont nous mesurons de plus en plus l'extension dans l'ensemble du monde oriental, le mythe du mariage sacré entre un dieu et une déesse parèdre. C'est sans doute à la lumière de ce mythe actualisé par le rite qu'il faut entendre le mariage du prophète : déjà prophète lorsqu'il reçoit l'ordre mystérieux de son mariage, donc homme de Dieu et représentant de Dieu sur la terre, le prophète doit illustrer un des aspects les plus profonds de cette vie de Dieu ; il doit vivre le mythe, mais en le vivant il lui enlève son pouvoir dissolvant et son aspect immoral. Dieu a une épouse, mais cette épouse n'est pas comme dans le mythe une déesse, mais le peuple d'Israël dans son ensemble ; or, dans ce mariage le peuple s'est montré un partenaire indigne, aussi ce mariage sera-t-il une rupture suivie d'un remariage, mais le rétablissement qui suivra la rupture ne sera pas le résultat d'un mouvement cyclique comme dans le mythe du hieros gamos, mais une nouvelle création. On peut dire qu'Osée fait subir au rite cananéen du mariage sacré une double transformation : d'une part il le transpose du domaine de la nature dans celui de l'histoire et transforme le phénomène saisonnier en un événement unique ; il lui apporte d'autre part une intériorisation en montrant que l'amour n'est vrai que lorsqu'il repose sur l'union de deux volontés, ce qui évidemment n'était pas le cas dans le mythe du hieros gamos ; nous assistons donc à la suppression du mythe par son dépassement. Dans le mariage sacré le but était d'assurer la fécondité : toutes les pratiques de prostitution cultuelle, sacrifice de la virginité ou des prémices de la virilité, etc... devaient permettre aux lois de la reproduction de s'exercer sans danger et avec le maximum d'efficacité. Le mariage d'Osée n'échappe pas à cette loi : sa femme lui enfante trois enfants qui dans l'application symbolique ne jouent qu'un rôle très effacé, mais dont les noms rappellent certains thèmes du mariage sacré. Le premier s'appelle Yizréel, Dieu sème, nom tout à fait caractéristique pour un enfant issu d'un mariage qui doit représenter un hieros gamos. Bien qu'Osée mette surtout l'accent sur la signification de ce nom dans l'histoire contemporaine, il n'oublie pas que l'origine de ce nom est probablement liée aux mariages rituels fréquents dans cette région célèbre comme siège de la fertilité et comme lieu de passage et dont nous trouvons encore un écho dans le livre de Zacharie parlant des lamentations sur Hadad Rimmon dans la plaine de Mégiddo C Zach . 12 n) ...
https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1963_num_43_3_3744 |
| | | Narkissos
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Lun 04 Avr 2022, 18:20 | |
| Lien corrigé. A première vue, cet article d'E. Jacob (1963) ne semble pas avoir beaucoup de rapport au présent sujet -- s'il s'agit ici du ou des livres des Rois, et non d'Osée; l'Osée que je mentionnais dans mon post précédent était le dernier des rois d'Israël, dont parlait Römer, non le Prophète-livre du même nom (sur lequel il faudrait voir plutôt ce fil le cas échéant); il est vrai que le livre d'Osée parle aussi de Jéhu, mais dans une perspective opposée à celle des Rois, comme on l'a déjà remarqué plus haut (31.3.2022). Par-delà les erreurs de détail manifestes (p. ex. "sédentaire" pour "nomade", dans l'extrait ci-dessus), cet article me semble surtout témoigner du poids considérable qu'avait encore, il y a soixante ans, "l'histoire sainte" dans les "sciences bibliques" au plus haut niveau -- à cet égard il y a bien un rapport avec l'"historiographie biblique" en général: toute l'idée d'une "religion d'Israël" essentiellement distincte depuis l'origine, affrontant une "religion cananéenne" hétérogène, "étrangère" quoique autochtone, par des attitudes allant de l'extermination à l'assimilation ou au syncrétisme, est une pure fiction produite par le "grand récit biblique" (Patriarches-Egypte-Exode-Conquête-Juges-Rois-Exil-Restauration). Ce récit, il ne faut surtout pas chercher à le corriger ou à le nuancer en fonction de données "historiques" (p. ex. archéologiques), mais le séparer de l'"histoire" tout court, si l'on veut comprendre quelque chose à celle-ci d'une part, et aux textes "bibliques" d'autre part. Soit une (petite) "révolution copernicienne" qui n'a atteint les "sciences bibliques" francophones que dans les décennies suivantes (du moins en ce qui concerne l'AT, car pour le NT la "révolution" serait toujours à faire), et mettra sans doute encore longtemps à atteindre la plupart des lecteurs de la Bible, si elle les atteint jamais. |
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| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mer 06 Avr 2022, 11:14 | |
| "Il fit ce qui convenait au SEIGNEUR et suivit en tout la voie de David, son père. Il ne s'en écarta ni à droite ni à gauche" (2 R 22,2).
"Il n'y eut jamais avant lui de roi qui, comme lui, revînt au SEIGNEUR de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa force, selon toute la loi de Moïse ; et après lui, il ne s'en est jamais levé de semblable" (2 R 23,25).
Ces éloges qui sont formulés à l'adresse du roi Josias font de lui, l'archétype du roi selon le cœur de Dieu, apparemment le règne de ce roi est totalement positif. De tels éloges ne laissent pas présager la mort du roi Josias, telle qu'elle est rapportée dans le texte :
"En ses jours, le pharaon Néko, roi d'Egypte, partit en campagne contre le roi d'Assyrie, vers l'Euphrate. Le roi Josias marcha à sa rencontre ; le pharaon le fit mettre à mort à Meguiddo dès qu'il le vit" (2 R 23,29).
Ce texte succinct décrit d'une manière brutale et inattendue la mort du roi Josias sans donner d'explications particulières. Le texte poursuit en mentionnant simplement que le roi reçut une sépulture et nous laisse dans le questionnement.
2 Ch 35 nous propose une version plus détaillée de ce récit :
"Après tout cela, après que Josias eut rétabli la Maison, Néko, roi d'Egypte, alla faire la guerre à Karkemish sur l'Euphrate. Josias sortit à sa rencontre. Néko lui envoya des messagers pour lui dire : Pourquoi te mêles-tu de mes affaires, roi de Juda ? Ce n'est pas contre toi que je viens aujourd'hui ; c'est contre une maison avec laquelle je suis en guerre. Dieu m'a dit de me hâter. Ne t'oppose pas à Dieu, qui est avec moi, de peur qu'il ne te détruise. Mais Josias ne se détourna pas de lui, et il se déguisa pour le combattre sans écouter les paroles de Néko, qui venaient de la bouche de Dieu. Il vint pour combattre dans la vallée de Meguiddo. Les archers tirèrent sur le roi Josias, et le roi dit à ses hommes : Emportez-moi, car je suis grièvement blessé. Ses hommes le prirent de son char et le mirent sur le second de ses chars pour l'amener à Jérusalem. Il mourut et fut enseveli dans le tombeau de ses pères. Tout Juda et Jérusalem prirent le deuil de Josias" (2 Ch 35, 20-24).
Pharaon Néko souligne qu'il est envoyé par Yhwh mais le récit poursuit en précisant : "Mais Josias ne se détourna pas de lui, et il se déguisa pour le combattre sans écouter les paroles de Néko, qui venaient de la bouche de Dieu". La mort du roi Josias apparait dans ce texte être la conséquence d'une faute. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mer 06 Avr 2022, 11:58 | |
| Entre les Rois et les Chroniques, la conception théologique de la "rétribution" a changé, elle est devenue plus strictement individuelle: pour expliquer la mort violente de Josias, il faut qu'il ait commis une "faute", de type "religieux" (en l'occurrence un manque de foi dans une "parole de Dieu", fût-ce dans la bouche du "pharaon" devenu "prophète"; on notera quand même qu'il parle de "d/Dieu", 'elohim, et non de Yahvé, 2 Chroniques 35,21). Cf. a contrario le "mauvais" Manassé à qui les Chroniques doivent inventer une "repentance" pour expliquer son long règne et sa fin paisible.
D'un point de vue historico-politique, c'est plus compliqué, puisque l'empire assyrien s'est déjà effondré (prise d'Assour par les Mèdes en 614, de Ninive par les Mèdes et les Babyloniens en 612, avant la bataille de Méguiddo, en 609, où mourrait Josias): l'Egypte se porterait plutôt au secours de ce qui reste des forces assyriennes contre l'empire néo-babylonien, ce qui se soldera par une défaite définitive de l'Egypte et de l'Assyrie devant Babylone à Karkemish (605, cf. 2 Chroniques 35,20 qui fait déjà de Karkemish la destination de Néko); en 609 elle vise peut-être seulement à rétablir sa domination sur la région intermédiaire, à l'ouest de l'Euphrate (Judée comprise), mais Babylone ne lui en laissera pas le loisir (tout ce contexte historique, géographique et politique est perdu de vue dans les Rois). Toujours du point de vue historique, en tentant de barrer la route à Néko Josias se comporterait déjà en allié-vassal (au moins "objectif") de Babylone, à moins qu'il ne cherche seulement à maintenir l'autonomie de Juda en résistant à l'Egypte. Par ailleurs, le récit de sa mort dans les Chroniques s'inspire visiblement de celle d'Achab en 1 Rois 22,29ss // 2 Chroniques 18,28ss. Dans le cadre des Rois, la mort précoce de Josias serait plutôt une faveur, quoique son caractère violent s'accorde mal avec cette idée (cf. 2 Rois 22,20; raison de plus pour la "correction" des Chroniques); du reste sa mort est plutôt décrite comme une exécution (sens habituel de mwt au hiphil) que comme un "fait de guerre" en 2 Rois 23,29. |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mer 06 Avr 2022, 12:45 | |
| - Citation :
- Entre les Rois et les Chroniques, la conception théologique de la "rétribution" a changé, elle est devenue plus strictement individuelle: pour expliquer la mort violente de Josias, il faut qu'il ait commis une "faute", de type "religieux" (en l'occurrence un manque de foi dans une "parole de Dieu", fût-ce dans la bouche du "pharaon" devenu "prophète"; on notera quand même qu'il parle de "d/Dieu", 'elohim, et non de Yahvé, 2 Chroniques 35,21). Cf. a contrario le "mauvais" Manassé à qui les Chroniques doivent inventer une "repentance" pour expliquer son long règne et sa fin paisible.
J'avais oublié cet épisode du livre des Chroniques qui relate le fait que Dieu ait parlé par l'intermédiaire d'un roi étranger, le Chroniste, à l'instar des prophètes pense que Dieu peut révéler sa volonté par des rois étrangers ou agir par leur intermédiaire, ainsi pour les prophètes l'Assyrie est "gourdin de la colère" de YHWH (Is 10,5), Nabuchodonosor le "serviteur" de Dieu (Jr 25,9), et Cyrus le "berger", le "messie" de YHWH (Is 44,28 ; 45,1). |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mer 06 Avr 2022, 13:44 | |
| J'ai aussi beaucoup oublié les textes d'allure "historique" -- sans doute par un réflexe gardé de l'école primaire, où chaque "leçon d'histoire" chassait la précédente, du moins chez ceux qui, comme moi, n'aimaient pas l'histoire. Quoi qu'il en soit aujourd'hui tout le savoir, le "biblique" comme l'"historique", est à la portée d'un simple clic, pour les mauvais élèves comme pour les bons (tout au plus sait-on plus ou moins quoi et où chercher).
Le point de vue "sacerdotal", et plus largement "religieux" des Chroniques, est en effet bien moins "particulariste" que celui du Deutéronome et de Samuel-Rois: témoin aussi d'une époque apaisée vers la fin de l'empire perse et/ou au début de l'époque hellénistique (avant la crise maccabéenne). On y retrouve certains traits d'un "monothéisme inclusif" comme celui des Patriarches de la Genèse (le Pharaon d'Abraham ou de Joseph, Abimélek, Melchisédeq), ou même des premiers récits de Daniel (où le d/Dieu de Daniel n'est pas étranger à Nabuchodonosor, Belshatsar ou Darius): tout le monde a au fond le même "d/Dieu" (suprême) en dépit de noms et de cultes différents, il n'a plus besoin d'être spécialement "vengeur" ou "sauveur" (d'Israël, de Juda, de Jérusalem, etc.) pour paraître universel. |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mer 06 Avr 2022, 15:15 | |
| "Je te réunirai à tes pères, tu seras recueilli en paix dans ton tombeau, et tes yeux ne verront pas tout le malheur que je ferai venir sur ce lieu et sur ses habitants. Ils rapportèrent cette réponse au roi" (2 Ch 34,28).
La mort brutalement de Josias réalisa la prophétie du texte ci-dessus, il ne vit pas la chute de Jérusalem et ne connut pas le malheur de l'exil. Notons que le livre des Chroniques fait mourir Josias à Jérusalem plutôt qu'à Megiddo comme dans le livre des Rois.
La longue vie et la mort tranquille du roi Manassé posent question. Comment un roi qui "égara Juda et les habitants de Jérusalem, de sorte qu'ils firent plus de mal que les nations que le SEIGNEUR avait détruites devant les Israélites" (2 Ch 33,9) put-il connaître un règne si long, signe de bénédiction ?
Le livre des Chroniques donne une explication en racontant la conversion de Manassé, épisode inconnu dans le livre des Rois :
"Lorsqu'il fut dans la détresse, il chercha à apaiser le SEIGNEUR, son Dieu ; il s'humilia profondément devant le Dieu de ses pères. 13Il pria le SEIGNEUR, et celui-ci se laissa fléchir ; il entendit sa supplication et le ramena à Jérusalem, dans son royaume. Ainsi Manassé sut que c'est le SEIGNEUR (YHWH) qui est Dieu" (2 Ch 33,12-13).
Pour le Chroniste Manassé n'est pas le pire des rois qu'Israël ait connu et Josias n'est pas exempt de toute faute.
Un troisième récit de la mort de Josias est raconté dans le 1 Esdras :
Mort de Josias
"Après toute cette action de Josias, il arriva que le Pharaon, roi d’Egypte, suscita une guerre à Karkémish, sur l’Euphrate, et Josias sortit à sa rencontre. Le roi d’Egypte envoya des messagers pour lui dire : « Qu’y a-t-il entre nous, roi de Judée ? Ce n’est pas contre toi que j’ai été envoyé par le Seigneur Dieu, car c’est sur l’Euphrate qu’est ma guerre. Aujourd’hui le Seigneur est avec moi, et le Seigneur qui est avec moi est pressant : éloigne-toi et ne t’oppose pas au Seigneur. » Josias ne fit pas faire demi-tour à son char, mais il cherchait à guerroyer contre le Pharaon et il ne prêta pas attention aux propos que le prophète Jérémie avait reçus de la bouche du Seigneur, mais il l’attaqua dans la plaine de Meguiddo, et les chefs descendirent contre le roi Josias. Le roi dit à ses serviteurs : « Eloignez-moi du combat, car j’ai été grièvement touché. » Aussitôt ses serviteurs l’éloignèrent du rang de bataille, et il monta sur son deuxième char. Une fois transporté à Jérusalem, il passa de vie à trépas et fut enseveli dans le tombeau de ses pères. Dans toute la Judée on observa le deuil de Josias, et le prophète Jérémie composa sur lui des lamentations, et ceux qui siègent au premier rang, avec les femmes, se lamentèrent sur lui jusqu’à ce jour : on publia qu’il en serait toujours ainsi pour toute la descendance d’Israël. L’histoire de ces événements est écrite dans le livre des rois de Judée, et celle de l’action de Josias – sa gloire, son intelligence dans la Loi du Seigneur, ses actes précédents et les actes de maintenant – est détaillée dans le livre des rois d’Israël et de Juda" (Ch 1,23-31).
Ce récit suit de près celui du livre des Chroniques, le Pharaon se dit explicitement "le Seigneur est avec moi". Un point intéressant, en 1 Esdras, la parole que dit Néko à Josias lui a été dite par Dieu par l'intermédiaire du prophète Jérémie. |
| | | Narkissos
Nombre de messages : 12457 Age : 65 Date d'inscription : 22/03/2008
| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mer 06 Avr 2022, 16:31 | |
| Je ne sais pas d'où tu tires ta citation, mais à toutes fins utiles on appelle généralement 3 Esdras, en français (d'après la numérotation usuelle de la Vulgate), le livre que l'on nomme 1 Esdras en anglais (d'après les éditions principales de la Septante, où Esdras-Néhémie correspond à 2 Esdras; on distingue aussi en anglais "Ezra", pour le livre canonique associé à Néhémie, d'"Esdras" pour les non-canoniques du point de vue protestant et catholique; cf. p. ex. ici, 1=3 Esdras chap. 1). Bien que les notices du livre de Jérémie rattachent le début de l'activité "prophétique" de Jérémie au règne de Josias (1,2; 3,6), le livre ne comporte pas d'oracle à Josias ni de référence à la mort de ce dernier -- du reste, si l'on devait prendre au sérieux les indications "bibliques" relatives à la "réforme de Josias" d'une part, et à "Jérémie" d'autre part, il y aurait plutôt antagonisme entre les deux, la centralisation du culte à Jérusalem écartant du sacerdoce le "prêtre d'Anatoth" associé par ailleurs à la lignée d'A/Ebiathar (Jérémie 1,1 etc.; cf. 1 Rois 2,26). Par contre, il y a une lamentation de Jérémie sur (la mort de) Josias dans 2 Chroniques (35,25). |
| | | free
Nombre de messages : 10100 Age : 63 Date d'inscription : 21/03/2008
| Sujet: Re: Rois - obéissant/désobéissant - faveur/défaveur Mer 06 Avr 2022, 16:49 | |
| Le Siracide dépeint dans un langage imagé Josias comme étant avant tout une roi réformateur qui convertit les peuples et supprima les idoles :
"Le souvenir de Josias est un mélange aromatique, préparation due au travail du parfumeur. Dans toutes les bouches il est comme du miel, comme une musique dans un banquet arrosé de vin. Il suivit la voie droite en convertissant le peuple et il supprima les horreurs impies. Il dirigea son cœur vers le Seigneur, en des jours impies il fortifia la piété" (Si 49,1).
Voir aussi "L'éloge de la Sagesse (Siracide 24)", même si cela n'a pas un lien direct avec notre sujet (pour le plaisir) :
À la différence des autres sages, Ben Sira utilise beaucoup le thème du souvenir. À côté de plusieurs emplois strictement liturgiques (Si 35 (32), 6; 38,11; 45,16), on trouve ce texte si proche par les images de 24,20 : « Le souvenir de Josias est une mixture d'encens préparée par les soins du parfumeur, il est comme le miel doux à toutes les bouches » (Si 49,1).
https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1974_num_5_3_1333 |
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